9. Le contrat de bail A. Les choses louables Comme la vente, le bail peut porter sur toutes sortes de choses. En visant les biens meubles ou immeuble, l’article 1713 pourrait laisser penser qu’il s’agisse de biens corporels, mais tel n’est pas le cas. Bien sûr, le bail porte le plus souvent sur de tels biens : terres, bâtiments, véhicules, animaux. Mais les bien incorporel peuvent aussi être loués, comme un fond de commerce, un droit de brevet ou de marque (on parle alors d’une licence). La seule condition, qui résulte de l’objet même du contrat, est qu’il soit possible d’user de la chose, mais cette jouissance est très variable selon la nature de la chose (on peut louer un tableau pour le contempler, le copier ou l’exposer). La loi interdit de louer des biens et des droits hors du commerce. Ainsi on ne saurait donner en location des biens essentiellement personnels (par exemple droits d’autorité parentale, droits ex patrimoniaux comme le droit à l’image ou les droits de l’auteur, etc.). Cette idée explique que le bail est conclu au sujet des personnes. Se donner soi-même en location constitue en réalité un contrat de travail ou d’entreprise, car on lou ses services, non sa personne. B. La jouissance Le bail ne se conçoit que pour assurer au locataire la jouissance de la chose, ce qui implique d’abord que cette chose soit mise à sa disposition, ensuite qu’il puisse en tirer profit, enfin qu’elle soit restituable. La jouissance de la chose doit pouvoir se faire sans consommer sa substance, car la location implique une restitution en fin de contrat. Le bail est donc inconcevable lorsque la chose est consomptible par le premier usage. On ne peut pas louer une bouteille de vin (sauf pour l’exposer dans la boire). Mais le bail permet au locataire de consommer les fruits de la chose louée. C. La durée Le bail est par nature un contrat à exécution successive, ce qui implique un élément de durée. La durée convenue peut être brève : on peut louer un logement pour quelques jours, une voiture pour quelques heures, un emplacement de parking pour quelques minutes. Même brève, cette durée assure au locataire une certaine stabilité, car on ne peut lui enlever la jouissance pendant ce temps. Et si la durée n’est pas précisée, la fin de cette jouissance devra être précédée d’un avertissement préalable. D. Le prix Comme la vente, le bail est par essence un contrat onéreux : il n’y a pas de bail sans prix et la jouissance de la chose doit nécessairement avoir une contrepartie. E. Les effets du bail a) Les obligations du bailleur Le bailleur est obligé, par la nature du contrat, et sans qu’il soit besoin d’aucune stipulation particulière : - de délivrer au preneur la chose louée, - d’entretenir cette chose en état de servir à l’usage pour lequel elle a été louée, - d’en faire jouir paisiblement le preneur pendant la durée du bail. Le bailleur doit, pendant le cours du bail, « entretenir la chose en état de servir à l’usage pour lequel elle a été louée » (art. 1719), ce qui implique de faire « toutes les réparations qui peuvent devenir nécessaires, autre que locatives » (art. 1720). Les réparations locatives sont celles de « menu entretien » (art. 1754) qui correspondent à l’usage courant de la chose. Tout ce qui est plus important et tient à la structure de la chose est donc la charge du bailleur : par exemple, pour la voiture, le bailleur supportera les pannes de moteur, pour un bâtiment le ravalement, les réparations de toiture ou des murs. Le défaut d’entretien engage la responsabilité contractuelle de bailleur, qui répondra des dommages consécutifs, comme par exemple d’inondations dues à un mauvais entretien des canalisations du moins qu’il avait été averti de la nécessité d’intervenir. b) Les obligations du locataire (preneur) Le preneur est tenu de deux obligations principales : - d’user de la chose louée en bon père de famille, et suivant la destination qui lui a été donnée par le bail, ou suivant celle présumée d’après les circonstances, à défaut de convention, - de payer le prix du bail aux termes convenus (art. 1728). Si le preneur emploi la chose louée à un autre usage que celui auquel elle a été destinée, ou dont il puisse résulter un dommage pour le bailleur, celui-ci peut, suivant les circonstances, faire résilier le bail (art. 1729). Le preneur répond des dégradations ou des pertes qui arrivent pendant sa jouissance, à moins qu’il ne prouve qu’elles ont eu lieu sans sa faute. Il répond de l’incendie, à moins qu’il ne prouve : - que l’incendie est arrivée par cas fortuit ou force majeure, ou par vice de construction, - ou que le feu a été communiqué par une maison voisine. Le preneur est tenu des dégradations et des pertes qui arrivent par le fait des personnes de sa maison ou de ses sous-locataires (art. 1730, 1732, 1735). E. Extinction du bail a) Bail à durée déterminée Lorsque la durée a été stipulée, le principe est que le bail se poursuit nécessairement jusqu’au terme prévu. Il n’est pas éteint par le décès d’une des parties et se transmet donc à leurs héritiers, ni par la dissolution d’une personne morale (sauf dispositions spécifiques de certains statuts spéciaux). Le bail à durée déterminée ne peut pas être rompu pendant la durée prévue par volonté unilatérale d’une partie, sauf dans le statut spécial des baux d’habitation (où le locataire peut résilier tout moment en respectant un préavis de trois mois). Mais une résiliation amiable anticipée reste possible en toutes matières. b) Bail à durée indéterminée Comme tout contrat à durée indéterminée, le bail peut alors prendre fin par résiliation unilatérale de la part du bailleur ou du preneur. L’acte qui signifie à l’autre partie cette volonté de résiliation unilatérale se nomme un congé. En droit commun, le congé n’est soumis à aucune forme particulière, pourvu qu’il puisse être prouvé, et n’a pas à être motivé. Le congé ne peut pas produire un effet immédiat : il doit respecter un certain délai pour permettre à l’autre partie de prendre ses dispositions (au locataire de chercher un autre bien, au bailleur de chercher un nouveau locataire). Durant ce délai, le contrat est encore en cours et le loyer continue à être dû, même si le locataire a quitté les lieux. La fin du bail oblige le locataire à restituer la chose dans l’état où il l’a reçue : il répond donc en principe des dégradations , sauf à prouver qu’elle sont dues à la force majeure, à un défaut d’entretien de la part du bailleur ou encore à la simple vétusté. Pour pouvoir comparer l’état de restitution avec l’état initial, il est bon d’établir à l’origine un « état des lieux ». A défaut, l’article 1731 édicte une présomption sévère pour le locataire : il est présumé avoir reçu la chose en bon état et doit la rendre telle, mais cette présomption est susceptible de preuve contraire. Sources bibliographiques et autres : TOMAŠČÍNOVÁ, Jana. Introduction au français juridique. Úvod do právnické francouzštiny. Univerzita Karlova v Praze. Praha, 2011.