ACTE II C'est la fin du diner. lis sont tous les cinq assis autour de la table. lis vont se lever successivement. Robert et Bernard commenceront a empiler les assiettes sur un plateau. Robert rassemblera les bouteilles vides qui sont des bouteilles de champagne et qui ont remplace les bouteilles de Bordeaux pleines qui itaient au debut du repas. Brigitte 1 rassemble les verres, Brigitte21es couverts, Jacqueline commence a plier la nappe. ROBERT. — A I'encontre de mon camarade Confucius, je n'attendrai pas demain pour vous dire si j'ai bien dine ! C'etait parfait! JACQUELINE. — Ah, vous trouvez, vraiment ? BRIGITTE 2. — Ah oui, ca delicieux ! BERNARD. — Superbe! J'ai beaucoup trop mange ! JACQUELINE. — Ce qui prouve que quand il y en a pour trois, il y en a pour cinq ! 101 brigitte 1. — Heureusement que vous aviez compte large ! jacqueline. — Oui, n'est-ce pas ? Heureusement ! bernard. — Bon, alors on va se debarrasser de cette vaisselie le plus vite possible pour passer aux choses serieuses ! jacqueline. — Aux choses serieuses ? bernard. — Eh bien ! oui, aux digestifs ! (II sort cuisine avec les assiettes.) brigitte 1. — Ah ! comme digestifs, les liqueurs c'est bien ! Robert. — Oui! Eh bien ! on verra quand on aura range tout ca ! (II sort egalement cuisine.) brigitte 1. — II n'y a qu'a l'entasser dans la machine ! jacqueline. — Si elle est la, c'est bien pour ga ! brigitte 1. — Je me disais aussi qu'elle devait servir a quelque chose ! (Elle sort egalement) voix de robert. — Eh bien ! qu'est-ce que tu attends ? (Bernard rentre.) bernard. — Finalement, je crois que c'est mon smoking qui est trap petit! robert. — Oui, moi aussi, le mien j'ai ['impression qu'il me saucissonne ! bernard. — C'est tout a fait ca ! Non seulement, je suis engonce la-dedans mais en plus je creve de chaieur ! (A Robert.) Pas toi ? robert. — Oui, oui... on a perdu 1'habitude de ces trucs-la ! bernard. — Oui, alors je vais aller me mettre carrement a mon aise ! Si qa ne t'ennuie pas ! jacqueline. — Non, pas du tout! (A Robert.) Vous pouvez en faire autant si vous voulez! robert. — Oh ! je ne sais pas si je... jacqueline. — Mais oui ! Mais oui ! Comme ga, vous serez pret! Bernard. — Pret a quoi ? Jacqueline. — Pret a quoi ? Je ne sais pas ! Pret pour la nuit, quoi ! bernard. — C'est tout a fait ce que je pense ! J'y vais ! (II sort 1 jardin.) robert, a Jacqueline. — Si je peux vous aider a quelque chose... jacqueline. — Mais non, mais non ! Allez done vous mettre a votre aise ! robert. — Bon ! Eh bien ! si vous le dites... jacqueline, peremptoire. — Si je le dis, c'est que j'y tiens ! robert. — Oui, oui, je vois ! alors j'ob&s ! (II sort 1 cour. Brigitte 1 rentre de la cuisine.) brigitte 1. — Voila ! Les assiettes y sont! II ne manque que les verres et les couverts! brigitte 2. — Je vais les mettre ! 102 103 BRIG1TTE 1. — Mais non ! Mais non ! J'ai une telle habitude de tout ca ! BR1GITTE 2. — Ah ! ca stirement! brigitte 1. — Justement! Moins que moi! Et puis alors mettre la machine en route et l'entendre chanter, j'adore ! C'est beau comme du Mozart! Jacqueline. — Eh bien ! alors, allez-y ! Moi je finis de ranger ca avec elle ! brigitte 1. — Voila ! Comme ca, chacune dans notre coin, on ne sentira pas 1'effort! (Brigitte 1 sort cuisine.) brigitte 2. — Vous ne voulez vraiment pas que faille Taider ? Jacqueline. — Ah ! non, laissez-la ! j'ai deja eu assez de mal a me contenir pendant tout le diner pour ne pas exploser! brigitte 2. — Pour ne pas.,. ? Jacqueline. — Oui! brigitte 2. — Mais pourquoi ? jacqueline. — Pourquoi ? Est-ce que vous avez deja vu une idiote ? brigitte 2. — Une.,. ? jacqueline. — Oui! Je dirais meme une belle idiote ! Enfin ce qui se fait de mieux dans le genre, vous voyez ? brigitte 2. — Pas tres bien ! 104 jacqueline. — Bon ! Alors, je vais vous aider ! Si cette idiote se trouvait nez a nez avec la maTtresse de son man... brigitte 2. — Non, mais ecoutez, il faut que je vous dise... jacqueline. — Oui, c'est ca ! Dites-le ! Dites-moi 1'attitude que je devrais avoir ! brigitte 2. — Eh bien ! c'est-a-dire que c'est... enfin c'est tres genant! Jacqueline. — Quoi done ? brigitte 2. — Eh bien, je ne m'attendais pas a ce que vous me parliez avec cette franchise... jacqueline. — Oh ! ca ne sert a rien de toumer autour du pot, n'est-ce pas? brigitte 2. — Non, non, bien sur! jacqueline. — Alors, d'apres vous, comment est-ce que je devrais reagir ? brigitte 2. — C'est tellement delicat !... Jacqueline. — Quoi done ? brigitte 2. — Mettez-vous a ma place ! jacqueline. — Mais non ! Au contraire ! C'est moi qui vous demande de vous mettre a la mienne ! brigftte 2. — Oui, enfin je veux dire, c'est sur que de toute facpn je n'aurais pas du venir! jacqueline. — Qu'est-ce que ca changerait ? 105 brigitte 2. — Eh bien ! n'est-ce pas, je ne me trouverais pas comme ga devant vous... dans cette situation... impossible ! jacqueline. — Eh bien ! essayez d'imaginer que ce n'est pas vous ! Brigitte 2. — Pas moi ? jacqueline. — Oui! Ce n'est pas vous qui seriez lá si 1'agence m'avait envoyé une autre femme de menage ! brigitte 2. — Une autre femme de menage ? jacqueline. — Oui! Mors, c'est á 1'autre que j'aurais posé ma question ! Brigitte 2. — Laquelle ? jacqueline. — Eh bien ! si vous étiez moi, qu'est-ce que vous feriez vis-á-vis de la niece de Robert ? Brigitte 2. — De la niece de Robert ? jacqueline. — Ah ! oui, c'est vrai! Vous n'etes pas au courant! Eh bien ! Brigitte, celle qui est lá... (elle designe la porte de /a cuisine)... c'est sa niece ! Brigitte 2. — De Robert ? jacqueline. — Oui ! brigitte 2. — Mais enfin, voyons, elle ne peut pas étre sa niece puisqu'elle est la... jacqueline. — Ah ! oui, oui, oui! Vous avez cm comme moi qu'elle était sa maitresse ! Brigitte 2. — C'est-a-dire que... jacqueline. — Mais non ! En realite, c'est sa niece ! brigitte 2. — La femme de menage ? jacqueline. — Ah oui, ca je suis d'accord avec vous, elle en a tout ä fait l'air! Eh bien ! c'est la maitresse de mon mari ! Brigitte 2. — Quoi ? Jacqueline. — Oui! Brigitte 2. — Mais ce n'est pas possible ! jacqueline. — Comment, pas possible ? ii couche avec elle ! brigitte 2. — Bernard ? ! Enfin, je veux dire, votre mari ? ! jacqueline. — Absolument, j'en ai la preuve ! brigitte 2. — La preuve ?! Jacqueline. — Indiscutable! brigitte 2. — Ah, le salaud ! jacqueline. — Eh bien ! voilä ! C'est exactement la reponse que j'attendais ! brigitte 2. — Ah ! oui, alors ! Me faire ca ä moi! Jacqueline. — A vous ? brigitte 2. — Oui! Enfin, non, ä vous ! Mais comme je me suis mise ä votre place... j'y suis ! Alors, je dis ä moi comme si c'etait vous ! Qa alors, quel salaud! jacqueline. — Oui, eh bien ! c'est tres gentil de participer ä ce point-lä, mais... calmez-vous ! 106 107 brigitte 2. — Ah ! me calmer, oui, oui, d' accord, mais enfin si je m'enerve c'est pour vous ! Parce qu'il nous... enfin, il vous trompe, il ne faut quand meme pas l'oublier! jacqueline. — Mais je ne pense qu'ä 9a ! Alors, qu'est-ce que vous feriez ä ma place ? brigitte 2. — A mon avis, je vous parle comme si c'etait moi, hein ? ! Jacqueline. — Oui, oui! brigitte 2. — Eh bien ! faites ä voire man ce qu'il vous a fait! jacqueline. — Vous voulez dire que... brigitte 2. — Oui! Et si ga ne repare pas les degäts, au moins ga compensera ! En vous vengeant, vous vengerez toutes les idiotes de la terre ! jacqueline. — Cest-a-dire que... entre nous... c'est fait! brigitte 2. — Non ? ! jacqueline. — Si! Je me suis dejä vengee, par... anticipation ! brigitte 2. — Ah oui ? Bon ! Alors, en effet!! Enfin, ce n'est pas parce que vous avez pris de l'avance, que votre man ne doit pas supporter les consequences de ce qu'il a fait! jacqueline. — Oui, c'est tres juste ! Ce n'est pas parce que je le trompe, que ga lui donne le droit de me tromper ! brigitte 2. — II ne manquerait plus que ca ! 108 jacqueline. — Oui! Ce serait quand meme le comble ! (Bernard entre de 1 jardin en pyjama.) bernard. — Alors, ga va comme vous voulez ? (Brigitte 2 et Jacqueline sont tout sourire.) jacqueline. — Ah ! oui, oui, oui! Tres, tres, tres, tres bien ! (A Brigitte 2.) N'est-ce pas ? brigitte 2. — Oui, oui! Mieux, ce n'est pas possible ! bernard. — Eh bien ! alors, si tout baigne ! jacqueline. — Ca pour baigner, ga baigne ! (S'apercevant qu'il est en pyjama ) Ah ! mais je vois que toi aussi tu es pret a te baigner! bernard. — C'est-a-dire que... je suis nettement mieux comme ga ! C'est pas mal, non ? jacqueline. — Ah oui! Qa, tu es tres bien ! Tres tres bien ! bernard. — Et puis je me sens libere, quoi! jacqueline. — Eh bien ! tu as de la chance ! bernard. — C'est vrai! Apres un diner habille, on peut se detendre un peu ! jacqueline. — Dans le fond, tu as raison ! Je ne vois pas pourquoi je ne me detendrais pas autant que toi! bernard. — C'est ce que je dis ! C'est une soiree entre amis ! jacqueline, avec un drole d'air. — Quasiment intime ! 109 bernard. — Voilä ! Quasiment! Mors, aucune raison de faire des manieres ! jacqueline. — Non ! Vraiment aucune ! bernard, ä Brigitte 2. — A moins que ca vous derange ? brigitte 2. — Moi ? Oh ! non, pas du tout! bernard. — Eh bien ! alors ! (Designant la table.) Vous avez fini ? Tout est p\\e ? jacqueline. — Oui! A part les fleurs et ces chaises... Bernard. — Eh bien ! ce probleme-lä, je vais le regier tout de suite ! Jacqueline. — Ah ! oui, celui-lä tu pourras süre-ment! bernard. — Comment ? jacqueline. — Non ! Je dis mettre un peu d'ordre ici! Ce n'est pas complique ! brigitte 2. — Je peux tres bien le faire toute seule ! bernard. — Mais non, mais non ! ii n'en est pas question ! Je vais vous aider! jacqueline. — C'est ca ! Aide-Ia ! (Elle sort 1 jar-din. Bernard la regarde sortir.) bernard. — Elle ne te parait pas bizarre ? brigitte 2. — Mais non, mais non ! bernard. — Ah bon ? (La prenant par la taille et la serrant.) Tu sais que tu es tres, tres. tres belle ! brigitte 2, se degageant. — Ah ! non, je t'en prie ! Bernard. — Mais ne t'enerve pas ! Puisque c'est arrange avec la femme de menage ! On couchera dans cette chambre ! (II designe la porte 2 cour.) brigitte 2. — Tu perds ton temps ! bernard, designant son pyjama. — Mais enfin, regarde, je ne peux pas faire mieux ! Je suis deja presque tout nu ! Let's go to the boudoir and get off your negligee ! brigitte 2, le repoussant. — Ah non ! Je t'en prie ! Garde ton neglige, moi je file en taxi! bernard, essayant de la rattraper et 1'enlagant. — Enfin, tu ne vas pas faire une histoire parce que ma femme croit que tu es la femme de menage ? brigitte 2. — Oh ! Si ce n'etait que ca ! Bernard. — Mais ce n'est pas autre chose! (II I'enlace encore mais elle le repousse.) brigitte 2. — Ah si! Ta femme est au courant! bernard. — Au courant de quoi ? brigitte 2. — Eh bien ! elle sait tout! Bernard. — Tout! brigitte 2. — Tout! Elle m'a demande les yeux dans les yeux, ecoute bien ! Bernard. — Oui, oui, j'ecoute ! brigitte 2. — Qu'est-ce que vous feriez si vous appreniez que votre mari a une maitresse ? 110 111 Bernard. — Elle t'a dit ca ? brigitte 2. — Oui! II n'y a pas cinq minutes ! bernard. — Mais c'est epouvantable ! brigitte 2. — Ah ! oui! Surtout pour toi! bernard. — Mais il fallait nier! brigitte 2. — Nier ? Nier quoi ? bernard. — Tout! Tout en vrac ! brigitte 2. — Impossible ! Elle a la preuve ! bernard. — Quelle preuve ? brigitte 2. — Indiscutable, paraTt-il! bernard. — Mais comment est-ce quelle a reagi quand tu as avoue ? brigitte 2. — Avoue ? Avoue quoi ? bernard. — Eh bien ! que toi et moi... brigitte 2. — Ah ! mais non ! Tu n'y es pas du tout! Moi, je n'y suis pour rien ! bernard. — Comment, pour rien ? brigitte 2. — Eh bien ! moi je ne pouvais pas avouer une chose que j'ignorais avant que ta femme me l'apprenne ! bernard. — T'apprenne quoi ? brigitte 2. — Que pour un salaud, tu es vraiment ce qui s'appelle un salaud ! bernard. — Mais mon bijou, vraiment je ne com-prends pas ! BRIGITTE 2. — Decidement, tu as tous les culots ! Eh bien ! figure-toi que moi aussi je sais que tu couches avec sa niece ! BERNARD. — Avec sa niece ? BRIGITTE 2. — Oui ! BERNARD. — Mais avec quelle niece ? BRIGITTE 2. — Quelle niece ? ! La seule ! L'unique ! Celle de ton copain ! Ah ! vous etes vraiment aussi menteurs l'un que l'autre ! BERNARD. — Non, mais ecoute ! D'abord je ne savais meme pas qu'il avait une niece et deuxieme-ment je ne la connais pas ! (II s'approche d'elle et essaie de I'enlacer. Elle le repousse encore.) BRIGITTE 2. — Ah non ? Tu ne connais pas cette Brigitte qui est a la cuisine ? BERNARD. — Ah ! tu paries de la femme de menage ? BRIGITTE 2. — Non, de ta maitresse ! BERNARD. — Mais enfin, reflechis ! Je ne peux pas etre l'amant de la femme de menage! BRIGITTE 2. — Ah ! non, ca suffit! Elle n'est pas plus femme de menage que moi! II n'y a pas de femme de menage ! II n'y a jamais eu de femme de menage ! II n'y a que sa niece qui est ta maitresse ! BERNARD. — Cette Brigitte qui est la ? (Designant la porte de la cuisine.) BRIGITTE 2. — Celle-la meme ! 112 113 BERNARD. — Non! Bon! Attends, attends, attends, attends ! Alors, si j'ai bien compris, ma femme ne sait pas que toi et moi... BRIGITTE 2. — Ah ! non, non ! Oh, ca nous deux, ca ne peut pas l'effleurer! BERNARD. — Oui, eh bien ! c'est un coup de pot! BRIGITTE 2. — Oui, mais rien ne te dit que je ne vais pas donner un grand coup de pied dans ce pot pour le faire valser! BERNARD. — Je ne vois pas l'interet! BRIGITTE 2. — Et mon amour-propre, qu'est-ce que tu en fais ? Et puisque tu persistes a nier que cette fille est ta maitresse... BERNARD. — Oui, parce que c'est grotesque ! BRIGITTE 2. — Alors, ta femme saura dans cinq minutes ce que moi je suis pour toi ! BERNARD. — Bon, bon ! d'accord, la femme de menage est ma maitresse ! BRIGITTE 2. — Tu couches avec la niece de Robert! BERNARD. — Tu y tiens ? BRIGITTE 2. — Absolument! Sinon... BERNARD. — Oui, bon, bon ! C'est vrai! C'est vrai! J'avoue tout! Mais tu sais, mon bijou, ce n'est qu'une passade ! BRIGITTE 2. — Oui! C'est facile ! On saute n'im-porte qui et on dit, « oh ! pardon, excusez-moi, c'est une erreur! » 114 bernard. — Enfin, voyons, si c'etait vrai, je ne t'aurais pas demande de venir ! brigitte 2. — Oui! Enfin, vrai ou faux, ta femme est sure que c'est vrai! Et moi, dans tout c,a, j'ai quand meme eu un prix de consolation ! Bernard. — Un prix de... ? brigitte 2. — Oui! Superbe ! Ta femme a un amant! Bernard. — Quoi ?! brigitte 2. — Elle-a-un-amant! bernard. — Tu te fous de moi ? brigitte 2. — Mais pas du tout! bernard. — Comment le sais-tu ? brigitte 2. — C'est eile qui me l'a dit! Sans ca je ne connaTtrais pas 1'existence de cet heureux beneficiaire ! bernard. — Mais enfin, voyons, ce n'est pas possible ! Tu me fais marcher ! Dis-moi que ce n'est pas vrai! Que je reve ! brigitte 2. — Je ne comprends pas pourquoi tu te mets dans cet etat! bernard. — Oui, c'est ca ! Je devrais hurler de joie ! brigitte 2. — Mais qu'est-ce que ca peut bien te faire puisque tu la trompes avec moi, avec I'autre... bernard. — Ce n'est pas pareil! 115 Brigitte 2. — Oh ! bien súr! Avec toi, rien rťest jamais pareil quand c'est toi que ca conceme ! bernard. — Parfaitement! j'ai ma dignitě ! brigitte 2. — Eh bien ! tu ťes bien foutu de celle des autres, hein ! bernard. — Mais je ne méritais pas ca ! brigitte 2. — Bien súr que non ! Aux hommes, tout est permis, et aux íemmes rien du tout! bernard. — Écoute, vraiment, j'apprends que ma femme me trompe... tu pourrais étre un peu plus gentille !... (Jacqueline entre de 1 jardin en pyjama.) Jacqueline. — Voila! Bernard. — Ah ! te voilá, toi! jacqueline. — Oui, tu vois, j'ai fait comme toi, je me suis mise á 1'aise. bernard. — Ah ! oui, oui, je vois ! Trěs, trěs á 1'aise ! jacqueline. — Mais tu as eu raison ! Je me sens beaucoup mieux! bernard. — Je n'en doute pas ! Brigitte 2. — Cest trěs joli! jacqueline. — Oui, n'est-ce pas? Je trouve aussi! Cest un cadeau de mon maň ! brigitte 2, á Bernard. — Ah ! c'est vous qui... ? bernard. — Oui, c'est moi qui! (Brigitte 1 entre de 2jardin.) Brigitte 1. — Une pure merveille ! Jacqueline. — Qui ? Brigitte 1. — Votre lave-vaisselle ! Jacqueline. — Ah ! bon ! Brigitte 1. — Ah ! oui! II a une musicalité admirable ! Je me suis crue au festival de Salzbourg ! jacqueline. — Eh bien ! je suis contente qu'il vous plaise ! brigitte 1. — Ah ! oui, un virtuose ! Alors je me suis laissée bercer par ses rythmes ! J'en ai profite pour m'occuper un peu du reste ! jacqueline. — Vous étes une vraie petite femme ďintérieur á ce que je vois ! brigitte 1. — Oui! Maintenant on pourrait sucer le carrelage ! jacqueline. — Rien ne vous en empéche ! Brigitte 1. — Non, je vous le laisse ! Je ne suis pas tellement sucreries! jacqueline, á Brigitte 2. — Bon ! On va finir votre lit! brighte 1. — Le mien ? jacqueline. — Non, le sien ! brigitte 1. — Justement, j'ai vu que le mien n'etait pas fait! jacqueline. — Alors, qu'est-ce que vous attendez pour le faire ? brigitte 1. — Oui! Mais quand on ne sait pas qu'on doit le faire... 116 117 jacqueline, — Eh bien ! maintenant, vous le savez ! brigitte 1. — Bon ! Alors, je vais le faire ! Parce que comme on fait son lit, on se... Oui! On connatt les paroles, inutile que je vous chante la musique ! (Elle sort porte 2 cour.) Jacqueline. — Et, toi, tu devrais sortir les alcools! bernard. — Tu as du mal a digerer ? jacqueline. — Non, non ! Le diner, ca va ! brigitte 2. — Bon ! Moi, je vais commencer ä faire mon lit! Jacqueline. — Oui, c'est ca ! Moi, je vais vous chercher des oreillers ! (Elle sort porte 3 cour. Bernard seul va ä la porte 1 cour et frappe.) Bernard. — Dis done ! Voix de Robert. — Oui ? bernard. — II faut que je te parle ! (Robert entre en pyjama.) Robert. — Ah ! bon ? bernard. — Je vois que tu t'es aussi mis ä ton aise ? robert. — Ah ! oui, oui! Eh bien ! je me sens mieux comme ca ! bernard. — Tu veux boire quelque chose ? ROBERT. — Oui! Pourquoi pas ? bernard, lui montrant une bouteille. — Qa ? 118 robert. — Oui, ca merci! Alors, dans l'ensemble, tout va comme tu veux ? bernard. — Dans l'ensemble, oui! Robert. — Ah ! bon ! bernard. — A part quelques details... robert. — Ah bon ? II y a des details qui... ? bernard. — Oui! Oui, qui vont... moins bien, vois-tu, mais alors beaucoup moins bien ! Enfin, qui ne vont meme pas du tout! robert. — Si je peux t'etre utile ä quoi que ce soil. bernard. — Oui! Je sais que tu fais face sur tous les fronts, toi! robert. — Oh ! j'essaie simplement d'apporter ma petite contribution dans la mesure de mes moyens bien modestes... bernard. — Eh bien, je vais tout de suite te donner 1'occasion de t'en servir! robert. — Mais avec plaisir si je peux ! bernard. — Oh ! tu vas pouvoir! robert. — Voyons, voyons ! bernard. — Bon ! Alors, si tu etais marie, comment est-ce que tu reagirais si tu decouvrais que ta femme a un amant ? robert. — Euh... beu... ben... e'est-a-dire que... Bernard. — Oui! 119 robert.—Euh.... maisenfin... je... je mais... mais qu'est-ce que c'est que cette idée ? Bernard. — Tu appelles ga une idée ? robert. — Non, non, bien sür! bernard. — Mais je te préviens que ga ne va pas se passer comme ga ! Robert. — Non, non, bien sür! bernard. — Ah ! non ! Arréte de répéter non bien sür, veux-tu ! C'est un tic ou quoi ? robert. — Non, bien sür! Enfin, je veux dire, oui, oui... enfin, je veux dire oui, je suis consterné ! bernard. — Pas tant que moi ! robert. — Non, bien sür ! Bien entendu ! Enfin je veux dire... je suis consterné ! bernard. — Mais ga sert ä quoi de le répéter ? Hein ? A quoi ? robert. — Oui, oh ! eh bien ! ä rien ! bernard. — Ce qui est fait est fait! robert. — Oui, bien sür ! Enfin, je veux dire... je veux dire avant toute chose... je te remercie de ne pas hausser le ton ! bernard. — Le ton ? robert. — Oui, enfin... d'arriver ä te maTtriser! Parce que je... je comprends que tu sois dans un etat epouvantable ! Bernard. — II y a de quoi, non ? 120 robert. — Ca bien sur! Enfin je veux dire ne ťénerve pas... II ne faut surtout pas ťénerver! bernard. — Oh, mais tu sais, j'ai du mal! Beau-coup de mal ! robert. — Eh bien ! continue á te contróler! bernard. — Mais trop, c'est trop ! Ca monte á 1'intérieur comme une vague ! (II le prend par le revers du veston de pyjama, puis le láche, puis le reprendra successivement tout au long de la scene.) robert. — Mais si tu pensais peut-étre á autre chose... bernard. — A autre chose ? Avec ce que je viens d'apprendre ! Mais tu es malade ! robert. — Ah ! oui!... Ah ! non ! Enfin, oui, oui, je dis ga pour que tu comprimes cette vague ! bernard. — La comprimer ? Au contraire, je vais la laisser exploser! Robert. — Oh ! non ! bernard. — Ah ! mais si! D'ailleurs, je sens que ga vient! Je vois qu'elle va tout balayer! Je vois montér á 1'horizon mon poing sur la gueule et toutes les dents qui sautent! robert. — Ah ! oui. Oh ! non, non, enfin, bien sur mais tu sais les dents, ga se voit, quand on ne les voit plus ! Bernard. — Oui! Oui, c'est juste ! Alors, je vais laisser tomber les dents, sans les faire tomber moi-méme ! 121 robert. — Oui. oh ! crois-moi, c'est plus raison-nable ! bernard. — Mais j'y pense ! Je viens de lire un bouquin japonais... avec des recettes a te rouler par terre ! Robert. — Ah ! oui, les Japonais, c'est toujours la cuisine a la vapeur! bernard. — Des recettes a 1'usage des maris pour assaisonner les saligauds, si tu vois ce que je veux dire ! robert. — Non, non, je n'ai pas lu le livre ! Bernard. — Tiens, par exemple : SOULAKEKE! robert. — Pardon ? bernard. — Je dis : SOULAKEKE ! Robert. — Ah ! bon ! bernard. — Oui, c'est le nom de ces longues aiguilles que les geishas se plantent dans le chignon ! Robert. — Ah ! oui! bernard. — Mais quand elles veulent se venger d'une infidelite, elles les plantent ailleurs ! robert. — Ah ! bon ? Ou ga ? bernard. — Devine ! ROBERT. — Oh ! non, non ! Bernard. — Mais si, mais si! Et apres ce traite-ment. elles sont definitivement inutilisables ! robert. — Les aiguilles ? 122 bernard. — Oh non ! La traduction litterale de SOULAKEKE, c'est: « Tu ne seras plus jamais un homme, mon fils ! » robert. — Oh ! non ! Bernard. — Textuel! Alors, avec SOULAKEKE. tout est fini, kiki! robert. — Oh ! non ! Bernard. — Mais si! Et ensuite, TAKATMOUCHE ! Robert. — Oh ! je m'en doute ! Bernard. — Non. je dis : TAKATMOUCHE ! robert. — Non, merci, je n'ai pas besoin ! Bernard. — De quoi ? robert. — De me moucher! bernard. — C'est le nom de 1'autre recette japo-naise ! TAKATMOUCHE! robert. — Ah ! oui! Ah ! oui, c'est... bernard. — Et SOULAKEKE, a cote, ga fait figure de plaisanterie ! Robert. — A ce point-la ? bernard. — Enfin, le mari trompe, c'est comme s'il avait regu un coup de poignard dans le dos ! robert. — C'est-a-dire que... bernard. — Tu ne vas quand meme pas me soutenir le contraire ! robert. — Non, non, mais... 123 Bernard. — Eh bien ! TAKATMOUCHÉ, c'est coup de poignard pour coup de poignard ! robert. — Oh ! pardon, pardon ! bernard. — Mais tu es sourd ou quoi ? robert. — Mais non, je te demandais pardon! bernard. — Eh bien ! alors, écoute ce que je te dis! robert. — Oh ! Oui, oh ! oui! bernard. — Le mari attend que le salopard se penche en avant pour cueillir une fleur de lotus et pan, dans le mille ! robert. — Oh ! Non, pardon ! Pardon ! Bernard. — Mais écoute ce que je te dis, bon sang! robert. — Oh ! oui, oui, j'écoute, j'écoute ! Mais pour ca, il faut quand méme qu'il y ait des fleurs de lotus! bernard. — Ca marche trěs bien avec les páque-rettes ! Et dans la vie, tu te baisses bien pour remon-ter tes chaussettes, n'est-ce pas ? robert. — Ca, bien sOr! bernard. — Alors, moi, je serai derriěre á ce moment-lá! robert. — Pour remonter mes chaussettes ? bernard. — Non, je te dis : je serai derriěre ! robert. — Ah ! oui, j'ai bien compris ! 124 bernard. — Alors, ne me fais pas répéter deux fois la méme chose ! robert. — Oh ! Oui, pardon, pardon ! bernard. — Alors, qu'est-ce que tu penses de TAKATMOUCHÉ ? robert. — Qa doit faire trěs mal! bernard. — Ah ! oui, un peu ! TAKATMOUCHÉ, ca veut dire larmes blanches sous la lune ! robert, lamentable. — Ah ! oui, c'est trěs... trěs trěs bien image ! Bernard. — Non, non ! Larmes! (II mime sur son visage des larmes qui coulent.) Qa te fait pleurer des larmes blanches ! (// dessine dans lair la forme de la lune) puisqu'elles sont éclairées par la lune ! Robert. — Ah!... oui! Eh bien! alors, TAKATMOUCHÉ et aprěs y'a qu'ä se moucher! Bernard. — Inutile, tu 1'es déja ! Y'a pas ä dire, 1'Extreme-Orient, quel raffinement! Robert. — Ah ca ! ... bernard. — Alors, entre les deux, tu préférerais quoi ? robert. — Répondre comme ca, tout de suite... bernard. — Non, non, non, mais prends ton temps !... Rien ne presse ! Je commence ä me calmer ! robert. — Parce que tu penses aux recettes du pays du matin calme ? 125 Bernard. — Probablement! Probablement! Et la vengeance se mange froide! Meme avec des baguettes ! Robert. — Mais tu me l'as dit toi-meme, n'est-ce pas ! Ca ne changera rien ! bernard. — Ca ne changera peut-etre rien, mais j'aimerais bien que tu fasses ce choix pour moi! Robert. — Oui, non mais si tu te fais prendre ? bernard. — Personne ne saura jamais que c'est moi! Apres le SOULAKEKE ou le TAKAT-MOUCHE, je file en Honda ou en Kawasaki et je me perdrai dans les brumes de la baie d'Ise ! robert — Qu'est-ce qu'il disait l'abbe ? bernard. — La baie d'Ise ! I-s-e ! En trois lettres! Baie japonaise ! robert. — Ah ! oui, oui, c'est tres loin ! Bernard. — Oui, c'est une image, une estampe ! Alors, SOULAKEKE ou TAKATMOUCHE ? Decide-toi! robert. — Ecoute... Comme tu n'es pas a un jour pres, je vais y reflechir, mais pour l'instant, je crois qu'il vaut mieux que je parte ! Bernard. — Pourquoi ? robert — Je prefererais ne pas la revoir! Bernard. — Qui ca ? robert. — Eh bien ! ta femme ! Bernard. — Mais je t'interdis de lui dire que je suis au courant de cette histoire ! robert. — Oh ! Moi, tu sais, je m'exerce deja a etre un tombeau ! Bernard. — Eh bien ! continue ! Parce que je ne dois pas le rater! II faut qu'il ait la surprise ! Robert. — Qui ca ? Bernard. — Ce salopard ! II ne perd rien pour attendre ! Robert. — Ah ! bon ? bernard. — Ah ! oui, et quand il va me tomber sous la main... robert. — Ah ! parce que... parce que tu ne sais pas... qui c'est ? Bernard. — Bien sur que non ! Sans ca, il serait deja en miettes! robert. — Ah ! oui, et tu n'as... aucune piste ? Bernard, — Ca. aucune ! robert. — Ah ! je respire ! bernard. — Comment ? robert. — Non, je dis... j'aspire a... a ce que tu evites le pire ! Bernard. — Oh ! mais je vais le debusquer! robert. — Oh ! oui! Mais si tu ne sais pas qui c'est, tu n'es pas sur qu'il existe ! bernard. —Comment, pas sur ? C'est Jacqueline qui l'a raconte a Brigitte, qui vient de me le repeter ! Robert. — Ca alors! Bernard. — Qa ne te frappe pas plus que ca ? 126 127 Robert. — Quoi ? bernard. — J'apprends que ma femme a un amant et toi, tout ce que tu trouves a dire, c'est: «ca alors !» robert. — C'est-a-dire que je suis tellement sidere que je commence seulement a realiser que... Ah ! oui! Qa alors, la, TAKATMOUCHE ! bernard. — Non, merci, j'ai pas besoin ! robert. — Non, je dis: Takatmouche et soula-keke ! Le complet pour ce salopard ! bernard. — Enfin ! On dirait que tu te reveilles! robert. — Ah ! oui! Ah ! oui! Qa y est! Alors pas de pitie ! bernard. — D'autant que cette affaire-la a tape sur le systeme de Jacqueline ! Robert. — Ah ! bon ? bernard. — Oui! Maintenant, elle croit que la femme de menage c'est ta niece! robert. — Ma niece ? bernard. — Textuel ! robert. — Mais tu plaisantes ? bernard. — Est-ce que j'en ai 1'air ? robert. — Non, pas tellement! bernard. — Et que je couche avec elle ! robert. — Toi ? bernard. — Moi! 128 robert. — Avec ma niece ? ! bernard. — Non ! Avec la femme de menage ! robert. — Eh bien ! qa, alors ! (Jacqueline entre de 3 cour.) jacqueline. — Voila ! j'ai bien reflechi! bernard. — A quoi ? jacqueline. — Eh bien ! il n'y a pas de raison pour que je garde plus longtemps pour moi ce que je sais sur toi! Bernard. — Sur moi ? Jacqueline. — Oui! (Elle est allee a la porte 2 jardin, ouvre et appelle.) jacqueline. — Brigitte ! (Bhgitte 2 entre.) BRIGITTE 2. — Oui ? ... jacqueline, designant Bhgitte 2. — Oui! J'ai parle avec elle et elle m'a conseille de faire eclater la verite ! (A Brigitte 2.) N'est-ce pas ? brigitte 2. — Oh ! Oui! La verite, il n'y a rien de tel! jacqueline. — Voila ! Alors, je tiens a te dire que je sais que tu es son amant! Bernard, a Robert. — C'est toi qui le lui as dit ? robert. — Moi ? Tu reves ! bernard, a Brigitte 2. — Alors, c'est toi ? jacqueline. — Tu tutoies la femme de menage ? bernard. — La femme de menage ? 129 Brigitte 2. — Oui, moi! bernard. — Ah... oui! ... Tu es la... enfin vous etes la... jacqueline. — Oui, la femme de menage! bernard. — Ah ! oui. oui, oui! Elle, c'est femme de menage, bien sur! J'aime mieux ca ! Jacqueline. — Quoi done ? bernard. — Non, non, rien ! J'ai cru que tu pensais que j'etais l'amant de la femme de menage ! Alors, je me suis dit: la, ma femme demenage ! robert. — Ah ! c'est drole, ga ! Ma femme demenage ! Je vais le noter parce que... jacqueline. — Je parlais de l'autre ! Bernard. — De l'autre ? brigitte 2, a Bernard. — Oui! Vous savez bien que moi je ne suis pas dans votre vie ! (Elle sort 2 jardin au moment ou Brigitte 1 entre de 2 cour en pyjama.) brigitte 1. — Je me suis mise en tenue comme vous pour etre... jacqueline. — Pour etre prete ! brigitte 1. — Oui, prete a me coucher! jacqueline. — Je ne vous le fais pas dire ! BRIGITTE 1. — Et la couette que vous avez, c'est une bonne couette ! Chaude et legere ! jacqueline. — Un peu comme vous, quoi! brigitte 1. — Comment? 130 JACQUELINE. — Inutile de mentir davantage, je sais que vous etes sa maitresse ! BRIGITTE 1. — A ce grand-la ? Jacqueline. — Oui! BRIGITTE 1. — Ah ! Eh bien ! si c'est comme ga, alors... la on est de plain-pied dans l'adultere mondain ! JACQUELINE. — Ca, en plein ! Done, comme je connais la verite sur toi, je trouve logique que tu la connaisses aussi sur moi! robert. — Jacqueline ! Jacqueline. — Quoi? robert. — Non, rien ! JACQUELINE, ä Bernard. — Et si tu as une maitresse, c'est normal que moi j'aie un amant! BERNARD. — Oui, oui... j'ai eu le plaisir d'ap-prendre cette bonne nouvelle par la rumeur publique ! Simplement, je ne sais pas qui c'est! (A Robert.) Hein? robert. — Non, non, il ne sait pas qui c'est! JACQUELINE. — Eh bien ! je vais te le dire ! Bernard. — Ah ! bon ? JACQUELINE. — Oui ! robert. — Jacqueline ! BERNARD. — Alors, qui est-ce ? JACQUELINE, designant Robert. — Lui! BERNARD. — Lui ? Tu reves ! 131 Jacqueline. — Non, pas du tout! bernard, á Robert. — Toi ? ! robert. — Ta femme plaisante, bien sur! bernard. — Bien sur ! jacqueline. — Mais non ! J'ecoute ! ii écoute ! brigitte 1. — Nous écoutons ! Jacqueline. — Et je suis sure que devant moi il n'osera pas te soutenir le contraire ! robert. — Mais enfin, vous vous rendez compte de ce que vous dites ! Tu te rends compte ? bernard. — Pas encore trěs bien, mais si j'ai des precisions, ca va venir ! brigitte 1. — Je pense qu'il va s'assumerle ton-ton ! Aprěs tout, c'est un incident de parcours ! Ca fait partie des aléas de la vie sexuelle ! robert. — Mais tais-toi done ! bernard. — Si tu confirmes ce quelle dit, tu es vraiment l'ami le plus faux-jeton et le plus dégueu-lasse que j'ai eu de ma vie ! Alors, Takatmouché ! jacqueline. — Pourquoi veux-tu qu'il se mouche ? bernard. — Lui, il le sait! Ou s'il préfěre Soula-kéké, tu as le choix! robert. — Oh non ! Non, pardon, pardon ! Un ver de terre ! brigitte 1. — Ou ca ? robert. — Tais-toi! A cóté de toi! 132 Brigitte 1. — Ah ! bon ? Mais je ne vois rien ! robert. — Tais-toi! A cóté de toi, je suis un ver de terre ! brigitte 1. — Ah ! C'est toi le ver, tonton ? (On sonne.) jacqueline. — On n'a pas Sonne ? Bernard. — Si, si! jacqueline. — Qui est-ce qui peut bien venir nous embéter á cette heure-ci ? bernard. — Ah ! c'est encore le voisin qui a des fuites et qui vient chercher une clef anglaise ! jacqueline. — Bon ! Je l'expedie ! bernard. — Ah ! oui, ga m'arrange ! Mais tu en as pour un moment parce que c'est un pot de colle ! brigitte 1. — Ah ! oui! Alors, les raseurs, rres peu pour moi! (Elle sort 2 cour.) bernard, á Robert. — Et á toi, ca va te donner le temps de choisir ! Robert. — De choisir ? bernard. — Oui! Entre le Soulakéké et le Takatmouché ! Robert. — Oh non ! bernard. — Mais si! Avec un verre de saké pour te donner du courage ! (II prend le carafon sur la table et les verres.) bernard. — Allez, avance ! (Robert et Bernard sortent 1 cour. Jacqueline est allée á la porte ďentrée 133 et ouvre. Bertrand est dans l'encadrement de la porte avec un bonnet et un veston passe sur un pyjama.) bertrand. — Bonsoir Madame ! jacqueline. — Bonsoir Monsieur! bertrand. — Excusez-moi de vous deranger! jacqueline. — Mais non ! Je pense que vous voulez une clef anglaise ! bertrand. — Une clef anglaise ? Jacqueline. — Oui! Vous etes bien lä ä cause d'une fuite ? Bertrand. — Ah ! oui. oui, oui! Mais c'est repare ! Jacqueline. — Repare ? Bertrand. — Oui, je sors de chez eux! Jacqueline. — De chez qui ? bertrand. — De chez les Poncelet! jacqueline. — Les Poncelet ? bertrand. — Oui, vos voisins ! Jacqueline. — Ah! les?... bertrand. — Oui! C'etait le lavabo du Premier ! Jacqueline. — Du premier ? bertrand. — Oui! Vous comprenez, comme ils ne viennent pas souvent, les joints sechent, alors forcement ga finit par ciaquer ! Et comme par hasard les fuites c'est toujours la nuit que ga fuit... 134 jacqueline. — Ah ! oui ? Je ne savais pas ! bertrand. — Eh bien ! c'est comme ga ! Alors comme ils avaient dejä les genoux dans l'eau au rez-de-chaussee, ils m'ont telephone completement paniques ! Vous vous rendez compte ? Paniques pour avoir de l'eau jusqu'aux genoux ! Des gens de la ville, quoi! Jacqueline. — Oui, oui, bien sür! bertrand. — Bref, ni une ni deux, j'ai saute du lit direct dans ma camionnette et c'est pour ga que je m'excuse de me presenter comme ga devant vous ! (II enleve son bonnet qu'il pose sur la table.) jacqueline. — Mais non, mais non ! bertrand. — Je fais ga pour depanner, hein ! jacqueline. — Oui, je comprends! bertrand. — Parce que je ne suis pas plombier ! Jacqueline. — Ah ! non ? bertrand. — Non ! En realite, c'est moi qui m'occupe du jardin des Poncelet! Jacqueline. — Ah ! c'est ga ! bertrand. — Oui! Je leur plante des impatiences au printemps et puis vers octobre je leur mets des pensees ! Comme ga, ils viennent n'importe quand, ils ont toujours du fleuri, vous comprenez ? Jacqueline. — Oui, oui, tres bien! 135 bertrand. — Alors, comme c'est des gens tres gentils, je leur rends service si je peux ! Surtout qu'ils ne sont pas avares de Pascals ! Jacqueline. — De Pascals ? bertrand. — Oui! Iis ont toujours un petit billet de 500 pour arranger le coup ! Alors, comme ca tout le monde est content, vous comprenez ? jacqueline. —- Oui, oui, je comprends tres bien ! Mais alors, vous... vous venez pourquoi ? Bertrand. — Eh bien ! je suis passe devant chez vous en repartant de chez les Poncelet et j'ai vu qu'il y avait de la lumiere ! Jacqueline. — Oui! Et alors ? bertrand. — Alors, je me suis dit que s'il y avait de la lumiere, c'est que vous ne dormiez pas ! Jacqueline. — Oui, bien sür! bertrand. — A moins que vous ne vous soyiez endormis en laissant la lumiere allumee ! Jacqueline. — Oui, bien sür! bertrand. — Ce sont des choses qui arrivent! Jacqueline. — Oui, bien sür! Bertrand. ■— Done, etant si pres d'elle, je n'ai pas pu me retenir de sonner, juste pour lui faire un bisou ! Jacqueline. — Un bisou ? Bertrand. — Eh! oui! Sans vouloir vous deranger ! Vous comprenez, comme je ne la verrai pas d'ici demain soir... Jacqueline. — Ah ! non ? Bertrand. — Eh ! non ! Puisqu'elle va passer la nuit chez vous ! Alors, sans vous déranger... juste un bisou et je m'en vais ! jacqueline, — Mais un bisou ä qui ? Bertrand. — Eh bien ! ä Brigitte ! jacqueline. — A Brigitte ? bertrand. — Oui! Vous avez bien pris une inté-rimaire extra ? jacqueline. — Ah ! Vous parlez de la femme de ménage ? Bertrand. — Eh bien! oui! Elle est bien ici, non ? Jacqueline. — Ah ! c'est ä eile que vous voulez faire un bisou ? Bertrand. — Hé! A qui d'autre je ferais un bisou si ce n'est pas ä ma petite femme ? Jacqueline. — Ah! vous étes son?... bertrand. — Son mari, oui! C'est pour ca qu'un bisou iui fera sürement plaisir! Jacqueline. — Eh bien ! je vais l'appeler! Bertrand. — Sans vouloir vous déranger! jacqueline. — Mais non, mais non ! (Elle est allée ä la porte 2 jardin, ouvre et appetie.) Jacqueline. — Brigitte?... Brigitte2, off. — Oui?... 136 137 Jacqueline. — Venez! j'ai une surprise pour vous ! bertrand. — Excusez-moi du derangement, hein ! jacqueline. — Mais non, mais non ! bertrand. — Mais je suis sure qu'elle sera telle-ment contente ! (Brigitte 2 entre.) brigitte 2. — Oui! Qu'est-ce qu'il y a ? jacqueline, designant Bertrand. — Regardez qui est lä ! brigitte 2. — Oui ? Qui est lä ? (Eile regarde Bertrand.) Jacqueline. — Oui! Le voilä ! Brigitte 2. — Le voilä ? Jacqueline, ä Bertrand. — Oui! La voilä ! bertrand, en regardant Brigitte 2. — La voilä ? (A Jacqueline.) La voilä quoi ? jacqueline, ä Bertrand. — Quoi, la voilä quoi ? Qu'est-ce que vous attendez ? Bertrand. — Moi? Jacqueline. — Oui! bertrand. — Pourquoi faire ? jacqueline. — Enfin... (A Brigitte2.) Et vous aussi, allez-y ! Brigitte 2. — Oü $a ? jacqueline. — Faites-lui votre bisou ! Bertrand. — Mon bisou ? Jacqueline. — Oui! Bertrand. — Mais ä qui ? Jacqueline. — A eile! Bertrand. — Un bisou ä eile ? jacqueline. — Oui! Allez embrasser votre femme ! bertrand. — Mais pour ca, il faudrait qu'elle soit lä ! jacqueline. — Comment qu'elle soit lä? (A Brigitte 2.) Bon ! Devant moi, il n'ose pas ! Alors vous, allez embrasser votre man ! brigitte 2. — Mon mari ? ! Jacqueline. — Eh bien ! oui, lui! bertrand. — Mais ce n'est pas ma femme ! jacqueline. — Comment, pas votre femme ? bertrand. — Ah ! non ! La mienne est plus rus-tique ! jacqueline, ä Brigitte 2. — Ce n'est pas votre mari ? brigitte 2. — Ah ! non, non ! Je n'ai jamais vu ce Monsieur! jacqueline, ä Bertrand. — Mais vous venez de me dire que vous etiez le mari de la femme de menage ! Bertrand. — Ah ! oui, oui, oui! Mais pas de celle-lä ! 138 139 jacqueline. — Comment, pas de celle-lä ? Je n'en ai qu'une ! bertrand. — Pourtant, ici, vous etes bien les Hauts de Hurievent ? jacqueline. — Ca oui ! bertrand. — Eh bien ! Brigitte m'a dit quelley venait! brigitte 2. — Ah ! Ici, il y a bien une autre Brigitte mais... Jacqueline. — Oui! Mais elle ne peut pas etre celle que Monsieur cherche ! brigitte 2. — Ah ! En tout cas, comme ga n'est pas moi, je pense que je ne peux plus vous etre utile ! Jacqueline. — Eh bien! non ! bertrand. — Excusez-moi du derangement, hein ! brigitte 2. — Mais non, mais non! Ce n'est rien ! (Elle sort 2 jardin.) Jacqueline. — Done, sij'ai bien compris... eile n'est pas femme de menage ? bertrand. — Ah ! ga je ne sais pas ! Je n'ai pas dit ga ! En tout cas, ce n'est pas la mienne ! Mais celle-lä parlait d'une autre Brigitte... (11 montre la porte 2 com.) jacqueline. — Ah ! oui! Mais eile n'est pas la vötre non plus ! bertrand. — Et comment vous le savez ? jacqueline. — Eh bien ! parce quelle est la... (Robert entre, pousse par Bernard) bernard. — Allez, avance ! robert. — Mais tu viens de me dire la meme chose dans l'autre sens! Bernard. — Eh bien ! maintenant, c'est dans ce sens-lä ! (A Bertrand.) Comment ? Vous etes encore la, vous ? bertrand. — C'est-ä-dire que... Bernard, — Tu ne lui as pas donne une clef anglaise ? jacqueline. — Mais elle ne lui servait ä rien ! bernard. — Ah ! bon ! Alors, il faut telephoner ä un plombier! Jacqueline. — Mais le plombier, c'est lui! bertrand. — Oui! Je jardine ! bernard. — Vous faites de la plomberie dans le jardin ? bertrand. — Non ! Je jardine en faisant de la plomberie ! bernard. — Ah ! Vous plantez des tuyaux, en soudant des geraniums ? bertrand, ä Jacqueline. — Mais qui est-ce ? Jacqueline, ä Bertrand. — Mon mari et mon amant! bertrand. — Ah !... alors je vois que ga se passe en famille ! 140 141 Bernard. — En famille ? bertrand. — Oui! Le mari et l'amant! Qa arrive aussi ä la Campagne ! bernard. — Ah ! oui! Alors, ga tombe bien ! Vous qui etes de la Campagne... Bertrand. — Oui! J'en suis ! Bernard. — Alors, ä la Campagne? Qu'est-ce qu'un mari fait ä l'amant de sa femme ? Bertrand. — Je le brise! Bernard. — Comment? Robert. — Oh ! non ! bertrand. — Oui! Je n'en ai pas l'air comme ga, mais un arbre, je le casse en deux, hein ! Alors, un amant!... Bernard. — Ah ! oui, vous avez raison ! C'est tout ä fait ce que je pense (A Robert.) Tu vois ? ROBERT. — Oh ! non ! bernard, ä Bertrand. — Mais qui etes-vous ? jacqueline. — Monsieur est le jardinier des Poncelet! bernard. — Des Poncelet ? jacqueline. — Oui! Les Poncelet sont nos voN sins! ROBERT. — Oh ! vous faites un tres beau metier, Monsieur! bertrand. — Oui! Toujours dans la nature ! La seule qui ne mente pas! 142 I jacqueline. — Oh ! comme c'est vrai! Et monsieur le jardinier est ici pour faire un bisou ä Brigitte ! bernard. — A Brigitte ? bertrand. — Oui! Mais pas ä celle qui est lä ! Ce n'est pas la mienne ! (II designe la porte 2 jardin oü est sortie Brigitte 2.) jacqueline. — Non, ce n'est pas la sienne ! Monsieur en cherche une autre ! Bernard. — Une autre ? jacqueline. — Oui! Qui s'appelle aussi Brigitte ! robert. — Ah ! Qa peut prefer ä confusion ! jacqueline. — Oui ! Et Monsieur est son mari ! bernard. — Son mari? bertrand. — Oui, justement! Puisque vous en avez une autre qui est lä... (II designe la porte 2 cour.) jacqueline, le coupant. — Oui! Mais je vous ai dit que celle qui est lä ne peut pas etre la vötre puisqu'elle est la maitresse de son mari ! bertrand. — Ah !... oui!? C'est toujours en famille, alors ? jacqueline. — Oui! Done ga ne peut pas etre votre femme de menage ! (A Bernard et ä Robert.) Parce que la femme de Monsieur est femme de menage ! bernard. — Ah ! eile est ?... 143 I robert. — Femme de menage ? Jacqueline. — Oui! Bernard. — Ah ! voilä ?..! robert. — Ah ! oui ? ! voilä, voilä, voilä !... (Regardant Bernard, designant Bertrand.) Mais comme ici il n'y en a pas, il vaut mieux repartir tout de suite ! Bernard. — Ca, immediatement! bertrand. — Pour quoi faire ? robert. — Pour aller chercher votre femme de menage ailleurs ! Bertrand. — Ailleurs? bernard. — Oui! Dans une autre maison ! (Iis le font reculer ä tour de röle pour le repousser vers la porte d'entree.) robert. — Oui! Elle est sürement dans une autre maison ! bertrand. — Oui, mais dans laquelle ? bernard. — Ah ! ga mystere ! robert. — N'importe oü ! Comment est-ce qu'on peut savoir ? Frappez ! Frappez n'importe oü ! Frappez et on vous ouvrira ! (Iis l'ont pousse jusque vers la porte.) bertrand. — J'ai dejä entendu ga quelque part! bernard. — Oui, mais ga marche toujours! bertrand. — Esperons ! robert. — Mais oui! Mais oui! II n'est pas necessaire d'esperer pour entreprendre ! Bertrand. — Bon ! Eh bien ! alors, messieurs-dames, ravi de vous avoir connus ! bernard. — Et nous done! On a toujours besoin de connaitre un plombier! (II lui ferme la porte dessus mais Bertrand a encore le bras qui depasse et il repousse le battant de la porte et rentre ä nouveau.) bertrand. — Oh ! bon sang ! Je suis tellement perturbe que j'allais oublier mon chapeau ! (II redes-cend jusquä la table, le prend et remonte.) bertrand. — Bon ! Excusez-moi du derangement ! bernard. — Mais non, mais non, mais non ! Mais non, mais non ! (Bertrand estä nouveau dehors et Bernard a ferme la porte sur lui. Bernard et Robert se regardent et poussent un soupir de soulagement. quand la porte se rouvre.) bertrand. — Excusez-moi, hein ! Mais... c'est bizarre... j'ai comme une dröle de sensation ! Robert. — De sensation ? Bertrand. — Oui! (II rentre complement) Cette Brigitte que vous avez lä... (II designe la porte 2 cour)... il me semble que je la sens ! bernard. — Oh ! ce n'est pas possible ! robert. — Completement impossible ! 144 145 BERTRAND, vers Jacqueline. — Pourtant, sur vous, j'ai repere le jasmin... (designant la porte 2 jardin)... lä-bas le seringua... (s'approchant de Bernard)... ici, c'est le santal... (allant vers Robert)... et vous la bergamote ! ROBERT. — Mais vous etes un vrai chien de chasse ! BERNARD. — Oui, ca vous avez du nez ! BERTRAND. — N'est-ce pas ? Jardinier! Mais il flotte ici un N° 5 de Chanel qui est le parfum de ma Bri-Bri ! (Brigitte 1 entre de 2 cour.) BRIGITTE 1. — Dites done... (Voyant Bertrand.) Oh ! mon Poupon ! BERTRAND. — Ah ! C'est bien ca! Tu es lä ! JACQUELINE. — Iis se connaissent ? Vous vous connaissez ? BERTRAND. — Un peu qu'on se connait! Brigitte 1. — Oui, un peu! BERTRAND. — Ne dis rien ! Je sais tout! Brigitte 1. — Tout ? BERTRAND, designant Bernard. — Oui, c'est ton amant! (II pousse un cri, fait un saut et va frapper d'un coup du tranchant de la main au cou de Bernard. Mais comme Robert le retient, ü se retourne et, dans son elan, trappe Bernard qui torn be sur \e canape. Robert lui court apres, il fait un saut H refrappe Robert qui tombe sur le canape ä son tour, et en tombant un pied de Bernard monte jusqu'au menton de Bertrand qui le fait tomber ä son tour sur le tapis.) brigitte 1, vers lui. — Mon Poupon ! Mon poupon ! Mon poupon ! jacqueline, ä Brigitte 1. — Mais qu'est-ce que vous faites ? Qu'est-ce qu'il a fait ? Qu'est-ce qu'il leur a fait ? (Les deux femmes s'affairent autour des tois hommes effondres.) brigitte 1. — Ca s'appelle une clef anglaise ! jacqueline, ä Bernard et Robert. — Alfons voyons, remettez-vous! robert. — Mais qu'est-ce qui se passe ? bernard. — Qu'est-ce qui s'est passe ? Bertrand. — Oü est-ce que je suis ? brigitte 1. — Mais tu es lä ! Je suis lä, Poupon ! Bertrand. — Ah ! oui, c'est toi! Robert, ä Bernard. — C'est toi ? bernard. — Oui, c'est moi! (A Jacqueline.) C'est toi ? Jacqueline. — Oui, c'est moi! Qu'est-ce qu'il y a ? brigitte 1. — Oui, qu'est-ce qu'il y a ? Bertrand. — J'ai eu comme un vertige ! robert. — Moi, j'ai vu des lumieres partout! bernard. — Et moi, j'ai vu la foudre ! jacqueline, ä Bertrand. — Mais enfin, voyons, qu'est-ce qui vous a pris ? 146 147 bertrand. — Eh bien ! ma Bri-Bri et votre mari !... jacqueline. — Mais non, voyons ! c'est une plaisanterie ! bertrand. — Une plaisanterie ? robert. — Oui! Une farce ! bernard. — Vous pensez bien que sic' étaitvrai, eile ne vous l'aurait pas dit! brigitte 1. — Hein ? Mais bien sür, mon Pou-pon, voyons ! Réfléchis ! II y a si peu de temps que je suis lä ! Bertrand. — Oui, ah! oui, c'est vrai! Je suis bete ! Brigitte 1. — Mais oui! robert. — Mais non, mais non ! Pas tant que ca! bertrand. — Oh ! vous, l'amant, ga va ! brigitte 1. — Mais lui, c'est mon tonton ! jacqueline, ä Bertrand — Mais oui! (Dési-gnant Robert.) A propos, vous n'avez pas reconnu son oncle ? Bertrand. — Son oncle ? jacqueline. — Eh bien ! oui! (Elle designe Robert et ä Robert.) C'est bien votre niěce ? robert. — C'est-ä-dire que... je n'en suis plus tellement sür depuis qu'elle est mariée ! 148 jacqueline. — Vous devez le savoir puisque vous etes son oncle ! robert. — Naturellement, je le sais ! jacqueline. — Alors, n'ayez pas Fair etonne ! robert. — Mais je ne suis pas etonne du tout! Bertrand, ä Brigitte 1. — C'est ton oncle ? brigitte 1. — Mais oui, c'est lui! Bertrand. — Ton oncle ? jacqueline, ä Bertrand. — Oui! Alors, ga vient cet oncle ? Un oncle comme celui-lä. ga ne devrait pas s'oublier facilement! bertrand. — C'est que je suis... un peu miro... brigitte 1. — Enfin, souviens-toi, c'est mon oncle du cöte de Pascal! Bertrand. — Du cöte de Pascal ? Ah ! Si c'est du cöte de Pascal, alors lä je te regois cinq sur cinq ! Brigitte 1. — Ah ! Bertrand. — Ah ! oui ? ! ca y est! Otu est-ce que j'avais la tete, moi ? Du cöte de Pascal l'Mais oui! Maintenant je vous remets cinq sur cinq ! "Je vais meme vous faire le bisou, puisque vous etes l'oncle du cöte de Pascal! robert. — Oh ! ce n'est pas la peine ! jacqueline. — Mais voyons, un oncle ga s'em-brasse ! 149 bertrand. — Alors, voilä ! Un gros bisou ! Ah ! oui, lä de pres je vois bien que c'est vous ! Mais dis done, on se tutoyait dans le temps ? robert. — Hein ! Ah ! oui! Oh ! il y a si long-temps de ca ! jacqueline. — Oui, je m'en doute ! bertrand. — C'est que vous comprenez, Madame, on n'a pas tellement 1'occasion de se voir ! Jacqueline. — Oui, je comprends tres bien ! robert. — Oui! Aux communions, aux bapte-mes... bertrand. — Oui! La derniere fois, c'etait au manage de Solange ! robert. — De Solange ! Ah ! oui, c'est ca, de Solange ! bertrand. — Enfin, on se voit une fois tous les 36, quoi ! C'est que la branche cöte Pascal, eile se fait plutöt rare ! jacqueline. — L'essentiel, c'est de la reconnat-tre quand on la retrouve ! Bertrand. — C'est bien ce que je pense ! robert. — Et ca m'a fait vraiment plaisir de te revoir! bertrand. — Ah ! Pas tant que moi, pas tant que moi! Tu n'as pas change tu sais ! robert. — Mais toi non plus ! bertrand, ä Jacqueline. — Bon ! Messieurs-dames, excusez-moi encore du derangement, parce 150 que j ai 1 impression que vous étiez préts ä vous coucher! Jacqueline. — On ne peut rien vous cacher! Simplement, on n'avait pas encore decide qui avec qui! bertrand. — Ah ! Madame, je vois que vous aimez vraiment la plaisanterie. jacqueline. — Je n'aime pas ! J'adore ! bertrand. — Bon, alors je vais vous laisser ! brigitte 1. — Mais dites done, vous avez encore besoin de moi ? jacqueline. — Pour la nuit surement plus ! brigitte 1. — Ah ! bon ! Alors comme une nuit sans lui, c'est toujours dur ä passer... Bertrand. — Surtout pour eile ! brigitte l. — Alors, tu peux m' emmener! Bertrand. — Bien sür! jacqueline. — Ah ! eh bien ! c'est une bonne idee, ca ! brigitte 1. — J'en ai pour une seconde ! (Elle sort 2 cour.) bertrand. — Oui, parce que vous comprenez, moi il faut que je sois levé ä cinq heures pour mes semis... robert, semis ! Ah ! oui! Tu es toujours dans tes 151 Bertrand. — He oui! Toujours ! Et les semis c'est fragile, il faut bien regarder oü on met les pieds pour ne pas les deranger! Parce quelle est capri-cieuse, la nature, capricieuse ! Et si on la derange, c'est comme quand on derange les gens, ga cham-barde 1'ordre des choses ! Alors, ne m'en veuillez pas si je vous quitte si vite, mais vous comprenez, j'ai mes semis ! Et excusez-moi encore pour ce petit derangement. jacqueline. — Mais non ! Mais non ! C'etait une joie de vous avoir! (Elle referme la porte sur lui.) jacqueline. — II a rate sa vocation, cet homme-lä! Bernard. — Tu trouves ? jacqueline. — Oui! II aurait du etre horloger! robert. — Horloger? jacqueline. — Oui! C'est un as pour mettre les pendules a l'heure ! robert. — Je trouvequ'il n'est pas mal non plus en jardinier ! II a le geste auguste du semeur de... bernard. — Oui! Enfin, comme il a mis les pieds dans nos semis, ga devrait nous porter bonheur! jacqueline. — C>, sürement! (Brigitte 1 entre de 2 cour, habillee avec son sac mais sans le man-teau.) brigitte 1. — Voilä ! Comme je suis pressee, inutile de faire vos comptes maintenant! 152 Jacqueline. — Mais si, si vous voulez! brigitte 1. — Mais non, mais non ! Comme Pascal doit passer par ici... envoyez-le-moi done ä l'agence ! Jacqueline. — Mais oui, mais oui! brigitte 1, a Robert. — Avec le tout! robert. — Mais oui, mais oui! brigitte 1. — Bon ! Eh bien ! alors, messieurs-dames... et encore merci pour la langouste, hein ! Elle etait extra ! Comme moi! ! (Elle sort au fond.) jacqueline. — A propos, j'espere que tu n'as pas cru un mot de ce que je t'ai raconte sur lui et moi... (Elle designe Robert.) bernard. — Mais bien sür que non, voyons! J'ai trop confiance en lui! robert. — Et tu as raison ! On a bien des disillusions dans la vie quand on ne fait confiance ä personne ! bernard. — Mais un ami comme toi ne pouvait pas me faire ga ! (A Robert.) N'est-ce pas? Robert. — Eh bien ! voyons ! bernard. — Simplement, tu l'as aidee ä me faire marcher ! robert. — Hein ? Ah ! oui! ? C'est ga ! voilä ! bernard, ä Jacqueline. — Mais oui! j'ai bien senti que tu voulais te venger parce que tu croyais que j'etais l'amant de la femme de menage ! 153 jacqueline. — Je vois que tu as tout compris ! Simplement, ce que je voudrais que tu m'expliques, c'est pourquoi tu as offert un écureuil de palétuviers á la femme du jardinier des Poncelet?... bernard. — Eh bien ! je suis enchanté que tu me poses cette question ! jacqueline. — j'aime te l'entendre dire ! Alors, j'ecoute ! bernard. — Eh bien ! voilá ! Comme il était un peu juste, pas le manteau, lui! (II designe Robert.) ... il m'a demandé de lui faire 1'avance ! (A Robert.) N'est-ce pas ? robert. — Oui! Oui! Jacqueline. — Vous! bernard, á Jacqueline. — Mais je tiens a te dire qu'il m'a déjá remboursé ! robert. — Ah ! ca oui! Ca, je ne peux pas dire le contraire ! Bernard. — Ah ! tu vois! jacqueline. — Alors, c'est vous qui l'avez offert á la femme du jardinier des Poncelet ? ! robert. — Ah ! mais non, pas du tout! jacqueline. — Comment, pas du tout ? (Robert est sorti porte 2 cour une fraction de seconde et revient avec le manteau.) Robert. — Regardez ! jacqueline, voyant le manteau. — Quoi! 154 bernard. — Oui! Elle est partie sans lui! (Desi-gnant Robert.) Et comme c'est lui qui I'a paye... jacqueline. — Mais alors, ä qui est-il ? robert. — Eh bien ! il est ä... (7/ fait un geste vers la porte 2 jardin.) Bernard, coupant. — A lui! Jacqueline. — A vous ?! bernard. — Mais oui ! Naturellement! II va te l'essayer! Tu verras, comme c'est seyant! (II le lui entile.) Regarde ! Tiens, regarde comme il lui va ! robert. — Oui, n'est-ce pas, il me va bien ! bernard. — Ah ! oui! Mieux, c'est dur ! robert. — Oui, je l'ai vu en vitrine et comme il me plaisait, n'est-ce pas, je me suis offert cette fantaisie ! Jacqueline. — Ah ! oui, en effet, c'est une fantaisie ! robert. — Je trouve que ca fait tres mode ! bernard. — Ah ! oui, mieux c'est dur! robert. — Et ce que j'aime surtout dans l'ecu-reuil de paletuviers, c'est son moelleux, sa sou-plesse ! On peut le mettre dans une valise, ga ne se froisse pas ! Et puis non seulement il est flatteur pour le teint, mais il a aussi Favantage d'etre du soir et du matin ! Je peux le mettre avec un petit tailleur ou une robe de cocktail! II va avec tout! Et je peux meme me mettre tout nu dessous, je ne sens pas les differences de temperature ! Enrin, c'est le reve, 155 quoi! Alors, pour 35 000 F, c'est un cadeau qu'il faut se faire une fois dans sa vie ! D'autant que I'ecureuil, c'est un placement de pere de famille ! jacqueline. — Mais en arrivant, je n'ai pas vu que vous I'aviez, ce manteau ! Bernard. — II vient de te dire que ca ne se froisse pas! Robert. — Oui! Et comme ca ne se froisse pas, je l'avais dans ma valise ! bernard. — Voila ! Et un ecureuil, ca peut meme eire livre dans une caisse ! robert. — Oui mais a ce moment-la, il aurait plutot tendance a ronger tes economies ! Jacqueline. — Mais alors, finalement la femme du jardinier des Poncelet et la femme de menage etaient une seule et meme personne ! Robert. — Ah ! ca, il n'y a pas de doute ! Jacqueline. — Non ! II n'y a pas de doute ! Mais alors qui est 1'aurre ? (Robert et Bernard se regarded.) Bernard. — l'autre? jacqueline, designant la porte 2 jardin. — Oui! Celle qui est la ! robert et bernard, se regardant. — Ah ! Celle qui est la ! Jacqueline. — Oui, j'ai l'impression que vous I'aviez oubliee ! Robert et Bernard. — Nous ? Jacqueline. — Oui! Robert et Bernard. — Non, non, pas du tout! bernard. — On ne l'a pas oubliee ! jacqueline. — Eh bien ! alors, dites-moi! bernard. — Eh bien ! voila... (A ce moment-la, Brigitte2 entre, en pyjama egalement.) brigitte 2. — Excusez-moi de vous deranger. mais comme il faut que je parte, je viens prendre mon manteau ! jacqueline. — Votre manteau ? bernard. — Naturellement! C'est le sien ! jacqueline, a Robert. — Mais je croyais que c'etait le v6tre ? robert. — Oui! Oui!... Mais comme il lui plai-sait, je m'en suis depouille pour son anniversaire ! (II I'enSle sur les epaules de BrigitteZ) jacqueline. — A quel ntre ? bernard. — Eh bien ! C'est sa mattresse ! Jacqueline. — Quoi! Bernard, a Robert. — N'est-ce pas ? ROBERT. — Oui, oui, oui! C'est ca ! brigitte 2, a Jacqueline. — Ca a l'air de vous etonner! jacqueline. — Moi ? Oh ! non ! Plus rien ne m'etonne ! Simplement, je me demande pourquoi vous etes venue ici avec lui! 156 157 bernard. — Et pourquoi est-ce qu'il ne serait pas venu avec elle ? jacqueline. — Oui, en effet! Pourquoi pas ? BRIGITTE 2. — Bon ! Alors le temps dem'habiller et on y va ! robert. — Oui, on va y aller! Jacqueline. — A cette heure-ci ? bernard. — Oui! Tu ne vas pas partir mainte-nant! jacqueline. — Apres tout, vous etes venus pour le week-end ! bernard. — Alors, tu gardes ta chambre ! (II designe la porte 1 cour.) jacqueline, a Brigitte 2. — Etjepense que vous serez tres bien dans celle-la ! (Elle designe la 2 cour.) bernard, a Robert. — Alors ? robert. — Oh !... Bon, alors, si ca vous fait vrai-ment plaisir... bernard. — Mais oui! Alors, je crois qu'il ne nous reste plus quune bonne bouteille tapee a se frapper! robert. — Non ! Une bouteille frappee a se taper! bernard. — Oui, eh bien ! Ne te frappe pas! j'y vais ! BRIGITTE 2. — Mais non, mais non, c'est moi! Comme vous n'avez plus de femme de menage... robert. — Non ! Vous, vous allez ranger votre manteau ! BRIGITTE 2. — C'est un ordre ? robert. — Absolument! (Elle sort 2 cour.) robert. — Alors ? Ou est-ce qu'elle est cette bouteille ? bernard. — La plus fraiche dans le cellier ! robert. — 11 n'y a qu'a le dire ! (II sort 3 cour.) jacqueline. — Tu sais ce que j'aimerais ? Bernard. — Non ! Quoi ? jacqueline. — Promets-moi que tu ne P invite -ras plus ! Bernard. — Mon copain ? jacqueline. — Oui! Et cette fills ! j'ai Pimpres-sion qu'elle pourrait te plaire ! bernard. — Mais ils sont ensemble ! jacqueline. — Oui! Mais comme ils n'ont pas Pair tres attaches Pun a Pautre !... N'invite plus ton copain ! bernard. — Pourquoi ? Tu crois qu'il pourrait te plaire ? Jacqueline. — On ne sait jamais ! bernard. — Bon ! Alors, c'est promis ! On ne les verra plus ! (Ils s'embrassent au moment ou Robert entre de 3 cour en meme temps que Brigitte 2 de2 cour. II tient un magnum de champagne a la main.) 158 159 robert. — Eh bien ! Mes enfants, je vais vous dire... des soirees comme ga. ou il y a tout, la boisson, la bouffe super et la... (coup d'ceila Brigitte 2...) oui, enfin, bref, extra... des week-ends comme celui-la, vous n'avez pas besoin de telephoner pour confir-mer... on reviendra la semaine prochaine ! ET LE RIDEAU DESCEND SUR LE DEUXIEME ACTE Composition, impression, fagonnage par I M r IT I V. [ R I F N° d'impression : 12493 D6p6t l£gal: fevrier 1993