Despsys pour enfants devenus coaches de parents es parents frappent de plus en plus souvent á la porte des pédopsychiatres, psychanalys-tes et psychologues pour leurs enfants: +15% de consultations en psychiatrie infanto-juvénile publi-que entre 2007 et 2009, selon le Haut Conseil de la santé publique. Des seances pour soigner, mais aus-si, de plus en plus souvent, pour résoudre les soucis du quotidien: disputes avec la petite sceur, problěmes ďautorité, usage de l'ordinateur... Une derive ? Pas forcément, répond le pédopsychiatre Alain Braconnier. « Je n 'ai jamais vude parents s 'inquié-terpourrien », assure-t-il.» Lire page 19 emark 28 KRD, Espagne 2.00 €. Finlande 2.80 €. Gabon 1 600 F CFA, Gram . Suéde 35 KRS. Suisse 3.20 CHF, TOM *»ion 380 XPF, Tunisie 2.00 DT, Tu Psys pour enfants, nounous des parents Les praticiens sont souvent consultes pour des questions relevant de la vie quotidienne et de leducation Psychologie Aujourd'hui, on n'emmene quasiment plus son enfant chez un psychologue ou un pedopsychiatre en catimini. Exit la terrible sentence :«Lespsys, c'est pour lesfous!» La question n'est plus taboue. Les reportages televises et les ouvrages grand public sur la psychologie de l'enfant foi-sonnent. On est mieux informe et sans doute plus a memede reperer certains symptomes. Selon un rapport du Haut Conseil de la sante publique d'octo-bre20ii, le nombre de consultations en psychiatrie infanto-juve-nile publique a augmente de plus de 15 % entre 2007 et 2009. Pourquoi les parents frappent-ils a la porte d'un psy ? D'abord, par-ce que leur enfant souffre d'un trouble psychique avere: angoisse de separation, trouble obsession-nel compulsif (TOC)... Mais aussi parce qu'ils sont en quete de conseils relevant parfois plus du bon sens et de la pedagogie... que de la psychologie. Le docteur Agnes Pargade, pedopsychiatre et auteur de Pourquoi consulter un pedopsychiatre? (De Boeck, 2011), est volontiers interpellee sur des questions de la vie quotidienne: alimentation, acquisition de la pro-prete, sommeil... D'autres families ont maille a partir avec l'autorite. Comment doivent-elles s'y prendre pour que leur enfant accepte d'aller a l'ecole sans rechigner? Qu'il cesse de se disputer avec sa petite soeur ? Elles s'inquietent aussi de le voir se transformer en petit geek: ne ris-que-t-il pas de devenir dependant a Internet ? «L'education est devenue un vrai challenge», explique le docteur Alain Braconnier, pedopsychiatre et auteur d'Etre parent aujourd'hui. Amour, bon sens, logi-que (Odile Jacob, 300 p., 21,90 euros). «Les enfants sont plus eveilles, plus curieux que ceux des generations precedentes, et les parents eprouventplus de difficul-tesä leur poser des limites.» Parfois jusqu'ä rayer de leur vocabulaire le mot « punition ». « Ces parents-Id ne supportentpas l'idee que leur enfant puisse les detester s'ils venaientä les punir», ajoute Caroline Thompson, psychologue, psy-chanalysteetauteuredela Violence de Yamour (Hachette Literatures, 2007). Mais est-ce aux psys de jouer les educateurs ? « Toute demande est legitime car, quand une famille frappe ä notre porte, on ne sait jamais de quoi il retourne, renche-rit le docteur Braconnier. Je n'ai jamais vu de parents s'inquieter pourrien.» Parmi les motifs de consultation figurent les acces de colere a repetition qui inquietent les parents tout autant qu'ils les epui-sent. Sont-ils le fait d'une autorite defaillante? D'une angoisse qui tenaille l'enfant ? \Ji\ decryptage pour le moins delicat, qui peut necessiter l'avis d'un profession-nel. Tres eprouves par les violentes coleres de leur fils de i6mois, Amanda (le prenom a ete change) et son man ont decide de consulter une psychologue.« Nous etions dans un profond desarroi, ne sachant plus comment nous com-porter avec notre fils. Nous avians mime peur de creer chez lui des traumatismes», avoue-t-elle. Děs les premieres consultations, il s'est apaisé et a enfin fait des nuits completes. L'enfant sera suivi par la psychologue pendant sept mois. Le sens cache de ses terribles cole-res affleure: «Notre rendez-vous manqué lors de sa naissance, qui avait ere difficile et traumatisan-te », décrypte cette jeune mere. Cette experience est jugée « sal-vatrice » par les parents. «Elle nous a permis de prendre le temps de comprendre notre enfant, de nous remettre en question etde désamor-cer les blessures qui auraient pu tous nousfaire souffrirpendant de longues années », expliquent-ils. II est méme des parents qui consultent un psy ä titre preventif, par exemple avant un divorce. Avec toutes les meilleures intentions du monde puisqu'il s'agit de proteger au mieux l'enfant des consequences de l'eclatement familial.«Iis craignent de passer ä cöte d'ün trouble que seul un psy saurait reperer, remarque Caroline Thompson. Mai's il est difficile de faire de la prevention en ce domaine, car les divorces sont vecus tres differemment d'un enfant al 'autre.» De plus, si un enfant n'exprime pas de ressenti par rapport ä cet evenement familial, il est difficile d'intervenir. «C'est souvent dans un deuxieme temps que l'enfant ressentira un mal-etreou presente-ra un trouble, precise la psychologue. Sauf bien sur, en cas de divorce conflictuel, par exemple lorsque l'enfant pourrait etre manipule parl'un des deux parents.» Dans une societe qui valorise la performance, de plus en plus de parents consultent au motif que leur enfant afficheraient des signes de precocite. Les enfants surdoues (ou preco-ces) sont l'objet de toutes les attentions, de la part des families bien sur, mais aussi des enseignants. lis affichent une grande curiosite Ilestmeme des parents qui consultent un psy a titre preventif, par exemple avant un divorce intellectuelle, de fortes capacites de concentration et une bonne memoire. Quoi de plus normal avec un Q_I superieur a 130! Malgre l'insistance de sa mere, Victoire (le prenom a ete change) a beaucoup hesite avant de consulter un psychologue pour son fils, alors age de 4ans. «je redoutais que cette consultation ne lepertur-be plus qu'autre chose puisqu'il allait bien. Puis, nous avons cede car nous avons eu peur de passer a cote de quelque chose qui semblait si evident auxyeux de sa grand-mere. Apres un bilan psychometri-que, nous avons appris qu'il etait surdoue. Ce qui nous a ouvert les yeux sur lefait que nous I'etions aussi», confie cette jeune maman.. II est bien sur important de detecter la precocite d'un enfant, au risque de le voir s'ennuyer en classe, et froler l'echec scolaire. «Attention, si ces enfants sontpre-coces sur le plan intellectuel, ilssont en revanche tres immatures sur le plan affectif», rappelle le docteur Braconnier. L'estampille « enfant surdoue » Hyperactivité ou agitation extréme, faire le bon diagnostic JOHN (le prénom a été change) raconte que son fils, aujourďhui adolescent, a été diagnostiqué TDAH (trouble du deficit de 1'atten-tion avec ou sans hyperactivité) ä 1 age de 6 ans.« Děs la crěche, nous savions qu 'il était different. liatou-jours été "trop": trop agité, trop excité. Nous avions le sentiment ďavoirdes triples au lieu ďun seul enfant», explique-t-il. II a été suivi par des psycholo-gues, des psychomotriciens, des psychiatres. Les progres sur le plan physique ont été spectaculai-res, malheureusement ses rapports aux autres ont été de mal en pis.« Trěs sensible, monfils a beau-coup de mal ä comprendre le mon-de dans lequel il évolue », poursuit son pere. Le TDAH (que Ton resume abu-sivement par le terme « hyperactivity » alors que ce symptome n'est pas toujours present), associe des difficultes a se concentrer, une forte impulsivite et une agitation • incessante. Le diagnostic ne peut etre fait avant 6 ans, meme si on peut en reperer les premiers signes des le plus jeune age. L'etu-de menee par le pedopsychiatre Michel Lecendreux et ses collabo-rateurs (parue dans le Journal of Attention Disorders en aout 2011) montre que le TDAH concerne entre 3,5 % et 5,6 % des enf ants de 6 a 12 ans. Ces enfants sont plus enclins a souffrir de troubles des conduites et de troubles opposi-tionnels que les autres. Non depistee et non traitee, cet- te affection entraine des proble-mes d'apprentissage, des souffran-ces familiales, un rejet social et des conduites addictives a l'adoles-cence. Delai moyen de trente mois Neanmoins, tous les enfants agi-tes ne sont heureusement pas tous atteints de ce trouble. Certains risquent-ils d'etre qualifies d'hyperactifs a tort ? «En France, nous disposons d'une evaluation plus rigoureuse qu'aux Etats-Unis, oit beaucoup d'enfants sont considers comme hyperactifs alors qu'ils ne le sont pas », assure Alain Braconnier, pedopsychiatre. Pedopsychiatre egalement, Agnes Pargade, ajoute:« La difference entre un enfant tres turbu- lent et un hyperactifest que le premier peut se calmer si on lelui demande defacon énergique alors que le second, lui, nepourra conte-nirson besoin de bouger, des'em-parerdes objets autourde lui.» Pour Christine Gétin, presidente de ľassociationTDAH-France, si ľhyperactivité est souvent bien identifiée, le trouble TDAH serait quant ä lui sous-diagnostiqué, et ce diagnostic ne serait posé qua l'issue d'un long parcours.« Les médecins traitants ont trop tendance ä penserque ces symptômes sont transitoires. Parailleurs, les services de psychiatrie manquent de moyens, etpeu de médecins sont reellementformés ä revaluation etau diagnostic de ce trouble », considere-t-elle. Une etude publiee en novem-bre 2011 et menee par l'association montre d'ailleurs qu'il existe un delai moyen de trente mois entre le moment ou les parents com-mencent des demarches face aux difficultes de leur enfant et celui oil le diagnostic est pose. De son cote, le docteur Braconnier recon-nait qu'il existe des enfants qui se situent a la frontiere de l'extreme agitation et de l'hyperactivite: «Dans tous les cas, c'est I'intensite des troubles, leur repetition etleur impact sur la vie de I'enfantet de lafamille quifera la difference. Les pedopsychiatres ontparfois besoin de prendre du temps avant de poser un diagnostic. L'enfant n'est pas une machine!» m Ch.A. 1- esiampine « eniani suraoue » n'en fait pas moins fantasmer de nombreux parents. Des psycholo-gues se spécialisent dans les tests destines aux enfants précoces. Aus-si, des families frappent á leur porte děs qu'ils repěrent les signes d'une intelligence hors norme chez leur petit Einstein. Parfois, ce sont les enseignants qui les aler-tent.« J'aivu plusieursfamilles passer un test de QI parce que leur enfant avait été diagnostiqué sur-doué, ajoute le docteur Pargade. Ces parents souhaitaient savoirqui avait transmis cet heritage généti-que. II est d'ailleurs dangereux de réduire l'enfant ása précocité.» Sans oublier ceux qui foncent chez un psychologue au motif que leur enfant est intelligent et qu'il s'ennuie en classe. Avec parfois une deception au bout du chemiri: ennui scolaire ne rime pas toujours avec précocité! ■ Christine Angiolini