Mummyrexie : ces femmes enceintes qui veulent rester maigres Elles veulent faire des bébés toutes minces ! À l’image de Gisele, Vick ou Miranda, des femmes enceintes se serrent la ceinture. La phobie inquiète les spécialistes. « Et toi ? Tu as pris combien de kilos quand tu étais enceinte ? » La question est un grand classique. Sauf que désormais elle tourne à l’obsession. Tendance à la grossesse low profile. Moins l’aiguille de la balance s’agitera, mieux ce sera. Il n’y a qu’à faire un petit tour sur les forums pour s’en convaincre : partout des témoignages de futures mamans obnubilées par la transformation de leur corps et par leur prise de poids : « Help : besoin de conseils pour ne pas grossir pendant ma grossesse » ; « Trop contente, suis à 4 kilos au septième mois » ; « Ai trouvé un remède miracle pour couper la faim » ; « Ai affiché la photo de Gisele Bündchen sur mon frigo pour me motiver ». Le défi fou est simple : engranger le moins de kilos possible, voire profiter de cette période pour en perdre. À ce dangereux petit jeu,Caroline Berg Eriksen gagne indéniablement la palme. En avril 2013, cette blogueuse norvégienne, femme du footballeur Lars Eriksen, poste un selfie sur son compte Instagram qui fait le tour de la planète : quatre jours seulement après son accouchement, elle s’exhibe en brassière ultra courte laissant apparaître un ventre plus plat que plat. Aux ÉtatsUnis, cette tendance qui consiste à vivre une grossesse poids plume est tellement courante qu’elle porte un nom : la mummyrexie. En France, le phénomène gagne chaque mois du terrain. Les responsables ? Quelques adeptes du tapis rouge, comme Victoria Beckham, Jessica Alba, Miranda Kerr, Alessandra Ambrosio… qui affichent une silhouette de rêve quelques jours seulement après avoir accouché. Un peu comme si la grossesse n’avait laissé aucune trace, aucun stigmate, sur leur divin corps. « Je le dis à toutes les femmes enceintes : c’est une utopie ! », s’exclame Dominique-Adèle Cassuto, médecin nutritionniste. « Derrière ces femmes à la plastique parfaite, il y a des coachs, des stylistes, des nutritionnistes… Tout est faussé. C’est une aberration de faire croire aux femmes que l’on peut retrouver sa ligne en quatre jours. Le corps met en moyenne un an pour se remettre complètement en place. Et c’est normal. Le sport entre parenthèses par Julie Ferrez, coach bien-être et forme * « Certaines femmes profitent de leur grossesse pour se mettre au sport : c’est la pire des bêtises ! Parce que le corps n’est pas préparé et qu’il faut avoir une bonne connaissance de son organisme pour pratiquer un sport pendant une grossesse. Il faut notamment sentir son périnée et apprendre à le contrôler. Alors, quand “lever le pied” ? Évidemment, dès les premiers signes de fatigue. Souvent, je conseille de ne plus travailler les abdominaux dès l’apparition de la fameuse ligne blanche sur le ventre. De mettre l’accent sur le dos, les bras et la respiration via le yoga, la natation ou la marche à pied. À la fin du huitième mois, repos total. Après l’accouchement, interdiction formelle de reprendre toute activité physique avant une rééducation du périnée. » *www.julieferrez.com Certaines futures mères sont pourtant prêtes à tout pour « limiter les dégâts ». « Dès les premiers mois de ma grossesse, la prise de poids était une angoisse, se souvient Noémie, 34 ans. Je faisais un 36 avant, et je voulais entrer dans mon 36 en sortant de la maternité. J’ai donc tout mis en œuvre pour y parvenir : je ne mangeais que des légumes vapeur et, parfois, j’allais jusqu’à sauter des repas… » Se serrer la ceinture au moment même où l’on est supposée dégrafer le pantalon, lâcher du lest… Pour la médecin et sexologue Ghislaine Paris, il y a une explication : « Notre relation au corps sexué est devenue très perturbée. Aujourd’hui, les jeunes femmes rêvent d’un corps en papier glacé, comme une image fixe, un corps qui ne vit pas, qui n’évolue pas. Un corps prépubère. Sans seins, sans fesses, sans hanches, et surtout sans tissu graisseux. » Pour la médecin, refuser à tout prix de prendre du poids se rapproche… d’un déni de grossesse : « Certaines femmes veulent le bébé, mais rejettent l’aspect propre à la grossesse : les seins qui grossissent, les hanches qui s’élargissent, le ventre qui s’arrondit et ce fameux tissu graisseux qui s’épaissit. » Outre les stars des red carpets, certains obstétriciens auraient aussi une influence sur ces grossesses poids plume. « Trop d’entre eux pressurisent les futures mamans, reprend DominiqueAdèle Cassuto. Ils craignent d’avoir des accouchements difficiles en cas de forte prise de poids. Ce qui est un risque évidemment lorsque l’on prend 20 ou 30 kilos, mais il ne faut surtout pas tomber dans les excès inverses. Il est conseillé de prendre au minimum entre 7 et 9 kilos. Certaines femmes peuvent d’ailleurs monter jusqu’à 13, 15, 18 kilos, tout dépend de leur morphologie. » La jouissance plutôt que la crispation Car les dangers existent. Contrairement à ce que l’on croit, le premier à pâtir de ce comportement excessif ne sera pas le bébé, qui va puiser chez la maman tout ce dont il a besoin. C’est donc cette dernière qui se met en danger et présentera de fortes carences. « Ces dernières années, nous assistons d’ailleurs à une hausse considérable d’accouchements prématurés », poursuit Ghislaine Paris. « Pendant la grossesse, ajoute la médecin, une relation se tisse avec le bébé, et il est important d’être dans la jouissance plutôt que dans la crispation. » Et Ghislaine Paris de conclure avec sagesse : « Pendant des années, les femmes se sont battues pour acquérir une liberté, une autonomie. Pourquoi s’enfermer dans une autre aliénation ? Le corps, tel que certaines femmes l’envisagent, devient une prison, un carcan. C’est dommage. Vivre sa grossesse est un plaisir. Il ne faut pas passer à côté. »