32 P E N S E E S modele, parce qu'elles ressemblent a ce niodele unique, quoique chacune scion son genre, il y a de meme un rapport parlait entre les thoses faites sur le mauvais niodele. Ce n'est pas que le mauvais modele soit unique, car il y en a une infinite;, mais chaquc mauvais sonnet, par exemple, sur quelque faux niodele qu'il soit fait, resseinble parfaitement a une fenniie vetue sur ce modele. Rien ne fait niieux entendre combien un faux sonnet est ridicule que d'en considerer la nature et le modele, et de s'huaginer ensuite une femnic ou une maison faite sur ce niodele-la. 38. Beaute poetique. — Coninic on dit beaute poetique, on devrait aussi dire beaute geometrique, et beaute medicinale; mais on 11c le dit pas : et la raison en est qu'on sait bien quel est l'objet de la geometric, et qu'il consiste en preuves, et quel est l'objet de la mcdecine, et qu'il consiste en la guerison; mais on ne sait pas en quoi consiste l'agre ment, qui est l'objet de la poesie. On ne sait ce que e'est que ce modele naturel qu'il faut imiter; t:t, a faute de cette connaissance, on a invente de ict tains termes bizarres : <( siecle d'or, merveille de rios jours, fatal n. etc.; et on appelle ce jargon beaute poetique. Mais qui s'imaginera une femme sur ce modele la, qui consiste a dire de petites choses avec de grands mots, verra une jolie danioiselle toute plcinr de miroirs et de chaines, dont il rira, parce qu'on sail mieux en quoi consiste l'agrement dune DES S E ! N, O RD RE ET P LA A' 33 femme que 1'agrement des vers. Mais ceux qui ne s'y connaitraient pas l'adniireraient en cet equipage; et il y a bien des villages oil on la prendrait pour la reine; et e'est pourquoi nous appelons les sonnets faits sur ce niodele-la les reines de village. 39. On ne passe point dans le monde pour se connaitre en vers si Ton n'a mis l'enseignc de poc-te, de mathematicien, etc. Mais les gens univcrsels ne veulent point d'enseigne, et ne mettent guere de difference entre le metier de poete et celui de bro-deur. Les gens universels ne sont appeles ni poetes, ni gcometres, etc.; mais ils sont tout cela, et juges de ions ceux-la. On ne les devine point. lis parleront de ce qu'on parlait quand ils sont enttes. On ne sapercoit point en eux d'une qualite plutot que dune autre, hors de la necessite de la mettre en usage; mais alors on sen souvient, car il est egale-iiicnt de ce caractere qu'on ne disc point d'eux <|u ils parlent bien, quand il n'est point question 'In l.mgagc, et qu'on dise d'eux qu'ils parlent bien, qu.uid il en est question. ( < si done une fausse louange qu'on donne a 1111 lionmie quand on dit de lui, lorsqu'il entre, . I • • 11 < si fort habile en poesie; et e'est une mauvaise unique, quand on n'a pas recours a un homme .|......I il s'agit de juger de quelques vers. I'1 II faut qt'on n'en puisse [dire], ni : « II est in ii ln-iii.iiicicn », ni (( yjredicateur », ni « <^lo-.1111 ni 11, mais : « II est honnete homme ». Cette