C U L T u r e g é n é r r L e Aurélien Fayet - Michelle Fayet ĽHistoire de France toutsLdipLetnent EYROLLES Ľhistoire de France Groupe Eyrolles 61, Bid Saint-Germain 75240 Paris Cedex 05 www.editions-eyroLLes.com Avec La coLLaboration de Celine Hyrien Illustrations : Marie Leroy Maquette intérieure : Nord Compo Mise en pages : Asiatype Le code de la proprietě intellectuelle du ler juillet 1992 interdit en effet expressément la photocopie á usage collectif sans autorisation des ayants droit. Or, cette pratique s'est généralisée notamment dans I'enseignement, provoquant une baisse brutale des achats de livres, au point que la possibilité méme pour les auteurs de créer des ceuvres nouvelles et de les faire éditer correctement est aujourďhui menacée. En application de la loi du 11 mars 1957 il est interdit de reproduire intégralement ou partiellement le present ouvrage, sur quelque support que ce soit, sans autorisation de I'Editeur ou du Centre Frangais d'Exploitation du Droit de Copie, 20, rue des Grands-Augustins, 75006 Paris. DANGER PHOTOCOPILLAGE TUELELIVRE © Groupe Eyrolles, 2007, 2009 ISBN : 978-2-212-54391-9 Aurélien Fayet Michelle Fayet Ľhistoire de France Des origines ä nos jours Deuxiéme edition EYROLLES Chez le méme éditeur Comprendre l'hindouisme, Alexandre Astier Communiquer en arabe maghrébin, Yasmina Bassa'ine et Dimitri Kijek QCM de culture generale, Pierre Biélande Le christianisme, Claude-Henry du Bord La philosophie, Claude-Henry du Bord Marx et le marxisme, Jean-Yves Calvez QCM Histoire de France, Nathan Grigorieff Citations latines expliquées, Nathan Grigorieff Philo de base, Vladimir Grigorieff Religions du monde entier, Vladimir Grigorieff Les philosophies orientales, Vladimir Grigorieff Les mythologies, Sabine Jourdain Découvrir la psychanalyse, Edith Lecourt Comprendre Vislam, Quentin Ludwig Comprendre le judaisme, Quentin Ludwig Comprendre la kabbale, Quentin Ludwig Le bouddhisme, Quentin Ludwig Les religions, Quentin Ludwig Les racines grecques du frangais, Quentin Ludwig La littérature frangaise, Nicole Masson Dictionnaire des symboles, Miguel Mennig Histoire du Moyen Age, Madeleine Michaux Histoire de la Renaissance, Marie-Anne Michaux L'Europe, Tania Regin Histoire du XXe siede, Dominique Sarciaux QCM Histoire de Vart, David Thomisse Comprendre le protestantisme, Geoffroy de Turckheim Nous tenons tout particulierement a remercier Benjamin pour son appui et pour la qualite de ses relectures et commentaires. Introduction Saisir une allusion culturelle, donner de la coherence ä ses connais-sances parfois trop éparses pour étre exploitables, combler ďéven-tuelles lacunes devenues progressivement fardeau... Face ä des situations de ce type, vous avez peut-étre déja tenté de découvrir un chemin rapide pour construire ou reconstruire votre culture generale. Or, il n'est pas toujours aisé de s'orienter seul dans la jungle foison-nante des connaissances historiques, sérieuses ou plus anecdotiques. Comment sélectionner les approches les plus pertinentes au milieu de la surabondance d'ouvrages traitant de sujets historiques, économi-ques et culturels les plus varies ? Comment acquérir une vision d'ensemble sans s'encombrer d'informations disparates ou d'anecdotes inutiles ? Ce livre est destine essentiellement aux non-historiens soucieux ďacquérir une vision construite de l'histoire de France, dans l'objectif ďétablir l'assise dune culture generale utile ä une comprehension plus fine du monde contemporain. Au cours de ces pages, nous avons en effet tenté de mettre en coherence et en perspective les périodes qui ont forge la France actuelle, avec l'approche la plus simple possible, sans toutefois restituer le déroulé de l'histoire de maniěre réductrice. Nous avons volontairement privilegia les six siěcles les plus récents allant de 1364 ä nos jours, découpage apte ä faire émerger de maniěre lisible la construction de 1'État et de la nation conduisant ä la France ďaujourďhui. Appui de depart, une partie introductive met en relief les ancrages ä retenir depuis la conquéte de la Gaule par les Romains jusqu'aux débuts de la guerre de Cent Ans. Afin de permettre ä chacun de tisser une tramě solide de culture generale, il nous a semblé pertinent de croiser constamment deux demarches : chronologique (« Les Francais au hl du siěcle ») et théma-tique (« Les Francais et leur temps »). II s'est done agi pour nous de créer des repěres chronologiques sufhsants pour donner du sens aux I L iiiMuiie ue ridiiLe evolutions conduisant ä notre époque, et de sélectionner des thěmes porteurs aptes ä éclairer de maniěre significative une époque dans sa dimension sociale, économique, religieuse ou culturelle. Pour renforcer la lisibilité, chacune des six parties debute par une brěve chronologie et correspond ä un siěcle. Le découpage des dates de démarrage des diffé-rentes parties peut varier toutefois pour restituer 1'unité de sens propre ä chaque periodě. Pour chaque siěcle, il nous a également paru interessant de presenter 1'environnement élargi de la France, regard porte sur ses liens avec l'Europe et ďautres continents. En effet, 1'histoire ďun pays ne peut se limiter ä une description des événements intérieurs. Comment comprendre le XVIe siěcle sans évoquer la découverte de 1'Amérique en 1492 ? Originalitě complémentaire, un cahier en fin ďouvrage présente 1'histoire des costumes portés par les femmes et les hommes de ces quelques siěcles, faisant ä la fois office de repěres visuels, mais aussi de moyens pratiques pour dater les tableaux contemplés lors ďune visitě de musée. Ouvrage de synthěse, ce livre doit beaucoup aux travaux des historiens, sans lesquels point de connaissance ni de reflexion historiques ne sont possibles. L'Histoire est un formidable outil de comprehension du monde, cet ouvrage est destine ä vous en faire partager la richesse... Partie I 58 avant J.-C. - 1364 de La Gaule ä la guerre de Cent Ans OJ o Francia (lors du traité de Verdun, en 843). Ii s'agit de se centrer sur ^ ľessentiel des prémices pour comprendre la suite de ľhistoire ; le SurvoL de La periodě Comment definir ce que recoupent les mots « histoire de France » ? Par quel biais faut-il les associer aux notions d'Etat, de Nation, de Patrie ? Ä quelle epoque debuter l'histoire de France ? La reponse spontanee des moins inities est un jaillissement desordonne de mots qui, pele-mele, s'associent par souvenir scolaire ä des noms familiers en mal de definition : Gaulois, Romains, Charles Martel, avec comme fleuron l'incontournable Charlemagne, celui qui parait-il aurait invente l'ecole ! Ä quelle date en effet commencer l'histoire du long processus de construction de la France, si Ton prend comme point de ralliement le cadre geographique, c'est-a-dire l'extremite occidentale de l'Europe ? Gene-ralement, la notion d' « Histoire » est detachee nettement du mot « Prehistoire ». En effet, l'Histoire debute globalement avec l'ecriture, au moment oil la parole humaine se materialise par un temoignage, et done une interpretation, au temps oil les hommes ont invente un moyen de communication ä distance qui a eu pour repercussion de laisser en heritage une trace materielle et subjective de leurs pensees. Ainsi, des traces exclusives de vie materielle, sans ecriture, appartien-nent ä la Prehistoire et appartiennent par consequent au champ de l'archeologie. Concernant l'espace francais, les premiers temoignages ecrits emanent des colonisateurs grecs accostant sur les rives mediterraneennes au VP siecle avant Jesus-Christ, suivis plus tard par les Romains. Iis ne proviennent jamais des Celtes, les habitants du territoire, car ceux-ci, par peur superstitieuse de l'ecriture, ne nous ont laisse aucun ecrit. Les temoignages sont done toujours indirects. On parle dans ce cas de « Protohistoire ». % Pour cette raison, 1'entrée choisie dans cette partie ouvre sur le monde ^ gallo-romain, initiateurs ďune unité administrative fédérant des & peuples heterogenes en un pays qui prendra plus tard le nom de 11 Partie I 58 avant J.-C. - 1364 : de la Gaule ä la guerre de Cent Ans monde gallo-romain doit done y etre evoque comme les dynasties royales : Merovingiens puis Carolingiens, avec Charlemagne pour figure emblematique. Les Capetiens en sont la derniere etape, quand Hugues Capet fonde cette dynastie endurante qui va regner en France pendant pres de mille ans. Cette premiere visite par etapes-cles est indispensable pour comprendre le fil continu de l'histoire de France, mais cette premiere partie doit etre breve pour ne pas s'enliser en chemin. Pour comprendre la France d'aujourd'hui, il est indispensable de reunir une culture de base de l'occupation romaine en Gaule, de 51 avant Jesus-Christ ä la guerre de Cent Ans au XIVe siecle. Ii faut d'abord clarifier et classer nos souvenirs dans l'ordre pour definir le cadre permettant de comprendre et d'appro-fondir les six siecles de construction progressive de la France. Les decouvertes avant la guerre de Cent Ans IIP siede avant J.-C. : tonneau IP siede : boussole en Chine (introduction en Europe au XIIP siede) VIP siede : astrolabe dans Le monde musulman (introduit en Europe au XVP siede) Vers 1000 : collier d'epaule (revolution agricole) XIIP siecle : introduction en Europe des chiffres arabes et de la poudre ä armes ä feu (Chine) XIVe siecle : aiguille ä coudre en fer Filigrane chronologique : 800 av. J.-C. - 1428 En « France » Ä l'etranger Premiers peuplements sedentaires du territoire de la Gaule VHP siecle av. J.-C. Premier age de fer : presence de forgerons celtes installes sur une hauteur (oppidum) 600 av. J.-C. Colonisation grecque des Phoceens venus de Ionie fondant Massalia, actuelle Marseille (la cite phoceenne) / Survol de la periodě En « France » Á 1'étranger Ve siěcle av. J.-C. Gaulois, peuple d'agriculteurs, d'artisans, de guerriers Guerres médiques contre les Perses donnant la primauté á Athěnes. Apogée ďAthěnes avec Périclěs (periodě classique). Guerre du Péloponněse 390 av. J.-C. Prise de Rome par les Gaulois 333-323 av. J.-C. Conquéte de 1'Asie par Alexandre le Grand (debut de 1'ěre hellénistique) 218-202 av. J.-C. Traversee des Alpes par Hannibal IIe guerre punique (Rome contre Carthage) 125 av. J.-C. Debut des invasions romaines sporadiques. Fondation d'Aix-en-Provence par les Romains Occupation romaine 58-51 av. J.-C. Guerre des Gaules et creation de la societe gallo-romaine Ier et IIe siěcles Paix romaine Apparition du christianisme en Judée 177 Persecutions chretiennes au debut du christianisme : sainte Blandine ä Lyon 200-400 Christianisation de la Gaule 212 Edit de Caracalla : accession ä la citoyennete romaine pour tous les hommes libres de l'Empire 253 Saint Denis, 1er eveque de Paris, decapite ä Montmartre / Partie i 58 avant J.-C. - 1364 : de la Gaule ä la guerre de Cent Ans En « France » A l'etranger IVe siěcle Conversion de l'empereur romain Constantin au christianisme. Fondation de Constantinople 394 Division en deux de l'empire romain : Empire d'Occident et Empire d' Orient 406 Debut des invasions barbares : peuples germains 451 Invasion des Huns. Sainte Genevieve defend Lutece. Defaite d'Attila a la bataille des Champs catalauniques Prise de Carthage par les Vandales en 439 476 Chute de l'Empire romain d'Occident Dynastie merovingienne Vers 496 Conversion de Clovis au catholicisme Vers 540 Regies monastiques de saint Benoit de Nursie (benedictins) Vers 625 Fondation de l'abbaye de Saint-Denis par le roi Dagobert 622. Hegire, debut de l'ere musulmane (Mahomet) VHP siěcle 732. Arret des Arabes (Sarrasins) a Poitiers par Charles Martel 711. Debut de la conquete arabe en Espagne. 718. Debut de la Reconquista des souverains espagnols contre les Arabes jusqu'en 1492 / Survol de la periodě En « France » Ä l'etranger Dynastie carolingienne 754 Sacre de Pépin le Bref 800 Sacre de Charlemagne, empereur d'Occident. Refonte des regies bénédictines par saint Benoit d'Aniane 842 Serments de Strasbourg 843 Traité de Verdun. Partage en trois de l'empire de Charlemagne (Francia : part de Charles le Chauve) IXe siede Invasions normandes 877 Heredité des charges publiques, premiere étape vers la féodalité 909 Fondation de l'ordre de Čluny 911 Sédentarisation des Normands aprěs un don du territoire (la Normandie) 962 Fondation de l'Empire germanique par Otton Ier Dynastie capétienne 987 Election d'Hugues Capet comme roi de France 1030 Apparition de l'art roman 1066 Conquéte de l'Angleterre par le due normand Guillaume le Conquérant 1095-1099 Premiere croisade 1099. Prise de Jerusalem par les croisés 1108-1137 Regne de Louis VI le Gros avec comme ministre Suger. Apparition de l'art gothique Développement de l'art gothique en Europe 1152 Perte de 1'Aquitaine devenue anglaise par le mariage d'Alienor d'Aquitaine avec le roi anglais Henri II Plantagenet / Partie I 58 avant J.-C. - 1364 : de la Gaule a la guerre de Cent Ans En « France » A l'etranger 1165-1223 Regne de Philippe Auguste. Paris capitale et construction du Louvre et de Notre-Dame 1214 Victoire de Bouvines 1215. Fondation de l'ordre des Dominicains 1223. Reconnaissance papale de l'ordre franciscain cree par saint Francois d'Assise 1226-1270 Regne de Saint Louis 6e et 7e croisades 1271 9e et derniere croisade 1268-1314 Regne de Philippe le Bel 1295. Retour d'Asie du marchand venitien Marco Polo 1302 Premiere reunion des etats generaux 1328 Fin de la branche des capetiens directs lors de la mort du 3e fils de Philippe le Bel 1337 Pretention du roi d'Angleterre Edouard III a la couronne de France : debut de la guerre de Cent Ans 1346 Defaite de Crecy contre les Anglais 1356 Defaite de Poitiers contre les Anglais. Jean le Bon prisonnier des Anglais 1357 Revolte de Paris avec Etienne Marcel : volonte de reduire les pouvoirs du roi de France Survol de la periodě Les Gaulois deviennent les Gallo-romains La Gaule conquise lors du siěge ďAlésia On peut faire remonter 1'histoire de France aux années 58 ä 51 avant Jésus-Christ, quand les Romains imposent leur domination au peuple gaulois ďorigine celte. Toutefois, le nom de France ne s'imposera que plus tard; ä cette époque lä, il s'agit encore des Gaules. Les Gaulois, presents dans de nombreuses regions d'Europe depuis l'Anatolie jusqu'aux lies britanniques, n'ont alors aucune unite politique. Ii est cependant possible de parier dune civilisation celte caractérisée par ses valeurs guerriěres et sa maítrise du fer avec lequel les Gaulois forgent leurs glaives redoutables. Lors du siěge ďAlésia, une ephemere union des peuples gaulois autour du chef arverne Vercingétorix échoue face aux legions de Jules César. Les Gaulois sont děs lors soumis par les Romains pour une periodě de 500 ans. Iis deviennent les Gallo-romains dans le cadre de la paix romaine (pax romana), c'est-ä-dire la periodě de prosperitě et de paix obtenue par 1'intégration de la Gaule dans l'Empire romain. Christianisation de la Gaule La force des Romains, raison de la pérennité de leur vaste empire, reside dans leur aptitude ä s'appuyer sur les elites des peuples conquis pour contröler et diriger leurs immenses territoires en les assimilant. Aptitude rare, ils intěgrent aussi quelques traits culturels des peuples soumis, en particulier certains de leurs dieux. Cette tolerance reli-gieuse ne nous est pas perceptible car on retient surtout d'eux les persecutions chrétiennes. L'apparition du Dieu chrétien est en effet le seul moment oil, en raison du concept de Dieu unique, les Romains ont verse un temps dans l'intolerance avant ďadopter eux-mémes la nouvelle religion au IVe siěcle aprěs Jésus-Christ. La Gaule est, comme le reste de l'Empire, christianisée peu ä peu par les évangélisateurs chrétiens implantés d'abord dans les villes. Cest le cas de Lyon, capi-tale des trois Gaules (Lyonnaise, Aquitaine, Narbonnaise, les trois provinces gallo-romaines) oil sainte Blandine subit son martyr lors des persecutions du IP siěcle aprěs Jésus-Christ. Partie i 58 avant J.-C. - 1364 : de la Gaule ä la guerre de Cent Ans L'apport culturel des Romains Les Romains ont imprime sur le monde gaulois la marque dune organisation etatique. En effet, leur autre force consiste dans leur modele civilisateur: ville avec ses thermes, Stades, routes (les fameuses voies romaines), institutions, hierarchie sociale ä laquelle on peut s'integrer si Ton joue le jeu de la paix romaine en adoptant leur langue unificatrice : le latin. Cette langue est aussi ecrite et structuree par des grammaires et des lexiques, ce qui nest pas le cas des langues gauloises, purement orales, qui vont ainsi se diluer dans le latin pour former progressivement le roman. Nos « ancétres » les Gaulois Le mythe ďune France gauloise s'est impose au XIXe siede, ä une époque oú l'on cherche ä renforcer ['identitě frangaise dans Le cadre d'une periodě de grandes rivalités nationales. Sous Le Second Empire (1852-1870), des fouilles archéologiques sont ainsi Lancées pour retrouver Le site d'ALesia, dont La Loca-Lisation exacte reste toujours débattue. Sous Le regime de Vichy (1940-1944), L'image des GauLois et de Vercingétorix est fortement utiLisée par La propagandě officieLLe dans Le cadre d'un retour aux vaLeurs « nationaLes ». Depuis 1961, Le mythe des ancétres gauLois reste porte de maniěre pLus Légěre et facé-tieuse par La bände dessinée Astéríx et Obélix de Goscinny et Uderzo. Les hordes barbares et la fin de l'Empire : Ve siede Au debut du Ve siecle, les peuples barbares attaquent violemment l'Empire romain affaibli par des troubles politiques internes. En 451, lorsque Attila, redoutable chef Hun surnomme « le fleau de Dieu », decide d'attaquer la Gaule, il se heurte ä une forte resistance des armees romaines au sein desquelles servent des peuples germains resi-dant sur le territoire. C'est ä cette epoque que se deroule l'episode legendaire de sainte Genevieve defendant Paris. Paris defendu par une femme Par sa particuliere determination, une jeune reLigieuse, Genevieve, convainc ä La resistance contre Les Huns Les habitants de « Lutece » installes sur deux Ties au mi'Lieu de La Seine (actueLLes Ties Saint-Louis et de La Cite). La victoire est au rendez-vous puisque ceux-ci se detournent de La viLLe, sans doute mus par Survol de la periodě ďautres objectifs. Devenue heroine, Genevieve donnera son nom ä La fameuse colline du Quartier Latin et restera pour toujours La sainte patronne de Paris et de La gendarmerie nationale. L'Empire organise la defense en s'appuyant sur les peuples germani-ques venus du Nord de l'Europe qui parviennent ä vaincre les Huns « aux champs catalauniques » dans le Nord de la France actuelle. La Suprematie militaire n'est plus aux mains des Romains ; les peuples germaniques sont désormais les nouveaux maítres de l'Europe. L'Empire romain d'Occident chute en 476 aprěs J.-C, lorsque Rome est pillée, et l'empereur destitué, par les envahisseurs germains. Cette date symbolique met fin ä 1'Antiquité et ouvre le long Moyen Äge (nom péjoratif donné au XVe siěcle ä cette periodě : l'äge moyen renvoie ä la periodě coincée entre deux äges !). L'Europe de l'Ouest est alors partagée entre les différents peuples germaniques tels les Lombards, les Alamans, les Vandales, les Ostrogoths, les Wisigoths, etc. L'Empire romain survivra dix siěcles en Orient Un Empire romain ďOrient centre sur sa capitale Byzance va cependant subsister jusqďau XVe siěcLe. IL chutera á son tour Lorsque Les Turcs prendront sa capitale Constantinople, rebaptisée depuis Istanbul. Les Mérovingiens fondent le royaume des Francs : Ve - VIIIe siěcle Au moment de la disparition de l'Empire romain d'Occident, les Francs, autre peuple germanique venu de la rive droite du Rhin, s'imposent par leur ardeur guerriere et apparaissent aux peuples gallo-romains, nostalgiques de la paix, comme seuls aptes ä retablir l'ordre. La disparition de l'autorite romaine ayant laisse le champ libre aux autorites religieuses, ce sont les eveques qui organisent la protection des peuples gallo-romains desempares ; les membres du clerge, dont le fort n'est tout de meme pas l'art de la guerre, vont alors s'atteler ä retablir l'autorite, nostalgiques eux aussi du modele romain. Deux personnalites favorisent, avec intelligence, ce retablissement de l'ordre : le roi des Francs Clovis et l'archeveque de Reims, saint Remi. Les Francs ne conquierent done pas la Gaule par la force mais accep-tent d'assurer sa protection avec la benediction des autorites religieuses soulagees. Clovis (481-511) joue le jeu : sous l'influence de son Partie i 58 avant J.-C. - 1364 : de la Gaule ä la guerre de Cent Ans épouse catholique, il se convertit au christianisme vers 496 ä Reims et fait assassiner tous les chefs pai'ens résistants. II fonde alors la dynastie mérovingienne (nom provenant probablement de Mérovée, le grand-pěre de Clovis), qui va durer deux siěcles et demi. Le prénom de Louis, donne ä dix-sept rois de France, derive en francais moderne du prénom de Clovis. Grégoire de Tours en direct de Soissons Si Clovis est si connu, c'est grace á Grégoire de Tours qui, faisant ceuvre d'historien, nous décrit son rěgne par periodě de cinq ans. C'est par son Histoire des Francs que nous connaissons ['episode fameux du vase de Soissons (486), ou Clovis, aprěs La bataille qui lui donne La maitrise du Nord de La France, rompt avec La tradition franque du partage de butin par tirage au sort. IL restitue en effet un vase sacré á son propriétaire, un évéque. Le soLdat auqueL Le sort a attribué L'objet en argent s'en indigne et brise Le vase (ou Le cabosse seLon d'autres sources, pLus pLausibLes !). CLovis, un an pLus tard, reconnait Le soLdat Lors d'une revue militaire, pretexte de sa mauvaise tenue pour jeter á terre son arme et Lui brise Le crane Lorsqu'iL tente de La ramasser en disant « Ainsi as-tu fait au vase de Soissons », expression reformuLée par La tradition popuLaire en « Souviens-toi du vase de Soissons ». CLovis n'a semble-t-il pas intégré Les vertus de mansuétude chrétienne, mais c'est ainsi qu'un chef franc impose Le respect de La nouveLLe religion officielle á ses soldats ! Les Francs vont utiliser les structures en place et se meler etroitement aux Gallo-romains par le biais notamment de manages mixtes. Tres rapidement, elites franques et gallo-romaines fusionnent. Les Francs abandonnent progressivement leur langue au profit du latin dans l'administration et la culture et utilisent la langue romane dans le parler quotidien, la melant en meme temps a leur langue franque germanique. De la naitra la langue d'Oil, fondement du francais moderne. L'unite de l'Etat aurait pu s'enraciner sur le modele romain, encore present dans tous les esprits. Or, cette dynastie va respecter les pratiques franques de droits de succession, qui consistent a partager le territoire, a la mort du pere, en parts egales entre les heritiers males. Et Clovis a quatre fils ! Cette dynastie ne survivra pas a la division des partages et sera remplacee par une dynastie de maires du palais (gerants du domaine royal) qui s'impose progressivement: ce sont les Pippinides (du nom de Pepin Ier). C'est de cette famille originaire de la vallee de la Meuse que descendent Charles Martel et Charlemagne. Survol de la periodě Le bon roi Dagobert, idée ä revoir ! Aprěs le rěgne du roi Dagobert (632-639), les Mérovingiens sombrent dans la decadence (les rois « faineants », de fait néant, c'est-ä-dire qu'ils n'ont que peu de pouvoirs). Leur image a néanmoins été ternie par la dynastie suivante dans un espit de propagande. Le roi Dagobert, ferme et débauché, est le dernier ä maintenir un pouvoir fort, mais pour cela il fait exécuter les opposants. La célěbre chanson qui le ridiculise avec son pantalon ä ľenvers a été inventée pendant la Revolution frangaise pour discréditer la monarchie. Le « bon » saint Éloi a également existé : c'était le trésorier de Dagobert. En 625, Dagobert fonde l'abbaye de Saint-Denis et son tombeau est le premier de la série des rois de France. Les Carolingiens dessinent la France : 732-947 ■ Pépin le Bref et Charlemagne Le terrain de la dynastie carolingienne a été prepare par le rayonne-ment dynamique de Charles Martel, maire du palais aux pleins pouvoirs, qui a su arréter la progression des envahisseurs saxons au Nord puis arabes entre Tours et Poitiers en 732. Profitant de ce prestige, son fils, Pépin le Bref (751-768), écarte autoritairement le roi mérovingien en place (Childéric III) et se fait sacrer roi par le pape en 754. Cest la premiére fois qu'un roi recoit cette legitimation á carac-tére sacré. La dynastie des Carolingiens (nom formé ultérieurement sur le nom de Charlemagne) est done née ďun coup ďÉtat. Charlemagne, le fils de Pépin le Bref (« bref » signifie de petite taille), porte ensuite au faíte de sa gloire 1'ascension de cette famille en conquérant un immense empire. Son nom est Charles Ier le grand (magnus en terminologie latine). Pourtant, son régne debute par une défaite devenue legendě : lors dune expedition en Espagne, son arriére-garde est détruite á Roncevaux par des montagnards basques. Cet episode donnera naissance au XIIe siécle á la Chanson de Roland, grand classique de la littérature chevaleresque. Son long régne de trente-six ans (de 768 á 814) permet á Charlemagne de prendre la couronne des Lombards (Itálie du Nord) et d'etre sacré empereur d'Occident par le pape, le 25 décembre 800. Ce titre presti-gieux n'avait plus jamais été donné depuis 476, date de la deposition du Partie I 58 avant J.-C. - 1364 : de la Gaule a la guerre de Cent Ans dernier empereur romain d'Occident. L'Empire carolingien centre sur la capitale, Aix-la-Chapelle, s'etend de l'Atlantique a la Baviere, de la mer du Nord a la Mediterranee. Beaucoup ensuite tenteront de recreer l'empire de Charlemagne, la culture europeenne s'etant emparee de ce glorieux regne, que les Allemands, les Autrichiens, les Beiges, les Italiens ou les Suisses peuvent aussi revendiquer ! Des reformes a tout va Afin de mieux controLer son immense empire, Charlemagne met en place Les missi dominici (« envoyes du maitre ») charges de surveiller ['administration du royaume. L'empereur generalise egalement Le systeme de La vassaLite, doubLant La fideLite due au roi par une fideLite d'homme a homme. Le vassaL jure fideLite a L'empereur, promettant conseiL et aide miLitaire contre une retribution en terres. Les germes de La feodaLite sont maintenant en pLace. Tres attache a son titre de protecteur de L'EgLise, CharLemagne soutient egaLement Le mouvement de reforme Lance par L'EgLise au VHP siecLe visant a retabLir son autorite et a retrouver une purete moraLe. Enfin, Le regne de CharLes est aussi Le cadre d'un reveiL inteLLectueL fonde sur une redecouverte de La cuLture antique : c'est La renaissance caroLin-gienne. A Aix-La-ChapeLLe, L'empereur s'entoure d'inteLLectueLs venus de toute L'Europe et fonde en son paLais une ecoLe en Latin, chargee de former Les elites de L'Empire. De La est ne son mythe d' « inventeur de L'ecoLe ». ■843. D'un empire morcele nait la France Toutefois, comme dans la tradition merovingienne, l'Empire est morcele a la mort du fils de Charlemagne, Louis le Pieux (814-840), qui n'est pas parvenu a contenir les ambitions de ses fils. L'Empire est alors divise entre les trois petits-fils de Charlemagne (Lothaire, Louis le Germanique et Charles le Chauve) en 843 par le traite de Verdun. Les serments de Strasbourg (14 fevrier 842) : le premier texte en langue frangaise Un an avant Le traite, Louis Le Germanique s'entend avec CharLes Le Chauve contre Lothaire. Leurs serments nous offrent Les premiers textes construits que nous possedons en Langue romane (ancetre du frangais) et en Langue tudesque (ancetre de L'aLLemand). Ces textes sont Les premiers a mettre Les Langues vuLgaires (du peupLe) a L'honneur. En effet, tous Les discours prononces et Les reponses spontanees des soLdats respectifs sont restitues fideLement. En 843, le traite de Verdun divise l'Empire en trois : Charles le Chauve a la partie occidentale, ce qui correspond a peu pres au territoire de la France actuelle. C'est pour cette raison que Ton date parfois la naissance Survol de la periodě de la France au traite de Verdun, car ses contours y sont esquisses. C'est sur cette silhouette territoriale que, plus tard, les rois de France preten-dront asseoir leur autorite. ■ 843-987. La naissance de la féodalité Ľempire, objet de toutes les convoitises Aux IXe et Xe siěcles, ľempire s'assombrit avec la decadence de ľauto-rité carolingienne. Au Sud, les Sarrasins (Arabes) attaquent, ä ľOuest, ce sont les Normands. Toutes les autorités prennent le pouvoir sans chef fédérateur. Le pays se morcelle et les rivalités s'exacerbent. Les invasions normandes créent en effet une veritable panique en Occident. Les Scandinaves, poussés par la recherche du gain, attaquent les villes portuaires puis s'engouffrent dans les terres en remontant les fleuves ä bord de leurs bateaux, les drakkars. Les riches monastěres faiblement défendus sont logiquement des cibles privilégiées. Les textes ecclésiasti-ques ont done véhiculé ľimage brutale de ces terribles Scandinaves. Les Normands sédentarisés En 911, le roi de France, las de la guerre contre les Normands, leur offre un terri-toire appelé ensuite Normandie. Cette concession est une bonne initiative puisque les Normands entrent désormais dans le rang. Plus tard, le due de Normandie, Guillaume le Conquérant, partira coloniser I'Angleterre en 1066. Une seule bataille, Hastings, lui livrera le tróne d'Angleterre désormais ä cheval entre Londres et Rouen, ce qui constitue une lourde menace pour le roi de France. Le systéme féodal: une reaction de survie La féodalité est née de cette anarchie par souci impératif de protection. Les anciens vassaux de ľempereur gardent leur autorite tout en se déliant de la fidélité due au souverain : le pouvoir politique se morcelle, les premiers chateaux apparaissent. Ce ne sont alors que de simples tours en bois élevées sur des terre-pleins. Le pouvoir royal ne s'y trompe pas : en 864, par ľédit de Pitres, le roi Charles le Chauve tente de reprendre en main la construction des fortifications. Mais la féodalité est en marche, d'ailleurs, en 877, Charles le Chauve entérine ľémancipation de ľaristocratie en légalisant ľhérédité des charges publiques, plus soumises désormais ä un renouvellement de ľhommage au souverain. Partie i 58 avant J.-C. - 1364 : de la Gaule ä la guerre de Cent Ans Les seigneurs s'entourent alors de vassaux qui leur jurent fidélité et protection en échange ďun bien, généralement des terres, le rief. Apres ľan mil (forme d'écriture pour 1000 au singulier), la féodalité devient le nouveau mode d'organisation sociale et économique. ■ Fief Selon I'etymologie latine, Le mot «fief» provient de feodum, a I'origine du mot « feodal» Ces hommes specialises dans l'art de la guerre forment la chevalerie dont les armures mais aussi les mentalités (la littérature courtoise) symbolisent la periodě medievale. Autour du chateau, un systéme ďexploitation des terres est mis en place oú les paysans sont au service du seigneur propriétaire des terres : c'est le systéme du servage. En échange de la protection seigneuriale, les serfs doivent exploiter les terres du seigneur et lui payer un certain nombre de taxes (lors des successions, usage du moulin, etc.). Les droits féodaux organiseront ainsi la société et l'economie francaise jusqu'a leur abolition, lors de la célébre nuit du 4 aout 1789. Les Carolingiens laissent la place aux Capétiens Cest au milieu de ces désordres et transferts de pouvoir que va en fait naitre la dynastie capétienne. Les Capétiens s'imposent au debut par leurs exploits militaires. C'est le cas de Robert le Fort et de son fils Eudes qui assurent la defense de Paris contre les raids normands au IXe siěcle. Eudes prend méme temporairement le pouvoir, mais le restitue ä sa mort au Carolingien legitime. La dynastie capétienne va patiemment attendre son heure pendant encore un siěcle puis s'imposer par la branche ainée, puis par les branches cadettes, pendant huit siěcles, jusqu'en 1848. Trois siěcles de Capétiens directs : 987-1328 ■ Hugues Capet Louis V, le dernier des Carolingiens, meurt jeune. Hugues Capet, due puissant et influent, va profiter de cette vacance du pouvoir pour s'emparer de la couronne. Comme Clovis, il est soutenu par l'arche-veque de Reims. Il faut dire que son domaine englobe les abbayes les Survol de la periode plus puissantes, parmi lesquelles Saint-Martin de Tours, dont la relique sacree, la cape de saint Martin (l'evangelisateur de la Gaule), est a l'origine du nom « Capet ». On a tort de railler le domaine capetien de l'epoque comme on peut le lire parfois. Certes de taille encore modeste, le domaine capetien couvre l'lle-de-France jusqu'a l'Orleanais mais, a l'epoque, c'est la region la plus prospere d'Europe. C'est a partir de ce noyau originel que va progressivement se construire le territoire fran-cais par l'ceuvre des souverains capetiens. Le fondateur de la dynastie, Hugues Capet, est elu prince national en 987 en ay ant recherche les faveurs de son electorat. Ce n'est done pas un coup d'Etat comme lors de la transition merovingienne. La dynastie capetienne qui detient desormais l'autorite royale va mettre encore un siecle a consolider son pouvoir, jouant sur une conti-nuite de pere en fils sans interruption. Mais leur preeminence sur les autres seigneurs ne repose que sur l'onction religieuse le jour du sacre : leur autorite est surtout morale. Conjointement, l'art architectural se developpe au gre des attentes religieuses ou de prestige pour former un art, plus tard appele « roman ». L'art roman s'internationalise L'art roman apparaTt vers 1030. II se developpe ensuite jusqu'au milieu du XIP siecle. C'est le premier courant artistique qui touche plusieurs pays en meme temps : Italie, France, Allemagne, Espagne. L'art roman se caracterise par la sobriete des formes et des arcs en berceau. Les sculptures romanes sur les chapi-teaux des colonnes et sur les fagades sont de veritables « bibles en images » diffusant les episodes de la Bible aux populations illettrees. Le XIe siecle : la croisee des chemins Alors que la France se feodalise, la Chretiente entre dans les croisades : huit de ces guerres saintes seront lancees vers l'Orient mediterranean entre le XP et le XIIP siecle. En 1095, sous l'impulsion du pape fran-cais Urbain II et de Pierre l'Ermite, la premiere croisade est organisee pour delivrer Jerusalem prise par les Turcs musulmans. Les Francais s'y illustrent de maniere eclatante avec Godefroi de Bouillon, canali-sant ainsi les forces parfois trop remuantes des seigneurs feodaux qui ne parviennent pas ä respecter « la treve de Dieu », instauree par l'Eglise pour contenir leur agressivite. Pierre l'Ermite dirige la croisade des pauvres gens, les « guenilleux ». La France acquiert lors de cette croisade un grand prestige international. Cet elan religieux a alors des Partie I 58 avant J.-C. - 1364 : de la Gaule ä la guerre de Cent Ans consequences inattendues : le renforcement de la bourgeoisie des villes, chargee d'equiper les seigneurs partant en croisade et se ruinant pour l'occasion, et le renforcement de la monarchie capetienne. Les XIIe et XIIIe siecles : le beau Moyen Äge La conjoncture economique devient meilleure, la population s'accroit, de nouvelles terres sont conquises grace au defrichement, le servage recule. Une bourgeoisie emerge, hostile ä la feodalite. Les artisans et ouvriers s'organisent en corporations qui, regroupees, forment des communes libres, affranchies des droits feodaux. Les villes et les foires se developpent comme en Champagne oü les foires de Troyes, Bar-sur-Aube, Provins et Lagny attirent marchands flamands et italiens. L'acti-vite economique est en pleine expansion. Parallelement, la politique capetienne commence progressivement ä fonder l'Etat en luttant contre les feodaux rebelles. Le premier roi de grande envergure est Louis VI le Gros (1108-1137) accompagne de son conseiller, l'abbe Suger, 1'initiateur du reve gothique. L'art gothique : elevation et lumiere Dans son abbaye de Saint-Denis, L'abbe Suger est Le premiers ä adopter ce nouveau styLe architecturaL, conscient de L'impact visueL cree par L'espace et La Lumiere. L'art gothique se deveLoppe ensuite depuis Le Bassin parisien et va rayonner en Europe jusqu'au XVP siede. IL se caracterise par L'adoption de La voute en croisee d'ogives et des arcs-boutants qui permettent L'eLevation des edifices et Le percement des murs. L'art du vitraiL peut aLors s'epanouir dans toute sa spLendeur. Cependant, le fils de ce roi manque de tout compromettre en epousant puis en repudiant Alienor, l'heritiere du duche d'Aquitaine ; cette derniere se remarie alors en 1152 avec son rival politique, le due de Normandie et comte d'Anjou, Henri Plantagenet, qui devient deux ans plus tard roi d'Angleterre (Henri II). Elle empörte avec eile ses possessions d'Aquitaine qui echappent alors ä l'autorite capetienne pour trois siecles. La France se trouve ainsi coincee entre l'Empire et l'Angleterre qui, en France, detient desormais l'Aquitaine et la Normandie. La future guerre de Cent Ans est en germe dans les ambitions et les raneceurs franco-anglaises. Survol de la periode La perennite de la monarchie capetienne va etre assuree par une serie de trois grands rois capetiens qui vont poursuivre le renforcement du pouvoir royal, chacun etant le grand-pere du suivant: le premier est Philippe Auguste, le second, son petit-fils Saint Louis, et le troisieme, Philippe IV le Bel. 1180-1223 : Philippe Auguste donne de I'envergure a la royaute Philippe Auguste (1165-1223) lutte un moment contre les visees de Richard Cceur de Lion, le fils d'Alienor, puis contre le frere de celui-ci, Jean Sans Terre. Grand conquerant, acteur actif des croisades, Philippe Auguste reprend la Normandie et s'illustre surtout a la bataille de Bouvines (1214), ou l'armee du roi de France vainc la coalition formee par le roi d'Angleterre Jean Sans Terre et l'empereur germanique Othon. Fait notable : cette bataille cristallise un moment de rassemblement des Francais autour de leur roi, balbutiement d'une forme de sentiment national. Le territoire national se doit egalement d'avoir une capitale. Le choix se porte sur Paris, ou Philippe Auguste decide d'installer le pouvoir royal. La cite, avec ses 100 000 habitants, est alors la plus grande ville de la Chretiente. A cette fin, il amorce la construction du chateau du Louvre, installe a Paris le tresor et les archives royaux et initie un programme d'embel-lissement par le pavage des rues et la construction de la cathedrale Notre-Dame. Les Cathares eradiques Du XIP ail XIIP siede, Les Cathares (Les purs) sont un des premiers mouve-ments reLigieux a critiquer Les moeurs de I'Eglise cathoLique, ce qui inquiete Les pouvoirs en pLace. On Les appeLLe aussi « ALbigeois », ALbi etant un important foyer cathare. Toutes Les instances reLigieuses sont convoquees pour Lutter contre cette heresie du Sud de La France : des franciscains aux dominicains (ordres mendiants fondes au XIIP siede, charges de La reconquete des consciences), en passant par L'eveque romain de TouLouse. C'est a L'occasion d'un massacre a Beziers, au debut de La croisade contre Les ALbigeois, que Le Legat (emissaire) du pape aurait dit: « Tuez Les tous, Dieu reconnaitra Les siens ! » Ce n'est que sous Les successeurs de Philippe Auguste que s'eteint cette heresie contre laquelle sont crees Les tribunaux d'inquisition. Partie i 58 avant J.-C. - 1364 : de la Gaule á la guerre de Cent Ans 1226-1270 : Louis IX offre un saint aux Capétiens Sous le rěgne de Louis IX (1214-1270), la France atteint une periodě faste avant les grandes pestes du siěcle suivant. Cest le siěcle doré de Saint Louis qui a marqué l'imaginaire populaire, periodě á laquelle les Fran-cais se référeront lors des périodes sombres. Trěs pieux, le roi Louis IX établit son prestige lors de sa participation á la 7e et á la 8e croisade, au cours de laquelle il trouve la mort á Tunis, victime du typhus ou de la dysenteric Son rěgne, bien connu par le chroniqueur Joinville, est marqué par son souci ďéquité. II rend lui-méme la justice sous un chéne du bois de Vincennes et reformě les institutions judiciaires, montrant ainsi la suprématie de la justice royale sur les justices seigneuriales. Le prestige de Louis IX s'accroit quand il se met á soigner ses compa-gnons malades et á laver les pieds des lépreux. Il faut noter également que son rěgne voit la premiére régence ďune reine de France, en l'occurrence sa mere, Blanche de Castille, qui assume le pouvoir au cours de son enfance ou lors de ses expeditions en Terre sainte. Le programme de prestige de la capitale est poursuivi avec la construction de la Sainte Chapelle et surtout de la Sorbonně, premiére universitě francaise. Le rěgne de Saint Louis constitue un tournant pour la monarchie des Capétiens car, par sa stature, le souverain a su s'imposer á ses vassaux. Sa pietě aměne le respect de tous. Il est ďailleurs canonisé en 1297 et devient, pour l'histoire, Saint Louis. 1285-1314 : Philippe le Bel, un roi autoritaire Au debut du rěgne de Philippe IV le Bel (1268-1314), 1'économie est en pleine prosperitě et la démographie est en hausse. Philippe IV le Bel dote la France ďune solide administration, et s'entoure de conseillers compé-tents. Ce roi nest pas enclin á la guerre et préfěre négocier des alliances matrimoniales, comme celle de sa fille Isabelle avec le roi dAngleterre Édouard II, ce qui s'averera étre une fácheuse initiative. Cest lui qui, par souci ďargent, réunit les premiers états généraux du royaume en 1302, charges de consulter les représentants des trois ordres : le clergé, la noblesse et la bourgeoisie. Ceux-ci joueront plus tard, lors de la Revolution francaise, un róle-clé. Le roi est aussi á l'origine du Parlement, charge de la justice royale, institution dont on reparlera longuement au XVIIP siěcle. Cette politique royale de prestige nécessite toujours plus ďargent et Philippe IV tente par tous les moyens de remplir les caisses du Tresor. Cest ainsi qu'il decide de saisir les biens des Juifs de France et de les expulser du royaume. Ensuite, engage dans un bras de fer politique avec la papauté de Rome, Survol de la periodě il impose un Francais a la tete de l'Eglise catholique : Clement V. Le nouveau pape, s'installe alors a Avignon, ce qui place la papaute sous l'autorite directe du roi de France. Ľordre des Templiers Le nouveau pape ferme les yeux sur la destruction du riche ordre des Templiers, fonde par des moines chevaliers pendant les croisades. Cet episode a fortement marqué les esprits et donnera plus tard naissance ä la legende de la malediction envers la dynastie capétienne proférée par le grand maitre des Templiers, dans les flammes du bucher, contre toutes les generations de la dynastie. ■ La guerre de Cent Ans : premier acte Cette branche ainée des Capétiens s'éteint avec les trois fils de Philippe le Bel. lis meurent tous sans descendance male, ce qui pose, en 1328, le grave probléme de la succession des Capétiens directs. Arbre généalogique de la transition des Capétiens directs aux Valois Louis X le H u ti n 1314-1316 Jeanne de France écartée du tróne, recevant la Navarre en échange Philippe IV le Bel 1285-1314 Philippe V le Long 1316-1322 Charles IV Le Bel 1322-1328 Report franáis su r branche cadette: les Valois Isabelle, Épouse du roi d'Angleterre Édouard II Edouard III roi d'Angleterre Philippe VI de Valois 1328-1350 Jean II le Bon 1350-1364 Charles V le Sage 1364-1380 Le tróne est alors propose ä une branche cadette des Capétiens, les Valois, dont le premier roi est Philippe VI. Le rideau se déchire alors sur la guerre de Cent Ans, née de la contestation de cet heritage par le Partie I 58 avant J.-C. - 1364 : de la Gaule ä la guerre de Cent Ans roi d'Angleterre, Edouard III, unique Capetien direct legitime. En 1337, fort de son droit, ce petit-fils de Philippe le Bei ose revendiquer la couronne de France. Les resistances franchises qui vont se deployer autour du roi Valois sont le signe de l'emergence dune conscience nationale, construite par et autour de l'Etat capetien. line meme guerre pour six rois de France ! Cette guerre n'a bien entendu pas dure cent annees consecutives, et meme un peu plus. De 1338-1475, six rois de France doivent s'atteler a la defense du royaume contre les Anglais. La lutte entre les deux partis rivaux va varier en intensite, egrainee de treves de plusieurs annees, en fonction de nombreux facteurs : changements politiques, peste, etc. La premiere phase de la guerre correspond aux annees 1338-1364, quand les rois Philippe VI puis Jean II le Bon s'appuient sur la noblesse pour lutter contre les Anglais. Cette guerre aux exploits chevaleresques manque cependant de coordination et donne I'avan-tage aux Anglais, si bien que le roi de France Jean le Bon est capture lors de la bataille de Poitiers en 1356, malgre I'intervention de son jeune fils de 14 ans, Philippe. Celui y gagnera le titre de « Hardi », et le duche de Bourgogne, pour avoir soutenu son pere courageusement dans la melee en langant les celebres exclamations : « Pere, gardez-vous a droite ! Pere, gardez-vous a gauche ! » L'echec est maintenant consomme : les Anglais occupent une grande partie de la France a I'avenement de Charles V. Partie II Le XVe siede (1364-1498) : siede charniere SurvoL du siěde Le XVe siěcle est une periodě riche en événements : fin de la guerre de Cent Ans entre la France et l'Angleterre, découvertes de l'imprimerie et de l'Amerique, chute de l'Empire romain ďOrient, naissance de rhumanisme, debut de la Renaissance en Itálie, mise en place de l'Etat et de l'idee nationale en France, etc. Autant de moments fondateurs pour l'Europe et pour la France. Situé entre un long Moyen Äge et le beau XVIe siěcle de la Renaissance, ce siěcle n'est done pas une simple transition ; c'est une periodě de fécondation politique et culturelle portée par des personnages hauts en couleur : Jeanne d'Arc, Louis XI, Jacques Coeur en France, Christophe Colomb, Gutenberg, Van Eyck, pour en citer quelques-uns. Pour le décrire dans son unitě de sens, il est indispensable ďenglober le rěgne de Charles V, petit-fils de Philippe VI de Valois, et de faire débuter cette periodě en 1364. Pour saisir les enjeux de la guerre de Cent Ans, il faut ďabord se rappeler ce que représente conerětement le royaume de France. II découle, on l'a vu, du partage en trois parties de 1'empire de Charlemagne lors du traité de Verdun (843). Le royaume de France correspond ä la partie occidentale de ce partage. Seule l'acquisition du Dauphine (region de Grenoble), au XIVe siěcle, a agrandi de maniěre significative le territoire royal. Le serment prété au roi de France est 1'hommage « lige », 1'hommage supreme de la pyramide des liens de vassalité. Or, aux XIVe et XVe siěcles, le lien d'homme ä homme a disparu avec 1'hérédité des fiefs, mais la preeminence du roi a subsisté. Pour cette raison, les rois d'Angleterre doivent préter allégeance au roi de France pour la possession de leur duché francais d'Aquitaine, hérité de la volte-face matrimoniale de la reine Alienor au XIIe siěcle. Le refus de soumission au Partie Ii Le XVe siede (1364-1498) : un siede charniere roi de France est l'une des raisons qui a pousse le roi anglais, Edouard III, ä revendiquer la couronne de France en tant que petit-fils de Philippe le Bei. En 1364, la guerre de Cent Ans a dejä debute depuis vingt-sept ans. Les decouvertes du siede 1410 : horloge ä ressort 1435 : theorisation de La perspective en peinture 1443 : canon en fönte Vers 1450 : presse ä imprimer ä caracteres mobiles 1492 : decouverte de L'Amerique par Les Europeens Filigrane chronologique : 1364-1498 En France Ä l'etranger Charles V le sage (1364-1380) marie ä Jeanne de Bourbon 1364-1372 2e phase de la guerre de Cent Ans commencee en 1337 (debut de la lre phase) 1375-1377 Treve entre la France et 1'Angleterre. Ravage du pays par les mercenaires desoeuvres. 1378-1380 Reprise de la guerre. Victoires francaises sur les Anglais. Grand schisme de la papaute. Charles VI le fou (1380-1422) marie ä Isabeau de Baviere 1392 Faiblesse du pouvoir royal liee a la folie du roi de France. Rivalite entre Armagnacs et Bourguignons (oncles du roi). 1407 Assassinat de Louis d'Orleans : debut de la guerre civile Armagnacs-Bourguignons. 1415 Defaite d'Azincourt 1420 Traite de Troyes favorable aux Anglais. Creation des foires de Lyon / Survol du siěcle En France Ä l'etranger Charles VII (1422-1461) marié ä Marie d'Anjou 1429 Intervention de Jeanne d'Arc. Siege d'Orleans. Sacre de Charles VII a Reims. Sacre de Charles VII a Reims 1440 Revolte noble contre le roi (Praguerie) Vers 1450 Découverte de Timprimerie 1453 Bataille de Castillon. Guerre de Cent Ans Prise de Constantinople Louis XI (1461-1483) marié á Marguerite d'Ecosse puis á Charlotte de Savoie 1465 Revolte contre le roi : guerre du Bien Public 1475 Traite de Picquigny : fin officielle de la guerre de Cent Ans 1477 Annexion de la Bourgogne Charles VIII (1483-1498) marié ä Anne de Bretagne 1483 Régence d'Anne de Beaujeu (roi encore enfant) 1491 Mariage de Charles VII avec Anne de Bretagne 1492 Prise de Grenade Découverte de 1'Amérique 1494 Debut des guerres d'ltalie 1498 Mort accidentelle du roi, sans héritier mále, interrompant provisoirement le réve italien LA FRANCE DE JEANNE PARC ET CHARLES VII « Royaume de Bourges » : territoires fidéles ä Charles VII I Duché de Bourgogne Domination anglaise Frontiéres du Royaume de France -Frontiéres actuelles de la France o u >> a o u O © C h a p i t r e 1 Les Frangais au XVe siede Le regne de Charles V : 1364-1380 Le regne de Charles V commence dans la guerre et se stabilise par la gestion intelligente dun roi particulierement instruit et soucieux de promouvoir la royaute. Charles V le sage (1338-1380) : un roi intellectuel et mecene Son regne debute sous de mauvais auspices : La peste et La guerre font rage. Charles V, de faible constitution physique, va neanmoins rehabiliter La royaute en s'entourant de conseillers competents et de livres manuscrits qui vont lui permettre d'elargir sa vision du monde. Tres conscient de son role, il s'attache a I'image que doit donner un roi a son peuple. II n'hesite pas, dans un contexte difficile, a depenser pour le mecenat et le faste royal. II remet en question la tactique adoptee par ses predecesseurs et decide de mener une guerre conduite par des chefs reconnus pour leurs competences plus que pour leurs titres, comme Bertrand Du Guesclin. Le pays en ressort victorieux, les Anglais sont repousses. Pour magnifier le role de ses chefs de guerre, Charles V les enterre pour la premiere fois dans une necropole dediee aux rois de France : la basilique de Saint-Denis. Nous lui devons les premices de I'organisation administrative et le principe de bibliotheque nationale. ■ Mecene Le mot vient du nom de Mecene, conseiller du premier empereur romain, Octave Auguste, protecteur des grands poetes remains comme Horace ou Virgile. Le mecene est ainsi une personne riche et puissante qui protege les ecrivains, les artistes et les savants. 37 Partie li Le XVe siěcle (1364-1498) : un siěcle charniěre ■ 1364. Un royaume vacillant En 1364, quand le roi Charles V prend la tete du royaume de France (12 millions d'habitants), celui-ci est affaibli sur tous les plans : mili-taire, politique, demographique. Les Francais ont subi de cuisantes defaites contre les Anglais des le debut de la guerre de Cent Ans, et le roi Jean le Bon a ete emprisonne pendant quatre ans en Angleterre. En outre, le pouvoir royal et la noblesse ont ete contestes lors des grandes revokes du Bassin parisien en 1358, tandis que Paris se soulevait autour du puissant prevot des marchands Etienne Marcel, mettant en danger le dauphin. ■ Dauphin Titre de I'heritier de La couronne de France auquel est confie Le territoire du Dauphine. Charles V est justement Le premier dauphin de L'histoire. Le dernier sera Le comte d'Angouleme, fils de Charles X, dauphin de 1824 a 1830. La demographie est considerablement touchee apres deux vagues de peste au cours desquelles ont peri, dans les 30 dernieres annees, un tiers des sujets du roi de France ! L'autorite royale est done, partout, remise en cause. Le seul acquis du regne precedent est la creation du franc en 1360, qui permet le retour a la stabilite monetaire. Voila done un heritage bien difficile a assumer pour le nouveau souverain ! Le franc Cree en 1360, Le franc disparait a La fin du XIVe siecLe au profit de L'ecu d'or, avant de reapparaitre sous La Revolution et sous Le ConsuLat de Napoleon Bonaparte avec La creation du franc germinaL. Le franc restera La monnaie frangaise jusqu'a sa substitution par L'euro en 1999. ■ 1364-1380. La guerilla Le royaume de France est plongé dans la guerre de Cent Ans depuis 1337. Une fois au pouvoir, Charles V envisage de mener le combat contre l'Angleterre par petites unites. II recrute des soldats (rémunérés par une solde) et met á leur téte le courageux et competent maréchal Du Guesclin. Le résultat est probant. Á la fin de son rěgne, l'emprise anglaise recule. Toutefois, les luttes constantes, sous forme de guerillas, ravagent les campagnes, désormais repliées autour des chateaux protecteurs. Les Frangais au XVe siěcle Chapitre i 1337-1475 : la guerre de Cent Ans La guerre de Cent Ans n'est pas une guerre de religion mais une guerre pour motifs dynastiques : Le roi d'Angleterre reclame La couronne de France. En réalité, cette guerre n'a pas dure cent années consécutives sur La perióde 1337-1475 : La Lutte entre Les deux partis rivaux varie en intensitě seLon Les périodes, égrainée de tréves de pLusieurs années, en fonction de nombreux facteurs : changements poLitiques, pestes... La guerre de Cent Ans commence sous Le rěgne de Philippe VI pour se terminer poLitiquement par un traité sous ceLui de Louis XI, en 1475. Avec Philippe VI, Les Valois prennent Le pouvoir jusqu'en 1588 avant de Laisser La place ä une autre branche des Capétiens, Les Bourbons, avec Henri IV. ■ 1374. La loi salique : un roi de France anglais, jamais ! Pour empécher la succession legitime des héritiers anglais au tróne du royaume de France, la loi salique est déterrée ďun vieux code de loi des Francs du VIe siěcle : elle permet aux rois ŕrancais ďécarter les femmes et surtout leurs descendants du tróne, en ľoccurrence Jeanne, fille de Louis X le Hutin, et Isabelle, la mere du roi d'Angleterre Édouard III (voir genealogie p. 29). Le royaume de France menace par les héritiers anglais Afin ďécarter les pretentions du roi d'Angleterre, fils d'Isabelle, les juristes avaient été convoqués pour légitimer les Valois sur le tróne en écartant les femmes. La loi salique est done une prétendue loi coutumiěre servant des inté-réts exclusivement opportunities. La France rompt la avec une pratique partout en usage : le rěgne épisodique de femmes (entre 1350 et 1450, 12 % des successions se font au profit de femmes dans 18 pays européens). La loi salique est importante du point de vue de la construction de 1'État en France car elle contribue ä construire un droit public proprement national. ■ 1378. Le Grand Schisme de 1'Église Sous la pression du peuple romain, un Italien est élu pape en avril 1378 ä Tissue d'un conclave mouvementé. Cest le premier pape italien aprěs une série de sept papes ŕrancais, qui siégeaient depuis le debut du siěcle ä Avignon. Mais ce nouveau pape, appelé Urbain VI, se révěle trop autoritaire et s'attire ľhostilité des cardinaux, majoritairement ŕrancais. Ceux-ci élisent alors un autre pape, ŕrancais, Clement VII, qui s'installe ä Avignon. Le Grand Schisme de l'Église s'instaure : deux papes s'opposent désormais. L'un est ä Rome, soutenu par l'Angleterre Partie Ii Le XVe siede (1364-1498) : un siede charniere et l'Empire ; l'autre reside a Avignon, protege par la France. Ce bicephalisme de l'Eglise ne prendra fin qu'en 1417, lorsqu'un pape unique siegera de nouveau a Rome. ■ Conclave Reunion des cardinaux ä Rome charges d'elire Le nouveau pape. Le regne de Charles VI; 1380-1422 La France est destabilisee pendant plus de quarante ans par la demence de son roi. La guerre avec l'Angleterre reprend. La confusion est renforcee par une guerre civile mais, fait interessant, 1'institution royale tient bon malgre la folie du roi. Ceci prouve que la royaute est bien ancree dans les esprits, au-delä meme des capacites du roi qui l'incarne. Charles VI (1368-1422) : le pouvoir royal destabilise par la folie Fits de Charles V, Charles VI ne peut etre un roi a la hauteur de son pere car il devient fou tres jeune, en 1392, lors d'une guerre breve en Bretagne. Cette folie intermittente, et de plus en plus grave, ouvre le champ a toutes les ambitions, celles de son frere Louis d'Orleans, de ses oncles et de ses cousins. Meme sa femme, Isabeau de Baviere, joue un role dans cette confusion generate en prenant d'abord parti pour Louis d'Orleans puis pour les Anglais. Sa folie le rend particulierement dependant de son entourage. Sous influence, il designe comme successeur son petit-fils, Henri VI d'Angleterre. ■1415. Azincourt, anatomie d'une defaite Debarque en aoüt dans la baie de Seine, Henri V d'Angleterre vient reclamer ses droits ä la couronne de France. La rencontre decisive a lieu le 25 octobre 1415 pres d'Azincourt, sur le plateau d'Artois. Ce nom reste, pour les Francais, synonyme d'une des plus grandes defaites de l'histoire militaire du pays. En effet, contre toute attente, 6000 Francais perissent face ä une armee tres inferieure en nombre. L'intelligence strategique des Anglais consiste ä mettre, pour la premiere fois, les archers, hommes du peuple, en premiere ligne. C'est la un bouleversement des mentalites chevaleresques. L'affrontement a lieu sur un champ pluvieux, boueux et etroit. Selon la tradition, mille Les Francais au XVe siěcle Chapitre i chevaliers, tous grands noms de la noblesse francaise, sont en premiere ligne, lourdement armes, mais ils echouent face aux archers anglais habilement retrenches derriere des pieux. Cette victoire, gagnee par les hommes du peuple, marque la fin de la grande epoque chevaleresque. La fine fleur de la noblesse francaise est tuee ou prison-niere. Le cousin germain du roi, le due Charles d'Orleans, restera prisonnier pendant 25 ans en Angleterre ou il produira les premiers grands poemes de notre litterature. ■ 1407-1436. Un roi fou : partie ďéchecs entre Armagnacs et Bourguignons Méme si la guerre contre les Anglais connait une periodě d'accalmie au debut du rěgne de Charles VI, la folie du roi exacerbe les ambitions. Le nouveau due de Bourgogne, Jean sans Peur, favorable aux Anglais, s'oppose á son cousin Louis d'Orleans qu'il fait assassiner en 1407. Cest le debut d'une guerre civile d'une grande violence conduite par Bernard d'Armagnac, beau-pěre de Charles d'Orleans. Le due de Bourgogne est á son tour assassiné en 1419. Aprěs les assassinats des deux rivaux, la France se divise en deux clans pendant une quinzaine ďannées. D'un cóté, il y a le dauphin soutenu par les Orléans-Armagnacs, et de l'autre, le nouveau due de Bourgogne, allié aux Anglais. ■ Armagnacs Frangais favorables au dauphin, Le futur Charles VII (Les Orleans font partie des Armagnacs). Les deux partis s'opposent a l'ombre de l'alliance anglaise jusqu'en 1436, date a laquelle le due de Bourgogne signe une paix separee avec le roi de France. Le cas de cette Bourgogne rebelle demontre le danger des terres appelees « apanages », offertes par les rois de France a leurs enfants. C'est a ce dysfonctionnement que s'attaquera plus tard Louis XI dans sa lutte contre le due de Bourgogne, n'ayant de cesse d'annexer cette enclave pour unifier le royaume. ■ Apanage Territoire donne aux cadets des rois de France et detache de La couronne jusqu'a ce que La Lignee de La branche cadette n'ait pLus d'heritier. Le grand distributeur de terres apa-nagees est Jean Le Bon : c'est Lui qui donne La Bourgogne a son fiLs Philippe Le Hardi. IL cree ainsi des raisons de soucis aux futurs rois de France. Partie n Le XVe siede (1364-1498) : un siěcle charniěre ■ 1422. Le roi est mort, vive I'Etat! Novembre 1422 á Paris. Le roi Charles VI vient de mourir. Le cortege funěbre traverse la capitale. Sur le cercueil est place un mannequin representant le roi de France vivant et portant les regalia, symboles de la royauté remis lors du sacre. Le fait est nouveau mais porteur dun sens politique important: désormais, á cóté du corps physique du roi défunt, est exposée une effigie du roi censée symboliser la continuité de la fonction royale. Cest la théorie du « double corps du roi » renfor-cant le processus de formation de l'Etat. Le regne de Charles VII; 1422-1461 Le roi, mis en confiance par Jeanne d'Arc, dirige le royaume avec effi-cacite en s'entourant de gens competents. Mais il controle difficilement les re voltes permanentes de la noblesse auxquelles participe son fils, le futur Louis XL Charles VII (1403-1461) : obligation de legitimite dans une monarchie de droit divin Charles VII va s'imposer progressivement au cours de son rěgne. D'abord aban-donné par une partie de la France, il doit son salut au soutien des regions du Sud et ä Intervention de Jeanne d'Arc. Elle va lui apporter la dimension reli-gieuse manquant ä son statut de prétendu bätard. En effet, la propre mere du roi conteste sa legitimite, situation extréme dans une monarchie de droit divin ! Jeanne d'Arc va lui rendre son honneur en galvanisant les armées en déroute, en proclamant un message divin de legitimite et en favorisant son sacre. Charles VII est ainsi le roi qui termine avec succěs la partie militaire de la guerre de Cent Ans par la reconquéte de I'Aquitaine, aux mains des rois d'Angleterre depuis le manage d'Aliénor d'Aquitaine au XIP siěcle. ■ 1422. Le Royaume dans la confusion Charles VI et Henri V d'Angleterre meurent la meme annee, en 1422. Un conflit dynastique s'ensuit. Deux candidats sont alors reconnus par les partis adverses : les Armagnacs/Orleans soutiennent l'heritier offi-ciel, Charles VII, roi de Bourges, tandis que les Bourguignons soutiennent Henri VI, un enfant d'un an, fils d'Henri V, represents par son oncle, le due de Bedford. Les Francais au XVe siecle Chapitre 1 ■ 1428-1429. Le siege d'Orleans : naissance d'un mythe Orleans, par sa position strategique a la jonction entre la vallee de la Loire et le Bassin parisien, est une cite prospere et convoitee, affaiblie par remprisonnement de son due, Charles (le prince poete). Alors que les Anglais sont retranches autour de la ville et y siegent depuis octobre 1428, Jeanne d'Arc et l'armee de renfort arrivent a Orleans le 29 avril 1429. En une semaine seulement, Orleans est conquise apres des assauts victorieux, dont celui des Tourelles qui est un episode celebre : Jeanne est blessee par une fleche (elle avait predit cette blessure) mais repart courageusement au combat. Le mythe de Jeanne d'Arc nait ainsi sur les rives de la Loire. En effet, une fois realisee sa premiere prophetie — la liberation d'Orleans —, la « Pucelle d'Orleans » impose le sacre a Reims a un Charles VII encore hesitant, mais desormais en confiance. La poetesse Christine de Pisan traduit le nouvel espoir du royaume : « L'an mil quatre cent vingt et neuf/reprit a luire le soleil. » Jeanne d'Arc (1412-1431) : une legende nationale Jeanne d'Arc est femme, sainte et mythe a La fois. Comment une jeune Lorraine illettree de 17 ans a-t-eLLe pu parvenir a renverser Le cours de La guerre de Cent Ans par sa seuLe foi et son attachement nationaL ? Jeanne pretend tres jeune entendre Les voix de sainte Catherine, de sainte Marguerite et de saint Michel. ILs Lui commandent d'aller rencontrer Le dauphin pour L'aider a bouter (« expuLser » en ancien frangais) Les AngLais hors de France. Jeanne part alors a la cour de Charles VII pour realiser quatre objectifs : delivrer Orleans, faire sacrer le dauphin a Reims, Liberer Paris et ramener Le due d'Orleans prisonnier des Anglais en France. La celebre rencontre entre Le roi et Jeanne a lieu a Chinon, en fevrier 1429. Cet episode fameux est reel ou symbolique : elle reconnait Le dauphin dissi-mule parmi Les courtisans alors qu'elle ne L'avait jamais vu auparavant. Une enquete est alors menee par I'Eglise afin de verifier sa qualite de prophetesse et sa virginite ; ce second critere est particulierement important dans La culture chretienne, soucieuse de purete et de moralite. Reconnue comme telle, la « Pucelle » arrive a point nomme pour sortir le roi d'une situation de crise aigue. A cette fin, elle reconquiert Orleans et fait sacrer Charles VII a Reims. Devenue genante, Jeanne est progressivement abandonnee par le roi, mais elle continue de mener des actions militaires de moindre envergure. Le 23 mai 1430, elle est faite prisonniere a Compiegne puis livree par Les Bourguignons aux AngLais. La derniere phase de sa vie a lieu a Rouen ou Le clerge pro anglais I'accuse d'heresie. Condamnee comme sorciere et heretique, elle est brulee Le 30 mai 1431. Partie li Le XVe siěcle (1364-1498) : un siěcle charniěre Le mythe de La PuceLLe se répand dans tout L'Occident médiévaL. Au XIXe siěcLe, Les répubLicains en font L'une des principaLes figures de L'Histoire de France, Louant son patriotisme quand Les cathoLiques admirent sa piété. La figure de Jeanne d'Arc est souvent utiLisée pendant La Premiere Guerre mondiaLe, méme si L'ennemi n'est pLus angLais mais aLLemand ; L'image de La PuceLLe, trěs^ céLěbre á L'etranger, sert notamment á Lancer des emprunts aux États-Unis. Á L'issue de ce confLit, Jeanne est canonisée (1920). Aujourd'hui, L'image de Jeanne d'Arc est récupérée par L'extreme droite en raison de ses vaLeurs de foi et de patriotisme. ■ 1429. Un sacre tres symbolique Grace a Jeanne d'Arc, le dauphin Charles est sacre roi de France a Reims, comme tous ses predecesseurs depuis le XIe siecle. II prend alors le nom de Charles VII. Certes, le sacre ne fait plus les rois comme par le passe. Toutefois, le rituel du sacre, par son faste et sa symbolique, est a meme de conferer au dauphin la legitimite necessaire face au pretendant anglais. La ceremonie est codifiee, mais la guerre de Cent Ans trouble un peu le bel ordonnancement. Le roi de Bourges devient roi de France Le dimanche 17 juiLLet 1429, La ceremonie commence par Le traditionneL serment du roi, jurant protection a L'EgLise et paix, justice et misericorde au peupLe. Le roi regoit aLors Les regalia, symboLes du pouvoir royaL entreposes a Saint-Denis, aLors sous controLe angLais (des copies sont utiLisees pour Le sacre de CharLes VII). Pour justifier cet artifice, on inventera pLus tard une Legende : Les regalia auraient ete enterrees et defendues par Dieu contre Les AngLais, puis portees au roi en 1418 par un moine. Roi chevaLier, CharLes VII regoit d'abord Les eperons d'or et L'epee protectrice de L'EgLise. Sa tete et Les sieges de La force (poitrine, epauLe, bras) sont oints par queLques gouttes d'huiLe sainte. Le roi regoit ensuite Les autres insignes royaux : anneau (aLLiance du roi et de L'EgLise), sceptre (symboLe de La toute-puissance) et main de justice. Enfin, L'archeveque benit La couronne (3,7 kg !) puis La pLace sur La tete du nouveau souverain. PLus tard, Le roi part toucher des ecroueLLes (tumeurs gangLionnaires Liees a La tubercuLose) car, seLon La Legende, Les rois de France Legitimes auraient Le pouvoir de guerir Les ecroueLLes par simpLe imposition des mains. Les Frangais au XVe siěcle Chapitre i ■ 1438. La naissance ďune Église nationale En 1438, le roi Charles VII promulgue « La pragmatique sanction de Bourges », document réglant les affaires de 1'Église de France. La pragmatique sanction supprime notamment les taxes pontificales sur 1'Église de France, confie au roi le rôle de nommer les principaux digni-taires ecclésiastiques (évéques, abbés) et renforce les liberies de 1'Église de France vis-ä-vis de 1'autorité du pape. Ce texte est l'un des fondements du gallicanisme, doctrine cherchant ä renforcer ľauto-nomie du clergé francais vis-ä-vis de ľautorité romaine. Bien que condamnée par le Pape, la Pragmatique sanction organise l'Église de France jusqu'au Concordat de Bologne de 1516. ■ Gallicanisme Ce mot, forme ä partir du mot« Gaule », évoque ľindépendance de l'Église de France ä ľégard de la papauté. ■ 1439. L'impöt et l'Etat La creation d'un impöt permanent et national est liée ä la construction progressive de 1'État-nation en France. En effet, avec la guerre de Cent Ans, les dépenses militaires ont décuplé et 1'idée ďune armée permanente s'impose. En outre, la mise en place d'une bureaucratie plus complexe, instituée sous les Capétiens, exige des rentrées d'argent importantes et réguliěres. Jusqu'alors, l'impöt était accordé par les assemblées des provinces. Ä partir de 1439, cet impöt « la taille » est levé d'office et fixe par le roi selon le principe de repartition, c'est-ä-dire en fonction du revenu. Trěs rapidement, la noblesse et le clergé en sont exemptés. Désormais, et pour plusieurs siěcles, la fiscalité royale pěse uniquement sur le peuple. Pour répondre aux besoins les plus pres-sants, le roi s'entoure aussi de riches préteurs comme Jacques Coeur, le premier grand entrepreneur francais ä la téte d'un empire commercial, qui, au faite de sa puissance, devient une sortě de ministře des finances avant d'etre disgracié et emprisonné. L'Etat en France, une vieille histoire On date l'origine de l'Etat en France quelques décennies plus tot, ä la fin du XIVe siěcle. Un sociologue allemand, Norbert Elias, a développé une théorie permet-tant de comprendre le processus de construction de l'Etat. Schématiquement, la creation d'une armée permanente pendant la guerre de Cent Ans a nécessité la creation de la taille. Cet impöt est lui-méme ä l'origine d'une bureaucratie Partie Ii Le XVe siede (1364-1498) : un siede charniere efficace et centralisee chargee de sa collecte et de son utilisation. Cette bureau-cratie est composee du parlement de Paris charge de la justice, de la Chambre des comptes et du Tresor s'occupant des impots, et de la Chambre des monnaies controlant la frappe monetaire. Ces diverses chambres sont relayees en province par une administration locale : baillis, senechaux, etc. La royaute tend done a s'accaparer, a partir de cette epoque, le monopole fiscal et le monopole mili-taire, caracteristiques des Etats modernes. ■ 1440. La Praguerie, un complot au sommet de I'Etat La theorie du complot est au XVe siecle une realite bien concrete tant les revoltes nobiliaires sont courantes. En 1440, plusieurs personnages de premier plan preparent un coup d'Etat: Jean d'Alencon, un habitue des complots (ancien compagnon de Jeanne d'Arc), Charles de Bourbon, Jean d'Armagnac, Dunois (frere batard du due Charles d'Orleans) et le propre fils du roi, le futur Louis XI. Ce grave complot a pour but d'eliminer le connetable (commandant en chef des armees royales) de Charles VII, Arthur de Richemont, de mettre le roi sous tutelle et de Conner le pouvoir au dauphin. La raison de ce mecontentement est l'opposition a la volonte du roi de mettre fin aux devastations des « ecorcheurs », ces compagnies de soldats demobilises, pilleurs de campagnes, et de controler la levee des troupes. Pour les nobles, ce dernier point est tres grave, dans la mesure oil il cons-titue une atteinte a leur propre droit de lever, eux-memes, une armee. Les comploteurs prennent les armes mais l'armee du roi les repousse ; ils ne sont pas soutenus par les nobles locaux, restes fideles au roi. Ce coup d'Etat, appele « Praguerie », avorte, et Charles VII se maintient au pouvoir. ■ Praguerie Ce nom renvoie aux revoltes d'alors ayant eu lieu ä Prague, en Boheme. Les villes se sont montrees loyales envers le roi, tout comme l'adminis-tration que Charles VII a su asservir moyennant quelques avantages financiers. Par ses liberalites, le roi developpe une noblesse d'officiers qui lui doivent tout. Une coalition s'effectue entre cette noblesse recente et la bourgeoisie marchande des villes, favorable au roi, contre la noblesse d'origine feodale. La societe evolue. Les Francais au XVe siěcle Chapitre i Le regne de Louis XI: 1461-1483 Louis XI prend progressivement de l'assise apres ses erreurs de debut de regne. Par la negociation voire la manipulation, il va s'imposer et fonder la France dans son territoire elargi par l'annexion de l'apanage de Bourgogne. Louis XI (1423-1483) : I'artisan du territoire national Louis XI, élevé Loin de son pere et de La cour, a déveLoppé une personnaLité toute particuLiěre. IL reste dauphin pendant une vingtaine d'annees ! Roi atypique pour une époque favorabLe aux rois chevaLiers caracoLant sur des chevaux piaffants, Louis XI manque d'aLLure mais dirige Le pays seLon des critěres en avance sur son temps. Peu regardant sur Le droit, iL évite non sans opportunisme Les confLits par La negociation, voire L'achat ďadversaires á sa cause. IL est sans doute Le premier roi á posséder une conscience aiguě de La France en tant qu'Etat, et non pLus comme un patrimoine royaL personneL, comme L'envisageait Jean Le Bon, partageant ses terres entre ses fiLs cadets. Ayant Lui-méme autrefois combattu son pere, iL Lutte, une fois roi, contre Les dangereux apanages et annexe ceLui de Bourgogne. Cest pendant son rěgne que La France gagne La quasi-totaLité de son territoire actueL. Le premier dessin des contours de L'Etat frangais s'esquisse done au XVe siěcLe. Roi gestionnaire, iL favorise par aiLLeurs L'economie en créant un véritabLe réseau routier, en améLiorant La poste et en encourageant Les foires commerciaLes. IL choisit, fait nouveau, de faire des bourgeois Les administrateurs du pays, conscient de L'importance d'etre servi par des gens qui Lui doivent tout. La figure de Louis XI a garde une image ambivaLente dans notre histoire. A La fois céLébré comme L'artisan de L'Etat modeme, iL a subsists aussi dans Les mémoires pour sa cruauté pLus Légendaire que réeLLe. ■ 1465. Le tróne en danger Louis XI a quarante ans lorsqu'il devient roi ä la mort de son pere. Par volonté de régner, il précipite son sacre et fait maladroitement acte ďautorité en révoquant les officiers compétents de son pere. L'un d'entre eux, ressentant un fort sentiment d'injustice, se déchaíne et souléve une armée contre lui avec l'aide du due de Bretagne. Le ton est donne, la revolte se met en marche sous ľégide de son propre frére, Charles de Berry, et le futur due de Bourgogne, Charles le Téméraire. Sans programme precis, cette guerre regroupe les mécontents, officiers du roi Partie ii Le XVe siecle (1364-1498) : un siecle charniere Charles VII et nobles. II s'agit avant tout dune revolte de principe, mais celle-ci parvient neanmoins a faire trembler le pouvoir dun roi trop presse qui n'a pas encore pris ses marques. Louis XI est finalement sauve par le soutien des Parisiens, las des Bourguignons. II en tire une lecon cuisante, son trone ayant vacille en debut de regne. ■ 1477. La chute du Temeraire Deux personnalites que tout oppose s'affrontent en cette annee 1477. Dun cote, le due de Bourgogne, Charles le Temeraire, prince lettre et chevalier anime d'une folle ambition et dune grande impulsivite. De l'autre, le roi Louis XI, gestionnaire hostile a la guerre et visceralement manipulateur. Charles le Temeraire souhaite agrandir les immenses territoires de Bourgogne par la Lorraine. Renoncant a la force, Louis XI comprend vite l'interet de coaliser les mecontents contre le due et l'imperieuse necessite de l'isoler. II obtient contre subsides le depart de l'allie anglais Edouard IV d'Angleterre. Le Bourguignon, esseule, est alors encercle devant Nancy par les Suisses, les Lorrains et les Alsa-ciens, rallies par le biais des finances royales. La ville est assiegee. Le corps de Charles le Temeraire est retrouve le lendemain depece par les loups. La Bourgogne, un Etat dans I'Etat Les dues de Bourgogne, brillants et riches, ferus d'art, exercent a Dijon puis a BruxeLLes un veritable mecenat, dont Les rois frangais n'ont ni Le gout ni Les moyens. Au XVe siecLe, La Bourgogne est une encLave dangereuse au sein de La France : sa puissance economique et cuLtureLLe inquiete Le pouvoir royaL. Louis XI, soutenu autrefois par ses cousins bourguignons, comprend Le danger poten-tieL de cet Etat dans L'Etat. La puissance de cet apanage devient encore pLus inquietante apres L'annexion de La FLandre et de L'Artois par mariage. De pLus, son autonomie fiscaLe permet a La Bourgogne d'etre puissante et de s'aLLier seLon son bon pLaisir en fonction de La conjuncture. L'obstination de Louis XI pour aneantir cet apanage porte finaLement ses fruits : La France recupere La Bourgogne apres La mort de CharLes Le Temeraire. L'heritiere du duche, Marie, en epousant Le fiLs de L'empereur d'ALLemagne, creera La cause des pretentions futures des Habsbourg sur ces territoires. ■ Empire L'Empire germanique se veut L'heritier de L'Empire romain d'Occident et de L'Empire caro-Lingien de CharLemagne. Theoriquement, L'empereur domine symboLiquement Le roi de France. Les Frangais au XVe siěcle Chapitre i Genealogie des dues de Bourgogne depuis le don de la Bourgogne en apanage Philippe le Hardi (1363-1404) Jean sans Peur (1404-1419) Philippe le Bon (1419-1467) Charles le Téméraire (1467-1477) Mane de Bourgogne Le regne de Charles VIII: 1483-1498 Le pouvoir royal est d'abord affaibli par la regence d'Anne de Beaujeu pour s'aehever brutalement apres un debut de conquete italienne, ouvrant la porte ä la diffusion de la Renaissance italienne. Charles VIII (1470-1498) : I'initiateur du reve italien Fils d'un second manage de Louis XI, Charles VIII devient roi tres jeune. Sa sceur ainee, Anne de Beaujeu, exerce la regence avec son man. Porte par des reves chevaleresques et voulant conquerir Naples, Charles VIII engage la France dans les guerres d'ltalie. Son caractere chaleureux fait de lui un bon vivant tres sociable, desservi pourtant par un physique ingrat. Son manage avec I'heritiere de Bretagne permet a la France de completer I'ceuvre d'unifica-tion des terres entreprise par son pere. Sa vie est fauchee a 28 ans suite a un choc accidentel a la tete, alors que sa descendance male n'est pas assuree. Son contrat de manage engage Anne de Bretagne a epouser le roi suivant afin d'assurer le rattachement de la Bretagne a la France (effectif en 1532). 11483. Anne de Beaujeu : une femme au pouvoir Louis XI a une grande confiance en l'intelligence de sa fille aínée Anne, laquelle, selon lui, est « la moins folle femme de France ». Comme son seul héritier male, Charles VIII, n'a que treize ans, e'est ä eile qu'il confie la régence du royaume. Elle doit étre épaulée dans cette fonction Partie ii Le XVe siecle (1364-1498) : un siecle charniere par son mari Pierre de Beaujeu, un Bourbon. En reaction a l'affaiblis-sement du pouvoir, les nobles commencent a fomenter des troubles avec le futur heritier du trone, Louis d'Orleans. Le dernier due de Bretagne s'en mele aussi. Le couple de Beaujeu reussit a enrayer le conflit et passe le relais a Charles VIII en 1491, lui faisant epouser Anne de Bretagne, seule heritiere du duche. Louis d'Orleans C'est Le fils de Charles d'Orleans (prince poete emprisonne en Angleterre). Louis d'Orleans deviendra roi de France sous le nom de Louis XII, en 1498, apres la mort de Charles VIII qui n'a pas d'heritier male (il est son plus proche cousin Valois-Orleans). II epousera alors Anne de Bretagne : le duche restera a la France. ■ 1494. Le debut des guerres d'ltalie Contrairement a son pere soucieux d'eviter les guerres par la negocia-tion, le roi Charles VIII cherche des raisons de guerroyer. Sous le vague pretexte des droits de la maison d'Anjou sur Naples, il se rend en Italie pour recuperer le bien des Angevins. Apres une breve campagne, il est couronne roi de Naples en Janvier 1495. Mais la victoire est de courte duree : une coalition d'interets et de forces en presence (dont le pape et l'Empereur d'Allemagne) le fait reculer precipitamment et rentrer en France. Sa mort prematuree, quatre ans plus tard, ne lui permet pas de poursuivre son reve. Les guerres d'ltalie vont etre recurrentes au cours des regnes suivants. Les Francais au XVe siěcle Chapitre i Vision extérieure : trois puissances en devenir Le XVe siěcle s'acheve par une date majeure de 1'histoire de 1'humanité : 1492. En effet, la découverte de 1'Amérique par Christophe Colomb fait entrer l'Europe dans une nouvelle ěre. Plus tót, en 1453, la prise de Constantinople par les Ottomans marque la fin de 1'Empire byzantin, héritier de 1'Empire romain. Le XVe siěcle assiste done á une double rupture : avec 1'Antiquité (periodě s'etalant de 1'invention de 1'écriture vers 2000 avant Jésus-Christ á la chute de 1'Empire romain ďOccident en 476 aprěs Jésus-Christ) et avec le Moyen Áge (476-1492). En France, la rivalitě avec l'Angleterre dans le cadre de la guerre de Cent Ans domine le siěcle, mais ce conflit se joue exclusivement sur le territoire national. ■ L'Angleterre, une cousině bien envahissante Cest au XVe siěcle que l'Angleterre devient 1'ennemi héréditaire de la France, et ce, pour plusieurs siěcles. Le territoire anglais est alors réparti des deux cótés de la Manche. La fin de la guerre de Cent Ans, favorable aux Francais, précipite l'Angleterre dans la guerre civile : e'est la guerre des Deux-Roses. Celle-ci oppose la maison des Lancastre, dont le symbole est une rose rouge, á la maison d'York, á la rose blanche, et divise le pays de 1453 á 1485. Cest á cette date qu'Henri VII Tudor, héritier des Lancastre, épouse une York, mettant ainsi fin á la guerre et ouvrant la periodě Tudor. Comme pour la France, le sentiment national anglais s'eveille dans les tourments de la guerre de Cent Ans. Le francais, langue des elites depuis la royauté normande, est abandonné au profit de l'anglais, jusqu'alors langue du peuple et des tribunaux. Le francais a laissé des traces en Angleterre Ľhéritage frangais de La monarchie anglaise subsiste encore dans La devise en frangais de La monarchie, « Dieu et mon droit», renvoyant Ľidée que Le roi d'AngLeterre ne tient son titre que de Dieu. De méme, La devise « Honni soit qui maL y pense » de Ľordre de La Jarretiěre, ordre de chevaLerie créé au debut de La guerre de Cent Ans, rappeLLe Ľusage du frangais ä La cour d'AngLeterre. Ľorigine Légendaire est amusante : aprěs La prise de Calais en 1347, une féte est donnée ä La cour. La maítresse du roi, La comtesse de Salisbury, perd sa Partie Ii Le XVe siecle (1364-1498) : un siede charniere jarretiere, declenchant ainsi Les rires de ['assistance. Le roi, pour sauvegarder I'honneur de sa maTtresse, aurait aLors mis Le ruban bleu a son propre genou et prononce cette future devise avant de faire du ruban le nouveau signe de distinction de la noblesse. ■ L'ltalie, foyer de la Renaissance L'ltalie est une mosai'que de territoires. Le Nord est domine par les grandes cites-Etats enrichies par le commerce et la finance : la repu-blique de Venise, le duche de Milan et la republique de Florence. Les Etats de l'Eglise placent le centre de la peninsule sous l'autorite du pape. Le Sud est possession aragonaise dans le cadre du royaume des Deux-Siciles. L'ltalie est alors un vivier intellectuel et artistique majeur : c'est la que sont jetees les bases de la Renaissance et de l'humanisme. ■ L'Espagne : de l'unite nationale ä l'expansion internationale Au XVe siecle, l'Espagne n'est pas non plus unifiee. Deux royaumes se partagent la peninsule iberique : l'Aragon et la Castille. Ces deux royaumes menent la reconquete de l'Espagne occupee par les Arabes depuis le VHP siecle. Au XVe siecle, seul subsiste le royaume musulman de Grenade, vieux de sept siecles, grand foyer intellectuel d'Europe ou rayonnent la pensee et les mathematiques arabes. L'unite nationale espagnole est en marche. Les deux royaumes de Castille et d'Aragon sont d'abord reunis par le mariage d'Isabelle de Castille et de Ferdinand V d'Aragon, appeles les « Rois catholiques » en raison de leur politique religieuse intransigeante. C'est sous leur regne qu'est promue l'lnquisition espagnole, le tribunal ecclesiastique charge de pourchasser les juifs convertis au catholicisme qui pratiquent secrete-ment leur religion d'origine. L'lnquisition Cette institution a ete creee au XIIP siecle par le pape Gregoire IX pour lutter contre toutes les formes d'heresie selon les normes de l'Eglise catholique. II faut done distinguer tres nettement I'inquisition espagnole qui prend une forme ä part et va jouer un role tres important dans le domaine religieux et intellectuel apres le XVe siecle. Les Frangais au XVe siěcle Chapitre i En janvier 1492, profitant de la faiblesse de caractěre du sultan en place, Isabelle de Castille réussit ä conquérir définitivement la ville de Grenade. Cette conquéte lui apporte des capitaux importants et lui offre les moyens de soutenir le projet utopiste ďun certain Christophe Colomb. Celui-ci découvre par hasard un nouveau continent le 12 octobre 1492, persuade d'avoir découvert une nouvelle route des Indes. Cest un navigateur florentin, Amerigo Vespucci, qui le premier iden-tifie ces terres comme un nouveau continent. Le nom Amérique est inventé ä partir de son prénom. L'heritage ďune découverte Aujourďhui, ['heritage de La découverte de L'Amerique est chaque jour present dans nos assiettes : patate douce, tomate, avocat, mai's, haricot, ananas, café et cacao sont originates d'Amerique. PLus généraLement, La coLonisation européenne de L'Amerique ouvre Le processus de conquéte du monde par Les Européens. En détruisant Les civilisations précoLombiennes, Les EspagnoLs jettent Les bases ďune exportation par La force des vaLeurs européennes, premiére pierre dans La construction ďun monde uniformisé. C h a p i t r e 2 XVe : Les Frangais et Leur temps • Avec La peste pour fléau... • Du manuscrit ä ľimprimé : La démocratisation du Livre • La Langue francaise entre en Littérature Partie li Le XVe siěcle (1364-1498) : un siěcle charniěre Avec la peste pour fléau... Les XIVe et XVe siecles abritent les grands fleaux medievaux : guerre, epidemie, famine. Funeste triptyque qui clot le Moyen Age dans la douleur. La peste de 1347-1348, a elle seule, a elimine un tiers de la population de l'Europe. Les resurgences de peste, sous le regne de Charles V et au XVe siecle, avec son lot de famines, retardent la reprise demographique. Ainsi, la population de France passe de 20 millions d'habitants a la fin du XIIIe siecle, a environ 15 millions au milieu du XVe siecle. ■ Quelle peste ? La peste est une maladie infectieuse tres contagieuse, vehicuLee par une puce nichee sur Les petits rongeurs, Le rat noir en particub'er. Deux types de peste coexistent en fonction du mode de penetration du germe dans Le corps humain : la peste bubonique est provoquee par La piqure de La puce. Des bubons douLoureux se torment a L'aine, aux aisseLLes ou au cou, provoquant des maux intestinaux et une hypotension. L'issue est fataLe dans 80 a 85 % des cas. La peste pulmonaire est transmise par L'air rejete par Les poumons d'une personne contaminee et penetrant Les poumons d'une autre per-sonne. La mort est aLors assuree. Le choc psychologique et culturel de la peste est énorme et durable. La mort frappe en effet trěs rapidement, le décěs intervenant en trois jours. Imaginons le méme taux de mortalitě á notre époque : ce serait 150 millions de morts que devrait déplorer l'Union européenne, trois fois plus que les décěs lies aux deux guerres mondiales réunies ! II faut attendre 1720 pour que la peste disparaisse en France avec la derniěre epidemie á Marseille. ■ Un premier effet de rinternationalisation des échanges La peste est la résultante de la premiere grande ouvertuře sur le monde. Á partir du XIIIe siěcle, le Moyen Áge a vu le développement des contacts commerciaux entre l'Orient et l'Occident, notamment par l'entremise des commercants italiens ouvrant des comptoirs en mer Noire, á Constantinople ou au Proche-Orient. La peste entre en France par Marseille, porte ďentrée de l'Europe, et suit les voies commerciales terrestres et maritimes. En deux ans, toute l'Europe est touchée. XVe: les Francais et leur temps Chapitre 2 L'organisation de la societe medievale est propice au developpement de la maladie. La relative faiblesse des organismes, consequence de mauvaises recoltes, rend les hommes plus vulnerables. D'ailleurs, la mortalite liee a la peste se surajoute a une mortalite en hausse due aux famines ou aux disettes. Disette et famine La disette se distingue de La famine par sa pLus faibLe intensite : seuLs queLques aLiments viennent a manquer, aLors qu'en cas de famine, Les ressources aLimen-taires sont epuisees. Toutefois, La faim fait partie du quotidien des hommes de ce temps. L'a Li mentation se compose en effet essentieLLement de cereaLes : Le pain de bLe, de froment ou de seigLe fournit a Lui seuL pLus de La moitie de La ration aLimentaire quotidienne. Une mauvaise recoLte est, a une epoque ou L'on cuLtive ce que L'on consomme, annonciatrice d'une disette. Le pays de Cocagne, un pays fait d'abondance et de profusion aLimentaires, est Le reve des hommes de L'epoque. ■ Ce qu'il ne faut pas faire... ils le font La promiscuité des hommes et la méconnaissance des principes d'hygiene sont aussi des facteurs de propagation. Ainsi, il est d'usage, dans toutes les couches sociales, de partager le lit avec toute la famille pour se protéger du froid. En outre, les ordures sont jetées un peu partout, sans conscience des effets nocifs. On ne nettoie pas vraiment autour de soi, on « désencombre ». Toutes ces conditions d'hygiene favorisent la diffusion de la peste. La médecine est balbutiante et dans les campagnes, les soins sont prodigués par des guérisseurs ou des sorciers, oil concoctions et superstitions sont étroitement mélées. La piqůre de puce comme facteur de transmission n'est pas percue comme telle. Or, les parasites prolifěrent partout. Le danger est done permanent mais ne provient pas de l'air ambiant comme chacun le croit. Les mesures de lutte sont constamment inadaptées : feux purifi-cateurs, aspersion de parfums forts et de soufre sur les vétements, port de masques au long bee empli de parfum. Il faudra attendre le XVe siěcle pour isoler sérieusement les villes affectées, seul moyen efficace de lutter contre la propagation. Ce sentiment de fragilitě face á la peste modifie les mentalités et la conception de la vie pendant cette periodě. Partie ii Le XVe siecle (1364-1498) : un siecle charniere Toute I'Europe pestiferee ? SeuLs Les Hongrois resistent encore et toujours a L'envahn'sseur bacterioLogique par Leur groupe sanguin ! On sait aujourd'hui que Les sangs de type 0 sont pLus vuLnerabLes a La peste. Or, Les 0 sont partout majoritaires a La fin du Moyen Age sauf en Hongrie ou Les sangs B sont pLus repandus. ■ La peste noire, source de toutes les interpretations Chretiens, les hommes du Moyen Age lisent toujours les evenements a travers le prisme de la religion. La peste est un fleau, une « plaie » comparable a celle de l'Egypte de l'Ancien Testament. Pour les eccle-siastiques, il est evident que la peste frappe les hommes coupables de cupidite, de luxure et d'orgueil. La religion est invoquee pour expliquer mais aussi pour soigner : on prie saint Roch, saint guerisseur des pesti-feres, lui-meme victime de la peste, ou saint Sebastien, dont on recherche la protection pour detourner ce que Ton appelle alors les « fleches » de la peste. La penitence est aussi consideree comme un bon moyen de reparer ses fautes. Dans les rues, les processions de flagellants se multiplient pour expier leurs peches. La peur engendree par la peste pousse a chercher de supposes responsables, boucs emis-saires censes endosser les peches de toute la collectivite. Les etrangers, les marginaux, les personnes mal integrees sont les victimes toutes designees de peurs irraisonnees : Juifs, voyageurs ou lepreux devien-nent la cause du mal. L'ampleur et la rapidite des deces transforment durablement les mentalites occidentales, notamment le rapport avec la mort. Avant le XIVe siecle, la mort s'integrait naturellement au quotidien. Dans un monde oil un nouveau-ne sur trois meurt avant l'age de 5 ans (25 fois plus qu'aujourd'hui), oil l'esperance de vie est en moyenne de 30 ans, la mort est presente partout. Mais la puissance foudroyante de la peste et son aspect repoussant changent la donne : les cadavres, devenus noirs, modifient la vision de la mort, associee desormais a la putrefaction et a la degradation physique du corps. ■ Art de la Mort L'art exprime ces nouvelles conceptions. Ainsi, la fresque du cimetiere des Innocents a Paris, achevee en 1425, lance la vogue des danses macabres. Dans ces peintures, la mort, representee par un cadavre decharne ou un squelette, invite dans une folle farandole les hommes XVe: les Frangais et leur temps Chapitre 2 et les femmes de tous ages et de toutes conditions sociales. Un texte accompagne souvent la peinture : la mort y parle aux vivants sur un ton accusateur et menacant. Dans l'art funeraire, la vogue des transis (transis de vie, c'est-a-dire des trepasses) temoigne egalement de ces evolutions. Ces sculptures fune-raires representent le defunt en etat de putrefaction avancee ! Le medecin de Charles VI, Guillaume de Harcigny, s'est ainsi fait repre-senter sur des transis, comme on peut le voir au musee de Laon. Le transi du cardinal Lagrange de 1402, expose au musee du Petit Palais a Avignon, invite quant a lui a faire preuve d'humilite avec la formule « tu seras bientot comme moi, un cadavre hideux, pature des vers ». La mort devient desormais le miroir ou se refletent les peches des hommes. Les grandes epidemies Chaque epoque possede sa grande epidemie. Le siecLe suivant connaitra La syphilis (mal napolitain pour Les Frangais et maL frangais pour Les ItaLiens !), apparue en France pendant Les guerres d'ltaLie. On peut aussi citer trois epidemies deveLoppees au cours des deux derniers siedes : Les epidemies de choLera, survenues reguLierement au XIXe siecLe, ont fait pLusieurs miLLiers de victimes, notamment en Provence, comme L'a depeint Jean Giono dans son roman le Hussard sur le toit; L'epidemie de grippe espagnoLe en 1918-1919, forme parti-cuLierement vioLente de La grippe, a provoque 30 a 50 mi'LLions de victimes dans Le monde seLon Les estimations, dont pLus de 400 000 en France ; L'epidemie du sida, apparue a La fin des annees 1970, compte deja pLus de 25 mi'LLions de morts dans Le monde, dont 35 000 en France. Partie ii Le XVe siecle (1364-1498) : un siecle charniere Du manuscrit a IMmprime : la democratisation du livre La culture du Moyen Age est difficile a imaginer depuis notre univers de profusion de livres. Au Moyen Age, les livres sont des objets precieux, tres couteux, conserves et proteges au cceur des monasteres, des cathe-drales, des bibliotheques (appelees librairies), des universites ou par quelques lai'ques erudits. Seule l'elite sait lire : les clercs, la plupart des nobles et quelques bourgeois. Ainsi, Jeanne d'Arc ne sait pas lire. ■ La decouverte des textes anciens Depuis le XIe siecle, epoque dun nouvel elan de la culture, les textes des grands auteurs de l'Antiquite ont ete redecouverts et diffuses a partir de manuscrits conserves a Constantinople. C'est ainsi que les idees d'Aristote sur la rotondite de la terre se diffusent dans les milieux cultives depuis le XIIP siecle. La religion, la politique et la curiosite intellectuelle influent sur les decisions de copies, de traductions, d'enluminures de manuscrits, tous ecrits et reproduits a la main, en un seul exemplaire a chaque fois. ■ Le livre, un produit rare et vulnerable Les manuscrits sont alors copies par contrats de pret. Dans ce contexte de rarete du livre, beaucoup d'intellectuels prennent des notes sur les ceuvres cotoyees fugitivement, lors dun voyage par exemple (on se deplace beaucoup dans une Europe oil existe une langue commune des elites : le latin). Ces notes de lecture se transmettent precieusement ensuite par heritage. La connaissance en ressort tres cloisonnee, souvent de maniere regionale ou par secteurs d'activites. Elle depend des preoccupations des groupes de lecteurs, de leurs moyens financiers, de leurs voyages et de leurs rencontres hasardeuses. Depuis le XIIP siecle, les universites comme celle de la Sorbonne, specialisee en theologie, sont egalement des poles de connaissance aux fonds diversifies, regroupant les textes utiles aux etudes. Toutefois, le nombre de volumes contenus dans ces bibliotheques reste restreint au regard de notre epoque : il n'y a que quelques centaines de livres, le marche du livre repondant a des besoins encore limites. Des ateliers de copistes, traducteurs et enlumineurs lai'ques prennent le relais des XVe: les Francais et leur temps Chapitre 2 scriptoria (de scriptorium, atelier de copie de manuscrits) monastiques ou, selon leurs competences, les moines enluminaient les textes d'illus-trations somptueuses, traduisant ou recopiant quand ils n'en etaient pas eux-memes les auteurs. Presses par le temps, certains copistes moins scrupuleux introduisent des fautes dans certains ouvrages, engendrant ainsi des chaines d'erreurs. L'information peut done parfois manquer de fiabilite. Toutefois, la diffusion de la connaissance par le livre n'est pas exclusi-vement speculative ou religieuse. Les grands commercants ressentent aussi l'importance d'initier serieusement leurs enfants aux connais-sances pratiques. La langue parlee populaire joue alors son role a cote du latin. Dans ce domaine, les Italiens sont en avance sur les Francais car ils ont fonde des ecoles lai'ques. Les Francais sont freines par l'Eglise qui s'octroie, plus qu'en Italie, le monopole de l'enseignement. Le livre est done, au gre de tous ces besoins diversifies, manipule, use et parfois detruit violemment de maniere imprevisible. L'indispensable perennite des ouvrages fait que le marche du livre neuf n'existe quasi-ment pas. Le latin, la langue dominante des intellectuels europeens Les livres sont tres rarement ecrits en langue « vulgaire » (dite vernaculaire), c'est-a-dire en frangais courant, de type Oc au sud de la Loire et de type Oi'l dans le Nord. Le latin est la grande langue de la culture, meme si un groupe d'intel-lectuels, les humanistes, commence par apprendre le grec et I'hebreu pour etre en mesure de lire les textes dans leur version d'origine. ■ Des princes intellectuels Le roi Charles V ressent le besoin de s'entourer de conseillers et de livres pour mieux gouverner. Il a laisse l'image dun prince intellectuel entoure de sa celebre bibliotheque de plus de mille livres. Ce fonds equivaut a une bibliotheque d'universite de l'epoque. Ce gout de la chose ecrite, il le partage avec ses freres, Jean de Berry et Philippe le Hardi, due de Bourgogne. Au debut du siecle, le premier exerce un mecenat centre sur la production de livres d'art, generalement des livres de prieres enlumines comme Les tres riches heures du due de Berry, le plus celebre. La bibliotheque du duche de Bourgogne s'enrichit d'ouvrages de commande. En effet, les dues de Bourgogne financent, par gout et par ambition politique, compilateurs, traducteurs, copistes, enlumineurs, encourageant les ecrits a la gloire de leur regne. Ainsi, au XVe siecle, Partie li Le XVe siěcle (1364-1498) : un siěcle charniěre la cour de Bourgogne est la plus briliante de France, les successeurs de Charles V n'ayant eu ni le méme engouement pour la vie culturelle, ni les mémes moyens. Charles le Téméraire, le dernier des dues de Bourgogne, redoutable guerrier, est aussi un fin lettré. ■ Des revolutions techniques complémentaires : papier et imprimerie Á partir du XIVe siěcle, l'invention du papier vegetal révolutionne le monde du livre, jusque-lá fait de parchemins ou de vélins (ces deux precedes á base de peaux exigeaient un nombre considerable ďanimaux : un seul volume in-folio réclamait les peaux ďun troupeau de 200 tétes !). On peut par consequent saisir 1'importance des nouveaux procédés de fabrication papetiěre, leur role sur la reduction des coůts et sur la diffusion des exemplaires. L'industrie du papier permet désormais de concevoir un procédé ďimpression plus perfor-mant. L'imprimerie va naitre de cette attente. Un long périple pour le papier Le papier est né en Chine et adopté par Les Arabes au VIIP siěcLe. Les Arabes L'ont introduit en Europe via Cordoue et ToLěde en Espagne. Les ItaLiens Les imitent et, au XIIP siěcLe, Les industries papetiěres se déveLoppent en ItaLie. La France fabrique son propre papier á partir du XIVe siěcLe. Les techniques ďimprimerie, étroitement liées á 1'art du metal, sont le résultat technique de longues recherches menées en Orient et en Europe, en particulier á Mayence entre 1445 et 1450. Le développe-ment de cette premiere industrie semble lié á trois hommes : le techni-cien Johann Gensfleisch, dit Gutenberg, specialisté du metal, le financier Jean Fust, banquier et lettré, Pierre Schceffer, ancien copiste et calligraphe. Loriginalité de cette découverte tient dans les caractěres mobiles métalliques, réutilisables plusieurs fois. Les premiers textes imprimés ont au debut trois róles essentiels, á vocation trěs pratique: reproduire en grand nombre des textes touchant á la vie administrative comme les lettres ďindulgence, ces certificats de bonne conduite religieuse délivrés par 1'Église, ou les placards, sortes de tracts de 1'époque ; diffuser des informations utiles á la vie quotidienne comme les calendriers et almanachs, reproduits XVe: les Francais et leur temps Chapitre 2 chaque annee en nombre ; repandre rapidement et a grande echelle les idees religieuses et culturelles (la fameuse premiere Bible en 42 lignes par page, de Gutenberg, est le premier grand texte imprime). ■ Les impn'meurs a la conquete de I'Europe L'imprimerie se diffuse de maniere exponentielle. Son foyer de depart est Mayence. Or, cette ville subit des troubles politiques graves en 1462, amenant les imprimeurs a s'exiler dans tous les coins de I'Europe d'ou ils transmettent leur nouveau savoir. On trouve leur trace partout, a Rome, Cologne, Constance, Nuremberg, Seville, ainsi qu'aux Pays-Bas. En France, ils sont a Paris en 1470 avec Guillaume Fichet, et trois ans plus tard a Lyon. ■ Les incunables Les incunables (ou « berceaux ») sont Les premiers textes imprimes avant 1501. Les caracteres congus se demarquent peu du texte manuscrit. Les imprimeurs cherchent egalement a integrer Les commentaires rajoutes au manuscrit d'origine. Au XVIe, au contraire, L'innovation primera. Plus de 250 centres d'imprimerie sont implantes a la fin du siecle, pour environ 27 000 editions parvenues jusqu'a nous, ce qui represente environ 10 millions d'exemplaires. A Venise, l'atelier de l'humaniste imprimeur Aide Manuce est l'une des plus prestigieuses imprimeries de cette fin de siecle : c'est dans son atelier que sont inventes l'ecriture italique et le format in-octavo (feuille pliee en huit), plus maniable que Yin-quarto. Le livre quitte maintenant le stade de l'artisanat pour entrer dans une ere de profit economique et va subir, a partir du XVF siecle, les lois du marche. A titre indicatif, a la fin du XVe siecle, un livre est tire entre 300 et 400 exemplaires, dans un marche encore peu organise, pour atteindre deja plusieurs milliers de livres un siecle plus tard. La civilisation Gutenberg n'est pas encore morte Le virage technoLogiqlie de L'imprimerie peut etre rapproche de notre virage informatique de La fin du XXe siecle. On peut imaginer que Les bouLeversements sont aussi considerables aux deux epoques, et qu'iLs engendrent Les memes reactions de creativite et d'inventivite, en creant parallelement un bouleverse-ment des mentalites des Lecteurs. Certains ont meme parLe, non sans exagera-tion, de La fin de La « civilisation Gutenberg ». Or, en 2005, 436 millions d'ouvrages ont ete edites en France. Partie li Le XVe siede (1364-1498) : un siěcle charniěre La langue francaise entre en littérature Les auteurs des XIVe et XVe siecles ecrivent en phonetique, au gre de leurs humeurs. En effet, a cette epoque, le francais n'est pas encore codifie par une grammaire et un lexique. Les textes serieux, religieux ou scientifiques sont encore rediges en latin, langue des echanges intel-lectuels europeens. Mais une litterature en langue parlee emerge, le francais, langue derivee du latin qui se decline en multiples facettes : patois regionaux - tendance Oil au nord de la Loire et tendance Oc au Sud (occitan et provencal actuels). ■ Oui, oui : traduction Oil, Oc Le terme oil signifie « oui » dans Le nord de La France et oc en est La version meridionale. Ces auteurs spontanes en langue francaise n'appartiennent ä aucune école. Iis écrivent au gré de leurs besoins et sont issus, fait caractéris-tique, de classes sociales variées, allant dun grand prince de la famille royale, Charles ďOrléans, ä un petit malfaiteur cultivé, Francois Villon. ■ Un prince sauvé par la littérature et un poete emprisonné L'un des premiers poětes en langue francaise est le pere du roi Louis XII, Charles ďOrléans. Neveu du roi Charles VI, Charles d'Orleans est trěs tot initié ä la littérature par sa mere Valentine Visconti, princesse trěs cultivée influencée par la Renaissance italienne. Cest sa chance ! Fait prisonnier ä la bataille d'Azincourt en 1415, il est retenu en otage pendant plus de 25 ans par les Anglais. La poesie lui permet alors de survivre psychologiquement pendant ses longues années de captivité. Ironie du sort, son contemporain, le poete Francois Villon, est emprisonné dans les geöles du duché ďOrléans. Moine et mauvais garcon, Francois Villon a vécu une vie mouvementée et connu une fin mysté-rieuse, sans doute égorgé au coin dun bois ! L'histoire littéraire l'a reconnu pour la puissance de sa poesie : il est considéré comme le premier grand poete de la littérature francaise. Par la modernitě de ses textes, certains le croient d'ailleurs plus proche de notre époque. XVe: les Francais et leur temps Chapitre 2 ■ En direct du Moyen Age Grace a Jean Froissart, un chroniqueur de la fin du XIVe siecle, nous connaissons les episodes importants de la guerre de Cent Ans. C'est a lui que nous devons la description, par le menu, de la celebre scene du bois du Mans au cours de laquelle le roi Charles VI manifeste sa premiere crise de folie. Froissart nous propose la un reportage en direct. Incident dans un bois de Bretagne Dans Le texte de Froissart, un ermite crie au roi CharLes VI: « Roi tu es trahi ! », et ceLui-ci, par queLques mouLinets d'epee, tue quatre personnes de son escorte. Par cette anecdote, cette image du roi est desormais gravee dans notre histoire. Ailleurs, un anonyme habitant de Paris, appelé « le Bourgeois de Paris », nous relate les événements du debut du siěcle. Ce texte est plutót un texte de mémoires qu'un journal, malgré son titre, Journal d'un bourgeois de Paris. Texte subjectif, il arrive á l'auteur de taire complětement des événements favorables au camp adverse, en l'occur-rence celui du roi de France, Charles VII. Il parvient ainsi á parler de l'annee 1429 sans évoquer un seul instant le sacre du roi ! Á la fin du XVe siěcle, un autre chroniqueur, Philippe de Commynes, nous permet d'approfondir cette periodě par son témoignage forgé au contact du pouvoir, car il a servi les deux grands rivaux du siěcle : le due de Bourgogne et Louis XL S'il semble faire ceuvre d'historien, c'est de maniěre bien subjective car il lui arrive de réécrire l'histoire pour justifier certains de ses engagements ! Une femme vit de sa plume au debut du XVe siecle Christine de Pisan (ou Pizan) est sans doute La premiere femme de Lettres fran-gaise. ELLe est eduquee d'une maniere exceptionneLLe pour son temps, sur L'initiative d'un pere aux visions avancees qui offre a sa fiLLe La meme instruction que ses freres. Grace a ce bagage, eLLe peut vivre de sa production Litteraire. Son ouvrage La cite des dames est considere comme Le premier Livre feministe. Partie III Le XVP siede (1498-1610): un beau siede ? SurvoL du siěcLe Ouvertuře sur le monde, ruptures intérieures, puissance créatrice, le XVIe siecle est pour beaucoup le moment de tous les possibles. Si les hommes de ce temps inventent et découvrent, ils s'opposent et se hai's-sent aussi autour de débats religieux qui ébranlent l'Europe dans la fureur des guerres. La vision de la terre s'elargit. Magellan en fait le tour complet pour la premiere fois, sous pavilion espagnol. Les Espagnols sont partout et bénéficient principalement de la découverte de l'Amerique. Dans leur sillage, les civilisations aztěques et incas sont révélées au monde mais aussitót soumises, conquises par les armes et vaincues par les maladies inconnues du Nouveau Monde. L'Europe catholique entre dans sa grande periodě ďactions mission-naires auprěs de ces populations. La question majeure est d'estimer leur « degré » ďhumanité pour savoir comment les convertir : par la force ou par la reflexion. Un grand debat ofnciel tenu en Espagne, la controverse de Valladolid en 1550, tranche dans le vif des incertitudes et fait entrer les peuples d'Amerique dans la communauté humaine. Or, á cette periodě, de nombreux bras sont nécessaires pour produire le coton et le sucre exigés par les consommateurs européens. Les Africains, soumis en esclavage, vont alors devenir la main-d'ceuvre de l'Amerique. De son cóté, la France n'a plus, comme par le passé, son regard rivé sur l'Angleterre. Le roi Francois Ier est decide á s'imposer face á l'immense puissance Habsbourg de Charles Quint. Ce dernier, qui « ne voit pas le soleil se coucher sur ses terres », dirige un immense territoire cons-titué de l'Empire germanique, des Pays-Bas, des cites italiennes, de l'Espagne et des vastes regions conquises en Amérique au nom de l'Espagne. La confrontation entre Francais et Habsbourg emerge et se durcit, principalement sur le terrain plus neutre de l'ltalie. Partie in Le XVIe siěcle (1498-1610) : un beau siede ? En France, de nombreuses influences d'idees novatrices et d'actions gouvernementales stabilisatrices des trois premiers rois s'enchevetrent: Louis XII, Francois Ier et Henri II. La seconde moitié du siěcle, nette-ment plus sombre, connait la guerre civile entre catholiques et protes-tants, sous Charles IX et Henri III. Les conflits de foi font alors monter en puissance les passions et la violence. Paradoxalement, ce siěcle de divisions religieuses est un siěcle de rassemblement artistique. Ä partir d'influences européennes mutuelles vont naitre les grands chefs-d'oeuvre de cette periodě appelée « Renaissance » par reference ä 1'Antiquité, son modele, dont eile sait se dégager pour faire émerger son propre génie. Les découvertes du siěcle 1543 : héliocentrisme (prise de conscience que La Terre tourne autour du SoLeiL) 1569 : pLanisphěre (projection de Mercator) 1582 : caLendrier grégorien (utilise de nos jours) 1604 : microscope optique 1608 : Lunette astronomique Filigrane chronologique : 1498-1610 En France Ä ľétranger Louis XII (1498-1515) marié ä Anne de Bretagne 1498-1504 Paix en France Guerres ďltalie Francois Ier (1515-1547) marié ä Claude de France puis ä Eleonore de Habsbourg 1515 Victoire de Marignan 1516 Concordat de Bologne 1517 Debut de la Reforme luthérienne 1519 Charles Quint empereur / Survol du siede En France Ä l'etranger 1525 Defaite de Pavie 1532 Rattachement de la Bretagne ä la couronne de France 1534 Affaire des Piacards 1539 Ordonnance de Villers-Cotterets sur la langue francaise 1545 Ouvertüre du concile de Trente (Contre-reforme catholique) Henri II (1547-1559) marie ä Catherine de Medicis 1547-1549 Repression contre le protestantisme 1559 Paix de Cateau-Cambresis avec l'Empire Francois II (1559-1560) marie ä Marie Stuart (future reine d'Ecosse) Charles IX (1560-1574) marie ä Elisabeth d'Autriche 1562 Massacre de Wassy : debut des guerres de religions 1564-1566 Tour de France du roi avec sa mere, Catherine de Medicis 1572 Massacre de la Saint-Barthelemy Regne d'Henri III (1574-1589) marie ä Louise de Lorraine 1588 Journee des Barricades ä Paris : le roi destitue. Assassinat du due de Guise 1589 Assassinat du roi Henri III par le moine Clement Regne d'Henri IV (1589-1610) marie ä Marguerite de Valois (reine Margot) puis ä Marie de Medicis 1593 Conversion du roi au catholicisme 1598 Edit de Nantes (protection des protestants) 1610 Assassinat du roi par Ravaillac 200 km LA FRANCE DE LA RENAISSANCE I I Residences royales Acquisitions sous Frangois Ier Acquisitions sous Henri II Possessions d'Henri de Navarre Acquisitions sous Henri IV Comtat venaissin (territoire pontifical) Frontieres de la France 13 u >> a o u O © Chapitre 3 Les Frangais au XVIe siede Le regne de Louis XII; 1498-1515 Ce regne voit la continuity des conquetes italiennes, concentrant les guerres ä l'exterieur de la France avec une paix relative dans le royaume. Louis XII est le premier roi soucieux de l'opinion publique. Louis XII (1462-1515) : un roi tres populaire Peii connu de nos jours, Louis XII est particuLierement apprecie a son epoque. FiLs du poete Charles d'OrLeans, iL a d'abord fait partie des princes rebelles sous La regence d'Anne de Beaujeu, puis iL s'est assagi. IL succede au roi CharLes VIII dont La mort brutaLe, sans heritier male, fait de Lui L'heritier direct. En repu-diant sans etat d'ame son epouse, La fiLLe de Louis XI, iL epouse Anne de Bretagne, veuve du roi CharLes VIII, conservant ainsi La Bretagne sous tuteLLe frangaise. Louis XII poursuit Le reve de conquete itaLienne de son predecesseur et administre paraLLeLement Le pays avec bon sens. La douceur de vivre sous son regne est surtout due a une exceLLente conjoncture. Tres popuLaire, Le roi est surnomme Le « pere du peupLe ». ■ 1499. Le debut de ['unification legislative §3 La loi sort de la tradition coutumiere fondee sur l'oral pour etre desormais 13 ecrite. Au cours des siecles, les privileges transmis par tradition orale ont a ete accordes dune Campagne, dune ville ou dune region ä l'autre, au gre a des aleas de l'histoire. II existe alors une mosaique de 370 ensembles S coutumiers. Ann de mieux gouverner, la royaute souhaite les classifier ~ et les codifier par ecrit pour renforcer leur lisibilite et leur impact. Partie m Le XVIe siěcle (1498-1610) : un beau siěcle ? Ľuniformisation de ľensemble est ä ce prix. Or, toucher aux coutumes, c'est évoluer sur un terrain sensible : le risque de revolte est toujours latent. Ä cette date, sous la responsabilité des intéressés eux-mémes et avec ľarbitrage ďun commissaire royal, les coutumes sont discutées, formalisées, voire affinées lors de leur transcription par écrit. Désormais, le droit public et le droit privé sont écrits et différenciés. ■ 1499-1504. Victoires et défaites en Itálie Louis XII reprend ä son compte les guerres d'Italie initiées par son prédécesseur. II y ajoute ses propres pretentions sur le duché de Milan, liées ä ľhéritage de sa grand-měre Valentine Visconti, fille du due de Milan. Son objectif est désormais double : conquérir les duchés de Naples et de Milan. Il anticipe les oppositions en s'assurant le soutien des principales puissances européennes : Espagne, Angleterre, Scandi-navie, Empire germanique. Aprés quelques rebondissements, il conquiert le riche duché de Milan contre le terrible Ludovic Sforza puis partage la domination de Naples avec les Espagnols. Les objectif s de depart semblent alors atteints et la France apparaít, en ce debut de siěcle, comme le pays le plus puissant ďEurope. Cependant, quatre ans plus tard, la situation se renverse : la France perd ä nouveau le royaume de Naples. ■ 1506. Francois Ier fait ses premiers pas Le roi Louis XII n'a que des filles. Or, la loi salique interdit formelle-ment aux femmes le pouvoir supreme : une femme peut seulement régner sur la France par le statut de regente. La succession du roi est done fragile en ce debut de siěcle. Ľhéritier potentiel est issu de la branche cadette des Orleans : Francois d'Angouléme (12 ans), le futur Francois Ier. Il faut penser ä renforcer sa legitimite. Ä cette fin, il est marié ä Claude de France, fille du roi Louis XII. Sa petite fiancee n'a que 7 ans. Perspective non négligeable, elle est aussi, par sa mere, ľhéritiere du duché trěs convoité de Bretagne (c'est elle qui donnera son nom au fruit la reine Claude !). Orléans-Angouléme II s'agit de La branche cadette des OrLéans, descendants du frěre de CharLes ďOrLéans. Louis XII est quant ä Lui Le fiLs de CharLes ďOrLéans. On est done passé de La branche aínée des VaLois (fin CharLes VIII) ä ceLLe de La branche aínée des OrLéans (Louis XII) puis ä ceLLe des AngouLéme (Frangois Ier). Les Francais au XVP siede Chapitre 3 Genealogie des Valois et de leurs branches cadettes Branche ainee des Valois Roi Charles V Roi Charles VI Roi Charles VII Roi Louis XI Roi Charles VIII l Branche ďOrléans Louis ďOrléans Charles ďOrléans (le poete) Roi Louis XII Branche Angouléme Jean ďAngouléme Charles d'Angouleme Roi Francois I er ■ 1513. Rien n'est jamais acquis ! Une seconde etape dans les guerres d'ltalie conduites par Louis XII tourne mal. La France s'enlise en effet dans les complications italiennes par des jeux d'alliances multiples. Elle est alors seule face a l'Europe coalisee sous l'autorite du pape. Retour a la case depart ! Les Anglais debarquent a Calais, les Allemands et les Suisses assiegent Dijon : la France est envahie. Cette difnculte est enrayee par la diplomatic de Louis XII qui se reconcilie avec le Pape et negocie avec tous les belligerents leur retrait contre subsides ! Le regne de Francois Ier: 1515-1547 C'est un regne brillant associe ä l'implantation de la Renaissance en France et marque par une lutte constante avec le redoutable Charles Quint, qui enserre la France de ses possessions (Espagne, Empire, Pays-Bas). Francois Ier assoit de sa prestance le debut du XVIe siecle et symbolise pour les Francais le temps prestigieux de la Renaissance. Partie m Le XVIe siécle (1498-1610) : un beau siécle ? Francois Ier (1494-1547) : un prince de la Renaissance Frangois Ier n'aurait pas du regner. IL appartient en effet a La branche cadette des Valois-Orleans, Les Angouleme. En 1515, iL succede a Louis XII, son beau-pere, sans heritier male. Particulierement adule par sa mere Louise de Savoie et par sa sceur, La poetesse Marguerite d'Angouleme, Frangois Ier s'est construit une personnaLite eclatante, association d'inteLLigence vive et d'instruction Lettree. Dote d'un physique agreable et d'une grande taiLLe (1,90 m environ), tres sportif, c'est Le roi chevaLier dans toute sa spLendeur. ImpuLsif et courageux mais pietre stratege, iL gagne certes La bataiLLe de Marignan en 1515, mais perd, dix ans pLus tard, La bataiLLe de Pavie contre CharLes Quint, et, outrage supreme, iL y est fait prisonnier par cet eternel rival. Sur les conseils de sa sceur dont iL est tres proche, iL favorise les Lettres et les arts au sein d'une cour brillante ou sert Clement Marot, Le grand poete de L'epoque. Par gout et souci de prestige, iL attire en France des artistes comme Leonard de Vinci. Ouvert et chaleureux, tres galant, il s'entoure de femmes et affirme : « Une cour sans femmes, c'est comme un jardin sans fleurs. » ■1515. Marignan : une date facile ä retenir ! La victoire de Marignan (Melegnano en italien, petite localité au sud-est de Milan), ľannée merne du debut du régne de Frangois Ier, est un coup de maitre : Frangois Ier surprend alors l'Europe par sa réactivité. En effet, des la mort du roi Louis XII, il reprend le flambeau des guerres d'ltalie. Jouant l'effet de surprise, il réunit une armée considerable, passe les Alpes par un col trés escarpé, dévale vers la plaine du Pô comme le prestigieux Hannibal de l'Antiquité ! A Marignan, le 10 septembre, la bataille entre Frangais et Suisses fait rage jusqu'au matin ; tout semble perdu pour les Frangais jusqu'ä l'intervention ines-pérée des allies vénitiens, qui prennent les Suisses ä re vers et détermi-nent ainsi la victoire. Des Suisses peu polices ! Pourquoi des Suisses ä Marignan ľ Les Suisses ont été recrutés par le due de Milan pour protéger son duché. En effet, ces Helvétes sont de redoutables mercenaires. Méme le pape fait appel ä eux, en 1505, pour former sa garde personnelle. Aujourd'hui encore, la garde pontificale est uniquement composée de citoyens suisses. Pourtant, leur reputation n'est alors pas trés catholique ! Les Suisses de ľépoque sont considérés par les Européens comme de véritables Les Francais au XVP siede Chapitre 3 soudards. Qui plus est, ils constituent un danger pour L'ordre social traditionnel: ils ont ose se revolter contre leurs seigneurs, les Habsbourg, au XIVe siecle. Depuis, ils ont forme un Etat independant: la Confederation Suisse. Francois Ier est victorieux, neuf mois apres etre devenu roi. Adoube chevalier par Bayard le soir de ce jour memorable, il s'impose alors en France et en Europe comme un roi prestigieux : le duche de Milan est reconquis ! Marignan donne l'image dun roi victorieux apte ä relever tous les defis. Pourtant, la victoire est ephemere : des 1521, les Francais sont expulses du duche lombard. Plus durable est la paix perpetuelle avec les Suisses, rare paix dans l'histoire dont le pacte ait ete respecte ! Une conquéte inoubliable Au XVP siěcle, le roi orchestre une habile propagandě alliant l'image, I'ecrit et la musique pour célébrer cette victoire. Les bas-reliefs de son tombeau situé dans la basilique de Saint-Denis en sont un bel exemple. Les historiens du XIXe siěcle, soucieux de forger une histoire nationale, ressortiront cette victoire de I'oubli et en feront une date incontournable des manuels scolaires. ■1516. L'Eglise franchise sous tutelle Les pleins pouvoirs sont donnes au roi de France sur l'Eglise catho-lique quand Francois Ier signe le Concordat de Bologne avec le pape Leon X, en 1516. Desormais, le roi nomme les ecclesiastiques selon son bon vouloir : l'Eglise de France passe sous tutelle royale. Les grandes families peuvent s'octroyer des revenus quasi hereditaires en s'attri-buant des terres ecclesiastiques pour leurs enfants. ■1519. Les luttes electorates, Valois contre Habsbourg Francois Ier reve d'incarner un nouveau Charlemagne et d'etre elu empereur d'Allemagne. A la mort de l'empereur Maximilien, il est le candidat le mieux place. Au faite de sa fulgurante gloire de prince chevalier, il apparait comme le seul homme capable de resister a la menace turque. Mais contre toute attente, c'est le roi Charles d'Espagne qui est elu empereur : a 19 ans, il devient Charles Quint (cinq). Partie in Le XVIe siecle (1498-1610) : un beau siecle ? Pourquoi associe-t-on les Habsbourg et I'Autriche ? Rien ne predestinait La fami'LLe des Habsbourg a regner sur une partie de L'Europe sous CharLes Quint. En effet, Leur chateau, datant du XP siecle, situe en Suisse alemanique, est tres modeste. Leur expansion revient a RodoLphe Ier, empereur Habsbourg du XIIP siecle, en possession de L'Autriche. Cette fami'LLe doit son ascension en Europe a une habile politique matrimoniale, selon La formule : « Que d'autres fassent La guerre ; toi, heureuse Autriche, concLus des manages. » La grand-mere de CharLes Quint etait La fille de CharLes Le Temeraire, due de Bourgogne, dont L'apanage a ete annexe a La France par Louis XL C'est pour cette raison que CharLes Quint parle frangais et revendique constamment La Bourgogne au cours de son regne. Cette election surprenante est liee aux nombreux pots-de-vin que Charles Quint a du verser aux electeurs allemands pour acheter leur conscience ! Les sommes versees sont de loin superieures a celles proposees par Frangois Ier. Une telle victoire est ainsi l'ceuvre des banquiers : Charles Quint est soutenu fmancierement par de grands marchands, dont la celebre famille Fugger. Reve de pierre... Frangois Pr ne se Laisse pas abattre par cet echec politique et Lance La construction, en septembre 1519, d'un chateau a La hauteur de son ambition : Chambord. Ce chateau se mesure a sa voLonte de prestige avec 440 pieces ! Meme si Les travaux debutent six mois apres La mort de Leonard de Vinci, Le roi a sans doute discute du projet avec Lui. Un dessin de Leonard dans ses carnets personnels L'atteste : le genial Italien est semble-t-il Le concepteur de I'esca-lier extraordinaire ou celui qui monte ne peut apercevoir celui qui descend ! ■ 1520. Le choc des titans Trois fortes personnalites, presque du meme age, regnent en meme temps : Charles Quint sur l'Espagne, les Pays-Bas et l'Empire germa-nique, Henri VIII sur l'Angleterre et Frangois Ier sur la France. C'est un trio dangereux et remuant, car chacun veut capter l'alliance de l'autre pour mettre en difnculte le troisieme. De cette rivalite est restee celebre la rencontre du « camp du drap d'or » (tente en tissus de fils d'or doubles de bleu), moment festif et luxueux au cours duquel Frangois Ier essaie, en vain, de s'attirer l'appui politique d'Henri VIII d'Angleterre ; ce dernier, exaspere par le luxe prodigue lors de cette rencontre, offre alors son appui a Charles Quint. Les Francais au XVP siěcle Chapitre 3 La vénalité des offices : un danger pour la monarchie La bourgeoisie commence á se développer au XVe siěcle. Les bourgeois révent ďascension sociále et ďaccéder á la noblesse. Depuis plusieurs generations, ils s'infiltrent dans I'administration en payant courtisans, secretaires et clercs pour obtenir des charges ďofficiers de finance ou de justice : les offices. Les rois vont exploiter cet usage á leur profit. Ainsi, děs 1524, Frangois Ier decide de leur vendre les offices, tremplins de leur ambition. D'abord octroyées á vie et done contrólables, ces charges deviendront héréditaires sous Henri IV (en 1604), moyennant une somme ďargent encore plus importante (la Paulette). Ces offi-ciers vont former progressivement ce qu'on appelle « la noblesse de robe », en reference á la robe des diplómés de 1'université. L'administration frangaise sera alors aux mains ďhommes que la proprietě de leur charge rendra de plus en plus indépendants du pouvoir. ■ 1525. Pavie : le roi est prisonnier La troisiěme tentative de Frangois Ier pour récupérer le Milanais commence mal. Le chevalier Bayard meurt au combat. La France est attaquée sur deux fronts : au Nord par Henri VIII, au Sud par les impé-riaux de Charles Quint, commandés par un prince rebelie francais Charles de Bourbon. ■ Les impériaux On appelle impériaux les soldats de Charles Quint issus de la mosai'que des peuples de son empire : Pays-Bas, Allemagne, Espagne. Apres avoir pris le dessus, le roi de France devale une nouvelle fois sur l'ltalie, mais la chance n'est plus au rendez-vous. En effet, il s'embourbe dans un siege sinistre devant Pavie, qui resiste malgre l'hiver. Pris a revers, il est alors fait prisonnier apres un combat heroi'que de la derniere chance. Le Milanais est perdu a nouveau. L'honneur est sauf mais le roi est emprisonne a Madrid ou Charles Quint lui fait signer des traites tres defavorables a la France. L'Empereur finit par lui rendre sa liberte contre une rancon considerable, et pour le contraindre a respecter ses engagements, il l'echange contre ses deux jeunes fils, Frangois et Henri, otages pendant quatre ans. Malgre tout, durant la longue absence du roi, le gouvernement parvient a tenir le cap, sans troubles graves, sous la ferule de l'energique Louise de Savoie, sa mere, soutenue par sa fille, la poetesse Marguerite de Navarre. Partie in Le XVIe siede (1498-1610) : un beau siede ? Une belle dame entre en scene Frangois et Henri, Les deux heritiers, sont remis aux EspagnoLs en echange de Leur pere. Le cadet, Le futur Henri II, rencontre ä cette occasion Diane de Poitiers, alors ägee de 22 ans. La cour entiere est descendue vers L'Espagne pour accueiUir son roi libere. La beLLe dame L'embrasse pour Le consoler lors de la Separation. Elle deviendra, quelques annees plus tard, une des plus presti-gieuses favorites royales. C'est pour eile qu'il construira le magnifique chateau de Chenonceaux enjambant le Cher. ■ 1530. L'enseignement hors de l'Eglise Pour apporter un sang neuf ä la pedagogie et ä la recherche, Frangois Ier cree une institution independante de l'Eglise, le College des lecteurs royaux, l'actuel College de France. Celui-ci est constitue de douze professeurs specialises en langues anciennes (latin, grec, hebreu), en Philosophie et en medecine. Payes sur la cassette royale, ils ne dependent pas de la Sorbonne. Cette derniere, faculte de theologie dont les enseignants sont des religieux, reagit mal ä cette concurrence car son autorite est ebranlee. La ville : un lieu en expansion Paris, ville populeuse avec ses 100 000 habitants, est la cite la plus importante d'Europe, meme si les vi lies des Flandres connaissent au meme moment une progression trois fois superieure liee aux nouveaux echanges avec l'Amerique. Lyon, l'autre grande ville en expansion, compte environ 80 000 habitants. C'est d'ailleurs de Lyon que va rayonner la Renaissance frangaise (c'est lä que sont implantees les principales imprimeries). ■1534. L'affaire des Placards : un tournant religieux Á cette date, le mouvement protestant est tout nouveau : il a moins de vingt ans. Toutefois, si « l'affaire des Placards » est restée célěbre, c'est que la propagandě protestante s'infiltre un jour jusque dans l'intimite du roi (le « placard » est le terme de 1'époque pour designer un texte « placardé »). Cloué sur la porte de la chambre de Frangois Ier, ce placard s'attaque violemment á la messe dont il conteste 1'intérét. Trop c'est trop ! Frangois Ier, roi catholique et de droit divin, se doit de réagir á la provocation, toute compromission avec les protestants n'etant Les Francais au XVP siecle Chapitre 3 desormais plus possible. Cette affaire est le premier pas important de repression contre les protestants, qui va se faire par les moyens expedi-tifs de l'epoque : arrestations, buchers et processions expiatoires. La montee de la repression royale et religieuse est amorcee. La reaction catholique touche notamment les humanistes dont l'independance d'esprit inquiete. L'imprimeur enflamme Taxe d'heresie par L'Eglise, Etienne DoLet, L'imprimeur de Clement Marot et de RabeLais, est brule sur La pLace pubLique a Paris en 1546. De meme, queLques annees pLus tard, des membres d'une secte chretienne, Les Vaudois, sont violem-ment massacres dans ce mouvement de Lutte contre Les heresies. ■1535. Le scandale de I'alliance entre le roi et le sultan Constamment soucieux de destabiliser Charles Quint, Francois Ier n'hesite pas a s'allier aux princes protestants de l'Empire, au risque de faire de son rival un champion de la defense du catholicisme. Par ailleurs, le soir de l'episode de Pavie, il etablit des contacts avec le Turc Soliman le Magnifique ; a son retour d'Espagne, il s'allie officiellement avec lui contre Charles Quint. Le « Roi Tres Chretien », allie a un souverain musulman, provoque un scandale dans la Chretiente ! ■ 1539. L'ordonnance de Villers-Cotterets : acte de naissance du francais Jusqu'en 1539, les ecrits de justice sont rediges en latin. Les plaignants devaient par consequent s'offrir les services de traducteurs pour comprendre les conclusions de leurs proces. Francois Pr impose, pour la premiere fois dans les ecrits de justice, la langue comprehensible par tous : le francais. Cette decision, enterinee par les articles 110 et 111 de l'ordonnance de Villers-Cotterets, est capitale : la langue francaise est reconnue definitivement dans les ecrits administratifs face aux dialectes regionaux et au latin. Autre innovation d'importance: l'article qui impose aux cures d'inscrire les dates de naissance et les filiations sur un registre consacre a cet effet: l'etat civil est ne. De nos jours, chacun peut done, theoriquement, reconstituer son arbre genealogique jusqu'au XVP siecle. Les nobles peuvent remonter plus loin, souvent jusqu'a Saint Louis. Partie in Le XVIe siede (1498-1610) : un beau siede ? ■ 1544. Chevaliers dechus Francois Ier, malade de la syphilis, est moins energique mais toujours obsede par la reconquete du Milanais. Ii veut sa revanche et engage en Italie une nouvelle guerre aux resultats mitiges. Ses deux adversaires habituels, Charles Quint et Henri VIII, vieillis mais neanmoins comba-tifs, se coalisent ä nouveau contre la France. Charles Quint, jouant les envahisseurs, se rend done ä Chäteau-Thierry, ä quelques kilometres de Paris. La seconde epouse de Francois Ier, Eleonore (soeur de Charles Quint), sauve la situation in extremis en facilitant des negotiations aboutissant ä un traite de paix. Charles Quint renonce done ä ses pretentions sur la Bourgogne, mais la rivalite avec les Habsbourg n'est toujours pas eteinte ! Le regne d'Henri II; 1547-1559_ Henri II poursuit les vues gouvernementale, militaire et artistique de son predecesseur, sur fond de Renaissance francaise et de guerres contre les Habsbourg. C'est sous son regne que debutent les premiers heurts entre catholiques et protestants qui vont conduire ä la guerre civile sous ses successeurs. Henri II (1519-1559) : un roi qui n'était pas appelé ä régner La ressemblance est frappante avec son pere Frangois Ier: prestance, barbe et nez droit, méme allure sportive de chasseur, le charisme en moins. En effet, contrairement ä son pere, ce roi introverti, voire un peu buté, n'a pas ľaisance et le sens du contact de son prédécesseur. En revanche, le souvenir des deux femmes de sa vie miroite au firmament de ľhistoire : la favorite, la lumineuse Diane de Poitiers, associée ä la déesse grecque de la chasse, et ľépouse, Catherine de Media's, longtemps soumise avant de se reveler comme une femme politique avisée auprěs de ses trois fils rois. Garde en otage en Espagne dans sa petite enfance, Henri II est reste marqué par un léger bégaiement lié au changement de langue et sans doute au choc psychologique. Élevé en cadet, il doit soudainement assumer un rôle de premier plan ä ľadolescence, quand la mort de son frěre aíné le fait roi. Renongant ä se différencier de son pere, Henri II préfěre jouer la continuité sans rupture. II meurt blessé ä la tete lors d'un tournoi de chevalerie. Les Francais au XVP siede Chapitre 3 ■ 1547-1549. Un rěgne sous le signe de 1'intolérance Ä des fins politiques plus que religieuses, Henri II prend position contre le protestantisme en créant les chambres de justice chargées de juger les hérétiques, notamment les protestants. Ces proces, oú la torture joue un role central, conduisent aux repentirs forces et aux bůchers ; ces chambres sont alors appelées « chambres ardentes » ! Elles seront supprimées en 1549, face ä l'opposition qu'elles soulěvent. Pendant que Ton torture, un médecin soigne et s'impose comme le premier grand Chirurgien de notre histoire : Ambroise Pare. Ambroise Pare (1509-1590) : un autodidacte en chirurgie Ambroise Pare est Le premier grand Chirurgien frangais. IL s'est impose par son esprit de recherche et sa competence exceptionneLLe forgée au contact des nombreuses guerres du siéde. Barbier en debut de carriére, Chirurgien autodidacte, iL ne connait ni Le Latin, ni Le grec, pourtant aLors indispensabLes ä ce metier. MaLgré ces handicaps, iL devient médecin des rois de France. IL invente La cauterisation des pLaies (jusque-Lä ébouiLLantées !) et Le garrot. IL ne parvient pas ä sauver Henri II, gravement atteint ä La tete Lors d'un tournoi. IL consacre La fin de sa vie ä écrire pour La postérité et rédige ses traités de médecine en frangais, La seuLe Langue qu'iL connaisse. ■ 1552-1559. Charles Quint accuse la fatigue Dans la continuite des vues politiques de son pere, Henri II repart avec succes en guerre contre Charles Quint, l'eternel rival. Mais quatre ans plus tard, les troupes de ce dernier attaquent la France au Nord tandis que les Frangais, commandes par le due de Guise, s'emparent de Calais. Charles Quint, alors use et malade, accepte de signer la paix de Cateau-Cambresis en 1559. La France garde les prestigieux eveches de Metz, Toul et Verdun, qui lui permettent de surveiller les terres d'Empire. Partie in Le XVIe siede (1498-1610) : un beau siede ? Le regne de Francois II: 1559-1560 Ce regne, d'une brievete exceptionnelle, n'a laisse que peu de traces dans l'histoire de France. ■ Marie Stuart, reine de France aux cötes de Francois II La tuberculose empörte le jeune roi tres rapidement. L'imagerie popu-laire a oublie ce roi discret, eclipse par la personnalite de sa mere et celle de sa jeune epouse, Marie Stuart, heritiere de l'Ecosse et reine de France durant un an seulement. Devenue plus tard reine d'Ecosse, Marie Stuart gardera, dans la tourmente de ses erreurs politiques, un souvenir ebloui de la France oü eile a ete elevee. Son passage en Angleterre lui vaudra de perdre la tete par decapitation, en raison d'une rivalite avec sa cousine, la reine Elisabeth I d'Angleterre. Le regne de Charles IX : 1560-1574 Ce regne, sous l'influence de Catherine de Medicis, est obscurci par les guerres de religion avec la Saint-Barthelemy pour point d'orgue. Le reve italien est oublie, les conflits se deroulent sur le territoire francais. Charles IX (1550-1574) : un roi sous influence Le regne de Charles IX est relativement bref puisqu'il meurt a 24 ans, sans doute de la tuberculose mais peut-etre aussi a cause du traumatisme psycholo-gique lie aux massacres de la Saint-Barthelemy. Le pouvoir est exerce par Catherine de Media's qui exerce une influence importante sur son fils. Charles IX semble avoir donne I'ordre de tuer les chefs protestants lors de la Saint-Barthelemy, ordre dont il portera ensuite la responsabilite morale. ■1562. Le massacre de Wassy met fin á la tolerance religieuse La famille de Guise profite de l'affaiblissement du pouvoir royal pour s'imposer en rivale, hostile á la politique de conciliation envers les protestants. Ces derniers, depuis 1562, peuvent pratiquer leur culte Les Francais au XVP siede Chapitre 3 librement a l'exterieur des enceintes des villes. Toutefois, a Wassy (en Champagne), une grange ou prient des protestants est brulee. La date de ce « massacre de Wassy » apparait comme le debut des guerres de religion en France. Catherine de Medicis (1519-1589) : une reine responsable Catherine de Medicis est devenue reine par hasard, en epousant un fils cadet de Frangois Ier, le futur Henri II. Nul n'aurait songe ä eile, une roturiere, comme reine de France. Elle arrive au gouvernement par un double concours de circonstances : la mort brutale du frere aine de son epoux Henri, et le fatal accident de tournoi qui a eu raison d'Henri II. Descendante des Medicis (la grande famille de banquiers florentins devenus princes de Florence), Catherine est la niece du pape. Follement amoureuse du roi, celui-ci la dedaigne pour Diane de Poitiers mais lui fait de nombreux enfants ! Sa revanche personnels est atteinte quand elle peut guider, dans L'ombre, le regne successif de ses trois fils, meme si Henri III, le troisieme, lui resiste. Tres intelligente, Catherine de Medicis conduit des negociations tres subtiles. Une fausse image nous est restee d'elle, presentee comme sorciere malfaisante sous ^influence d'astrologues, tel Nostradamus, soumise aux puissances occultes et adepte des poisons. ■ 1564-1566. Un roi en Campagne Catherine de Medicis adopte le principe de nos campagnes électorales actuelles : un roi doit se montrer auprěs des Francais. Le fils ä promou-voir est Charles IX. Elle decide de voyager pendant deux ans dans toute la France pour presenter la famille royale au peuple. Pour conduire son projet ä bien, elle fait construire un immense carrosse oil s'entas-sent enfants royaux et cousins, dont le futur Henri IV. La plupart des courtisans suivent la grande caravane qui sillonne les routes de France, traversant parfois des regions dangereuses. Le roi et sa suite sont accueillis dans chaque ville par le ceremonial des entrees royales, ceremonie instaurée pour renforcer l'image du roi. La « joyeuse entrée » ou le roi magnifié La joyeuse entrée est une ceremonie emblématique, réservée généralement ä la premiere entrée du roi dans une ville, donnant lieu ä un ceremonial bien rodé. Cest aussi un avantage pour la ville car le roi confirme ä cette occasion ses privileges. Partie in Le XVIe siede (1498-1610) : un beau siede ? ■ 1572. La Saint-Barthélemy : noces sanglantes Ľété 1572 devait étre une date de reconciliation entre catholiques et protestants, ä ľoccasion du mariage de la sceur du roi, la reine Margot, avec son cousin Henri de Bourbon-Navarre, le futur Henri IV, un des chefs protestants. Néanmoins, aprěs la ceremonie du mariage, une erneute sanglante se produit ä Paris. Un attentat, perpétré contre ľamiral de Coligny, chef du parti protestant, fait montér la pression. Le 24 aout, nuit de la Saint-Barthélemy, ľémeute éclate, déchaínée, incontrôlable... La Seine, rouge de sang, charrie des cadavres. Les rěglements de compte entre catholiques et protestants sont sans pitié ! Les principaux chefs protestants meurent, mais le parti protestant en ressort renforcé. Henri de Navarre est sauvé in extremis par son statut ďépoux de la reine Margot. Les protestants se replient dans le Sud pour s'organiser et, dans ľindignation, contestent la monarchie sous cette forme tyran-nique, bien qu'ils étaient jusque-lä trés soumis au roi. Arme ä ľessai ! Ľamiral de Coligny est touché de maniere moderne par une arme ä feu, encore peu performante : il est blessé légěrement et crie partout qu'on a voulu l'assassiner! Un autre assassin achěve le travail un peu plus tard ä l'arme blanche. Est-ce un attentat commandite par Catherine de Médicis, favorable ä une entente avec l'Espagne, soutenue par le due de Guise ? Les avis sont partagés, mais le résultat est lá : cet assassinat et ľémeute qui s'ensuit entraí-nent la mort ďenviron 3000 protestants dans toute la France jusqu'en octobre. Le régne de Charles IX est marqué au fer rouge de la Saint-Barthélemy... Le rěgne ďHenri III; 1574-1589 Le régne ďHenri III est particuliérement difficile, s'étalant sur une perióde de déchaínement des passions religieuses. Henri III (1551-1589) : un régne au cceur de la violence Henri III est le troisiéme fils d'Henri II, le plus rebelle aux conseils de sa mere, Catherine de Médicis. Afin de doter ce fils préféré d'une existence politique, celle-ci le fait élire roi de Pologne en 1573. Lorsqu'il apprend, un an plus tard, le décés de son frére, il fuit son royaume polonais de maniere rocambolesque, préférant devenir roi de France. Trés cultivé, ce roi est percu de maniere Les Francais au XVP siěcle Chapitre 3 controversee par Les biographies. Certains Le jugent leger, entoure de ses « mignons », un peu ridicule par sa tendance effeminee. D'autres I'estiment au contraire bon politique, capable de contenir les troubles graves des guerres de religion dans un contexte d'une tres grande complexite. Les epreuves sont en effet nombreuses pour lui. La guerre civile est dominee par trois partis politi-ques. Cette guerre est appelee « la guerre des Trois Henri » (Henri III, Henri de Guise et Henri de Navarre), situation exceptionnelle ou les catholiques eux-memes sont divises : sous I'egide d'Henri de Guise, la Ligue catholique s'oppose au parti catholique du roi, appele « les Politiques », au point de lui faire courir le risque d'etre renverse. ■ 1574-1576. Les blocs antagonistes Les protestants forment une solide unite tandis que les catholiques se regroupent dans la Sainte Ligue d'Henri de Guise, dit « le balafre ». Les deux camps se structurent et le roi tente de jouer les arbitres en regrou-pant les catholiques soucieux de s'elever au-dessus des partis. Son dernier frere et son heritier potentiel, le due d'Alencon, s'en mele et complote contre lui. Rien n'est simple pour Henri III ! La Ligue : un parti catholique contre le roi La Ligue est une tentative frangaise de regroupement des catholiques contre les protestants, sous I'influence de I'Espagne. Fondee en 1576 sur des bases reli-gieuses par Henri de Guise, elle devient vite un mouvement politique puissant apte a mettre en peril I'autorite d'Henri III. ■ 1584. Une branche casse... Le frěre du roi, son unique héritier, le due d'Alencon, meurt en juin 1584. Se pose alors le grave probléme de la succession d'Henri III, sans enfant, dernier representant de la branche des Valois-Angouléme. Le nouveau prétendant n'est politiquement pas trés correct puisque e'est son cousin le plus proche et, au grand dam des catholiques, le chef des protestants : Henri de Bourbon-Navarre (futur Henri IV) ! La situation semble inextricable puisqu'elle attise la haine anti-protestante et améne I'Espagne á soutenir financiérement les catholiques ligueurs. Partie in Le XVIe siěcle (1498-1610) : un beau siěcle ? ■ 1588-1589. Assassinats au sommet de I'Etat Quatre annees de troubles amenent le peuple de Paris a se soulever contre le roi, un beau mois de mai 1588. La journee des Barricades, le 12 mai 1588, est significative puisque le peuple de Paris s'allie aux ligueurs contre le roi et couvre le Quartier latin de barricades ! Sauve de justesse, constamment en danger, le roi reagit, six mois plus tard, en faisant assassiner le due de Guise et son frere lors dune rencontre a Blois, esperant ainsi sauver sa couronne. Les passions se dechainent alors et Henri III, pourtant roi catholique, doit s'allier avec son cousin, chef du parti protestant, Henri de Bourbon-Navarre. La royaute est reellement en danger puisqu'un moine ligueur, Jacques Clement, poignarde Henri III en aout 1589. Sans enfant, Henri III a pour heritier le plus proche Henri de Bourbon-Navarre. A l'agonie, le roi a la presence d'esprit de preparer administrativement, dans les regies, la succession d'Henri IV. II prouve la, dans ses derniers instants, son grand sens de sa fonction. Henri IV va cependant devoir se battre pour conquerir son royaume. Le regne d'Henri IV ; 1589-1610 Sous Henri IV, les tensions vont s'apaiser progressivement car ce roi est ouvert et bienveillant. II va retablir la paix apres les troubles sanglants et passionnes des guerres de religion. Cette nouvelle situation va entrainer une reprise economique, apres quarante ans de guerres civiles. Henri IV (1553-1610) : souplesse et bienveillance en temps de guerre Henri IV, fils d'Antoine de Bourbon et de Jeanne d'Albret, reine de Navarre, effectue avec douceur La transition entre deux branches de Capétiens (Valois et Bourbons) par sa personnalité á La fois déterminée et bienveiLLante. Cet équiLibre est nécessaire pour dinger un pays au fort passif de haine et ďinté-réts fLoués. Aprěs une petite enfance en Navarre, iL est éLevé avec ses cousins, Les enfants de Catherine de Media's. En tant qu'epoux de La fiLLe de Catherine de Media's, La reine Margot, iL est sauvé in extremis pendant La Saint-Barthé-Lemy et rempLace, á La téte du parti protestant, L'amiraL de CoLigny assassiné. En 1589, iL hérite du royaume de France, étant Le descendant máLe de La branche La pLus proche : Les Bourbons. Henri IV va aLors devoir s'imposer dans une France divisée par Les guerres de religion, et va réussir cette táche, grace Les Frangais au XVP siěcle Chapitre 3 á La fois á sa personnalité conciliatrice et á sa conversion au catholicisme. Avec son ministře SuLLy, iL offre á La France une décennie de paix au debut du XVIP siěcLe. Cette beLLe transition Le pLace en exceLLente position au paLmarěs des rois de France : c'est Le « Le bon roi Henri » ! Rattachement d'Henri IV ä la famílie des Capétiens Capétiens r i r Capétiens Directs Valois Angouléme Bourbon (fin 1328) (fin 1498) (fin 1589) ler roi: Henri IV (debut 1589) ■ 1592-1594. Paris reconquis Henri IV debute son régne dans la confusion. II lui faut tout prouver, tout reconquérir, merne Paris. Les protestants acceptent mal sa conversion solennelle au catholicisme, le 25 juillet 1593 ä Saint-Denis, voyant la une trahison envers leur cause. Conversions á repetition ! C'est pendant sa conversion qu'Henri IV aurait prononcé La phrase Légendaire « Paris vaut bien une messe ! » Habitué de La conversion, iL a dQ changer pLusieurs fois de religion par Le passé. En effet, son pere Antoine de Bourbon était catholique, sa mere, Jeanne de Navarre, protestante. Or, ses parents divorces L'amenaient á se convertir Lors de Leur garde respective ! Á La Saint-Barthélemy, iL avait égaLement dQ se convertir au catholicisme pour assurer sa survie ! Etape supplementaire vers la legitimite royale, il se fait vite sacrer roi a Chartres, Reims etant aux mains des ligueurs. Une fois sacre, Paris lui ouvre ses portes le 22 mars 1594. II s'appuie ensuite sur le parti « des politiques », favorable au roi de France, et recupere progressivement tout le pays par tous les moyens : armes, negotiations, achats de partisans, etc. Partie in Le XVIe siede (1498-1610) : un beau siede ? ■ 1598. L'edit de Nantes en catimini Un edit de tolerance extrémement moderne est promulgué par Henri IV, l'ancien protestant devenu catholique. Cet edit de tolerance instaure la paix entre les deux religions rivales. Un royaume ä deux religions omcielles, c'est du jamais vu ! Les protestants y gagnent l'entiere liberie de conscience, 1'égalité dans l'exercice des charges publiques et des places fortes de protection en cas de nouveaux conflits. En revanche, le culte protestant est limite aux églises existantes, il ne peut plus étre propagé (1'intégration des protestants dans la communauté nationale ne sera definitive qu'en 1787, quand Louis XVI leur accordera la liberté de culte). La méme année, la paix avec 1'Espagne (traité de Vervins) éclipse 1'édit de Nantes. L'action de communication au sujet de cet edit est en effet discrete. Par prudence, Henri IV se doit de canaliser les catholiques vers une paix par voie legislative. Autopsie d'un edit negocie L'edit de Nantes est difficile a dater de maniere precise, car il s'agit en fait de quatre textes, dont un principal en 92 articles, qui date du mois d'avril 1598. L'edit proprement dit est scelle de cire verte comme tous les actes importants de la monarchie frangaise. Au mois de juillet, l'edit n'est toujours pas connu du clerge frangais, tant la discretion est grande a son sujet ! C'est seulement en Janvier 1599 qu'il est soumis a enregistrement au parlement. Le roi doit argu-menter lui-meme pour en obtenir I'enregistrement. Ce dernier est done obtenu en fevrier 1599 grace a sa force de conviction. Voila bien le style d'Henri IV : convaincre et ne jamais imposer! ■ 1600. Fonder une dynastie absolument Henri IV divorce de la reine Margot, rille d'Henri II et de Catherine de Médicis. Désormais soucieux de fonder une dynastie, il épouse une cousině lointaine de Catherine de Médicis : Marie de Médicis, avec qui il aura quatre enfants, dont deux fils, le futur Louis XIII et son frěre, le futur rebelle Gaston d'Orléans. Les Francais au XVP siede Chapitre 3 ■ 1604. La Paulette : perte du contróle des officiers royaux Parmi les nombreuses initiatives prises par le roi et son ministře Sully pour redresser 1'économie, la creation de « la Paulette » semble alors étre une bonne solution á court terme, mais périlleuse á long terme avec un regard de recul. ■ Paulet invente « La Paulette » Ce droit annuel prend le nom de « Paulette » en raison du nom du financier qui I'a congu : « Paulet ». II s'agit de vendre á la bourgeoisie des emplois stratégiques lies á la justice et á la perception ďimpóts (les « charges »). La vente de ces offices est trěs rémunératrice pour la royauté, les charges n'etant pas héréditaires. Depuis longtemps, leurs détenteurs veulent obtenir un retour sur investissement: ils souhaitent transmettre leurs charges d'officiers á leurs descendants. Pour obtenir cette permission, Sully leur autorise, contre un droit annuel important (un soixantiěme du prix de leur charge), de transmettre leurs offices en heritage. Mais cette initiative va se reveler une lourde erreur de perspective, car la monarchie va devoir supporter le poids dun corps d'officiers indépendants sur lesquels la mainmise ne sera plus possible comme auparavant. Ce poids se fera sentir fortement au XVIIP siěcle. Une économie revigorée Pendant douze ans, Henri IV rétablit la prosperitě de la France, protestants et catholiques travaillant cóte á cóte. Une fois les passions apaisées, il s'attelle á promouvoir la prosperitě interrompue par les guerres civiles, trěs dévastatrices dans les campagnes envahies de mercenaires. De plus, la conjoncture n'est pas favorable, méme si le pays est potentiellement plein de ressources. En effet, un refroidissement de la pláněte géněre, depuis 1580, de mauvaises récoltes. L'etat general du pays est encore aggravé par des foyers récurrents de peste, epidemie difficile á éradiquer. Or, malgré ces conditions difficiles, Henri IV et son équipe, volontairement restreinte á moins de dix conseillers, relěvent 1'économie par des initiatives de bon sens, en s'appuyant sur la richesse du pays, population et ressources naturelles, et en protégeant les entrepreneurs. En dix ans, son principal ministře, Sully, I'auteur de la phrase célěbre « labourage et páturage sont les deux mamelles de la France », recueille le fruit de ses efforts : le budget est excédentaire, une grande premiere ! Partie in Le XVIe siede (1498-1610) : un beau siede ? ■ 1610. Un couronnement et un assassinat Henri IV projette de partir en guerre contre les Habsbourg, mais le couteau de Ravaillac brise brutalement la vie du roi. La veille, sa femme Marie de Medicis, mere de ses quatre enfants, a ete couronnee in extremis reine de France pour assurer l'interim en toute legitimite. Ravaillac, un jeune illumine de 28 ans, poignarde Henri IV dans son carrosse pris dans les encombrements de Paris, rue de la Ferronnerie. Rien n'est prepare et la succession est difficile, car l'equipe competente est ecartee au profit des interets les plus mesquins de l'entourage de la reine Marie de Medicis. Henri IV restera un bon roi dans les consciences MaLgre Les tourments des debuts, Le regne d'Henri IV Laisse un souvenir durabLe dans La conscience nationaLe. Au XVIIP siede, s'impose ainsi L'image du « bon roi Henri IV », souvent invoquee sous Les regnes pLus contestes, ceux de Louis XV et Louis XVI en particuLier. L'image positive d'Henri IV est encore vehicuLee par Le biais d'anecdotes. Ainsi, Le roi aurait souhaite que chaque paysan mange de La pouLe au pot Le dimanche, ä une epoque ou ceux-ci se nourrissent quasi excLusivement d'un pain grossier et de queLques Legumes, voire, ce qu'on appeLLe aLors avec mepris, de racines (tout Legume impur car poussant sous terre, done pres de « L'enfer », comme Les navets, Les carottes, etc.). Les Francais au XVP siede Chapitre 3 Vision exterieure : le monde est rond, c'est prouve ! Le XVIe siecle europeen s'ouvre au monde... L'Europe realise enfin que l'Amerique existe et donne son nom definitif ä ce nouveau continent. Les conquistadors espagnols decouvrent et conquierent progressive-ment le continent americain. L'horizon s'elargit pour la premiere fois ä la planete entiere. ■ Un trio de titans Vus de l'Europe, ces horizons ne s'ouvrent que progressivement au cours du siecle. Au debut, la France est le pays dont l'unite territoriale est la plus coherente : eile forme un veritable debut de nation. Si la puissance de l'empire de Charles Quint apparait vite considerable dans sa diversite, elle est instable dans Taction gouvernementale en raison de l'eparpillement extreme de ses territoires. Roi d'Espagne et empe-reur germanique, Charles Quint cumule les possessions espagnoles, allemandes, italiennes, flamandes et americaines. Toutefois, un empire aussi disparate ne peut se maintenir sans combats incessants contre toutes les forces en presence : la France, les Turcs qui l'attaquent aux frontieres, les protestants qui fomentent des troubles... La premiere moitie du siecle voit ainsi se heurter de front la volonte de puissance de ces deux blocs antagonistes aux interets complexes. L'Angleterre d'Ffenri VIII apparait comme la troisieme puissance de poids avec laquelle chacun des deux blocs cherche ä s'allier pour s'imposer face ä l'autre. C'est que Francois Ier et Charles Quint partagent tous deux un reve d'empire europeen, sur le modele de Charlemagne. Ce reve est vite brise, lorsque le roi de France perd contre Charles Quint l'election imperiale en 1519. Philippe II, le fils de Charles Quint, repre-sente plus tard un redoutable adversaire pour la France, infiltre partout pour defendre la cause catholique. II est aussi marie avec la reine d'Angleterre, Marie, fille d'Henri VIII. Celle-ci est une alliee qui combat les protestants d'Angleterre avec intransigeance. De son cote, Philippe II lutte violemment contre les Pays-Bas, devenus protestants, en guerre pour leur independance. Partie in Le XVIe siede (1498-1610) : un beau siede ? L'exception Charles Quint (1500-1558) La vie de Charles Quint est d'une complexité et d'une intensitě extremes, mélant toutes les chances et tous les obstacles. II est le plus incroyable des descendants de I'histoire, á la croisée d'heritages multiples ! En effet, par sa mere Jeanne la Folle, fille des rois catholiques, il hérite de I'Espagne et de ses possessions en Italie ; par son pere Philippe le Beau, il possěde les Flandres et des pretentions sur la Bourgogne (sa grand-měre était la fille de Charles le Téméraire, dernier due de Bourgogne), et par son grand-pěre, Maximilien Ier, il possěde I'Autriche. II est de surcroit élu empereur de I'Empire romain germanique ! Cest déjá un beau palmares pour un homme de 19 ans ! Mais son destin exceptionnel ne s'arrete pas lá. II va aussi étendre son emprise sur une partie de I'Amerique par le biais des conquistadors, son autre grand-měre étant la reine qui avait cru en Christophe Colomb ! II est á la téte d'une administration difficile de territoires dont les langues et les cultures s'opposent dans un éloignement géographique insoutenable, méme pour ce grand voyageur! II est soutenu par sa femme, Isabelle du Portugal, qui prend le relais pendant ses absences. Personnalité complexe, polyglotte, il parle surtout le frangais, sa langue maternelle, bien qu'il ait été éduqué en Flandres par un futur pape ! II apprend ensuite I'espagnol et ne parle que quelques mots d'allemand. Toujours atypique, il choisit, en 1556, de se retirer dans un monastěre pour méditer et preparer sa mort. Au bord de I'epuisement physique et moral aprěs cette vie tourmentée de difficultés, il confie une partie de ses pouvoirs á son fils Philippe II (Espagne, Pays-Bas, Amérique) et une autre partie á son frěre Ferdinand Ier (Empire germanique). Arbre généalogique de Charles Quint Grand-měre paternelle : Marie de Bourgogne Grand-pěre paternel: empereur Maximilien archiduc d 'Autriche Grand-měre maternelle: Isabelle de Castille Grand-pěre maternel: Ferdinand d'Aragon Pere : Philippe le Beau Par heritage : Autriche-Pays-Bas-Flandres Par election : Empire romain-germanique Mere : Jeanne la Folle Héritiěre de I 'Espagne - Par heritage: Espagne (Castille-Aragon) + Naples Charles Quint Les Francais au XVP siede Chapitre 3 ■ Un ennemi venu d'ailleurs : Soliman le Magnifique Au XVIe siecle, il faut aussi compter sur la puissance turque en Mediter-ranee, inquietante pour les frontieres de l'Empire. En effet, pendant que Charles Quint et Francois Ier s'affrontent, les Turcs menacent sous l'egide de Soliman II le Magnifique. Ce dernier fait de l'Empire ottoman une puissance redoutable, genant le commerce vers l'Orient. En lutte constante avec Charles Quint, Francois Ier se rapproche de lui par opportunisme. Cet appui n'est pas negligeable. En effet, l'armee turque est l'armee la plus importante d'Europe avec ses 300 000 hommes. Au debut du XVP siecle, les Turcs construisent un empire important. Musulmans contre Chretiens Soliman le Magnifique (1495-1566) veut faire de sa capitale, Istanbul (ancienne Byzance-Constantinople), la premiere des vi Lies du monde, un triomphe de l'Islam sur la Chretiente. A cette fin, iL y attire une population tres diversifiee, favorise L'activite economique et commandite les mosquees les plus splendides du monde musulman. Turcs, Grecs, Armeniens, Juifs et autres cohabitent sans heurts grace ä une autorite gouvernementale imposant ä tous le respect des personnes et des Lois. Les corporations assurent aux habitants la securite materielle, tandis que les communautes religieuses leur permettent de sauvegarder leur foi et leurs traditions. Cette ascension de l'Empire ottoman va durer un siecle. 1 Gallons et caravelles sur les routes man'times du Nouveau Monde Les hommes du XVP siecle ne se contentent pas de decouvrir l'Amerique en sillonnant les cotes avec force caravelles. Ces conquistadors l'explorent et l'exploitent en embarquant sur de lourds galions, aptes a transporter le plus de richesses possibles. A la recherche des cites d'or et de I'Eldorado Conquistadores signifie « conquerants » en castillan. Ces hommes, souventimpi-toyables, sont issus de la petite noblesse espagnole, celle qui ne trouve pas sa place socialement en Europe. lis esperent done faire fortune dans le Nouveau Monde, pays de tous les possibles. La rumeur court que des cites d'or ou un eldorado existeraient sur ce mysterieux continent, attisant les plus folles convoitises. Partie in Le XVIe siecle (1498-1610) : un beau siecle ? C'est durant ce siecle terrible, ou la violence barbare est exportee, que sont detruites les grandes civilisations d'Amerique du Sud : les Azteques et les Incas. Hernan Cortes soumet l'Empire azteque, tandis que Francisco Pizarro detruit sans scrupules 1'Empire inca. Les premices de la modernite Les hommes du XVP siecle vont de decouverte en decouverte dans les domaines les plus varies, jusque dans les etoiles, avec Copernic qui affirme encore timidement que non seulement la Terre est ronde mais qu'elle tourne autour du soleil ! Face a un monde qui bouge, ces hommes doivent s'adapter aux situations imprevues, remettre en cause leurs valeurs et en creer d'autres. En cela, le XVP siecle est unique et a tout d'une naissance de la modernite. XVIe : Les Frangais et Leur temps La Renaissance en clair-obscur L'Eglise cathoLique déchirée en deux Le protestantisme Le frangais conquiert ses Lettres de noblesse Partie in Le XVIe siěcle (1498-1610) : un beau siede ? La Renaissance en clair-obscur L'Homme de la Renaissance est un homme nouveau qui se construit par lui-méme, conscient de choisir en toute liberie ses references, en l'occurrence l'Antiquite. Son regard lucide rejette 1'époque precedente (le gothique) pour admirer les époques grecques et latines, apogee du génie humain. Influence et porte par l'humanisme, il vit une nouvelle naissance, d'ou le nom de « Renaissance », choisi par les acteurs de ce mouvement. L'humanisme : une revolution intellectuelle « On ne peut rien voir de plus admirable dans le monde que I'Homme. » Cette affirmation de I'ltalien Pic de la Mirandole, dernier génie universel avec Leonard de Vinci, resume bien la pensée des humanistes. L'humanisme brasse des apports varies, sorte de fruit éclatant surgi de la conjuncture ou s'imbriquent des personnalités dés (Erasme, Thomas More), des événements décisifs (apports de textes venus de la ville de Constantinople déchue ou preuve de la rotondité de la terre), et des reactions face aux compor-tements extremes (decadence des mceurs de 1'Église catholique). Né á la fin du XIVe siěcle en Italie, le courant s'enfle aux XVe et XVP siěcles et se diffuse par le biais ďun média exceptionnel: le livre imprimé. Le terme « humanisme » est forgé sur le mot « homme ». Ce choix révěle un changement de representation : I'Homme n'est plus écrasé par un Dieu tout-puissant, il est le Libre moteur de ses actes. Les humanistes sont profondément optimistes et pensent qu'en chaque étre de multiples horizons peuvent étre dégagés par le biais de la connaissance et de la reflexion personnels. lis choi-sissent de former leur reflexion au contact des textes essentiels, sans I'interme-diaire de traductions ou de commentaires, et rejettent ainsi la méthode traditionnelle scolastique. II s'agit d'aiguiser leur pensée critique aux sources les plus fiables, religieuses ou lai'ques. Pour cette raison, ils apprennent le latin, le grec et I'hebreu, langues des grands auteurs de l'Antiquite. Cest ainsi que s'instaurent les échanges entre les hommes et les idées en Europe par le biais d'une correspondance intense. Le Hollandais Érasme écrit á plus de 600 corres-pondants répartis dans I'Europe entiěre, veritable « République des lettres ». Les principaux humanistes sont I'ltalien Pétrarque (XIVe siěcle), I'Allemand Nicolas de Cues, Marsile Ficin et Pic de la Mirandole, les Frangais Lefěvre d'Etaples, Étienne Dolet et Guillaume Budé, le Hollandais Erasme et son ami anglais Thomas More. Dans la terminologie actuelle, est qualifiée d'humaniste toute personne soucieuse de défendre les valeurs et les droits de I'Homme. XVP : les Francais et leur temps Chapitre 4 La Renaissance fleurit ďabord en Itálie ou la reflexion humanisté se diffuse jusque dans les arts. Cest 1'époque éclatante du Quattrocento (XVe siěcle en italien - siěcle 1400 done quatre). L'ltalie est alors une terre morcelée entre cités-États, lieux de développement artistique, dont la ville phare au XVP siěcle n'est plus Florence mais Venise. Une seule ombre au tableau : les puissances européennes : la France et l'Espagne s'y affrontent constamment sous de multiples prétextes depuis 1494. La Renaissance italienne va se diffuser ainsi progressive-ment en Europe. Méme si la « seconde Renaissance », au XVP siěcle, est assombrie par l'influence dun contexte politique houleux, e'est son angle « lumiěre » qu'en a retenu l'histoire de la civilisation européenne. ■ Artiste Le mot artiste, dans Le sens noble du terme (artista), n'existe pas a la Renaissance. Ce vide lexical n'est pas anodin : les hommes de I'art sont avant tout des producteurs d'objets utiles et beaux, issus des metiers manuels. lis sont peintres, sculpteurs ou orfevres. L'artisanat n'est jamais loin et les createurs de cette epoque en sont generale-ment issus. Ces artisans se transforment progressivement en « artistes » par I'estime admirative de leurs contemporains. Desormais, ils osent, a I'image des ecrivains, signer leurs ceuvres, comme Michel-Ange sur la Pieta. Pour eux, le travail artistique n'est plus strictement manuel, e'est le fruit d'une veritable reflexion inteLLectuelle a valoriser. ■ Florence perd son Statut de capitale C'est de la Florence des Medicis qu'a jailli la « premiere Renaissance » : cette ville est la capitale intellectuelle de l'ltalie au XVe siecle. C'est de cette cite toscane qu'a rayonne la Renaissance du Quattrocento et sa perfection plastique, meme si les autres cites italiennes se battaient pour lui ravir ce titre et rivalisaient pour s'imposer politiquement. Nouvelle donne en 1494 : les Francais envahissent l'ltalie avec le roi Charles VIII. Ä partir de cette date, la mosai'que des Etats italiens devient un veritable champ de bataille contre les Habsbourg. Les Media's : une famille de marchands mecenes Cette famille florentine de grands marchands a favorise le bouillonnement de I'art. Les grands Media's sont: Cosme, son fils Pierre le Goutteux et son petit-fils, Laurent le Magnifique. Tous trois ont dirige politiquement Florence et, par amour des arts et des lettres, ont soutenu les plus grands artistes de leur temps tels le sculpteur Donatello ou le peintre Botticelli. Le röle des mecenes est essentiel ä une epoque ou les artistes ne peuvent vivre de leur talent faute d'acquereurs suffisamment nombreux. © 99 Partie in Le XVIe siede (1498-1610) : un beau siede ? Les portes de l'Italie ne s'ouvrent pas seulement aux échanges belliqueux : elles permettent aussi de découvrir les idées et les ceuvres ďart. Des artistes comme Leonard de Vinci ou Bramante expatrient leur savoir. La créativité artistique se déplace alors hors des frontiěres, au gré des opportunités et des rencontres. La France en est une des premieres bénéficiaires. ■ Les phares de la nouvelle Renaissance Venise canalise les nouvelles tendances Au debut du XVIe siěcle, 1'activité culturelle quitte Florence pour Venise, cité oú convergent les influences des érudits byzantins fuyant les Turcs. Venise est encore la principále ville commerciale vers le Moyen-Orient. L'humanisme y rayonne par le biais de son Academie, fondée par l'imprimeur Aide Manuce. L'ecole de peinture vénitienne se démarque par un style different, fait de splendeur charnelle et de couleurs. Ses fleurons sont Bellini, le Tintoret, Veronese et le Titien. Ce dernier rěgne en maitre sur cette école, devenant méme portraitiste officiel de Charles Quint et de son fils Philippe II. Venise est un lieu incontournable pour les peintres étrangers en formation. Le voyage forme les grands peintres Ä une époque oú n'existent ni representations papier des ceuvres ni musées, Les artistes doivent partir ä L'aventure sur Les routes, rechercher eux-mémes Les Lieux oú sont exposées Les ceuvres. Les influences artistiques sont done étroitement Liées aux voyages entrepris et aux artistes rencontres. Ainsi, Le grand peintre aLLemand ALbrecht Dürer fait deux voyages ä Venise pour étudier La perspective. En chemin, iL aurait rencontre Leonard de Vinci dont iL a subi L'infLuence ! Les papes font dans le grandiose Ä Rome, les papes « bätisseurs », trěs tournés vers les beautés artistiques terrestres, exercent également un important mécénat. Trois papes ont des envies profanes, trěs éloignées des preoccupations religieuses : Alexandre VI, Jules II et Leon X. lis ont laissé une double empreinte d'ombre et de lumiěre. En effet, par leur désir de prestige, ils ont profondément desservi l'Eglise catholique, alimentant ainsi la critique protestante. Mais par leurs goůts artistiques conerětement soutenus par l'argent des indulgences, ils ont su commanditer les ceuvres les plus remarquables de leur temps comme la construction de la basilique Saint-Pierre de Rome. L'influence des découvertes architecturales italiennes se ressent dans nos chateaux de la Loire bätis ä cette époque. XVP : les Francais et leur temps Chapitre 4 Peindre ä sa maniěre Le style de la periodě suivante (vers 1530) est souvent qualifié de « maniériste », transition entre le style Renaissance classique precedent et le style Baroque du siěcle suivant. Des maitres régionaux prennent en effet la liberie de peindre « ä leur maniěre ». Ces artistes, formés au style de Raphael, ont amorcé un genre nouveau, plus inquiet, révélateur des preoccupations du temps (sac de Rome par les soldats de Charles Quint, propagation de la peste et impact de la Reforme). Par son extréme sensibilitě et ses exagérations, ce courant artistique se démarque de 1'optimisme de la premiere Renaissance italienne des Médicis, introduisant ainsi une nouvelle tendance en Europe. ■ La France aux couleurs de la Renaissance Sous Francois Ier et son his Henri II, la Renaissance italienne rayonne en France. En outre, aprěs le pillage de Rome en 1527, les artistes fuient ä 1'étranger, notamment en France. La monarchie francaise prend de l'assise en cette premiere moitié de siěcle. Les rois augmen-tent la pression fiscale et font des dépenses de prestige : renovations, constructions... Au contact des Italiens, ces deux rois bätisseurs embellissent le Louvre, devenu une veritable synthěse de tradition francaise et d'influences italiennes. Mais la residence préférée de Francois Ier reste Fontainebleau, dont il fait une demeure royale. Les artistes italiens qui s'y installent donnent naissance ä l'Ecole de Fontainebleau, courant francais de la Renaissance artistique. Dans l'idee de promouvoir l'image de la monarchie, Francois Ier et son fils měnent tous deux une politique d'urbanisme de prestige comme la creation, ä Paris, de boulevards aptes ä recevoir les corteges royaux. lis sont imités par les nobles qui transforment leurs chateaux gothiques en bätiments Renaissance. Francois Ier: un collectionneur d'ceuvres d'art La politique artistique de Francois Ier est une réussite éclatante. Ce roi est d'abord un collectionneur forcené d'ceuvres d'art! Les fonds de nos musées lui doivent beaucoup. Par 1'intermédiaire de démarcheurs, il achěte démesurément en Itálie et invite ä la cour des artistes italiens qui réalisent leurs ceuvres sur place. Aprěs Leonard de Vinci, de nombreux artistes prestigieux se pressent en France : Andrea del Sarto, le Titien, le Rosso, le Primatice... Le Rosso dirige ainsi la decoration Partie in Le XVIe siede (1498-1610) : un beau siede ? de la galerie, dite Francois Ier, au chateau de Fontainebleau oil les references a l'Antiquite rejoignent les themes religieux avec pour objectif la glorification du roi de France. Avec la Joconde pour bagage Invite en France par Frangois Ier, Leonard de Vinci passe Les ALpes avec ses principaLes ceuvres : la Joconde, la Vierge, ['enfant Jesus et Sainte Anne, Le Saint Jean-Baptiste... Mais Frangois Ier a des goüts varies. L'influence italienne ne lui suffit pas. II porte son regard au Nord et invite des artistes flamands comme Jean et Frangois Clouet. Ce dernier peint son portrait en buste, le premier portrait de roi souriant ! Le roi anime ainsi une cour brillante, facilitant la transition entre les styles Gothique et Renaissance. Le chateau de Chambord symbolise bien la nouvelle tendance architectu-rale, melange de structures medievales faites de grosses tours et de lignes antiques dans la tradition de la Renaissance. Henri II: un roi de marbre Henri II poursuit les travaux entrepris par son pere, dont la renovation du Louvre. Les artistes frangais, comme le sculpteur Jean Goujon ou l'architecte Philibert Delorme, adaptent l'architecture au goüt et au climat frangais. Cet architecte exerce meme la fonction de surinten-dant des bätiments en charge de realisations de prestige, comme les chateaux d'Anet ou de Chenonceaux. Cette frenesie royale pour la pierre se repercute dans les couches sociales les plus fortunees : la bourgeoisie et la noblesse s'imposent comme bätisseuses d'hotels de ville, d'hotels particuliers ou de nombreux chateaux. Un chateau porte-malheur Le roi Henri II s'instaLLe au chateau des TourneLLes pendant Les travaux du Louvre. Apres sa mort, traumatisee par son accident, Catherine de Media's fait raser Le chateau. C'est a cet endroit que sera construite La pLace des Vosges. L'art délaissé au profit du politique Pendant la seconde moitié du siěcle, tout s'assombrit au contact des guerres de religion, méme si Philibert Delorme construit les Tuileries XVP : les Francais et leur temps Chapitre 4 pour Catherine de Medicis. Les preoccupations des rois de France s'eloignent du mecenat, se centrant plutöt sur le maintien de l'ordre social. Les guerres de religion et la fin de la tolerance religieuse mettront un terme ä la lune de miel entre les rois de France et les artistes. Un penseur autonome se dresse seul durant cette fin de siecle tourmentee en s'inscrivant dans la tradition humaniste par son autonomic critique : c'est Michel de Montaigne, l'auteur des celebres Essais. La musique adoucit les mceurs Du point de vue musical, la Renaissance francaise n'est pas influencee par l'ltalie. Les musiciens importants sont francais ou viennent des Pays-Bas. Les hommes de la Renaissance se plaisent ä ecouter un nouveau genre musical, le madrigal: prolongement de la chanson de troubadour, c'est un poeme lyrique en vers mis en musique. Le madrigal connait un succes considerable au XVP siecle. Les instruments de la nouveaute La flute et le luth sont les instruments les plus courants avec l'ancetre du violon, la viole, et le precurseur du piano, le virginal. De nombreux instruments sont crees ä cette epoque pour repondre ä une musique de plus en plus complexe. La Renaissance fait école L'art de la Renaissance, qui se voulait pourtant I'humble reproducteur des splendeurs de I'Antiquite, est devenu la reference en matiěre artistique. Ainsi, au XIXe siěcle, les artistes les plus respectés seront les peintres académiques puisant leur inspiration dans cette periodě. Les impressionnistes et leurs successeurs imposeront une rupture avec cette tradition picturale, ouvrant la voie á l'art modeme. Toutefois, les qualités plastiques et techniques des ceuvres de cette époque font encore le succěs des galeries des musées qui leur sont consacrées. La Joconde de Leonard de Vinci est sans doute le tableau le plus célěbre au monde, faisant méme I'objet de multiples theories visant á dévoiler les mystěres caches du sourire de Mona Lisa. Partie in Le XVIe siede (1498-1610) : un beau siede ? L'Eglise catholique déchirée en deux : le protestantisme La pensée humanisté a insufflé un mouvement de reflexion critique qui prend de nouvelles dimensions en ce debut de XVIe siěcle. En effet, au contact des textes fondateurs de la connaissance, les intellectuels manifestent de plus en plus leur autonomie de reflexion á la suite ďÉrasme de Rotterdam, le « prince des humanistes ». Érasme (1468-1536): I'autonomie critique incarnée Érasme de Rotterdam est considers comme Le chef de file du mouvement humanisté, Le personnage Le pLus représentatif de cette nouveLLe fagon de voir et de vivre Le monde en pLeine autonomie inteLLectueLLe. D'apparence physique maLa-dive (pLusieurs portaits du peintre HoLbein en témoignent), iL a exercé un róLe considerable pour mobiLiser L'eLite inteLLectueLLe de L'Europe autour de La réfLexion critique. En effet, retournant aux sources des textes chrétiens et paiens, iL va dépLoyer une indépendance ďesprit exceptionneLLe dans une époque troubLée. Ses ceuvres principaLes sont une nouveLLe traduction de La Bible, et 1'Éloge de la folie est une vioLente critique de La decadence de L'EgLise. Sa méthodoLogie infLuencera Martin Luther. Cest en reference á ce personnage qu'existent de nos jours des échanges européens ďétudiants appeLés Erasmus. Grace a la multiplicite des textes, ils peuvent maintenant remonter aux sources et verifier la qualite des discours tenus par les elites religieuses. De surcroit, depuis la chute de Constantinople, les intellectuels euro-peens decouvrent de nouveaux textes de l'Antiquite diffuses par les savants refugies. Plonges dans un bouillonnement de connaissances, les plus critiques osent desormais pointer du doigt les derapages de l'Eglise catholique (vente de sacrements ou d'indulgences accordees contre toute forme de peche). ■ Simonie et indulgences On appelle simonie La vente des sacrements, jusqu'alors gratuits. Au meme moment, d'autres abus se repandent comme La vente des indulgences. IL s'agit d'effacer ses fautes par un don d'argent proportionnel ä La gravite de ceLLes-ci. Un document papier est alors delivre, I'indulgence, au pecheur repentant. Ce contrat garantit La mansuetude de Dieu. XVP : les Frangais et leur temps Chapitre 4 Le seuil est franchi lorsque, soucieux de construire la basilique Saint-Pierre de Rome, le pape Leon X propose une sortě de grande campagne mercantile ďindulgences pour récolter des fonds au nom de l'Eglise. ■ Martin Luther fait table rase Forgé á la méthodologie humanisté, un moine allemand, Martin Luther, demande avec fermeté á 1'Église catholique de se reformer. II ouvre alors la boite de Pandore conduisant au schisme protestant. Martin Luther et la vulgarisation des textes Sa doctrine est entiěrement fondée sur La Bible, accessible á touš depuis la découverte de 1'imprimerie. Seule la parole de Dieu est, selon lui, digne de respect. Les traditions, les interpretations des papes et des conciles n'ont pas une valeur supérieure á 1'interprétation sincere ďun simple fiděle. II traduit done, avec une rigueur implacable, la Bible en allemand á partir du texte latin le plus precis, celui d'Erasme. Cest la premiere fois qu'un texte de cette importance est propose en langue vulgaire, done accessible á tous. Lors de cette traduction, Luther se voit contraint ďunifier les dialectes allemands et fonde ainsi 1'allemand littéraire modeme. La erise, á 1'origine du mouvement protestant, survient en 1517, lorsque Martin Luther publie ses 95 theses contre le procédé scanda-leux des indulgences, ouvrage qui traduit son indignation contre le « mal croire » de 1'Église catholique. La papauté réagit aussitót á cette attaque frontale, dangereuse pour son équilibre politique. Soutenu par 1'empereur Charles Quint, le pape excommunie Luther deux ans plus tard. Mis au ban de la société civile et religieuse, Luther est contraint de fonder son Église de la « reformation ». Aprěs de violentes guerres civiles entre princes catholiques et protestants, le compromis d'Augsbourg, en 1555, reconnait la liberté de culte aux princes allemands : libře á eux ďimposer la religion de leur choix á leurs sujets. L'Empire est désormais coupé en deux. Le protestantisme se répand dans toute l'Europe comme une lame de fond. Seule 1'Italie, 1'Espagne et le Portugal réussissent á marginaliser le phénoměne et á organiser la resistance au nom de la foi catholique. La voix de Luther nous est accessible grace a I'historien du XIXe siecle Jules Michelet qui a compile lettres et textes de lui dans un Livre intitule Memoires de Luther. Partie in Le XVIe siede (1498-1610) : un beau siede ? Martin Luther (1483-1546) : bras de fer contre le pape et I'empereur Philosophe touché par La grace Lors ďun orage, Martin Luther decide de devenir moine en 1505. Angoissé par son propre saLut, il voit L'homme comme un pécheur dependant de La miséricorde divine et de La ferveur religieuse de chaque individu : c'est La doctrine de La justification par La foi. Luther s'oppose á toute idée de bonnes ceuvres saLvatrices et en particuLier aux dons d'argent envers I'Eglise sous La forme de regus : Les indulgences. Soumis aux foudres de L'empereur Charles Quint, il est protege par I'electeur (prince participant á 1'élection des empereurs) Frederic de Saxe, qui le fait enlever pour Le sauver du bucher! Son disciple, Philippe Mélanchthon, met en forme sa doctrine. Les protestants se multiplient dans toutes les couches de La societě. En moins de dix ans, La reformě protestante est définitivement en place. ■ Liens étroits entre humanistes et protestants La diffusion rapide du protestantisme suit le sillon creusé par l'huma-nisme. En effet, les intellectuels imprégnés dune méthodologie rigou-reuse sont assez murs pour accepter une nouvelle interpretation de leur religion. En France, l'attirance de la sceur de Francois Ier, la remarquable Marguerite de Valois, pour la religion réformée est l'illustration de ce nouvel engouement. Tradition familiale oblige, sa fille, Jeanne de Navarre, la mere d'Henri IV, sera quant ä eile une protestante militante. ■ Les guerres de religion embrasent 1'Europe Les guerres de religion sont constantes durant ce siěcle et vont crescendo, de la simple erneute ä la guerre organisée. La France est tout d'abord un terrain indécis en raison de l'attitude mitigée de Francois Ier qui s'allie souvent, en bon Stratege politique, avec les princes protestants de l'Empire. Ces nouvelles idées s'infiltrent dans toutes les couches de la societě francaise et alimentent progressive-ment 1'intolérance. Méme si une voix comme celle du ministře Michel de l'Hospital contient un temps la fureur des partis, les rivalries entre catholiques et protestants deviennent, děs 1562, de moins en moins contrölables. XVP : les Francais et leur temps Chapitre 4 Huguenots, réformés, calvinistes ou protestants ? Les quatre termes peuvent étre employes mais renvoient á des réalités sensible-ment différentes. Les protestants frangais sont appelés « huguenots », terme sans doute lié á la premiere manifestation protestante ayant eu lieu á Chartres, sous la porte Saint-Hugues. La plupart des huguenots sont des calvinistes, des disciples du Frangais Jean Calvin (1509-1564). Celui-ci crée un nouveau courant réformateur en définissant le principe de la predestination, c'est-á-dire la selection par Dieu des hommes, partagés en élus et damnés, avant leur existence terrestre. Le mot « réformé », enfin, est souvent employe, mais le terme géné-rique reste « protestant ». Les conflits religieux s'embrasent ponctuellement sous Henri II pour exploser dans la violence inoui'e ďune « guerre sainte» sous Charles IX, pendant la Saint-Barthélemy. La situation s'envenime encore sous Henri III, alors que la France est divisée en trois partis politico-religieux dans la « guerre des Trois Henri ». La paix est néan-moins rétablie dans la derniěre décennie du siěcle par les efforts du roi Henri IV, qui s'eleve au-dessus des partis avec 1'édit de Nantes. ■ L'anglicanisme : un schisme sur I'initiative ďHenri VIII En 1530, le roi d'Angleterre Henri VIII, par esprit ďindépendance, rompt brusquement avec l'Eglise catholique car le Pape a rejeté sa demande de repudiation de son épouse, Catherine d'Aragon. II souhaite en effet épouser Ann Boleyn par amour. Excommunié par le pape, il declare l'Eglise d'Angleterre indépendante de l'Etat. Henri VIII et Barbe Bleue On dit souvent qu'Henri VIII a inspire le personnage de Barbe Bleue, le conte de Charles Perrault, car il a eu six femmes, dont deux ont ete executees sur son ordre : Ann Boleyn et Catherine Howard. Mais le conte tient sans doute davan-tage son origine des traditions populaires frangaises. Henri VIII fait voter l'acte de Suprematie en 1534. Par ce document, il se declare lui-meme chef de l'Eglise d'Angleterre. Ä sa mort, sa succession religieuse est houleuse ! Ses trois enfants menent successivement des politiques religieuses contradictoires : Edouard VI impose le calvi-nisme, tandis que Marie Tudor, dite « la Sanglante » (Bloody Mary), tente de ramener l'Angleterre au catholicisme. Dans une Angleterre Partie in Le XVIe siěcle (1498-1610) : un beau siěcle ? troublée, c'est enfin Elisabeth I, la seconde fille ďHenri VIII, qui promulgue la chartě de ranglicanisme, formant ainsi une synthěse originále des deux religions. Quand une reine ďAngleterre épouse un roi ďEspagne... Un fait ďexception s'est produit au XVP siěcle : le mariage ďune reine ďAngleterre avec un roi ďEspagne. En effet, Marie Tudor a épousé le roi ďEspagne Philippe II dont elle n'a pas eu ďenfant. De graves problěmes de succession ont ainsi été évités ! ■ L/Église se reformě enfin ! Face á une montée protestante foudroyante, 1'Église catholique met longtemps á prendre les mesures pour endiguer le schisme protestant, unique par son ampleur. ■ « Reformě » et « Contre-réforme » Le mouvement protestant est appelé « la Reformě ». La « Contre-réforme » est la réponse de 1'Église catholique face au protestantisme : en reaction á la fuite des croyants vers le protestantisme, 1'Église catholique prend, dans la seconde moitié du XVP siěcle, des mesures sérieuses pour se reformer de 1'intérieur. II faudra attendre 1542 pour que le pape autorise un concile de reforme dans la ville de Trente. Celui-ci va se prolonger sur deux decen-nies (1545-1563). La pensee humaniste triomphe : les pretres devront lire les originaux des textes. La methode scolastique (l'etude des commentateurs) est done desormais revolue. Les jesuites au service de la Contre-reforme En 1534, le moine espagnol Ignace de Loyola fonde la compagnie de Jesus a Montmartre. Ce nouvel ordre religieux, reconnu par le pape, se veut le fer de lance de la reconquete des consciences : les jesuites doivent suivre un enseigne-ment de haut niveau et sont entierement devoues au pape. La compagnie investit egalement les missions pour evangeliser les terres non chretiennes. A la fin du XVP siecle, les jesuites sont partout en Europe mais aussi en Chine, au Japon et en Amerique. En 1547, ils se consacrent tout particulierement a I'enseignement des elites, soutenant, par la qualite des etudes prodiguees, le mouvement de la Contre-reforme. Mais leur entier devouement au pape et le soupgon de pouvoirs occultes creent des tensions avec I'Eglise et les gouverne-ments nationaux, ce qui conduit, au siecle suivant, a I'interdiction de I'ordre dans de nombreux pays europeens comme la France, en 1762. XVP : les Francais et leur temps Chapitre 4 Apres le concile de Trente, le nombre des catholiques et des protestants se stabilise, mais la division du monde religieux alimente partout les foyers d'intolerance. La religion en Europe II existe désormais une Europe des minorités religieuses complexifiant Celles des divisions historiques et politiques. La carte religieuse de l'Europe actuelle est 1'héritiěre de ce siede de divisions religieuses. L'Europe méditerranéenne est restée catholique. L'Europe anglo-saxonne est devenue protestante. L'Alle-magne est majoritairement luthérienne, excepts la Baviěre, restée catholique. Le calvinisme aura une influence certaine en Suisse, aux Pays-Bas, en Grande-Bretagne et, par le biais de 1'émigration anglaise, aux États-Unis. Pour le sociologue allemand Max Weber, le protestantisme serait l'une des origines intellectuelles du capitalisme, car la réussite materielle est dans le protestantisme signe de 1'élection divine. Partie in Le XVIe siecle (1498-1610) : un beau siecle ? Le francais conquiert ses lettres de noblesse La litterature francaise de la Renaissance est extremement foison-nante, feconde et originale, a l'image de la creativite de ces temps tres artistiques. Cette litterature a besoin dune langue ecrite plus riche et plus intellectuelle que les multiples langues regionales d'alors, encore limitees aux mots concrets de la vie quotidienne. ■ Le francais ne fait pas encore le poids ! Le latin est toujours la langue de reference ; c'est la langue des penseurs et des erudits. Grace au latin, les intellectuels ont l'immense avantage de pouvoir dialoguer sans traducteurs avec leurs homologues europeens. La langue francaise ne peut done presenter pour eux le meme interet: elle est trop peu stabilisee. Ses textes sont rediges sans contraintes grammaticales. Cette langue doit etre formalisee par une grammaire et un lexique, et le patrimoine de mots est encore trop limite pour offrir l'assise dune grande litterature. ■ Le francais : une langue d'Oi'l Parmi tous les patois regionaux, on distingue l'Oi'l dans le Nord de la Loire et l'Oc dans le Sud. C'est le francais parle de la cour, la langue d'Oi'l, qui emerge progressivement comme langue de reference. Les auteurs s'expriment dans la langue de leur roi et vont l'enrichir de mots nouveaux. Certains, comme Francois Rabelais, vont integrer des nuances inexistantes jusqu'alors, la manier et la malaxer avec inventivite pour en faire progressivement la langue de notre culture francaise. ■ Mission Pleiade : construire un lexique riche et nuance Joachim du Bellay et Pierre de Ronsard forment alors un noyau enthousiaste d'amoureux de la langue francaise sous le nom de « Brigade ». Plus tard, Ronsard, le prince des poetes, porte au premier rang par son succes a la cour d'Henri II, va former son groupe sous le nom, demeure celebre, de « Pleiade », charge d'accroitre le patrimoine des mots dits « francais ». XVP : les Francais et leur temps Chapitre 4 ■ La Pleiade Au IIIe siecle avant J.-C, sept poetes d'Alexandrie avaient forme un groupe sous ce nom, plagant leur groupe sous le signe de la constellation de la Pleiade. Actuellement, la collection la Pleiade est une edition de prestige qui recueille les ceuvres de tous les auteurs frangais et etrangers classiques. ■ Montaigne : un penseur dans un temps de tourmente Né sous Francois Ier, Michel de Montaigne vit une partie de sa vie d'adulte dans la periodě la plus troublée du siěcle, du temps de Charles IX, Henri III et Henri IV. II réussit néanmoins un tour de force de polyvalence : rester á 1'écart des passions, conserver sa liberie de penser tout en s'engageant en politique ! II sert méme de médiateur entre le roi et Henri III et Henri de Bourbon-Navarre (le futur Henri IV). Alors maire de Bordeaux, il est un jour embastillé dans la tourmente de Paris lors de la revoltě de 1588, appelée « journée des Barricades ». Cest beaucoup pour un homme que Ton imagine facilement isolé dans sa tour, la plume á la main, rédigeant ses fameux Essais. ■ Agrippa d'Aubigne : le grand poete protestant Agrippa d'Aubigne est un protestant sincere qui n'hesite pas á rompre avec Henri de Navarre lors de sa conversion stratégique au catholi-cisme. Homme de plume et ďépée, l'intransigeance domine sa vie. Ironie du sort, sa petite-fille, Madame de Maintenon, sera la seconde épouse de Louis XIV, le roi qui révoquera 1'édit de Nantes. Le protestant Agrippa d'Aubigne, violent et passionné parlant latin, grec et hébreu, synthétise á lui seul les forces et faiblesses de ce temps tourmente au cours d'une vie de pres de 80 ans. Partie IV Le XVIF siecle (1610-1715): le « Grand siecle Survol du siecle De l'assassinat d'Henri IV en 1610 a la mort de Louis XIV en 1715, la France vit son « Grand siecle » : c'est a cette epoque qu'elle acquiert une puissance politique et un rayonnement culturel suffisants pour affirmer sa suprematie en Europe. Elle amorce aussi son expansion coloniale en Amerique. L'organisation de l'Etat se structure veritable-ment, transformant, sous Louis XIII et surtout sous Louis XIV, la France en monarchic forte, qualifiee d'« absolue ». Les oppositions politiques, parfois debridees au debut du siecle, s'eteignent peu a peu sous Louis XIV pour ne laisser entendre que les ordres du roi. Sur un scenario relativement semblable, le XVIP connait deux regences en raison du jeune age des deux rois. Leur mere respective assume a chaque fois le pouvoir : Marie de Medicis pour le premier, Anne d'Autriche pour le second. Mais comme par le passe, les periodes de regence sont des moments de fragilite politique au sein desquelles s'immiscent toujours l'ambition et les troubles. La premiere regence est houleuse en raison des rapports difficiles entre Marie de Medicis et Louis XIII: on frise la guerre civile. Le roi doit s'imposer par un coup de force, proche dun coup d'Etat. La seconde regence d'Anne d'Autriche, avec comme principal ministre Mazarin, est encore plus troublee car des revokes parlementaires, nobiliaires et populaires font rage. C'est le temps des « Frondes ». Sous le regne de Louis XIII, avec l'appui implacable de son ministre Richelieu, la noblesse est mise sous tutelle, les protestants a nouveau inquietes, et leternelle lutte contre les Habsbourg reprise. Le role de Louis XIII et de Richelieu est essentiel pour comprendre la reussite du processus de renfor-cement de l'Etat, lequel atteint son apogee sous Louis XIV. Ce dernier, le Roi-Soleil, eclaire de sa volonte et de son prestige toute la seconde moitie Partie iv Le XVIIe siede (1610-1715) : le « Grand siede » du siecle, souvent qualifiee pour ce rayonnement de « Siecle de Louis XIV ». Les personnalites complementaires de ces hommes permettent de saisir la reussite de la monarchie francaise. En Angleterre, au contraire, l'autoritarisme du roi Charles Ier se heurte a l'opposition du Parlement et aboutit a une violente guerre civile et a la decapitation du roi. Cet exemple contemporain demontre que l'absolutisme royal nest pas si aise a mettre en place. Par ailleurs, la lutte contre les Habsbourg d'Espagne semble defi-nitivement eteinte a la fin du siecle quand le petit-fils de Louis XIV devient roi d'Espagne et fait bloc avec la France face a l'Europe coalisee, inquiete de la montee de cette grande puissance. Les découvertes du siěcle 1625 : transfusion sanguine 1642 : machine ä additionner 1643 : barometre 1673 : machine ä calculer 1687 : Loi de la gravitation 1710 : piano forte 1712 : machine ä vapeur 1714 : thermomětre ä mercure Filigrane chronologique : 1610-1715 En France Ä 1'étranger Régence de Marie de Médicis (1610-1617) 1614 Les états généraux Regne de Louis XIII (1617-1643) marié ä Anne d'Autriche 1618-1638 Guerre de Trente Ans 1627-1628 Protestants assiégés ä La Rochelle 1629 Paix ďAlěs : accalmie religieuse 1630 Journée des Dupes : Richelieu coníirmé par le roi / Survol du siede En France A l'etranger Regence d'Anne d'Autriche et de Mazarin (1643-1661) 1648-1653 La Fronde : le pouvoir royal est conteste 1648 : traite de Westphalie 1649 Decapitation de Charles Ier d'Angleterre 1659 Traite des Pyrenees avec l'Espagne Regne de Louis XIV le Grand (1661-1715) marie ä l'infante Marie-Therese puis ä Mme de Maintenon 1661 Annonce du gouvernement solitaire. Arrestation de Fouquet. Debut des travaux de construction du chateau de Versailles 1667-1668 Guerre de Devolution (succession espagnole) 1672 Guerre de Hollande 1682 Installation de la cour a Versailles 1685 Revocation de l'edit de Nantes Coalition d'Augsbourg 1689 Glorieuse revolution en Angleterre 1702-1713 Guerre de succession d'Espagne : petit-fils de Louis XIV, roi d'Espagne. 1702-1705 Revolte des camisards dans le Languedoc 1711 Destruction de l'abbaye de Port-Royal 1713 Bulle Unigenitus. Paix d'Utrecht LA FRANCE DE LOUIS XIV Acquisitions sous Louis XIV Frontiěres du Royaume de France O Residence royale ^ o u O © Chapitre 5 Les Frangais au XVIP siecLe La regence de Marie de Media's : 1610-1617 C'est le temps de la dilapidation des acquis du regne precedent, de la mainmise de Concino Concini sur le gouvernement et des troubles constants lies a l'agitation des personnages influents du royaume. ■ 1610. Avec la France en heritage Le couteau de Ravaillac, le 14 mai 1610, interrompt brutalement l'effort de stabilisation de la royaute et desagence le fragile equilibre mis en place entre catholiques et protestants. La remise en route de l'economie confiee a Sully est desormais compromise par une politique opportuniste denuee d'integrite. Alors que la succession d'Henri IV est a peine preparee, la reine Marie de Medicis devient regente, Louis XIII n'ayant que 9 ans. Des femmes au pouvoir : les regentes Le cadre juridique des regences a ete fixe au XIVe siecLe par Le roi administrateur, CharLes V. Ce dernier, de sante tres fragile, avait organise Les transitions de regne autour des regentes (meres, sceurs). C'est Lui qui a fixe L'age de La majorite des rois de France a 13 ans, a une epoque ou La peste faisait rage. La majorite etait pLus tardive au Moyen Age (21 ans). 119 Partie iv Le XVIIe siede (1610-1715) : le « Grand siede » Peu préparée au pouvoir et sans talents politiques particuliers, Marie de Médicis colmate constamment les brěches ouvertes par 1'ambition des plus puissants (appelés les « Grands »), qu'Henri IV avait su contróler. Elle les contient quant á elle par le biais de pensions, de dons ou de libéralités fort coůteuses pour le budget royal. La fonction de regente la met vite sous 1'emprise ďambitieux. Ainsi, elle accorde une confiance démesurée á 1'Italien Concino Concini, époux de sa confi-dente Eleonora Galigai', et lui confie de prestigieuses responsabilités. Mais Concini, particuliěrement ambitieux et arrogant, s'attire de nombreux ennemis par son attitude hautaine, et en particulier la violente animositě du jeune roi Louis. Un bouc émissaire Ambitieux, Concino Concini a fait 1'objet de nombreux pamphlets hostiles á sa personne et á sa politique. II y est designe comme La source de tous Les maux de cette régence. La documentation á son sujet est done trěs tendancieuse. Ces textes de propagandě émanent en grande partie de La nobLesse, hostile á La politique de fermeté qu'il prone á partir de 1616. La France est alors composee d'environ 20 millions d'habitants, population considerable pour l'epoque (les Espagnols sont 8 millions et les Anglais 5 millions). En outre, la France possede une certaine unite territoriale (notamment avec la langue francaise qui se developpe); les autres gouvernements du continent ne peuvent pretendre ä une telle coherence. ■1614. Les etats generaux : une derniere avant la Revolution francaise Les ressources financieres accumulees sous le regne d'Henri IV ont ete dilapidees par une surenchere de prodigalites. Or, lorsque les revenus du domaine royal ne sont plus suffisants, il est d'usage de reunir les etats generaux du royaume (reunion des representants des trois ordres de la societe) pour leur demander le vote d'impöts exceptionnels. Marie de Medicis, signe d'affaiblissement du pouvoir royal, fait ce choix en 1614. Richelieu se fait remarquer Au cours de ces etats generaux, lieu opportun pour Les ambitieux, l'un des representants du clerge, un denomme Armand Du Plessis, s'impose par son intelligence et sa competence. Remarque par la regente Marie de Medicis et par Concini, il entre pour La premiere fois au gouvernement. Richelieu franchit ainsi, en 1614, les premieres marches vers Le pouvoir. Les Francais au XVIP siěcle Chapitre 5 Déjä réunis au debut du régne d'Henri IV, les états généraux de 1614 vont étre un lieu de mésentente entre les trois ordres (clergé, noblesse et tiers état), ce qui va renforcer le pouvoir royal. ■ Une societě bien ordonnée Clergé : représentants de 1'Église catholique exclusivement. Noblesse : possesseurs d'un fief, nobles depuis quatre generations. Tiers état: toutes les personnes ne disposant pas de privileges: artisans, commer- gants, paysans, etc. Le tiers état représente la majoritě de la population. ■ 1617. La revoltě violente ďun roi de 15 ans Le personnage principal du royaume, Concino Concini, maréchal d'Ancre, s'attire en trěs peu ďannées la haine du dauphin Louis, humilié plusieurs fois publiquement avec 1'approbation de Marie de Médicis. Le jeune roi, influence par son confident Charles d'Albert de Luynes, rompt á 15 ans les chaines et sonne 1'heure des représailles : le 24 avril 1617, il donne 1'ordre ďarréter Concini qui est assassiné dans la confusion. Ce jour-lá, le jeune roi révěle une fermeté qui marque le debut de son rěgne. Aprěs cette violente emancipation, les tensions entre le roi et sa měre se cristallisent et se durcissent. Cette mort signe aussi 1'arrét de la récente politique de fermeté envers les nobles. Cette politique sera reprise plus tard par Richelieu, mais, pour l'heure, le roi préfěre revenir aux concessions traditionnelles de la monarchie en redonnant á l'aristocratie son pouvoir de contróle. Le rěgne de Louis XIII: 1617-1643 Cette periodě est traversée par le pouvoir partagé entre le roi et Richelieu, dont la volonté est de soumettre la noblesse et de s'imposer á 1'extérieur face aux Habsbourg d'Espagne et d'Allemagne. Louis XIII (1601-1643) : fermeté et mystěre Par plus de 11 000 pages, nous connaissons L'etat physique du futur roi dans toutes ses nuances ! En effet, son médecin, Jean Héroard, a pris la peine de noter le moindre de ses rots ou diarrhées, de sa naissance á ses 16 ans ! Au-delá de la connaissance parfaite de son corps, il est plus difficile de cerner la personnalité de Louis XIII, de I'enfant mal-aimé par sa mere au roi ferme et Partie IV Le XVIIe siede (1610-1715) : le « Grand siede » imprévisible, parfois inflexible. IL faut cependant lui reconnaítre la capacité de bien s'entourer puisqu'il choisit, par estime personnelle, Richelieu comme principal ministře, sans partager avec lui aucune affinité. Ces deux étres ont besoin l'un de I'autre pour assumer ensemble leur fonction, a une periodě oú la monarchie doit encore s'imposer face ä une noblesse contestataire. Louis XIII éprouve une indifference froide envers son épouse, La charmante Anne d'Autriche. Deux enfants naissent toutefois in extremis ä la fin de son regne. De grands amours platoniques jalonnent sa vie : femmes et hommes, indifféremment. Mais La encore, iL reste intransigeant: iL n'exerce pas son droit de gräce lors de La condamnation ä mort de son favori, le marquis de Cinq-Mars, accuse de complot. La mansuetude n'est pas un trait de sa personnalité peu communicative, trěs éloignée en cela de son pere Henri IV. Louis XIII exprime děs l'enfance un goüt prononcé pour les armes et se révěle, comme ses ancétres, trěs grand chasseur. Cest lui qui choisit de faire construire ä Versailles un pavilion de chasse qu'engloberont plus tard les autres bätiments du chateau. ■ 1624. Richelieu fait sa place Le passage du due de Luynes au pouvoir est de courte duree : il meurt en 1624, laissant le champ libre a Richelieu. Le cardinal est promu chef du conseil du roi. Mais sa position est instable entre Marie de Medicis, dont il depend encore, et un roi en conflit ouvert avec elle ; se sortir de ce guepier est pour Richelieu un enjeu majeur. ■ Ľéminence grise L'expression « eminence grise » est appliquée pour la premiere fois au principal colla-borateur de Richelieu, le pere Joseph, portant la robe de bure grise des capucins. II est notamment chargé de la politique extérieure et en particulier de la lutte contre les Habsbourg. Ce terme designe actuellement tout conseiller de poids restant dans I'ombre d'un personnage important. L'autre enjeu est de limiter les troubles intérieurs. La politique de fermeté reprend, avec ľaval de plus en plus de nobles, désormais integres dans le systéme monarchique oú ils placent leurs capitaux. Une partie d'entre eux commence ä voir ľintérét d'un pouvoir royal fort. Quant aux nobles rebelles, ils sont écrasés sans concession, comme en témoigne la decapitation du comte de Chalais, conspirateur complice du frěre du roi, Gaston ďOrléans. Ce frěre inconsequent et léger restera pourtant longtemps ľhéritier du tróne avant la naissance ines-pérée du futur Louis XIV. Les Francais au XVIP siěcle Chapitre 5 Richelieu (1585-1642) : des vertus cardinales ? La vie d'Armand du PLessis, cardinal de Richelieu, est etroitement liee a celle de Louis XIII. Armand du PLessis, devenu homme d'Eglise par Les hasards de la naissance, n'a pas choisi cette voie par vocation (la sienne aurait ete celle des armes). Toutefois, les heritiers nobles se doivent d'accepter les chemins utiles a leur famille. L'histoire le retient en guerrier lorsqu'il est peint devant La Rochelle assiegee. II n'empeche que sa pensee politique se nourrit de sa croyance catholique associee a son immense respect de la fonction royale. Personnalite complexe, il donne une vision d'homme implacable, renseigne par un vaste reseau d'espions. II faut reconnaitre qu'il doit constamment dejouer des pieges tendus sur tous les fronts. Par malveillance, les decisions les plus fermes du regne de Louis XIII lui sont souvent attributes (repression dans le sang des complots de Chalais, de Montmorency, grace accordee in extremis sur I'echafaud a un conspirateur, le commandeur de Jars). Malgre son apparente assurance, Richelieu a constamment craint la disgrace... Louis XIII est trop secret et imprevisible pour etre rassurant. Dote d'une belle intelligence faite d'imagination creatrice et de sens pratique, Richelieu n'a de cesse de renforcer I'autorite royale tant a I'exterieur de la France, contre la maison des Habsbourg, qu'a I'interieur, pour dompter la noblesse a laquelle il interdit la derive, devenue mode, des duels. Dans le domaine religieux, il s'attelle a transformer le concept de « Roi Tres Chretien » en realite concrete. La soumission des protestants participe de cet enjeu. S'il est egalement a I'origine de la creation de I'Academie frangaise, c'est encore pour promouvoir I'unite de I'Etat par le biais d'une langue unique, outil pour bien gouverner. L'image de Richelieu a ete fortement influences par la fagon dont Alexandre Dumas le depeint dans Les Trois Mousquetaires (1844) : les hommes du cardinal pourchassant les mousquetaires ont repandu I'idee d'un Richelieu « mechant ». Pourtant, son habilete politique a toujours ete guidee par une haute conception de I'Etat. ■ 1627-1629. Les protestants assiégés á La Rochelle Děs que Richelieu est sur un front, l'autre front conspire. Ainsi, engage á 1'étranger dans une operation diplomatique contre les Habsbourg, Richelieu reláche son étreinte sur les protestants francais et c'est la revoltě. Dans ce contexte instable, les protestants ont des raisons de s'inquieter des repercussions de la mort d'Henri IV sur l'esprit de tolerance, lis redoutent de perdre les avantages spirituels et matériels obtenus par l'edit de Nantes, garant de leur liberie de conscience et de la sůreté de leurs personnes et de leurs biens. Partie iv Le XVIIe siecle (1610-1715) : le « Grand siecle » Deux religions : une division politiquement incorrecte Un pays divise par deux religions est inacceptable pour les theoriciens politi-ques du XVIP siecle. Or, la France est le seul pays ou cohabitent de maniere offi-cielle deux religions, materialisant la separation recente de la Chretiente entre catholiques et protestants. La situation est difficilement tolerable pour des « rois Tres-Chretiens ». Avec l'appui des Anglais, les protestants resistent a La Rochelle, la capitale protestante. Apres un an dun siege tres apre, le roi de France entre victorieux dans la ville le ler novembre 1628. De son cote, Richelieu en sort grandi aux yeux du roi, au regard de sa competence et de ses resultats. Cette nouvelle guerre civile, soutenue par l'Espagne, ne s'acheve toutefois que plusieurs mois plus tard par la grace d'Ales, en juin 1629, oil une concession est faite aux protestants : les clauses sur la liberte de culte et sur l'egalite civile de l'edit de Nantes sont mainte-nues, mais les annexes comportant les privileges politiques et mili-taires ne sont pas prises en consideration. ■ 1630. Un pouvoir a deux tetes Un projet controversy Le projet politique de Richelieu se concretise. II s'avise alors de le mettre par ecrit et de le presenter au roi. Richelieu souhaite miner le parti protestant, reduire les nobles a l'obeissance et mobiliser la puissance francaise contre l'encerclement des Habsbourg. Dans ce projet tres construit, il se montre hostile aux prerogatives de l'Espagne, s'opposant ainsi aux positions de sa bienfaitrice Marie de Medicis, fortement engagee aux cotes des catholiques conservateurs proches des Espagnols. La rupture est imminente. Richelieu est releve de ses fonctions pour ses vues differentes de la reine. La journee des Dupes Contre toute attente, la victoire est donnee a Richelieu au cours de la journee la plus decisive de sa vie, la « journee des Dupes », le 11 novembre 1630. Cette journee marque la fin du gouvernement a trois tetes. Tout commence la veille. Richelieu s'introduit sans y etre invite, risque enorme, dans les appartements de la reine mere en conversation avec le roi, dans son palais du Luxembourg (oil siege aujourd'hui le Les Frangais au XVIP siecle Chapitre 5 Senat). Marie de Medicis, le voyant surgir et dire « Leurs majestes parlent de moi ? », se dechaine contre lui et l'econduit devant le roi reste muet. Sa carriere semble s'arreter la. Dechu, les courtisans l'evitent toute la journee. Mais, coup de theatre, le lendemain, Louis XIII le convoque a Versailles et le confirme dans ses fonctions : « Je vous commande absolument de rester et de continuer de tenir le timon des affaires, parce que telle est mon irrevocable decision. » Cet evene-ment, pivot du regne, marque la rupture definitive entre le roi et sa mere et la prise de pouvoir de Richelieu aupres de Louis XIII. La reine Marie de Medicis perd alors tout credit et s'enferre dans l'opposition, fomentant troubles sur troubles. Le roi, manifestant encore une grande fermete, prend la decision de mettre sa mere en residence surveillee a Compiegne. C'en est trop pour cette orgueilleuse ! Insoumise, elle prend la decision de s'enfuir aux Pays-Bas pour cons-pirer, a nouveau, avec son fils cadet, le rebelle Gaston d'Orleans. Son insoumission justifiera la politique de repression envers la noblesse. Marie de Medicis : grandeur et decadence Marie de Medicis est certes La mere du roi de France, mais c'est aussi La mere de deux reines d'Europe : Henriette, epouse de CharLes Ier d'AngLeterre, et Elisabeth, epouse de Philippe IV d'Espagne. Or, apres cette fuite, Louis XIII se montre inflexible : il ne se reconciliera jamais avec sa mere. Elle finira done sa vie a I'etranger dans une errance peu compatible avec son statut de mere de trois souverains europeens, acculee par les difficultes financieres, creant des complications partout. ■1631. La presse au service du pouvoir Cette annee-la, le medecin Theophraste Renaudot lance un journal hebdomadaire, la Gazette, hebdomadaire tire bientot a 1200 exem-plaires, chiffre considerable pour l'epoque. C'est le premier journal francais. Ses articles ne portent au debut que sur la politique etrangere : nouvelles de Rome, Venise, Constantinople... Il faudra attendre le sixieme numero pour voir apparaitre des nouvelles nationales. ■ La pie apporte le journal Le mot« gazette » viendrait de L'italien gazzetta (« petite pie »), du nom de la piece de monnaie venitienne qui permettait d'acheter les feuilles d'informations periodiques publiees au XVIe siecle. Partie iv Le XVIIe siecle (1610-1715) : le « Grand siecle » Mais cette presse n'a rien de libre, elle doit servir les interets du pouvoir. En effet, Renaudot est soutenu dans son entreprise par Richelieu qui a bien compris l'interet dune telle innovation. Pendant long-temps, la Gazette restera la voix officielle de la cour, allant meme jusqu'a etre annexee au ministere des Affaires etrangeres au XVIIP siecle, et survivra jusqu'en 1915. ■ Les Francais dans la guerre de Trente Ans Le roi d'Espagne est allie a l'empereur d'Allemagne en raison de ses liens familiaux anciens, maintenus depuis la separation de l'Espagne et de l'Empire a la mort de Charles Quint. Les Francais cherchent a jouer les contrepoids. lis interviennent d'abord dans l'ombre en soutenant les princes protestants, rebelles a leur empereur catholique. En 1635, la France catholique s'allie officiellement aux protestants avec la volonte de reduire l'influence des Ffabsbourg espagnols ou allemands. Cette alliance avec les protestants allemands — alors que les protestants francais viennent d'etre vaincus a La Rochelle — traduit bien le realisme politique de Richelieu : la fin justifie les moyens. Cette guerre devenue europeenne, a laquelle participe la France a partir de cette date, est appelee la « guerre de Trente Ans » (de 1618 a 1648). Elle oppose les princes protestants rebelles, soutenus par les Francais et les Suedois, au camp austro-espagnol de l'empereur Ffabsbourg Ferdinand II et du roi d'Espagne Philippe III, pere d'Anne d'Autriche. Les trois mousquetaires sont la ! Cette epoque tumuLtueuse a inspire Alexandre Dumas : Les trois mousquetaires mettent en scene Le roi, La reine Anne d'Autriche et Richelieu. Mais il s'agit d'une histoire tres romancee qu'iL ne faut surtout pas interpreter a La Lettre, en parti-cuLier Les amours de La reine avec Le due de Buckingham ! Cette guerre couteuse se deroule sous le regne de Louis XIII jusqu'en 1643. Pour financer une armee de 135 000 hommes, le montant global des impots est multiplie quasiment par trois en 3 ans, ce qui provoque des revoltes sporadiques un peu partout dans les provinces francaises. Remettre en question l'autorite royale n'est pas a l'ordre du jour. Le cri de ralliement royaliste de ces misereux le prouve par le tonitruant « Vive le roi! ». II s'agit plutot de reactions epidermiques a la misere et a l'injus-tice. Toutefois, ces revoltes spontanees ne reussissent pas a former un grand mouvement general d'opposition. Les Francais au XVIP siěcle Chapitre 5 ■ 1642-1643. Deuils á repetition Un étrange hasard survient lors de cette collaboration bicéphale : le roi et son ministře meurent á quelques mois ďintervalle. Richelieu s'eteint en décembre 1642, et Louis XIII, en avril 1643. Ironie du sort, Marie de Médicis meurt également 1'année de la disparition de son ennemi obsessionnel, Richelieu ! Ce dernier a juste le temps de prévoir la transition en proposant Mazarin comme successeur. La reine Anne d'Autriche, longtemps restée dans l'ombre, va assurer la transition, son fils aíné n'ayant pas encore 5 ans. La seconde régence du XVIIe siěcle commence. La régence ďAnne ďAutriche : 1643-1661 Cette regence est traversee de troubles successifs lies aux differentes revoltes de « Grands », les Frondes, et a la fin de la lutte contre l'Espagne. Anne d'Autriche et Mazarin : une équipe gagnante Anne d'Autriche (1601-1666) a poursoutien I'ltalien Jules Mazarin (1602-1661), propose comme homme de transition par Richelieu qui avait su en apprécier les talents lors de négociations. On a beaucoup epilogue sur la relation de la reine et du ministře : amour, mariage secret... II est certain qu'entre Anne d'Autriche et Mazarin s'est instauré un lien de forte estime mutuelle. La reine, restée dans l'ombre sous Louis XIII, entre soudain dans la lumiěre en devenant regente. Ä côté d'elle, son principal ministře est un homme certes ambitieux mais aussi chaleureux, raffiné et trěs intelligent. Dans la continuité de la politique de Richelieu, il va asseoir ľautorité royale face aux puissants, toujours préts ä la revolte. Ľéquipe Anne d'Autriche-Mazarin va bien fonctionner et Louis XIV, contraire-ment ä son pere, va étre particuliěrement bien forme ä son metier de roi. En effet, méme si Mazarin, avec une avidité manifeste, profite de son poste pour faire fortune, il sait aussi guider les pas dujeune roi, lui apprenant le sens politique et la conscience de la grandeur de l'État. II lui refuse méme la main de sa niěce, Marie Mancini, dont le roi est amoureux, pour lui proposer une alliance plus stratégique : son mariage avec ľinfante d'Espagne Marie-Thérése. Grand mécéne, il rassemble les ceuvres ďart et les livres. Ces derniers constituent le fonds de depart de ľactuelle bibliothéque Mazarine. Partie iv Le XVIIe siecle (1610-1715) : le « Grand siecle » ■ 1643. Une Espagnole et un Italien a la tete de la France Anne d'Autriche prend de 1'autorite L'histoire du royaume de France semble begayer et suivre le scenario de la succession d'Henri IV: une regence s'impose. Cependant, les acteurs de la seconde regence du XVIIe siecle n'ont pas les memes rapports humains conflictuels. Ainsi, Anne d'Autriche, une fois nommee regente, s'appuie sur la competence de son ministre Mazarin. Elle s'epanouit d'ailleurs dans ce role de premier plan, forte de la presence de ses deux jeunes fils, Louis et Philippe, garants de sa legitimite. Elle tient a veiller etroitement a leur education, avec une sensibilite inhabituelle pour l'epoque. Par souci de leur avenir — pourtant Espagnole de cceur et devote —, elle choisit de mener une politique en continuite avec celle de Richelieu, c'est-a-dire une politique contre l'Espagne. Parallelement, les nobles entrent en resistance, comme lors de la regence precedente. Un complot appele « cabale des Importants », dirige par le due de Beaufort et la duchesse de Chevreuse, est dejoue le 27 mai 1643, mais les nobles n'ont pas dit leur dernier mot... Rocroi : une victoire inaugurate Mazarin conduit la meme politique inflexible contre l'Espagne Habsbourg : en 1643, la France remporte la victoire decisive de Rocroi, dans les Ardennes, grace au talent militaire du prince de Conde qui permet aux Francais de remporter leur premiere victoire sur l'Espagne depuis un siecle. Toutefois, cette politique belliqueuse et couteuse entrame une enorme pression fiscale sur le pays. ■ 1648. L'opposition parlementaire : le declencheur de la Fronde La mort de Louis XIII fragilise a nouveau le pouvoir royal. Les parle-ments tentent de controler la monarchic en imposant une charte : la declaration des 27 articles qui limite les pouvoirs du roi. Mazarin ne prend pas la mesure du danger et fait arreter trois parlementaires pari-siens dont le tres populaire Broussel, opposant acharne aux nouvelles levees d'impots. Paris resiste, se souleve le 25 aout et se herisse de barricades une fois de plus ! L'agitation dure quelques mois malgre la Les Francais au XVIP siede Chapitre 5 liberation du parlementaire emblématique. Le gouvernement s'incline et accepte des concessions écrites face á cette ébauche de revolution : le processus de revoltě est désormais enclenché. Double coup fatal pour les Habsbourg Au milieu de ces troubles, Mazarin signe la paix de Westphalie en octobre 1648, qui donne á la France une grande partie de 1'Alsace et les places de Metz, Toul et Verdun. L'Allemagne de Ferdinand III n'est plus un danger pour la France car elle entre en paralysie politique jusqu'au XIXe siěcle malgré 1'ascension de la Prusse. Toutefois, le conflit contre les Habsbourg n'est pas encore achevé : la guerre s'eternise du cóté de 1'Espagne. Par ce traité, 1'Espagne reconnaít 1'indépendance de ses possessions hollandaises : 1'empire de Charles Quint est désormais définiti-vement disloqué. L'Espagne est en perte de vitesse. Les Provinces-Unies (autour de la riche province hollandaise) vont poursuivre au XVIP siěcle leur irresistible ascension et devenir une puissance politique, économique et maritime de premier plan. Amsterdam devient la premiere place financiére du monde et la capitale de la tolerance. Cest aussi lá que se développe en peinture un nouveau regard sur la lumiěre dont Rembrandt et Vermeer sont les maítres incontestés. ■ 1649. Un roi fuit dans la nuit... La famille royale doit quitter secretement Paris dans la nuit du 5 au 6 Janvier 1649. Cette nuit glacee et inquietante marque irremediable-ment le petit Louis XIV qui a, ä l'epoque, 10 ans. Ii en tirera plus tard des lecons sur l'attitude ä adopter face ä la noblesse, potentiellement dangereuse. En leur absence, le parlement leve des troupes avec l'appui de certains nobles, dont le cardinal de Retz. Le desordre est complet. Tout le monde est en effervescence : les aristocrates, le clerge et le peuple. Les trois ordres sont reunis dans une commune opposition ! L'opinion publique se dechaine alors contre Mazarin, rendu responsable de tous les maux du temps, comme Concini autrefois. La famille royale reste ä l'abri des critiques, aimantees par ce « principal » ministre. Les pamphlets pleuvent par centaines contre lui: ce sont les fameuses « mazarinades ». Toutefois, la paix est signee ä Rueil en mars 1649 : la revolte semble eteinte. C'est ä cette epoque que le nom d'un jeu d'enfants, la « Fronde », est donne ä l'ensemble des revokes, les rebelles etant alors les « frondeurs ». Aujourd'hui, cette expression designe toute forme d'esprit contestataire. Partie iv Le XVIIe siede (1610-1715) : le « Grand siěde » ■ 1650. Les princes s'associent aux parlementaires Une etape de plus est franchie quand le vainqueur de Rocroi, le prince de Conde, retourne sa veste et entre dans l'opposition contre la famille royale et contre Mazarin qu'il deteste. Son ambition est bien sur de le remplacer ! Fort de son prestige militaire, il rallie une partie de la noblesse et souleve la province. Le pouvoir royal procede a une arresta-tion familiale provisoire : Conde, son frere Conti et son beau-frere Longueville ! Au lieu de calmer les esprits, cette decision les enflamme. On se croit revenu au temps de la ligue, quand la guerre civile faisait rage a la fin du siecle precedent (p 87). Une duchesse s'en va en guerre La duchesse de Longueville, sceur de Condé, entre dans la bataille avec les amis des princes qui soulěvent la Normandie. Entrainé par sa passion pour elle, le general Türen ne participe un moment ä l'opposition contre le roi, puis se rallie ensuite ä sa cause. ■ 1651-1653. Frondes de tous bords Le Parlement s'associe aux nobles En Janvier 1651, les parlementaires se joignent pour la premiere fois a la rebellion et reprennent leur programme de 1648, mais la contestation est toujours desordonnee et peu productive. Le Parlement de Paris Le Parlement de Paris est la cour souveraine de la monarchie frangaise. Gardien des Lois, il juge, en dernier ressort, les affaires criminelles et civiles du royaume. Face a la revolte interieure, Mazarin decide, a la liberation de Conde, de s'eloigner a l'etranger pour calmer les esprits et eteindre le feu de l'agressivite. Ce n'est pas un abandon de pouvoir : il reste en relation a distance avec Anne d'Autriche et ses conseillers. Chance pour lui, les frondeurs ne parviennent jamais a s'entendre. Le coup de Conde Le prince de Conde, toujours incontrolable, rompt avec les parlementaires et quitte Paris pour soulever la province. Pendant ce temps, l'heritier grandit dans l'ombre : Louis XIV devient majeur, a 13 ans, en Les Francais au XVIP siecle Chapitre 5 septembre 1651. Pendant pres de deux ans, le prince de Conde revolte entre en relation avec l'Espagne, lui, l'ancien vainqueur de Rocroi ! Agitateur, il tente meme de soulever tout le Sud-Ouest. La bataille decisive a lieu le 2 juillet 1652 sous les murs de Paris, au faubourg Saint-Antoine. Conde vaincu est sauve in extremis par la fille du rebelle Gaston d'Orleans. Elle est restee celebre dans l'histoire sous le nom de « la Grande Mademoiselle ». Aussi rebelle et intrepide que son pere (le frere de Louis XIII), elle fait tirer le canon de la Bastille sur les troupes royales et ouvrir les portes de la ville aux insurges ! La victoire de Conde est ephemere car Mazarin a l'intelligence de quitter a nouveau la scene. La personnalite hautaine de Conde fait le reste : il se rend detestable. Il est alors contraint de quitter la France en octobre 1652, tandis que le roi revient en triomphateur et que la contestation frondeuse s'arrete vraiment dans les provinces l'annee suivante. Conde, le faiseur de troubles, quitte la scene dun pays defait par quatre annees de guerres civiles generatrices de misere. C'est a cette epoque que des missions d'assistance sociale sont organisees pour les plus demunis, sur l'initiative de saint Vincent de Paul, indigne par la misere des paysans et des galeriens. ■ 1654. L'aube du Soleil Sacre roi le 7 juin 1654, Louis XIV reste encore quelques annees dans l'ombre volontairement. Mazarin gere le royaume et le roi observe beau-coup. La paix se reinstalle doucement dans un pays las de la guerre, aspirant au retour a l'ordre. Prepare par Mazarin a son metier, Louis XIV attend son heure en se forgeant une future ligne de conduite... A I'ecole de la Fronde... Cette epoque de troubles est riche d'enseignements humains pour le jeune Louis XIV. II n'oubliera jamais le comportement hautain de certains nobles, leur capacite de trahison, leur ambition avide et implacable, mais egalement le danger potentiel represents par I'opposition parlementaire. Son besoin de stability, associe au souci de tout controler, est certainement du a cette experience. Les nobles et les parlementaires ont toutefois prouve a tous, pendant ces quatre annees houleuses, leur incapacity a gouverner et a s'engager sur le chemin d'un vrai projet politique, car bien que des types de gouvernement differents aient ete experimentes pendant quelques mois, aucune personnalite n'a reussi a s'imposer durablement. Partie iv Le XVIIe siede (1610-1715) : le « Grand siede » ■ 1659. La paix scellee par manage Par le traite des Pyrenees, la paix est enfin signee avec l'Espagne. Cette derniere n'est plus la premiere preoccupation des Francais. Le territoire en ressort agrandi, la frontiere franco-espagnole est definitivement ente-rinee. Par intelligence politique, Mazarin organise le mariage du roi avec sa cousine germaine, l'infante Marie-Therese d'Espagne. Ce ministre italien se montre plus soucieux des interets de la France que les generaux Conde et Turenne, qui n'hesitent pas ä s'allier ä l'ennemi selon leurs passions et interets personnels. L'epouse de Louis XIV renonce ä ses droits ä la succession d'Espagne (comme l'avait dejä fait Anne d'Autriche autrefois) contre une importante dot. Or, celle-ci ne sera jamais payee, ce qui justifiera un peu plus tard ses pretentions ä l'heri-tage espagnol. Le regne de Louis XIV ; 1661-1715 Ce regne voit l'assujettissement de la noblesse par une monarchic de plus en plus absolue, dont la perennite est favorisee par la longevite exceptionnelle du regne. Louis XIV (1638-1715) : la royauté á son zénith Ses parents ont attendu cet héritier pendant plus de vingt ans. II a 4 ans á la mort de son pere, et son rěgne va durer 72 ans ! Louis Dieudonné, devenu Louis XIV, choisit de s'imposer en 1661 á la mort de Mazarin. Á cette date, il manifeste pour la premiere fois sa puissante volonté, son autoritě orgueilleuse et son sens des responsabilités. Conscient trěs jeune des exigences inhérentes au metier de roi, il exerce cette fonction avec beaucoup de sérieux, forgeant et incarnant lui-méme une monarchie devenue sous son rěgne une grande puissance européenne. D'un physique agréable et sportif, il prend trěs tot gout á la musique et á la danse qu'il exerce en public avec le talent d'un professionnel. Grand chasseur, il épuise ses proches en les entrainant dans des parties de chasse débridées ; militaire intrépide, il manifeste á la guerre les mémes qualités de courage, servies par une solide santé. II surprend les plus ambitieux en s'imposant trěs vite comme un chef de gouvernement apte á prendre seul les decisions, sans « principal ministre ». Échaudé par la Fronde, il préfěre choisir la plupart de ses administrateurs. Toutefois, méme si les troubles de la Fronde ne lui ont pas donné le loisir ďétudier avec régularité, il sait apprécier la culture des autres et s'en nourrir. Les grands hommes de son rěgne, soutenus par son mécénat, nous sont trěs familiers : Moliěre le comédien, Lully le musi-cien, Racine le tragédien, Bossuet et Fénelon les prétres philosophies, Mansart I'architecte, Le Notre le paysagiste, Le Brun le peintre... Trěs sensible á I'art Les Francais au XVIP siecle Chapitre 5 sous toutes ses formes, meme vegetales, Louis XIV fait de Versailles le chateau prestigieux que I'on connaTt. II y installe une cour au ceremonial tres regie (I'etiquette), apte a transformer des nobles potentiellement dangereux en courtisans inoffensifs. Acteur ne, il s'impose magistralement dans le role du Roi-Soleil et sait impressionner ses contemporains en jouant sur son image. II assume avec courage et perseverance sa fonction et les epreuves egrenees sur son long chemin : politique exterieure difficile dans une lutte contre les Habs-bourg puis contre les Provinces-Unies et I'Angleterre, vie personnelle doulou-reuse par le deuil progressif de toute sa lignee. II leguera son royaume avec inquietude, en 1715, au seul survivant de la branche ainee de ses enfants : un fragile enfant de cinq ans, son arriere-petit-fils, Louis XV. ■ 1661. Le matin du regne L'heure de gloire de Louis XIV a sonne. Tout est en place pour un grand et long regne : la paix est retablie aux frontieres. L'Espagne est isolee, vaincue, contrainte a reconnaitre la preeminence du roi de France. La scene europeenne est done particulierement favorable a la France. Louis XIV y debute par un coup de theatre, en accord avec sa personnalite a la fois secrete et sociable. Du temps de Mazarin, il a eu le loisir d'observer, d'analyser, de se forger une opinion personnelle sur la conduite a tenir. Il sait ce qu'il veut et il le prouve des le lendemain de la mort de son ministre, lorsqu'il annonce sa volonte de gouverner seul; il se tiendra toute sa vie a cette decision, malgre les doutes de son entourage d'alors. On a qualifie ce mode de gouvernement de « pouvoir absolu ». La terre tremble : I'affaire Fouquet Nicolas Fouquet est un homme tres brillant, particulierement influent et sur de lui. Longtemps prete-nom de Mazarin, qui s'est servi de lui pour couvrir certaines de ses malversations, il apparait aux historiens actuels comme plutot honnete au regard des capitaux manipules. Or, un jour, cet homme rencontre un roi auquel il fait de I'ombre... Quand Louis XIV arrive au pouvoir, Fouquet organise en son honneur, en aout 1661, de grandes fetes dans son chateau le plus prestigieux, Vaux-le-Vicomte. Son tort est de ne pas avoir pris la dimension exacte du caractere du jeune roi. L'eclat exceptionnel de ces fetes aiguise la jalousie du roi, attisee alors par Colbert qui cherche a eliminer un rival. Nicolas Fouquet est arrete sans preavis le 5 septembre 1661 par le celebre d'Artagnan ; cet evenement inimaginable glace les plus hardis. Incredule, Fouquet prend progressivement la mesure de sa disgrace. II est condamne a I'exil mais, fait rare, le roi aggrave cette sentence par la prison a vie ! Partie iv Le XVIIe siecle (1610-1715) : le « Grand siecle » ■ 1663. Le Canada devient francais Depuis le debut du siecle, les Francais se sont installes le long du fleuve Saint-Laurent dans l'Est de l'actuel Canada, parvenant ä faire fructifier des petites colonies en depit des conditions de vie tres diffi-ciles. La region attire les aventuriers car le commerce des fourrures est fructueux. Dans les annees 1660, 4000 Francais vivent ainsi au milieu des populations indiennes, s'associant avec les Hurons ou les Micmacs et faisant la guerre aux Iroquois. La Nouvelle-France devient en 1663 une colonie de la Couronne francaise avec pour capi-tale Quebec. En quelques annees, un encadrement militaire et reli-gieux est mis en place sur l'initiative de Colbert. L'objectif est de peupler cette « Nouvelle-France » afin d'exploiter ses ressources au profit de Teconomie francaise. En effet, la politique coloniale francaise est davantage centree sur le profit economique que sur des visees geopolitiques. ■ 1667-1668. Une guerre de « devolution » pour un heritage Ä la mort de son beau-pere, le roi d'Espagne Philippe IV, Louis XIV revendique les Pays-Bas espagnols (actuelle Belgique) au nom de l'heritage dü ä son epouse Marie-Therese, dont la dot n'a jamais ete payee. Ii invoque une coutume beige, appelee « droit de devolution », qui reconnait comme seuls heritiers les enfants d'un premier mariage, ce qui est le cas de l'infante Marie-Therese. Face ä l'alliance Ffollande-Angleterre-Suede, il negocie rapidement le traite d'Aix-la-Chapelle. La France recupere ainsi douze places fortes, dont Lille. Le « pre-carre » francais, entoure de ses places fortes protectrices, commence ä se constituer. ■ 1669. Cumul de functions pour Colbert Dejä contröleur general des Finances, Colbert cumule depuis peu le secretariat de la Maison du roi et la Marine. Ce cumul de fonctions va lui permettre de coordonner, dans une vision d'ensemble, differentes actions economiques mais aussi legislatives et maritimes. Le « colbertisme » (voir p 138) se met en place : apres Taction politique de Richelieu, Taction economique est maintenant ä Thonneur. Les Francais au XVIP siede Chapitre 5 Colbert (1619-1683) : un travailleur ambitieux et polyvalent Issu de la bourgeoisie anoblie, Colbert a débuté sa carriěre dans 1'équipe Mazarin. Cette derniěre est restée en Létat sous Louis XIV, mise á part la reten-tissante eviction de Nicolas Fouquet. D'une capacité de travail extraordinaire, Colbert veille pendant 22 ans sur les rouages de 1'économie et des finances, et accumule avec boulimie les activités. II exerce tous les postes-clés. Par cette polyvalence acharnée, il porte le rěgne de Louis XIV au plus haut. ■ 1672-1681. Esquisse du contour definitif des frontieres La France envahit la Hollande qui resiste, mettant Guillaume III d'Orange ä la tete du pays. L'engrenage de la coalition contre la France est maintenant en place : Guillaume d'Orange s'allie ä tous les ennemis du roi de France. L'Angleterre y participe quand son roi, Charles II, donne sa niece Marie en mariage ä Guillaume d'Orange. Mais ä la fin de cette guerre, lors du traite de Nimegue en 1678, la France gagne ses frontieres presque definitives avec le Jura, ce qui lui assure une certaine securite. L'Etat francais rayonne alors dans toute sa puissance. En 1681, la France est suffisamment sure d'elle pour annexer la ville de Strasbourg par simple arret de justice, ce qui est contestable pour beaucoup, mais nulle puissance europeenne n'ose intervenir. Un hotel pour les veterans Roi guerrier, Louis XIV souhaite proposer ä ses soldats un etablissement propre ä soigner et abriter les anciens combattants. Pour cela, il fait construire l'hötel des Invalides sur les bords de la Seine. Plusieurs milliers de veterans viennent bientöt habiter le bätiment construit ä partir de 1671. C'est une premiere forme d'action sociale de L'Etat. ■ 1677. Versailles : un chateau á la démesure du roi Le choix du projet de Versailles comme residence principále du roi surprend beaucoup en cette année 1677. En effet, le chateau de Saint-Germain ou Louis XIV vit depuis 1666 est aureole du prestige des residences royales. Quant á la residence du Louvre, le roi ne l'aime pas. Ce chateau au cceur du Paris rebelie est sans doute inquiétant, mais Louis XIV est surtout un homme de plein air, un chasseur, un amoureux Partie iv Le XVIIe siěcle (1610-1715) : le « Grand siěde » des jardins. Choisir Versailles comme siege du gouvernement parait malgré tout aberrant aux contemporains, car le lieu est encore trěs insalubre : « sans vue, sans bois, sans eau, sans terre, parce que tout y est sable mouvant et marécage, sans air par consequent qui n'y peut étre bon ». Toutefois, le roi s'attelle depuis quelques années á faire du possible avec de l'impossible á Versailles, et il en est fier. Cest lá un défi á sa mesure. Il veut vivre dans un chateau marqué de son empreinte, entiěrement pense par lui. Un chateau construit par tátonnements successifs Le chantier de Versailles commence en septembre 1661 sous La responsabiLité de L'architecte Louis Le Vau, seLon un projet incertain. IL s'agit ďabriter Les amours infiděles du roi avec Louise de Lavalliěre. Le chateau se construit au gré des désirs du roi, trěs enthousiaste et fier de son ceuvre. Le grand canaL est percé peu aprěs et donne de L'aLLure á L'ensembLe, suivi du Labyrinthe. André Le Notre s'occupe des jardins, Les « pLaisirs de L'iLe enchantée » oú Les premieres fétes ont Lieu, Le chateau étant encore trop exigu pour accueiLLir Les nombreuses convives. Aprěs 1669, iL est agrandi. Le chateau trěs bas, á La toiture réduite, fait L'objet de critiques. Ainsi, Saint-Simon y voit un « paLais qui a été brQLé, oú Le dernier étage et Les toits manquent encore » ! Constamment en chantier, iL n'est habitable qu'en 1673. On estime á 36 000 Le nombre ďouvriers ayant participé aux travaux. Le roi encourage Les constructions aLentour en offrant des terrains gratuits pour attirer ses famiLiers, créant ainsi pour La premiere fois une viLLe neuve autour d'une residence royaLe. Le pLan de La viLLe, en étoiLe rayonnant depuis Le chateau, s'inscrit dans un projet de glorification du Roi-Soleil, symboli-sant La centraLisation du pouvoir. La chambre du roi est également symboLique : elle est au centre exact du bátiment et tournée vers L'est de La viLLe, ce qui permet au roi de se Lever avec Le soleil et ses sujets. Versailles devient progressivement la residence de la haute noblesse par L'engouement affirmé du roi pour ce Lieu. La decoration intérieure est L'ceuvre de Charles Lebrun, grand metteur en scene de la monarchie, concepteur de la galerie des Glaces. L'harmonie extérieure est confiée en 1678 á l'architecte Jules Hardouin-Mansart, dont la mission est de transformer ce chateau en paLais grandiose pouvant héberger toute La cour. Cest á lui que Versailles doit son allure generále actuelle ainsi que Le Grand Trianon. ■ 1682. Versailles, capitate de la France Le roi s'installe définitivement ä Versailles. La monarchie absolue et sa lourde administration n'ont plus ľerrance des Valois, quand les rois étaient des voyageurs itinerants. Les rois vont y perdre le realisme du contact avec leurs sujets. Les grandes fetes de Versailles, telies qu'on les imagine, ont done lieu pendant la perióde de construction du Les Francais au XVIP siěcle Chapitre 5 chateau : ce temps ou chaque bosquet revele surprise sur surprise au milieu des jets d'eau et des feux d'artifice. La foule se presse partout, silencieuse et immobile lors du reveil du roi, debout au spectacle de ses repas, dans les jardins longtemps accessibles aux bourgeois correcte-ment vetus et portant l'epee. Cette multitude est parfois difficile a contenir. Au centre, la vie du roi est immuablement reglee : ses matinees sont consacrees aux affaires de l'Etat, ses apres-midi aux loisirs entrecoupes de rencontres d'ambassadeurs, de reunions extraordi-naires au gre de l'actualite, ses soirees se passent en famille et ses nuits sont mysterieuses. Autour, les courtisans l'observent, guettent le moindre de ses regards, l'epient du haut de leur oisivete. D'autres encore, comme Colbert, s'epuisent au travail 16 heures par jour. Contraste entre activites futiles et serieuses et exacerbation des pheno-menes relationnels, la cour de Versailles reunit toutes ces trajectoires dans un meme kaleidoscope de passions humaines. Le chateau de Versailles, un modele architectural Le chateau de Versailles devient le modele ä suivre pour les cours princiěres d'Europe. Le Palazzo Reale ä Caserte pres de Naples, ou le chateau de Sans-souci ä Postdam pres de Berlin sont grandement inspires du palais du Roi-Soleil. Le chateau de Versailles restera residence royale jusqu'au depart de Louis XVI et de Marie-Antoinette le 6 octobre 1789. Ensuite, les derniers rois de France résideront au palais des Tuileries ä Paris, car le chateau reste trop marqué par le souvenir de la monarchie d'Ancien Regime. En 1837, Louis-Philippe en fera un musée national. Versailles redeviendra durant quelques années la capitale du pays au debut de la IIP République. Aujourd'hui, le chateau est utilise pour les reunions du Parlement. ■ 1683. Un manage anticonformiste Le roi est veuf depuis deux ans. On pense encore pour lui a un mariage arrange avec quelque grand parti d'Europe, mais il decide sur son seul avis « absolu » d'epouser officiellement Madame de Maintenon, l'ancienne gouvernante puis favorite, agee de trois ans de plus que lui et sans lignee prestigieuse ! Ce mariage est toutefois morganatique : elle n'a pas le titre de reine de France en raison de l'inferiorite de son rang de naissance. L'ascension sociale de Madame de Maintenon est exceptionnelle. Elle s'est elevee par la dimension de ses qualites mater-nelles envers les enfants du roi mais aussi par ses qualites de bon sens et par sa culture. Louis XIV, personnalite secrete, dialogue avec elle en toute confiance. Partie iv Le XVIIe siěcle (1610-1715) : le « Grand siěcle » Louis XIV : I'homme qui aimait les femmes... Aprěs un éphéměre amour de jeunesse avec Marie Mancini, Le mariage de Louis XIV avec Marie-Thérěse ďEspagne, sa miěvre cousině germaine, sombre rapidement dans La pLatitude. Une chaíne ininterrompue de femmes, belles, souvent spirituelles, va alors marquer sa vie sentimentale. Trois noms sont á retenir: Louise de La Valliěre, La marquise de Montespan et La marquise de Main-tenon. Ces trois femmes, trěs différentes, ont chacune marqué La cour de Leur presence. Jamais jusque-Lá un roi n'a porte aussi haut La fonction de « favorite », personnage centraL de La vie de cour. La premiere, Louise de La Valliěre, blonde, discrete et sensible, se réfugie vite dans un monastěre, aprěs avoir donné trois enfants au roi, quand se ternit leur amour. La seconde, Athénais de Montespan, s'impose pendant plus de dix ans et eclipse la reine par sa beauté, son humour incisif et caustique. Elle donnera au roi huit enfants, fort aimés de La troisiěme de ses favorites, Madame de Maintenon ! Quand il quitte la Marquise de Montespan, celle-ci essaie désespérément de Le reconquérir par la magie et s'embourbe dans L'affaire des poisons. Madame de Maintenon est celle qui accom-pagne son áge múr jusqu'a sa mort, en 1715. Cest la confidente, enviée de La cour qui s'etonne de La longueur de Leurs conversations ! ■ 1683. La mort de Colbert, le maitre ďoeuvre de 1'économie Colbert meurt en 1683 et avec lui, le dernier rempart protecteur des protestants. En effet, ces derniers, ayant de moins en moins 1'opportu-nité de faire carriěre dans 1'administration, reportent depuis quelques décennies leur energie sur les activités commerciales, negligees par la noblesse du sang ou de robe. Cest le role capital des protestants dans 1'économie francaise qui intéressait Colbert. Une fois celui-ci disparu, plus rien ne peut contenir la repression protestante, qui aboutit á 1'exode de milliers ďentrepreneurs protestants. Le colbertisme : un protectionnisme économique Le principe est simple. La France est un pays riche oú la main-ďceuvre ne manque pas avec ses 20 millions ďhabitants environ. II suffit done de vivre des ressources du pays en important au minimum et en expor-tant au maximum. Á cette fin, les industries exportatrices et le commerce sont encourages. La puissance ďun État est liée, selon Colbert, á ses ressources financiéres, étroitement dépendantes de sa masse de métaux précieux. Il faut done encourager tout ce qui peut augmenter le stock monétaire par tous les moyens économiques. Ces principes directeurs seront qualifies par les historiens allemands du Les Francais au XVIP siecle Chapitre 5 XIXe siěcle de « mercantilisme ». Soucieux de la grandeur du roi, Colbert veut mettre á sa disposition un État fort par le biais de son économie. Il met done tout en ceuvre pour développer 1'exportation, source de richesses : creation de manufactures de produits de luxe, mise en valeur des moyens de communication, développement ďune marine marchande pour concurrencer les Hollandais, percement du canal royal en Languedoc (rebaptisé á la Revolution canal du Midi), etc. La limite de cette action est un interventionnisme de 1'État extré-mement fort, parfois tatillon. Mais la conjoncture est difficile en cette seconde moitié du XVIIe siěcle, ce qui justine un tel besoin de contróle. ■ 1685. Oser la revocation de 1'édit de Nantes Louis XIV se veut « Roi Trěs Chretien » et ne supporte plus la division du royaume en deux religions ; 1'absolutisme entraine une volonté de normalisation. Par 1'édit de Fontainebleau, 1'édit de Nantes est autori-tairement révoqué : le protestantisme francais est foudroyé, rayé brutalement de la carte. Soucieux des lois, les protestants se sont pourtant bien comportés depuis 1'édit de Nantes. Bien intégrés, ils participent en effet á tous les rouages de la vie du pays. Toutefois, leurs pratiques religieuses subis-sent au quotidien les assauts de la Contre-réforme par 1'intermédiaire de jeunes excités, exaltés par les préches des orateurs jésuites : les lieux de priěre protestants sont réguliěrement pris pour cibles ďexac-tions en tous genres. En outre, une politique de conversions « forcées » a lieu sous la pression des regiments de Dragons, les fameuses « dragonnades », á partir de 1681. Cest ďailleurs par ces conversions que Louis XIV justine la revocation considérant le protestantisme disparu. Louis XIV a en effet besoin de 1'appui du clergé catholique pour gagner le terrain perdu face á 1'Espagne catholique. La revocation met les protestants en état de choc. La peur prend le dessus : 200 000 ďentre eux émigrent á 1'étranger vers la Suisse, 1'Allemagne, 1'Angleterre, les Provinces-Unies ou le Nouveau Monde. Les noms ďorigine francaise en Europe sont, de nos jours, la trace de cet exode. Pour ceux qui s'obstinent á rester en France, la repression est implacable : condam-nations aux galěres, interdiction de sepulture... La conversion est obli-gatoire, ce qui pousse de nombreux protestants á se réfugier dans une double vie oú la resistance religieuse est exercée dans des lieux secrets. Cest la periodě du « desert » oú les protestants, par reference á la Bible, prient dans des lieux isolés. Partie iv Le XVIIe siecle (1610-1715) : le « Grand siecle » ■ 1685. La coalition d'Augsbourg : I'Europe inquiete Les princes allemands sont choques par la revocation de l'edit de Nantes et par les pretentions autoritaires de Louis XIV sur la principaute du Palatinat, heritage de sa belle-sceur, la princesse Palatine. lis forment done une ligue contre la France comprenant l'Allemagne, l'Espagne, les Provinces-Unies et l'Angleterre. Les rancceurs anti-francaises s'accumu-lent progressivement et l'Angleterre redevient rivale. ■ 1695. Un effort de guerre finance par tous Louis XIV demande un impot exceptionnel a ses sujets pour soutenir l'effort de guerre du a la coalition engagee contre la France. C'est a l'occasion de cet impot appele « capitation » que Ton decouvre une situation revolutionnaire dans son principe, dans la mesure oil tous les sujets sans distinction doivent le payer ! Tentative de reforme moderne de I'impdt 22 classes sont etablies, definissant le taux d'imposition, et ces classes melent les trois ordres : noblesse, clerge, tiers etat. Ainsi, dans la premiere classe peuvent se cotoyer princes de sang et roturiers ! La distinction par la richesse se mele desormais a la selection par le rang social. Toutefois, la noblesse et le clerge s'arrangent pour ne pas payer cet impot! La revolution fiscale n'a pas eu lieu malgre son aspect novateur. ■ 1700. Retournement geopolitique : la reconciliation franco-espagnole Les enfants de Louis XIV descendent des rois d'Espagne par leur mere. Mais le roi Charles II, demi-frere de Marie-Therese l'epouse defunte de Louis XIV, meurt cette annee-la sans descendance. Par testament, sur le conseil des autorites religieuses, il legue l'Espagne a l'un de ses petits-neveux francais : Philippe dAnjou, petit-fils cadet du roi de France. L'offre du royaume d'Espagne a un prince francais permet a la France d'eviter le grand peril du bloc Habsbourg reconstitute, mais cette situation diplomatique est tres difficile a gerer. Certes, l'alliance avec l'Espagne est prometteuse du point de vue du commerce colonial. Mais les autres pays d'Europe, inquiets, se coalisent autour de l'Empereur contre la France. Cette derniere et l'Espagne rassemblent leurs forces et combattent ensemble. Pour faire face, l'Etat francais renforce son organisation Les Francais au XVIP siěcle Chapitre 5 administrative pour collecter 1'impót et assumer un considerable effort de guerre : le royaume n'a jamais payé autant ďimpóts, pourtant aucune revoltě antiíiscale n'a lieu, signe de la solidite de 1'État francais. ■ 1702. Le siěcle debute dans la guerre La France et I'Espagne contre la coalition Pour imposer Philippe V (titre du nouveau roi d'Espagne, Philippe d'Anjou), les Francais et les Espagnols sont en perte de vitesse. Les guerres contre la coalition sont particuliěrement difficiles car 1'armée espagnole est peu nombreuse et ses chefs médiocres, alors que les coalisés sont servis par des généraux de talent, dont le fameux anglais Marlborough. Marlborough s'en va en guerre ! Cest Le personnage de La chanson Malborough s'en va en guerre. Ce généraL angLais est charge du commandement en chef de cette guerre de succession d'Espagne. Son nom est francisé dans La fameuse chanson. Madrid méme est menacée, provisoirement perdue... Les temps sont sombres pour Louis XIV et son petit-fils, devenu roi d'Espagne. Le préten-dant rival, l'archiduc Charles, frěre du nouvel empereur d'Allemagne, prend possession des territoires espagnols. La conjoncture semble particuliěrement défavorable á l'alliance franco-espagnole. Cette guerre va durer jusqu'en 1713. Les ca mi sards entrent en resistance La revocation de l'edit de Nantes offre une alternative aux protestants refusant la conversion : l'exil ou la clandestinité. Dans le Languedoc, foyer important du protestantisme francais, beaucoup de protestants se sont réfugiés dans les regions montagneuses des Cévennes. En 1702, un mouvement de resistance armée s'organise autour de plusieurs chefs militaires s'investissant d'une mission religieuse, comme Jean Cavalier, un apprenti boulanger. Cest le debut de la Revoltě cami-sarde, dont le nom a sans doute pour origine la chemise qu'ils portent. Les camisards, bien que tous originaires de la paysannerie ou de l'artisanat rural, se rebellent pour des motifs purement religieux et non sociaux. Ainsi, entre 1702 et 1705, ils multiplient les attaques deglises et de villages catholiques, n'hesitant pas á tuer les cures les plus intransigeants. Les Partie iv Le XVIIe siécle (1610-1715) : le « Grand siécle » troupes royales chargées de ramener ľordre s epuisent face ä une guerilla bien organisée connaissant parfaitement le terrain. Cependant, le rallie-ment de Jean Cavalier, ä qui ľon offre une recompense, et ľexécution des principaux chefs mettent progressivement fin ä la revolte. Le symbole des guerres de religion La Revolte des camisards constitue ľultime rebondissement des guerres de religion nées au XVP siécle. La repression royale, trés dure, marquera durablement les esprits dans la culture populaire cévenole, un peu ä ľimage de ce que vivront quelques décennies plus tard les Vendéens durant la Revolution. ■ 1709. Un souffle glacé sur la France Ľannée 1709 assombrit encore cette atmosphere grave de fin de régne. La crise gronde aprés plusieurs défaites militaires et des intempéries surviennent: une terrible vague de froid s'abat sur la France et géle toutes les récoltes. La population meurt en masse de f aim et de froid. La détresse physique et morale est totale : les pauvres quémandent merne aux grilles du chateau de Versailles. ■1711. Des catholiques rejetés : les jansénistes Deux ans plus tard, les temps sont toujours aussi sombres. Avec la merne intolerance que pour les protestants, Louis XIV éradique les catholiques hors normes pour les f aire entrer « dans le moule ». Les jansénistes sont en effet en situation delicate car leur mouvement géne ľÉglise en place et le roi, devenu drastiquement Roi Trés Chretien. Les jansénistes doivent entrer dans le rang Le jansénisme n'a pas une doctrine établie. C'est un mouvement catholique, derive des écrits d'un certain Jansen de Louvain, dont le traité l'Augustinus met en valeur la notion de grace de Dieu pour L'homme, soumis aux passions et au péché. Le livre de Jansen est publié en 1640 et anime alors avec passion les débats religieux parisiens. Relais de ses idées, ľabbé de Saint-Cyran devient le propagateur du mouvement, accompagné par la famille Arnauld dont une des sceurs est mere Angélique, L'abbesse de Port-Royal. Ce mouvement géne déjä Richelieu qui affirme que « M. de Saint-Cyran est plus dangereux que six armées » et qui L'enferme au donjon de Vincennes. Mais le mouvement ne s'éteint pas, car capter la grace divine passe par une vie de tension intérieure et de meditation. Antoine Lemaistre ouvre alors la voie de ľascétisme ; il se retire pour méditer ä Les Francais au XVIP siecle Chapitre 5 Port-RoyaL Son attitude de repli sur soi fait ecole, au moment ou La cour centralise frivolite et superficialite (hospitaLite donnee par L'abbaye aux « messieurs de Port-RoyaL »). Ferments potentieLs de troubles, les jansenistes inquietent a La fois I'Eglise cathoLique et L'Etat. Tous ceux qui ne se rangent pas derriere les convictions du roi genent le pouvoir, de plus en plus intransigeant, reclamant par la meme la normalisation religieuse. En 1679, deja, l'abbaye de Port-Royal devait subir l'expulsion de pensionnaires et de novices. Cette uniformisation atteint son paroxysme en 1709, quand 200 archers evacuent autoritairement les religieuses, et en 1711, lorsque Louis XIV fait raser l'abbaye et detruire son cimetiere, monuments qui dataient du XIIe siecle. ■1712. Hecatombe a Versailles En 1712, Louis XIV perd dans la meme semaine trois de ses heritiers qui meurent d'une rougeole infectieuse : son petit-fils le dauphin, due de Bourgogne, celui qui avait eu comme precepteur Fenelon; la dauphine Marie-Adelaide de Savoie que le roi affectionne particulierement; leur fils aine de cinq ans. Seul subsiste leur second enfant, le futur Louis XV, alors age de deux ans. ■1713. Entre conflit et paix Le pape contre les jansenistes A la demande de Louis XIV, le pape Clement XI condamne par lettre (appelee « bulle », nom du sceau papal) les propositions du theoricien janseniste Pasquier Quesnel: le roi veut porter un coup supplementaire aux jansenistes. Cette bulle dont le nom est Unigenitus va diviser le clerge francais pendant tout le XVIIP siecle. En effet, cette incursion de la papaute dans les affaires du clerge francais ne convient pas a une grande partie des prelats, soucieux de leur independance (gallicanisme). Une paix obligatoire Fait nouveau, le rival a la couronne d'Espagne, l'archiduc Charles, devient empereur d'Allemagne a la mort de son frere. II n'est pas question que l'Europe reconstitue un empire germano-espagnol aussi vaste que celui de Charles Quint ! Le nouvel empereur doit par consequent renoncer a ses pretentions sur l'Espagne selon les clauses du testament du defunt roi Charles II: la paix est signee en 1713 a Utrecht. Quant au roi d'Espagne d'origine francaise, il abandonne lui aussi, pour les memes raisons, toute pretention sur le royaume de France. Partie iv Le XVIIe siecle (1610-1715) : le « Grand siecle » ■ 1715. Soleil couchant Le royaume a recouvre la paix in extremis. Le Roi-Soleil s'eteint progressivement dune gangrene au mois d'aout 1715. Lucide, il dit: « Je m'en vais mais l'Etat demeure. » Conscient de sa mort imminente, Louis XIV regie sa succession dans les moindres details et fait ses adieux avec serenite. Inquiet cependant de 1'ambition potentielle de son neveu Philippe d'Orleans, il confie par testament la regence du futur Louis XV a un de ses fils batards legitimes : le due du Maine. Il meurt le ler septembre dans la dignite, laissant a son arriere-petit-nls survivant, un petit roi de 5 ans, un pays en accalmie. Le siecle de Louis XV commence. Le pouvoir absolu n'est pas I'absolutisme Le terme « absoLutisme », forge au XIXe siecle, n'est pas employe par Les hommes du siecle de Louis XIV. lis n'utilisent dans les textes que le mot « absolu » pour signifier le pouvoir du roi. D'ailleurs, Louis XIV n'a jamais prononce la phrase cliche qui lui est attribuee : « L'Etat, e'est moi. » II a en effet trop conscience de la priorite de l'Etat sur la personne du roi. La monarchie de Louis XIV n'est pas une dictature, des contre-pouvoirs existent comme les parlements provinciaux, meme si le contre-pouvoir que representait la noblesse se reduit avec son assujettissement. La monarchie est accumulation de principes (theories issues du droit romain, monarchie de droit divin, etc.), etayant les decisions d'un roi dont la forte personnalite et la longevite vont favoriser I'asso-ciation entre sa personne et l'Etat. Les Francais au XVIP siěcle Chapitre 5 Vision extérieure : La France renforce ses frontiěres et s'ouvre au monde ■ La France, une puissance protégée La France saffirme progressivement durant ce siěcle comme arbitre dans la guerre de Trente Ans, sous Louis XIII, puis sous Louis XIV, cette grande puissance européenne est suffisamment inquiétante pour provo-quer plusieurs coalitions contre elle, avec les Provinces- Unies (les Pays-Bas actuels) pour noyau. Lors du rěgne de Louis XIV, aucun ennemi ne franchit plus les frontiěres de la France métropolitaine. Cen est fini des mercenaires écumant les campagnes. Louis XIV ose méme transformer Paris en ville ouverte en détruisant ses murailles ďenceinte, prouvant ainsi á toute l'Europe sa confiance dans le systěme défensif mis en place par Vauban. En effet, ce dernier crée, aménage et consolide plus de 300 forteresses stratégiques, murailles defensives du « pré-carré » francais. Leur forme en étoiles superposées et leurs larges murailles les préser-vent contre l'artillerie moderně. Les fortifications des frontiěres reste-ront le maitre mot de la defense du territoire jusqu'a la construction de la ligne Maginot dans les années 1930. Vauban (1633-1707) : le protecteur de la France En 1678, Sebastien Le Prestre, seigneur de Vauban, devient commissaire general des fortifications apres s'etre impose par ses qualites polyvalentes d'architecte de forteresses defensives (pres de 300) et d'ingenieur de I'arme-ment. Sa vision d'une France protegee par des forteresses strategiques et des frontieres naturelles remporte I'adhesion du roi. L'objectif de Louis XIV est, par son biais, de doter la France d'une ceinture de places fortes imprenables. Grand tacticien militaire, theoricien de I'art du siege, on dit de lui : « Une ville cons-truite par Vauban est une ville sauvee, une ville attaquee par Vauban est une ville perdue. » Les guerres du XVIIe siecle prennent un tour different. Leur objectif est davantage centre sur la coherence des frontieres ; les hauts faits d'armes n'ont plus qu'un role annexe. A la fin du siecle, les contours de la France ont quasiment trouve leur profil actuel. La protection est devenue le maitre-mot de ces annees de consolidation des frontieres. Partie iv Le XVIIe siécle (1610-1715) : le « Grand siécle » ■ Les Habsbourg, encore et toujours La lutte frontale contre les Habsbourg allemands se termine quand Mazarin signe avec l'empereur d'Allemagne la paix de Westphalie en 1648. La carte de l'Europe se fige dans ses grandes lignes jusqu'aux guerres revolutionnaires et napoleoniennes. Quant au conflit avec les Habsbourg d'Espagne, il s'acheve veritablement en 1659, ä l'avantage de la France, par le traite des Pyrenees et le mariage de Louis XIV avec Marie-Therese. Toutefois, ce mariage espagnol possede les germes de nouveaux conflits avec les Habsbourg d'Allemagne, lorsque le petit-fils de Louis XIV, pour devenir roi d'Espagne, doit combattre, au debut du XVIIP siecle, son cousin de cette branche. ■ L'Angleterre en revolution permanente Charles Ier d'Angleterre, le beau-frere de Louis XIII (son epouse Henriette est la sceur du roi de France), est un roi quasi tyrannique, profondement catholique dans une Angleterre anglicane, ce qui heurte les sensibilites parlementaires. En 1649, alors que la France connait les troubles de la Fronde, le roi d'Angleterre est decapite. Une revolution en resulte et une republique est instauree pour quelques annees en Angleterre, avec pour chef Oliver Cromwell. Hache ou pendaison ? La grand-mére de Charles Ier, Marie Stuart, avait elle-méme été décapitée au XVP siede sur Les ordres de sa cousine La reine Elisabeth P d'Angleterre. Elle avait été la premiére reine d'Europe ä subir cet affront. Son petit-fils connait done le méme sort, ä une époque oú la decapitation est effectuée ä la hache ! Les nobles sont executes de cette maniere, tandis que les roturiers sont pendus ! Apres la mort de Cromwell, Charles II, fils de Charles Ier, restaure la monarchie des Stuarts en Angleterre. Ann de limiter toute derive du pouvoir royal, il doit reconnaitre Yhabeas corpus, texte protegeant les sujets contre les arrestations arbitraires. Son frere, Jacques II, va ensuite commettre les memes erreurs politiques et religieuses que leur pere. Ii est alors destitue en 1688 au profit de son gendre Guillaume III d'Orange, stathouder (chef militaire) des Provinces-Unies, un pays en grand developpement economique au XVIIe siecle. Guillaume d'Orange Les Francais au XVIP siede Chapitre 5 doit signer, en 1689, une Declaration des droits (Bill of Rights) limitant le pouvoir royal. C'est sur ce principe que se construira au siecle suivant le reve francais de la monarchie parlementaire. En cette fin de siecle, le danger anglais pour la France est reel car depuis quelques annees, Guillaume d'Orange se revele son principal ennemi, devenu plus puissant des deux cotes de la Manche. L'Espagne perd le Nord Les Provinces-Unies sont Les actuels Pays-Bas dont La principaLe province est La HoLLande. Ces Provinces-Unies obtiennent Leur independance en 1648 (eLLes appartenaient jusque-Lä ä L'Espagne). En revanche, Le Sud des Provinces-Unies restera espagnoL jusqu'au XVIIP siede (Pays-Bas espagnoLs, dont une partie formera La BeLgique en 1830). A cette epoque, eLLes seront rattachees ä L'Autriche, puis seront annexees par La France sous La Revolution et L'Empire. ■ La France s'elargit au monde La colonisation francaise debute au XVIP siecle. L'objectif est plus economique que politique, la France n'ayant pas l'ambition de creer un empire colonial. C'est surtout l'importation de denrees qui l'interesse. Le deploiement de ce debut de colonisation se porte principalement sur l'Amerique du Nord et sur l'archipel des Antilles. L'Amerique francaise SamueL de ChampLain fonde L'Acadie en 1604. La NouveLLe-France est creee en 1633. Vingt ans pLus tard, Le Canada est rattache ä La couronne de France avec pour capitaLe Quebec. ParaLLeLement, CaveLier de La SaLLe descend Le Mississipi, fonde La viLLe de Saint-Louis et La Louisiane en 1682, en hommage au roi de France. Sa capitaLe portera Le nom de Nouvelle-Orleans en 1718, en reference au regent Philippe d'Orleans. La Guadeloupe et la Martinique sont annexees ä partir de 1635 ainsi que la moitie occidentale de Saint-Domingue, actuelle Haiti (partagee avec l'Espagne), acquise en 1665. Plus au sud, la Guyane, appelee « France equinoxiale », devient francaise en 1626. Les planteurs francais y culti-vent le sucre et le cafe et mettent en place un commerce d'esclaves afri-cains ä partir de leur comptoir du Senegal, dans le cadre du commerce triangulaire structurant le commerce transatlantique. Encourages par Partie iv Le XVIIe siede (1610-1715) : le « Grand siede » l'Etat, d'autres comptoirs commerciaux s'implantent ailleurs, en parti-culier dans 1'océan Indien, initiatives encouragées par l'Etat. En 1664, Colbert crée aussi la Compagnie řrancaise des Indes orientales. Le commerce tríangulaire Les colonies manquent de main-ďceuvre. Un systěme trěs lucratif est alors mis en place, en trois étapes. La premiére consiste ä acheter des esclaves en Afrique (du Senegal au delta du Niger). Charges de pacotilles com me monnaie ďéchange, ces bateaux partent de Nantes, le port principal, ou de Bordeaux, La Rochelle, Saint-Malo, Le Havre, Honfleur, Lorient (port construit pour assurer le commerce de la Compagnie d'Orient qui donne son nom a la ville). Ces « négriers » échangent, auprěs de chefs de villages, les pacotilles contre des esclaves. La deuxiěme étape est leur transport vers les colonies ďAmérique, oú les esclaves sont ensuite revendus. La troisiěme étape consiste a ramener vers leur port ďorigine les mémes bateaux, cette fois porteurs de denrées coloniales trěs lucratives a la vente (sucre, café, tabac, coton) qui font la fortune des grands ports de l'Atlantique. Les protestants sont écartés des colonies ; la France se prive ainsi volontairement de capitaux et de commercants entreprenants, dont l'exode et le dynamisme vont bénéficier aux pays protestants d'Europe. L'empreinte européenne Aprěs la main mise de l'Espagne et du Portugal sur le monde au siede precedent, le XVIP siěcle voit apparaitre les prémices de l'expansion coloniale géné-ralisée des autres pays d'Europe, dont la France. Les autres contrées du monde vont subir, ä partir de cette époque, une empreinte de plus en plus forte de la culture européenne. XVIP : Les Frangais et Leur temps La vie quotidienne dans I'air du temps La langue se cristaLLise et scintiLLe Le siecie « cLassique » Partie iv Le XVIIe siede (1610-1715) : le « Grand siede » La vie quotidienne dans l'air du temps Aucune epoque ne doit etre jugee selon les criteres actuels. En effet, pour comprendre des comportements passes, des habitudes parfois etrangement inhabituelles, il faut tenter d'effacer en nous nos connais-sances scientifiques, nos croyances et nos valeurs prönees depuis l'enfance. C'est seulement au prix de cet effort d'objectivite que l'obser-vation des pratiques d'autrefois prend tout son sens. Ii s'agit d'integrer une autre facon de percevoir la vie quotidienne avec ses rites, ses objets, ses aliments, et de comprendre, en somme, d'autres codes. ■ Les parasites nes du corps Le lien etroit entre Taction de se laver et l'elimination des parasites n'est pas aussi evidente qu'il y parait. Apres la mort, le corps se decompose. Pour nos ancetres, c'est de cette pourriture interieure que proviennent puces, punaises, poux... Ces parasites naissent sans doute de la transpiration mal maitrisee ; pour les eliminer, il est done conseille de surveiller etroitement son regime alimentaire et non de se laver les cheveux ! D'ailleurs, les cheveux sont constamment poudres pour en oter les substances graisseuses et repandre une odeur agreable autour de soi. Par ailleurs, la mode des perruques insufflee par Louis XIV simplifie desormais la vie des hommes qui se rasent genera-lement la tete et portent, comme un chapeau, la perruque en societe. ■ Eau : attention danger ! Au XVIP siecle encore, chacun est intimement persuade que les pores de la peau sont permeables : il suffit de les observer de pres pour voir distinctement les petits orifices qui la composent, ouvrant ainsi le corps ä tous vents ! Tout liquide dans lequel on s'immerge est par consequent source potentielle de danger : l'interieur du corps peut en etre affecte. Or, depuis trois siecles, la peste fait des ravages reguliers, plus ou moins intenses. Les gens croient qu'elle se transmet de maniere impalpable, sans doute par l'eau et l'air, d'oü la peur de prendre un simple bain. XVIP : les Francais et leur temps Chapitre 6 Le bain de Sully Peii avant son assassinat, Henri IV convoque Sully. En arrivant, I'emissaire du roi est informe que Sully prend un bain. Sully veut en sortir pour repondre aux ordres du roi, mais nul ne veut prendre cette responsabilite sans en referer a ce dernier! Averti, le roi Henri IV demande alors conseil a son propre medecin qui confirme le danger d'une sortie de bain sans precaution ! Henri IV ordonne alors a Sully, par prudence, de I'attendre en robe de chambre et en bonnet de nuit. C'est lui qui se deplacera ! Ann de proteger les pores de la peau, l'enveloppe corporelle est en quelque sorte « encaustiquee », impregnee d'huiles variees. On ne se promene pas par temps brumeux de crainte d'obstruer ses pores. Cette erreur de perspective, qui fait prendre pour permeable ce qui est en fait impermeable, a joue jusqu'au XVIIP siecle un role essentiel dans les errements et tatonnements des pratiques d'hygiene. ■ Le beau linge : symbole de proprete Se laver consiste alors a se « bouchonner » avec du linge blanc, capable de retenir comme une eponge les impuretes emanant du corps. La proprete des personnes de qualite est materialisee par le linge a la blancheur la plus eclatante possible : grands cols blancs sous Louis XIII, poignets de dentelle, revers sur les bottes, lavallieres sous Louis XIV, dentelles un peu partout... La valeur du beau linge est tres forte au XVIP siecle car seuls les plus aises ont acces au linge le plus fin et le plus immacule. La proprete par le linge est alors un signe apparent de richesse : elle distingue et participe a l'art de la representation. Un voyageur anglais de la fin du XVIP siecle affirme ainsi : « Une bonne chemise de toile changee tous les jours vaut, a mon avis, le bain quotidien des Romains. » Une utilisation limitee de I'eau L'eau n'intervient que pour se laver la bouche et les mains, ce que fait le roi devant les courtisans reunis a son reveil. Louis XIV se lave les mains dans une eau melee d'esprit de vin, versee sur une soucoupe d'argent d'une aiguiere riche-ment ornee. II s'agit de la pratique de base de la proprete et de la sante au XVIP siecle. Partie iv Le XVIIe siede (1610-1715) : le « Grand siede » ■ Les effluves de partum pour tout effacer Au XVIIe siecle, le parfum est present partout sauf sur la peau. Ii exerce plusieurs roles : effluve de dissimulation, de plaisir et de purification. Ii est indispensable pour se promener dans une ville oü les ecoulements nauseabonds filtrent de toutes les ruelles. La mode est de porter devant soi une pomme d'ambre, valeur du geste esthetique associe ä la senteur agreable qui se degage de ce receptacle ä parfum. Des tampons de vinaigre permettent aussi de franchir, en se les placant sous le nez, les odeurs les plus deplaisantes. Par ailleurs, en guise de deodorant, des petits sachets parfumes sont places sous les aisselles, sur les hanches des robes ou sur le revers des pourpoints. Le parfum est utilise partout pour ses vertus pratiques mais aussi purificatrices. Ii rassure contre la peste emanant de l'air ambiant; son odeur seduisante est percue comme l'antidote de la pourriture et le vecteur de vertus fortifiantes pour l'esprit. Des bonnets miraculeux ! En 1670, La Pharmacopee royale de Moyse Charas fait etat de coiffes dont Les doubLures retiennent, accumulees dans La ouate, des racines d'iris, des fLeurs de Lavande, des petales de roses rouges, du muse, de L'ambre gris, tout ce fLoraL attiraiL pour« mieux conforter Le cerveau ». ■ Evacuer les humeurs absolument... Selon la tradition des medecins de l'Antiquite, le corps contient des impuretes multiples appelees « humeurs », d'oü l'expression « etre de bonne ou de mauvaise humeur ». Ii faut absolument evacuer les mauvaises humeurs qui impregnent tous les liquides : excrements, sang, transpiration, effluves, etc. Les purges sont done legion, et la plupart du temps preventives de maux imaginaires ou reels. La pratique des saignees, dejä en vigueur auparavant, se developpe de maniere exponentielle au XVIP siecle. La saignee, une pratique courante Dans tous Les textes, iL est question de saignees (incision faite ä L'aide d'un instrument, La Lancette, pour retirer du sang ou par L'apposition de sangsues). Madame de Sevigne decouvre par exempLe, par une Lettre envoyee par sa fiLLe La comtesse de Grignan, qu'une incision a ete pratiquee sur son petit-fiLs de trois ans, pratique qu'eLLe ne connaissait pas auparavant effectuee si jeune. On sait aussi que Richelieu etait saigne plusieurs fois par mois, et que Le Chirurgien de Louis XIII L'a incise une annee 47 fois ! XVIP : les Frangais et leur temps Chapitre 6 Une femme peut etre saignee plus de soixante fois pour des affections « morales ». La saignee est done le remede miracle par excellence du XVIP siecle. Elle precede tout evenement important comme rite de preparation, meme une eventuelle fatigue. L'affaiblissement general qui en resulte doit neanmoins en tuer plus d'un ! Le petit Louis sauve par sa gouvernante En 1712, toute La famiUe du futur Louis XV meurt de La rougeoLe, fort conta-gieuse. A La mort de Leurs parents, son grand frere de cinq ans qui en manifeste Les symptomes est saigne par Les medecins qui s'acharnent pour Le sauver: iL meurt dans La journee. Suivant Leur intuition, Les nourrices du petit due d'Anjou, aLors age de deux ans, entrent en revoLte, s'opposent au medecin et gardent L'enfant au chaud en Lui administrant des biscuits impregnes de vin. Remede efficace : iL mourra a 64 ans ! ■ Les vertus du sucre Desormais, les epices sont rejetees dans l'ombre, apres des siecles d'un regne prestigieux au cours desquels elles avaient autant de valeur que des pierres precieuses. La decouverte de l'Amerique, l'ouverture vers les colonies et les comptoirs situes a l'autre bout du monde amenent un flux de nouveaux produits, percus comme d'eventuels remedes. Le sucre, entre autres, devient le produit prefere au XVIP siecle, ce qui explique la prise de poids des elites, des femmes en particulier. II sert a concevoir de nouveaux sirops : de coing pour fortifier l'estomac, de la guimauve pour soulager les reins, et meme un sirop generaliste a base de marjolaine pour vider quelque humeur indifferenciee. Le sucre est cense purifier le sang et ameliorer sa circulation. ■ Le cafe et le tabac ravissent Au XVIP siecle, le cafe provoque un grand enthousiasme par ses vertus sur les capacites intellectuelles. Cette liqueur « noire » vient faire concurrence a la liqueur « rouge », porteuse d'ebriete et de deregle-ment. Fait de civilisation francaise, la liqueur doree du vin blanc vient de produire le Champagne, que le roi boit exclusivement, a partir de 1680, sous pretexte de medication. Le the est tres apprecie en Angleterre, et beaucoup en pronent les vertus, comme l'eveque d'Avranches qui l'appelle «le balai de l'intelligence », en raison de ses facultes a ordonner l'esprit! Partie iv Le XVIIe siede (1610-1715) : le « Grand siede » Quant au tabac, introduit en France par Nicot en 1560, il a d'abord servi en compresses comme remede contre les migraines de Catherine de Medicis. Au XVIIe siecle, il est tres repandu, apprecie pour son action therapeutique en temps de pestes. Il n'est pas fume mais prise, car fumer la pipe est vulgaire, tandis que priser est un signe de raffine-ment. Ainsi, le gentilhomme possede une tabatiere dans laquelle il puise de la poussiere de tabac qu'il hume par les narines. Cette pratique est percue comme une facon de se purger le cerveau ! Comme tous les autres produits de ce temps, l'usage du tabac associe l'agre-ment au geste preventif, jusqu'ä la prochaine decouverte de l'accoutu-mance. C'est ainsi que la belle-sceur de Louis XIV, la princesse Palatine, constate : « On l'appelle l'herbe enchantee parce que celui qui a commence ä en faire usage ne peut plus s'en passer. » Parcours de sante IL faudra attendre Le XVIIP siecLe pour contester La saignee par La moLLesse qu'eLLe entraine. L'affermissement par Le froid deviendra une nouveLLe vaLeur et L'on redecouvrira Les bienfaits du bain. La decouverte du vaccin a Lieu a La fin du XVIIP siecLe, quand Le medecin britannique Jenner permet d'enrayer La varioLe grace a La vaccine de La vache. Au XIXe siecLe, suite aux reflexions d'hygienistes, L'Etat s'emparera de La sante en mettant en pLace de grands travaux d'hygiene dans Les viLLes, deveLoppant notamment Les systemes d'evacuation des eaux usees. Les epidemies de choLera recuLeront aLors. Les progres des connaissances aidant, La decouverte des microbes et Le deveLoppement de L'immunoLogie suite aux travaux de Louis Pasteur permettront de forger de nouveaux refLexes et d'accroitre L'esperance de vie. La duree de vie des Frangais a ainsi ete muLtipLiee par trois en quatre siecLes : de 26 ans en moyenne au XVIIP siecLe a 35 ans en 1800, 45 en 1900 et pres de 80 ans de nos jours. XVIP : les Francais et leur temps Chapitre 6 La langue se cristallise et scintille Par un fondu enchaine du latin au francais, la langue de l'lle-de-France a emerge au XVP siecle des dialectes regionaux et a ete officiellement reconnue par l'ordonnance de Villers-Cotterets. La Pleiade en a fait ensuite une veritable langue litteraire, lui offrant un fonds plus riche de nuances par ajouts et inventions de mots nouveaux. Malgre tous les efforts de ses ancetres, le debut du XVIP siecle herite dune langue encore instable. II manque au francais les balises d'un dictionnaire et d'une grammaire structuree, veritable reference offi-cielle reconnue par tous. Premier inventaire du vocabulaire par le pere du tabac La premiere tentative de dictionnaire est Le Thresorde la langue frangoise pubLie en 1606 sous Henri IV par Jean Nicot, L'introducteur du tabac (« nicotiane », devenue depuis nicotine). IL s'agit d'un dictionnaire frangais/Latin, donnant pour La premiere fois Les definitions du sens des mots, sur Leur genre, Leur prononciation, Leur orthographe, Leur etymoLogie. C'est un point de depart de quaLite pour Les futurs dictionnaires. ■ Malherbe fait le menage... Au debut du XVIP siecle, le poete Francois de Malherbe, accompagne de Vaugelas, prend la situation du francais ecrit en main. D'une grande rigueur naturelle, il estime necessaire de creer une langue sobre, raisonnee, evitant les derapages et derives grace a un code etabli. A cote des dialectes regionaux encore tres vivaces partout (oil et oc), il existe a cette epoque quatre langues parlees au quotidien en Ile-de-France : le latin, langue des erudits et des savants ; le francais du Palais de Justice, parle par les hommes de loi; le francais populaire de la rue parisienne ; le francais de l'aristocratie et de la cour du roi de France. Malherbe choisit d'affiner la langue de l'aristocratie : « Le bon usage est l'usage de la cour », formule Vaugelas. Cette langue de la cour va devenir l'assise de reference de notre litterature et de notre langue actuelle. Malherbe l'epure et la norme, avec la volonte de rejeter les elements subjectifs au profit de phrases logiques, construites de maniere raisonnee. Il contribue a etablir une langue sobre, explicite par le sens. Sur cette phrase desormais ordonnee et policee va se cons-truire et se deployer la pensee « classique » », tres eloignee de la fantaisie debridee de la Pleiade. Partie iv Le XVIIe siěcle (1610-1715) : le « Grand siěcle » 1 L'Academie franchise au service ďun projet politique Stabiliser la langue francaise La volonté centralisatrice de Richelieu favorise le dernier degré vers la stabilisation de la langue frangaise : Richelieu est persuade du role essentiel quune langue doit jouer pour unir un peuple autour du roi. De maniěre dirigiste, il s'applique done á exercer un mécénat auprěs ďun groupe de lettrés susceptibles de jouer un role dans une future formalisation du francais. Afin de mettre tous les atouts de leur cóté, il leur accorde des privileges et les officialise comme membres ďune nouvelle institution : TAcadémie francaise, née en 1635. Choissez vous-mémes votre nom ! Richelieu laisse au petit groupe le choix du nom de 1'institution á laquelle ils vont appartenir. Ils hésitent alors entre Academie de 1'éloquence, Academie des Beaux esprits, Academie éminente et le plus sérieux Academie frangaise, leur choix final. Á 1'origine du projet, les membres de cette nouvelle academie sont un groupe de jeunes lettrés (le plus vieux a 42 ans). LAcadémie frangaise rédige alors 50 articles dont le but est de donner des regies á la langue frangaise afin de la clarifier et de la rendre capable de traiter des arts et des sciences (article 24), de puiser dans les meilleurs auteurs des moděles de dictions et de phrases (article 25) et de composer un dictionnaire, une grammaire (article 26). Ces articles sont fixes par Chapelain. Mais les grands projets initiés par Richelieu sont vite oubliés, exceptés la grammaire et le dictionnaire qui ne voit toutefois le jour que 56 ans plus tard ! En effet, au cours du siěcle, les académiciens se cantonnent á la critique littéraire, forme de surveillance de la normě, et aux activités mondaines bien éloignées de la táche longue et ingrate qui leur est confiée. Lors des reunions, dont nous avons conserve certains comptes rendus, les académiciens se montrent trěs prudents : ils observent et commentent 1'usage. Cest la langue de la cour qui prend le pas sur les dialectes régionaux. La langue frangaise est done celle parlée par Louis XIV et ses courtisans. Vaugelas et le projet du dictionnaire Devant I'inaction des academiciens autour de la mission du dictionnaire, Richelieu la confie a Vaugelas, disciple de Malherbe, le personnage de reference du groupe d'academiciens. Toutefois, tardant a recevoir les subventions prevues, Vaugelas ne peut realiser ce projet faute d'etre en mesure de se consacrer entierement a cette ceuvre. Sa mort, en 1650, en pleine Fronde, laisse en chan-tier le dictionnaire arrete a la lettre C. II aboutira seulement a la fin du siecle. XVIP : les Frangais et leur temps Chapitre 6 Mais les académiciens sont moins élitistes qu'on pourrait le penser. En effet, ils sont hostiles au jargon de specialitě et se centrent sur des choix de mots consacrés par un usage reconnu de tous. Leur souci primordial est la clarté, 1'éloquence et 1'élégance. Leurs initiatives permettent de fixer le frangais classique, non sans quelques derives de complexité apportées par des regies trop raisonnées. LAcadémie devient vite 1'autorité qui garantit la qualité du texte au regard de la norme. Ainsi, en 1660, Corneille remanie les vers de ses anciennes tragedies pour les mettre en accord avec les directives de Vaugelas. Le XVIP siěcle a tellement besoin de normes qu'un texte signé de Corneille ou de Descartes a moins de poids qu'une remarque de Vaugelas ! La bataille des dictionnaires Le dictionnaire de 1'Academie voit seulement le jour sous le rěgne de Louis XIV, en 1694. Pour faire face ä ce manque de réactivité, un académicien assidu, Antoine Furetiěre, fait dissidence et produit en douze ans son propre dictionnaire encyclopédique : il est édité en Hollande quatre ans avant le dictionnaire de 1'Académie, qui connait alors un grand déshonneur : eile doit assumer la comparaison. Les pamphlets critiques pleuvent avec des titres assassins de type « L'enterrement du dictionnaire de 1'Académie francaise» ou « Apotheose du dictionnaire de 1'Académie et son expulsion de la region celeste » ! Un ami de Furetiěre, Pierre Bayle, réfugié en Hollande par volonte d'opposition ä 1'intolérance religieuse, publie peu aprěs un dictionnaire. Ce Dictionnaire historique et critique sera, avec celui de Furetiěre, la reference sur laquelle s'appuiera I'Encyclo-pédie de Diderot au XVIIP siěcle. Cest ainsi que le XVIP siěcle a stabilise la langue francaise par laquelle s'epanouit, pendant la seconde moitié du méme siěcle, une littérature dite « classique ». Une institution immortelle En 1795, I'Academie frangaise est integree a I'lnstitut de France nouvellement cree, qui regroupe les academies des sciences, des arts, des inscriptions et belles-lettres, des sciences morales et politiques. Depuis 1805, I'lnstitut de France est installe quai Conti, sur la rive gauche de la Seine, a Paris. Le nombre d'academiciens ou « immortels » est limite a 40, tout nouveau membre devant remplacer un ancien academicien decede. Depuis 1980 et selection de Marguerite Yourcenar, les femmes peuvent revetir I'habit d'academicien. Le dictionnaire de I'Academie en est aujourd'hui a sa neuvieme edition, dont la parution progressive a ete lancee en 1992. Partie iv Le XVIIe siecle (1610-1715) : le « Grand siecle » Le siecle « classique » Dans un monde en mutation intellectuelle oil la Terre n'est plus au centre de l'univers, les conceptions en vigueur sont bouleversees. La fantaisie et l'imaginaire s'expriment dans un desordre et une creativite debridee en accord avec ce temps de remise en question, temps aussi des Frondes. C'est l'epoque du Baroque. Apres la date charniere de 1661, Louis XIV insuffle une puissante attraction culturelle par le biais dun mecenat tres actif, favorisant une tendance regentee par la raison : le Classicisme. Pierre Corneille, dont l'exceptionnelle longevite couvre quasiment tout le siecle, touche aux deux periodes, a tous les genres (du comique au tragique) et en assure la synthese. ■ La nouvelle tendance : salons et art de la conversation Les intellectuels sont a l'ecart de la cour sous Louis XIII. La vie litte-raire s'epanouit dans un ideal de depassement en des lieux nouveaux : les salons et quelques cercles prives. Les femmes s'y imposent de plus en plus ; certaines grandes dames de la noblesse accueillent, au cceur meme de leur hotel particulier, la vie litteraire de l'epoque. Le fleuron en est l'hotel de la duchesse de Rambouillet, surnommee « l'incomparable Arthenice ». C'est la que la litterature classique est en gestation. L'invention des salons Catherine de Vivonne, connue sous Le nom d'Arthenice (anagramme de son prenom), invente Le saLon Litteraire parisien dans sa « chambre bLeue », concept de saLon repris pLus tard au XVIIP. La quaLite des propos et un certain feminisme dominent entre Les esprits Les pLus bn'LLants du temps, toutes generations confon-dues. IL s'agit d'utiLiser La Langue frangaise dans toutes ses ressources, dans sa syntaxe La pLus pure, entre gens de Lettres bien eduques. Des jeux de portraits et de poesie, conduits souvent sans pedantisme, dominent Les activites Litteraires. Le pLus ceLebre de ses habitues est Le tres spiritueL Vincent Voiture. Dans ce miLieu raffine se forge L'ideaL de « L'honnete homme », homme courtois et bien eduque, generaLement oisif, qui pLait a tout Le monde sans faire de remous. Ces salons prestigieux inventent « la preciosite », inseparable de la culture aristocratique. La preciosite est l'art du bien parler et du bien ecrire pousse a son extreme raffinement ; avec la ferme volonte de s'eloigner de toute approche « vulgaire », dans le sens etymologique de XVIP : les Francais et leur temps Chapitre 6 « peuple ». Toutefois, le mouvement précieux est reste marqué au f er rouge du label critique, en grande partie ä cause de Moliěre et de ses Précieuses ridicules. Trěs ä ľécart des comportements de ses contemporains, un brin marginal et un temps rejeté en tant qu'ami de Fouquet, le généreux Jean de La Fontaine va laisser de son siěcle des portraits moraux éter-nels par le biais de ses Fables, particuliěrement ä ľhonneur dans notre systéme éducatif. ■ La pensée de Descartes devient cartésianisme Homme de 1'époque de Louis XIII, René Descartes, le savant-philo-sophe, est tout ďabord un guerrier qui s'engage dans les armées étran-géres. La řréquentation des autres cultures aiguise 1'acuité de sa pensée. II publie son recueil le plus connu, Le discours de la méťhode, et la formule « Je pense done je suis » est définitivement gravée au fronton de notre culture. Mettant en exergue la preeminence de la Raison, il exerce une influence internationale considerable dans l'Europe du XVIIe siécle. Le cartésianisme, synonyme de raison, est né, caractérisant l'esprit francais jusqu'ä nos jours. Descartes ne survit pas au rythme de Christine de Suede ! Personnalite tres deconcertante et atypique, La reine Christine de Suede gouverne seuLe, refuse de se marier et phiLosophe intensement... En pLein hiver, elle invite Descartes en Suede pour phiLosopher a 5 heures du matin ! Ce dernier ne resiste pas au froid et a ce rythme de vie : iL meurt a StockhoLm en fevrier 1650, L'annee ou Christine de Suede se fait couronner « roi », terme qu'eLLe se plait a porter par anticonformisme ! ■ Les engagements en faveur du jansenisme Le mouvement religieux janseniste a une tres forte influence sur la litterature et conditionne la vision des hommes du XVIP siecle : la liberte de l'homme est reduite, la grace de Dieu n'etant pas donnee a tous. Ainsi, le due de La Rochefoucauld exprime dans ses Maximes une forme aigue de ce pessimisme chretien. Blaise Pascal, quant a lui, Partie iv Le XVIIe siěcle (1610-1715) : le « Grand siěde » s'engage dans la polémique autour de ce mouvement et publie sous un pseudonyme les Provinciales (1656-1657), chef-ďceuvre de notre litté-rature. Pour réaliser une apologie de la religion chrétienne, ses notes et papiers sont rassemblés aprěs sa mort. Ce sont les Pensées de Pascal, magistrále revue des problěmes insolubles auxquels ľintelligence humaine doit faire face. Pascal invente la calculatrice D'une intelligence exceptionnelle, Pascal est tres jeune un surdoue. En mathe-matiques, il s'impose a 16 ans avec un Essai surles coniques et invente deux ans plus tard I'ancetre de nos calculatrices (la pascaline). II jette meme les bases du calcul des probabilites. ■ Des classiques pas si classiques... Les auteurs du regne de Louis XIV vivent dans un monde ou les droits d'auteur n'existent pas. Issus pour la plupart de la bourgeoisie, la recherche de mecenes est done pour eux vitale. Le mecenat de Louis XIV est ainsi decisif : le roi va encourager, a la fois par gout mais aussi par volonte de prestige, un mecenat tres actif sous forme de pensions renouvelees chaque annee. Les grands noms fleurissent alors sous son regne. Les theatres tragique et comique sont domines par Racine et Moliere, tous deux assumant des charges a la cour, en proximite etroite avec le roi. Cette connaissance des gouts du roi permet a Racine et a Moliere d'adapter leur ceuvre a la sensibilite et aux idees du monarque. Moliere, un familier du roi Jean-Baptiste Poquelin (1622-1673), dit Moliere, a souvent I'occasion d'assister au lever de Louis XIV en raison de sa charge de tapissier du roi, heritee de son pere. De cet observatoire au cceur de I'intimite royale, il ecoute converser les courtisans, le roi s'exprimer, rire ou s'indigner... II peut done saisir sa forme d'humour, connaitre son dedain des medecins. Le roi apprecie beaucoup les pieces de Moliere et assiste, en prive, meme aux pieces interdites. Les comedies de Moliere sont empreintes de cette familiarite avec le roi. Moliere raille les travers des hommes et de la societe : l'avarice avec Harpagon dans l'Avare, la melancolie avec Alceste dans le « Misanthrope », les pretentions sociales dun bourgeois avec Monsieur Jour-dain dans « Le Bourgeois gentilhomme »... 13 u >> a o u O © 160 XVIP : les Francais et leur temps Chapitre 6 ■ Deux pedagogues de renom pour deux dauphins Issus du clerge, Bossuet et Fenelon, le maitre et le disciple, ont ete tous deux le precepteur dun dauphin a vingt ans d'intervalle. Tres influent a la cour, Bossuet en est le grand predicateur, celui dont les sermons font trembler les plus libertins et dont les oraisons funebres marquent l'art oratoire. Avec une certaine lucidite, Fenelon prend le risque de criti-quer le pouvoir en place dans ses Aventures de Telemaque, ecrites pour son royal eleve. On joue ses pieces a la Comedie francaise, theatre d'Etat, fonde 7 ans apres la mort de Moliere. Un siecle de reference litteraire Notre epoque est profondement ancree dans La culture de ce XVIP siecle clas-sique. Pour preuve, les auteurs de ce siecle sont tous au programme scolaire. Enregistree au XVIP siecle, la langue que nous parlons est celle du siecle de Louis XIV. II ne nous est en effet pas facile de lire un texte du siecle precedent sans notes d'editeur, prouvant la le role decisif des formalizations grammati-cales et lexicales du XVIP siecle. Partie V Le XVIIP siede (1715-1814) : Lumieres et Revoluti SurvoL du siecle Le XVIIP siecle est qualifie de « siecle des Lumieres » en raison de l'influence de nouvelles idees portees par une communaute euro-peenne d'intellectuels. Ce siecle, marque par le long regne de Louis XV, voit emerger le role dune opinion publique de plus en plus incontro-lable, quand la liberte de parole et l'autonomie de reflexion deviennent les valeurs de l'homme « eclaire ». La France du XVIIP siecle, au milieu des conflits armes europeens et des rivalries economiques avec l'Angleterre, est le pays de reference de l'Europe cultivee. Avec pour bagage le statut de grande puissance, elle entre dans une ere de rayon-nement international apte a diffuser l'esprit des Lumieres aux autres nations, par le biais de la langue francaise et de ses idees vehiculees par I'Encyclopedie de Diderot et D'Alembert. Conjointement a la decouverte d'un nouvel art de vivre, les tensions montent et s'exacerbent a l'interieur du pays. Sous Louis XV, l'Etat tangue sous les vents violents nes des oppositions emergentes oil les parlements jouent un role decisif. L'aristocratie s'y durcit dans la defense de ses privileges, rejetant la majorite de la population dans l'insatisfaction sociale. Les problemes sont regies ponctuellement ou eludes, les dettes de guerre s'accumulent. Les idees, quant a elles, sont desormais brassees a l'ecart du pouvoir royal dans des espaces ouverts : salons, clubs, cafes.... Dans ce contexte, la monarchic francaise perd de la vitesse dans un ocean social, economique et politique de plus en plus houleux. La pesanteur du systeme de cour et le conservatisme ambiant des privile-gies freinent toute tentative de reforme. A partir de 1774, la situation s'aggrave et se noie progressivement sous Louis XVI, resultat de la convergence bouillonnante d'idees novatrices et de problemes concrets non regies. Partie v Le XVIIIe siěcle (1715-1814) : Lumiěres et Revolution De friction en friction s'embrase en 1789 le feu revolutionnaire, le roi Louis XVI se revelant inapte ä eteindre le brasier. L'annee 1789 ouvre une rupture fondamentale dans l'histoire de France. Apres quelques annees violentes, dominees par une nouvelle generation d'hommes petris d'idees nouvelles, l'Ancien Regime est mis ä bas, la Republique est proclamee en 1792 et le roi decapite. L'Europe est alors sous rinfluence de ce vent de liberte. Un jeune general, Napoleon Bonaparte, s'impose par un coup d'Etat en 1799 et centralise quasiment tous les pouvoirs sous le Consulat. Ses succes sur les plans exterieur et interieur legitiment ses pretentions imperiales : il est sacre empereur des Francais en 1804. Cet empire est une synthese entre les ideaux revolutionnaires et certains principes monarchiques. En politique interieure, Napoleon stabilise le pays apres des annees de troubles revolutionnaires et de gouvernements de transition. Parallelement, grace ä sa nouvelle puissance militaire, la France domine pendant quinze ans l'Europe sous l'egide de ce Stratege d'exception. Elle s'affirme alors comme la premiere puissance euro-peenne jusqu'ä la chute de Napoleon en 1814 face ä l'Europe coalisee. Les découvertes du siěcle Vers 1730 : sextant (instrument de navigation) 1752 : paratonnerre 1769 : machine á vapeur de J. Watt 1774 : identification de 1'oxygěne, naissance de La chimie modeme 1783 : montgoLfiěre 1785 : metier á filer mécanique 1793 : systéme métrique 1796 : vaccination contre La varioLe 1800 : pile éLectrique Survol du siěcle Filigrane chronologique : 1715-1814 En France A l'etranger Régence de Philippe d'Orleans (1715-1723) 1720 Reforme financiere de John Law Regne de Louis XV (1723-1774) marié ä Marie Leszczynska 1731-1732 Revoke parlementaire 1733-1739 Guerre de succession de Pologne 1740-1748 Guerre de succession d'Autriche 1751 Debut de parution de I'Encyclopedie de Diderot. 1756-1763 Guerre de Sept Ans 1762 Affaire Calas 1766 Seance de la flagellation : reaction royale contre les parlementaires 1768 Achat de la Corse 1770 Coup de Maupeou contre les parlementaires Louis XVI (1774-1791) marié ä Marie-Antoinette 1774 Edit de Turgot sur la libre circulation des grains. 1775 Guerre des Farines 1776 4 juillet Declaration d'Independance des 13 colonies americaines 1777 Entrée de la France dans la guerre ďlndépendance américaine 1783 Independance des Etats-Unis Partie v Le XVIIIe siede (1715-1814) : Lumieres et Revolution En France Ä l'etranger 1784 Affaire du collier de la reine des Etats-Unis reconnue par l'Angleterre 1786-1788 Echecs des tentatives de reformes de Calonne puis Lomenie de Brienne 1787 Constitution des Etats-Unis 1789 Etats generaux. Serment du jeu de paume. Prise de la Bastille. Grande peur. Abolition des privileges. Declaration des droits de l'Homme et du citoyen. Retour du roi ä Paris George Washington : 1er president des Etats-Unis. Revolution du Brabant 1790 Constitution civile du clerge. Fete de la federation 1791 Fuite de Varennes. Fusillade du Champ-de-Mars. Constitution et elections de l'Assemblee legislative 1792 Declaration de guerre. Arrestation du roi. Valmy. Fe Republique (1792-1799) La Convention (1792-1795) 1793 Insurrection vendeenne. Arrestation des deputes girondins. Comite de Salut public. Debut de la Terreur Defaite de Neerwinden 1794 Abolition de l'esclavage. Execution des Enrages, des Indulgents. Chute de Robespierre et des Montagnards Victoire de Fleurus Le Directoire (1795-1799) 1795-1799 Fondation des « republiques-sceurs » 1797 Conspiration des Egaux. Traite de Campoformio 1798-1799 Expedition d'Egypte Survol du siecle 1799 Coup d'Etat du 18 Brumaire par Napoleon Bonaparte Le Consulat (1799-1804) 1801 Concordat avec l'Eglise En France A l'etranger 1802 Paix d'Amiens 1803 Franc germinal 1804 Code civil. Execution du due d'Enghien. Sacre de Napoleon Premier Empire de Napoleon Ier (1804-1814) marie a Josephine de Beauharnais puis a Marie-Louise d'Autriche 1805 Victoire d'Austerlitz 1808 Revolte espagnole contre l'occupation francaise 1812 Campagne de Russie 1814 Abdication de Fontainebleau LA FRANCE DE 1715 Ä 1792 Acquisitions sous Louis XV Acquisitions sous la Revolution ^™ Frontieres de la France * Batailles 0 Residence royale Les Frangais au XVIIP siěcLe et sous Le Ier Empire La régence de Philippe ďOrléans : 1715-1723 Un vent de liberalisme et de nouvelles tentatives politiques, économi-ques et fmanciěres, accompagnent ici un reláchement des mceurs dans un interměde de paix extérieure. ■ 1715. La noblesse reprend ses marques La rupture avec le gouvernement precedent est nette dans la facon de gouverner. Le Regent met en place des conseils dirigés par des hommes issus de l'aristocratie : c'est la polysynodie. ■ Polysynodie Organisation collegiale du gouvemement par laquelle chaque ministre est remplace par un conseil. Dans Le cas de cette poLysynodie de La regence, iL s'agit de sept conseiLs. Les ministres de Louis XIV, issus en grande partie de la bourgeoisie, sont econduits. II n'est done pas question dune transition dans la continuity, comme pour la succession de Richelieu et de Mazarin. Toutefois, malgre des actions efficaces, la polysynodie est tres rapide-ment en echec. L'immense dette de l'Etat, heritee de Louis XIV, pese de tout son poids. La polysynodie permet neanmoins au Regent de s'imposer en manipulant les diverses formes d'opposition et en conten-tant la grande noblesse, revenue desormais au pouvoir. Partie v Le XVIIIe siěcle (1715-1814) : Lumiěres et Revolution Philippe ďOrléans (1674-1723) : un libertin au pouvoir Neveu de Louis XIV, fils de La princesse PaLatine, ce prince Bourbon intelligent et cultivé est ouvert aux idées nouvelles et hostile á tout fanatisme. Respec-tueux de l'État de droit et de la chose jugée, il fait libérer tous les prisonniers qui croupissent dans les cachots, 1'oubli administratif de la fin de leur peine étant alors frequent! De mceurs trěs debauchees, il est desservi par sa trěs mauvaise reputation, méme s'il sait parfaitement cloisonner action gouverne-mentale et vie privée. Entouré de maitresses, il est marié á 1'une des filles bátardes légitimées de Louis XIV. Homme dérangeant, il fait 1'objet de violentes critiques : on le soupgonne par exemple, á tort, ďavoir empoisonné tous les dauphins de Louis XIV. Ce dernier s'en méfie, craignant son ambition face á la fragilitě de son héritier de cinq ans : le petit Louis XV. Mais son action pendant la Régence prouve que les reticences de son oncle n'etaient pas fondées : il se montre au contraire trěs affectueux et attentif á 1'éducation de Louis XV, lui expliquant les affaires du royaume. Cest en partie gráce á lui que Louis XV sera I'un des rois de France les plus instruits. Lorsqu'on parle de la Régence, c'est toujours á celle de Philippe ďOrléans que 1'on se réfěre. Le style régence est done un style de mobilier du debut du XVIIF siěcle. ■ Ľerreur fatale : redonner le droit de parole aux parlements Pour obtenir les pleins pouvoirs, non prévus dans le testament de Louis XIV, le Regent restitue officiellement le droit de remontrance aux parlements, droit éludé sous le rěgne de Louis XIV La decision de restaurer ce droit va se révéler une erreur grave pour ľavenir de la monarchie : la breche de la contestation officielle des parlements est désormais ouverte. Droit de remontrance : un contrôle de la monarchie Les remontrances sont des objections que peuvent émettre les parlements et les cours souveraines lorsqu'un texte de loi ne leur parait pas conforme ä ľintérét de l'État ou au bien public. Cest au XVe siěcle que ce droit de remontrance est véritablement mis en place pour rendre applicables ordonnances, edits ou rěgle-ments. Le texte jugé irrecevable par le parlement est renvoyé au roi avec des remarques lui demandant de le reexamines Le roi peut cependant imposer son texte autoritairement et vient, dans ce cas, se presenter en personne devant les magistrats : c'est« le lit de justice ». Les Francais au XVIIP siěcle et sous le Pr Empire Chapitre i ■1718. La critique de la Régence Le Regent centralise toutes les critiques tandis que le petit roi est trěs aimé. II joue la le role habituel des premiers ministres de 1'époque : dévier les forces critiques sur sa personne. Voltaire, le symbole de 1'intellectuel du XVIIP siěcle, commence alors sa carriěre et ironise sur le Regent par une épigramme (petit poěme satirique) en latin. La reaction est immediate : il est enfermé pendant onze mois á la Bastille ; il inaugure une longue série d'emprisonnements pour fait de pensée critique, trěs frequents durant ce siěcle. L'esprit Régence : un nouvel art de vivre Le terme Régence entraine une association immediate avec debut de XVIIP siěcle oú un vent de Uberte, certes parfois débridé et Licencieux, souffle sur la France. Laustérité vieillissante du rěgne de Louis XIV est balayée par 1'expres-sion ďun non-conformisme ouvert au monde. Toute cette légěreté de vivre se déroule dans un cadre monarchique renouvelé : un roi vieux et autoritaire est remplacé par un bel enfant bouclé: ! Les fortunes rapides et fulgurantes, liées á la speculation, brassent les milieux sociaux dans une Uberte inconnue jusqu'alors. L'esprit Régence, c'est aussi une grande Uberte religieuse oú le concept ďathéisme amorce ses premiers pas. ■1720. Une affaire financiere ébranle la Régence Un Ecossais, John Law (francisé en « Lass ») introduit un systěme de monnaie papier appelé « systěme de Law ». Le systěme devient 1'affaire de Law en 1720 quand survient une banqueroute. Qu'en est-il de ce nouveau systěme monétaire introduit depuis quatre ans en France ? Ouvert aux idées nouvelles, le Regent autorise Law á introduire le papier-monnaie en France en 1716 par le biais ďune banque, en lien avec une compagnie de commerce, la Compagnie francaise des Indes. Les transactions se font dans la fiěvre d'une speculation effrénée rue Quincampoix. En quelques mois, 600 000 actions sont émises, gagnant quarante fois leur valeur de depart! Il s'agit la d'une vraie revolution des mentalités, car il faut une forte dose de confiance pour échanger du metal précieux contre du papier. Seul un phénoměne de mode pouvait y parvenir : le dernier chic est de payer en papier-monnaie ! Mais tout le systěme s'ecroule soudainement quand, á la suite ďun dělit ďinitiés, enfle une rumeur inquiétante : le tresor en dépót, garant des billets émis, serait ďune valeur inférieure á leur nombre en circulation. La panique s'empare des investisseurs. Ils veulent vendre le Partie v Le XVIIIe siede (1715-1814) : Lumiěres et Revolution jour méme dans une řrénésie contraire pour récupérer cette fois leur or. Bousculades mortelles, mines et suicides marquent au fer rouge ce réve spéculateur brisé. Échaudés pour longtemps par ce premier échec, les Francais vont se méfier du papier-monnaie pendant longtemps, aprěs une deuxiěme experience ratée avec les assignats de la periodě révolutionnaire. lis seront ainsi les derniers d'Europe á mettre en place un systéme bancaire (au XIXe siěcle). Le regne de Louis XV ; 1723-1774 Ce regne est marque par un pouvoir absolu, conteste progressivement par le mouvement des idees, l'opinion publique et l'opposition des parlements. Louis XV, sous influences, tente des comportements politi-ques differents fragilisant par son attitude l'image royale. Louis XV (1710-1774) : le Bien-Aime devenu Mal-Aime Orphelin a deux ans, roi a cinq ans, Louis XV est a La fois tres entoure et tres seuL. Sur ses epaules fragiles d'enfant roi repose L'avenir de La monarchie. Tres attache au souvenir de son arriere-grand-pere Louis XIV, iL se cree des affections fiLiaLes avec des personnes de substitution : sa gouvernante Madame de Ventadour qu'iL appeLLe « maman », Le Regent qui L'entoure d'attentions, et Le cardinaL de FLeury, charge de son education. Tres vite, iL delaisse son epouse bigote, Lasse d'enfanter, et muLtipLie Les maitresses dont La pLus emblema-tique est Madame de Pompadour, qui exerce un mecenat actif sur Les arts et Les Lettres. Tres intelligent et dote d'une excellente memoire, Louis XV se passionne pour la cartographie, les sciences et les techniques. II apprend le latin et regoit une excellente formation a la vie politique. De belle prestance, ce roi est d'une grande endurance physique et se revele, com me ses ancetres, un tres grand chasseur. Tout comme ses predecesseurs, Louis XV est un etre secret. II est enclin a la depression (on parle alors de ses « vapeurs »). Certainement tres timide, son image en public est celle d'un homme enigma-tique a la froideur de marbre. II semble ecouter mais donne souvent I'impres-sion de se desinteresser des affaires du royaume. Sa tendance au secret va amener ses contemporains a fantasmer autour de mysterieuses affaires le concernant: ils imaginent les pires malversations ou depravations par le biais de rumeurs et de libelles extremement dures qui vont eloigner le roi de son peuple. Le roi Bien-Aime devient au fil du regne le Mal-Aime. Les Francais au XVIIP siěcle et sous le Ier Empire Chapitre i ■1724. Maríer le roi : une urgence dynastique Une petite infante espagnole vit depuis plusieurs années á la cour de France en vue de son mariage avec son cousin Louis XV. Elle est char-mante mais encore trop jeune pour se marier. Linquiétude gagne : il faut ďurgence un héritier au roi. Cette incertitude dynastique ne peut durer. La decision de renvoyer la jolie infante chez son pere, le roi d'Espagne Philippe V, est done prise, ce qui provoque la honte et la colěre des Espagnols bafoués. Le choix se porte alors sur une cendrillon, sans dot, de sept ans l'ainee du roi mais en áge de proeréer : Marie Leszczyfiska, fille du roi de Pologne destitué. Le choix se révé-lera judicieux quant á sa recondite : ils auront huit filles mais un seul héritier mále survivra, le futur pere de Louis XVI. ■ 1726. Fleury : un vieillard au pouvoir Accuse de tous les maux, le principal ministře, le due de Bourbon, se voit brutalement écarté du pouvoir par volonté royale au profit du cardinal André-Hercule de Fleury, 1'ancien précepteur du roi. Le cardinal de Fleury (1653-1743) : le vieux sage Appartenant á La nobLesse, André-HercuLe de FLeury a exercé toute sa carriěre dans Le cLergé : il est évéque de Fréjus. Intelligent et cultivé, e'est un homme profondément intěgre et ďune grande moralitě, á une periodě oú Le libertinage et la Licence sont courants. Louis XV, sans pere, lui accorde une confiance quasi filiale. Á partir de 1726, « les années FLeury » vont étre les plus souriantes du rěgne de Louis XV. Le cardinal n'a sans doute pas des visions politiques de trěs grande envergure mais assume les problěmes avec realisme. II assainit Les finances par des economies et une meilleure administration financiere, stabilise la monnaie, donne une impulsion á I'industrie dans une tradition colbertiste et s'allie avec I'Espagne pour favoriser le commerce. Fait remarquable, il conduit les affaires de l'État avec la méme Constance jusqu'a sa mort á 1'áge fort avancé de 90 ans ! Cest le Premier ministře le plus vieux de 1'histoire de France ! ■1728. L'opposition janséniste invente la presse indépendante Les jansénistes, persecutes sous Louis XIV, structurent maintenant leur resistance face á 1'intolérance religieuse. Ils créent un journal bi-hedomadaire, Les nouvelles eeclésiastiques, tiré á 600 exemplaires, Partie v Le XVIIIe siede (1715-1814) : Lumiěres et Revolution porteur de la contestation á la bulle papale Unigenitus de 1713. Cette presse janséniste, persécutée mais trěs organisée pour survivre, est á 1'origine de la notion de presse indépendante, apte á nourrir par ses articles la reflexion critique de 1'opinion publique. Le parlement de Paris va soutenir son combat, alliant ainsi opposition janséniste et parlementaire. ■ 1731-1732. Le parlement de Paris entre en resistance La bulle Unigenitus revient constamment, au cours du siěcle, comme un ferment ďopposition entre le parlement de Paris et le roi. Le facteur déclenchant est la destitution des jansénistes par leur évéque. Le parlement s'oppose á 1'archevéque de Paris pour preserver 1'indépendance du clergé de France. En aoůt 1731, 300 magistrats se mettent en grěve ! Le roi recoit une delegation en mai 1732. Le dialogue ne s'instaure nullement puisque le roi donne 1'ordre au premier president de se taire et fait déchirer le texte du discours par le comte de Maurepas. Cest le moment ďune confusion generále oú se succědent arrestations en série, grěves, exils en residences surveillées. Le parlement se soumet en décembre 1732, mais cette crise laisse des traces ; il ressort grandit de cet affrontement et apparait alors comme un acteur important du jeu politique. Progressivement, 1'idée de separation des pouvoirs entre le roi et le parlement commence á s'immiscer. L'agitation parlementaire comme noyau de la contestation En 1730, Les parlements sont au nombre de douze en France, mais Le parLement de Paris joue un role essentieL par La taille de sa juridiction : un tiers de la France. II est Le gardien des Lois du royaume contre tout arbitraire. En effet, seul Le parlement de Paris enregistre tous Les edits et ordonnances du roi. Ce dernier a cependant Le droit de forcer autoritairement 1'enregistrement ďun acte juridique par un « lit de justice ». II s'agit ďune intervention personnelle et physique oú le roi, assis au milieu de coussins sous un dais fleurdelisé, impose par sa presence sa volonté absolue. Tous les membres des parlements sont propriétaires de leur charge : ils forment un veritable corps indépendant, animé par une forte cohesion liée á leurs charges héréditaires depuis Henri IV (vénalité des offices). Nobles, les parlementaires défendent leurs privileges et se posent en défenseurs du bien public. Toutefois, sous cette belle image de repré-sentants du pays, se dissimule en fait une caste ďaristocrates soucieux Les Francais au XVIIP siěcle et sous le Pr Empire Chapitre i de conserver leurs droits et privileges. lis forment ce que ľon appelle la « noblesse de robe ». Par leur biais, la contestation qui nait de la crise de 1730-1732 provient bien du haut de la société. Pour empécher toute intrusion de roturiers dans leur corps, les parlementaires vont progres-sivement exiger quatre quartiers de noblesse (pere et měre issus de la noblesse par leur quatre parents) ä ľachat dune charge, barrant ainsi la route de ľascension sociále ä la bourgeoisie. ■ 1732. Des miracles ä la pelle... Le mouvement ďopposition janséniste s'essouffle ä cause de l'affaire des Convulsionnaires du cimetiěre de Saint-Médard. II s'agit de miracles qui se produisent sur la tombe dun prétendu saint janséniste, un certain abbé Paris, mort en 1727 suite ä un ascétisme forcené, sanctifié par les pauvres gens ; la fureur miraculeuse devient alors un phéno-měne de mode. La terre du cimetiěre est merne vendue par sachets ! Excédé par cette agitation, le roi ferme par ordonnance le cimetiěre. Pour autant, le mouvement « convulsionnaire » ne s'éteint pas et persiste jusqu'ä la Revolution, desservant la cause janséniste par ses derives hystériques. ■ 1733-1738. Le retour de ľengrenage de la guerre : la Pologne Le roi de Pologne, Auguste II, meurt en 1733. La France soutient alors ľélection du beau-pěre de Louis XV, Stanislas Leszczyfiski. Comme son election est contestée, la France s'engage militairement ä ses côtés. Cette guerre est un échec. Stanislas est chassé du tróne polonais mais recoit en compensation la Lorraine lors du traité de Vienne en 1738 qui met fin ä la guerre. Devenu due de Lorraine, Stanislas installe une cour briliante ä Nancy. L'actuelle place Stanislas est ľhéritiere du faste de cette époque. La France récupérera quelques décennies plus tard cette province, en 1766, ä la mort de Stanislas. La repercussion de cette guerre est ľaugmentation significative de la dette de l'État. Or, tout probléme financier renforce le pouvoir du parlement, sollicité par le roi pour toute demande de subsides supplémentaires. ■ 1742. La police du livre existe : la censure L'opinion publique se développe, discute, échange, noblesse et bourgeoisie confondues, dans des lieux de parole incontrôlables : salons, clubs, cafes. La repression est forte. Les Lettres anglaises ou Lettres Partie v Le XVIIIe siede (1715-1814) : Lumieres et Revolution philosophiques publiees par Voltaire sont brulees comme livre « scandaleux, contraire a la religion, aux bonnes mceurs et aux puissances ». En 1742, pour renforcer la surveillance, un corps de censeurs royaux est cree : ils chassent et brulent les livres indesirables. Les auteurs fuient la France des la parution de leur ouvrage ou sont embastilles quelques mois (522 personnes seront ainsi emprisonnees pour publication de livres de « mauvaise lecture » sous Louis XV). Les auteurs et les imprimeurs s'ingenient done constamment a detourner la censure. ■ 1743. Louis XV cherche sa voie A la mort du cardinal de Fleury, Louis XV annonce sa volonte de gouverner seul sans principal ministre, a l'imitation de son arriere-grand-pere Louis XIV, son modele de reference. II a 33 ans, son prestige est intact, il est surnomme Louis le Bien-Aime. Les conditions sont la, mais beaucoup se montrent reticents sur ses capacites a gouverner et a preter interet aux affaires de l'Etat. Le marechal de Noailles en appui Louis XV vient de perdre son ami, son mentor: le vieux cardinal de Fleury. Par manque d'assurance ou d'esprit de synthese, Louis XV semble constamment eprouver des difficultes a se faire seul une opinion. Ainsi recherche-t-il I'appui intellectuel du due de Noailles. II debute avec lui, a cette fin, une correspon-dance secrete durant plusieurs annees. ■ 1745. La Pompadour impose son style Peu apres la glorieuse victoire de Fontenoy, au faite de sa breve gloire militaire, Louis XV impose a la cour la marquise de Pompadour. Maitresse du roi pendant cinq ans, elle restera toute sa vie son amie et influencera meme certains choix politiques. Mais ses conseils ne sont pas toujours judicieux en politique, notamment lorsqu'elle fait remplacer des ministres competents par des amis personnels qui le sont beaucoup moins ! Ces precedes ne favorisent pas la cohesion du gouvernement. Sous ce regne, rinefficacite de certains resultats, en particulier militaires, est souvent liee aux querelles de personnes. Les forces s'epuisent dans cette division et ces incompetences. Les Francais au XVIIP siěcle et sous le Pr Empire Chapitre i Madame de Pompadour (1721-1764) : le raffinement au pouvoir Jeanne Antoinette Poisson n'est pas noble. ELLe est introduite auprěs du roi par un groupe de financiers dominés par la famille Paris. Pour la premiére fois, une favorite royale est issue du milieu de la roture quand la noblesse, de son cóté, reprend les rénes du pays. Intelligente, elle a regu une excellente education qui l'a conduite á se passionner pour les arts et les lettres, sans oublier bien sur 1'art de la conversation. Durant tout son « rěgne », elle va exercer un mécénat et soutenir les artistes de son temps, protégeant méme le grand projet de 1'Encydopédie. D'un gout exquis, elle s'habille merveilleusement bien et insuffle son empreinte á 1'art de la decoration, le style Pompadour. Délicieuse-ment feminine, elle devient la directrice des plaisirs de Louis XV, 1'entourant de bien-étre et de raffinement. Malgré la haine á son égard, surtout de la famille royale, elle finit par devenir pour le roi une presence indispensable, agréable, rassurante et apaisante. Á sa mort, en 1764, le roi affirme avec beaucoup de chagrin qu'il a perdu sa meilleure amie. ■ 1740-1748. L'escalade de la guerre autour de 1'Autriche Un jeu d'alliances complexe La guerre de succession d'Autriche est une des plus complexes du XVIIP siecle, inaugurant les jeux compliques d'alliances entre pays europeens. La France est engagee presque malgre elle dans ce conflit par son alliance en demi-teinte avec l'Espagne, opposee a l'Angleterre du cote des Carai'bes. La France est prise egalement dans un autre jeu d'alliance qui l'amene a prendre position, avec la Prusse et la Saxe, en faveur du candidat de Baviere a la succession de l'empereur Charles VI (celui que la France combattait deja lors de la guerre de Succession en Espagne, au debut du siecle). II s'agit cette fois de s'opposer a sa fille Marie-Therese (la future mere de Marie-Antoinette), soutenue par les Anglais et les Hollandais. La situation est, de plus, embrouillee par le petit-fils de Fouquet (le surintendant emprisonne au XVIP siecle). Celui-ci prend des initiatives diplomatiques, s'engage pour la France et embourbe la situation ! Toutefois, malgre des interventions militaires francaises, la declaration officielle de guerre contre l'Autriche n'a vrai-ment lieu qu'en 1744. Partie v Le XVIIIe siede (1715-1814) : Lumieres et Revolution Dans un siecle de libertinage, Louis XV se repend de ses fautes Le roi part a La guerre, et une de ses maitresses, La duchesse de Chateauroux, Le rejoint sur Le Lieu des operations miLitaires en juiLLet 1744. Le scandaLe de L'aduL-tere pointe a L'horizon. Le roi tombe aLors gravement maLade a La suite d'une forte fievre : ceLa est interprets comme un chatiment divin par Le parti devot. A L'articLe de La mort, iL demande L'extreme-onction mais Les devots ne La Lui deLi-vrent qu'en echange du repentir humiLiant de ses mauvaises mceurs devant temoins, en L'occurrence queLques habitants de Metz rassembLes a son chevet! Le roi est sauve par La robuste constitution des Bourbons, mais ses paroLes expiatoires sont cependant Lues dans toutes Les egLises du royaume, Le discredi-tant considerabLement. 1745. Fontenoy : une victoire d'image De cette guerre reste le souvenir de la glorieuse bataille de Fontenoy (en Belgique actuelle) contre les Anglais. Cette bataille a lieu le 11 mai 1745 sous le commandement du prestigieux marechal de Saxe (arriere-grand-pere de George Sand), en presence du roi lui-meme. Cette bataille sert ensuite a magnifier l'image de Louis XV. C'est ce jour la que les generaux anglais et francais, apres force coups de chapeaux, echangent des civilites restees celebres : « Messieurs les Anglais, tirez les premiers ! », meme si ce n'est sans doute pas reellement cette phrase qui a ete prononcee. La culture dans la guerre Tres en avance sur son temps, Le marechaL de Saxe pense qu'un soLdat n'est pas une mecanique mais un etre humain. Afin de Le motiver et de maintenir son moraL, iL fait jouer, par Le biais d'un organisateur de spectacLes, des operas comi-ques La veiLLe meme des combats. L'actrice principaLe annonce aLors Le programme, sans sourciLier, au public d'officiers et de soLdats : « Messieurs, demain reLache a cause de La bataiLLe que donnera monsieur Le marechaL; apres demain, Le coq de village, Les amours gnvoises... » Malgre cette belle victoire de Fontenoy, les Francais ne retirent aucun benefice de cette guerre contre l'Autriche, generalisee a l'Europe par le jeu des alliances. La paix est signee a Aix-la-Chapelle en 1748. Match nul: elle aboutit a la restitution reciproque des territoires ! L'opinion publique, phenomene emergent, s'indigne de ce constat d'echec pour une guerre aussi couteuse et aussi meurtriere. Les Francais au XVIIP siede et sous le Ier Empire Chapitre i Le Pont-Neuf comme lieu d'expression Le peuple s'exprime sur le Pont-Neuf de Paris : on y trouve ainsi une brochure satirique synthétisant les cinq plaies de la France, sorte de résumé des problěmes depuis le debut du siěcle : la bulle Unigenitus, le systéme de Law, les convulsions, le ministěre Fleury et la paix d'Aix-la-Chapelle. ■ 1752-1755. Mourir avec auton'sation La contestation parlementaire s'enflamme en 1746 quand l'intransi-geant archeveque de Paris impose le « billet de confession » indispensable pour mourir ! Ii s'agit de recevoir un papier prouvant que le pretre ayant delivre l'extreme-onction est bien un confesseur autorise, qui accepte la fameuse bulle Unigenitus. C'est un moyen detourne de viser les jansenistes, opposes ä ce document papal de 1713. Des mourants se voient ainsi refuser les derniers sacrements, au risque de la damnation eternelle. L'emeute populaire gronde... Le parlement, favorable aux jansenistes, s'oppose alors ä cette mesure en mettant sous sequestre les biens et revenus de l'archeveque de Paris. En mai 1753, le pouvoir reagit ä cette opposition en faisant arreter ou exiler des magistrats. Le negociateur entre le parlement et le roi est un noble de grande lignee, un prince de Conti, de la fameuse famille rebelle des Conde ! La grande noblesse s'oppose ainsi au roi, provo-quant ä nouveau des greves, des remontrances et de l'agitation. Le roi rappelle alors, en 1754, les parlementaires rebelles : ils reviennent en triomphateurs ! Par une escalade du mouvement d'opposition, le parlement nie la bulle Unigenitus le 18 mars 1755, remettant en question la legislation royale. Les confidences premonitoires de Louis XV Le roi dit ä un de ses familiers : « Ces grandes robes et le clerge sont toujours ä couteaux tires ; ils me desolent par leurs querelles, mais je deteste bien plus les grandes robes. Mon clerge, au fond, m'est attache et fidele, les autres voudraient me mettre en tutelle. Le Regent a eu bien tort de leur rendre le droit de remon-trance, ils finiront par perdre I'Etat. » 1756. Les parlements en remparts des privileges Au moment ou debute la guerre de Sept Ans, la contestation parlementaire gagne la province. Le parlement de Paris etait jusque-la le seul sur Partie v Le XVIIIe siede (1715-1814) : Lumiěres et Revolution le front officiel de la defense du bien public ; desormais, l'opposition organisee gagne la province. En decembre, Louis XV fait enregistrer divers edits qui heurtent de front les magistrats parisiens. ■ 1757. Damiens poignarde le roi Un attentat accroit le trouble general: le 5 Janvier 1757, Louis XV est frappé dun coup de couteau par un déséquilibré infiltré á Versailles. II a plus de peur que de mal, car c'est l'hiver et ses épais vétements font rempart au coup mortel. Son agresseur, Robert-Francois Damiens, est un personnage exalte et instable ayant servi dans le milieu parlementaire ; les propos hostiles au roi ont alors pu influencer son esprit déséquilibré. Ses motivations ne sont pas vraiment élucidées quand il est condamné pour lěse-majesté á une mort horrible : torture et écartělement, comme Ravaillac autrefois. Les belles dames vont au chátiment comme au dernier spectacle á la mode : sang et violence sont au rendez-vous place de Grěves, l'actuelle place de l'Hotel de Ville á Paris. Se sentant mal aimé de son peuple, Louis XV déprime. Dans cet environnement de plus en plus sombre, Choiseul exerce une grande influence sur le roi, destabilise et use par les déboires militaires et par l'opposition récurrente des parlements. Un aristocrate au pouvoir : le ministěre Choiseul (1758-1770) L'aristocratie occupe de plus en plus de place au gouvernement. Desormais, c'est un ministře issu de la grande noblesse qui joue pendant douze ans un rčle-clé. Le due de Choiseul (1719-1785), aristocrate modéré, ami de Madame de Pompadour, est en effet nommé secretaire ďÉtat á la Guerre puis aux Affaires étrangěres. Sous ces titres, il exerce les fonctions de « principal ministře », mais sans en avoir le titre officiel, artifice habile pour éviter les critiques fron-tales. Trěs cultivé, il est, contrairement au roi, proche des idées des encyclopé-distes et entretient méme une correspondance avec Voltaire. Pendant ce temps, l'Angleterre affirme sa puissance maritime et renforce sa flotte. La derniěre action du due de Choiseul, en 1770, avant sa disgrace, est la négociation du mariage de la plus jeune fille de 1'impératrice Marie-Thérěse d'Autriche avec le dauphin Louis : Marie-Antoinette entre dans l'histoire de France. Les Francais au XVIIP siecle et sous le Pr Empire Chapitre i ■ 1762-1763. La suppression de I'ordre des Jesuites Faisant preuve de leur force, les parlements, hostiles aux jesuites favo-rables a la papaute, les rayent juridiquement de la carte. Les parlements soutiennent en effet l'autonomie du clerge francais (le gallicanisme) visa-vis de la papaute. Pour cette meme raison, ils sont proches des janse-nistes tres en retrait vis-a-vis du pape. Autour cette fois de la cause des jesuites, une veritable flambee de contestation parlementaire embrase a nouveau le pays. Les jesuites : la cible des parlementaires La majorite des parlementaires sont pourtant issus d'ecoles jesuites, dont le fameux college de Clermont (actuel lycee Louis-le-Grand a Paris). En effet, depuis leur fondation au XVP siecle par Ignace de Loyola, les jesuites ont exerce un role capital dans le domaine de I'education. Toutefois, une cabale euro-peenne se souleve contre eux. Le prince de Conti, un membre de la famille Conde travaille le terrain dans I'ombre. Le parlement de Paris les bannit du royaume. Leurs biens sont confisques. Le pape lui-meme les abandonne en 1773. Les parlements marquent la une formidable victoire en exergant un contre-pouvoir face a un roi depasse par les evenements, dont le confesseur etait d'ailleurs un jesuite. ■ 1756-1763. Une guerre « mondialisee » de sept ans Des alliances inedites Cette annee-la debute la guerre, appelee par la suite « guerre de Sept Ans » : elle touche quatre continents : l'Europe, l'Amerique, l'Afrique et l'Asie, meme si la plupart des combats ont lieu sur les deux premiers ! L'important mouvement d'alliances est egalement nouveau : la France s'allie cette fois a 1'Autriche, et l'Angleterre s'allie a la Prusse de Frederic II. En 1756, un traite signe a Versailles enterine la nouvelle alliance avec 1'Autriche. Les Francais et les Prussiens sont desormais face-a-face. En meme temps, un conflit franco-anglais a dominante maritime voit le jour autour de rivalries commerciales en Amerique. La France est done engagee sur deux fronts : une guerre navale et coloniale et une guerre continentale. Les Francais ont le vent en poupe et gagnent quelques batailles, puis e'est le declin : la guerre s'essouffle par des commande-ments oil la faveur prime sur le merite. Le commandement francais est divise, l'incompetence et les querelles d'interets font loi. Les consequences de ces conflits pour la France sont surtout financieres. Partie v Le XVIIIe siede (1715-1814) : Lumiěres et Revolution Le coút de la guerre La guerre návale a ajouté aux guerres traditionnelles des couts considerables. Ainsi, pour avoir une vision comparative, 1'arriéré de la dette se monte á 467 millions de livres en 1764, alors qu'il était seulement de 21 millions de livres á la fin de la guerre precedente. La France perd le Canada et le Senegal mais conserve la partie ouest de Saint-Domingue (1'actuelle Haiti), Saint-Pierre-et-Miquelon, la Martinique, la Guadeloupe, Sainte-Lucie et la petite íle de Gorée au Senegal, téte de pont de la traite des esclaves sur le continent africain. Sept ans pour en finir Aprěs sept ans de guerre, la lassitude gagne. Tous les belligérants souhaitent la paix. Elle est signée á Paris le 10 février 1763. Cette guerre est un peu abstraite pour le peuple francais puisqu'elle s'est déroulée hors de France. En revanche, sa repercussion financiere, extrémement lourde, est trěs mal vécue. Au-delá des repercussions internes, la guerre de Sept Ans a bouleversé les rapports de forces en Europe. L'Angleterre s'impose comme une grande puissance : elle contróle 1'Amérique du Nord et 1'Inde. Le Quebec change de couronne Au milieu de « ses arpents de neige », le Quebec intěgre alors 1'empire britannique qui lui reconnait rapidement ses spécificités linguistiques (francophone) et religieuses (catholique). La France conserve File de Saint-Pierre-et-Miquelon á 25 km du Canada. ■ 1764. La fin du protectionnisme economique Choiseul met en pratique les idees de Francois Quesnay, le chef de file des physiocrates. II instaure la libre circulation des grains a l'importa-tion et a l'exportation. Le protectionnisme de Colbert est desormais bien loin. Nouvelle doctrine economique (1756), la physiocratie prone les sources de richesses tirees du travail de la terre et de l'agri-culture, associees a la liberte du commerce et de l'industrie. Le circuit „, economique est compare a la circulation sanguine. Les principaux ^ physiocrates sont Quesnay, Dupont de Nemours et Turgot. Le libera- ^ lisme economique, en gestation en Angleterre sous la plume d'Adam ^ Smith, fait de ce siecle le berceau des idees qui etayeront le capita- o lisme moderne. ^ © 184 Les Francais au XVIIP siede et sous le Ier Empire Chapitre i 11766. Louis XV joue la carte de la fermete Profondement las des oppositions parlementaires, le roi decide, en mars 1766, de faire un discours dune grande fermete devant le parle-ment. Cette seance et ce discours prennent le nom de « flagellation » : « Messieurs, je suis venu pour repondre moi-meme a toutes vos remontrances. » Ce discours est empreint dune argumentation tres absolutiste, mettant en valeur le pouvoir incarne par le roi. Largement diffuse, c'est en quelque sorte le testament politique du roi Louis XV. ■1768. L'achat de la Corse Ann d'avoir une base avancee en Mediterranee, la Corse est achetee aux Genois. Ä cette occasion, la famille Bonaparte commence ä faire parier d'elle en s'engageant en faveur de la France contre les resistants corses, dont le chef est Pascal Paoli. Ce dernier, fondateur du mouve-ment nationaliste corse, avait proclame une ephemere republique corse qui avait force l'admiration de l'Europe des Lumieres. Cepen-dant, l'armee francaise bat les Corses en 1769 ä Ponto Novo, mettant ainsi fin au projet de Paoli. Jean-Jacques Rousseau ecrit: « J'ai quelque pressentiment qu'un jour cette petite ile etonnera l'Europe. » En 1769, Charles et Maria-Letizia Bonaparte celebrent la naissance de leur deuxieme fils, Napoleon. ■ 1770-1774. La derniěre reaction autoritaire sous Maupeou Le chancelier de Maupeou gouverne en triumvirát (ä trois) avec le due d'Aiguillon et l'abbe Terray. lis amorcent le dernier virage du regne de Louis XV, virage négocié cette fois avec poigne, tentant d'imposer l'autorite du roi face aux parlements. Se servant de la procedure du lit de justice, Maupeou fait enregistrer un edit de discipline sans explication, une veritable mesure d'autoritarisme connue sous le nom de « coup de Maupeou ». La vénalité des offices est abolie (l'achat hérédi-taire des charges), les parlementaires rebelles sont exiles et les juges deviennent des fonctionnaires rémunérés par l'Etat. Houleuse dans ses repercussions, cette tentative de fermete va cependant s'eteindre d'elle-meme avec la mort soudaine de Louis XV, empörte par la variole en 1774. Partie v Le XVIIIe siede (1715-1814) : Lumiěres et Revolution Le regne de Louis XVI: 1774-1792 Malgré une volonte de reforme, la monarchie ne parvient pas ä désen-detter le royaume et ä répondre aux attentes de changement de ľensemble des couches sociales, ce qui aboutit ä la Revolution, en 1789. Louis XVI (1754-1793) : un roi dans la tourmente révolutionnaire Louis XVI n'aurait pas dQ régner, mais son frěre aíné meurt á 10 ans. Cest sur ses épaules de cadet que repose désormais La Lourde charge moraLe de rempLacer ce frěre craint et admiré. Cest aussi La pLace de son pere qu'iL prend puisque ceLui-ci meurt avant d'avoir régné. Pas étonnant que Louis XVI vive maL sa fonction d'heritier de Louis XV, entouré par deux frěres ambitieux qui se verraient bien á sa pLace ! Peu motive par sa fonction, iL accede au trone en 1774. Toutefois, Louis XVI a regu une bonne instruction, méme si son esprit anaLytique, soucieux du detail, peut sembler relativement Lent á certains. Inté-ressé par Les techniques, iL se passionne pour La serrurerie ; son ingéniosité dans ces domaines Lui fait rectifier Le projet de guillotine propose par le docteur Guillotin, soucieux de rendre moins inhumaine la decapitation á La hache. Parti-cuLiěrement timide et trěs myope, sa maladresse d'allure et de contact Le dessert dans ses actions. Pis, son entourage fait constamment pression sur Lui pour obtenir des faveurs ou détourner toutes velléités de reformě. Par cette attitude dénuée de fermeté, le roi va se mettre malgré lui dans Le camp des privilégiés. IL s'eloigne ainsi du role d'arbitre de la nation dont iL connait peu la réalité humaine, n'etant quasiment jamais sorti de Versailles. Marie-Antoinette, son épouse, est son contraire par son pouvoir de seduction naturel. Trěs frivole, eLle le dessert vite par son comportement et ses dépenses. La periodě révolutionnaire debute au moment oú meurt leur fils aíné. Á partir de 1789, cet homme sensible va devoir affronter épreuve sur épreuve selon un rythme effréné de difficultés, atteignant par sa velléité de fuite, á Varennes, Le sommet du discredit. Cest toutefois en homme courageux qu'iL meurt décapité, en Janvier 1793. Pour Les royalistes partisans des Bourbons, sa morten fait un veritable roi martyr, dont la figure sera évoquée au siěcle suivant pour souligner Les exces des republicans. ■ Les premieres tentatives de reformes avortees Une equipe competente Louis XVI debute son regne avec la volonte d'effectuer des reformes. II rompt avec la politique autoritaire des quatre dernieres annees de son grand-pere. Semblant ouvert aux idees nouvelles, ce jeune roi de 20 ans Les Francais au XVIIP siede et sous le Ier Empire Chapitre i recherche une autre facon de gouverner. II est accompagne par un mentor, le chancelier de Maurepas ; ce dernier le guide pendant sept ans et l'aide a choisir des ministres particulierement remarquables, tous ouverts aux idees nouvelles, intelligents et competents : Vergennes aux Affaires etrangeres, Lamoignon de Malesherbes a la Maison du roi, Turgot comme controleur general des Finances. Les personnalites les plus eclairees de l'epoque comme Condorcet ou Dupont de Nemours voient dans ce gouvernement une equipe extraordinaire : l'espoir se leve autour du jeune roi. Les propositions de Turgot Le controleur des Finances, Turgot, est foisonnant d'idees de reformes, parfaitement conscient de la necessite d'instaurer des mesures de fermete pour enrayer les problemes economiques. II propose par exemple que le sacre du roi ait lieu a Paris (comme celui d'Henri IV), et non a Reims, le deplacement et le logement de la cour etant fort couteux. II preconise entre autres la libre circulation des grains dans le royaume pour eviter la speculation. II supprime les corporations et la corvee, ce travail obligatoire non remunere du a un seigneur, pomme de discorde depuis des siecles. Rien ne semble freiner son insatiable energie et son imagination creatrice. Mais le roi recule toujours devant l'obstacle et n'agit pas, craignant l'hostilite declenchee par chaque mesure remettant en question interets et privileges : courtisans en colere, parlements hostiles, peuple fomentant des emeutes liees aux problemes des grains. Chaque tentative de reforme est d'abord approuvee puis abandonnee par Louis XVI. II est sensible aux argumentations qui les motivent mais n'a ni le courage politique ni la carrure personnelle pour les imposer. Ainsi, Turgot, le premier de la serie des reformateurs, entre vite en disgrace sous 1'influence des groupes de pression. La reine Marie-Antoinette, comme autrefois Madame de Pompadour, exerce une influence sur les decisions royales, soumises aux pressions plus qu'aux visions politiques. Marie-Antoinette (1755-1793) : une princesse trop gätée Marie-Antoinette est La fille de Ľimpératrice Marie-Thérěse d'Autriche, cette femme courageuse qui a su tenir téte aux coalitions européennes pendant une partie du siěde. Le frěre de Marie-Antoinette, Joseph II, rěgne Lui-méme comme empereur conjoint avec Leur mere. Marie-Antoinette est La derniěre des seize enfants de Ľimpératrice. Son enfance, trés gätée, ne Ľa pas préparée aux Partie v Le XVIIIe siecle (1715-1814) : Lumieres et Revolution dures realites de son destin de reine de France. InteLLigente et vive, elle n'a pas developpe ses capacites, ne Lisant quasiment pas, restant excLusivement centree sur Les pLaisirs de La vie, dans une grande insouciance. Sans songer aux repercussions de ses actes, eLLe suit ses gouts et ses humeurs, ne tenant pas compte des exigences Liees a sa fonction aupres d'un roi en difficulte. Agreable et sensible, eLLe est cependant capabLe d'imposer ses voLontes a Louis XVI qui ne sait rien Lui refuser. Les Parisiens, d'abord admiratifs, vont vite La critiquer avec vehemence, L'accabLant de tous Les maux par des campagnes forcenees de denigrement, La designant du titre pejoratif de L' « Autrichienne ». Les temps durs de La Revolution La reveleront a elle-meme : eLLe s'y montrera courageuse et decidee, une fois tombe Le vetement de La superficialite, mais eLLe sera deca-pitee queLques mois apres Louis XVI. ■1775. La guerre des Farines En avril et mai 1775, le Bassin parisien et la Champagne connaissent un mouvement de revoltes populaires contre 1 edit de Turgot sur la libre circulation du grain. Pour le peuple, cette reforme donne libre cours aux accapareurs, qui pourront sortir la farine dune province pour la revendre dans une autre. Mais ces revoltes n'entrainent pas de pillages, car le peuple paie son grain, fixant lui-meme le prix «juste ». Elles se colorent plutot dune dimension anti-seigneuriale par l'attaque de certains chateaux. Les revoltes de la faim sont courantes au XVIIP siecle, suivant des logiques recurrentes, visibles dans ces emeutes de 1775 : forte participation des femmes, attaques contre les boulangers, les meuniers, les fermiers, les marchands de grain accuses d'etre des « accapareurs ». Le peuple reclame du pain jusqu'aux portes du chateau de Versailles. La politique royale : premiere cause de revolte au XVIIIe siecle Longtemps pergu a tort comme un siecle peu agite, Les recherches historiques montrent au contraire que Le siecle des Lumieres a connu de tres nombreuses revoltes populaires. Le pouvoir royal est la premiere cause de rebellions, pour-tant considerees comme crime de lese-majeste. Le refus de L'impot, des taxes et des reformes est Le premier motif des revoltes paysannes et urbaines, qui vont crescendo jusqu'en 1789. Juillet 1789 n'arrive done pas par hasard... ■ 1777-1783. Les Francois s'engagent en Amerique Treize colonies anglaises prosperent en Amerique du Nord. Forts de leur identite americaine nouvellement formee, les colons se revoltent contre leur metropole et mettent a leur tete le general George Les Francais au XVIIP siecle et sous le Pr Empire Chapitre i Washington. Les treize colonies anglaises enoncent, le 4 juillet 1776, leur declaration d'independance : les Etats-Unis sont nes. lis procla-ment aussi que « tous les hommes sont crees egaux » et « sont dotes de certains droits inalterables, dont la vie, la liberte et la poursuite du bonheur ». Le marquis de La Fayette, seduit par l'idealisme de cette cause, prend l'initiative de s'embarquer en 1777, contre tous les avis, pour soutenir les insurges americains. II revient d'Amerique en triom-phateur. Porte par ses succes, il repart, cette fois avec l'aval du ministre Vergennes, avec 7500 hommes commandes par le comte de Rochambeau. Forts de ces renforts, les Americains remportent une victoire decisive contre les Anglais en 1781. L'independance des treize colonies est reconnue le 3 septembre 1783 par le traite de Versailles. La France recupere le Senegal, Saint-Pierre et Miquelon, mais c'est cher paye pour un milliard et demi de depense. Le cout de la guerre va peser lourd dans le deficit budgetaire du royaume. George Washington devient le premier president des Etats-Unis le 30 avril 1789, l'annee oil Louis XVI entre dans la crise revolutionnaire. La Fayette (1757-1834) : un aristocrate revolutionnaire Le marquis de La Fayette participe a trois revolutions dans sa vie ! En 1777, il soutient avec enthousiasme les insurges americains lors de la guerre d'independance americaine, obtenant un tres grand prestige des deux cotes de I'Atlantique : c'est le « heros des deux mondes ». Plus tard, en 1789, porte par les idees liberates americaines, il participe a la Revolution frangaise et devient, en juillet 1789, commandant de la nouvelle garde nationale. C'est a ce titre qu'il est responsable de la tuerie du 17 juillet 1791, quand la garde nationale tire sur la foule parisienne reunie sur le Champ-de-Mars. La rupture est definitive entre La Fayette et le mouvement revolutionnaire en voie de radicalisa-tion, et le marquis doit s'exiler dans les Flandres. II ne revient en France que sous le Consulat de Bonaparte. Mais son retour au premier plan n'a lieu qu'a I'issue de la revolution de Juillet, en 1830, lorsqu'il soutient Louis-Philippe qui instaure la monarchie liberate dont il avait toujours reve. Le prestige de La Fayette est particulierement grand aux Etats-Unis et son nom est systematiquement evoque lorsqu'il s'agit de reactiver I'amitie franco-ameri-caine. En 1917, apres I'entree des Etats-Unis dans la grande Guerre, un general americain declare : « La Fayette, nous void ». Ainsi, en 1944, durant la campagne de France, le general Patton ordonnera a I'artillerie de ne pas tirer sur Metz, ou La Fayette avait decide de s'engager aux cotes des insurges americains. Aujourd'hui encore, son nom est le plus donne aux localites americaines et, en 2002, La Fayette a regu la nationalite americaine a titre posthume. Partie v Le XVIIIe siede (1715-1814) : Lumiěres et Revolution ■ 1781. Noblesse oblige... On assiste ä cette perióde ä une montée des interdits contre la bourgeoisie. Aprěs ľinterdiction ďaccěs aux charges de parlementaires, ce sont désormais les fonctions ďofficiers qui sont concernées. La carriěre militaire est maintenant interdite aux roturiers. Face ä ces interdits, la bourgeoisie s'échauffe et affirme son mécontentement contre la monarchie, qui se coupe ainsi des classes dynamiques et riches du royaume. ■ 1784. L'affaire du collier strangle la reputation de la reine Marie-Antoinette est impliquée dans l'affaire du collier, scandale rocambolesque dune extréme gravité. Cette intrigue complexe, portée sur la place publique, va alimenter sa reputation de reine debauchee et dépensiěre, méme si elle est, dans ce cas, parfaitement innocente. Une escroquerie aux repercussions incalculables L'histoire tourne autour ďun collier de diamants de 2800 carats, au prix fabu-leux, créé autrefois pour la comtesse du Barry qui n'a pu I'acquerir. Le bijou-tier cherche désespérément á vendre ce bijou. Un stratageme est alors monté par la belle comtesse Jeanne de La Motte-Valois, sorte d'aventuriere de la cour acoquinée á un certain Cagliostro. L'objectif est de se procurer le fameux collier. Pour ce faire, elle contacte une prostituée, parfait sosie de Marie-Antoinette, chargée de jouer son role. Le pigeon est le cardinal de Rohan, un ambitieux qui cherche á plaire á la reine. II tombe dans le piěge : la fausse reine, dissimulée la nuit dans le pare de Versailles, demande au cardinal d'avancer I'argent de I'achat du fameux collier. Celui-ci, flatté de cette confiance, le paie á I'intrigante Madame de La Motte. Le collier est livré au cardinal qui la charge de le remettre á la reine, mais elle empoche argent et collier. Or, la vraie reine ne rembourse bien sur jamais le cardinal ! Lassé d'attendre son remboursement, le cardinal demande audience. Découvrant alors le pot aux roses, la reine fait un scandale auprěs du roi et demande que l'affaire soit portée sur la place publique, voulant étre lavée de tous soup-cons. Les protagonistes sont embastillés. L'affaire se retourne alors contre Marie-Antoinette. Sa reputation en est gravement atteinte. Pendant cette periodě, I'amalgame est fait entre les dépenses de la reine et le deficit de 1'État, méme si celui-ci tient davantage á des raisons structurelles qu'aux frivolités de Marie-Antoinette. Les Francais au XVIIP siěcle et sous le Ier Empire Chapitre i L'affaire du collier éclabousse le couple royal et cristallise les critiques contre les membres de la famille. Marie-Antoinette est violemment critiquée en raison de ses liens avec les řrěres du roi, dont le léger comte dArtois (futur Charles X), pour ses dettes de jeu, son gout pour les bijoux, ses amities avec la comtesse de Polignac et la princesse de Lamballe... Le roi devient le mari aveugle et ridicule. Avant que la Revolution n'eclate, l'image des souverains est définitivement ébranlée. La figure sacrée du roi est déjá fissurée. ■ 1786-1787. L'impossible reformě de 1'État Aprěs Turgot, en 1776, Necker, un autre ministře, joue une carte plus opportuniste et plus demagogue. II utilise l'emprunt pour équilibrer le budget et pour donner l'impression dun assainissement de la dette. Plus tard, Calonne, grand seigneur éclairé et bon gestionnaire, tente lui aussi de résoudre les problěmes et exerce une action ponctuelle sur l'economie en faisant creuser des canaux et améliorer la voirie, et en créant une nouvelle Compagnie des Indes. Toutefois, il se trouve confronté, en 1786, á la nécessité imperative de refondre le systéme fiscal pour améliorer les revenus de l'Etat: les riches doivent forcément payer. Il envisage méme une assemblée des notables pour négocier ces mesures avec les intéressés, mais cette assemblée se montre hostile á toute alteration de leurs privileges. Á chaque fois, le roi, inquiet des remous, se séparé des réformateurs les plus compétents. En 1787, Loménie de Brienne prend le relais et, avec Lamoignon, son ministře de la justice, il réussit á supprimer la torture (appelée la « question »), á abolir la corvée, á donner un état civil aux juifs et aux protestants. Quelques mesures passent ainsi, mais les changements de fond ne parviennent pas á étre realises face á la resistance des nobles. Un bras de fer avec les parlementaires pendant 1'été 1787 provoque l'exil du parlement de Paris á Troyes, celui-ci ayant refuse de voter les réformes. La monarchie est done contrainte d'utiliser la procedure du lit de justice pour faire passer ses réformes en force. Le vent de revoltě parlementaire se diffuse en province en juin 1788, quand les parle-ments provinciaux refusent ďexécuter les edits royaux. ■ 1788. Le prologue de la Revolution Un an avant le debut de la Revolution francaise, la revoltě gronde dans le royaume, dans un climat de grave crise économique liée aux mauvaises récoltes. Partie v Le XVIIIe siede (1715-1814) : Lumiěres et Revolution La journee des Tuiles Le 7 juin 1788 est souvent percu comme la premiere insurrection de la Revolution. Ä Grenoble, l'armee est chargee d'evacuer les parlemen-taires du Dauphine. Le peuple se rassemble sur les toits et jette des tuiles sur les regiments royaux. Si l'evenement n'a rien d'exceptionnel dans un siecle oü la grogne anti-etatique est reguliere, celui-ci debouche cependant sur la reunion du chateau de Vizille, le 21 juillet 1788. La, des pretres, des nobles et des membres du tiers etat se rassemblent et reclament le retablissement des parlements provinciaux et la reunion des etats generaux, tout en se placant dans la defense des interets nationaux et non provinciaux. En aoüt 1788, le roi cede face ä la pression de l'opinion publique et ä l'urgence fmanciere. Le 8, les etats generaux, non reunis depuis 174 ans, sont convoques pour le 1er mai 1789. Le 25, Lomenie de Brienne est renvoye et Necker rappele, alors que le royaume est au bord de la banqueroute. Jacques Necker (1732-1804) : un banquier au pouvoir Pere de la femme de lettres Madame de Staél, Necker doit son arrivée au pouvoir ä ľinfluence du salon littéraire de sa femme et de sa fille. Ce banquier protestant, Suisse et roturier, surprend dans ce milieu de cour oú les titres de noblesse ont de plus en plus d'importance. II est appelé en secours deux fois; au moment de la guerre d'Amérique oú il teňte de résorber la dette ä coups d'emprunts, ne faisant que la renforcer; en 1788, comme dernier recours. Prag-matique, il fait quelques réformes et ose en 1781 publier un compte rendu au roi (le carnet bleu) oú il joue la transparence des chiffres, révélant par exemple la dot fabuleuse offerte par gräce de Marie-Antoinette ä la fille de la princesse de Polignac. Celle-ci est de 800 000 livres, soit le salaire annuel de 2000 compagnons ouvriers parisiens ! Cette publication lui vaut ä la fois sa disgrace et sa notoriété. Mais Necker n'aide pas le roi a se centrer sur les vrais problemes. Il se limite a preparer la convocation des Etats generaux. Il propose meme de revenir aux procedures de la derniere reunion des Etats generaux du royaume, en 1614, au temps de Marie de Medicis, lorsque les votes etaient effectues par ordre et non par tete (les trois ordres sont la noblesse, le clerge et le tiers etat). Seule concession aux temps nouveaux : le nombre des deputes du tiers etat est double arm de mieux signifier l'importance numerique de cet ordre. Ce choix de voter par ordre s'avere redoutable car la volonte de la noblesse et du clerge semble primer sur l'opinion de la majorite (25 millions de personnes contre un million environ pour chacun des deux ordres privilegies). Les Francais au XVIIP siede et sous le Ier Empire Chapitre i Qui sont les hommes formant les etats generaux ? Pres de 1300 deputes sont eLus pour sieger aux etats generaux : 330 pour Le cLerge, 320 pour La nobLesse et 650 pour Le tiers etat. C'est La pLus grande assem-bLee representative de L'histoire contemporaine de La France. La composition socioLogique est interessante pour comprendre Les futures evolutions poLitiques : Le clerge est domine par Le bas clerge roturier; Le second ordre est compose essentieLLement d'aristocrates issus de La haute nobLesse servant dans l'armee; Le tiers etat est domine par Les professions juridiques (juges, notaires, avocats), mais on y trouve aussi des hommes issus du commerce et meme de riches fermiers. En revanche, Les miLieux popuLaires sont absents. Toutefois, certains nobLes siegent sur Les bancs du tiers etat par pur liberalisme, comme Le comte Mirabeau. Le marquis de La Fayette, quant ä Lui, prefere sieger avec son ordre. ■ 1789. Connaitre les revendications de chacun : les cahiers de doleances Des cahiers de doleances sont rediges dans toutes les regions au prin-temps 1789. Ces cahiers sont un moyen pour formaliser les grandes revendications du pays. Cette ressource documentaire exceptionnelle, qui permet de connaitre avec precision l'humeur generale du pays, 150 ans avant l'apparition des sondages, offre une Photographie de la France ä la veille de la Revolution. Au printemps 1789, dans tout le royaume, chaque ordre procede ä l'election de ses representants et ä la redaction de ses cahiers de doleances. Des thematiques rekurrentes se degagent, comme la revendication de l'egalite et l'abolition des privileges, traduisant parfois les idees des Lumieres, notamment dans les cahiers des villes. Les Francis peuvent enfin parier au roi On a souvent dit que Les cahiers sont respectueux de La figure royaLe, mais c'est oubLier que dans La moitie des cas, iLs omettent de Lui rendre hommage. En tout cas, Les cahiers de doleances souLignent L'emergence d'une opinion pubLique et L'apparition d'une veritable cuLture politique en France. Telle est la situation politique au printemps 1789 : le decor et les person-nages sont done plantes pour les annees revolutionnaires qui vont faire trembler toute l'Europe. En janvier, l'abbe Sieyes remporte un vif succes avec son pamphlet Qu'est-ce que le Tiers Etat ? « Tout » repond-il, « Qu'a-t-il ete jusqu a present dans l'ordre politique ? Rien ! ». Partie v Le XVIIP siěcle (1715-1814) : Lumiěres et Revolution Le grand bouleversement révolutionnaire : 1789-1799 Les premieres années de la Revolution francaise sont souvent compa-rées ä un torrent incontrölable. La multiplicité des acteurs — nobles, bourgeois, sans-culottes parisiens et paysans des provinces —, aux intéréts divergents, tendent ä donner ä la Revolution francaise une grande varieté de visages, chacun cherchant ä clore la Revolution et ä fixer les réformes au plus pres de ses intéréts. Ainsi, de 1789 ä 1791, les modérés dominent et fondent une monarchie constitutionnelle. Ä partir de 1792, les girondins s'imposent et procla-ment la Ire République, avant d'etre evinces en 1793 au profit des monta-gnards qui mettent en place le gouvernement de Salut public et la Terreur. Leur déchéance en 1794 ouvre la voie ä une république modérée et conservatrice avec l'instauration du Directoire entre 1795 et 1799. Derriére la Revolution francaise se profilent différentes revolutions : aristocratique, bourgeoise ou populaire mais aussi politique, sociale, économique et culturelle. Ces revolutions conférent ä cette periodě sa complexité mais aussi son originalité et son intérét. ■ Comment expliquer la Revolution francaise ? Un événement de cette ampleur résulte de la convergence de multiples phénoménes : - Incapacité de la monarchie francaise ä se reformer: sa volonte de centralisation et de modernisation se heurte aux resistances des ordres privilégiés et des particularismes provinciaux. Ce sera done ä la Revolution et ä l'Empire de jeter les bases d'un Etat moderne que la monarchie des Bourbons aura été incapable detablir. - Transformation des mentalités au contact des philosophes des Lumiěres : les notions de liberie, ďégalité, de constitution, de gouvernement représentatif touchent les elites éclairées de la noblesse et de la bourgeoisie liberale. Pour elles, l'absolutisme royal doit étre relégué au rang de vestige du passé. - Crise économique de 1788-1789 provoquant 1'ébullition des esprits des classes populaires. Le XVIIP siěcle est une periodě de relative croissance amenant la disparition des famines. Or, aprés une periodě de prosperitě, le regain de pauvreté est ressenti comme intolerable, déclenchant la fureur populaire. Les Francais au XVIIP siecle et sous le Pr Empire Chapitre i - Peuple rode aux pratiques insurrectionnelles : le XVIIP siecle voit des revokes regulieres dont le rythme s'accelere dans les dernieres decennies avant 1789. En avril 1789, a la veille des etats generaux, la revolte des ouvriers du faubourg Saint-Antoine contre leur patron Reveillon nous rappelle que le feu couve dans les quartiers populaires. - Personnalite du couple royal: Louis XVI, par sa faiblesse et ses hesitations aux moments cruciaux, ne mesure pas les revendica-tions des revolutionnaires, usant de la force quand la diplomatic est necessaire, et inversement. La reine a accumule, par son comportement frivole, un fort capital d'antipathie, tres dange-reux pour le prestige de la monarchic ■ 1789. La revolution des deputes Les etats generaux s'ouvrent le 4 mai dans la salle des menus plaisirs a Versailles, avec les representants elus des trois ordres, siegeant sous le regard attentif de 2 000 spectateurs appeles a incarner le regard de la nation. Censes reunir le royaume derriere leur roi, les etats generaux vont au contraire aggraver les divisions entre le tiers etat et les deux ordres privilegies autour de la seule solution possible : faire payer des impots aux deux ordres qui n'en payent pas. Le tiers etat, sous l'impulsion de l'abbe Sieyes, rejette le mode injuste du vote par ordre, qui induit l'absence de changement sur la repartition de l'impot. Le 20 juin, trois jours apres s'etre autoproclames assemblee nationale, les deputes du tiers etat prennent l'initiative de se reunir dans la salle du jeu de paume a Versailles, pour marquer leur opposition et leur force politique. Le serment du jeu de paume : vers une premiere constitution Pris d'un elan de colere et d'enthousiasme, Les deputes du tiers etat font un coup de force et preterit serment de ne jamais se separer sans avoir donne une constitution a La France, seuLe capabLe de mettre fin au pouvoir absoLu du roi. Ce jour-La, Les deputes du tiers etat (accompagnes de representants de La nobLesse Liberate et du bas clerge rallies a leur cause) Lancent le debut d'une revolution insti-tutionnelle dont la finalite est de mettre en place une monarchie constitutionnelle. La scene sera immortalisee par Le peintre David, dans un tableau conferant une grande force lyrique a L'episode. La salle du jeu de paume porte Le nom d'un jeu de balles alors millenaire, joue d'abord a main nue puis avec une raquette : il est considers comme L'ancetre du tennis. Partie v Le XVIIIe siede (1715-1814) : Lumiěres et Revolution Le roi hesite alors entre concessions et repression. Dans un sursaut absolutiste, il lance des menaces ä peine voilees ä l'Assemblee nationale et ordonne la separation des deputes. C'est ä cette occasion que Mirabeau, qui domine par son charisme et sa renommee le groupe du tiers etat, aurait lance la celebre formule : « Nous sommes lä par la volonte du peuple et n'en sortirons que par la puissance des bai'onnettes. » Cette phrase a sans doute ete forgee apres-coup par Mirabeau lui-meme, soucieux de construire sa notoriete. Mirabeau (1749-1791) : grands mots et messes basses Aristocrate siégeant avec Le tiers etat et favorabLe aux idées nouveLLes, Mirabeau est une figure incontournabLe du debut de La Revolution. Grand orateur, iL se fait Le porte-paroLe de L'opposition ä La monarchie absoLue. Aprěs Les états généraux, Mirabeau devient ensuite L'un des chefs charismatiques de L'AssembLee Constituante. Toutefois, iL y měne un doubLe jeu, defendant ä La fois Les droits de La Nation et conseiLLant secrětement Le roi. IL meurt de maLadie Le 2 avn'L 1791, et son corps est pLacé au Pantheon, jusqu'ä La découverte de sa correspondance secrete avec Le roi qui Lui vaudra d'etre « dépanthéonisé ». Quoi qu'il en soit, l'idee de sieger « par la volonte du peuple » illustre bien l'etat d'esprit des deputes du tiers etat qui se veulent les represen-tants de la nation. Le 9 juillet, l'Assemblee nationale commence ses travaux en vue de la redaction d'une constitution, devenant par lä meme Assemblee nationale Constituante (9 juillet 1789-ler octobre 1791). Au nom de la nation La nation est L'idee portee par une communaute humaine pour formaLiser sa cohesion autour d'un territoire et d'une cuLture commune. L'idee, en germe depuis La guerre de Cent Ans, s'est imposee dans Le vocabuLaire aux XVIP et XVIIP siecLes. Sieyes, dans son pamphLet Qu'est-ce-que le tiers etat ?, opere un virage semantique decisif: La nation devient coLLectivite de citoyens soumis au meme droit. Les revolution nai res de 1789 suivent cette Logique et procLament un transfert de souverainete du roi vers La nation. Desormais, toute decision n'est Legitime que si eLLe est prise au nom de ceLLe-ci. Les armees revoLutionnaires en diffuseront par La suite Le principe dans toute L'Europe. ■ 1789. Un peuple en revolution Face ä cette revolte politique unique dans l'histoire de la monarchic, le pouvoir royal, deroute, deploie des troupes aux environs de Paris pour faire face ä l'opposition naissante. Cette presence militaire inquiete les Les Francais au XVIIP siecle et sous le Pr Empire Chapitre i Parisiens qui craignent une repression feroce. Le 11 juillet, le roi renvoie le tres populaire Necker ; cette decision attise le mecontente-ment du peuple et declenche la journee historique du 14 juillet 1789, jour de la prise de la Bastille. Le 14 juillet 1789 : la revolution parisienne Pour faire face a l'armee qui a deja reprime dans le sang une manifestation aux Tuileries, le peuple cherche a s'armer : il pille alors l'Hotel des Invalides arm d'y prendre 30 000 fusils, distribues ensuite aux revoltes. Pour recuperer la poudre necessaire aux armes, les assaillants decident de s'en prendre a la Bastille, forteresse et prison royale prote-geant l'Est parisien, dominant le quartier populaire du faubourg Saint-Antoine. C'est la marque visible de l'absolutisme royal. Le gouverneur de la place refuse d'ouvrir les portes. Les Parisiens prennent alors la forteresse d'assaut et massacrent l'ensemble des occupants. La tete du gouverneur est promenee au bout dune pique dans Paris, le peuple detournant a son profit la pratique judiciaire d'exhibition des victimes des peines capitales. A la fin de la journee, le peuple de Paris est arme et pret a defendre ses interets par la force, qu'il utilisera par la suite contre ceux qu'il considere comme ennemis de la nation. Le peuple parisien devient ainsi un acteur a part entiere du jeu politique sous la Revolution. Le 14 juillet ouvre egalement le debut de Immigration aris-tocrate, notamment a Coblence en Allemagne. La re volte paysanne A la suite de la prise de la Bastille, revolte urbaine parisienne, une revolte paysanne a lieu au cours de l'ete 1789. Cet episode, connu sous le nom de « Grande Peur », confere a la Revolution une dimension nationale. Touchant pratiquement l'ensemble du pays, cette revolte voit les paysans s'attaquer aux seigneurs et a leurs biens. De nombreux chateaux sont alors brules et detruits par une foule paysanne animee par une peur presque irrationnelle. ■ La nuit du 4 aout: affirmation de I'egalite et de la liberte Le mois d'aout 1789 est le theatre d'evenements fondamentaux marquant la fin du regime feodal, issu du Moyen Age, et affirmant l'egalite entre les differents ordres de la societe. Ainsi, lors de la seance Partie v Le XVIIIe siede (1715-1814) : Lumiěres et Revolution du 4 aoüt, l'Assemblee nationale approuve l'abolition des privileges. Cette seance, restee dans l'histoire sous le nom de « Nuit du 4 aoüt », met done fin, en quelques heures, ä des siecles d'injustice : le Systeme de l'Ancien Regime est aboli. ■ 26 Aout. La Declaration des droits de l'Homme L'Assemblee nationale énonce clairement les Droits de l'Homme et du citoyen lors de la seance du 26 aoüt 1789. Inspire par les États-Unis et rédigé principalement par Mirabeau et Sieyěs, ce texte a un retentisse-ment immense. Ii affirme en efiet les conquétes du peuple sur 1'absolu-tisme royal et les ordres privilégiés. II s'ouvre par le fameux article « Tous les hommes naissent libres et égaux en droit... ». Ce texte fondateur pour la culture politique francaise traduit les evolutions intellectuelles nées au siěcle des Lumiěres. Ii est aussi le reflet ďune revolution encore bourgeoise, politiquement avant-gardiste mais socialement modérée. Une nouvelle Declaration des droits de l'Homme, moins connue, sera rédigée par les montagnards en 1793 et ajoutera aux droits civiques des droits sociaux comme le droit au travail ou le droit ä l'insurrection. Le retentissement de la Declaration des droits de l'Homme et du citoyen de 1789 Le texte est traduit dans pLusieurs langues et diffuse partout en Europe et aux États-Unis, děs 1789. Le texte est méme détourné en 1791 par une pionniěre du feminisme, Olympe de Gouges, rédactrice de la Declaration des droits de la Fem me et de la citoyen ne. Plus tard, en 1948, une Declaration universelle des droits de l'Homme sera votée par l'ONU sous l'impulsion du Frangais René Cassin, qui s'inspirera grandement du texte de 1789. D'autres declarations protégeant les droits des femmes et des enfants suivront. La Declaration des droits de l'Homme de 1789 a toujours force de loi puisqu'en 1958, eile est placée en preambule de la Constitution de la Ve République. ■ Le roi a Paris ! Le roi, la noblesse et le clerge restent fondamentalement hostiles a ces mesures qui remettent en cause leur pouvoir. Pour etre enterinees, celles-ci doivent en effet etre acceptees par le roi. Or, Louis XVI s'y refuse. En octobre 1789, les femmes de Paris, soucieuses de faire valoir Les Francais au XVIIP siecle et sous le Pr Empire Chapitre i leurs nouveaux droits, et affamees a la suite de mauvaises recoltes, entreprennent une marche vers le chateau de Versailles pour exprimer leur mecontentement. Les journees du 4 et 5 octobre : les femmes soumettent le roi Le matin du 4 octobre, plusieurs milliers de femmes en colere se retrou-vent devant le chateau de Versailles. La tension est grande entre les gardes du roi et la foule. Le souverain accepte de recevoir une delegation porteuse des revendications. louche par leur detresse, ce roi sensible promet de faire tout son possible pour ravitailler Paris; sous la pression populaire, il accepte aussi d'enteriner la Declaration des droits de 1'Homme. Mais ces decisions ne contentent pas le peuple et, au cours de la nuit, les revoltes envahissent le chateau, obligeant le roi a les suivre a Paris. Humilies, Louis XVI, Marie-Antoinette et leurs enfants sont conduits a Paris, encadres par la garde nationale et par les femmes parisiennes qui crient: « Nous ramenons le boulanger, la boulangere et le petit mitron. » lis ne reverront plus jamais Versailles. Leur nouvelle residence est le palais des Tuileries, garde par le peuple parisien. Un pas est encore franchi: ils sont maintenant en residence surveillee. ■ Une France nouvelle La fin de l'annee 1789, exceptionnellement dense en evenements, est le moment de poser le cadre de la France nouvelle. Alors que les debats constitutionnels continuent, les hommes forts du moment, des moderes, craignent les debordements populaires et votent une loi interdisant les attroupements. Les bourgeois et les nobles libe-raux, dominant alors l'Assemblee, veulent une revolution legaliste. C'est en ce sens qu'il faut comprendre l'instauration du suffrage censitaire d'octobre 1789. Ce mode de suffrage accorde le droit de vote aux plus fortunes, excluant ainsi le peuple de la participation politique. L'egalite civile proclamee dans la Declaration des droits de 1'Homme ne signifie done pas egalite politique. La participation politique n'est legitime, que lorsqu'elle est « eclairee » par la raison et l'education, pour ces revolutionnaires issus des classes privilegiees. Partie v Le XVIIIe siede (1715-1814) : Lumieres et Revolution Les Francis doivent apprendre la carte des departements Les departements frangais sont crees en decembre 1789. L'idee est de mettre fin aux anciennes divisions territoriales de L'Ancien Regime, excessivement complexes par La variete des dimensions, des droits, etc., au profit d'un decoupage rationnel et uniforme. Chaque departement doit avoir une taille ä peu pres equivalente, La Logique du decoupage vouLant que chaque habitant du departement puisse se rendre dans Le chef-Lieu en une journee ä chevaL. 83 departements sont ainsi constitues et subdivises en districts, cantons et communes, ces dernieres etant calquees sur L'ancienne carte des paroisses. ■ 1790-1791. Vers la premiere constitution franchise : l'emergence d'une culture politique Le retour au calme Si 1'annee 1789 est riche en bouleversements politiques et en revoltes populaires, 1'annee 1790 voit les tensions s'apaiser : l'arrivee du roi ä Paris calme les esprits echauffes. L'ordre ancien etant detruit, il faut maintenant en bätir un nouveau, täche de l'Assemblee nationale Constituante chargee de rediger la nouvelle constitution du royaume. Mais l'Assemblee est divisee entre les partisans du peuple et ceux du roi; ces derniers sont favorables ä un veto royal adopte en 1789, permettant au roi de suspendre les decisions de l'Assemblee nationale. Ce veto est rejete par les partisans du peuple. Le clivage gauche/droite La notion politique de gauche et de droite est nee ä ce moment-Lä. En effet, Lors des debats sur Le droit de veto du roi, Les partisans favorabLes au souverain se sont mis ä La droite du president de l'Assemblee nationale, ceux favorabLes ä La nation se sont mis ä sa gauche. Les forces de gauche et de droite se redefiniront en fonction des enjeux politiques du moment: pour ou contre Le veto royal, la mort du roi sous la Revolution, pour ou contre la Republique au XIXe siede, pour ou contre les reformes sociales au XXe siede, etc. La naissance d'un mouvement: les jacobins Ann de discuter les decisions de l'Assemblee nationale, certains de ses membres decident, ä la fin de 1'annee 1789, de se reunir au sein du couvent des Jacobins, rue Saint-Honore ä Paris. Le Club des amis de Les Francais au XVIIP siěcle et sous le Pr Empire Chapitre i la constitution, plus connu comme le Club des jacobins, réunit les membres les plus favorables á la souveraineté nationale. Peu á peu, se créent des succursales en province (on en compte 152 en juillet 1790), communiquant réguliěrement avec le centre parisien. Toutefois, loin d'afficher une unite, le courant connait peu á peu de profondes divisions entre modérés et extrémistes. L'effervescence des clubs Les différents dubs qui se forment á partir de 1789 traduisent 1'émergence ďune veritable culture politique en France. Ce phénoměne s'accompagne ďune réelle effervescence médiatique, avec la creation de 184 journaux rien qu'á Paris en 1789. Les plus connus sont Les Revolutions de France et de Brabant de Camille Desmoulins, un jacobin, ou L'Ami du Peuple de Jean-Paul Marat, le journal du peuple parisien. L'homme révolutionnaire : le sans-culotte Symboles de la Revolution, les sans-culottes sont aux avant-postes des insurrections qui marquent cette periodě mouvementée. Ce sont généra-lement des révolutionnaires intransigeants qui rejettent l'Ancien Regime et la monarchie. Ils sont les premiers défenseurs de la revolution et la poussent toujours plus vers la radicalisation, notamment dans le domaine anticlerical. Regroupés au sein de sections oú on discute de politique, les sans-culottes affirment leur égalitarisme et rejettent le vouvoiement: ils lui préfěrent le tutoiement systématique et s'interpel-lent par le nom de « citoyen ». Ils développent également une culture propre et populaire par le biais de chansons {La Carmagnole), de pieces de theatre, de caricatures et de journaux, á 1'image du plus célěbre ďentre eux : Le pere Duchesne, fonde par Hébert. La plume acerbe et violente de ce dernier lui vaut une grande popularitě dans le peuple parisien. ■ Un nom charge d'histoire Terme a I'origine pejoratif et synonyme de « canaille », le mot « sans-culotte » est ne dans la presse royaliste afin de se moquer de tous les pauvres et desargentes qui n'ont pas les moyens de porter la « culotte », le vetement aristocratique s'arretant aux genoux. Ils lui preferent le pantalon, vetement du peuple. Ces sans-culottes s'appro-prient le mot et en font un titre de gloire pour montrer leur opposition aux aristocra-tes. Autre attribut vestimentaire : le bonnet phrygien, en reference aux esclaves affranchis dans I'antiquite romaine et qui etait deja utilise dans certaines professions. Partie v Le XVIIIe siede (1715-1814) : Lumieres et Revolution Les clubs politiques sous la Revolution Gauche Centre Droite 1789 Club des Jacobins (octobre 1789) ■ La Fayette ■ Mirabeau ■ Robespierre Scission en 1791 Division en 1792 a propos de la question de la guerre Montagnards ■ Robespierre ■ Saint-Just Enrages * *Indulgents ■ Hebert ■ Danton ■ Desmoulins Girondins ■ Brissot Club des Feuillants (juillet 1791) ■ La Fayette ■ Barnave ■4-► Double appartenance possible 1790 1791 1792 1793 1794 1795 Les premices d'une nouvelle guerre de religion Le 12 juillet 1790, le vote de la « Constitution civile du clerge » est ä l'origine d'une division profonde du pays. La question religieuse avait dejä ete ouverte en novembre de l'annee precedente, avec la mise « ä la disposition de la nation » de l'ensemble des biens du clerge, vendus dans le but de desendetter le pays. La Constitution civile fait mainte-nant dependre le pouvoir religieux du pouvoir civil. Desormais, les pretres sont elus par les citoyens et salaries par l'Etat. Surtout, ils doivent preter serment ä la nation et au roi. Or, pour beaucoup, il est impensable de se delier de la fidelite juree au pape. Avant la condamna-tion de la Constitution civile du clerge par le pape en 1791, l'Eglise de France se divise en deux : pretres « jureurs » ou « constitutionnels », adeptes de la nouvelle loi, et pretres « refractaires ». Le pays entre dans une nouvelle guerre de religion. Les Francais au XVIIP siede et sous le Ier Empire Chapitre i 1790 : la fete de la federation Ann de feter le premier anniversaire de la prise de la Bastille, l'Assem-blee organise un grand rassemblement sur le Champ-de-Mars pour unir tous les Francais ä leur roi. On fait venir des delegations de toutes les gardes nationales de France (milices bourgeoises creees des juillet 1789 dans le but de maintenir l'ordre) dont leur chef, le general La Fayette, jure serment de fidelite ä la constitution, ä la loi et au roi. Mais si la ceremonie est grandiose, eile cache une certaine hypocrisie. En effet, officieusement, le roi n'accepte pas cette constitution qui remet en cause la monarchie absolue. Beaucoup en sont conscients, comme l'eveque Talleyrand qui anime la ceremonie. Des reformes contestees Entre 1789 et 1791, les deputes multiplient les mesures administratives dans l'objectif de reorganiser le pays. Apres la creation des departe-ments, les parlementaires suppriment les peages et les douanes ä l'inte-rieur du pays, ahn de faciliter un commerce jusque-lä entrave par de multiples taxes. En outre, la Constituante cree de nouveaux billets pour combler la dette : ce sont les assignats ; leur valeur est gagee sur les biens nationaux. Cette nouvelle monnaie sera neanmoins un echec et perdra une grande partie de sa valeur dans les annees suivantes. Sous la Constituante est egalement votee la loi Le Chapelier (1791), interdisant aux ouvriers et aux artisans de se reunir pour defendre leurs interets et faire greve. L'interdiction de la greve La Loi Le ChapeLier, interdisant Le droit de s'associer en syndicats, perdurera tout au Long du XIXe siede et restera Le symboLe de La mefiance inspiree par Les ouvriers chez La bourgeoisie possedante. Le droit de greve, reconnu en 1864, puis La Liberte syndicaLe votee en 1884 mettront fin ä cette Legislation. ■1791. Le roi prend la fuite Le roi, malgre cet hypocrite serment de fidelite ä la nouvelle constitution, reste un opposant du nouveau regime parlementaire. Louis XVI et sa famille, se sentant menaces au chateau des Tuileries, decident de s'enfuir pour rejoindre l'etranger. Dans la nuit du 20 juin 1791, la famille royale, deguisee en modestes bourgeois, tente une evasion. Mais le roi est reconnu et arrete pres de Varennes, petite ville de Lorraine. Ramenee ä Paris, la famille royale est accueillie par une foule en colere, manifestant sa disapprobation par un pesant silence. Les Partie v Le XVIIIe siede (1715-1814) : Lumieres et Revolution deputes moderes tentent bien de faire croire ä un enlevement du roi pour sauver le projet de monarchie constitutionnelle, mais le lien etroit qui existait encore entre le roi et ses sujets est rompu : la confiance est perdue ; la monarchie aussi, mais eile ne le sait pas encore... L'hostilite envers le roi s'accroit; des voix reclament alors sa decheance. Un pas est franchi. Les revolutionnaires les plus radicaux organisent une petition pour etablir une republique. Reunis au Champ-de-Mars, les petitionnaires affirment alors clairement leur hostilite au regime monarchique. Appeles pour disperser les manifes-tants, La Fayette et la garde nationale font feu sur la foule desarmee, entrainant la mort de nombreux patriotes. Cet evenement conduit ä la division irreversible entre les revolutionnaires moderes, partisans d'un regime monarchique parlementaire, et les revolutionnaires radicaux, partisans d'une republique. Les revolutionnaires radicaux comme Robespierre ou Marat sont contraints ä la clandestinite et ä l'exil. Le Club des jacobins se scinde alors en deux. De leur cöte, les moderes decident de fonder un nouveau club : les feuillants, dont les principaux animateurs sont La Fayette, Barnave et Duport. ■ Guerre ou paix ? La divergence des feuillants et des jacobins Le 30 septembre 1791, le travail de l'Assemblee nationale Constituante est termine et la nouvelle constitution definitivement redigee. Une nouvelle assemblee se met en place, l'Assemblee legislative (1er octobre 1791-20 septembre 1792). Cette derniere est divisee en deux tendances politiques opposees : les feuillants ä droite, considerant la revolution terminee, et les jacobins ä gauche, favorables pour certains ä une republique. La France a mauvaise reputation L'hiver 1791-1792 est marque par la question de l'entree en guerre de la France contre les puissances monarchiques europeennes. II faut dire que l'image de la Revolution francaise ä l'etranger s'est considerablement deterioree. Apres un mouvement de Sympathie envers le mouvement d'emancipation francais, notamment en Angleterre, les violences populates tendent ä refroidir les ardeurs europeennes. Le philosophe anglais Edmund Burke est le premier ä ouvrir le bal des critiques avec son ouvrage Reflexions sur la Revolution de France (1790), veritable requisi-toire contre-revolutionnaire arguant de l'importance des traditions. De son cote, l'Autriche est ebranlee par le mouvement revolutionnaire qui s'est exporte dans les Pays-Bas autrichiens (actuelle Belgique). La Les Francais au XVIIP siede et sous le Ier Empire Chapitre i difficile reprise en main de la region echaude la cour de Vienne, direc-tement concernee par le sort de Marie-Antoinette. En aoüt 1791, les souverains autrichien et prussien lancent ä Pillnitz un appel ä une alliance europeenne contre la Revolution francaise. En France, la crainte dune conspiration des nobles francais emigres ä l'etranger, associee ä la peur dun soulevement interieur lie äla querelle religieuse, conduisent au developpement dun sentiment paranoi'aque. Les girondins prennent la tete de la Campagne en vue d'exporter les idees revolutionnaires et soulever les nations d'Europe contre leurs « tyrans ». Louis XVI n'y est pas hostile, sa position se fondant sur un calcul politique : soit les armees francaises sont battues et son pouvoir absolu est retabli par les monarchies etrangeres, soit les armees francaises sont victorieuses et son pouvoir en ressort renforce. Un veritable climat belliciste se met alors en place en France, tempere par les reserves de Robespierre enoncees dans un discours reste fameux : « Tout cela pourquoi ? Pour exporter la Revolution francaise ? Nulle-ment. Personne n'aime les missionnaires armes. Pour la liberte ? Pas du tout. La guerre fait le lit du despotisme. » Jacobins et girondins Deux conceptions de La republique s'affrontent: Les jacobins (ou montagnards) sont favorables ä un Etat centralise et commande par Paris. Issus de La province pour La plupart, Les deputes girondins sont au contraire hostiles au contröle total de la capitale sur le pays. lis sont ainsi accuses par les jacobins d'etre federalistes. Le combat entre les deux tendances va durablement marquer le pays. Aujourd'hui, on considere que notre Etat centralise est issu de la victoire du jacobinisme sur les girondins ; ä l'heure actuelle, et ce malgre la decentralisation, on parle toujours d'Etat jacobin. La guerre qui s'annonce contre les puissances europeennes ajoute done encore ä la division du pays. Face ä cette situation de crise, la guerre est finalement declaree ä l'Autriche le 20 Avril 1792, apres de nombreux debats ä l'Assemblee legislative et au Club des jacobins. ■ 1792. Vers la republique Les armees francaises, mal preparees et mal commandees en raison de Immigration des officiers nobles, subissent au debut de la guerre de cuisantes defaites. La suspicion contre le roi se developpe, lui qui est favorable aux armees ennemies. Soucieux de defendre l'Eglise, Louis XVI applique son droit de veto (en latin : « j'interdis ») contre le decret Partie v Le XVIIIe siede (1715-1814) : Lumieres et Revolution d'arrestation des pretres refractaires. La mefiance s'accroit alors consi-derablement a son egard : il ne semble pas jouer le jeu de la Revolution. Pour le contraindre a accepter cette decision, le peuple envahit les Tuileries le 20 juin 1792 et le contraint a porter le bonnet phrygien et a boire a la sante de la nation ! Toutefois, malgre ces intimidations, Louis XVI reste sourd a la volonte populaire et maintient son veto, alimentant ainsi la tension du peuple. Peu de temps apres, le 11 juillet, a la suite de defaites militaires manifestes, l'Assemblee proclame la patrie en danger, entrainant ainsi la mobilisation de nombreux volon-taires aux armees. La Marseillaise a Paris C'est a I'occasion de I'arrivee a Paris de volontaires marseillais, decides a se battre pour defendre le pays menace, que La Marseillaise se popularise. Cette chanson guerriere, creee par Rouget de Lisle, s'appelle a I'origine Chant de guerre pour I'armee du Rhin. Chantee par des Marseillais, les Parisiens la debap-tisent pour lui donner leur nom. ELLe devient chant national en 1795, mais est ensuite interdite par le regime napoleonien et par la Restauration. II faudra attendre 1879 pour que la chanson redevienne I'hymne national. A Paris, la situation est de plus en plus tendue entre le peuple et le roi. L'idee de republique gagne du terrain. A cette situation de crise s'ajoute la panique et la colere, entrainees par l'avancee des armees ennemies qui menacent de condamner les revokes au « supplice » s'ils touchent a la famille royale. Ces menaces provoquent alors l'insurrection du 10 aout 1792 : le peuple de Paris, mene par quelques grandes figures revo-lutionnaires comme Danton, prend d'assaut le palais des Tuileries, massacre sa garnison, amenant le roi et sa famille a demander refuge a l'Assemblee. Sous la pression populaire, celle-ci vote la decheance du roi ainsi que l'election d'une nouvelle assemblee appelee « Convention » (20 septembre 1792-26 octobre 1795). La situation devient de plus en plus grave pour la famille royale. Apres les evene-ments du 10 aout, le roi et sa famille sont emprisonnes. Valmy : « Une ere nouvelle dans I'histoire du monde. » Contre toute attente, les troupes frangaises inferieures en nombre repoussent pres du moulin de Valmy dans la Marne I'invasion etrangere. Goethe, le poete allemand, temoin de la bataille de Valmy, dit alors que « d'aujourd'hui et de ce lieu date une ere nouvelle dans I'histoire du monde ». II n'a pas tort: pour la premiere fois, une armee de citoyens galvanisee par le sentiment patriotique bat une armee de metier. L'ere de la conscription et du nationalisme s'ouvre, boule-versant I'art de la guerre. Les Francais au XVIIP siede et sous le Ier Empire Chapitre i ■ 1792. Une république née dans le sang Plus rien ne s'oppose désormais ä l'instauration ďune république. Celle-ci est proclamée officiellement le 21 septembre, le lendemain de la victoire inespérée de Valmy contre les puissances européennes coali-sées. Pour la premiere fois de son histoire, la France est républicaine. ■ Le roi est mort, vive la République ! Cette transition ne se fait pas sans drames. Du 2 au 6 septembre, les Pari-siens massacrent plus dun millier de prisonniers considérés comme trai-tres ä la nation : ce sont les « massacres de septembre ». Le sort du roi dechu est un autre probléme ä regier pour la toute jeune république. En effet, au mois de décembre s'ouvre le proces du roi jugé exceptionnelle-ment, non pas par un tribunal mais par la Convention elle-méme. Renfor-cant sa legitimitě, cette nouvelle assemblée vient d'etre élue au suffrage universel masculin (c'est la premiere election au suffrage universel de l'histoire de France). Ce proces va diviser 1'Assemblée entre girondins, issus de la branche modérée du Club des jacobins, et montagnards, branche des jacobins aux positions politiques plus radicales. ■ Les montagnards Les montagnards tirent Leur nom de Leur place au sein de I'Assemblee, tout en haut des gradins. Les girondins souhaitent épargner le roi tandis que les montagnards prônent la peine de mort contre ľancien souverain. Aprés un proces ä charge, c'est finalement la mort qui est votée par les conventionnels, entraínant ľexécution sur ľéchafaud de Louis XVI le 21 Janvier 1793. Le calendrier républicain Dans un but de déchristianisation et pour marquer une nouvelle ére républicaine, le gouvernement decide de ne plus utiliser le calendrier grégorien et de le remplacer par un calendrier républicain. Mis en place en octobre 1793, le nouveau calendrier établit 12 mois de 30 jours, composes de semaines de dix jours appelés « décadi ». On rebaptise les jours et les mois. Ces derniers portent des noms originaux inspires par la nature et les travaux des champs, tels que fructidor, brumaire, vendémiaire, messidor, etc. Le calendrier est date ä partir de ľan I de la République, soit le 22 septembre 1792. II sera supprimé en 1806 par Napoleon. II illustre la volonté des revolutionnaires d'instaurer une culture nouvelle, porteuse de ses propres symboles, ä ľimage de la cocarde tricolore (le bleu et le rouge de la ville de Paris associés au blane de la monarchie). Partie v Le XVIIIe siécle (1715-1814) : Lumiéres et Revolution ■ 1793-1794. La dictature republicaine La Convention confie le pouvoir executif ä un comite de Salut public dont les pouvoirs etendus amenent ses membres ä etablir progressive-ment une veritable dictature sur le pays. Ce comite, d'abord compose de girondins et de montagnards, devient l'outil dictatorial exclusif des montagnards et de ses chefs : Danton, Robespierre ou encore Saint-Just. Dans les departements, la politique des conventionnels est relayee par des representants en mission, veritables missionnaires de la Repu-blique charges de veiller ä l'application des lois et de diffuser la culture republicaine. Robespierre (1758-1794) et Danton (1759-1794) : la glace et le feu Ces deux personnalités marquent La Revolution par Leurs talents, mais aussi par Leurs personnalités radicalement opposées. Ainsi, Robespierre, surnommé « ['incorruptible », est la vertu incarnée. On lui connait ni aventures fémi-nines, ni aucun vice. Son esprit briliant lui permet de s'affirmer comme ľun des principaux chefs du parti montagnard. Danton est son oppose, un homme passionné, volage et bon vivant. Proche du peuple, il est ľun des hommes qui a mené ľinsurrection du 10 aout 1792. Peu aprés, face aux défaites militaires qui menacent le pays, il declare d'une voix rugissante ä la tribune de I'Assem-blée legislative une phrase restée célébre : « De ľaudace, encore de ľaudace, toujours de ľaudace et la patrie sera sauvée. » Son pouvoir charismatique fait de lui un autre chef du parti montagnard. Toutefois, il est loin d'etre aussi vertueux que son rival: les accusations de corruption se multiplient contre lui. Ces deux personnalités contrastées sont amenées ä se combattre. Danton, par son opposition ä la politique de « ľincorruptible » trop sanguinaire, est finale-ment guillotine sur ordre de celui-ci. Le 5 a vri I 1794, intransigeant et fana-tique, Robespierre n'hésite pas ä condamner ä mort Camille Desmoulins, son ami d'enfance. Un peu plus tard, la guillotine ne ľépargne pas non plus quand, avec ses proches, dont Saint-Just, il est renversé le 9 thermidor de ľan II (27 juillet 1794) et execute le lendemain. C'est la fin de la domination monta-gnarde sur la Convention. Au debut de l'annee 1793, les tensions entre girondins et montagnards s'aggravent. Les premiers ont quitte le Club des jacobins et affirment toujours plus leur difference avec les montagnards. Le combat politique engage entre les deux tendances tourne ä l'avantage des seconds qui affirment leur domination sur la France. Le 2 juin 1793, de nombreux deputes girondins sont arretes et executes le 31 octobre. La Revolution provoque ainsi une nouvelle guerre civile Les Francais au XVIIP siede et sous le Ier Empire Chapitre i puisque les partisans des girondins se soulěvent contre les montagnards: cest la revoltě fédéraliste qui gagne plusieurs regions de France (Ouest, Sud-Ouest et Sud-Est). Charlotte Corday assassine Marat Par sa plume de journaliste, Marat attise la haine des girondins et de to us les « ennemis de la Revolution ». Une jeune Normande, Charlotte Corday, favorable aux girondins, decide de l'assassiner ä son domicile le 13 juillet 1793 en le poignardant dans sa baignoire, ou une maladie de peau le contraint a séjourner longuement. Cette mort provoque un profond émoi chez les sans-culottes qui voient Marat comme un héros. Son corps est transfere au Pantheon, église rendue a la vie civile sous la Revolution pour rendre hommage aux grands hommes. Le peintre David, ami personnel de Marat, peint la fameuse scene de sa mort dans sa baignoire, representant le « martyr de la liberté », a la maniěre d'un Christ descendu de sa croix. Une ceuvre sociale dans l'ombre de la Terreur Sur le plan social, la Convention multiplie les mesures : abolition de l'esclavage dans les colonies, abolition des droits féodaux sans aucune indemnité, distribution des biens des suspects aux plus démunis, tentative de remplacement du culte catholique par le culte de 1'étre supreme. Cette derniěre reforme, portée par Robespierre, s'explique par son ideal de République morale et vertueuse. Saint-Just, un proche de Robespierre, n'hesite pas ä lancer : « Le bonheur est une idée neuve en Europe. » L'ephemere abolition de l'esclavage Les colonies frangaises, ä 1'époque Saint-Domingue (future Hai'ti), Martinique, Guadeloupe, Reunion (ex-ile Bourbon jusqu'en 1793), sont des economies de plantation recourant ä l'esclavage. La colonie la plus importante est alors Saint-Domingue avec pres de 500 000 esclaves. Avant 1789, un courant progressiste réclamant l'abolition de l'esclavage s'etait constitué au sein de la Societě des amis des Noirs, dans laquelle militaient notamment Condorcet et Brissot. Aprěs de longues hesitations concernant l'abolition ä cause du lobby colonial, la loi est votée en février 1794 ; la Revolution frangaise se met alors en conformité avec les principes énoncés par la Declaration des droits de l'Homme. Toutefois, la loi n'a de portée qu'ä Saint-Domingue car, ailleurs, l'abolition n'est jamais vraiment appliquée. Ailleurs, ces abus font peser la menace d'un ralliement ä l'Angleterre, effective pour la Martinique et la Guadeloupe. Partie v Le XVIIIe siede (1715-1814) : Lumieres et Revolution ■ Un an de Terreur (1793-1794) On ne peut comprendre la politique de la Terreur sans restituer la crainte des revolutionnaires face ä la multiplication des ennemis. Une fois le sort du roi regle, la nouvelle republique se retrouve face ä de multiples perils et developpe un sentiment de paranoia, notam-ment ä Paris. Des ennemis exterieurs aux frontieres Emues par l'execution de Louis XVI, les tetes couronnees europeennes s'allient pour punir la Republique regicide. Aux premiers succes des revolutionnaires de l'automne 1792 succedent les defaites de l'annee 1793. Ultime coup dur : le general Dumouriez, victorieux ä Valmy, passe ä l'ennemi. Contre ces adversaires multiples (Autriche, Prusse, Angleterre, Espagne), la Convention decrete la « patrie en danger ». Aux Antilles, les Anglais se font menacants sur les lies coloniales. La contre-revolution vendeenne Face ä la levee en masse de 1793, des centaines de jeunes Vendeens entrent en rebellion ouverte contre la Revolution. En mars 1793 commence la guerre de Vendee, favorable ä la monarchic et ä l'Eglise, contre le gouvernement republican!. Diriges par de grands chefs comme Francois de Charette, les Vendeens multiplient dans un premier temps les victoires. Consciente du danger, la Convention envoie de nombreux renforts qui matent la rebellion et commettent de nombreux massacres durant l'annee 1794 (entre 120 et 200 000 morts selon les estimations). Parallelement, en Bretagne et en Normandie se developpe une insurrection contre-revolutionnaire, la Chouannerie, du nom de Jean Chouan qui a pour cri de ralliement un chat-huant. Les nobles emigres et les Anglais cherchent alors ä s'appuyer sur ce mouve-ment pour tenter de debarquer dans l'Ouest. Les troubles se poursui-vent dans la region de maniere episodique jusqu'en 1799. La France plongee dans un bain de sang L'histoire retient surtout la politique repressive, ou « Terreur », menee contre les opposants reels ou supposes de la Revolution : les executions sous le couperet de la guillotine se multiplient. Sans oublier la pression constante exercee par les sans-culottes parisiens, particulierement radicaux, sur le gouvernement republican!. Les partisans d'Hebert, qualifies « d'enrages », poussent en effet ä l'insurrection populaire. Ann de domestiquer le peuple parisien, le comite de Salut public n'hesite Les Francais au XVIIP siecle et sous le Pr Empire Chapitre i pas a s'appuyer sur les divisions du Club des cordeliers proche des sans-culottes. L'escalade est en marche : sont successivement executes les hebertistes juges trop radicaux, puis Danton et ses proches, qualifies d'« indulgents », dont la popularity et la critique contre les actions du comite de Salut public les condamnent irremediablement a la guillotine. La violence revolutionnaire se concentre desormais a Paris, oil la justice exercee par le tribunal revolutionnaire est particuliere-ment expeditive depuis les lois de juin 1794. Ces dernieres otent tout droit a la defense : 1 400 personnes sont executees dans les six semaines qui suivent la loi. Triste bilan Au final, la repression aurait fait environ 40 000 morts en France (parmi lesquels Marie-Antoinette), sans compter les victimes vendeennes de la guerre civile. Localement, certains representants en mission outrepassent leurs fonctions et se comportent en veritables terroristes : a Nantes, le tristement celebre Carrier noie des milliers de suspects dans la Loire. De son cote, la Vendee est « pacifiee » dans le sang au debut de I'annee 1794 : les estimations varient entre 128 000 et 200 000 morts. Les montagnards tombent de haut! Les montagnards sont victorieux et maitres de la Republique. Robespierre domine le comite de Salut public : la Convention est soumise par la peur. Pourtant, au sommet du pouvoir, les divisions divisent les montagnards de l'interieur, ce qui va entrainer leur perte. En effet, lasses de la Terreur et des executions de certains de leurs confreres, les deputes de la Convention vont peu a peu s'allier contre Robespierre appele « le tyran » : le 9 ther-midor (27 juillet 1794), ces deputes mettent Robespierre et ses allies en accusation et ordonnent leur arrestation. lis se refugient a l'Hotel de Ville, pris d'assaut par les troupes de la Convention. Robespierre et ses amis sont arretes et executes le lendemain. Dans plusieurs villes du pays, les jacobins sont pourchasses et executes : c'est la « Terreur blanche ». La fin des sans-culottes En mai 1795 (prairial), des femmes des quartiers populaires envahis-sent la Convention, toujours motivees par la faim. Un depute est meme tue et sa tete exhibee. La revolte se poursuit pendant plusieurs jours avant que la repression ne vienne briser le mouvement: plus d'un millier de sans-culottes sont arretes. C'est le dernier coup d'eclat du peuple parisien. Partie v Le XVIIIe siede (1715-1814) : Lumiěres et Revolution ■ 1795. Un regime contesté et contestable La nouvelle constitution : le Directoire (26 octobre 1795 - 9 novembre 1799) Apres la chute des jacobins, les vainqueurs de Robespierre (appelés thermidoriens) veulent faire table rase du passe et instaurer un nouveau regime en adoptant une constitution qui aurait cinq direc-teurs assurant le pouvoir exécutif. La nouvelle constitution (dite Constitution de ľan III) met en place « le Directoire », confiant le pouvoir législatif ä deux assemblies, guidée par la volonte ďétablir des contre-pouvoirs : le Conseil des anciens et le Conseil des cinq-cents. La perióde est marquee par de multiples contestations d'un regime trěs impopulaire, domine par des personnalités corrompues comme Barras. Le « roi Barras » Ce surnom est donne ä Barras pendant Le Directoire car iL apparait comme L'homme fort du regime. Contrairement ä Robespierre « l'incorruptible », iL utilise son pouvoir ä des fins d'enrichissement personnel. Les contemporains Le considě-rent comme un homme « sans foi comme sans mceurs », au train de vie royal. Contrairement ä la dictature jacobine de Robespierre, le regime affiche une certaine faiblesse que ses ennemis (royalistes et jacobins) vont exploiter pour reprendre le pouvoir. Les armées révolutionnaires victorieuses Sur le plan militaire, la periodě du Directoire est marquee par la montée en puissance de ľarmée. En effet, ä partir de 1795, les armées révolutionnaires rencontrent de vifs succés qui les portent vers les Provinces-Unies, ľAllemagne, la Suisse et ľltalie. Arrivant en libéra-teurs, les Francais imposent rapidement leur domination sur des « républiques-sceurs » en s'appuyant sur les patriotes locaux fascinés par la Revolution francaise. Plusieurs républiques-sceurs voient ainsi le jour. Elles marquent ľiníluence de la Revolution francaise en Europe. Mais les patriotes locaux déchantent rapidement face aux exigences francaises. Le Directoire tient rarement ses engagements et fait peu de cas des idéaux universalistes de la Revolution. Surtout, le pillage systé-matique organise par les armées révolutionnaires fini de dresser les populations locales contre la France. Les Francais au XVIIP siecle et sous le Pr Empire Chapitre i ■ 1796. La conspiration de Babeuf La mort de Robespierre ne met pas fin au jacobinisme. Sous le Direc-toire apparait meme un courant neo-jacobin menacant pour le pouvoir en place. En 1796, l'un de ces neo-jacobins, Gracchus Babeuf, porteur d'idees avant-gardistes preconisant la mise en commun des richesses, est bien decide a renverser le Directoire. Avec l'aide de complices, il lance la conjuration des Egaux. Celle-ci est rapidement demantelee suite a une denonciation : Babeuf est execute en mai 1797. L'avenir de la Conjuration L'un de ses complices, I'ltalien Buonarroti, qui a echappe a I'arrestation, se fera I'historien de la Conjuration. Cette transmission permettra au babouvisme d'etre au XIXe siecle une source d'inspiration pour le socialisme revolutionnaire et le marxisme. ■ La reponse a la menace royaliste Le recours aux generaux Le retour aux elections au suffrage censitaire donne l'avantage aux roya-listes puis aux neo-jacobins. Conscient de la menace, le Directoire decide d'annuler illegalement les elections et de deporter les deputes genants. Le Directoire peut compter sur une generation de generaux brillants et farouchement republicains comme Jourdan, Hoche et surtout Bonaparte. Ainsi, lors de troubles royalistes, le regime fait appel a ce jeune general de 26 ans pour mater une rebellion le 5 octobre 1795. En signe de remerciement, Barras lui confie l'armee d'ltalie engagee contre les Autrichiens. Pourtant en inferiorite numerique, Bonaparte accumule les succes, a Arcole et Rivoli notamment, et contraint l'Autriche a negocier la paix a Campoformio le 17 octobre 1797. Bonaparte se demarque General victorieux, le prestige de Bonaparte est immense. Le pouvoir commence a craindre cet homme a la popularity grandissante, dont 1'influence sur l'armee pourrait lui permettre de fomenter un coup d'Etat. Ann de l'eloigner de France, il lui confie en 1798 le commande-ment d'une expedition en Egypte Cet eloignement ne sauvera pas le Directoire puisque a son retour, l'annee suivante, Bonaparte est bien decide a prendre le pouvoir pour renverser un regime dont plus personne ne veut. C'est la fin de la Pe Republique et de la decennie revolutionnaire. Partie v Le XVIIIe siede (1715-1814) : Lumiěres et Revolution Bonaparte en Egypte Bien que victorieux miLitairement en Egypte, notamment Lors de La bataiLLe des pyramides, Bonaparte est oblige de rentrer en France en secret, Laissant son armée agonisante ä cause d'une epidémie de peste. Le ravitaillement a été rendu impossible par la destruction de la flotte frangaise par les Anglais dans la baie d'Aboukir. Toutefois, Bonaparte revient avec ľégyptologie dans ses bagages, par le biais d'une équipe scientifique jointe ä ľarmée frangaise lors de cette campagne. Les Frangais révélent alors aux Égyptiens ľintérét historique de leur passé et fondent ľégyptologie. Le Consulat: 1799-1804 Domine par le consul Bonaparte, le nouveau regime glisse progressive-ment vers un pouvoir personnel. Les quatre années du Consulat marquent la construction de ľÉtat moderne frangais ä travers une série de réformes durables, qualifiées par Bonaparte de « masses de granit ». Napoleon Bonaparte (1769-1821) : un revolutionnaire prend la couronne Né en 1769 á Ajaccio, dans une famille nombreuse de la petite noblesse corse ralliée á la France, il affirme, děs son plus jeune áge, une grande fermeté de caractěre et un certain autoritarisme. Envoyé sur le continent, il entre á 1'école militaire de Brienne en 1779. Éloigné de sa famille et entouré de camarades raillant son accent corse, il affermit son caractěre et révěle déjá ses capacités au commandement. Élěve briliant, il entre á 1'école militaire de Paris afin de parfaire son instruction militaire. II se specialise alors dans I'artillerie et devient officier peu aprěs. En 1792, il retourne en Corse et hésite encore á jouer son destin entre son íle natale ou le continent. En raison de son soutien au jacobi-nisme, il est chassé par les Corses qui soutiennent le roi. Son choix est done fait, il sait qu'il doit réussir en France et s'engage á corps perdu dans la Revolution. II s'illustre peu aprěs au siěge de Toulon. Sous le Directoire, il se retrouve sans affectation. En 1795, Barras lui confie une repression anti-royaliste. Sa rapidité de decision et son génie militaire vont lui permettre de redresser la situation au profit du Directoire. Entré en grace auprěs de Barras, il devient un de ses intimes, lui permettant de faire la rencontre de Josephine de Beauharnais. Peu aprěs, il obtient le commandement de I'armee d'ltalie qui lui ouvre la voie vers un destin glorieux et fulgurant: les victoires s'enchainent. Ce destin s'appuie sur les qualités hors du commun de cet homme chan'smatique, veritable surdoué de I'art militaire et doté d'une capacité de travail hors norme. Les Francais au XVIIP siede et sous le Ier Empire Chapitre i ■ 1799. Un coup ďÉtat pour un consulat Ayant prepare le terrain quelques mois pour apparaitre comme le seul recours, Bonaparte prend le pouvoir par un coup d'État le 9 novembre 1799 (selon le calendrier républicain, c'est le 18 Brumaire de ľan VIII) avec ľappui de son ŕrére Lucien, qui preside le Conseil des Cinq-Cents. Le jour merne, avec un sens aigu de la communication, il fait placarder des affiches en sa faveur ainsi que des articles dans la presse. Ä la tete de l'État, il instaure le Consulat par une nouvelle constitution qu'il fait adopter par le peuple en mettant en place un plebiscite au suffrage universel. Le pouvoir est done démocratiquement legitime par ce suffrage, merne si le Consulat met en place les bases ďun regime dictatorial, dont Bonaparte est le seul maitre. Une constitution autorítaire La constitution du Consulat donne ľessentiel des pouvoirs au premier consul Bonaparte, assisté par deux autres consuls aux pouvoirs insignifiants. Le regime met également en place trois assemblées dont le rôle est assez marginal. Ainsi, le pouvoir législatif est compose du Conseil d'État (qui prepare les Lois), du Tribunat (qui les discute), et du Corps législatif (qui les vote). La procedure de designation des représentants est échelonnée par de multiples corps intermédiaires, rendant le suffrage universel trés indirect. D'ailleurs, les listes de candidats sont soumises ä l'avis du Premier consul. En somme, il s'agit la d'une democratic fictive. ■ 1800. Le renforcement du pouvoir La bataille de Marengo Arrive au pouvoir dans une situation militaire difficile, le consul Bonaparte est contraint d'assurer la pérennité de son regime. Ainsi, il remporte contre les Autrichiens la bataille de Marengo en Italie (14juin 1800). Une fois cette menace extérieure éloignée, Bonaparte voit son pouvoir affirmé. Il peut done entreprendre de nombreuses réformes, dont la plupart marqueront ľorganisation de la France pour longtemps. Ľattentat de la rue Saint-Nicaise L'opposition conspire et organise un attentat ä la bombe ! Cette « machine infernale » explose au passage du carrosse de Bonaparte, rue Saint-Nicaise, alors qu'il se rend ä ľopéra, le 24 décembre 1800. Ľattentat fait deux morts et de nombreux blesses. Bonaparte en Partie v Le XVIIIe siede (1715-1814) : Lumiěres et Revolution réchappe miraculeusement ä deux minutes pres, et profite de cet événement pour ŕrapper le camp jacobin ä gauche : le Senat établit une liste de 130 proscrits qui seront pour la plupart déportés. Napoleon est convaincu de la nécessité d'établir une legitimite ä son regime : ľidée de fonder un empire n'est pas loin. Portrait-robot ďun cheval ! La bombe avait été placée sur une charrette attelée ä un vieux cheval. Le préfet Dubois prend ľinitiative de faire ramasser soigneusement les restes de la charrette et du cheval. On reconstitue le signalement de celui-ci et on le diffuse ä tous les marchands de chevaux. Ľun ďentre eux reconnaŕt le cheval et donne le nom de son acquéreur. Ľenquéte aboutit ä ľarrestation et ľexécu-tion de conspirateurs chouans. ■ Un regime pacificateur La paix religieuse Face ä un pays desorganise par une decennie de troubles revolution-naires, Bonaparte decide de reformer le pays en profondeur. Soucieux de reconcilier les Francais, il souhaite retablir la paix religieuse, source de division, par un accord avec le pape qui avait condamne les persecutions contre l'Eglise de France durant la Revolution. En signant le Concordat de 1801, le Premier consul apaise le pays et retablit les relations entre Paris et le pape. La religion catholique est proclamee « religion de la grande majorite des Francais ». La contrepartie de cette reconnaissance est la mise sous tutelle de l'Eglise par l'Etat: le clerge est salarie de l'Etat et nomme par lui. La concorde religieuse est restauree et Bonaparte, l'homme de guerre, se pose en pacificateur. Pour la premiere fois depuis dix ans, les cloches de Notre-Dame de Paris retentissent. Une main tendue aux hommes hostiles ä la Revolution Bonaparte veut egalement attenuer les rancceurs entre revolution-naires et contre-revolutionnaires. Pour cela, il permet aux emigres (les Francais hostiles ä la Revolution ayant quitte la France) de revenir en France. Avec mansuetude, il leur permet meme d'occuper des charges importantes dans le nouveau regime. Guide la encore par une volonte de pacification, le Premier consul trouve un accord de paix avec les chefs chouans, hostiles ä la Revolution, ä la tete d'une rebellion dans une grande partie de la Bretagne. Les Francais au XVIIP siede et sous le Ier Empire Chapitre i Les prefets arrivent... Durant les quatre annees du Consulat, l'ceuvre reformatrice de Bonaparte est impressionnante. Pour renforcer le pouvoir central, il met en place des prefets a la tete de chaque departement dans le but d'affirmer le controle de l'Etat sur le pays. La France n'a jamais connu une organisation aussi centralisee. Enfin le droit franco's unifie ! Dans le domaine de la justice, la creation du Code civil (mars 1804) marque une etape fondamentale puisqu'elle unifie enfin le droit fran-cais dans l'ensemble du pays. Le Code civil impose notamment une vision patriarcale de la famille, placant les femmes dans une position de sujetion vis-a-vis du mari. En outre, le pouvoir judiciaire est reorganise, vingt-neuf cours d'appel et un tribunal de cassation sont crees. Le Code civil ou Code Napoleon Le Code civil a inspire le droit de nombreux pays comme la Belgique, les Pays-Bas, I'Espagne, I'ltalie, le Portugal, et des regions comme le Quebec ou l'Etat de Louisiane, colonie frangaise vendue par Napoleon a la jeune republique ameri-caine en 1803. Le bei avenir du franc Le domaine fiscal et monetaire est egalement reforme. La banque de France est creee et le franc est stabilise. Ce nouveau Franc, dit « germinal », connaitra une longevite exceptionnelle puisqu'il conser-vera sa valeur pendant plus d'un siecle, jusqu'en 1914. Le lycee polit la jeunesse Par volonte de mettre en place une nouvelle elite, Bonaparte cree des lycees, reformant ainsi l'enseignement secondaire. Ouverts aux fils de bonne famille et aux eleves meritants encourages par l'obtention de bourses d'etudes (en fait essentiellement les fils des fideles du nouveau regime), ces etablissements mettent en place un enseigne-ment fonde sur l'etude des humanites (latin, grec) dans le cadre d'une discipline toute militaire (port de l'uniforme). Le lycee apparait done comme l'incarnation de la volonte du retour ä l'ordre, affichee par le nouveau regime. Partie v Le XVIIIe siede (1715-1814) : Lumieres et Revolution Les honneurs aux plus mentants C'est aussi a cette epoque que Napoleon cree la Legion d'honneur arm de recompenser civils et militaires et d'attacher les hommes les plus meritants a son regime. Des reformes perennes Ces reformes ont modifies de maniere radicaLe ['organisation du pays. Des mesures teLles que Le systeme prefectoral, Le Code civil, Le ConseiL d'Etat, La Legion d'honneur, Les Lycees, etc. sont toujours en vigueur aujourd'hui. ELLes sont associees a La centraLisation etatique, caracteristique de L'organisation administrative frangaise. ■ 1802-1804. Du Premier consul a I'Empereur Les relations exteneures Grace a son ceuvre reformatrice et pacificatrice, la popularity du Premier consul grandit sans cesse au sein dune population lasse des desordres revolutionnaires et assoiffee de stabilite. Les Francais sont egalement satisfaits de voir la paix s'affirmer avec l'Europe. En effet, par le traite d'Amiens du 27 mars 1802, l'Angleterre accepte enfin de signer la paix avec la France. Apres plus de dix ans de guerre, cette paix declenche l'enthousiasme du peuple et permet au Premier consul de renforcer encore son emprise sur le pays. C'est ce moment que Bonaparte choisit, repondant aux pressions du lobby colonial, pour retablir l'esclavage dans les colonies. S'appuyant sur sa popularity, Bonaparte s'attribue davantage de pouvoir et renforce l'aspect dictatorial du regime en reduisant, entre autres, le pouvoir des assemblies. Un vent de contestation a Saint-Domingue L'autorite du Premier consuL est fortement contestee a Saint-Domingue. Dans cette Tie des Antilles, fleuron de I'empire colonial frangais pour sa production de canne a sucre, I'abolition de l'esclavage avait rendu la liberte a pres de 465 000 personnes. Beaucoup s'engagent alors dans les armees revolutionnaires pour repousser une tentative d'invasion anglo-espagnole. Un esclave affranchi, Toussaint Louverture, devient meme general et se proclame gouver-neur de I'ile. Lors du retablissement de l'esclavage, la population, a 94 % noire, s'insurge et reclame son independance. Un corps expeditionnaire reprime tres violemment la resistance. Toussaint Louverture est arrete et deporte en France. Toutefois, Saint-Domingue echappe a la domination frangaise en 1804 avec la proclamation de la republique d'Hai'ti. Ce mouvement independantiste est le premier de I'empire colonial frangais. Les Francais au XVIIP siede et sous le Ier Empire Chapitre i Un suffrage révélateur En aout 1802, nommé dans sa function de Premier consul pour dix ans, Napoleon Bonaparte franchit une autre étape en interrogeant les Francais par suffrage : « Napoleon Bonaparte sera-t-il consul ä vie ? » La réponse est sans appel: il y a 3,6 millions de oui pour seulement 8 374 de non. L'idée imperiale gagne progressivement tous les esprits favorables ä Bonaparte. Dans une perióde de nombreux complots, dont une des figures emblématiques est le chouan Georges Cadoudal, le premier consul Bonaparte souhaite stabiliser le regime par un systéme dynastique. Le due d'Enghien, mort pour I'exemple Le 21 mars 1804, pour lütter contre ces complots, le pouvoir n'hésite pas ä dormer I'exemple. II fait enlever et exécuter un membre de la famille royale, le due d'Enghien, prétextant que le conspirateur chouan Cadoudal aurait avoué ľimplication d'un prince dans sa conspiration. L'execution du due pour complot royaliste, dans les fosses du chateau de Vincennes, est approuvée par tous les anciens revolutionnaires. Elle scandalise toutefois le milieu monarchiste qui voyait Napoleon comme un allié potentiel susceptible de rétablir les Bourbons au pouvoir. Cette execution est désapprouvée par certains proches du Premier consul: Antoine Boulay de la Meurthe dit ä ce propos : « Cest pire qu'un crime, e'est une faute. » Cette phrase est généralement attribuée ä tort ä Talleyrand. Bonaparte devient Napoleon Ier Le Premier consul souhaite créer une nouvelle monarchie au profit de sa lignée. Ne pouvant décemment rétablir la royauté en tant qu'ancien general républicain, il choisit de se faire sacrer empereur, plebiscite par les Francais. Ainsi, en mai 1804, ľEmpire est proclamé et Napoleon Ier devient ľempereur des Francais. Arrestation d'un conspirateur : Georges Cadoudal En mars 1804, ce conspirateur chouan royaliste est arrété aprěs une course poursuite dans Paris au cours de laquelle il tue un policier. II préméditait un attentat contre le Premier consul et avait des complices haut places. II est execute le 12 juin 1804. Napoleon Ier est sacré avec son épouse Josephine, le 2 décembre 1804, ä la cathédrale Notre-Dame de Paris, en presence du pape. Cela ne ľempéche pas de se poser lui-méme la couronne imperiale sur la tete, Partie v Le XVIIIe siede (1715-1814) : Lumiěres et Revolution montrant ainsi de qui il tient son pouvoir ! Le sacre est immortalise par David, passe comme bien d'autres du jacobinisme au bonapartisme, dans un tableau monumental presentant le moment oü Napoleon sacre Josephine, moment politiquement plus correct! Josephine (1763-1814) : une passion napoleonien ne Josephine de Beauharnais est nee aux Antilles d'une famille de riches proprie-taires terriens. Cette belle creole, tres feminine, se marie en 1779 avec un offi-cier de l'armee frangaise, Alexandre de Beauharnais, avec qui eile a deux enfants. Elle se retrouve veuve sous la Revolution, son rnari etant guillotine en 1794. Elle devient alors la maitresse de Barras, l'homme fort du Directoire. C'est grace ä lui qu'elle rencontre le general Bonaparte, de six ans son cadet. Leur manage a lieu peu apres en 1796. L'opinion dit alors que Barras offre en cadeau de mariage l'armee d'Italie ä Bonaparte. La residence des nouveaux epoux, le chateau de Malmaison au sud de Paris, permet ä Josephine de multiplier les receptions pour assurer l'ascension politique de son epoux. Pendant la Campagne d'Italie et d'Egypte, Josephine est ä Paris oü eile trompe allegre-ment Bonaparte, tandis que celui-ci lui ecrit des lettres d'amour enflammees. Ä son retour d'Egypte, Bonaparte souhaite divorcer. Par son attachement aux deux enfants de Josephine (Eugene et Hortense), il change d'avis malgre l'opinion de sa famille. Une fois Napoleon au pouvoir, eile se met ä l'admirer, mais c'est au tour de Napoleon de multiplier les maitresses. Sacree imperatrice avec Napoleon, eile ne lui donne pas d'heritiers, ce qui lui vaut sa repudiation en 1810. L'Empereur epouse alors Marie-Louise d'Autriche, mais Josephine garde son titre d'imperatrice. En 1814, alors que Napoleon est en exil, eile meurt d'une pneumonie ä la suite d'une reception dans un jardin en l'honneur du tsar Alexandre Ier. Le Ier Empire : 1804-1814 Synthěse des idées révolutionnaires et des principes monarchiques, 1'Empire porte, par les armes, la France au rang de premiere puissance européenne. Les premieres défaites militaires et le mécontentement croissant de la population face aux difficultés économiques, liées á 1'état de guerre continuel, font chuter l'Empereur une premiere fois, en 1814. Cette periodě donne naissance á un courant original de la vie politique frangaise, á mi-chemin entre liberalisme et autoritarisme : le bonapartisme. Les Francais au XVIIP siecle et sous le Pr Empire Chapitre i ■ 1804-1807. Napoleon vainqueur de I'Europe coalisee Les victoires de la Grande Armee Sacre empereur et detenteur dun prestige immense, Napoleon n'en est pas moins menace par une partie de l'Europe. En effet, malgre le traite d'Amiens, l'Angleterre reprend les hostilites contre la France en 1803. Decide a soumettre cet ennemi irreductible, l'Empereur reunit une armee a Boulogne-sur-mer en vue de debarquer sur les cotes britanni-ques et de mettre fin a la guerre. Pour longtemps, la peur dune invasion francaise hantera les esprits britanniques. Mais une autre menace se profile a l'Est: alors que les armees fran-caises sont rassemblees sur les cotes de la Manche, l'Autriche et la Russie s'allient a nouveau avec l'Angleterre pour combattre la France en l'attaquant a re vers. Tres reactif, Napoleon decide de prendre les devants et d'attaquer l'ennemi sur son terrain ; dans le plus grand secret, l'armee de Boulogne, baptisee la « Grande Armee », est envoyee a marche forcee vers l'Autriche. Surpris par la rapidite de mouvement des Francais, les Autrichiens, isoles, sont contraints a la capitulation a Ulm, le 20 octobre 1805. La manoeuvre est un succes : Vienne tombe peu apres. Le reste de l'armee autrichienne rejoint l'armee russe pour prendre sa revanche contre le nouvel empereur. Les deux armees pourtant en superiority numerique sont defaites a Austerlitz le 2 decembre 1805. Austerlitz : la bataille des trois empereurs Cette bataille apparait comme la plus brillante du regne de Napoleon. En effet, apres avoir pris Vienne, l'armee frangaise poursuit les Autrichiens et les Russes a l'Est. L'hiver arrivant, loin de ses bases, mal ravitaillee et en inferiorite numerique, l'armee frangaise, reduite a 73 000 hommes, semble en difficulte face a la coalition austro-russe. Napoleon decide alors de livrer bataille pour finir au plus vite la guerre. Son coup de genie est de feindre la crainte et de simuler la retraite de ses armees : degarnissant volontairement I'aile droite de son dispo-sitif pour attirer l'ennemi. Celui-ci se jette dans le piege, affaiblissant ainsi son centre, comme I'avait prevu Napoleon. L'Empereur utilise cette faiblesse pour lancer une grande attaque sur le point sensible de l'ennemi. La manoeuvre est un succes, les armees austro-russes sont battues. Un an jour pour jour apres son sacre, le 2 decembre 1805, l'Empereur a done mis hors de combat deux empires et contraint les empereurs russe et autrichien a cesser la guerre. Au soir de la bataille, les Frangais comptent environ 8 000 morts et blesses, tandis que les austro-russes en comptent le double. Cette victoire est symbolisee par le soleil qui illumine le champ de bataille. Partie v Le XVIIIe siede (1715-1814) : Lumiěres et Revolution La guerre ne se termine pas pour autant en Europe, bien que la paix avec 1'Autriche soit signée : malgré sa défaite, la Russie continue le combat contre la France. La guerre se poursuit également contre l'Angleterre et voit la destruction de la flotte francaise ä Trafalgar, le 21 octobre 1805, empéchant ainsi tout débarquement francais sur les cötes britanniques. Impuissant face ä la puissance maritime britan-nique, Napoleon impose alors un blocus continental ä l'Angleterre et interdit l'importation de ses marchandises. Le but est de ruiner l'economie anglaise et de contraindre son gouvernement ä négocier la paix. Mais ce blocus, pour réussir, doit étre appliqué partout en Europe, ce que Napoleon ne réussira jamais ä imposer malgré le succěs de ses armées. En 1806, la Prusse, soutenue par l'Angleterre et la Russie, entre en guerre contre la France. Apres une Campagne eclair marquee par les victoires francaises éclatantes de léna et d'Auerstaedt (14 octobre 1806), la Grande Armée rentre triomphalement dans Berlin. La guerre se poursuit ensuite ä 1'Est contre la Russie, et les Francais parviennent ä vaincre les armées russes ä Eylau (8 février 1807) puis ä Friedland (14 juin 1807). Le tsar de Russie est alors contraint de signer la paix avec les Francais ä Tilsit, en juillet 1807, et accepte d'appliquer le blocus Continental contre l'Angleterre. ■ L'Empire et l'Empereur tout-puissants Le regime napoléonien s'affirme de facon toujours plus autoritaire. Dejä dictatorial sous le Consulat, l'Empire voit le pouvoir de Napoleon se renforcer. Les assemblées perdent progressivement le peu d'influence qui leur restait. Composées essentiellement de fiděles du regime, elles ne souhaitent pas et ne peuvent pas contester le pouvoir de l'Empereur. La famille Bonaparte au pouvoir Dans Le but de consolider son systéme de domination sur ['Europe, L'Empereur decide de placer Les membres de sa famille sur différents trönes européens. Son frěre Louis est fait roi de Hollande, le royaume de Westphalie est donné ä son petit frěre Jeröme, tandis que son beau-fils, Eugene de Beauharnais, est designe vice-roi d'ltalie. Le royaume de Naples est offert a un fiděle compagnon, Murat, un de ses maréchaux, marié ä sa sceur Caroline. Les Francais au XVIIP siěcle et sous le Pr Empire Chapitre i Napoleon gouverne sans leur approbation, par le biais de décrets et de sénatus-consulte (actes votes par le Sénat á valeur de loi). En 1807, le Tribunát, seule assemblée á montrer des velléités ďindépendance et de contestation, est supprimé. Afin de surveiller et de brimer toutes formes ďoppositions, Napoleon met en place une police efficace. Celle-ci est dirigée par le ministře Joseph Fouché qui assure la mainmise sur 1'ensemble du territoire de 1'Empire. Les arts, le theatre et la littérature ne sont pas épargnés. Ils sont également sévěrement surveillés et censures. De méme, les jour-naux, étroitement contrólés par les censeurs, sont supprimés pour une grande partie ďentre eux. La presse décimée Lors de 1'arrivée au pouvoir de Napoleon en 1799, il existait environ soixante-dix journaux. Á sa chute en 1814, il n'en reste plus que quatre, les autres ayant été supprimés par un pouvoir qui ne tolěre plus la Uberte ďexpression. La lecture de la presse chute par consequent durant la periodě. Malgré ses atteintes aux libertés, 1'Empire apparaít comme une periodě de relative prosperitě. En effet, 1'agriculture et les industries connaissent une phase de croissance et sont vivement encouragées. De plus, les conquétes militaires ouvrent de nouveaux debouches et déve-loppent le commerce, aidé par 1'amélioration des voies de communication. Ce regime prospěre est soutenu par la bourgeoisie marchande et entreprenante. 1808. La guerilla imprévue en Espagne Peu de temps aprěs la paix signée avec la Russie, Napoleon, sůr de sa force, decide de contraindre le roi ďEspagne á 1'abdication et de le remplacer par un autre de ses frěres, Joseph. Le peuple, fiděle á son roi, se soulěve contre les armées francaises le 2 mai 1808. L'insurrec-tion, appuyée par les Anglais, se transforme peu á peu en guerre sanglante et marque un tournant pour le regime. En effet, 1'armée fran-caise ne parvient pas á écraser définitivement la rebellion et s'affaiblit profondément durant cette guerre. En 1814, le peintre Goya célěbrera la resistance espagnole dans son célěbre tableau Tres de May o, veritable hymne á la Liberté. Partie v Le XVIIIe siede (1715-1814) : Lumiěres et Revolution ■ 1809. La reaction autrichienne Consciente de ľaffaiblissement de la France dont une partie des armées est engagée en Espagne, l'Autriche decide de lui declarer la guerre. Elle veut prendre sa revanche suite ä la défaite cuisante d'Austerlitz. Mais ses espoirs de victoire sont vite décus, car ľarmée autrichienne est battue consécutivement ä Essling (21 mai 1809) puis ä Wagram (5 juillet 1809). Vaincu une fois de plus par Napoleon, l'empe-reur dAutriche est contraint de signer la paix avec la France. ■ 1810-1811. La quéte ďun héritier Insatisfait par ľinfertilité de ľimpératrice Josephine, Napoleon la répudie. Désireux d'établir une alliance durable avec son ancien ennemi autrichien, il decide en 1810 d'épouser Marie-Louise, la fille de ľempereur dAutriche. La dynastie Bonaparte est renforcée un an plus tard par la naissance ďun héritier : le 20 mars 1811 nait le roi de Rome, appelé également Napoleon. Ce fils est reste dans ľhistoire sous le nom de « ľAiglon » (ľaiglon, par reference au symbole imperial, ľaigle). Un prince au destin brisé Le roi de Rome, appelé aussi Napoleon II bien qiľil n'ait pas régné, vivra sous le nom de due de Reichstädt ä la cour de son grand-pěre, ľempereur Frangois Ier d'Autriche. Méme si Napoleon abdique en sa faveur, il ne régnera jamais et mourra ä 21 ans. Ses cendres ont été restituées par Hitler en 1940 en guise de gage de collaboration entre la France et l'Allemagne. II repose done actuelle-ment auprěs de son pere, aux Invalides. Ayant maintenant assure sa descendance, Napoleon est au faite de sa gloire. L'Empire est ä son apogée, s'étendant dAmsterdam jusqu'ä Rome. Cette puissance le convainc de se lancer dans une nouvelle aventure, cette fois trés périlleuse, qui entrainera sa chute: la Campagne de Russie. ■ 1812. La Russie : une rivale redoutable Malgré la paix entre les deux pays, la Russie reste une rivale menacante pour Napoleon. Le tsar Alexandre Ier n'applique pas le blocus continental stipule dans le traité. Les tensions entre les deux puissances se multiplient et déterminent Napoleon ä envahir la Russie en 1812. Il Les Francais au XVIIP siede et sous le Ier Empire Chapitre i deploie alors une armee extraordinaire d'environ 600 000 hommes, provenant de plus de vingt nations differentes. Pour resister ä cette armee redoutable, les Russes menent une politique de terre brülee desesperee, visant ä affamer l'armee francaise : lorsque celle-ci arrive ä Moscou, les Russes n'hesitent pas ä brüler leur propre capitale ! L'hiver venant, le Tsar ne cede toujours pas. Loin de leur base, les Francais, non equipes pour l'hiver, decident de battre en retraite ä travers les grandes steppes russes. Le froid, la faim ainsi que les attaques inces-santes des cavaliers cosaques detruisent presque completement la Grande Armee. Sur les 600 000 hommes au depart, on en decompte moins de 100 000 ä l'arrivee. C'est la Berezina ! Lors de cette retraite de Russie, Les armees frangaises doivent traverser une riviere appeLee La Berezina. Cette bataiLLe, restee dans Le vocabuLaire frangais comme synonyme de deroute, est pourtant une victoire frangaise. En effet, grace ä une habile manoeuvre et Le courage suicidaire des pontonniers frangais qui se sacrifient et construisent un pont dans L'eau gLace, Les Frangais reussissent ä echapper ä Leurs poursuivants russes. Toutefois, imaLgre cette manoeuvre reussie, La Berezina marque La fin de La Campagne de Russie, une des pLus grandes catastrophes miLitaires frangaises. ■ 1812. Un coup d'Etat au culot d'un general republicain Le 23 octobre 1812, a 4 heures du matin, le general Malet profite de l'absence de Napoleon, parti en Russie ou les communications sont difficiles, pour tenter un coup d'Etat en faisant croire a la mort de l'Empereur. A 9 heures du matin, il est maitre de Paris sans effusion de sang, mais certains s'etonnent de ne pas avoir ete les premiers prevenus. Ensuite, tout va tres vite : Malet est arrete a midi. Le 29 octobre, Malet et le general Lahorie, un ami des parents de Victor Hugo, sont fusilles. Napoleon n'append la nouvelle que le 6 novembre. Avec cette affaire Malet, la preuve est faite que sa dynastie ne s'est pas implantee. En effet, nul n'a pense alors au roi de Rome comme successeur. ■ 1813. Les ennemis de la France redressent la tete Les ennemis de la France, soumis jusque-la par sa puissance militaire, sentent le vent tourner. lis saisissent l'occasion pour s'allier et mettre fin a la domination frangaise sur l'Europe. En 1813, l'Europe coalisee Partie v Le XVIIIe siede (1715-1814) : Lumiěres et Revolution sonne la curée et declare la guerre ä la France. Les Francais, en inferioritě numérique, se battent avec courage pendant toute la Campagne d'Allemagne, mais ils sont battus et doivent reculer, combattant ainsi l'ennemi sur leur propre sol. Ironie du sort, cette Campagne de France est l'une des plus brillantes de Napoleon : rapidité de mouvement, sens stratégique et tactique, heroi'sme des hommes. En effet, ä un contre cinq, les soldats francais, brillamment commandés, réussissent ä infliger de sévěres défaites ä l'ennemi (batailles de Champaubert et Montmirail par exemple). Iis sont néanmoins écrasés par le nombre important des assaillants, et Paris doit capituler. Désireux de continuer le combat, Napoleon est malgré tout contraint ä l'abdication par ses maréchaux et le Senat, le 6 avril 1814. II faut dire que les premiers revers militaires de Napoleon se joignent ä un retourne-ment de conjoncture économique. La baisse du commerce, la pression fiscale, les besoins incessants de la conscription détachent progressive-ment les Francais ďun Empire qui ne rime plus avec prosperitě. Les allies victorieux exilent l'Empereur sur Pile d'Elbe, en Méditer-ranée, et se partagent l'ensemble des conquétes militaires de la France des vingt derniěres années. Napoleon, un personnage contrasté Le souvenir du Premier Empire est reste trěs vivace en France et en Europe. Figure fascinante et repoussante ä La fois, NapoLéon Bonaparte a autant d'admirateurs que de détracteurs. Officier genial, NapoLéon reste un incontour-nabLe de L'histoire militaire. Pour autant, une Legende noire de L'Empereur a aussi été forgée, souLignant ses conquétes et Ľétat de guerre continueL dans LequeL L'Europe est pLongée sous son rěgne : son nom reste synonyme de dicta-ture, en particuLier en Grande-Bretagne et aux États-Unis, certains universitäres n'hésitant pas ä Le comparer trěs abusivement ä Hitler ou Staline. Pourtant, son nom continue de susciter la Sympathie, et une veritable legende napoléonienne s'est mise en place. Les Francais au XVIIP siede et sous le Ier Empire Chapitre i Vision exterieure : le XVIIIe siede europeen et le choc des puissances Au XVIIP siecle, les pions europeens se sont deplaces. L'Angleterre s'impose comme la premiere puissance maritime et coloniale. Les enjeux de puissance s'elargissent maintenant de l'Europe aux horizons du monde. Depuis la Revolution francaise, l'Empire napoleo-nien mobilise les forces europeennes en de nombreuses coalitions. ■ Duel entre l'Angleterre et la France Dans quatre conflits du siecle, les guerres de succession d'Espagne et d'Autriche, la guerre de Sept Ans et la guerre d'Independance ameri-caine, la France s'est heurtee ä l'Angleterre. Si l'on prolonge cette riva-lite jusqu'aux guerres napoleoniennes avec comme point final Waterloo, on peut parier d'une nouvelle guerre de Cent Ans. Ii s'agit maintenant pour la France de se mesurer ä la puissance anglaise sur mer et de proteger ses nouveaux marches coloniaux. L'Angleterre est la concurrente la plus dangereuse par sa puissance maritime tres supe-rieure, constitute d'une flotte imposante, extremement organisee. De plus, en tant qu'ile, l'Angleterre n'a pas l'imperieux devoir, comme la France, de surveiller constamment ses frontieres. Les Anglais peuvent done se centrer sur un objectif exclusif: contröler les mers afin de construire un empire maritime. C'est sur quatre continents que les Anglais et les Francais s'affrontent au XVIIP siecle : Europe, Amerique, Asie et Afrique. Si la France doit abandonner le Canada ä l'Angleterre, les rivalites s'exercent aussi ailleurs par le biais de compagnies commerciales privees, comme la Compagnie francaise des Indes et la Compagnie anglaise des Indes orientales. Les corsaires et pirates de tous bords sillonnent les mers en menant des affrontements maritimes ponctuels. Iis n'hesitent pas ä attaquer des navires de commerce ou de peche pour s'emparer de leur cargaison. Toujours hostile ä l'Angleterre, la monarchie francaise choisit son camp en soutenant les insurges americains. Grace ä l'aide militaire et navale de la France, ces derniers parviennent ä conquerir en 1783 leur independance au detriment de l'Angleterre. Partie v Le XVIIIe siede (1715-1814) : Lumieres et Revolution ■ Des princes eclaires aux dents longues Les Habsbourg sont desormais evinces de l'Espagne, retires dans leurs terres d'Autriche-Hongrie, avec pour seule pretention l'election ä l'Empire. Toutefois, ä la mort de l'empereur Charles VI, l'heritage de sa fille (mere de Marie-Antoinette), pourtant protege par un traite euro-peen, est remis en cause par les predateurs de l'Europe, dont l'inattendu Frederic II de Prusse, qui envahit la Silesie, terre Habsbourg. Frederic II, devenu Frederic le Grand, s'impose alors comme le grand general du siecle (avant Napoleon) par sa rapidite d'attaque. C'est de ce noyau prussien que va progressivement naitre l'Etat allemand actuel. La naissance de Berlin Frederic II a fait d'une ville de bois et de briques une vraie capitale aux Larges boulevards, avec un bei alignement de maisons au style dassique, peuplee de 150 000 habitants. Sa residence d'ete « Sans Souci » ä Potsdam fait ['admiration de ses visiteurs. Peu nable pour ses allies, ce roi tres doue pour l'art militaire, contraire-ment ä ses apparences de lettre, un brin philosophe, suit constamment ses interets sans respecter ses engagements. Ii peut en effet changer d'alliance en pleine guerre, comme il le fait en 1742, abandonnant Francais et Bavarois ä leur sort. La France avait choisi, sans doute par erreur de vue, de s'opposer ä Marie-Therese et ä son epoux Francois de Lorraine, candidat au titre d'empereur, pour soutenir le pretendant bavarois ä l'Empire. Le choix n'est pas forcement judicieux avec un allie comme Frederic II. En effet, celui-ci rompt son alliance avec la France pour suivre ses interets. Echaudee par cette guerre de succession d'Autriche, la France estime lors de la guerre de Sept Ans qu'une alliance avec l'Autriche est preferable. Le mariage de Marie-Antoinette, la fille de Marie-Therese d'Autriche, avec le dauphin Louis concretise ce nouveau rapprochement. De son cote, la Russie s'impose progressivement depuis Pierre le Grand, celui qui a cree une nouvelle capitale en 1703, Saint Peters-bourg. La tsarine Catherine II de Russie fait de son pays une puissance qui compte, et c'est avec la Prusse et l'Autriche qu'elle choisit de depecer la Pologne, le plus vaste pays de l'Europe de ce temps. Les Francais au XVIIP siede et sous le Ier Empire Chapitre i Catherine de Russie (1729-1796) : despotisme sous vernis philosophique Impératrice de 1762 á 1796, elle poursuit L'ceuvre de Pierre Le Grand. Passionnée de Lettres, eLLe s'interesse á La phiLosophie des Lumiěres, admire Montesquieu et correspond avec VoLtaire et D'ALembert. ELLe favorise L'entree de La cuLture européenne dans son pays. Toutefois, une grande révoLte de paysans contre Le servage et menée par un soLdat cosaque, Pougatchev, prouve que ses idées « écLairées » ne s'appLiquent pas vraiment sur Le pLan sociaL. ■ La France seule contre tous ! Au debut de la Revolution francaise, les monarchies européennes voient l'affaiblissement de la puissance francaise ďun ceil favorable. Mais la Revolution provoque vite 1'inquiétude dune contagion eventuelle des idées révolutionnaires. Une solidaritě monarchique se met done en place pour mettre fin aux troubles révolutionnaires. Les monarchies autrichiennes et prussiennes vont se montrer menacantes vis-ä-vis de la Revolution. Décidée ä prendre les devants méme mal préparée militairement, la France leur declare la guerre le 20 avril 1792. Malgré les premieres défaites, la nation francaise inverse le cours de la guerre en repoussant les ennemis lors de la fameuse bataille de Valmy, le 20 septembre de la méme année. ■ L'ambivalence de l'image de la France Pendant la periodě révolutionnaire, la France apparaít tour ä tour fascinante et inquiétante aux yeux des Européens. Les événements de réte 1789 sont plutot lus avec intérét dans les milieux éclairés du continent. Un mouvement jacobin se forme méme en Europe, notamment en Itálie. Pourtant, ä partir de 1792 et surtout en 1793, la France révolutionnaire devient menacante : 1'exécution du roi, la politique de Terreur et bientot les conquétes inquiětent de plus en plus. En Angle-terre, un discours contre-révolutionnaire particuliěrement virulent, utilisant la caricature, se met en place. La francophobie anglaise trouve un nouvel élan sous le Consulat et 1'Empire, Napoleon incar-nant la figure du tyran sanguinaire. Pour longtemps s'impose en Europe l'image ďune France imperialisté et dangereuse qu'il s'agira de contenir et ď isoler. Partie v Le XVIIIe siécle (1715-1814) : Lumiéres et Revolution Une vision panoramique de 21 ans de coalitions contre la France La France doit affronter de multiples coalitions de la naissance de la République, le lendemain de Valmy, le 21 septembre 1792, ä la chute definitive de Napoleon Ier, en 1815. La vision de Napoleon en conquérant ä ľambition forcenée est done ä relativiser au regard des forces européennes rassemblées contre lui tout au long de son régne. lre coalition (1793-1797) : coup de tonnerre pour les monarchies, ľexécution du roi Louis XVI, le 21 janvier 1793, indigne ľensemble des souverains européens, entraínant une premiére coalition des puissances européennes (Angleterre, Russie, Sardaigne, Espagne, Naples, Prusse, Autriche) contre cette France régicide. Cette coalition combat durant prés de quatre ans les armées frangaises jusqu'au traité de Campoformio (avril 1797). ĽAngleterre isolée continue la guerre contre la France. 2e coalition (1799-1801) : la paix ne dure pas. Peu aprés se forme la deuxiéme coalition avec pour epicentre l'Angleterre, ennemi irréductible de la France révo-lutionnaire. Suite aux défaites de ses allies sur le continent, l'Angleterre, encore isolée diplomatiquement, est contrainte ä la paix en 1802 (traité d'Amiens). 3e coalition (1805) : les hostilités reprennent en 1803 malgré la volonté de paix de Napoleon, contraint ä la guerre par ľattitude de l'Angleterre. Inquiet d'un débarquement sur ses côtes, le gouvernement anglais met en effet en place une coalition avec I'Autriche et la Russie. La bataille d'Austerlitz met fin ä leurs espoirs et I'Autriche, vaincue, se résigne ä la paix. 4e coalition (1806-1807) : la Russie et l'Angleterre décident de poursuivre la guerre en s'alliant avec la Prusse. Encore une fois, ľinvincibilité frangaise brise cette coalition par ľécrasement de la Prusse en 1806, puis par la soumission de la Russie en 1807. Se joue alors un renversement d'alliances. Le tsar de Russie, Alexandre Ier, accepte une alliance stratégique avec la France et rompt avec l'Angleterre. II s'engage méme ä participer au blocus continental frangais, censé miner le commerce anglais. Désormais súr de sa force, Napoleon reorganise I'Europe et place sa famille sur les principaux trônes européens. Cette politique familiale ľaméne ä commettre une grave erreur: mettre son frére Joseph sur le tróne d'Espagne, premiére faille dans le systéme napoléonien. Ce choix provoque un conflit interminable face ä la resistance espagnole, affaiblissant la puissance frangaise. 5e coalition (1809) : en 1809, l'Angleterre decide de s'allier avec I'Autriche, humiliée aprés Austerlitz. Scenario habituel, cette cinquiéme coalition aboutit ä une défaite : Vienne est oceupée et la paix est imposée par les armées frangaises. Napoleon épouse peu aprés la fille de l'Empereur afin de créer une alliance durable avec I'Autriche. Les Francais au XVIIP siecle et sous le Pr Empire Chapitre i 6e coalition (1812-1814) : lors de ce rapprochement avec I'Autriche, les rapports de la France avec la Russie se deteriorent. Choc des titans, Napoleon est face a Alexandre Ier. La France attaque la Russie qui s'allie avec I'Angleterre. Les Frangais, contraints a la retraite par I'hiver russe, ne tardent pas a voir s'eparpiller leurs anciens allies (Prusse, Autriche, Suede, etc.) qui rejoignent la coalition. En position de force, celle-ci reussit enfin a mettre un terme a la domination de Napoleon. 7e coalition (1815) : le processus de coalitions n'est pas termine car I'Empe-reur revient de I'ile d'Elbe : les hostilites reprennent de nouveau en 1815 ! II est definitivement battu a Waterloo. Les puissances europeennes vont alors rede-finir la carte de I'Europe au congres de Vienne, la meme annee. C h a p i t r e 8 XVIIP siecle et Ier Empire : Les Frangais et Leur temps • Les Lumieres iLLuminent Le siecle... • Napoleon Ier entre dans La Legende... Partie v Le XVIIIe siecle (1715-1814) : Lumieres et Revolution Les Lumieres illuminent le siecle... Le XVIIP siecle est appele le « siecle des Lumieres » en raison de 1 eclai-rage apporte par le progres de la connaissance. Les phares de ce nouvel elan de la pensee occidentale sont des intellectuels de reference comme Montesquieu, Voltaire ou Diderot. C'est le siecle ou l'Europe des elites echange en francais, moment de rayonnement international de la langue francaise. Le latin regresse partout au profit des langues nationales, et le francais devient la langue de la diplomatic europeenne et des elites. Les courants de pensee porteurs des Lumieres ne sont pas en rupture avec leur passe comme l'a ete deux siecles plus tot la Renaissance. Le mouvement d'ensemble est en continuite avec les acquis de la civilisation occidentale. Centre sur la raison, il capitalise des savoirs de plus en plus approfondis et, par consequent, de plus en plus morceles et specialises. Les Lumieres generent done de multiples tentatives de synthese dans tous les domaines, aptes a alimenter la reflexion de ses sympathisants, avides de changements et de ruptures. Repondant a un besoin de reperes clairs, la grande Encyclopedic de Diderot devient la reference supreme. Les Lumieres s'infiltrent ainsi dans la societe europeenne par la parole et par les textes. ■ Quelles idees sont sources de « Lumieres » ? Les Lumieres s'opposent a l'obscurite par de nouveaux eclairages qui bouleversent les representations du monde dans l'ensemble de l'Europe. Les idees novatrices sont portees par une elite intellectuelle, melant etroitement noblesse et bourgeoisie eclairees. Ce n'est qu'en 1789 que les classes populaires s'engouffrent vraiment dans la breche, ouverte par les plus favorises. Une autre vision du Monde, de I'Homme et de Dieu Le monde est desormais percu comme infini grace aux decouvertes scientifiques revolutionnaires du XVIP siecle, quand Galilee proposait une autre vision de l'univers, affirmant, apres Copernic, que la Terre n'est pas le centre du monde. En appui sur les approches scientifique, la philosophic, au XVIIP siecle, se degage de la religion. Certains croient en un Dieu au-dela des differentes religions : ce sont les deistes, comme Voltaire ; d'autres osent nier son existence : ce sont les athees, avec Diderot en tete. La philosophic devient veritablement lai'que et XVIIP siede et Ier Empire : les Francais et leur temps Chapitre 8 sert d'outil pour penser rationnellement le monde terrestre. Elle cesse d'etre contemplative pour entrer dans Taction, avec pour objectif la transformation du monde par le progres. Le bonheur terrestre Par effet de ricochet apparait une lai'cisation de la morale : la notion de salut celeste est remplacee par celle de bonheur terrestre. Face ä cette recherche toute nouvelle du bonheur, le concept d'individu triomphe avec force. Vivre l'instant devient une valeur : l'optimisme est de rigueur. Au contact du monde concret, la sensibilite apparait comme indispensable ä cote de la raison. C'est en ce sens que Jean-Jacques Rousseau prone un retour ä la nature et ä la bonte originelle de l'homme. Le siecle de Louis XV est ainsi porteur d'un goüt forcene de la vie terrestre, jusque dans ses derives ou la depravation des mceurs n'est pas absente. Ce siecle est aussi celui du marquis de Sade. Jean-Jacques Rousseau (1712-1778) : I'ecorche vif FiIs d'un artisan de Geneve, Jean-Jacques Rousseau est un etre foisonnant d'idees, de talents, de contradictions. Tres atypique, il passe de la misere a I'aisance, exerce plusieurs metiers, cotoie tous les milieux mais choisit par sincerite de vivre en ascete dans un Paris bourgeois et aristocrate. Protestant dans un univers catholique, Rousseau privilegie toujours sa liberte, refusant de se soumettre a toute obligation. II touche a tous les genres : theatre, contes, pamphlets, operas, textes philosophiques... Homme de contrastes, il professe sa foi dans I'etre humain et sa defiance envers la societe des inega-lites et de sexploitation de l'homme. Etre de feu, Jean-Jacques Rousseau provoque la haine ou la passion, lui-meme tour a tour ami puis ennemi de ses contemporains les plus celebres comme Voltaire. Son Contrat social, publie en 1762 a Amsterdam pour eviter la censure, est un texte idealiste porteur de notions d'egalite, fondees sur un modele antique en dehors de tous liens avec la realite economique de son temps. C'est aussi un texte qui laisse son empreinte dans le terrain de la Revolution franchise. Tolerance á ľhonneur Par leur ouvertuře et leur volonte ďaction, les plus éclairés combattent toutes formes de préjugés et de systěmes établis archaiques, préférant la monarchie parlementaire ä ľanglaise ä la monarchie absolue fran-caise. Ce combat les aměne ä lutter aussi contre toute expression ďintolérance. L'affaire Calas en est ľexemple emblématique, lorsque Voltaire mobilise l'Europe entiěre contre une erreur judiciaire, un siěcle avant l'affaire Dreyfus. Partie v Le XVIIIe siěde (1715-1814) : Lumiěres et Revolution Tourmenter des hommes pour leurs croyances : I'affaire Calas Un commergant toulousain protestant, Jean CaLas, est accuse á tort en 1762 de La mort de son fiLs, retrouvé pendu, sous pretexte qu'il vouLait se convertir au catho-Licisme. CaLas est condamné aprěs une instruction bácLée et meurt par Le suppLice de La roue dans des conditions atroces. Or, jusqu'au bout, iL dame son innocence. L'affaire en serait restée Lá si VoLtaire, au sommet de sa gLoire, n'avait pris L'affaire en main pour défendre L'honneur perdu de ce protestant. Le « roi VoLtaire » ouvre aLors un de ses fameux débats européens sur Le thěme de La toLérance. IL pLaide ainsi La cause des CaLas devant L'Europe des Lumiěres et La convainc de L'innocence du protestant martyr. Par cette prise de position, iL réussit á faire adoucir La cause des protestants. L'idee murit et fait son chemin. En 1787, Louis XVI promuLgue un edit de toLérance envers ses sujets non cathoLiques. Une seule ombre au tableau persiste : l'esclavage reprend ses marques avec le commerce triangulaire et ne semble pas mobiliser ceux qui défendent les idéaux de la jeune Amérique. ■ La connaissance á portée de pensée L'information est toujours plus accessible. Le nombre de volumes édités est multiplié par vingt. Le taux des alphabetises est maintenant de 47 % au lieu d'environ 30 % un siěcle plus tot. Mais c'est surtout la presence de l'imprime dans tous les milieux sociaux qui caractérise ce siěcle : les idées sont véhiculées par ďautres supports que les livres, comme les journaux, les gazettes, les libelles... Ces nouveaux supports présentent l'avantage d'etre lisibles partout et commentés dans les nouveaux lieux de parole : les salons, les cafés et les clubs. ■ Une Encyclopedic que beaucoup veulent détruire Les idées des Lumiěres sont portées par 1'écrit. Un des supports les plus représentatifs est VEncyclopedic en dix-sept volumes de Denis Diderot. Une commande qui a bien tourné Histoire au depart banaLe, Les hasards de La vie ont conduit Diderot á accepter un travaiL de compilation encycLopédique sur un moděLe angLais. Á L'origine, ce projet est done trěs modeste, mais Diderot L'accepte par nécessité, fiLs sans fortune d'un artisan. Son enthousiasme et son génie associés á ceLui de son ami D'ALembert vont faire Le reste et transformer cette banaLe commande en une ceuvre considerable, riche de milliers d'articles. XVIIP siecle et Pr Empire : les Francais et leur temps Chapitre 8 L'Encyclopedic parait progressivement par volumes (pendant vingt ans) et devient la saga politico-litteraire de la fin du regne de Louis XV, marquant la pensee critique de ce temps. Une fois interdite, tout le monde veut la lire... Autorisee, on se l'arrache. La plupart des grands noms du siecle mettent leur grain de sel par le biais dun ou plusieurs articles, comme Turgot ou Voltaire. L'Encyclopedic est un monument de connaissances mais aussi une ceuvre a la dimension rebelle qui, malgre ses nombreux volumes, a fait le tour de l'Europe. Un philosophe du concret Diderot est fils de coutelier. Quand il s'attaque a La grande ceuvre de I'Encydo-pedie, il se charge done de rediger La plupart des articles concernant I'artisanat: ciselure, argenterie, bonneterie, mosai'que, etc. Grace a lui, le travail effectue par les artisans est formalise pour la premiere fois par ecrit, et cela de maniere tres complete. ■ Bouillon de culture... Les academies Les universites sont en declin. Elles sont relayees par les academies qui assurent la transition entre le monde du savoir et les mondains. Celles-ci se multiplient: elles sont neuf en 1710, contre vingt-quatre en 1750. Les academies sont frequentees par les classes aisees et par les membres d'autres academies en voyage. Par elles se repandent les nouvelles connaissances scientifiques au gre de multiples echanges, ponctues de concours scientifiques autour de thematiques de recherche. Rousseau participe ainsi a certains concours : il ecrit son Discours sur Vorigine et les fondements de Vinegalite parmi les hommes en reponse a un sujet propose par l'academie de Dijon. Les academies exercent done un role essentiel dans les debats d'idees du siecle et dans l'avancee des connaissances. Les bibliotheques Complementaires aux academies, des bibliotheques sont creees un peu partout, fmancees par de riches particuliers. Signe de cette epoque, on y trouve toujours une « salle de conversation » : la parole est d'or. Se multiplient egalement les cabinets de lecture oil il est possible de lire gratuitement journaux et gazettes, alors fort couteux. Par ailleurs, des loueurs de livres facturent aux Parisiens les ouvrages sur la base d'un tarif journalier. Partie v Le XVIIIe siede (1715-1814) : Lumieres et Revolution Livres ä l'heure ! Selon le temoignage de Louis-Sebastien Mercier, im contemporain, dans son Tableau de Pans : « II y a des ouvrages qui excitent une telle fermentation que le bouquiniste est oblige de couper le volume en trois parts, afin de pouvoir fournir ä l'empressement des nombreux lecteurs ; alors vous payez non par jour mais par heure. » Cette proximite de la connaissance, accessible surtout aux roturiers, prouve l'intensite de la soif de savoir de cette population generalement riche ou tres aisee, dont les rentes sont süffisantes pour permettre aux plus investis et aux plus passionnes de faire de la culture un metier. Les salons litteraires Si la France est un modele pour l'Europe au XVIIP siecle, il s'agit d'un modele essentiellement parisien. Et ce modele a pour epicentre les salons litteraires. Ä partir de 1740, il est d'usage pour tout jeune Euro-peen bien ne d'y parachever son education. Ce sont done de veritables lieux internationaux de mixite sociale, oü les femmes exercent un role essentiel. Certaines de « ces femmes savantes » s'y distinguent pour la qualite de leurs connaissances, teile Emilie du Chätelet (ou de Breteuil), surdouee des mathematiques et traduetrice de Newton, apte ä tenir une conversation sur les sujets les plus ardus. Les salons pari-siens sont aussi concurrents ; chacun a son jour de reception, ce qui permet aux habitues d'evoluer d'un cercle ä l'autre. Dans notre souvenir, les salons sont etroitement associes au nom de leur hotesse : salon aristoeratique de la duchesse du Maine et salon de Madame Lambert sous la Regence, puis salon de Madame du Deffand, Julie de Lespinasse, Madame Geoffrin, Madame Tencin, Madame Necker, etc. Un salon celebre Un tableau de Gabriel Lemonnier, Une soiree chez Madame Geoffrin, traduit l'atmosphere des salons et de leurs pratiques au quotidien : sur ce tableau sont representee les habitues d'un des salons les plus celebres, rue Saint-Honore. On y voit un groupe de personnages assis en cercle ecouter avec respect et attention une lecture, theme des echanges du jour. Assise parmi ses amis, l'hötesse n'a pas pour role de servir des petits fours: ses responsabilites sont plus intellectuelles. Tel un chef d'orchestre, l'hötesse d'un salon se doit de favoriser et de conduire les joutes oratoires en coordonnant les echanges avec harmonie. Chacun XVIIP siede et Ier Empire : les Francais et leur temps Chapitre 8 doit s'y sentir a l'aise pour etre en mesure d'exprimer ses idees avec la plus grande clarte. La fidelisation des participants est a ce prix. Au-dela de l'apport de connaissances et de reflexions nouvelles, ces echanges sont l'occasion d'un enrichissement personnel par les commentaires nes du debat d'idees. Debat sur I'actualite du mois Choqué par Le raz de marée qui détruit La capitale du Portugal Le ler novembre 1755, Voltaire écrit un poěme sur le désastre de Lisbonne. II provoque ainsi de nombreux débats en Europe par la problématique qu'il pose : « Comment interpreter le role de Dieu face au scandale de ce cataclysme injuste ou trente mille bons et méchants subissent le méme sort implacable ? » Le confort intellec-tuel est ébranlé. Le debat est ouvert et chacun argumente et s'engage. Au-delä de ces echanges passionnes, les salons sont aussi un lieu de valorisation de l'ego, ou la vanite pointe lorsque la qualite dune argumentation ou la finesse dune repartie est applaudie. II s'agit de s'imposer par son « esprit », c'est-a-dire par sa culture et sa conversation. Pendant cinquante ans, de la Regence jusqu'ä la Revolution francaise, les grands courants d'idees du siecle se repandent ainsi ä lecart des autorites en place et de la censure. C'est egalement sous la Regence que la mode anglophile et la culture des cafes et des clubs s'introduit en France. Ces nouvelles spheres publi-ques sont ouvertes aux couches de population plus larges, permettant ainsi de s'affranchir de la hierarchisation de la societe. Comme les salons, ce sont des espaces oü des personnes « privees » echangent, en dehors du pouvoir politique, selon un principe d'absolue egalite. Cette anglophilie favorise l'entree du debat d'idees autour de la monarchic parlementaire sur le modele anglais. La franc-mac.onnerie La franc-maconnerie joue aussi un role dans l'unite europeenne des Lumieres : l'affiliation ä une loge maconnique permet d'entrer dans la societe internationale eclairee. La premiere loge parisienne est creee, en 1732, par le due de Richemond avec la participation de Montesquieu. Malgre les condamnations papales, les loges fleuris-sent partout (le mari de Marie-Therese d'Autriche, Francois de Lorraine, est lui-meme franc-macon). Partie v Le XVIIP siěcle (1715-1814) : Lumieres et Revolution ■ Les plumes rebelles de la Revolution franchise Trois belles plumes sont ä retenir pour les années révolutionnaires. Ces trois personnalités sont victimes de leur idealisme et de leur engagement politique, leur voix étant brutalement éteinte par la repression révolu-tionnaire. Ce sont Condorcet, André Chénier et Olympe de Gouges. Condorcet: un marquis aux idées avancées Condorcet, surnommé « le Condor », est un philosophe éclairé des Lumiéres, mathématicien et économiste. Dernier des encyclopédistes, il est l'auteur ďarticles ďéconomie politique dans YEncyclopedic Homme passionné de justice, il se dresse toute sa vie contre les erreurs judiciaires et combat violemment l'esclavage et le racisme. Ii defend aussi le droit ä la citoyenneté des juifs et des protestants et la cause des femmes. Apres son décret ďarrestation, il écrit son ceuvre principále dans la clandestinité, peu avant sa mort en prison. Ii s'agit de YEsquisse d'un tableau des progres de Vesprit humain. Chénier : un poete décapité Aprěs s'etre engage dans le journalisme politique, André Chénier nhésite pas ä écrire de maniěre trěs polémique, selon la nouvelle liberie d'expression. Le temps n'est plus ä l'autonomie de parole quand il cite dans ses articles, avec beaucoup d'imprudence, les puis-sants du jour comme par ce titre : « Quarante meurtriers, chéris de Robespierre. » Il est alors condamné ä mort comme pamphlétaire. Une legende romantique se développe autour de son ceuvre aprěs sa mort, avec pour centre ses poěmes de prison comme La jeune captive. Olympe de Gouges : une femme téméraire Olympe de Gouges prone le droit d'expression des femmes pendant la Revolution francaise, sans toutefois calmer sa virulente expression sous la Terreur. Méme si la qualité stylistique de ses textes est parfois contestable, il faut en retenir le fond, riche ďidées foisonnantes, manifestant un courage d'expression peu commun. Ainsi, elle prend l'initiative d'adresser ä la premiere femme de France, la reine Marie-Antoinette, la « Declaration des droits de la Femme et de la citoyenne », répondant ä la Declaration des droits de l'Homme. Plus tard, dans un temps de silence de la critique, cette femme énergique et idealisté ose s'attaquer ä Robespierre, lui-méme, par un libelle virulent signé de son propre nom. Cet écrit dangereux la conduit ä lechafaud. XVIIP siede et Ier Empire : les Frangais et leur temps Chapitre 8 L'article X de la Declaration des droits de la Femme precise : « Nul ne doit étre inquiété pour ses opinions, méme fondamentales. La femme a le droit de montér sur 1'échafaud ; elle doit avoir également celui de montér ä la tribune. » L'Europe des idees Les idees des Lumieres soudent une vraie communaute intellectuelle, sorte de nouvelle « republique des lettres » devenue tribunal de I'opinion publique. Toute nouvelle avancee du savoir, tout evenement grave sont observes et commentes par toute I'Europe. De savant a savant, les idees se fortifient au contact des nouvelles pistes de recherche des confreres. Les inventions du XIXe siecle, resultats concrets de ce bain de culture, auront pour ferment les resul-tats apportes par la communaute scientifique. Les decouvertes s'effectueront ainsi par relais et rebondissements entre savants europeens. II n'est pas anodin que Voltaire, le philosophe le plus influent du siecle, se flatte d'appar-tenir a I'Europe et croit en la valeur de son cosmopolitisme. Partie v Le XVIIIe siede (1715-1814) : Lumiěres et Revolution Napoleon Ier entre dans la legende... La mort de Napoleon ä Sainte-Hélěne, le 5 mai 1821, marque la fin ďun destin hors du commun. Bonaparte, pourtant parti de rien, est devenu le maítre incontesté de 1'Europe en moins de trente ans. Son ascension est ďune rapidité fulgurante : general ä 24 ans, premier consul ä 30 ans, empereur ä 35 ans ! Pour en arriver lä, Napoleon a fait preuve ďune ambition sans bornes, servie par un génie tant militaire que politique. La Revolution francaise a joué en sa faveur et a révélé ses qualités de Stratege. L'homme ne laisse jamais indifferent, suscitant la haine et l'adoration de ses contemporains comme des generations suivantes. Chateaubriand resume le parcours et la legende en disant: « Vivant, Napoleon a manqué le monde ; mort, il le conquiert. » ■ Napoleon invincible La legende de Napoleon s'est essentiellement forgée sur les champs de bataille. En effet, děs sa premiére Campagne militaire en Italie (1796), le general Bonaparte vole de victoire en victoire, contraignant les Autrichiens, pourtant en superioritě numérique, ä signer la paix. La Campagne d'Italie apparait comme un chef-d'ceuvre de strategie militaire : les victoires francaises suscitent l'admiration de tous les Francais. Une legende est en train de naitre : Napoleon incarne peu ä peu l'espoir de tout un peuple. Napoleon journaliste L'iintelligence de Napoleon est d'avoirtres vite compris 1'intérét de la propagandě. Afin d'accroitre sa popularitě et de créer sa legende, il fonde des journaux pour valoriser son image victorieuse et rendre compte de ses succěs. Lors de la Campagne d'Italie, il crée Le Courner de l'armee d'Italie et La France vue de l'armee d'Italie. Ces deux journaux sont uniquement dévoués ä la gloire du general Bonaparte. II y écrit lui-méme parfois certains articles. Ainsi, on peut y lire : « Bonaparte vole comme L'eclair et frappe comme la foudre. IL est partout et il voit tout. IL sait qu'il est des hommes dont le pouvoir n'a d'autres bornes que leur volonte, quand la vertu des plus sublimes vertus seconde un vaste génie. » L'expedition d'Egypte (1798-1799) ajoute encore ä sa gloire. Au pied des pyramides, isolé de la France par le blocus anglais, le general Bonaparte est vainqueur des ennemis ottomans et conquiert l'ancien royaume des pharaons. Malgré une fin de Campagne désastreuse, il transforme son XVIIP siede et Ier Empire : les Francais et leur temps Chapitre 8 retour en triomphe éclatant, lui permettant d'etre célébré comme un sauveur dans toutes les villes qu'il traverse. La passion qu'il suscite est immense et frise dejä la devotion. Usant de cette popularitě acquise par la gloire militaire, Napoleon conquiert le pouvoir. Les multiples guerres du Consulat et de l'Empire vont ensuite lui permettre de renforcer son image ďinvincibilité, étayée par la censure. ■ Napoleon intime Ä son image de guerrier s'ajoute aussi celle d'un empereur simple, proche de ses soldats et de leurs soufirances. Loin de l'image du monarque inaccessible, Napoleon gagne l'adoration de ses hommes par cette capacité ä s'interesser aux plus humbles de ses soldats. Ses troupes l'adulent et lui donnent le surnom affectueux de « petit caporal ». Napoleon ä l'ecoute de ses soldats Lors de la Campagne de Prusse en 1806, le Journal de l'Empire (le journal le plus lu de l'epoque) rend compte de la foi inébranlable des soldats en leur chef. L'image est sürement exagérée mais eile fait partie intégrante de la legende napoléonienne : « Pour connaítre la confiance que l'empereur Napoleon inspire ä ses soldats, il faut entendre parier les blesses, qui semblent moins occupés des secours dont ils ont besoin, que presses de raconter ce qu'ils ont vu ; et ce qu'ils ont toujours vu avant tout, c'est le sang-froid, la Constance, 1'inébranlable fermeté du héros qui les commande. » Un autre article significatif montre un Napoleon bienveillant et plein de sollicitude envers ses hommes au lendemain de la bataille d'Eylau : « L'Empereur s'arretait a chaque pas devant les blesses, les faisait questionner, dans leur langue, les faisait consoler et secourir sous ses yeux. (...) Le regard consolateur d'un grand homme semblait adoucir les horreurs de la mort, et répandre un jour plus doux sur cette scene de carnage. » Cette image de chef protecteur est également véhiculée par la peinture. Un tableau representant l'Empereur miséricordieux au milieu des soldats frangais et ennemis blesses est commande au peintre Antoine Gros pour commémorer la bataille d'Eylau. Peu ä peu, le mythe napoléonien se constant dans l'imaginaire des Frangais. Trěs sensible aux actions de communication, Napoleon met également en place, ä partir de 1805, les Bulletins de la Grande Armee, charges de propager la version officielle des campagnes militaires. Ces bulletins sont évidemment ä la gloire de l'Empereur et ä celle de son génie militaire. Ces nouvelles sont attendues avec impatience par les Frangais, avides ďinformations sur la situation de 1'armée. La peinture officielle Partie v Le XVIIIe siede (1715-1814) : Lumieres et Revolution n'est pas en reste et se charge aussi de vehiculer l'image heroi'que de Napoleon, glorifiant systematiquement les batailles et masquant bien sur les atrocites. En tout cas, son sens de la propagande et de l'image fait de Bonaparte un homme politique tres en avance sur son temps. Par ses glorieuses victoires associees et par ses actions de promotion, Napoleon cree sa legende et assoit son pouvoir. La force de l'image Jacques-Louis David est le peintre officiel du regime consulaire puis imperial. C'est a lui que le Premier consul commande les plus celebres toiles chargees de celebrer sa puissance. L'episode de la traversee des Alpes par le col du Saint-Bernard pendant la deuxieme campagne d'ltalie fait I'objet d'un tableau reste celebre. II represente le Premier consul en general conquerant et romantique, les cheveux et la cape au vent, montant un cheval cabre et furieux. Sur le sol se detachent les noms d'Hannibal, le general ennemi des Romains qui a traverse les Alpes a dos d'elephant, et celui de Charlemagne : la continuity imperiale est d'ores et deja annoncee. Pourtant, la realite est moins glorieuse puisque Bonaparte monte ce col a dos d'ane, destrier bien moins noble mais 6 combien plus confortable en terrain montagneux ! ■ Napoleon surhomme Napoleon possede, nul ne peut le nier, des capacites personnelles exceptionnelles, dont son extraordinaire puissance de travail, reconnue par tous ses contemporains. La legende napoleonienne puise dans cette prodigieuse activite des elements supplementaires a sa legende. II apparait alors comme un homme infatigable, insatiable au travail, mettant toute son energie au service de la France et de l'Empire. Cette capacite est mise en avant par les journaux dans un objectif propagandiste : « La force prodigieuse des organes du Premier consul lui permet 18 heures de travail par jour ; elle lui permet de fixer son attention pendant ces 18 heures sur une meme affaire ou de l'attacher successivement a vingt, sans que la difficulte ou la fatigue d'aucune embarrasse l'examen d'une autre. » L'homme y est presente comme insensible aux plaisirs de la vie, uniquement voue au service du bien commun. II a l'image d'un homme ignorant la fatigue et la lassitude de sa charge, dont l'emploi du temps est exclusivement consacre au travail. Des resultats concrets comme les multiples reformes qui ont change la France alimentent le bien-fonde de ce constat. XVIIP siede et Ier Empire : les Frangais et leur temps Chapitre 8 Napoleon immortel Les memoires de Napoleon Ä la dissolution de son empire en 1815, Napoleon est exile ä Sainte-Helene oü il vit ses dernieres annees, prisonnier des Anglais. Ces six annees d'exil, de 1815 ä 1821, parachevent sa legende. En 1823, deux ans apres sa mort, parait en France le Memorial de Sainte-Helene, apologie de sa vie sous forme de memoires. Ce texte redige par Las Cases, qui a suivi l'Empereur dechu ä Sainte-Helene, est la retranscrip-tion des conversations avec Napoleon. Realise pour reveiller les nostal-gies, ce recit glorieux rappelle les grandes batailles et revele un Napoleon plus humain dans sa realite quotidienne. Ce texte devient un veritable best-seller sous la monarchic retrouvee. Il avive la nostalgie des Francais, vivant sous le regime moins glorieux du vieux roi Louis XVIII, impotent. Le dynamisme napoleonien est loin desormais ! Le temps faisant son ceuvre, la nostalgie se met ä croitre au souvenir des quinze ans de gloire napoleonienne. La France s'ennuie et se prend ä regretter ces temps epiques oü ses armees se couvraient de gloire de Madrid ä Moscou. Le culte napoleonien est egalement cultive par les anciens soldats de la Grande Armee qui, malgre les changements de regimes, restent toujours fideles ä la memoire de leur chef. Le retour du defunt L'annee-de du mythe napoleonien est 1840 : le gouvernement anglais autorise le rapatriement du corps de Napoleon en France. Jusque-la interdit, le retour des cendres de l'Empereur suscite une vague d'enthousiasme dans le pays entier et ravive la flamme bonapartiste. Un heros litteraire Un personnage de cette envergure ne peut laisser indifferente la littera-ture, qui s'accapare le mythe par le biais de la plupart des grands ecri-vains de l'epoque, tels Stendhal, Nerval ou Hugo. La litterature donne une impulsion heroique et dramatique au mythe du grand homme. Il depasse le monde humain et se transforme en heros quasi mytholo-gique. Son fils, le roi de Rome, par sa mort ä vingt ans, devient au XIXe siecle un personnage romantique mis en scene par Edmond Rostand dans L'Aiglon. Partie v Le XVIIIe siede (1715-1814) : Lumiěres et Revolution Napoleon III reprend les rénes Plus tard, Napoleon III va s'appuyer sur les repercussions vivaces de la legende pour conquérir le pouvoir: en 1848, la legende bonapartiste contribue grandement ä ľélection ä la présidence de la République du neveu de ľEmpereur (notre premier president de la République): le prince Louis Napoleon Bonaparte. Fiděle ä la legende, il ose un coup d'État le 2 décembre 1851, jour d'anniversaire du couronnement de Napoleon et de la bataille d'Austerlitz. Ce Second Empire attise volon-tairement la legende napoléonienne afin de legitimer le pouvoir du nouvel empereur, Napoleon III. Le mythe Napoleon Au debut du XXe siěcLe, La Troisiěme RépubLique a égaLement utilise Le mythe bonapartiste dans un but nationaliste, comme symbole du combat contre 1'Allemagne. Aujourďhui, le mythe se perpétue toujours par 1'intermédiaire de nombreux passionnés, en France et partout dans le monde. Cest la preuve que le travail propagandiste de Napoleon a plutot bien fonctionné, traversant méme les siěcles ! Partie VI Le XIXe siecle (1814-1914) : le siecle de tous les possibles Survoi du siecle Cent ans tout rond separent la fin du Premier Empire du declenche-ment de la Premiere Guerre mondiale. Ce siecle est celui de Victor Hugo, de Balzac, de Stendhal, de Flaubert, de Zola, autant de classi-ques de la litterature francaise qui nous sont familiers. Pourtant, le contexte politique et social dans lequel s'inserent les aventures de Cosette et de Jean Valjean dans Les Miserables ou des mineurs de Germinal reste encore largement meconnu du grand public. Les hommes du XIXe siecle croient au progres, en la capacite de l'homme a changer le monde. Au cours de ces annees, la France et l'Europe s'industrialisent, s'urbanisent, se modernisent dans le cadre de la revolution industrielle. Accompagnant ces bouleversements, des ideologies comme le socialisme, le communisme ou le nationalisme emergent et deviennent les nouveaux systemes de lecture de la societe conduisant a de nouveaux clivages. En France comme ailleurs, ce siecle est celui de l'affirmation du prin-cipe national porte par l'objectif d'Etat-nation. Les peuples europeens se considerent desormais comme des nations, des communautes liees par une histoire et une culture communes, aspirant a l'autonomie dans le cadre dun Etat. Le XIXe siecle est done celui de l'independance de la Belgique, de la Grece, de l'unite italienne et allemande. La carte de l'Europe se recompose en attendant le grand bouleversement de la Grande Guerre, aboutissement de la logique de confrontation des nationalismes europeens. Partie vi Le XIXe siede (1814-1914) : le siede de tous les possibles Le monde devient le terrain des rivalités européennes. Hier mattresses du Nouveau Monde, ľexpansion coloniale européenne trouve un nouvel élan durant le XIXe siěcle vers ľAfrique et ľAsie. Le Royaume-Uni et la France forgent désormais des empires d'envergure mondiale, guides par un imperialisme ďabord porté par les dirigeants politiques puis encourage par la société. ĽEurope, en trop plein démographique, exporte également ses valeurs par le biais ďun vaste mouvement d'émigration vers les pays émergents, les États-Unis notamment. La France experimente au cours du siěcle cinq regimes politiques différents dont ľenjeu est de concilier les acquis révolutionnaires avec le besoin ďordre des classes dirigeantes. En somme, comment clore la Revolution francaise ? C'est ä cette question que s'efforcent de répondre les differents regimes qui se succědent entre 1814 et 1914. Chacun cherche ä nier ou ä prolonger ľexpérience révolutionnaire. Les alternances sont, de plus, souvent violentes : revolutions (1830 et 1848), coup d'État (1851) et guerre (1870) sont ä ľorigine des change-ments de regimes. Les plaies ouvertes aprěs 1789 sont loin d'etre refermées et ľombre de la Revolution francaise plane constamment sur les débats du siecle. Les decouvertes du siecle 1814 : Locomotive 1824 : dechiffrement des hieroglyphes 1826 : Photographie 1829 : braille 1837 : telegraphe 1856 : convertisseur Bessemer (acier) 1859 : theorie de devolution 1876 : telephone 1885 : vaccin contre la rage 1893 : moteur ä essence 1895 : cinema 1895 : rayons X 1896 : radio, psychanalyse 1903 : avion 1905 : theorie de la relativite Survol du siede Filigrane chronologique : 1814-1914 France Ä l'etranger Premiere Restauration : regne de Louis XVIII (1814-1815) marie ä Marie-Josephine de Savoie 1814 Charte etablissant la Monarchie constitutionnelle Cent-Jours : retour de Napoleon Ier (20 mars-22 juin 1815) 1815 Waterloo Congres de Vienne Seconde Restauration : regne de Louis XVIII (1815-1824) Regne de Charles X (1824-1830) marie ä Marie-Therese de Sardaigne 1830 Revolution de Juillet Conquete de l'Algerie Monarchie de Juillet: regne de Louis-Philippe d'Orleans (1830-1848) marie ä Marie-Amelie de Bourbon 1834 Revoltes ä Paris et ä Lyon 1848 Revolution de Fevrier Printemps des Peuples IP Republique (1848-1852) 1848 Suffrage universel. Abolition de l'esclavage. Revokes ouvrieres de juin. Election de Louis Napoleon Bonaparte 1850 Restriction du suffrage universel 1851 Coup d'Etat de Louis Napoleon Bonaparte Second Empire : Napoleon III (1852-1870) marie ä Eugenie de Montijo 1854 Guerre de Crimee 1859 Independance italienne / Partie vi Le XIXe siede (1814-1914) : le siede de tous les possibles France A l'etranger 1860 Traite de libre-echange avec l'Angleterre 1861 Expedition mexicaine. Guerre de Secession aux Etats-Unis 1870 Guerre contre la Prusse. Defaite de Sedan IIP Republique (1870-1940) 1870 Gouvernement de defense nationale 1871 Paix. Commune de Paris Allemagne unifiee 1875 Lois constitutionnelles 1877 Crise du 16 mai. Chambre republicaine 1882 Loi Ferry sur l'ecole lai'que Triple alliance : Allemagne, Autriche-Hongrie, Italie. Conquete du Tonkin 1889 Crise boulangiste. Exposition universelle (tour Eiffel) 1892 Scandale de Panama. Alliance Franco-russe 1894-1899 Affaire Dreyfus 1900 Exposition universelle de Paris 1904 Entente cordiale avec le Royaume-Uni 1905 Loi de Separation de l'Eglise et de l'Etat Crise marocaine 1911 2e crise marocaine 1913 Service militaire porte ä 3 ans 1914 Debut de la Premiere Guerre mondiale Survol du siede Panorama des regimes politiques du XIXe siede Premier Empire (1804-1814) _Dynastie des Bonaparte_ Defaite militaire contre l'Europe coalisee _n_ Premiere Restauration monarchique (1814-1815) et Les Cent-Jours (1815) Defaite de Waterloo _J3-_ Seconde Restauration monarchique (1815-1830) _Dynastie des Bourbons_ Revolution de 1830 _40_ Monarchie de Juillet (1830-1848) _Dynastie des Orleans_ Revolution de 1848 _-CL_ _IIe Republique (1848-1852)_ Coup d'Etat de Napoleon III Second Empire (1852-1870) Dynastie des Bonaparte_ Defaite militaire contre la Prusse -O-_ IIIe Republique (1870-1940)_ LA FRANCE AU XIXe SIECLE Departements perdus en 1815 Departement conserve en 1815 Departements perdus en 1815 et recuperes en 1860 Territoires annexes par l'Allemagne en 1871 Frontieres de la France en 1871 OJ 13 u >> a o u O © C h a p i t r e 9 Les Frangais au XIXe siede La Premiere Restauration : 1814-1815 Louis XVIII, le frere de Louis XVI, replace les Bourbons sur le tröne. 25 ans apres 1789, le retour ä l'absolutisme est impossible et le roi doit conceder une Charte constitutionnelle, fondement institutionnel de la Restauration monarchique. Louis XVIII (1755-1824) : le roi qui voulait étre roi Autant Louis XVI n'était pas prepare ä la fonction royale, autant son frěre cadet aspire depuis toujours, avec force ambition, ä la couronne de France. Louis XVIII a passé son enfance ä Versailles oú il a regu une solide education appuyée par des capacités intellectuelles certaines. II s'appelle alors le comte de Provence ou « Monsieur», com me on appelle les frěres cadets des rois. II s'exile habilement, lors de ľépisode de Varennes en 1791. En 1795, ä la nouvelle de la mort du dauphin qui aurait dQ régner sous le nom de Louis XVII, le comte de Provence prend le titre de Louis XVIII. II doit attendre 1814 pour devenir roi, quand la dynastie des Bourbons est choisie pour revenir au tróne, puis fuit précipitamment lors du retour de Napoleon, avant de revenir aprěs les Cent-jours une nouvelle fois en 1815. Plutôt ouvert aux idées libérales, il est prét ä faire certaines concessions pour favoriser la restauration de la royauté. II s'appuie d'ailleurs, dans les premieres années de son rěgne, sur les modérés menés par le ministře de la Police, Élie Decazes, auquel il voue une admiration sans bornes. Toutefois, ľäge venant et les problěmes physiques lies ä son obésité se faisant plus aigus, il doit s'effacer progressivement du pouvoir, lais-sant le champ libre aux idées des ultraroyalistes relayées ensuite par son successeur et frěre, Charles X. Partie ví Le XIXe siěcle (1814-1914) : le siěcle de tous les possibles ■ Les Bourbons n'ont pas dit leur dernier mot Le rappel aux affaires des Bourbons, la famille royale de la Revolution francaise, peut sembler paradoxal. En fait, plus qu'un reel desir du peuple francais, c'est un choix par defaut qui les fait revenir en France. En effet, apres plus de vingt ans de guerres presque ininterrompues, les Francais aspirent a la paix. Or, aucune personnalite ne se degage pour remplacer Napoleon. Le 6 avril 1814, Napoleon Ier abdique sans conditions et obtient de ses ennemis la souverainete de File d'Elbe, au large de la Toscane. L'Europe est redessinee a Vienne Dans La capitaLe autrichienne se tient de septembre 1814 a juin 1815 un congres charge de regler Le partage de L'Empire napoleonien entre Les differentes puissances victorieuses. La carte de L'Europe qui s'y dessine fige pour un siecle Les grands equilibres geopolitiques europeens. SeuLe La Grande Guerre mettra fin a cette Europe du congres de Vienne. Le representant frangais, L'habiLe TaLLeyrand, parvient a moderer Les ambitions et Les rancunes nourries par Les puissances europeennes contre La France vaincue, en jouant sur Les rivalites entre Russes, Autrichiens, Prussiens et AngLais. La France est alors un pays occupe, ramene a ses frontieres de 1792 (Avignon, Montbeliard et Mulhouse restent francaises). Plus d'un million de soldats des armees des puissances etrangeres, coalisees contre elle, sont entres sur son territoire. Seule une candidature rece-vable par les cours europeennes peut etre retenue. Les Bourbons font l'unanimite autour de Louis XVIII, le frere cadet du roi decapite. Toutefois, l'image de l'ancienne dynastie est durablement ternie pour les Frangais : elle revient dans les « fourgons de l'etranger ». Talleyrand (1754-1838) : un homme d'influence CharLes-Maurice de TaLLeyrand-Périgord est un homme de pLusieurs époques, de pLusieurs vies traversant avec habileté Les changements de regime jalonnant cette periodě mouvementée. CeLa Lui vaudra une reputation de cynique ou de traitre qui fait peu justice á La dimension réeLLe de cet homme. Né sous L'Ancien Regime au sein de La haute nobLesse, iL est écarté de La carriěre militaire á cause d'un pied-bot. IL troque done L'epee pour La crosse et devient évéque d'Autun. Liberal, iL fait partie des deputes du cLergé qui rejoignent en 1789 Le camp de La Revolution et milite pour La nationaLisation des biens du cLergé. En 1790, iL célěbre La messe Lors de La féte de La Federation. Excommunié par Le pape, iL devient persona non grata en France suite á La découverte de Lettres 256 o u >> a o u O © Les Francais au XIXe siěcle Chapitre 9 prouvant sa compromission auprěs du roi. Cest L'heure de I'exil jusqu'a La chute des montagnards en 1794. Sous Le Directoire, il prend en main La dipLomatie frangaise, poste oú iL exceLLe. RaLLié á Bonaparte en 1799, iL poursuit sa carriěre dipLomatique sous Le ConsuLat puis L'Empire, jusqu'en 1807, avant de tomber en disgrace. Passé du cóté des Bourbons en 1814, iL reprend son poste de ministře des Affaires étrangěres. Á ce titre, iL représente La France au congrěs de Vienne. La tournure uLtraroyaListe que prend Le nouveau regime Le condamne bientót pour sa tendance trop Liberate. En 1830, iL passe done au service du nouveau roi, Louis-PhiLippe d'OrLeans. IL reprend une derniěre fois sa carriěre dipLomatique comme ambassadeur á Londres avant de s'eteindre queL-ques années pLus tard. Sa vie romanesque faite ďintrigues et de revirements, son inteLLigence, ses aventures féminines (on Lui préte La paternitě non prouvée du peintre DeLacroix) en ont fait un personnage de choix pour La Littérature et Le cinéma. Conscient de 1'impossibilité dun retour au regime monarchique abso-lutiste de son frěre Louis XVI, Louis XVIII nomme une commission chargée de rédiger une constitution. Cest cette initiative qu'avaient attendue autrefois du roi les esprits éclairés. Le 4 juin 1814, cette constitution, connue sous le nom de « Charte », est acceptée par Louis XVIII: elle constitue la base du systéme politique en vigueur jusqu'en 1830. Le drapeau tricolore est abandonné au profit du drapeau blanc des Bourbons, comme pour effacer visuellement le souvenir de la République et de l'Empire. Concessions royales élisent Electeurs : hommes de plus de 30 ans payant le cens (110 000 personnes pour 29 millions d'habitants) Partie vi Le XIXe siede (1814-1914) : le siede de tous les possibles L'attitude vis-ä-vis de la Revolution reste ambigué : les principaux acquis révolutionnaires comme 1'égalité ou la liberté religieuse sont maintenus dans la Charte. En revanche, Louis XVIII se place dans la continuité dynastique en datant son debut de rěgne non en 1814 mais en 1795, date de la mort en prison de son neveu, le fils de Louis XVI (appelé Louis XVII bien qu'il n'ait jamais régné). Ii considěre ainsi étre dans sa dix-neuviěme année de rěgne, effacant par la-méme en une fomulation le Directoire, le Consulat et 1'Empire ! Deux chambres sont créées sur le modele britannique : une Chambre haute, la Chambre des pairs siégeant ä vie, et une Chambre basse, celle des deputes. Les pairs sont nommés par le roi, assurant ainsi une chambre au service du pouvoir. Le mode de designation des deputes est censitaire, c'est-a-dire base sur le niveau de fortune défini par le paiement des impöts : seules 100 000 personnes peuvent done voter. Les conditions pour étre candidat sont encore plus difficiles. II s'agit done bien la dun veritable systéme conservateur. Les prémices de la democratic Pour La premiere fois en France est mis en place un systéme parlementaire durable. Les mécanismes régissant Les rapports entre Le ParLement et Le gouver-nement sont rodés pendant cette periodě. Bien que démocratiquement Limitée, cette monarchie constitutionneLLe est une étape importante dans La construction de La démoeratie Liberate en France. Les Cent-Jours : Ier mars - 18 juin 1815 Le retour depuis 1'íle d'Elbe de Napoleon provoque le depart précipité des Bourbons, de nouveau sur les routes de l'exil. Le combat contre les puissances européennes reprend jusqu'ä la défaite de Waterloo, aprěs trois mois de nouveau pouvoir pour Napoleon Ier. ■ 1815. Le retour de l'Aigle L'opinion se renverse vite. L'evolution des titres du journal le Moniteur depuis le débarquement de Napoleon ä golfe Juan le 1er mars 1815, jusqu'ä son arrivée ä Paris le 20 mars, est assez caractéristique de ce retournement. Les titres évoluent en effet en faveur de l'Empereur Les Francais au XIXe siede Chapitre 9 dechu ä mesure de sa progression : « Ľogre de Corse vient de débar-quer au golfe Juan », « Le monštre a couché ä Grenoble », « Le tyran a traverse Lyon », « Napoleon sera demain sous nos remparts », « L'empereur est arrive ä Fontainebleau », « Sa Majesté Imperiale et Royale a fait hier son entrée en son chateau des Tuileries au milieu de ses fiděles sujets » ! Quand Napoleon remonte la vallée du Rhône, les ralliements rapides des militaires et des civils soulignent le peu ďattachement des Francais aux Bourbons. L'heure est aux « girouettes », ces hommes qui retour-nent leur veste. Le retour de l'Empereur déclenche toutefois ľhostilité immediate des puissances européennes. Trois mois plus tard, la défaite de Waterloo en Belgique, le 18 juin 1815, met fin définitivement ä ľEmpire napoléonien : Napoleon abdique une seconde fois. Prenant leurs precautions, les Anglais ľexilent cette fois beaucoup plus loin, sur une íle au milieu de ľAtlantique sud : Sainte-Héléne. Aprés les Cent-jours, postface de ľépopée napoléonienne, la memoire de ľEmpire devient legende nationale. Le rěgne de Louis XVIII; 1815-1824 Suivant les principes de la Charte, la deuxiéme partie du rěgne alterne entre moderation et conservatisme : de 1816 ä 1820, les royalistes modérés dominent la vie politique avant d'etre remplacés par les ultra-royalistes, partisans ďun retour ä ľabsolutisme. Benjamin Constant (1767-1830) : Constantes libertés Benjamin Constant est Lune des principal.es figures inteUectueUes du premier tiers du XIXe siěde. Né en Suisse, son ascension est favorisée sous Le Directoire par sa Liaison avec sa compatriote Germaine de StaěL IL manifeste aLors une certaines defiance vis-ä-vis du peupLe dont Les exces peuvent aboutir, seLon Lui, ä L'arbitraire. IL entre ensuite dans L'opposition au regime napoléonien qu'iL juge arbitraire. CeLa n'empéche pas son raLLiement pendant Les Cent jours et iL rédige méme L'acte additionneL aux constitutions de ĽEmpire. Ce revirement Lui vaut une reputation d'opportunisme qui ne rend pas justice ä une pensée cohérente. Pour Lui, peu importe en effet La dynastie ä La téte du pays tant que Le regime, parLementaire et équiLibré, assure La preservation des Liberies individuelles. Partie vi Le XIXe siecle (1814-1914) : le siecle de tous les possibles ■ 1815-1816. Les royalistes instaurent un climat de terreur La chute finale de l'Empire clot l'episode revolutionnaire et ses prolon-gements napoleoniens. Pour le peuple de droite, le retour des Bourbons libere des tensions et des ressentiments accumules depuis un quart de siecle. La vengeance gronde. Dans le midi, une vague de massacres, la Terreur blanche, se propage contre les jacobins et les bonapartistes. C'est la reponse monarchiste et catholique a la Terreur republicaine des annees revolutionnaires. Les autorites n'interviennent pas malgre plusieurs centaines de victimes. A Paris, la victoire des conservateurs aux elections legislatives est ecrasante. Louis XVIII ne peut rever mieux : c'est la « Chambre introuvable », comme il se plait a appeler la nouvelle Chambre des deputes. Les deputes ultraroyalistes (les royalistes intransigeants) votent alors une serie de decisions en leur faveur : loi de surete gene-rale, loi contre les ecrits seditieux, loi bannissant les regicides, epura-tion de l'administration, execution des officiers rallies a Napoleon. Cette politique reactionnaire commence a gener le roi et son chef du gouvernement, le modere due de Richelieu. La Chambre finit par etre dissoute en 1816, devenue plus royaliste que le roi ! Les moderes ou « constitutionnels » dominent alors la vie politique, imposant notam-ment une liberalisation de la presse. ■ 1820. Craintes pour I'avenir des Bourbons Le neveu du roi, le due de Berry, meurt assassine par un ouvrier illumine le 14 fevrier 1820. Le meurtrier, un denomme Louvel, l'a poignarde a sa sortie de l'Opera. Le coup ne tue pas seulement le jeune due, il vise egalement la dynastie, car son frere, le due d'Angouleme, est sterile comme Louis XVIII. Un ultime espoir subsiste in extremis : la duchesse de Berry est enceinte et donne naissance a un fils posthume quelques mois plus tard. Cet heritier, le comte de Chambord, « l'enfant du miracle », incarnera pendant tout le XIXe siecle les espoirs des partisans des Bourbons. Le comte de Chambord Plus tard, apres la mort de Charles X et de son autre fils le due d'Angouleme, le comte de Chambord deviendra le seul pretendant au trone de France. Ses titres, due de Bordeaux et comte de Chambord, serviront a le designer tout comme le titre royal qu'il s'est donne : Henri V. Les Francais au XIXe siede Chapitre 9 Pour l'heure, l'assassinat du due heritier Justine une reaction conserva-trice au sein du gouvernement. Les ultraroyalistes accusent les consti-tutionnels d'etre responsables de la mort du due de Berry. « J'ai vu le poignard de Louvel, e'etait une idee liberale », peut-on ainsi lire dans le Journal des debats. Le president du Conseil, Decazes, ha'i des ultraroyalistes, doit demissionner. La reaction conservatrice est violente. Le nouveau gouvernement suspend les libertes individuelles et la liberte de la presse en retablissant la censure. Retour ä la case depart. La Restauration a definitivement choisi le camp de la reaction. Etre plus royaliste que le roi: le courant ultraroyaliste Pour les ultraroyalistes, la Charte de 1814 est beaueoup trop liberale. Iis reclament le retour de l'Ancien Regime et de « l'antique constitution de la France » dans son integralite, jusqu'ä l'inegalite civile de la societe d'ordres. Les ultraroyalistes puisent leur ideologic dans la pensee contre-revolutionnaire opposee ä l'effacement de l'influence catholique. Le retour ä une monarchic feodale idealisee devient le modele, ä une epoque oü le Moyen Äge est mis en vogue par les ecri-vains romantiques. Le parti ultraroyaliste s'organise autour de grands noms de la noblesse, avec pour chef de file le Comte d'Artois (futur Charles X). Les ultras se retrouvent au sein dune ancienne societe secrete creee sous l'Empire, les « Bannieres » ou « Chevaliers de la foi », et peuvent s'appuyer sur une presse influente, ä l'image du Conservateur fonde par l'ecrivain Chateaubriand. Les ultraroyalistes dominent la vie politique francaise entre 1820 et 1830. Ensuite, la chute des Bourbons entramera ce courant dans l'oppo-sition, pronant le retour de l'ancienne dynastie au pouvoir. lis seront des lors connus sous le nom de « legitimistes », souhaitant le retour au pouvoir de la branche legitime. En 1883, la mort du comte de Cham-bord, pretendant Bourbon au trone, leur portera un coup fatal. Le roya-lisme deviendra des lors groupusculaire, sans aucun poids politique. Les valeurs de l'extreme droite Les idees contre-revolutionnaires sont l'un des fondements ideologiques de L'extreme droite en France. La politique de « revolution nationale » sous le regime de Vichy ou meme certains points du programme du Front National, comme la preservation des valeurs chretiennes, sont en filiation directe avec cette pensee nee en reaction ä la France de 1789. Partie vi Le XIXe siede (1814-1914) : le siede de tous les possibles Le regne de Charles X : 1824-1830 Charles X, homme devot et reactionnaire, soutient la politique ultra-royaliste de son Premier ministre, Villele. Toutes les oppositions au regime se regroupent contre le gouvernement, aboutissant ä sa chute lors de la revolution de Juillet, en 1830. Charles X (1757-1836) : I'intransigeance sur le trone Le nouveau roi de France est le frere cadet de Louis XVI et Louis XVIII. Avant son arrivee sur le trone, il est connu par son titre de comte d'Artois. Apres une jeunesse plutot insouciante, il se rapproche du parti devot. Lorsque la monar-chie entre en crise a partir de 1786, il est hostile a toute reforme pouvant remettre en cause sa nature. Lors de I'ete 1789, le comte d'Artois est I'un des premiers nobles a emigrer, deux jours apres la prise de la Bastille. II dirige alors le parti emigre et fait le tour des capitales europeennes afin de lancer une guerre contre la France revolutionnaire. Son reve se realise seulement en 1814, lorsqu'il arrive a Paris avec les armees etrangeres avant son frere, le comte de Provence devenu Louis XVIII. Sous le regne de ce dernier, il est le chef du parti ultraroyaliste. Son arrivee au pouvoir en 1824 coincide, en accord avec ses positions anterieures, avec un durcissement du regime dans un sens contre-revolutionnaire et traditionaliste. Sa personnalite inflexible et autori-taire est pour beaucoup dans la revolution qui le renverse en 1830. II reprend les routes de I'exil et meurt quelques annees plus tard dans le Frioul, alors autrichien, ne laissant guere de bons souvenirs en France. ■ 1825. Un sacre d'un autre age Dans une logique d'Ancien Regime, Charles X se fait sacrer « ä l'ancienne » au terme d'une ceremonie reprenant point par point le rituel fixe au Moyen Age. Il choisit meme de remettre en vigueur le rite du toucher des ecrouelles, abandonne lors du sacre de Louis XVI en 1775 : ce ne sont pas moins de 2400 malades que Charles X se propose de guerir miraculeusement! L'evenement montre bien l'incapacite du nouveau roi ä s'adapter aux changements survenus depuis trente ans. La reconquete de la societe francaise entreprise par la monarchic des Bourbons se realise aussi dans le domaine des consciences ; le fonde-ment de la legitimite de la monarchic d'Ancien Regime etait le droit divin. Or, depuis la Revolution, la pratique religieuse est en recul. La Restauration offre maintenant ä l'Eglise un cadre favorable ä la Les Francais au XIXe siěcle Chapitre 9 reconquéte des consciences. En effet, la chartě de 1814 refait du catholicisme la religion ďÉtat. La religiosité est encouragée par les Bourbons car ils fondent leur autoritě sur leur alliance avec 1'Église. L'alliance du tróne et de 1'autel Afin de reconstituer et de rajeunir Le cLergé décimé pendant La periodě révoLu-tionnaire, Les effectifs des séminaires se gonfLent, Les prétres sont renouvelés. La France redevient méme une terre de mission. Partout dans Le pays, Le clergé érige des croix, měne des processions, importe ďltalie des reliques de saints extraites des catacombes romaines, vivier inépuisable de martyrs chrétiens. Le culte de La Vierge rencontre un succěs particulier, surtout aprěs son « apparition » á Paris, rue du Bac, en 1830. L'enseignement primaire est confié aux congregations reli-gieuses. Un évéque, Monseigneur Frayssinous, est nommé ministře de 1'Instruc-tion publique en 1824. Un certificat de bonne conduite délivré par le cure est méme exigé pour étre instituteur. Désormais, avec un roi et un gouvernement ultras, la legislation prend une tournure fortement réactionnaire: loi du sacrilege rendant passible de peine de mort toute profanation des hosties, vote de l'indemnisation des emigres (remboursement des biens nobles nationalises sous la Revolution), etc. Des voix s'elevent contre cette reaction cléricale venue du sommet de 1'État, y compris des rangs méme de 1'Église. Le courant « ultramontain », favorable au pape, hostile á la compromission de 1'Église dans les affaires politiques du royaume, critique méme le gouvernement. Lévéque de Vannes, Félicité de Lammenais, l'un des plus célébres penseurs catholiques de l'epoque, reclame davantage de liberies. L'homme et son journal, L'Avenir, créé en 1830, deviennent á la fin de la Restauration les chefs de file du mouvement catholique liberal. ■ 1827. Une dissolution hasardeuse Depuis l'arrivee au pouvoir de Charles X et de son president du Conseil, Villěle, rien ne va plus pour le gouvernement. Ces hommes attirent et attisent toutes les oppositions, méme celles de droite ! La palette est large : républicains, libéraux écartés du pouvoir par les ultras en 1820, aristocrates passes de l'ultraroyalisme á l'opposition comme Chateaubriand, favorable á une certaine liberalisation du regime. Des intellectuels, Benjamin Constant, Victor Cousin, Francois Guizot ou Sainte-Beuve, des avocats comme Adolphe Thiers, des banquiers tel Casimir Perier, avancent les pions de l'opposition libérale. Partie vi Le XIXe siede (1814-1914) : le siede de tous les possibles En 1827, Villele, apres deux echecs devant le Parlement et le rejet des lois sur le droit d'ainesse et sur la censure, decide de dissoudre la Chambre des deputes et d'organiser des elections anticipees. Les libe-raux arrivent prepares aux elections. Ainsi, la societe « Aide-toi, le ciel t'aidera » fondee par Guizot, est chargee de verifier les listes electo-rales, parvenant ainsi a faire inscrire plus de 15 000 electeurs malen-contreusement « oublies » par le gouvernement, soit 15 % du corps electoral ! Les resultats sont sans appel: le gouvernement est mis en minorite et Villele doit demissionner. 1830. L'Algerie entre dans l'histoire de France Ä la chute de l'Empire napoleonien, la France a recupere ses anciennes colonies. Le drapeau des Bourbons flotte ä Saint-Pierre-et-Miquelon, aux Antilles (Guadeloupe et Martinique), en Guyane, sur le littoral senegalais, dans les comptoirs commerciaux indiens et enfin ä la Reunion, ce qui constitue, somme toute, un empire tres reduit. La France n'est alors que la cinquieme puissance coloniale derriere la Grande-Bretagne, les Pays-Bas, l'Espagne et le Portugal. Qui plus est, la France a perdu son « joyau » colonial, Saint-Domingue, en 1804. II s'agit done d'insuffler un nouvel elan ä l'entreprise coloniale par l'expedition d'Alger en 1830. L'Algerie est alors sous domination turque par l'entremise du dey d'Alger, le gouverneur de l'administration turque. Le pretexte de l'intervention francaise est donne par « le coup de chasse-mouches » porte par le dey au consul de France ! L'occasion est trop belle pour le gouvernement francais de redonner un certain prestige ä un regime alors en proie ä une opposition tres combative. Le 5 juillet, Alger est facilement prise par le corps expeditionnaire francais, mais il est dejä trop tard : le regime de Charles X est balaye en juillet 1830 par une insurrection parisienne. La colonisation de L'Algerie Les regimes frangais successifs vont poursuivre La politique de coLonisation de L'Algerie. CeLLe-ci se fait de maniere progressive et tätonnante, sans pLan precongu. Les Arabes, dans un premier temps favorabLes ä L'expuLsion des Turcs, entrent bientöt en resistance. A Oran, L'emir Abd eL-Kader, qui reve d'un grand Etat arabe, Lance une guerre sainte contre Les Frangais. Le general Bugeaud organise aLors La conquete de L'ensembLe du pays par des methodes tres vioLentes. En revenant d'Algerie, ALexis de TocqueviLLe ecrit en 1841 : « Nous faisons La guerre de fagon beaucoup pLus barbare que Les Arabes eux-memes (...) e'est de Leur cote que La civilisation se rencontre. » IL est vrai que Les Francais au XIXe siede Chapitre 9 L'armee frangaise se Livre aux piLLages, aux viols et aux massacres collectifs, amenant La France a annexer L'ensembLe du pays en 1847. L'annee suivante, L'ALgerie est meme departementaLisee. ELLe devient aLors coLonie de peupLe-ment, La seuLe veritable de L'empire coLoniaL frangais. Le debut de ^expropriation des proprietaires arabes commence au profit des coLons venus de metropoLe. Une barriere cuLtureLLe et sociaLe infranchissabLe s'eLeve entre Les deux popuLations. ELLe ne se dementira jamais jusqu'a L'independance aLge-rienne en 1962. ■ 1830. Une revolution kidnappee L'erreur fatale de Charles X Apres une breve experience liberale, Charles X confie le gouvernement ä un ultra pur et dur, le prince Jules de Polignac, fils de la favorite de Marie-Antoinette. Grand aristocrate emigre, catholique mystique, il est la figure emblematique de l'ultra. C'est un affront supplementaire pour l'opposition. Un bras de fer entre le gouvernement et la Chambre des deputes ouvre done l'annee 1830 : 221 deputes rappellent au roi les principes de la Charte de 1814, notamment l'importance de la Chambre des deputes ; en reponse, Charles X dissout autoritairement celle-ci en mai et annonce de nouvelles elections pour juillet. Mauvais calcul: l'opposition progresse. La reaction royale met alors le feu aux poudres quand le roi promulgue, le 25 juillet, quatre ordonnances interpretant de maniere tres abusive la Charte, se servant du droit de legiferer sans l'accord des chambres pour la « sürete de l'Etat ». En d'autres termes, c'est un coup d'Etat venu d'en haut. Les classes populaires se revoltent Les recoltes de 1828 et 1829 ont ete mauvaises, plongeant le pays dans une crise economique. Toutes les classes sociales sont touchees par ce contexte socio-economique defavorable : le souvenir de l'ete 1789 avec sa crise politique sur fond de crise economique est pourtant la pour rappeler les conditions d'une revolution. La reaction aux ordonnances apparait dans les classes populaires : le 27 juillet, les ouvriers typographes, concernes directement par une des ordonnances limitant la liberie de presse, partent manifester dans les rues de Paris. lis sont rejoints par des etudiants, des ouvriers parisiens mais aussi par des veterans de l'armee de Napoleon. On assiste alors aux coups de feu et aux barricades. L'Hotel de Ville est pris le lende-main puis, par reaction en chaine, le Louvre, les Tuileries et le palais Partie vi Le XIXe siede (1814-1914) : le siede de tous les possibles Bourbon. Les républicains sont en premieres lignes sur les barricades. Au terme de ces trois journées, « les trois glorieuses », le roi est contraint de fuir á 1'étranger : le pouvoir est désormais vacant. Une nouvelle monarchie née en juillet Les libéraux modérés entrent alors en scene afin ďéviter 1'instauration ďune nouvelle République. lis portent au pouvoir le due Louis-Philippe ďOrléans (un descendant du Regent) connu pour son attachement au liberalisme. La Fayette fait basculer 1'opinion en faveur de la solution orléaniste en apportant son soutien et sa popularitě au due. Le 31 juillet, il l'accompagne á l'Hotel de Ville et se drape avec lui dans le drapeau tricolore. Le 9 aoůt, Louis-Philippe Ier est proclamé « roi des Francais » et non « roi de France ». La nuance est importante : elle souligne 1'origine populaire de la souveraineté du roi. Cest le debut de la monarchie de Juillet, née du peuple parisien mais confisquée par la bourgeoisie libé-rale. D'ailleurs, pour le riche banquier Casimir Perier, « il n'y a pas eu de revolution, il n'y a eu qu'un simple changement dans la personne du chef de 1'État ». La Li berte célébrée Le souvenir de La révoLution de 1830 est céLébré par La coLonne de La pLace de La BastiLLe ä Paris, éLevée en 1840. De méme, Ľun des pLus céLébres tabLeaux d'Eugéne DeLacroix, La Liberté guidant le peuple, est un horn image ä cette révoLution oú ouvriers et étudiants, issus de La bourgeoisie, se sont retrouvés sur Les barricades. La monarchie de Juillet, le regne de Louis-Philippe (1830-1848)_ Louis-Philippe instaure une monarchie parlementaire qui s'appuie sur les classes moyennes. Souvent qualifiée de regime de notables, la monarchie de Juillet place la France sur les rails de la modernisation économique. Du point de vue social, le regime cherche ä preserver ľordre sous un vernis liberal, face aux contestations portées par les républicains et les premiers socialistes. Ces oppositions poussent le regime ä restreindre les liberies děs 1835. Les Francais au XIXe siede Chapitre 9 Louis-Philippe (1773-1850) : un roi bourgeois Louis-Philippe d'Orleans est un Bourbon de la branche cadette. C'est le fils de Philippe Egalite (descendant du regent), connu au XVIIP siecle pour ses idees liberales. Louis-Philippe a combattu dans les armees revolutionnaires, ce qui a contribue a sa popularite, fort appreciable en 1830. Bien qu'il soit probable-ment I'homme le plus riche de France, son mode de vie simple, sa vie de pere de famille nombreuse (il a huit enfants) et ses idees liberales le rapprochent de la societe bourgeoise de I'epoque. Ce nouveau regime va d'ailleurs s'appuyer sur cette classe sociale. Si I'on se souvient que la bourgeoisie vivait dans des hotels particuliers, les fameuses « maisons bourgeoises », on pourrait parler d'alliance du trone et de L'hotel! II faut noter enfin que Louis-Philippe est le dernier roi de I'histoire de France. Branche des Bourbons Roi Louis XIV Louis XVI Louis XVII 2 frěres 3 frěres i Louis XVIII Charles X •< r Comte d'Angouleme Due de Berry Henri V Philippe d'Orleans 1. Regent Philippe d'Orleans Philippe égalité Arriěre petit-fils du regent Louis-Philippe ■ Les nouvelles mesures La Charte de 1814 est modifiee en 1830 pour s'adapter a la nouvelle realite politique nee de la revolution de Juillet. La premiere mesure d'importance est le retablissement du drapeau tricolore, qui place le regime dans la continuity de la Revolution et de l'Empire. La religion catholique redevient, comme sous le Consulat et l'Empire, la religion de la « majorite des Francais ». Il n'y a done plus de religion d'Etat. La censure de la presse est abolie. Du point de vue institutionnel, le droit du souverain a legiferer par ordonnances est supprime. Les chambres partageront desormais avec 267 Partie vi Le XIXe siede (1814-1914) : le siede de tous les possibles le roi l'initiative des lois, c'est-ä-dire le droit de les proposer. Enfin, le corps electoral est élargi par abaissement de Tage du droit de vote et ďéligibilité et surtout du cens : il passe ainsi de quelques 90 000 élec-teurs ä plus de 170 000, ce qui reste encore assez faible. ■1831. La premiere revoltě ouvriěre Les hommes au pouvoir, le « parti de la resistance », dont le credo est l'ordre ä 1'intérieur et la paix ä 1'extérieur, dominent le gouvernement ä partir de 1831. Ce courant est favorable ä une liberalisation limitée. La repression de la revoltě des canuts lyonnais, ä l'automne de cette annee-lä, illustre cette victoire de l'ordre sur la contestation sociale. La grěve pour un salaire minimum Les ouvriers de La soie Lyonnais, Les canuts, travaillent dans des ateliers au profit de patrons qui fournissent les matiěres premieres aux chefs d'atelier. Dans Le contexte de crise économique renforcé par La concurrence étrangěre, les canuts réclament 1'établissement ďun salaire minimum. Les premieres formes ďorgani-sation ouvriěre avaient déjá vu le jour ä Lyon sous forme dissociation de secours mutuels. Face au refus patronal, Les canuts se mettent en grěve, descen-dent de L'industrieuse colline de La Croix-Rousse et élěvent des barricades en scandant: « Vivre en travaillant ou mourir en combattant! » La reaction est musclée : 36 000 soldats sont envoyés pour mater L'insurrection. Des centaines ďarrestations sont effectuées et La ville est quadrillée par 10 000 soldats. La revoltě des canuts, dans la region la plus industrialisée de 1'époque, est la premiere grande insurrection ouvriěre de l'histoire de France. La repression du gouvernement coupe définitivement les classes populates du nouveau regime, favorisant ainsi leur intérét pour le socialisme naissant. ■ 1832-1834. Contestation tous azimuts Outre les canuts lyonnais, tous les opposants au gouvernement se manifestent au debut des années 1830. En 1832, la duchesse de Berry, belle-fille de Charles X, débarque ä Marseille et tente de soulever la Provence et la Vendee contre le nouveau roi. La tentative legitimisté se solde par un lamentable échec, d'autant que la duchesse, aprěs son arrestation, met au monde un enfant en prison ; cet enfant est illegitime car la duchesse n'est pas remariée, ce qui ne fait pas « bon genre » au sein de la mouvance legitimisté, plutöt dévote ! Les Francais au XIXe siěcle Chapitre 9 Le danger pour le gouvernement vient done de la gauche et des republi-cains qui sont mieux organises et ont une audience plus importante. Le 5 juin 1832, les republicains parisiens declenchent une insurrection dans les quartiers populaires de la capitale, pacifiee par l'intervention de l'armee commandee par le roi en personne. Le « roi des barricades », surnom herite de 1830, assoit ainsi sa legitimite aux yeux des partisans de l'ordre en demantelant, deux ans plus tard, les nouvelles barricades parisiennes. Les associations republicaines sont dissoutes et une loi interdisant les associations est meme votee en 1834. Cette decision provoque encore la reaction de l'opposition, de plus en plus encline a elever des barricades a Lyon et a Paris. Bavures au rendez-vous A Lyon, une nouvelle revolte de canuts est ecrasee dans Le sang : 200 insurges sont tues. A Paris, I'iintervention de L'armee se solde par une bavure qui choque L'opinion. A La suite d'un coup de feu tire d'une fenetre, tous Les habitants, vieillards, femmes et enfants compris, du 12, rue de Transnonain (aujourd'hui rue Beaubourg), sont massacres par La troupe. L'opposition republicaine est reduite au silence au prix d'un Large discredit pour la monarchie de Juillet. ■ 1833. Guizot alphabetise les Francois Francois Guizot (1787-1874) : un homme d'ordre Officiellement ministře des Affaires étrangěres, Frangois Guizot domine la vie politique frangaise de 1840 á 1848. Jugé autoritaire et froid par ses contem-porains, il incarne Le conservatisme bourgeois. L'homme est né á Nímes en 1787. Aprěs des etudes d'histoire, il devient professeur d'histoire modeme. II est, sous le rěgne de Charles X, I'un des chefs de file de l'opposition Liberate au regime, mais il ne joue pas un role de premier plan dans Le renversement du regime Bourbon. IL faut dire que Guizot se méfie du peuple et craint Les mouve-ments revolution naires. Cest en cela une figure de la bourgeoisie Libera Le. Son ideal politique est celui de L'Angleterre : une monarchie parlementaire soucieuse des Liberies individuelles, mais élitiste par essence. Guizot est un adversaire acharné de I'elargissement du droit de suffrage. Sa célěbre formule : « Enrichissez-vous par le travail et par I'epargne » fait de La possession de biens une condition préalable á L'obtention du droit de vote, responsabilités économiques et politiques étant étroitement Liées dans son esprit. Le Liberalisme de Guizot glisse finalement vers Le conservatisme. Passé dans ^opposition, Le poete Lamartine s'exclame sous son gouvernement : « La France s'ennuie ! » Partie vi Le XIXe siede (1814-1914) : le siede de tous les possibles Lorsque Louis-Philippe parvient au pouvoir, l'etat de renseignement primaire frangais laisse plus qu'ä desirer. Pres dun tiers des communes ne disposent pas d'ecole, tandis que les ecoles existantes sont souvent dans un etat deplorable, faute de moyens. L'ecole est pourtant un sujet sensible depuis la Revolution : au-delä de l'instruction des enfants, l'eveil des consciences a une finalite politique. Depuis la Revolution, l'idee que l'education doit etre un service public fait son chemin malgre les resistances de l'Eglise, chargee traditionnellement de 1'instruction elementaire, comme on l'a vu pendant la Restauration. L'idee de prise en charge publique de l'instruction primaire s'impose en 1833 avec la loi Guizot: celle-ci impose ä toutes les communes la construction d'une ecole pour garcons, gratuite pour les plus pauvres. Le contröle etatique de l'enseignement s'impose par la fondation des ecoles normales d'instituteurs dans chaque departement. La creation, deux ans plus tard, du poste d'inspecteur departemental charge de verifier la qualite de l'enseignement vient completer ce dispositif. Mais les rejets sont forts dans les campagnes, meme si l'ecole n'est pas encore obligatoire : les paysans ne voient pas l'interet de l'instruction, ä l'image de ce proprietaire du Medoc qui declare : « Nous avons besoin de vignerons, et non pas de lecteurs. » Pourtant, la mecanisa-tion progressive des campagnes libere des bras et la scolarisation des Iiis devient rapidement un moyen d'ascension sociale. L'ecole prouve done sa valeur. Les Francais sur les bancs de I'ecole L'effort de I'Etat dans la scolarisation des Frangais se poursuit apres la loi Guizot: la loi Falloux en 1852 impose la creation d'ecoles primaires pour les filles. Ces Lois permettent I'alphabetisation des Frangais : en 1820, 54 % des hommes et 34 % des femmes sont capables de signer un document; en 1872, ces chiffres passent a 77 % et 67 %. ■1835. L'attentat de Fieschi rate le roi mais tue la presse Puisque les insurrections echouent, les opposants au regime en vien-nent a concevoir une autre forme de contestation : l'assassinat du roi. Les republicains sont prets, mais les echecs repetes soulignent le carac-tere brouillon de ces tentatives regicides : on compte pas moins de sept attentats contre le roi entre 1835 et 1846 ! Les Francais au XIXe siede Chapitre 9 Encore une machine infernale ! Le 28 juillet 1835, Louis-Philippe doit passer en revue la Garde nationale. Une machine infernale est installee boulevard du Temple. Lorsque le cortege royal passe, un assemblage de fusils montes en serie fauche 18 personnes, mais le roi ressort indemne de cet attentat, comme Napoleon autrefois rue Saint-Nicaise. Le coupable, un republicain corse, Fieschi, est arrete avec ses deux complices. L'attentat de Fieschi contre Louis-Philippe joue le meme role que celui de Louvel apres le meurtre du due de Berry en 1820 : il entraine un durcissement du regime. Le roi exploite ainsi l'evenement pour faire passer ä la Chambre une serie de lois repressives connues sous le nom de « lois de Septembre 1835 ». La presse est immediatement touchee avec une limitation de la liberte d'expression, restriction qui remet en cause Tun des principes qui avait guide la Charte de 1830. Les idees republicaines sont desormais interdites ; les dessins sont soumis ä autorisation prealable et les journaux doivent justifier dune assise fmanciere importante. Dans ces conditions, les petits journaux, repu-blicains pour la plupart, sont condamnes. ■ 1836. L'ultime come-back de Napoleon Malgré la mort de l'empereur en 1821, le souvenir de 1'épopée napoléo-nienne, portée par la nostalgie des veterans de la Grande Armee, fait encore réver les Francais. Alors que la monarchie de Juillet est en place depuis dix ans, le roi et le president du Conseil, Adolphe Thiers, veulent redonner un nouveau souffle au regime. Quoi de mieux que faire vibrer la fibre patriotique en ravivant le souvenir bonapartiste ? Les Invalides pour tombeau En 1836, le gouvernement a deja finance I'achevement de l'Arc de Triomphe commence sous I'Empire. Quatre ans plus tard, Thiers passe un accord avec la reine d'Angleterre pour faire revenir les cendres de Napoleon en France. L'un des fils de Louis-Philippe, le prince de Joinville, part lui-méme ä bord de la Belle-Poule vers le sud et l'ile de Sainte-Hélěne pour ramener le corps de l'Empereur. Une ceremonie grandiose est organisée le 15 décembre dans la cour des Invalides. Le corps de Napoleon y est depose dans un tombeau monumental de porphyre rouge. Le vceu de l'empereur d'etre enterré au bord de la Seine parmi le peuple frangais est enfin realise. Partie vi Le XIXe siecle (1814-1914) : le siecle de tous les possibles Le retour des cendres de Napoleon Ier n'a pas l'effet escompte : les ambitions bonapartistes sont reveillees. Le neveu de l'empereur, Louis Napoleon, le futur Napoleon III, tente quatre ans plus tard un debar-quement a Boulogne-sur-Mer. Arrete et enferme au fort de Ham dans la Somme, il s'en evadera en 1846. ■ 1842. La France prend le train de ^industrialisation Le decollage economique de la France est evident durant la monarchic de Juillet. La loi de 1842 sur les chemins de fer est une etape impor-tante dans l'industrialisation du pays. Malgre la construction dune premiere ligne de chemins de fer en 1828 a Saint-Etienne, le retard francais est patent. Ambitieux, le plan de 1842 prevoit la creation de neuf lignes de chemins de fer dont sept partant de Paris. Ce plan en etoile rayonnant depuis la capitale est a l'origine du reseau ferroviaire francais actuel. La construction des chemins de fer est confiee a des compagnies privees et fmancee grace a des capitaux prives, anglais principalement. Le train exerce alors un effet d'entrainement sur l'economie. Ce reseau ouvre de nouveaux marches de consommation entre les grandes villes. Parallelement aux constructions se develop-pent les activites metallurgiques, minieres et mecaniques. A cette date, la France entre dans la revolution industrielle. La France des rails Les compagnies privees de chemins de fer assureront Le transport ferroviaire en France jusqu'a La creation de La SNCF en 1937, faisant de ce secteur un monopole de L'Etat. Ce monopole est aujourd'hui remis en cause dans Le fret et bientot dans Le transport de voyageurs suite aux directives europeennes de 2000, relatives a la Liberalisation du transport ferroviaire. ■ 1846-1848. Trois crises en convergence Entre 1846 et 1848, on assiste a une montee en puissance des contestations contre le gouvernement. Comme en 1789 ou en 1830, la crise politique se dessine avec pour toile de fond une crise economique. Avec les mauvaises recoltes de l'ete 1846, la conjoncture economique s'est inversee. A cela s'ajoute une crise industrielle de surproduction sans precedents. Les faillites provoquent une hausse du chomage, alimentant la contestation populaire: pillage des boulangeries, destruction des machines dans les ateliers et les usines, etc. A cette Les Francais au XIXe siede Chapitre 9 crise économique se greffe une crise de regime : toutes les oppositions convergent contre le systéme mis en place par Guizot et Louis-Philippe. Le regime est discrédité par de nombreuses « affaires », comme celle de l'assassinat de la duchesse de Choiseul-Praslin par son mari, pair de France, en 1847. L'historien Jules Michelet parle alors d'un « Waterloo moral ». Meurtre rue Saint-Honoré Le due de Choiseul-Pralin, excédé par Les harcěLements constants de sa femme, La tue d'un coup de couteau Lors d'une dispute. IL fait aLors croire ä un assassinat de rödeur mais est vite reconnu coupabLe. Cette affaire, survenue dans Le miLieu de La grande aristocratie, est utiLisée par L'opposition pour démontrer La corruption des imiLieux au pouvoir. L'opposition au regime vient de la gauche. Les républicains sont désormais appelés « radicaux », depuis le bannissement du terme « républicain » par les lois repressives de 1835. Les radicaux militent pour 1'élargissement du corps electoral, comme le poete Alphonse de Lamartine ou l'historien Jules Michelet. Un banquet explosif La tradition des banquets répubLicains remonte au premier anniversaire de La prise de La BastiLLe Lors de La féte de La Federation Le 14 juiLLet 1790. ELLe s'est perpétuée jusqu'ä nos jours. Organises par Les partis poLitiques, iLs permettent de rassembLer dans une ambiance conviviaLe représentants et administrés. Pendant l'été 1847, les radicaux lancent une Campagne de banquets dans tout le pays, visant ä mobiliser la province en faveur d'une reforme du systéme electoral. Ä l'occasion de ces banquets, on évite soigneuse-ment de porter le traditionnel toast au roi. Le feu est mis aux poudres le 22 février par l'interdiction du dernier banquet devant avoir lieu ä Paris : la revolution de 1848 est en marche. ■ Février 1848. Les Quarante-huitards restaurent la République La revolution de 1848 apparait comme une repetition de celle de 1830 : méme conjuncture économique, méme effervescence dans les milieux étudiants, méme mobilisation de l'opposition, méme origine pari-sienne de la revolution. Partie vi Le XIXe siede (1814-1914) : le siede de tous les possibles Une manifestation inattendue Au matin du 22 février, la place du Pantheon se remplit de centaines ďétudiants et un cortege se forme en direction de la Madeleine. Les ouvriers se joignent ä la manifestation ďoú s'elevent La Marseillaise, le Chant des Girondins et des « Vive la Reforme ! Ä bas Guizot ! ». Quelques heurts ponctuent la journée mais le gouvernement garde le contröle de la situation. Le lendemain survient un coup de theatre : la garde nationale et ses 40 000 hommes armes se rallie au camp des manifestants ! Ii s'agit dune milice urbaine bénévole formée par les classes moyennes bourgeoises lassées du regime. Conscient du danger, Louis-Philippe renvoie Guizot. La foule marche alors vers le ministěre des Affaires étrangěres, boulevard des Capucines. Les soldats tirent pour protéger le ministěre : 16 personnes sont tuées, une cinquantaine sont blessées. L'abdication de Louis-Philippe Cette fusillade déclenche la colěre des Parisiens. Dans la nuit sont dressées 1500 barricades. Le 24 février, Louis-Philippe commet une faute en nommant ä la téte de 1'armée le maréchal Bugeaud, 1'homme du massacre de la rue Transnonain. La partie est perdue pour le regime de Juillet: l'Hotel de Ville est pris par les insurgés, qui se dirigent ensuite vers le palais des Tuileries, la residence royale. Ä midi, le roi se résigne ä signer son abdication. Les Tuileries sont pillées et saccagées dans une atmosphere de fete, scene décrite par Flaubert dans I'Education sentimentale. Les républicains au gouvernement provisoire Ä la Chambre des deputes, les républicains se font acclamer. Un gouvernement provisoire est nommé. Les grandes figures républi-caines y participent dans une joyeuse varieté : Dupont de 1'Eure, 83 ans et ancien depute sous la Ire République, le poete Lamartine, 1'astro-nome Arago, les avocats Ledru-Rollin, Crémieux, etc. Le peuple rassemblé ä l'Hotel de Ville impose deux autres noms : le socialiste Louis Blanc et un ouvrier, le premier de 1'histoire de France ä entrer dans un gouvernement: Alexandre Martin, dit Albert. Deux journa-listes républicains, Flocon de La Reforme et Marrast du National complětent ce groupe dirigeant. Les Francais au XIXe siede Chapitre 9 Lamartine sauve le drapeau tricolore Le 25 fevrier, Le peupLe parisien, par La voix du revolution naire Auguste BLanqui, reclame un drapeau rouge. Avec eloquence, Lamartine, faisant appeL au briLLant souvenir de La Revolution frangaise, sauve in extremis Le drapeau tricoLore : « Le drapeau tricoLore a fait Le tour du monde avec nos Libertes et nos gLoires, tandis que Le drapeau rouge n'a fait que Le tour du Champ-de-Mars, baigne dans Le fLot de sang du peupLe. » Le 28 fevrier, place de Bastille, le gouvernement provisoire proclame officiellement la Republique : la Deuxieme Republique est nee. Le devenir de 1'orléanisme LorLéanisme ne meurt pas en 1848. IL devient une alternative royaListe aux cótés de ses anciens adversaires Légitimistes. La solution orLéaniste refera surface quand se posera La question du regime politique á donner á La France aprěs L'effondrement du Second Empire. Courant politique s'appuyant essentiel-Lement sur les notables et sans veritable soutien populaire, 1'orléanisme aura toujours des difficultés á s'imposer dans une France véritablement démocra-tisée par I'instauration du suffrage universel. L'historien René Rémond décěle toutefois une certaine influence de 1'orléanisme chez Les républicains modérés du centre, dont le Modem est aujourd'hui 1'héritier. La IIe Republique : 1848-1852 La IP Republique est une etape majeure dans le processus de demo-cratisation de la France. L'instauration du suffrage universel (encore masculin) est la reforme la plus retentissante. Nee avec le concours des socialistes, la Republique doit composer avec les revendications ouvrieres. L'election de Louis Napoleon Bonaparte comme president de la Republique est la premiere marche vers l'instauration du Second Empire. Quatre ans seulement apres les debuts de cette deuxieme experience republicaine, nee a gauche et passee a droite, ce regime montre que la republique ne peut etre circonscrite a un seul bord politique. Partie ví Le XIXe siěcle (1814-1914) : le siěcle de tous les possibles ■ Mars 1848. La France á la conquéte du suffrage universel Á qui profite le suffrage universel ? Outre la suppression des entraves aux libertés ďexpression, de reunion, ďassociation, la jeune République fait un immense pas en avant vers la démocratisation des institutions francaises avec 1'instau-ration du suffrage universel direct, le 2 mars 1848. La France fait ici figure de précurseur en Europe. Le changement est de taille : le corps electoral passe de 240 000 électeurs á la fin de la monarchie de Juillet á plus de 9 millions ďélecteurs ! Désormais, tout Francais ágé de plus de 21 ans, résidant depuis au moins 6 mois dans une commune francaise, peut aller exprimer son opinion dans l'urne. Mieux, les conditions ďéligibilité des représentants sont elles aussi trěs ouvertes : il faut avoir plus de 25 ans, sans condition de residence. Derive possible, cette condition ouvre pour longtemps la possibilité de candidatures simulta-nées dans plusieurs endroits. Ainsi, aux elections legislatives de 1848, le poete Lamartine est élu depute dans 10 départements á la fois ! Et les femmes dans tout ca ? Děs 1848, quelques voix féminines réclament Le droit de vote, mais il faut attendre 1944 pour que Le suffrage devienne vraiment universel, aprěs Les Philippines ou la Turquie ! Pour comprendre le retard frangais, il faut se plonger dans les mentalités de 1'époque. Á droite comme á gauche, la femme n'est pas considérée comme un étre autonome, ni comme un individu á part entiěre. La haute valeur accordée au mariage, oú le mari decide pour le couple, fait méme du droit de vote des femmes une menace pour 1'équilibre matrimonial et cantonne la femme pour longtemps dans la sphere privée du foyer. Les bouleversements du suffrage universel L'instauration du suffrage universel transforme en profondeur le systéme politique. Cest en cela une autre revolution. La premiere consequence du suffrage universel est la nationalisation des decisions politiques. Désormais, la population francaise dans son ensemble est amenée á exprimer son opinion. Le rapport de forces entre Paris et la province profite désormais á la seconde, car les campagnes abritent, au XIXe siécle, la majorité de la population. Les républicains de gauche prennent ďemblée la mesure du danger représenté par ce renverse-ment politique : selon eux, sans une education politique du peuple, le suffrage universel pourrait se retourner contre ses auteurs, la province Les Francais au XIXe siede Chapitre 9 rurale étant plus conservatrice que les villes. Les elections ďavril de 1'Assemblée Constituante en sont la preuve : un tiers des élus sont des royalistes, tandis que la majoritě est accordée aux républicains modérés ou de « la derniěre heure ». La revolution échappe encore, comme en 1830, ä ceux qui 1'ont portée. La seconde consequence du suffrage universel est la pacification progressive de la vie politique. L'idee sous-jacente des républicains est de troquer le fusil par le bulletin de vote, afin ďéviter les insurrections violentes menées par une minoritě au profit de l'expression pacifique de la majoritě. L'horizon republican! est atteint: la revolution apparait désormais inutile. [.'education á la vie civique La mise en place des premieres elections est rapide. Moins de deux mois aprěs la reforme électorale, les électeurs sont appelés aux urnes pour élire les deputes, non sans une certaine confusion. Toutefois, cette premiere election mérite que Ton s'y attarde : eile est sans doute la plus collective que la France ait jamais connue ! Aller voter en procession Les électeurs doivent aller voter dans le chef-lieu du canton, le dimanche de Päques. Ä la sortie de la messe, chaque village forme un cortege pour aller voter, mené par les notables, chätelain et cure. L'experience marque ä cet égard une certaine reconciliation entre l'Eglise et la République. Les notables ne se privent pas de « conseiller» le nom ä placer dans I'urne (I'isoloir n'apparaitra qu'en 1913) car I'education politique de la majoritě des Frangais est encore ä faire : 97 % des électeurs n'ont jamais vote ! Cette election est un succěs. Elle est appelée ä devenir un rituel républicain, au cceur de notre systéme politique. L'ambition d'une république fraternelle Generation éduquée par le romantisme, les quarante-huitards révent ďédifier une république fraternelle avec l'ambition ďaméliorer la condition ouvriěre. Le gouvernement décrěte ainsi la reduction du temps de travail journalier : il sera désormais de 10 heures á Paris et de 11 heures en province. Pour lutter contre le chómage, le gouvernement met en place de ruineux ateliers nationaux finances par l'Etat. Fraternitě et humanitě president au décret du sous-secrétaire á la Marine, Victor Schcelcher, qui proclame l'abolition de l'esclavage le 27 avril 1848. Partie vi Le XIXe siecle (1814-1914) : le siecle de tous les possibles L'esclavage en France : une experience traumatisante Aboli sous la Revolution en 1794, I'esclavage avait ete retabli par le consul Bonaparte sous la pression du lobby colonial. Alors que le Royaume-Uni votait I'abolition progressive dans ses colonies entre 1833 et 1838, la France conser-vait encore plus de 200 000 esclaves dans les siennes. Apres I'abolition, le souvenir de I'esclavage continue a traverser les societes Creoles jusqu'a nos jours. En 2001, I'esclavage est reconnu par I'ONU comme « crime contre I'humanite ». L'enthousiasme eclate aux Antilles, car les anciens esclaves accedent du jour au lendemain au statut de citoyen, le droit de vote leur etant accorde dans la foulee ! Mais ce droit de vote sera malheureusement provisoire, car le Second Empire se hatera de le supprimer des 1852, avant son retablissement definitif en 1871 sous la IIP Republique. Juin 1848. La fin de la republique sociale L'Assemblee elue en avril est composee d'hommes moderes, souvent des « republicains du lendemain », a l'image dun Victor Hugo qui, hier encore, appelait a une regence de la duchesse d'Orleans. Les deputes s'inquietent des progres de la contestation socialiste. Celle-ci trouve un certain echo dans les ateliers nationaux mis en place par le gouverne-ment provisoire. En effet, ces ateliers, censes remettre au travail les ouvriers, ne savent pas comment les employer. lis deviennent done un lieu de debat autour des idees socialistes et bonapartistes. Inquiete, l'Assemblee decide de les supprimer le 21 juin. Les ouvriers parisiens sont dans la rue des le lendemain. Leur situation precaire en fait des etres determines. Un ouvrier anonyme lance ainsi a Arago : « Ah, Monsieur Arago, vous n'avez jamais eu faim ! » Pendant quatre jours, retenus par l'histoire comme les «journees de Juin », l'Ouest parisien bourgeois se bat contre l'Est ouvrier. L'insurrection parisienne est ecrasee avec la benediction de la province. La repression est alors terrible : 2500 morts, 3000 blesses, 15 000 arrestations, dont 4300 deportations vers l'Algerie. Les ouvriers dans I'imaginaire bourgeois En province, la presse bourgeoise presente les ouvriers comme une classe dange-reuse et le socialisme comme un dechainement barbare. Les journaux fabulent et evoquent ainsi decapitations, soldats scalpes, enfants-soldats envoyes au combat... Les Francais au XIXe siěcle Chapitre 9 Le retour a l'ordre s'accompagne de la perte de la liberie de parole : la censure est retablie, les clubs interdits. Les leaders socialistes, Albert, Blanqui et Raspail sont arretes ou s'exilent comme Louis Blanc. Le glas a sonne pour la Republique fraternelle et sociale. Karl Marx a vu dans ces journees de juin la premiere grande bataille de la lutte des classes. Auguste Blanqui (1805-1881) : le professionnel de la contestation Personnage fascinant, Blanqui commence sa carriěre ďopposant sous la monarchie de Juillet. Républicain et socialiste, il měne une lutte infatigable contre les royalistes et les conservateurs. Inspire par le babouvisme (mouve-ment précurseur du communisme fonde par Gracchus Babeuf), il cherche ä imposer la reforme sociale par insurrection. Emprisonné ä maintes reprises, Blanqui reprend son activité militante děs sa sortie. Au total, il passe 35 années de sa vie en prison ! II est le prisonnier politique par excellence du XIXe siěcle. ■ Décembre 1848. Un Bonaparte peut en cacher un autre La République s'est dotée dune constitution en novembre. Celle-ci prévoit 1'élection dun president de la République avec un mandát de quatre ans, élu au suffrage universel sur le modele de la République américaine. Un depute, Jules Grévy, prend par anticipation la mesure du danger : « L'election populaire donnera au president de la République une force excessive (...) Étes-vous sůrs qu'il ne se trouvera jamais un ambitieux tenté de s'y perpétuer ? Et si cet ambitieux est un homme qui a su se rendre populaire (...) répondez-vous que cet ambitieux ne parviendra pas á renverser la République ? » Les événements vont lui donner raison. L'election du premier president de la République Les premieres elections présidentielles de notre histoire sont organisées le 10 décembre 1848. Plusieurs candidats sont en lice : des républicains, un socialiste, un legitimisté et le neveu de Napoleon Ier, Louis Napoleon Bonaparte. L'homme est inconnu du public mais peut s'appuyer sur le formidable pouvoir ďattraction de son nom. Pour preuve, cet inconnu au nom célěbre est élu avec pres de 75 % des voix ! La victoire est acquise grace au ralliement massif des campagnes sur le nom de Bonaparte. Le sauveur du drapeau tricolore, Lamartine, échoue piteusement Partie vi Le XIXe siede (1814-1914) : le siede de tous les possibles avec 7910 voix, soit 0,1 % des suffrages ! Cette victoire marque la defaite definitive des republicains moderes. Les conservateurs ont repris le pouvoir, reste a savoir au profit de quelle dynastie... Anatheme republicain sur la fonction presidentielle Cette victoire surprise jettera pendant longtemps aux yeux des republicains un voile de discredit sur la fonction presidentielle, et surtout sur sa designation par le suffrage universel direct. Ainsi, les presidents de la IIP et de la IVe Republi-ques seront elus au suffrage indirect et relegues aux fonctions symboliques (les fameux « inaugurateurs de chrysanthemes », c'est-a-dire une action purement ceremoniale). Clemenceau dira meme : « Ily a deux choses inutiles en France, la prostate et le president de la Republique. » II faudra attendre la Constitution de 1958 et surtout la reforme de 1962, instituant selection presidentielle au suffrage universel direct que nous connaissons aujourd'hui, pour replacer la fonction au cceur des institutions republicaines. ■ 1851. Une entreprise familiale napoléonienne : fossoyeurs de républiques Aux elections legislatives de 1849, le recul républicain a été parachevé par la victoire du parti de l'ordre, réunissant les monarchistes de tous bords. Entre 1849 et 1851, le parti de l'ordre a avancé ses pions : la loi Falloux favorisant l'Eglise dans le systéme éducatif (avec notamment le financement public des écoles privées toujours en vigueur aujourd'hui), et la restriction du suffrage universel. Bonaparte entend faire entendre une voix sensiblement différente des positions regressives des royalistes. Cest dans ce contexte que le prince-président lance une Campagne pour reformer la constitution, le mandát prési-dentiel n'etant pas reconductible. Selon celle-ci, Louis-Napoléon doit quitter 1'Élysée en décembre 1852, mais il n'est pas prét ä abandonner le pouvoir. Quand la reforme de la constitution échoue en juillet, le coup d'Etat reste sa seule solution. Une date anniversaire pour un coup d'Etat En choisissant la date du 2 décembre pour ce coup de force, le president se place sous le patronage de son oncle. Cette date est en effet un double anniversaire : sacre de Napoleon Ier et victoire d'Austerlitz. Au matin, 25 000 soldats sont répartis dans les points stratégiques de la capitale, non pour prendre le pouvoir mais pour le conserver! Afin de communiquer avec la population parisienne, l'Imprimerie nationale est occupée. Des affiches sont impri-mées et placardées dans toute la vi Lie. Le texte annonce la dissolution de Les Francais au XIXe siěcle Chapitre 9 I'Assemblee, La redaction d'une nouveLLe constitution, un plebiscite pour La ratifier et Le retablissement du suffrage universeL. Malgre cette derniere mesure demagogique, des voix s'elevent contre ce coup d'Etat du president de La Republique ! La repression foudroie : a I'Assemblee, 220 deputes sont arretes pour avoir vote la decheance du president; a Paris, le feu des troupes ecrase la resistance populaire organisee en barricades ; en province, l'ordre est ramene pendant une semaine, surtout dans les villes moyennes et les campagnes dites « rouges » du Centre, du Sud-Est et du Sud-Ouest. La repression est d'autant plus forte que la resistance est nationale : 32 departements sont places en etat de siege, 26 000 republicains sont arretes, pres de 10 000 sont deportes. Les principales figures du repu-blicanisme prennent les chemins de l'exil. Les heures de la Republique sont maintenant comptees... La restauration de l'Empire est ratifiee par plebiscite des Francais le 20-21 novembre 1852. L'Empire est proclame officiellement le 2 decembre, en toute originalite ! Louis Napoleon prend le nom de Napoleon III (nom qui le place dans la continuity de l'Aiglon, le fils de Napoleon Ier). La France redevient un empire. Le Second Empire : 1852-1870 II est habituel de distinguer deux phases dans le Second Empire : une premiere décennie ä dimension autoritaire et une seconde plus liberale. Si la memoire nationale, largement faconnée par l'histoire répu-blicaine, est plutö t hostile au regime de Napoleon III, cette periodě est particuliěrement riche, notamment sur les plans du développement économique ou de la creation artistique. Louis Napoleon Bonaparte (1808-1873) : un sphinx au pouvoir Né en 1808, Louis NapoLéon est Le fiLs du frěre de NapoLéon, Louis Bonaparte, et d'Hortense de Beauharnais, La fille de Josephine. Son demi-frěre, Le due de Morny, petit-fiLs de TaLLeyrand, est Lun de ses pLus proches conseiLLers. Avec Le retour des Bourbons, Louis NapoLéon passe son enfance en exiL, en Suisse. Durant sa jeunesse, iL adhere au carbonarisme, mouvement politique Liberal italien favorable ä ľunité nationale. II prend alors Le goüt de l'engagement politique. Ainsi, en 1836 et 1840, il tente deux coups de force qui échouent Lamentablement. Ä la deuxiěme tentative, iL est incarcéré au fort de Ham. Louis Napoleon profite de cet emprisonnement pour parfaire sa culture et Partie vi Le XIXe siede (1814-1914) : le siede de tous les possibles ecrire des etudes historiques et economiques influencees par Le sociaLisme. Son evasion rocamboLesque en 1846, deguise avec Les vetements de L'ouvrier Badinguet, sera Le sujet de nombreuses raiLLeries. Pourtant, deux ans pLus tard, iL est elu president de La Republique. En 1853, iL epouse une comtesse espa-gnoLe tres pieuse, Eugenie, qui Lui donne un fiLs trois ans apres. L'homme est mysterieux, ses ennemis comme ses amis L'appeLLent Le sphinx. IL faut dire que Louis Napoleon est difficiLe a cerner entre ses idees Liberates personneLLes et Le modeLe imperial autoritaire de son oncLe auquel iL se rattache. Dissimulant de reelles qualites humaines derriere un masque d'impassibitite, Louis NapoLeon parvient a endormir La mefiance de ses adversaires, excepte son principal ennemi, Victor Hugo, qui a le sens de La formule : « Cet homme ternirait Le second plan de I'histoire, il souille le premier », ou encore « Tyran pygmee d'un grand peuple ». Pourtant, une reelle habilete le garde plus de vingt ans a la tete du pays. ■ 1852-1860. L'Empire impose sa marque Un Etat policier Chef de l'Etat, l'empereur cumule les pouvoirs exécutifs (chef de radministration, des armées, des affaires étrangěres) et législatifs (initiative des lois, droit commercial). Le corps législatif, bien qu'elu au suffrage universel, recoit ä l'inverse des pouvoirs trěs limités : c'est une simple chambre de ratification des lois. L'Empire passe maitre dans le contröle de l'opinion méme s'il se reclame de principes démocratiques. Les candidats officiels recoivent le soutien de l'administration lors des elections, le plus souvent truquées. L'opposition est traquée systématiquement: censure de la presse, surveillance et elimination des sociétés secretes républicaines, mise en place d'un réseau de « mouchards » dans les villes, interdiction aux instituteurs de porter la barbe (censée étre un signe distinctif republican!), etc. Ce contröle est renforcé en 1858 aprěs 1'attentat raté du révolutionnaire italien Felice Orsini. Une « loi des suspects » est votée, permettant de condamner sans proces toute personne recidivisté en matiěre politique. Le Second Empire : autoritarisme sous vernis de démocratie La Constitution de 1852 brouille Les frontiěres classiques entre Les types de regime politique. Les historiens parlent de « césarisme démocratique » pour qualifier un regime mélant pouvoir personnel et souveraineté du peuple. Dans La pure tradition bonapartiste, Napoleon III est en effet decide ä instaurer une relation privilégiée entre L'empereur et le peuple par le biais du plebiscite, consultation électorale proche du referendum de La Ve République. Les Francais au XIXe siěcle Chapitre 9 Bonaparte aux cótés des Anglais en Crimée (1854-1856) Une guerre naít en Crimée (péninsule ukrainienne en mer Noire) en raison des ambitions russes sur les provinces roumaines et le détroit du Bosphore, contrólés par l'Empire ottoman. Aprés 1'entrée en guerre des Russes et des Turcs, Francais et Britanniques sont decides á appuyer la puissance turque, seule á pouvoir garantir la libře circulation en Méditerranée orientale et en mer Noire. Les deux pays décla-rent done la guerre á la Russie le 27 mars 1854. Grace á leur maitrise des mers, les armées alliées débarquent en Crimée avant de battre 1'armée russe lors de la bataille de 1'Alma, le 20 septembre. Aprés 332 jours dun long siége devant Sébastopol faisant 95 000 morts, dont 75 000 du cholera cóté francais, les troupes du general Mac-Mahon parviennent á prendre la tour de Malakoff, poussant les troupes russes á fuir. Le traité de Paris en 1856 met fin au conflit et renforce pour un temps la position ottomane face aux ambitions russes. L/économie : entre modernitě et archaísme Á partir des années 1850, le monde occidental entre dans un cycle de croissance economique portée par la revolution industrielle et la découverte de 1'or californien (la fameuse ruée vers 1'or) et australien. Par nature dirigiste, le pouvoir imperial intervient directement dans 1'économie afin de moderniser les structures du systéme productif francais et profiter de cette reprise mondiale. L'empire encourage ainsi le développement ferroviaire en multipliant les concessions accordées aux grandes compagnies ferroviaires comme la fameuse ligne PLM (Paris-Lyon-Méditerranée). De seulement 3500 km en 1851, le réseau francais passe á 17 000 km en 1870. Les gares de voyageurs, érigées sur le modele de la gare de 1'Est á Paris, sont les vitrines de cette modernisation : grandes verriéres, facades sculptées, etc. Le train est, sans mauvais jeu de mots, une veritable locomotive pour 1'économie francaise : les besoins en charbon, en fer, en constructions mécani-ques, la construction d'ouvrages d'art (ponts, viaducs, le tunnel de Fréjus) ont tiré les wagons de l'industrie. De nombreuses stations balnéaires francaises naissent avec l'arrivee du train et les modes lancées par des personnalités de la cour : la ville de Deauville est rendue célébre par le due de Morny, Biarritz et Arcachon par le couple imperial, etc. Partie vi Le XIXe siěde (1814-1914) : le siede de tous les possibles Par l'accord de libre-échange signé avec l'Angleterre en 1860, l'Empe-reur prend l'initiative d'encourager le développement commercial. Ii est suivi d'autres accords avec la Belgique, l'Italie ou les Etats germani-ques. Strategie pay ante : la valeur du commerce extérieur triple sous le Second Empire. Le liberalisme économique Cette pensée économique est née ä La fin du XVIIP siěde avec L'ceuvre du penseur angLais Adam Smith. L'idee est que Le marché doit étre réguLé unique-ment par Le jeu de L'offre et de La demande, sans intervention extérieure, de L'Etat notamment. Ce courant domine La pensée économique du XIXe siěde. Dans Le domaine des échanges internationaux, Le Libre-échangisme est L'appLication de cette théorie. CeLui-ci Lutte notamment contre Les droits de douane préco-nisés par Les poLitiques protectionnistes, entraves ä La Libre circuLation des marchandises. Le systéme bancaire francais actuel se met également en place sous le Second Empire : banques de depot francaises telles que le Credit Lyon-nais, la Société Generale ou la Banque de Paris. Ces banques drainent l'argent des petits épargnants. Une veritable aristocratie de l'argent voit le jour, enrichie par les banques et l'industrie : eile se rapproche du pouvoir politique ä l'image des freres Pereire, de James de Rothschild ou de la famille Schneider. Le roman de Zola, L'argent, met en lumiěre ce nouveau milieu. Ces grandes réussites dissimulent cependant de nombreux archai'smes. Les progres sont géographiquement et socialement inégalement répartis. Ä coté du développement industriel et agricole du Nord, du Bassin parisien et de l'Est, les regions montagnardes, le Sud-Ouest et la Bretagne sont rejetés aux marges de la modernisation. De méme, l'enrichissement global de la nation ne profite pas ä toutes les categories sociales, faute de politique redistributive. L'ascension sociale reste presque impossible. L'industrialisation conduit done ä la creation dun proletariat ouvrier, rejeté dans les peripheries des villes : e'est le debut des banlieues ouvriéres. L'Empire se met en Seine ! Aprés avoir vécu ä Londres, Napoleon III decide de transformer Paris en capitale moderne, ä l'image de son homologue anglaise. La capitale doit en effet servir de vitrine ä la France moderne. Ce projet de renovation urbaine prend des proportions considerables. L'Empereur s'y investit complétement. Ii confie Taction de renovation au préfet de la Seine, Georges-Eugene Haussmann. Les Francais au XIXe siěcle Chapitre 9 Le pian de la ville est complětement bouleversé par le percement de grandes artěres rectilignes : la rue de Rivoli et le boulevard de Sébastopol font disparaítre le cceur medieval de Paris. Ces grandes percées ont 1'immense avantage ďoffrir, en cas ďinsurrection, une rapidité de manoeuvre pour les troupes. L'approvisionnement de la capitale est égale-ment transformé par la construction des pavilions des Halles, construits par Baltard, et des abattoirs de la Villette. Paris en chiffres Sous La féruLe de L'Empereur, Paris devient un immense chantier: 20 000 maisons sont rasées, 43 000 sont construites par 200 000 ouvriers. La viLLe doubLe de superficie avec L'annexion, en 1860, des faubourgs : Le nombre ďarrondissements passe de 12 á 20. Si de nombreux jardins privés sont détruits, les espaces publics devien-nent verts : on plaňte des arbres le long des nouveaux boulevards, les bois de Boulogne et de Vincennes sont aménagés, les pares Montsouris et des Buttes-Chaumont sont créés. Par ailleurs, 1'adduction ďeau et de gaz est améliorée : la ville s'illumine le soir grace á 1'éclairage public au gaz. L'evacuation des eaux usees est facilitée par le développement du réseau ďégouts suivant les theories hygiénistes de 1'époque. Écoles, lycées, bibliothěques, gares, hópitaux rendent la ville plus fonc-tionnelle. Elle s'embellit avec la construction de nouveaux monuments comme le nouvel opera, construit par Charles Gamier. Le programme rigoureux de construction des immeubles faconne un style qualifié ďhaussmannien. Tout son génie est ďallier uniformitě ďensemble et diversité du detail, assurant á la fois une coherence et une absence de monotonie. Les facades comptent six étages dune hauteur limitée á 2,60 metres, avec une ligne de balcons au cinquiěme, mais la liberté ďorne-mentation est infinie pour les fenétres, corniches, balcons et portes. Une segregation horizontále et verticale Haussmann veut que Paris soit une viLLe bourgeoise : Les pLus pauvres n'y ont pas Leur pLace et sont rejetés vers La périphérie de L'est et du nord, comme BeLLeviLLe ou Le XXe arrondissement. Cette segregation horizontaLe du centre vers Les peripheries s'ajoute á La traditionneLLe segregation verticaLe des immeubLes ďhabita-tions. Dans un monde sans ascenseur, pLus on prend de La hauteur, pLus La fortune s'abaisse, comme en témoigne, au sommet, Les fameuses chambres de bonnes pour Les domestiques. Partie vi Le XIXe siěcle (1814-1914) : le siěcle de tous les possibles ■ 1859. Un Empereur italophile Ayant vécu en Itálie dans sa jeunesse, l'Empereur est favorable ä revolution de ce pays compose alors ďune multitude de petits royaumes et principautés. Ľidée d'unifier ľltalie est dans les esprits. Avec ľappui de la France, ce réve va se réaliser avec le roi de Piémont Sardaigne, Victor Emmanuel II, et son ministře, Cavour. En avril 1859, ľempereur francais marche en Itálie sur les traces de Napoleon Ier en prenant la tete de ľarmée contre les Autrichiens. Les Franco-Piémontais ľemportent une premiére fois ä Magenta puis ä Solferino en juin 1859. Ä ľissue de cette derniére bataille, la paix est signée et la Lombardie est intégrée au royaume piémontais, la Vénétie restant autrichienne. Cette victoire lance le mouvement national italien autour du Piémont. Lunification se poursuit avec la conquéte du Sud par les troupes patriotes (les chemises rouges) de Garibaldi. Plus tard, ľalliance avec la Prusse pendant la guerre austro-prussienne de 1866 permet le ratta-chement de la Vénétie. Lunité est enfin achevée avec le rattachement des États pontificaux en 1870. Rome devient, ä la place de Florence, la capitale du nouvel État. La fondation de la Croix-Rouge La bataille de Solferino, trěs meurtriěre avec ses 40 000 morts, est ä ľorigine de la creation de la Croix-Rouge internationale fondée en 1864 lors de la premiére convention de Geněve par le Suisse Henri Dunant, traumatisé par le spectacle des cadavres et des blesses laissés ä eux-mémes sur le champ de bataille. ■ 1861-1870. ĽEmpire perd ses marques En 1861, le gouvernement mexicain suspend le paiement de sa dette extérieure. La France, principále puissance lésée, envoie des troupes qui ont pour mission de renverser le gouvernement mexicain. Cest au cours de cette expedition que se déroule ľhéroique episode de « Camerone », oú 62 soldats de la Légion étrangěre résistent ä 6000 Mexicains. Aprěs la prise de Mexico, un prince autrichien, ľarchiduc Maximilien (beau-frěre de la fameuse Sissi), candidat de la France, est place sur le tróne mexicain. II n'y reste que peu de temps : en 1867, il est fusillé par les patriotes mexicains alors que les Francais doivent se désengager. Cest un échec personnel pour Napoleon III, et le regime en sort fortement discrédité. Les Francais au XIXe siede Chapitre 9 1863-1864 : du fil ä retordre en France Malgre le contröle severe organise par le pouvoir, les oppositions au regime ne cessent d'enfler au cours de la premiere decennie du regime. Les catholiques se detachent dun gouvernement oppose aux interets du pape en Italie, et les milieux conservateurs voient dun mauvais ceil la politique libre-echangiste imposee par Napoleon III. Par souci de conciliation est alors decidee une politique d'ouverture ä gauche, propre ä reconcilier Napoleon III avec ses propres ideaux de jeunesse. L'empereur renforce les pouvoirs du corps legislatif et l'autorise ä discuter les lois : l'opposition s'engouffre dans cette breche avec succes, notamment ä Paris aux elections de 1863. Du cöte de la classe ouvriere, Napoleon III pratique une politique de main tendue: amnistie des prisonniers politiques, envoi dune delegation de 200 ouvriers francais ä l'Exposition universelle de Londres. Ceux-ci pren-nent contact avec les syndicats anglais. En 1864, un droit de greve limite est meme reconnu. Toutefois, les ouvriers n'oublient ni leur drapeau rouge ni leurs espoirs republicains. 1869 : l'Empire devient un regime parlementaire La derniere annee du Second Empire voit sa transformation en regime parlementaire. Le decret de 1869 etend encore davantage les pouvoirs du corps legislatif qui partage desormais l'initiative des lois avec l'Empereur et qui etablit la responsabilite des ministres (meme si les modalites ne sont pas precisees). ■ Regime parlementaire On parle de regime parlementaire lorsque le pouvoir executif est responsable devant le parlement, qui peut done destituer le gouvernement. C'est le cas avec la constitution de la Ve Republique. La nouvelle orientation donnee au regime est confirmee par la nomination d'un republican! rallie au regime comme chef du gouvernement: Emile Ollivier. Cette politique de liberalisation porte ses fruits lors du plebiscite de 1870 : le camp bonapartiste progresse. Enthousiaste, l'Empereur declare le 23 mai : « Nous devons, plus que jamais, aujourd'hui, envisager l'avenir sans crainte. » Moins de quatre mois plus tard, le Second Empire disparait par la guerre. Partie vi Le XIXe siécle (1814-1914) : le siécle de tous les possibles ■ 1870. Dernier acte ä Sedan Le conflit ŕranco-allemand de 1870 trouve paradoxalement ses origines en Espagne. Les Bourbons ďEspagne viennent ďy étre renversés et le tróne espagnol est vacant. Les descendants de Louis XIV Les Bourbons ďEspagne régnent dans ce pays depuis 1700. Ce sont Les descendants de Philippe V, petit-fils de Louis XIV qui avait hérité de ĽEspagne par son grand-oncle. Le roi ďEspagne actuel descend de cette dynastie. Leopold de Hohenzollern, un parent du roi de Prusse Guillaume Ier, se porte candidat ä la couronne ďEspagne, decision inacceptable pour la France qui craint d'etre encerclée. Elle reclame done le retrait de ce candidat. Cette concession est acceptée par le roi de Prusse. Cepen-dant, le chancelier Bismarck, favorable ä la guerre, profite d'un incident mineur pour offenser les Frangais. C'est la fameuse affaire de la dépéche d'Ems (13 juillet 1870). Pour Napoleon III, encourage par ľimpératrice Eugénie, c'est un bon prétexte pour régler définitivement la question prussienne. Quand une guerre tient ä un bout de papier... Ľaffaire de La dépéche d'Ems est une manipulation politique du chancelier alle-mand Bismarck par ľintermédiaire des médias. Bismarck regoit en effet du roi de Prusse Guillaume Ier une dépéche provenant d'Ems, ou celui-ci est en cure ther-male. II y confirme son acceptation du retrait de son parent candidat ä la couronne ďEspagne, mais refuse de rencontrer I'ambassadeur de France pour la lui signifier. Bismarck resume ä sa maniere ce document dans une dépéche publiée dans un journal allemand. La situation est insultante pour la France, aggravée de plus par un défaut de traduction : « Sa Majesté a refuse de recevoir ä nouveau I'ambassadeur [de France] et lui a fait dire par I'aide de camp de service qu'Elle n'avait plus rien ä lui communiquer. » Pour les Frangais, un échange avec un simple aide de camp vaut bien une guerre, une guerre ou I'on part le « cceur léger », comme I'annonce le Premier ministre frangais Emile Ollivier. Comme ľavait prévu Bismarck, ľarmée francaise perd la guerre. En effet, les troupes francaises cumulent les handicaps : mal préparées, mal commandées (ľempereur est victime de graves calculs rénaux, ľétat-major est divise sur la stratégie ä suivre) et inférieures en nombre (un contre deux). Napoleon III est finalement encerelé ä Sedan et fait prisonnier. Supreme humiliation, il est contraint d'accepter les rigou-reuses conditions de reddition imposées par le chancelier Bismarck. Ä Les Francais au XIXe siěcle Chapitre 9 Paris, les deputes republicains en profitent pour proclamer la Repu-blique le 4 septembre tout en votant la poursuite des combats. Le roi de Prusse est designe empereur allemand dans la galerie des Glaces a Versailles, le 18 Janvier 1871. L'empreinte du bonapartisme Courant original entre la droite conservatrice et la gauche socialiste, le bonapartisme a souvent ete pergu comme un ancetre du gaullisme. Ces deux courants se rapprochent par le prestige de leurs fondateurs (tous deux acquis dans I'armee), dans la croyance en un pouvoir personnel fort legitime par un rapport direct avec le peuple (plebiscite/referendum), dans leur rejet commun du parlementarisme et des distinctions traditionnelles entre gauche et droite, nuisibles a la force de I'Etat et a I'union de la nation. La IIP République ; 1870-1940_ Cest la plus longue des Républiques : elle dure 70 ans. Ce regime installe définitivement, excepté la douloureuse experience du regime de Vichy, la république en France. Cest le temps des grandes lois républicaines sur lesquelles repose le systéme politique francais contemporain. Mais c'est aussi une époque difficile, traversée par trois conflits : 1870, la Premiere Guerre mondiale et une partie de la Seconde Guerre mondiale. 1870-1871. Naissance difficile de la IIP République : le siege de Pans Les Prussiens sont aux portes de Paris. Pourtant, le gouvernement est decide á poursuivre la guerre, esperant un miracle de l'histoire comme en 1792, lorsque la République a réussi á repousser l'invasion étran-gěre. Á Paris, 2 200 000 personnes et le gouvernement sont assiégés. Afin d'organiser la defense, le jeune ministře de l'lnterieur, Leon Gambetta, quitte la ville en ballon, episode original reste dans les mémoires. Paris reste assiégée pendant tout l'hiver dans des conditions effroyables. La population, souffrant de la faim et du froid, est amenée á manger tout ce qui passe : chevaux, chiens, chats, rats et méme les animaux du Jardin des plantes : elephant et antilopes passent dans les assiettes. Victor Hugo nous apprend que « c'est excellent ». Partie vi Le XIXe siěcle (1814-1914) : le siede de tous les possibles Depuis Bordeaux, le trěs énergique Gambetta parvient ä lever une armée de 600 000 hommes. Mais celle-ci est mal équipée et mal préparée. Dans ces conditions, 1'armée francaise ne parvient pas ä desserrer l'etau prussien autour de Paris. Avec pragmatisme, le ministře des Affaires étrangěres, Jules Favre, decide alors de négocier l'armistice, le 28 janvier 1871, attendu par la majoritě des Francais, ä l'exception des Parisiens. Bismarck impose 1'élection ďune assemblée representative ä méme de ratifier une paix definitive. Les elections ont done lieu en février dans des conditions trěs difficiles. La droite monar-chiste, legitimisté et orléaniste, fait Campagne sur le thěme de la paix et l'emporte avec deux tiers des nouveaux deputes. Un ancien de la monarchie de Juillet, Adolphe Thiers, est nommé chef du gouverne-ment, mais il n'y a pas de majoritě capable de se prononcer sur le regime politique ä adopter. La IIP République reste done en place. Adolphe Thiers (1797-1877) : un homme ä travers le siěcle La grande longévité de Thiers Lun permet de rester au premier plan de la vie politique frangaise sous presque tous les regimes du XIXe siěcle. Avocat marseillais, Adolphe Thiers est monté ä Paris en 1821 avec de grandes ambitions. II intěgre les milieux libéraux hostiles au regime de Charles X et joue un grand röle dans l'arrivee au pouvoir de Louis-Philippe. La monarchie orléaniste répond a ses vues politiques car Thiers est un liberal modéré, soucieux de preserver l'ordre social. La revolution de 1848 marque le debut de sa traversée du desert puisqu'il ne revient qu'en 1863 en tant que depute. Hostile ä la declaration de guerre en 1870, e'est lui qui négocie avec les Prussiens I'arret des hostilités, ce qui lui vaut une forte popularitě. Devenu president de la République en 1873, il se rallie finalement ä celle-ci, convaincu que le retour ä l'ordre prime sur la nature du regime. Ses funérailles en 1877 sont I'occasion ďune grande celebration républicaine, méme si, aujourd'hui, le nom de Thiers reste entaché par la repression sanglante de la Commune. Les negociations avec l'Allemagne sont conclues avec le traite de Francfort du 10 mai 1871, comportant des clauses particulierement dures pour la France. L'Alsace et la Moselle, soit 1,6 million d'habi-tants, passent dans le giron allemand. La seule consolation, maigre mais neanmoins symbolique, est le territoire de Beifort qui reste fran-cais grace ä la resistance livree par son gouverneur Denfert-Rochereau. Humiliation supplementaire, la France doit s'acquitter dune indem-nite de 5 milliards de francs-or. Pour la payer, Thiers lance deux sous-criptions nationales, puisant ainsi dans les economies des Francais, les Les Francais au XIXe siěcle Chapitre 9 fameux « bas de laine ». Visiblement garnis, ces derniers permettent de payer l'Allemagne et de mettre fin á 1'occupation děs 1873, un an plus tót que prévu. Une défaite inoubliable La défaite de 1870 a été longtemps pergue comme une humiliation nationale et comme Le debut de La rivalitě franco-allemande á I'origine des deux guerres mondiales. La perte de L'ALsace-Lorraine, ostensiblement montrée sur Les cartes de France, a nourri pendant Longtemps L'esprit « revanchard », visible dans La montée du nationalisme en France. Seule La victoire de 1918 permettra ďeffacer Les rancceurs nées de La déroute de 1'armée frangaise face aux armées prus-siennes. Pour L'ALLemagne, La victoire de 1871 a permis ďachever Le processus ďunification du monde germanique. L'Empire d'ALLemagne (IP Reich) est en effet procLamé dans La galerie des Glaces du chateau de Versailles, Le 18 janvier 1871, alors que Les troupes prussiennes assiěgent Paris. ■ 1871. La Commune de Pans : de la revolution á la guerre civile Pendant le siěge, Paris garde une forte effervescence politique : plus de 50 journaux de tous bords circulent dans la capitale assiégée. L'hostilite contre le gouvernement, attisée par 1'armistice jugée humiliante pour les Parisiens, decuple lors de 1'élection ďune assemblée conservatrice et de son installation á Versailles. Le choix de l'ancienne residence royale est percu comme un signe de defiance envers le peuple de Paris. La decision de supprimer la solde de la garde nationale pendant le siěge parachěve la rupture entre Parisiens et « Versaillais ». Celle-ci est consommée lorsque Thiers decide de faire retirer les canons de la garde nationale de la butte Montmartre. La foule refuse leur depart et fraternise avec 1'armée. Le 26, un « Conseil general de la Commune de Paris » est élu sur le modele de la Commune de 1792. Un veritable contre-gouverne-ment est alors mis en place á forte teinte révolutionnaire, républicaine et ouvriěre. Les communards demandent, dans un élan idealisté désor-donné, la République et la victoire sur l'envahisseur, du pain et un toit pour tous, la justice et la solidaritě sociále, la reconnaissance de leurs droits et de leur dignitě, avec pour phare la liberté... Le programme des communards Les communards sont, comme Leurs ancétres sans-culottes, passionnément anti-cléricaux. La Commune prodáme done La separation de 1'Église et de l'État. Composée de nombreux socialistes et ďanarchistes, celle-ci impose un programme © 291 Partie vi Le XIXe siede (1814-1914) : le siede de tous les possibles social mettant en place I'autogestion ouvriěre dans les ateliers abandon nes par les patrons. La Commune se démarque de la P République par son fédéralisme et projette une association des communes dans le cadre d'une France fédérale. Pour cette raison, les communards sont aussi connus sous le nom de « fédérés ». De son cóté, le gouvernement officiel attend son heure pour écraser rinsurrection. Le 21 mai, plus de 100 000 soldats menés par Mac-Mahon entrent dans Paris : c'est le debut de la « semaine sanglante », veritable guerre civile opposant Versaillais et communards dans les rues de la capitale. Une des grandes figures de la Commune, l'institutrice anarchisté Louise Michel, appelée « la Grande citoyenne », tient alors la barricade de la chaussée Clignancourt. Les communards, dans un mouvement de désespoir, incendient le palais des Tuileries et l'Hotel de Ville ; ils exécutent pres de 500 otages, dont l'archeveque de Paris. Les derniers combattants, retranchés au cimetiěre du Pěre-Lachaise, sont fusillés le 28 mai contre le mur ďenceinte du cimetiěre. Au final, 20 000 communards sont executes contre moins de 1000 Versaillais tués : le bilan humain est done trěs lourd. Au terme de proces expédi-tifs, pres de 16 000 communards sont condamnés, allant de la simple amende jusqu'a la peine de mort. Les travaux forces ou la deportation concernent pres de 4600 hommes et femmes, qui doivent bientót embarquer vers la Nouvelle-Calédonie, parmi lesquels Louise Michel. Le souvenir de la guerre civile Le mouvement socialiste frangais sort décapité de cette guerre civile. Seule une loi d'amnistie en 1880 permettra aux principals figures de la gauche frangaise de revenir en France. Le souvenir de la Commune reste vivace et le « mur des Fédérés » au Pěre-Lachaise est aujourd'hui le lieu de mémoire et de commemoration de cet episode tragique. Pour le camp adversaire, la construction de la basilique du Sacré-Cceur, lá méme oú tout avait commence á Montmartre, a pour but ďexpier non seulement la défaite de 1871, mais aussi le sang verse par la guerre civile parisienne. ■ 1871-1876. La Republique entre en "lys" Un regime sans constitution La France est alors dans une situation paradoxale : la Republique est toujours en place mais sans constitution pour organiser le regime. Surtout, ce sont les royalistes, partisans du comte de Chambord Les Francais au XIXe siede Chapitre 9 (légitimistes) ou du comte de Paris (orléanistes), et les bonapartistes qui dominent l'Assemblee. En 1872, Thiers, pour qui la forme du regime importe moins que la preservation de l'ordre social, fait le choix de la République. Ce rallie-ment est vécu comme une veritable trahison par les deputes. Mis en minorité en 1873, Thiers est contraint ä la demission. Le maréchal Mac-Mahon, bien qu'hostile ä la République, devient president. Pour les royalistes, c'est une solution provisoire : un president peut en effet facilement étre remplacé par un roi. Pourtant, la situation s'enlise car le choix dynastique pose probléme. Comme le souligne Thiers en 1871, « la monarchie ne se fera pas parce que dans le pays, il n'y a qu'un seul tröne et plusieurs prétendants ». Pourtant, en 1873, un accord est conclu : la couronne sera offerte dans un premier temps au comte de Chambord sans enfant puis, ä sa mort, au comte de Paris. La solution choisie a le mérite de suivre la légalité dynastique (branche ainée/ branche cadette des Bourbons). Les acteurs royalistes en lice Le comte de Chambord (appele aussi Henri de Bourbon, due de Bordeaux), petit-fils de Charles X, est le fils posthume du due de Berry assassine. C'est le dernier representant de la branche ainee des Bourbons. Le comte de Paris est le petit-fils du roi Louis-Philippe qui a abdique en faveur du comte. II appartient done a la branche cadette des Bourbons (les Orleans). Une querelle autour d'un drapeau Toutefois, l'entente dynastique ne dure guére car un nouveau point d'achoppement est soulevé : le comte de Chambord insiste pour le réta-blissement du drapeau blanc, symbole de sa dynastie. Pour les orléanistes, l'abandon du drapeau tricolore est impossible. Les royalistes ne parviennent pas á s'entendre autour de cette question de drapeau : la France reste done une république. Mais il faut bien se résigner á rédiger une constitution. C'est chose faite avec les lois constitutionnelles de 1875. La premiere comprend l'amendement propose par le depute Henri Wallon : « Le president de la République est élu par le Sénat et la Chambre des deputes. » Au détour d'une phrase, la République est done bel et bien affirmée. Pour tous les partis politiques, il s'agit de rester le plus imprécis possible afin de passer facilement d'un regime á un autre : le role du president du conseil n'est ainsi pas clairement défini. Ces lois conféreront done une grande souplesse á la IIP République. Partie vi Le XIXe siede (1814-1914) : le siede de tous les possibles Repartition des pouvoirs sous la IIP République President du Conseil Gouvernement Élisent au suffrage universel Hommes de plus de 21 ans La naissance du septennat La durée du mandát présidentieL est fixée en 1873. Pourquoi 7 ans ? Cette durée est Le fruit ďun compromis entre La Chambre qui propose Le quinquennat et Mac-Mahon qui veut Le décennat. On coupe La poire en deux : Le mandát est fixe á sept ans, periodě suffisamment Longue pour différer La question de La quereLLe dynastique. FinaLement, Le septennat, né de marchandages monarchistes, s'imposera comme une tradition répubLicaine jusqu'a L'adoption du quinquennat en 2000. Le regime choisi est parlementaire (le gouvernement est responsable devant le Parlement), mais une forte preponderance est accordée au president de la République par le droit de dissolution de la Chambre des deputes (avec 1'accord du Sénat), 1'initiative des lois, la direction de 1'armée et la nomination des fonctionnaires. En remplacant simple-ment le president par un roi, le regime devient une monarchie parlementaire. Cest la toute 1'ambigui'té. ■ 1876-1879. Mac-Mahon contre Gambetta Aux elections legislatives de 1876, les républicains sont majoritaires á la Chambre. Inflexible, Mac-Mahon refuse de prendre en compte ce nouveau rapport de forces et nomme un modéré comme president du Conseil. Ainsi, entre un president de droite et une chambre de gauche, une sortě de cohabitation avant 1'heure se met en place. Mais bientót éclate une crise á propos de la defense des intéréts du pape face á 1'Italie unifiée. La droite est favorable á 1'intervention francaise en Les Francais au XIXe siecle Chapitre 9 faveur du pape mais les republicains y sont hostiles. Gambetta lance la formule passee a la posterite : « Le clericalisme, voila l'ennemi ! » L'anticlericalisme est propre a rassembler les republicains. Mac-Mahon, par une lecture tres personnelle des lois constitution-nelles, s'arroge, le 16 mai 1877, le droit de renvoyer le chef du gouverne-ment et de le remplacer par un royaliste pur et dur: le due de Broglie (prononcer « Breuil »). La Chambre dissoute, des elections sont organi-sees en octobre. La campagne electorale est particulierement virulente. Le gouvernement entrave notamment la liberte d'expression et renoue avec les candidatures officielles. En reponse, Leon Gambetta, peu avare en formules historiques, previent Mac-Mahon qu'a l'heure des resultats, « il faudra se soumettre ou se demettre ». En octobre, les nouvelles elections confirment celles de l'annee precedente: les republicains sont majoritaires dans le pays. En 1879, quand le Senat bascule a son tour dans le camp republicain, Jules Grevy, un republicain modere et discret, remplace Mac-Mahon. 90 ans apres la prise de la Bastille, Marianne sort done victorieuse de son combat seculaire contre la royaute. Pourquoi Marianne ? Ce nom est donne a La figure aLLegorique representant La repubLique par reference a une chanson de La RevoLution franchise. Le nom Marianne est La contraction des deux prenoms Les pLus courants dans Les miLieux popuLaires du XVIIP siecLe : Marie et Anne. C'est aussi dans La RevoLution que Marianne tire ses attributs, comme Le bonnet phrygien, symboLe des sans-cuLottes et de La Lutte pour La Liberte. Ce nom etait devenu un signe de raLLiement dans Les societes secretes repubLicaines du XIXe siecLe. Desormais, Marianne et RepubLique ne font pLus qu'une. Les republicains radicaux sont parvenus a leurs fins en s'alliant aux hommes plus moderes issus de la bourgeoisie liberale. Ces derniers sont connus sous le nom d' « opportunistes ». Le prix a payer pour les republicains radicaux est l'abandon de l'idee de revolution au profit dun regime modere et rassurant. Lorsque Jules Grevy prend ses fonctions, il annonce qu'il ne fera jamais usage du droit de dissolution prevu par les lois constitution-nelles. C'est la un choix fondamental pour comprendre le renforce-ment de la dimension parlementaire de la IIP Republique, restee celebre pour la faiblesse chronique du gouvernement face a un parle-ment sans contre-pouvoir. Partie vi Le XIXe siede (1814-1914) : le siede de tous les possibles ■ 1879-1889. Honneur ä La Republique et aux republicains La Republique triomphante Entre la demission de Mac-Mahon en 1879 et le centenaire de la Revolution francaise en 1889, ce sont dix annees de fondations republicaines qui s'egrainent. Les premieres annees sont notamment marquees par des reformes symboliques. Des 1879, les assemblies reviennent ä Paris : la Chambre des deputes au palais Bourbon, le Senat au palais du Luxembourg. La meme annee, La Marseillaise est choisie comme hymne national. Le 14 juillet devient fete nationale en 1880 : eile honore non seulement la prise de la Bastille, mais aussi et surtout la fete de la Federation de 1790, jugee plus consensuelle. Partout en France, les rues et les places sont rebaptisees ; des statues sont erigees ä la gloire du nouveau regime. En signe d'union avec la Republique americaine, la statue de la Liberte, concue par Bartholdi, Viollet-le-Duc et Gustave Eiffel, est Offerte aux Etats-Unis en 1885 pour celebrer le centenaire de la guerre d'Independance americaine. La tour Eiffel comme bougie d'anniversaire En 1889, La RepubLique ceLebre Le centenaire de La Revolution frangaise. Paris accueiLLe ä cette occasion une fastueuse Exposition universeLLe attirant pLus de 25 miLLions de visiteurs. Chacun veut voir La tour de M. EiffeL, qui provoque L'admiration ou Le rejet vioLent, mais jamais d'indifference pour ce symboLe de L'industrie triomphante. Avec ses 312 metres de haut, c'est aLors L'edifice humain Le pLus eLeve du monde, et L'heure de gLoire pour La RepubLique. La Republique est egalement celebree par de grandes ceremonies comme les funerailles de Gambetta en 1882 et surtout Celles de Victor Hugo en 1885. Ä cette occasion, l'eglise Sainte-Genevieve ä Paris est rendue ä la vie civile. Elle redevient le Pantheon qu'elle etait sous la Revolution. Victor Hugo, cet ardent defenseur de la Republique, merite une sepulture ä la hauteur de son talent et de ses engagements. Ses funerailles, grandioses, sont suivies par une foule considerable rendant hommage au poete republican!. Les grandes lois republicaines La decennie est aussi celle des grandes lois republicaines, faconnant jusqu'ä aujourd'hui la culture republicaine frangaise. Ne dans le combat pour les libertes, le regime impose la liberte de presse et de Les Francais au XIXe siěcle Chapitre 9 reunion, autorise le divorce et rétablit 1'élection des maires. En 1884, la loi Waldeck-Rousseau consolide le droit de former des syndicats professionnels. La contre partie : désormais les organisations profes-sionnelles doivent défendre des intéréts catégoriels et abandonner toute pretention politique. Les célěbres lois du ministře de l'lnstruction publique, Jules Ferry, viennent parachever ce travail de fondation inspire par le lai'cisme et le liberalisme républicains. En effet, en 1881, 1'école publique devient gratuite, puis obligatoire de 7 á 13 ans, et enfin lai'que (1882). L'acces á 1'enseignement secondaire et supérieur reste cependant reserve aux plus riches, les lycées restant payants. Toutefois, la reformě est ďimportance, non seulement pour 1'élévation du niveau ďinstruction des Francais, mais aussi pour les possibilités ďascension sociále dans une société qui sélectionne non plus sur la naissance (aristocratie) mais sur la réussite scolaire (meritocratic). La République cherche de nouveaux horizons Sous la IIP République, la politique coloniale permet á la France de maintenir son statut de grande puissance. Létendue de l'empire colonial decuple de 1870 á 1914 et passe de un á onze millions de km (soit 20 fois la France métropolitaine). Cette expansion se realise notam-ment en Afrique (Afrique occidentale francaise, AOF, Afrique équato-riale francaise, AEF, Afrique du Nord, Madagascar) et en Asie, avec la conquéte de l'lndochine (le Tonkin comme on 1'appelle á 1'époque). Cette expansion, théorisée par Jules Ferry, est motivée par diverses raisons : debouches commerciaux, education des races, percues alors comme « inférieures » dans le cadre dune mission dite « civilisatrice », rayonnement de la France. Le drapeau francais ílotte désormais sur tous les oceans du monde. L'expansion coloniale se heurte cependant aux autres impérialismes européens, britannique notamment. Une mission civilisatrice ? Cette idée de mission civilisatrice de la France est persistante dans le discours politique frangais jusqu'a nos jours, comme I'a montré la polémique de 2005 concernant 1'enseignement des « bienfaits » de la colonisation. Partie vi Le XIXe siecle (1814-1914) : le siecle de tous les possibles ■ 1888-1889. La Republique petnfiee par le general Boulanger Dans l'histoire politique francaise, le nom du general Boulanger est devenu synonyme de droite nationaliste et populiste anti republicaine. L'homme s'est fait connaitre du grand public au ministere de la Guerre par ses reformes ameliorant le quotidien des soldats (1886) et par son patriotisme outrancier, en accord avec une opinion traumatisee par la defaite de 1870. Ainsi, lors de l'affaire Schnaebele en avril 1887, Boulanger tient des propos tres belliqueux quand ce garde-frontiere francais est emprisonne en Allemagne pour espionnage. Apres le regle-ment de cet incident, le ministre devient, aux yeux de l'opinion, le « general Revanche ». Sa popularity est alors immense, et tous les opposants a la Republique radicale vont tenter de faire de Boulanger l'instrument d'un changement de regime. L'extreme gauche, les monarchistes et la droite nationaliste soutiennent dans une alliance contre-nature la candidature du general aux elections legislatives de 1888. Vainqueur aux elections a Paris en Janvier 1889 et acclame par la foule, Boulanger peut envisager un coup d'Etat mais ne fait rien. Finalement, craignant une arrestation pour complot contre l'Etat, Boulanger fuit en Belgique en avril 1889. En 1891, le general Boulanger se suicide a Bruxelles sur la tombe de sa maitresse. Fin surprenante pour un homme qui menacait deux ans plus tot la IIP Republique, en portant sur son nom toutes les oppositions de la Republique moderee, depuis l'extreme gauche jusqu'aux monarchistes ! ■ 1892. Le canal de Panama fait scandale Le personnel politique a deja ete eclabousse par de nombreux scan-dales. Ainsi, en 1887, le president Jules Grevy avait du demissionner a cause d'un trafic de fausses legions d'honneur dans lequel trempait son gendre, Daniel Wilson. L'affaire avait alors contribue a faire enfler le boulangisme. Cependant, en septembre 1892, un scandale d'une toute autre ampleur est revele autour du canal de Panama. En 1879, Ferdinand de Lesseps, l'ingenieur du canal de Suez construit sous le Second Empire, a obtenu l'autorisation de percer un canal interoceanique a Les Francais au XIXe siěcle Chapitre 9 Panama pour relier 1'Atlantique au Pacifique. Certains journalistes et deputes sont soudoyés pour dissimuler le gouffre financier au public et faciliter les emprunts. Or, en 1892, Édouard Drumont, un antisemité notoire, dénonce ces malversations dans son journal La libre parole. Comme les deux financiers incriminés (Reinach et Herz) sont juifs, Drumont peut laisser libre cours á son antiparlementarisme et á son antisemitisme. L'affaire prend de nouvelles proportions avec le suicide mystérieux de Reinach et la fuite de Herz en Angleterre. Le scandale est tel qu'il pousse le president du Conseil á la demission. Des figures importantes sont éclaboussées, tel Clemenceau, dont le journal L'Aur ore a recu des financements de Reinach. L'affaire révěle au grand public la collusion entre pouvoir financier et pouvoir politique, et rend les Francais méfiants envers l'influence politique du monde de l'argent. En outre, le scandale illustre la virulence de l'antisemitisme en France á la veille de l'affaire Dreyfus. ■ 1894. L'affaire Dreyfus : la raison d'Etat contre I'honneur d'un homme L'affaire Dreyfus debute en septembre 1894, dans une corbeille de l'Ambassade d'Allemagne á Paris : une femme de menage, au service du contre-espionnage francais, y découvre un document, le « bordereau », contenant des informations militaires secretes. Une enquéte militaire interne designe rapidement l'auteur presume du document sur la base d'un examen graphologique succinct: le capitaine Dreyfus, qui a le double tort d'etre juif et d'avoir de la famille en Alsace allemande. Un conseil de guerre, tenu á huis clos, le condamne á la deportation á vie. Aprěs avoir été solennellement degrade, Dreyfus part pour la Guyane en fevrier 1895. Le rěglement de l'affaire a été trés rapide et nul en France ne met en doute la culpabilité du capitaine, excepté la famille d'Alfred Dreyfus qui reste persuadée de son innocence. Son frére aíné et sa femme se battent pour mobiliser l'opinion publique et entrent en contact avec un jeune journaliste, Bernard Lazare, rapidement convaincu de l'innocence de Dreyfus. Parallélement, un officier du contre-espionnage, le colonel Picquart, méne sa propre enquéte. II se rend compte que l'ecri-ture du bordereau est en fait celle du commandant Esterhazy et que certaines pieces sont des faux. Face á 1'énormité de ces conclusions, 1'état-major choisit ďétouffer l'affaire. La vie d'un officier juif ne pése pas bien lourd face á I'honneur de l'armee francaise, dans un pays oú antisemitisme et militarisme font recette. Partie vi Le XIXe siede (1814-1914) : le siede de tous les possibles Les dreyfusards trouvent alors un allié d'importance en la personne du vice-president du Senat, Auguste Scheurer-Kestner, mis dans la confidence des résultats de 1'enquéte de Picquart. En novembre 1897, sa lettre dans le journal Le Temps prouve l'innocence de Dreyfus et convainc de nombreuses personnes. Bien que Méline, le president du Conseil, declare « il n'y a pas d'affaire Dreyfus », l'affaire est bei est bien portée sur la place publique. « J'accuse... » : un texte courageux Le 13 Janvier 1898, Emile Zola publie I'article « J'accuse... » ä la une du journal de Clemenceau, L'Aurore, mettant sa carriěre littéraire en danger. II porte ainsi « I'Affaire » sur la place publique, jusque-la tenue secrete par I'armee. L'ecrivain met en cause, péle-méle, plusieurs généraux, notamment le Conseil de guerre et les experts en écriture. Zola est condamné ä un an de prison pour diffamation et doit fuir en Angleterre. Cette action produit une reaction en chaine : ä sa suite, d'autres intellectuels et hommes politiques réclament la revision du proces Dreyfus : Anatole France, Charles Péguy, Ernest Lavisse, André Gide, Marcel Proust, Leon Blum, Jean Jaurěs (qui a mené sa propre enquéte et publie Les preuves)... D'autres en revanche se rangent dans le camp anti-dreyfusard, avec l'ecrivain nationalste Maurice Barrěs comme chef de file. L'opinion est alors littéralement scindée en deux : chacun prend position en faveur ou contre le capitaine. La presse et les associations anti-sémites se déchaínent: les dreyfusards sont accuses ďantipatriotisme. L'Affaire dépasse désormais le seul Dreyfus : eile devient un veritable conflit culturel et social, traduisant les divisions qui existent au sein la société francaise. La République elle-méme est menacée : en février 1899, Paul Dérou-lěde tente ďorganiser un putsch militaire. Pourtant, 1'anti-dreyfusisme nest pas l'apanage de 1'extréme droite, beaucoup de républicains sont anti-dreyfusards au nom de la République et du patriotisme. Cette affaire crée done une confusion sociale extréme qui va finalement donner la victoire aux dreyfusards. L'honneur retrouvé du capitaine Dreyfus Aprěs quatre ans de lutte, les dreyfusards voient leurs efforts recompenses. En juin 1899, la cour de Cassation casse le jugement de 1894. En aoüt 1899, le proces de revision s'ouvre ä Rennes dans une atmosphere tendue en raison de manifestations des ligues ďextréme droite. Le Conseil de guerre confirme la culpabilité de Dreyfus mais réduit sa peine ä dix ans de travaux forces. L'honneur de I'armee reste sauf. Mais Emile Loubet, le president de la République, decide de grader Dreyfus. Dans les rangs dreyfusards, certains poussent Les Francais au XIXe siede Chapitre 9 Le capitaine a refuser cette grace qui ne Lave pas son honneur, mais, aprěs cinq ans de bagne, comment Lui reprocher ďaccepter La gräce ? IL faut attendre un nouvel arrét de La cour de cassation en 1906 pour que L'innocence de Dreyfus sort enfin reconnue. IL est alors réintégré dans L'armee au rang de commandant et décoré de La Legion d'honneur. La portée de l'Affaire est considerable. Le patriotisme se déplace : 1'idée de nation était porte ä gauche pendant la Revolution francaise. Avec l'affaire Dreyfus, la nation passe désormais dans le vocabulaire de 1'extréme droite : le nationalisme est né. A la nation universaliste portée par la Revolution francaise s'oppose désormais la nation de 1'extréme droite refermée sur la defense de la « race ». L'Action francaise, mouvement nationaliste, royaliste et antirépublicain ; fonde par 1'écrivain Charles Maurras en 1899, portera désormais les valeurs ďextréme droite exacerbées pendant l'Affaire. Par ailleurs, l'Affaire souligne l'mfluence des « intellectuels » au niveau politique : pendant celle-ci, ils expérimentent alors les petitions, les adresses, les tribunes de presse et les associations comme la Ligue des Droits de l'Homme, fondée en 1898. En France, la volonte des intellectuels ďinvestir le debat public ne se démentira jamais, ä travers les figures de Romain Rolland, Jean-Paul Sartre, André Malraux et bien ďautres... ■ 1898-1904. Le tournant des relations franco-britanniques Une fächeuse rencontre á Fachoda Comment un petit groupe expéditionnaire francais, compose de quelques officiers francais et de leurs fantassins africains, ont-ils pu étre ä l'origine d'une crise diplomatique entre la France et l'Angleterre en étant postés dans un ancien fort abandonné sur les rives du Nil aux confins du Soudan ? Née de la rencontre physique et symbolique des deux impérialismes britannique et francais en Afrique, cette crise est le point culminant de la « course au clocher », opposant la France au Royaume-Uni sur le continent africain au XIXe siěcle. La « course au clocher » L'expression, datant de L'epoque, designe La competition entre Européens pour gagner des territoires en Afrique. Les Occidentaux réunis ä La conference de Berlin de 1885 définissent Les regies de cette conquéte. Celles-ci autorisent Les puissances coloniales basées sur Les Littoraux ä revendiquer 1'intérieur des terres ou, selon La terminologie allemande couramment utilisée, ['hinterland. © 301 Partie vi Le XIXe siěde (1814-1914) : le siede de tous les possibles Deux expeditions, l'une francaise dirigée par le commandant Marchand, l'autre britannique menée par Herbert Kitchener, partent ä la conquéte du Soudan. L'avancee méthodique de Kitchener le long du Nil laisse le temps aux Francais ďarriver les premiers, les troupes anglo-égyptiennes ne parvenant ä Fachoda qu'en septembre 1898. Pendant pres de deux mois, les deux pays semblent au bord de la guerre tant la couverture médiatique est agressive. En novembre, le gouvernement francais, conscient de son inferioritě maritime, évite le conflit en retirant son petit contingent. La crise de Fachoda est le dernier acte ďune rivalitě pluriséculaire avec la Grande-Bretagne. Six ans plus tard, la signature de l'Entente cordiale entre les deux pays scelle une nouvelle relation entre les deux « ennemis héréditaires ». Fachoda a en effet montré aux Britanniques que la France était devenue une puissance responsable. La France et l'Angleterre, une longue histoire Le souvenir de La crise sera repris pendant La Seconde Guerre imondiaLe, Lorsque Le gouvernement de Vichy tente de dresser L'opinion contre La Grande-Bretagne, notamment aprěs Le bombardement par La RoyaL Navy de La fLotte frangaise ä Mers eL-Kébir. Cet episode est Le seuL ä assombrir Les reLations entre Les deux grandes démocraties européennes au XXe siěde, aLLiées en 1914 et en 1939, combattant cöte ä cöte Lors de La crise de Suez en 1956. Le tunneL sous La Manche, grand cauchemar angLais du XIXe siěde, concretise depuis 1994 ce rapprochement entre Les deux nations. Les alliances : chercher la paix, trouver la guerre... La défaite de la France face ä 1'Allemagne en 1871 a bouleversé les équilibres européens. Désormais, l'empire germanique est la grande puissance continentale, militairement, économiquement et démogra-phiquement supérieure ä la France. Le chancelier Bismarck, parfaite-ment conscient du désir de revanche des Francais, a patiemment tissé un réseau ďalliance avec l'Autriche-Hongrie et lltalie : c'est la Triple-Alliance (ou « Triplice »), alliance contre-nature tant sont vi ves les riva-lités territoriales entre Autrichiens et Italiens. La France, quant ä eile, est parvenue ä briser son isolement diplomatique en s'alliant ä la Russie en 1892. La encore, c'est une alliance étonnante entre un regime démocratique et un empire autoritaire. Aprěs 1904, la France trouve un nouvel allié de poids : la Grande-Bretagne. Cette derniěre entre dans la Triple-Entente. Les acteurs de la Premiere Guerre mondiale sont en place. Les Francais au XIXe siecle Chapitre 9 ■ Le socialisme francais cherche de nouvelles voies Les gauches : entre division et union La gauche fortement affaiblie par la repression de la Commune se reconstitue a partir de la loi d'amnistie de 1880 permettant le retour des communards emprisonnes, exiles ou deportes : Auguste Blanqui, Louise Michel, Jules Valles... C'est a cette epoque que le marxisme est introduit en France par l'entremise du socialiste Jules Bazile, dit Jules Guesde. Mais la gauche frangaise reste profondement divisee entre courants socialistes, anarchistes, syndicalistes, libertaires, etc. Les milieux anarchistes, hostiles a toute forme d'autorite, etatique ou reli-gieuse, font alors beaucoup parler d'eux. En decembre 1893, le jeune Auguste Vaillant fait exploser une bombe dans l'hemicycle de la Chambre des deputes. L'appareil repressif est alors renforce par le biais de lois qualifiees de « scelerates » par l'extreme gauche. La fondation de la CGT Les syndicats se sont rassembles dans le cadre de la Confederation generale du travail (CGT) en 1895 a la suite de la loi sur la liberte syndicate de 1884. D'ailleurs, conformement a la loi, les principes de la CGT enonces par la Charte d'Amiens de 1906 determinent une action syndicate independante des partis politiques. La CGT s'engage sur la voie du syndicalisme revolutionnaire, c'est-a-dire la revolution du proletariat au moyen de la greve generale. Le syndicalisme frangais refuse done faction reformiste sur le modele de la Grande-Bretagne ou de I'Allemagne. Jean Jaures, le rassembleur de la gauche La defense des interets de la classe ouvriere est incarnee sur le plan politique par les socialistes, profondement divises mais victorieux sur le plan electoral. L'election des premiers socialistes a la Chambre des deputes et a la tete des grandes villes (Roubaix, Saint-Denis, Marseille, Lille, etc.) installe le socialisme dans le paysage politique. La figure intransigeante de Jules Guesde est alors eclipsee par celle, plus conci-liante, de Jean Jaures. Celui-ci conduit l'unification des partis socialistes au sein de la Section frangaise de l'internationale ouvriere (SFIO) en 1905. D'emblee, le nouveau parti affirme sa vocation revolution-naire dans une perspective marxiste. Mais Jean Jaures impose rapide-ment sa propre vision du socialisme, marquee par son humanisme et son republicanisme. Les moyens de production doivent passer de la bourgeoisie au proletariat par la voie democratique et reformatrice. Partie vi Le XIXe siede (1814-1914) : le siede de tous les possibles Jean Jaures (1859-1914) : combattre toutes les injustices Jean Jaures met son intelligence au profit de la lutte contre toutes les formes d'injustice. Apres de brillantes etudes de philosophie, il entre en politique comme depute dans sa ville d'origine, Castres, sous les couleurs republicaines. II evolue rapidement vers les idees socialistes et se fait connaitre notamment par son soutien aux mineurs de Carmaux, en greve en 1892. L'annee suivante, Jaures est elu depute de la circonscription, et il sera le « depute de Carmaux » jusqu'a sa mort. Son engagement dans I'affaire Dreyfus est parfaitement repre-sentatif de son attachement aux droits de I'Homme. II pratique meme sa propre enquete, demontant point par point les charges retenues contre le capitaine. Au sein du parti ouvrier frangais, il entre rapidement en conflit avec I'autre homme fort du socialisme frangais, Jules Guesde, a propos de la question de la participation au gouvernement. Se dessinent alors deux approches du socialisme, prefigurant la rupture de 1920 : a I'approche revolutionnaire de Guesde s'oppose la vision jauresienne d'un socialisme reformiste et democratique. Jaures represente alors le socialisme frangais auquel il imprime durablement ses convictions profondes, republicanisme, pacifisme, humanisme, enoncees regulierement dans son journal L'Humanite. Alors que I'Europe bascule dans la Premiere Guerre mondiale, il est assassine le 31 juillet 1914 pour ses idees pacifistes qui exacerbent la haine des nationalistes. Jean Jaures entre au Pantheon en 1924, preuve du caractere rassembleur d'un homme dont la personnalite influencera de nombreux hommes politiques frangais. La gauche (de Leon Blum a Frangois Mitterrand) comme la droite (Georges Pompidou et Jacques Chirac) se reclameront de cette figure tutelaire. ■ 1900-1914. Une « Belle époque » pas si reluisante La loi de separation de l'Eglise et de l'Etat s'inscrit dans la periodě qualifiée de « Belle époque », aprés le traumatisme de la Grande Guerre, en reference ä un age apparaissant a posteriori comme un age ďor. L'Exposition universelle de Paris de 1900 est un veritable succés et permet ä la France de débuter le nouveau siécle avec optimisme. Malgré de grands déséquilibres dans la modernisation économique du pays, la France entre alors dans la deuxiéme revolution industrielle : 1'électricité, l'aluminium, l'automobile, la chimie, l'aeronautique sont les nouveaux secteurs de pointe. Le prix Nobel des époux Curie est le moment le plus éclatant de reconnaissance de ce temps de progres. Le public se passionne pour les premieres courses automobiles comme le Paris-Madrid ou les exploits des pionniers de l'aviation, tel Louis Blériot traversant la Manche en 1909. Les Francais au XIXe siecle Chapitre 9 Marie Curie (1867-1934) : le rayonnement d'une femme active Nee a Varsovie, Maria Sklodowska arrive a Paris a 24 ans pour poursuivre des etudes de physique a La Sorbonne ou eLLe rencontre son man', Le physicien Pierre Curie. Grace a Leurs travaux sur Le rayonnement de L'uranium et a La decouverte de La radioactivite, iLs regoivent, conjointement avec Henri BecquereL, Le prix NobeL de physique en 1903. Premiere femme a recevoir un prix NobeL, Marie Curie avait deja ete La premiere femme agregee de sciences physiques et La premiere enseignante a La Sorbonne. en 1911, ELLe est egaLe-ment La premiere personne a recevoir un deuxieme prix NobeL, de chimie cette fois, pour sa decouverte de deux nouveaux elements : Le poLonium (en reference a son pays d'origine) et Le radium. Pendant La Grande Guerre, eLLe met en pLace des unites mobiles de radioLogie, surnommees Les « petites Curies ». En 1935, La famiLLe Curie est a nouveau honoree a StockhoLm, Lorsque La fiLLe Irene et Le beau-fiLs Frederic JoLiot regoivent Le prix NobeL de chimie. Mais Marie Curie n'est pLus La pour voir cette distinction, car eLLe meurt en 1934 des suites d'une trop Longue exposition aux rayonnements radioactifs. ELLe est La premiere femme a entrer au Pantheon, en 1995. Ces annees sont dominees par le parti republican! radical, fonde en 1901, profitant de la loi sur la liberte d'association votee la meme annee. Bien implantes sur l'ensemble du territoire, les heritiers de Gambetta ont reussi a rassembler un large pan de la societe frangaise au prix d'une evolution vers plus de conservatisme, en s'appuyant notamment sur les classes moyennes, les fonctionnaires et meme les petits paysans. Profondement anticlerical, le radicalisme engage la lutte contre les congregations religieuses en fermant leurs ecoles, n'hesitant pas a expulser les religieuses. La loi de separation de l'Eglise et de l'Etat en 1905 institue la lai'cisation de l'Etat frangais. Sur le plan social, les gouvernements republicains alternent entre conciliation (lois sur la journee de 8 heures pour les mineurs, sur le repos hebdomadaire, sur les retraites ouvrieres, sur l'impot sur le revenu) et repression. Ainsi, Georges Clemenceau, president du Conseil en 1906, forge sa reputation de « tigre » et de « premier flic de France » en brisant systemati-quement les mouvements sociaux par l'emploi de l'armee, n'hesitant pas a arreter les dirigeants de la C.G.T. Partie vi Le XIXe siecle (1814-1914) : le siecle de tous les possibles Un parti installe pour longtemps dans le paysage politique Le radicalisme continuera a dominer La vie politique frangaise jusqu'en 1940. La defaite de la France sonne Le glas de ce parti, associe a I'echec de La IIP Repu-blique. En 1972, Le Parti radical se scinde en deux quand Les radicaux de gauche fondent Le Mouvement radical de gauche (MRG), devenu depuis Le Parti radical de gauche. En 1978, le Parti radical devient I'une des composantes de L'UDF, parti centriste cree cette an nee-La par Le president de la Republique, Valery Giscard d'Estaing. En 2002, les radicaux s'associent a L'UMP, union pour un mouvement populaire. ■ 1905. Du dogme catholique au dogme laic Les relations entre l'Etat francais et l'Eglise catholique sont fixees depuis 1801 par le Concordat, signe a l'epoque par le consul Napoleon Bonaparte. La question religieuse reste pourtant l'un des plus impor-tants motifs de division politique au cours du XIXe siecle. Deja, en 1869, le programme defini par Gambetta a Belleville enoncait les prin-cipes du radicalisme republican!, parmi lesquels figure la necessite dune separation de l'Eglise et de l'Etat dans la continuite de l'anticleri-calisme republican!, resolu a substituer une veritable «religion civique », le republicanisme, a la religion catholique. Une pratique religieuse en declin La « fille ainee de L'Eglise » a, bien avant 1905, Largement quitte le domicile parental! Si les Frangais continuent dans Leur grande majorite a suivre les principaux sacrements (bapteme, communion, manage, extreme-onction), la pratique religieuse a considerablement decline au cours du siecle. Seules Les regions peripheriques comme la Bretagne, La Vendee, L'ALsace ou le Massif central sont restees hermetiques aux nouveaux modes de vie. Pendant l'affaire Dreyfus, les catholiques intransigeants avaient milite dans le camp anti-dreyfusard, la querelle religieuse s'etait rouverte. La loi de 1905 paracheve le processus de lai'cisation de l'Etat. Desormais, le personnel religieux, catholique, juif ou protestant n'est plus retribue par les pouvoirs publics. Toute reference a Dieu disparait des espaces publics : les crucifix sont decroches, les manuels scolaires revises... En contrepartie, les differentes communautes religieuses retrouvent une totale liberte. Les Francais au XIXe siěcle Chapitre 9 Les resistances catholiques La loi prévoit un inventaire des biens de 1'Église afin de les distribuer aux associations religieuses. Pour beaucoup de catholiques prati-quants, le mot inventaire est synonyme de profanation. La resistance catholique s'organise. Les fiděles occupent plusieurs églises pour empécher 1'entrée des représentants de 1'État. L'Action francaise s'empare du sujet et de nombreux militants ďextréme droite s'oppo-sent aux forces de 1'ordre. Enfin, 1'appel au calme lancé par 1'Église ramene 1'ordre dans les lieux de culte. Les consequences de la loi de 1905 sont majeures. La France fait de la laicité un principe essentiel de son systéme politique. En contrepartie, la liberté retrouvée permet un vaste mouvement de renovation de 1'Église de France sous l'influence du pape. Ce dernier retrouve le droit de nommer les évéques. La laicité en question L'engagement de 1'Église dans le devoir de defense nationale pendant la Premiere Guerre mondiale mettra fin á 1'antidéricalisme. La laicité ne sera remise en cause qu'en 1940, sous le gouvernement de Vichy. La question lai'que revient ensuite á travers la question scolaire, comme en 1951 avec les Lois Marie et Barangé sur le financement public de 1'enseignement přivé, ou en 1984 avec le projet de loi visant á la suppression des écoles privées. Plus récemment, la question du voile islamique á 1'école a donné lieu á la loi du 15 mars 2004 inter-disant le « port de signes religieux ostentatoires ». ■ 1905-1911. La France et l'Allemagne se disputent le Maroc Le Maroc aurait pu etre a l'origine de la Premiere Guerre mondiale a deux reprises, en 1905-1906 et en 1911. En effet, a deux moments, une grave crise diplomatique oppose la France a l'Allemagne a propos du Maroc, car les Allemands contestent la mainmise de Paris sur ce royaume nord-africain. En effet, les Britanniques et les Francais se partagent le monde, tandis que l'Allemagne a ete retardee dans son processus de colonisation par sa politique d'unification nationale. L'arrivee au pouvoir de Guillaume II change la situation car le nouvel empereur est tres ambitieux : le monde est un nouvel horizon pour la puissance allemande, qui s'engage alors dans la Weltpolitik (politique mondiale). Partie vi Le XIXe siede (1814-1914) : le siede de tous les possibles En 1905, les Allemands soutiennent les Marocains contre les Francais. Avec l'appui britannique, la crise est finalement résolue en faveur des Francais, alors que la France et l'Allemagne sont au bord de la declaration de guerre. Le rapprochement franco-britannique est la premiere consequence de cette entrée en lice tonitruante de l'Allemagne sur la scene internationale. Les ambitions allemandes sur le Maroc ne s'arre-tent pas lä. En 1911, un navire allemand est envoyé ä Agadir afin de protester contre l'expansion francaise dans le pays. La encore, l'Entente cordiale montre sa solidite, la Grande-Bretagne apportant son soutien ä la France. La guerre est une fois de plus évitée grace ä un accord par lequel Berlin abandonne ses pretentions sur le Maroc, en échange ďune partie du Congo. En 1912, la France établit done offi-ciellement son protectorat sur le Maroc. Le ton monte avant la Grande Guerre La Grande Guerre aurait pu commencer en 1911 et non en 1914. Les crises marocaines montrent que la tension entre l'Allemagne et la France est grandis-sante. Finalement, la crise de I'ete 1914 n'est qu'un pretexte pour entrer dans une guerre que tous jugent alors inevitable entre les deux alliances. Les Francais au XIXe siede Chapitre 9 Vision exterieure : l'Europe, entre construction nationale et expansion coloniale Le XIXe siecle est celui des constructions nationales europeennes. Le concept de nation est lie ä la Revolution francaise. Ensuite, les guerres revolutionnaires ont exporte l'idee selon laquelle une communaute de langue et de culture doit etre gouvernee par un Etat unifie. Mais les differents pays europeens ne sont pas egaux en la matiere : les dispa-rites sont grandes entre les vieux Etats-nation comme la Grande-Bretagne et la France, et des pays divises en multiples principautes comme l'Allemagne ou l'Italie. Faisons le tour des principaux protago-nistes europeens. ■ Le Royaume-Uni : la grande puissance du siecle La Grande-Bretagne domine politiquement et economiquement le XIXe siecle. En 1815, la victoire anglaise ä Waterloo ecarte durable-ment la menace francaise sur le continent. Elle peut alors se consacrer ä son expansion coloniale et ä son developpement economique. Le XIXe siecle est pour les Britanniques le siecle « victorien » puisque leur reine, Victoria, regne pendant presque tout le siecle, de 1837 ä 1901. Angleterre, Gran de-Bretagne, Royaume-Uni : quelles differences ? IL existe trois termes pour designer Les territoires d'outre-Manche. Le terme de Grande-Bretagne apparait en 1707, avec L'ade d'union entre L'AngLeterre, Le pays de GaLLes et L'Ecosse. En 1801, Lors du rattachement de L'IrLande, La Grande-Bretagne devient Le Royaume-Uni. L'usage frangais utilise Les trois termes. La monarchic parlementaire anglaise se caracterise par la domination de l'aristocratie et de la haute bourgeoisie industrielle et marchande, situation offrant un decalage croissant avec les evolutions sociales du siecle. La Grande-Bretagne est ä la fois portee par sa reussite economique liee ä sa revolution industrielle precoce et par son expansion coloniale. Partie vi Le XIXe siecle (1814-1914) : le siecle de tous les possibles Vifs problemes sociaux La contestation sociaLe repond a La Lenteur de La democratisation des institutions et aux inegaLites sociaLes. Les syndicats britanniques comptent ainsi parmi Les pLus puissants d'Europe a La fin du XIXe siede, et La Ire InternationaLe ouvriere est fondee a Londres en 1864. A la fin du XIXe siecle, la politique etrangere britannique s'articule autour du libre-echangisme economique, favorable a sa position de domination industrielle, bien que le developpement economique des Etats-Unis et de l'Allemagne soient en voie de depasser celui du Royaume-Uni. C'est surtout le developpement militaire allemand qui fait peur. II tend en effet a eclipser la crainte ancestrale de la France. Le pays s'engage alors dans une politique coloniale agressive, dont l'episode le plus marquant est la guerre des Boers (1899-1904) en Afrique du Sud. Cette politique s'inscrit dans une vague d'imperialisme mele de nationalisme connue sous le nom de « jingoi'sme » s'inscrivant dans le climat belliciste tres repandu en Europe a l'oree de la Premiere Guerre mondiale. Comment les Anglais voient les Francais ? Le Frangais est un personnage tres represents dans La caricature angLaise. Au XIXe siede, Les caricaturistes angLais se pLaisent a representer Les Frangais sous Les traits d'un personnage maigre, a L'image de ses moustaches fines, habiLLe de haiLLons et chausse de sabots, symboLisant un pays ruraL et arriere. Par effet d'opposition, Le personnage symboLisant Le peupLe angLais, John BuLL, est un horn me corpuLent, bien en chair, vetu des habits typiques du marchand bourgeois, redingote et bottes cirees, symboLisant ainsi La prosperity de L'AngLeterre. ■ L'Allemagne unifiee monte en puissance L'Allemagne n'existe pas en tant que telle au debut du XIXe siecle. En 1815, c'est encore une mosai'que de royaumes (Prusse, Baviere...) et de principautes, rassembles dans une confederation germanique lors du demembrement de l'empire napoleonien. Sans pouvoir central, cette confederation est dominee politiquement par l'Autriche. C'est pourtant sur cette base incertaine que l'unite allemande se met en place progres-sivement, au detriment des deux grandes puissances limitrophes, l'Autriche-Hongrie et la France. En effet, l'occupation francaise issue des conquetes revolutionnaires et napoleoniennes exporte l'idee d'un Etat unifie et entrame une premiere prise de conscience nationale. De Les Francais au XIXe siěde Chapitre 9 plus, la victoire des Prussiens en 1866 sur les armées autrichiennes ä Sadowa met fin ä la domination autrichienne. Enfin, en janvier 1871, la victoire fulgurante contre la France (en 1870-1871) conclut ľunifica-tion allemande avec la fondation du IIe Reich (empire) dirigé par les souverains prussiens, proclamée dans le cadre prestigieux de la galerie des Glaces du chateau de Versailles. Ä la fin du siěcle, l'Allemagne est devenue le pays le plus peuplé du continent, ravissant ce rang long-temps tenu par la France. ■ ĽAutriche-Hongrie, la puissance déclinante du siěcle En 1815, le ministře autrichien des Affaires étrangěres, le prince Metternich, reorganise la carte de 1'Europe lors du congrěs de Vienne ä la chute de ľEmpire napoléonien. ĽEmpire des Habsbourg impose ses vues et domine alors ľensemble de 1'Europe centrále pendant toute la premiere moitié du siěcle. Cet immense empire regroupe les actuelles Autriche, Hongrie, Tchécoslovaquie, Lombardie et Vénétie, Bosnie, Croatie, et le Sud de la Pologne. Cette diversité n'est pas un atout car les divisions et les conílits gangrěnent les relations entre les diverses communautés germaniques, slaves et italiennes. Ä partir de 1866, la Prusse devient la principále puissance germanique, tandis qu'au Sud, la Lombardie et la Vénétie s'intégrent au nouvel État italien unifié. Cest méme le nationalisme yougoslave réclamant ľindépendance qui déclenche la Premiére Guerre mondiale, lors de la crise de ľété 1914. Pourtant, l'Autriche-Hongrie est un important foyer culturel oú s'exer-cent de multiples talents comme le médecin fondateur de la psychana-lyse, Sigmund Freud, les écrivains Stefan Zweig et Franz Kafka (qui est tchéque), les peintres Klimt, Kokoschka et Schiele ou le musicien Gustav Mahler. ■ ĽEurope : un continent trěs fragmente Le XIXe siécle est aussi celui de ľindépendance de la Gréce et de la Belgique (1830) et de ľunification de ľltalie. ĽEurope est encore une Europe des rois. Exceptions institutionnelles, seuls le Royaume-Uni, la Suisse, la Belgique, le Portugal et la France disposent d'institutions parlementaires. ĽEurope est encore majoritairement rurale et agri-cole, avec un développement économique inégal, ľindustrialisation étant plus précoce ä ľOuest qu'ä ľEst. Le déséquilibre est criant entre une Angleterre déjä majoritairement urbaine et une Russie aux structures sociales encore trés archaiques. Les problémes alimentaires Partie vi Le XIXe siede (1814-1914) : le siede de tous les possibles persistent ďailleurs pendant un siěcle de grandes innovations. Cette inegale repartition des richesses attise les mouvements contestataires, sociaux (marxisme) ou nationaux (indépendantismes italien, slave, irlandais, etc.). Le « printemps des peuples » Cest un mouvement de contestation sociále et nationale touchant plusieurs pays européens en 1848-1849. La revolution parisienne est la plus aboutie puisqu'elle provoque un changement de regime et la fondation d'une république. En Itálie, en Allemagne, en Hongrie, en Pologne et en Bohéme se dressent également des barricades, mais elles conduisent au mieux á des changements de gouvernement, au pire á la repression, comme en Autriche-Hongrie. Cest ďailleurs pendant cette periodě, lors du congrěs international de la paix univer-selle á Paris, en aout 1848, que nait le terme « États-Unis d'Europe », premiere étape intellectuelle vers I'idee d'une Europe unifiée. C h a p i t r e 10 XIXe : Les Frangais et Leur temps • De La société ďordres ä La société de cLasses • Créativité débridée dans un siede bourgeois Partie ví Le XIXe siěcle (1814-1914) : le siěcle de tous les possibles De la societě ďordres á la societě de classes L'été 1789 a mis fin ä la societě ďordres et ä la tripartition immuable : clergé, noblesse, tiers état. Cette hierarchie sociale, qui trouvait ses fondements idéologiques dans la pensée medievale (ceux qui prient, ceux qui combattent et ceux qui travaillent), est balayée par la Declaration des droits de l'Homme et du citoyen qui porte les principes ďégalité civique et sociale. Au XIXe siěcle, de nouvelles formes de hiérarchisation sociale appa-raissent pourtant. La bourgeoisie sort considérablement renforcée par 1'épisode révolutionnaire qui achěve le processus ďascension sociale des bourgeois, entamé ä la fin du Moyen Äge. Ä la société d'ordre se substitue désormais la société de classes. Les bouleversements écono-miques et sociaux issus de la revolution industrielle jouent ä cet égard un röle fondateur. L'entree de la France dans la modernitě technique et économique s'accompagne en effet de consequences sociales majeures, dont nous sommes encore aujourd'hui tributaires : exode rural et urbanisation, expansion de la bourgeoisie, naissance de la classe ouvriěre, modernisation progressive des campagnes, emergence ďune société de consommation et de loisirs. Le tableau que nous brossons ici est évidemment simplificateur, car la periodě, un siěcle, et l'espace consi-déré, la France entiěre, multiplie le champ des possibles. ■ La bourgeoisie domine la société Un pouvoir économique et politique On évoque souvent le XIXe siěcle comme le siěcle de la France bour-geoise ou France des notables. Cette volonte de figer un tout, la France, par une minoritě, la bourgeoisie, souligne l'importance nouvelle prise par cette classe sociale depuis la Revolution francaise. Au XIXe siěcle, la bourgeoisie allie domination économique et domination politique. Ses valeurs, le capitalisme en économie et l'ordre social en politique, guident l'essentiel des politiques menées par les differents gouverne-ments. Si la rotation des gouvernements est grande durant le siěcle, l'influence de la bourgeoisie est une constante. Sous la monarchie de Juillet, le fameux appel de Guizot aux Frangais, « Enrichissez-vous », témoigne des ambitions économiques des gouvernants pour le pays. XIXe: les Frangais et leur temps Chapitre 10 La nouveaute du siecle est l'emergence dune bourgeoisie d'affaires, enrichie par la banque et l'industrie, renouvelant durablement les elites du pays. Cette grande bourgeoisie affiche particulierement sa reussite sous le Second Empire, la politique economique favorisant de grands entrepreneurs comme les Schneider, les Rothschild ou les Pereire. Ce petit monde forme une societe tres cloisonnee, oil l'ascen-sion sociale reste tres difficile. Les strategies d'alliance matrimoniale par mariages arranges sont la loi. L'ecole, reflet des inegalites Si I'enseignement primaire s'ouvre aux classes populaires apres les Lois Guizot et Ferry, I'enseignement secondaire et superieur reste tres elitiste, comme I'atteste I'importance accordee a la culture dassique dans les programmes des lycees. C'est aussi une education tres masculine : la premiere bacheliere, Julie Daubie, obtient son diplome en 1861 seulement. La morale bourgeoise est conservatrice, si bien que le conservatisme bourgeois influe sensiblement la demarche scientifique. Ce siecle, qui croit au progres humain et a la domestication de la nature (positi-visme), classe et hierarchise pour construire une vision ordonnee du monde : races, classes, sexes, animaux, vegetaux. Ordre et peur du desordre Les bourgeois craignent le desordre social et la classe ouvriere est souvent percue comme une « classe dangereuse ». L'appareil policier et judiciaire s'etoffe tout au long du siecle, rendant d'autant plus sensible la mainmise de l'Etat sur l'ensemble du territoire. II est represents par le garde champetre, le gendarme, le policier. La fin du siecle voit egalement les premiers pas de la police scientifique, initiee par les methodes anthropometriques d'Alphonse Bertillon. Trois formes de deviances remettant en cause l'ordre social sont particulierement surveillees : la criminalite, la folie et la prostitution. Ces deviances sont done strictement encadrees et controlees au sein de la prison, de l'asile et de la maison de tolerance. Un debut de societe de consommation Les habitudes consumeristes se transforment avec le mode de vie bourgeois. Les premiers grands magasins ouvrent leurs portes dans la seconde moitie du siecle : le Bon Marche en 1852, le Printemps en 1865, la Samaritaine en 1869, les Galeries Lafayette en 1896. Derriere ces nouvelles formes de commerce, premiers germes de la societe de consommation, une multitude de boutiques fournit encore des articles Partie vi Le XIXe siecle (1814-1914) : le siecle de tous les possibles de mode, des meubles ou de l'epicerie fine, necessaires au train de vie des bourgeois. Pour eux, les premieres publicites ou « reclames » marquent l'avenement de la consommation de masse. Vivre bourgeoisement Le Logement est un microcosme de L'univers bourgeois et du genre de vie propre a cette cLasse. Ainsi, L'interieur bourgeois se doit d'etre opulent, bien decore, bien edaire, bien chauffe. La domination bourgeoise s'affirme avec I'emploi de domestiques. Les Loisirs prennent une place croissante : it y a done des pieces pour manger, recevoir, fumer, jouer du piano, Lire, dormir. Par Leurs revenus, Les bourgeois ont acces aux Loisirs et a L'oisivete. ILs se pressent dans Les stations de viLLegiature, en ete dans Les stations thermaLes ou Les premieres stations de montagne, en hiver dans Les stations baLneaires de La Riviera rebaptisee « Cote d'Azur» en 1877. Le tourisme est ne et, signe des temps, MicheLin edite son premier guide en 1900. ■ Une France de notables A la grande bourgeoisie particulierement bien integree dans les cercles du pouvoir et immensement riche s'oppose une petite bourgeoisie aux conditions de vie sans commune mesure avec les elites parisiennes. Cette France des petits commercants et des petits patrons, des avocats et des medecins, de l'intellectuel et du fonctionnaire, constitue la classe intermediaire, bientot qualifiee de « classe moyenne ». Certains comme l'instituteur, le medecin ou l'avocat deviennent de veritables notables locaux. Pour eux, l'ideal d'ascension sociale est primordial. Leon Gambetta, fils dun petit commercant d'origine italienne de Cahors, en est l'incarnation. L'acte de naissance du fonctionnaire Le deveLoppement de L'appareiL etatique a travers L'ecoLe ou La poste donne naissance au fonctionnaire, figure incontournabLe de La societe frangaise. Les repu-bLicains y trouveront un eLectorat de poids a La fin du siecLe. ■ L'emergence du monde ouvrier L'industrialisation de la France est tres lente et progressive. L'image de l'ouvrier du XIXe siecle ne doit pas etre telescopee par celle que nous nous faisons du monde de l'usine au siecle suivant. La classe ouvriere est alors tres composite. L'ouvrier du XIXe siecle reste encore souvent XIXe: les Francais et leur temps Chapitre 10 un paysan qui, lorsque l'activite agricole se reduit, trouve un revenu complementaire dans le travail artisanal. Le travail ouvrier se fait encore souvent a domicile, de maniere temporaire. Cela n'empeche pas la constitution dun proletariat ouvrier dans les villes les plus indus-trieuses du moment comme Lyon et Paris, ou dans les regions minieres telles que le Nord, Le Creusot, Carmaux, Trelaze, etc. Le travail ouvrier attire les populations rurales vers les villes : c'est le debut de l'exode rural francais, vaste mouvement d'urbanisation qui dure jusqu'aux annees 1970. La France devient une terre d'immigration ^industrialisation necessite L'apport d'une main-d'ceuvre etrangere car La baisse de La nataLite en France ne repond pLus aux besoins economiques. L'immigration beLge, aLLemande et itaLienne se deveLoppe, non sans certains heurts avec Les popuLations LocaLes, comme c'est Le cas a Aigues-Mortes en 1893 ou, seLon Les chiffres officieLs, huit ItaLiens travaiLLant dans Les saLines sont tues. Les conditions de vie sont particulierement eprouvantes. Entasses dans des logements exigus et souvent insalubres favorisant la diffusion des maladies, ou parques aux peripheries des villes, les ouvriers sont de plus soumis a des conditions de travail difficiles. Nous sommes alors loin des 35 heures : on travaille entre 11 et 13 heures par jour, six jours sur sept avant l'institution du repos hebdomadaire en 1906. Ces conditions de travail concernent hommes, femmes et enfants, puisque les lois interdisant le travail des enfants (de moins de huit ans en 1841) sont peu respectees. Et contrairement aux idees recues, les femmes n'attendent done pas la Premiere Guerre mondiale pour connaitre le monde de la mine et de l'usine. Le travail est en outre extremement dangereux : il est courant de mourir sur son lieu de travail, comme l'atteste en 1906 la dramatique catastrophe de Courrieres (pres de Lens), oil 1099 mineurs sont victimes dun coup de grisou (explosion des emanations inflammables issues de la formation du charbon). La protection sociale est a cette epoque presque inexistante : l'ouvrier n'est pas protege contre l'acci-dent du travail, la perte de son emploi ou contre la vieillesse, autant de raisons qui poussent les ouvriers a s'unir dans le cadre de caisses mutuelles d'assistance, prefigurant la constitution de syndicats a partir de leur legalisation en 1884. La greve se banalise alors et devient le mode privilegie de la contestation sociale. Partie ví Le XIXe siěcle (1814-1914) : le siěcle de tous les possibles La naissance de la culture ouvriěre Hors de 1'usine ou de la mine, les ouvriers peuvent se retrouver dans les espaces de loisirs et de discussion que sont le cabaret ou le café. Ces lieux de sociabilitě voient la naissance ďune culture ouvriěre fondée sur la solidaritě et 1'émergence ďune conscience de classe. Celle-ci s'affirme lors des grěves ou des manifestations, mais également á 1'occasion de fétes populaires com me la féte du Travail le ler mai, célébrée chaque année depuis 1892. La condition s'ameliore au fil du siěcle. Contrairement á ce que prévoyait Marx, le proletariat ne s'appauvrit pas. Certes, 1'enrichisse-ment de la nation profite aux plus aisés, mais le salaire ouvrier augmente tout au long de la periodě. Telle est en tout cas la tendance structurelle au-delá des episodes de crise économique et de chómage aux consequences souvent dramatiques. Lalimentation évolue également tout au long du siécle : la part du pain se réduit au profit de la viande et du vin. Á la fin du siécle, 1'habitat ouvrier s'ameliore avec les premieres mesures encourageant le logement social ou par 1'inter-vention de certains patrons. Le paternalisme patronal Alertés par les premieres enquétes sociologiques sur la condition ouvriěre, certains patrons décident ďaméliorer la condition de leurs ouvriers, non sans une certaine forme de condescendance ni ďintérét économique. Ainsi, autour de leurs usines, certains entrepreneurs créent des logements, des écoles, des hópi-taux, instaurant un rapport de dépendance entre I'ouvrier et son patron, du berceau jusqu'au tombeau. Ce paternalisme patronal tend également á lier le destin ďune ville á celui ďune famille, comme Le Creusot et les Schneider, Clermont-Ferrand et les Michelin, Montbéliard et les Peugeot. ■ La paysannerie se transforme La ville aspire les champs Le monde rural, réputé immuable et rétif au changement, se transforme pourtant au fil du siécle. Certes, 1'amélioration des rendements reste leňte : engrais et machines agricoles ont du mal á pénétrer les campagnes francaises, excepté les grandes exploitations du Bassin parisien. Le monde des campagnes, qui représente encore les trois quarts de la population au milieu du siécle, ne constitue plus que 56 % de la population totale en 1914. Les campagnes se transforment avec XIXe: les Francais et leur temps Chapitre 10 les evolutions politiques, économiques et sociales que connait la France. Le depart des hommes vers les usines ou des femmes comme domestiques (les bonnes) en ville, á l'image de Bécassine, personnage populaire de bandě dessinée créé en 1905, forment les cohortes de l'exode rural. Le train et la transformation des campagnes Le développement routier et ferroviaire permet I'expansion des échanges sur le territoire national, en voie de décloisonnement. Les agriculteurs et les indus-triels peuvent désormais vendre dans le cadre ďun marché national et plus seulement local ou regional. La consequence pour I'agriculture est importante. On assiste aux debuts d'une specialisation régionale des productions et á I'abandon progressif de la polyculture. La France du nord devient alors céréaliěre et la France du sud, maraíchěre et viticole. Du point de vue politique, le paysan francais se distingue de ses homolo-gues européens par son statut de propriétaire. La Revolution francaise a permis á une grande partie de la paysannerie ďaccéder á la petite proprietě, evolution renforcée par l'exode rural qui liběre de nouvelles terres. Cela explique, au debut du siěcle, la reticence envers les républi-cains associés aux socialistes et aux « partageux » : en 1848, la victoire électorale de Louis Napoleon Bonaparte est due au ralliement massif de 1 electorat rural, qui voit en ce dernier le garant de leur proprietě. Une education pour tous Les républicains retiennent la lecon et s'appuieront désormais sur les masses paysannes oil il est nécessaire de diffuser le sentiment republican! tout en préservant l'ordre social et économique. Á partir de 1880, la République s'y emploie avec succěs. L'enseignement lai'que, gratuit et obligatoire, diffuse une culture nationale et républicaine, integrant villages et « pays » dans un espace national historiquement determine et géographiquement délimité. Le francais s'impose alors comme langue unique sur les parlers et patois locaux, non sans une certaine violence. Le service militaire universel et obligatoire joue également un role intégrateur, permettant d'ouvrir les horizons des jeunes ruraux. La Premiere Guerre mondiale, oil les paysans paient « l'impot du sang » au prix fort, prouvera que le travail intégrateur de l'ecole et de la caserne a plutót bien fonctionné. Partie ví Le XIXe siěcle (1814-1914) : le siěcle de tous les possibles Créatívité débridée dans un siěcle bourgeois Le debut du siěcle voit la percée de deux tendances contraires : ratio-nalité contre sensibilitě. La premiere est un retour á 1'Antiquité et au classicisme. Napoleon Ier y est favorable car la rationalité des regies classiques correspond bien aux logiques ďun regime qui cherche á contróler jusqu'a 1'image de 1'Empereur, présenté en héros antique. L'autre tendance, sentimentale et spontanée, puise ses origines dans rceuvre de Jean-Jacques Rousseau, lun des premiers á utiliser le mot « romantique ». Le retour á la nature et á la sensibilitě devient avec lui une valeur nouvelle, et les sentiments sont magnifies aprěs deux siěcles conduits par la raison. Rejeté dans l'ombre par la Revolution sensible au culte des héros, ce mouvement s'est épanoui en Angleterre et en Allemagne, avec Goethe et son Werther. ■ L'Empire a le goůt du classique L'Empire tient á 1'écart 1'influence romantique, devenue étrangěre par ses détours hors frontiěres. La censure foudroie lorsque Germaine de Staěl tente de 1'introduire en France en 1810, avec son livre De V Allemagne, oú elle définit le romantisme : il est interdit et elle est exilée. Le debut du siěcle ne fait done place qu'aux regies traditionnelles codifiées. Les thěmes de 1'Antiquité et de la Mythologie sont á l'honneur : la Bourse de Paris ou 1'église de la Madeleine inspires des temples grecs en sont d'imposants témoins. En peinture, le dessin est extrémement realisté dans la lignée des sculptures gréeo-romaines et de l'art de la Renaissance. Ce néoclassicisme exerce une influence notable sur les artistes de la premiére moitié du XIXe siécle. Ils passent tous de pres ou de loin par l'atelier de Jacques Louis David. Parmi eux, Ingres parvient cependant á s'affranchir des regies de 1'époque ; par créativité personnelle, il n'hesite pas á rajouter des vertébres aux corps féminins afin de leur donner un dos démesuré-ment long et plongeant (La Grande Odalisque, 1824, Le bain ture, 1862). Cette entorse aux regies académiques provoque un profond scandale, annonciateur des prochaines remises en cause du style offi-ciel, impose par les academies de peinture. XIXe: les Francais et leur temps Chapitre 10 Violon d'Ingres Expression née de la passion du peintre Ingres pour le violon, signifiant activité artistique exercée pendant ses loisirs. ■ Le romantisme se taille une place royale Sous la Restauration, le romantisme prend ses marques ; son succěs est amplifié par le développement croissant du nombre de lecteurs poten-tiels. Grace ä un lectorat süffisant et aux droits d'auteur nouvellement conquis, les écrivains vont enfin pouvoir vivre de leur talent. Iis y gagnent une belle indépendance, jamais connue auparavant. La fenétre du romantisme s'ouvre largement sur un paysage de réve, de sensations, de passions venues de l'inconscient et des forces obscures de 1'étre. Les paysages tortures sont ä la mode : mines, jardins touffus ä l'anglaise, clairs de lune et lacs auprěs desquels verser des torrents de larmes est de bon ton. Jean-Jacques Rousseau avait déja ouvert le chemin. Stendhal, Chateaubriand, Victor Hugo, Lamartine prennent le relais. Paradoxale-ment, ces grands auteurs romantiques sont des hommes d'action, profondément engages dans la vie politique de leur temps : ils měnent tous une carriěre parallele ä la littérature. Lamartine, depute et ministře, accede méme au gouvernement en 1848. Seul le grand poete Alfred de Vigny ne parvient pas ä faire carriěre en politique ; battu ä la deputation de Charente, il en ressort morose et incompris. Victor Hugo (1802-1885) : I'ame du XIXe siecle Victor Hugo, fils d'un general de Napoleon Ier, connait une vie romantique : passions, bonheurs et chagrins cotoient son engagement politique de tous les instants. A ses debuts, son ambition est d'etre « Chateaubriand ou rien ! » Cet horn me devore la vie a pleines dents, sur tous les fronts de la litterature et des combats. Auteur a succes, il reussit a vivre de sa plume de maniere indepen-dante. Ses livres et recueils de poesies connaissent d'immenses succes de librairie : Notre-Dame de Pans, Les miserables, Les Contemplations... Republican, il est depute quand il predit le coup d'Etat de Napoleon III a la tribune de L'Assemblee nationale. II s'obstine ensuite dans un exil volontaire a Guernesey, en ferme opposition a L'Empire. C'est lui qui qualifie Napoleon III du titre pejo-ratif de « Napoleon le petit». Revenu a Paris, il est admire et adule : L'avenue ou il habite est debaptisee en avenue Victor Hugo de son vivant meme ! A sa mort, un enterrement national le consacre par la presence de deux millions de personnes. Ses cendres sont actuellement au Pantheon. Partie vi Le XIXe siede (1814-1914) : le siede de tous les possibles Le romantisme est un état ďesprit auquel se rattachent des auteurs de valeur trěs variable. Un cercle est ä retenir, le « cénacle », fonde par Victor Hugo et son ami le critique Sainte-Beuve. Tous deux reconnais-sent pour maítre Francois-René de Chateaubriand. Le mouvement romantique choque par son individualisme et sa volonte de liberté. II connaít en 1830 sa grande bataille ďidées : la representation de la célěbre piece de Victor Hugo, Hernani. Romantiques et classiques s'affrontent alors verbalement dans une atmosphere passionnelle, les premiers arborant en signe distinctif un gilet rouge. Une femme connaít, pour la premiere fois, un succěs littéraire considerable : c'est Auroře Dupin, dite George Sand. Son Indiana est un best-seller au debut du regne de Louis-Philippe. Des amants prestigieux George Sand a su, en plein siede de morale bourgeoise, vivre sa vie com me eile l'entendait. Elle quitte un mari qui I'ennuie profondément et, pour gagner sa vie, prend la plume un peu par hasard : c'est immédiatement un succěs. Sa vie sentimentale est trěs libre et, par sa personnalité exceptionnelle, eile accumule des amants remarquables. Les plus prestigieux sont Alfred de Musset, mais surtout le pianiste-compositeur Frederic Chopin, avec lequel eile entretient une relation intense ďune dizaine ďannées. Habillée souvent en homme par souci pratique de déplacement dans les rues boueuses, eile choque et étonne ses contempo-rains par son autonomie et sa liberté de pensée. De son coté, la peinture recoit aussi 1'influence romantique. Goůt du mystěre et exaltation des passions humaines produisent une série ďceuvres majeures. Deux artistes sont représentatifs de cette nouvelle tendance : Theodore Géricault et Eugene Delacroix. Ce dernier peint, en 1827, un veritable manifeste du romantisme : La mort de Sardanapale. Son déchaínement de couleurs et de mouvements exhale une sensua-lité toute Orientale, ä une époque oú l'orientalisme est ä la mode. Une peinture de l'actualite Avec Le radeau de la Meduse (1819), Géricault s'affranchit des thěmes histori-ques chers au néoclassicisme au profit ďun sujet ä l'actualite brülante : le naufrage ďune frégate, la Meduse, au large du Senegal en 1816. Le tableau fait scandale malgré son haut degré de technicité : realisme du dessin, maitrise de la composition (structure pyramidale) et traitement de la lumiěre. La réalité morbide des corps en decomposition rappelle les histoires sordides de canniba-lisme survenues pendant l'errance de ces 149 naufragés. L'engagement politique du peintre, dénongant ici ouvertement le gouvernement responsable de ^expedition, choque les spectateurs. XIXe: les Frangais et leur temps Chapitre 10 ■ Le goút de la réalité tempeře les ardeurs romantiques Du romantisme au realisme Stendhal, de son vrai nom Henri Beyle, se méfie du romantisme et cherche plutót 1'objectivité. Ses romans psychologiques, ancrés dans la vie quotidienne, partent de faits divers. II assure la transition entre romantisme et realisme, comme Honoré de Balzac. Ce dernier brosse, dans La comédie humaine, des portraits par typologie de passions. Cette ceuvre gigantesque est constituée de 91 ouvrages oú 2209 person-nages se croisent, se déchirent et s'aiment avec 1'argent comme valeur supreme. Balzac brosse ainsi, avec un sens du detail particuliěrement poussé, le portrait de la société bourgeoise de la premiere moitié du XIXe siěcle. La littérature se democratise. Ainsi, Eugene Sue exprime ses idées sociales á travers un feuilleton populaire : Les Mystěres de Paris. Ces textes, dévoilés progressivement au gré des parutions du journal, connaissent un succěs populaire sans precedent sous Louis-Philippe. Tout le monde en parle et tous attendent la suite avec avidité. Cet intérét enthousiaste étonnant marque 1'arrivée dun lectorat de masse. L'observation attentive de la vie quotidienne est également menée par les peintres réalistes. De plus, 1'essor dun procédé de reproduction peu coůteux, la lithographie, permet une démocratisation de 1'image par une diffusion de 1'ceuvre á grande échelle. Le dessinateur et cari-caturiste Honoré Daumier devient un maitre en la matiěre, et ses lithographies, publiées dans La caricature puis dans Le Charivari, lui permettent d'exprimer son sens critique, social et politique, á l'heure de la monarchie de Juillet. La lithographie, une arme politique L'une des plus célěbres lithographies de Daumier est celle qui illustre le massacre de la rue Transnonain en 1834. La scene, vue du sol, plongée dans un contraste lumineux, montre une famille tuée au saut du lit. Daumier n'hesite pas á dénoncer la brutalitě de la repression en representant méme un petit enfant écrasé par le corps de son pere. Cette gravure a joué un grand role dans I'emotion populaire. Le contróle étatique de la presse s'etend alors aux dessins de presse, preuve de son importance politique nouvelle au regard de I'opinion publique. L'observation realisté de la société guide également les peintres Jean-Francois Millet et Gustave Courbet. Le premier met son talent au service de l'etude du monde rural et du travail paysan. Ce gout pour Partie ví Le XIXe siěcle (1814-1914) : le siěcle de tous les possibles les scenes de plein air est caractéristique de la peinture de 1' « école de Barbizon » á laquelle Millet appartient. Lintérét porte aux classes populaires caractérise aussi 1'ceuvre de Courbet. Ce peintre, proche des milieux socialistes, est refuse á 1'exposition universelle de 1855, comme chef de 1'école du « laid ». Enterrement a Ornans Ce tableau peint en 1849, un an aprěs 1'instauration de la IP République, s'attache á décrire une societě villageoise avec une precision presque sociolo-gique. Courbet n'hesite pas á utiliser le format monumental (3 metres sur 6), utilise traditionnellement pour les grands sujets historiques, pour représenter une scene banale : un enterrement anonyme. Le peintre exprime ses conceptions politiques en mettant sur un méme pied ďégalité prétre, notables, villageois et villageoises. Aucun personnage ne se distingue des autres. Du realisme au naturalisme Cest également l'esprit de provocation qui guide les peintres du « salon des refuses » de 1863. En effet, sous le Second Empire, l'art acadé-mique est triomphant: le beau est défini par les salons oil, pour exposer, il faut suivre les regies strictes de l'academisme. En 1863, un groupe de peintres decide ďimposer la liberie artistique en exposant dans un autre salon, connu sous le nom de « salon des refuses ». Le Dejeuner sur I'herbe (1863) d'Edouard Manet fait alors scandale par la nudité provocante de la femme assise. Les reactions courroucées du public mettent en lumiěre l'hypocrisie de la moralitě bourgeoise. Le nu féminin est loué dans une scene mythologique ou antique, mais rejeté dans une scene de la vie quotidienne. L'Olympia du méme Manet, exposée en 1865, provoque un scandale similaire. Le realisme survient á une époque oú les progres scientifiques fascinent l'opinion, soucieuse de comprendre la réalité. Des écrivains comme Gustave Flaubert la décrivent, eux, par le biais dun style rigoureux. Aprěs 1870 se développe, sous l'influence du socialisme, le naturalisme avec Emile Zola. Ce dernier tente, á partir du destin de deux families, les Rougon-Macquart, de retranscrire le determinisme des lois de 1'hérédité dans des milieux populaires. Il est le premier á décrire sans détours, de maniěre crue, les classes sociales les plus défavorisées, quitte á choquer violemment ses contemporains dans ses livres: I'Assommoir, Germinal, Nana, Gervaise, L'argent. Plus jeune mais forme par Flaubert, Guy de Maupassant développe le roman naturaliste et le conte noir dans une ceuvre trěs pessimiste, décrivant de maniěre sarcas-tique ou par le biais du fantastique l'angoisse et l'alienation humaine. XIXe: les Francais et leur temps Chapitre 10 Les parnassiens redoutent le lyrisme L'auteur des Fleurs du Mal, Charles Baudelaire, est au carrefour des tendances. II subit en effet 1'influence romantique mais aussi celle dune nouvelle tendance littéraire : le formalisme, trěs attache á la rigueur du style. Des poésies scandaleuses Les Fleurs du Mal, ouvrage trěs prisé á notre époque, a fait 1'objet ďun proces sous 1'empire de Napoleon III. Des passages, jugés indécents, ont méme du étre supprimés ! Ce siěcle est foisonnant sur le pian artistique et littéraire. Les voix de la liberté recherchent constamment ďautres facons de se connaítre. Cest ainsi que naít une nouvelle école poétique, le Parnasse, qui pros-crit, par reaction au romantisme, toute effusion lyrique. Quelques écrivains prónent le culte de la forme stylistique rigoureuse avec Théophile Gautier. Trois recueils de poěmes publiés á partir de 1866, intitules Le Parnasse contemporain, présentent les ceuvres de Paul Verlaine, Stéphane Mallarmé et Sully Prudhomme, premier prix Nobel de littérature en 1901. Un ami de Baudelaire et de Verlaine, Arthur Rimbaud, subit également rinfluence des parnassiens, méme si sa poesie rebelie, dont le fleuron est Le Bateau ivre, en fait un poete á part, assoiffé de revolution sociále ou morale. ■ Le Parnasse Le Parnasse est une montagne située pres de Delphes, en Grěce, oú sont censées rési-der le dieu Apollon et ses muses. Les poětes parnassiens cherchent ä se dépasser et ä atteindre les sommets de leur art, un ideal en quelque sortě. ■ Peindre des impressions : une tentative revolution naire L'impressionnisme En 1874, un groupe de peintres sont taxes «d'impressionnistes ». Edouard Manet devient leur mentor. Quant au terme « impressionniste », il est invente pejorativement par un critique dart ä partir du titre detourne dun tableau de Claude Monet: Impressions Soleil levant. Ce tableau est expose dans l'atelier du photographe Nadar aux cotes des tableaux de Pierre-Auguste Renoir, Alfred Sisley, Camille Pissaro et Paul Cezanne. Le mouvement prend de l'ampleur. De 1874 ä 1886, sept Partie vi Le XIXe siecle (1814-1914) : le siecle de tous les possibles expositions impressionnistes se tiennent a Paris, donnant ainsi une coherence au mouvement, compose de peintres pourtant fort differents. Les points communs sont le gout pour l'observation en plein air, la renovation du traitement de la lumiere et de la couleur et l'utilisation du flou. Ces artistes s'attachent a restituer « l'impression » du peintre. Le pointillisme Apres 1886, l'impressionnisme se renouvelle dans le « neo-impressionnisme », incarne entre autres par le maitre de la couleur, Edouard Seurat. Celui-ci invente le « pointillisme » : les tableaux sont peints par juxtaposition de petits points de couleurs. L'image est desormais creee par l'ceil meme du spectateur : il n'y a plus de dessin sur la toile. ■ Couleurs, toujours... La creativite de cette epoque est impressionnante. La fin du XIXe siecle et le debut du XXe siecle voient ainsi l'eclosion de multiples talents originaux, parmi lesquels celui du peintre neerlandais Vincent Van Gogh, qui prend la Provence comme muse. Il reinvente la couleur et annonce le fauvisme, style qui distinguera rceuvre d'Henri Matisse. Le gout pour les couleurs chatoyantes caracterise egalement les compositions de Paul Gauguin, issu de « l'ecole de Pont-Aven ». Les paysages exotiques du douanier Rousseau (en reference a son metier) sont nes de l'imagination fertile et coloree de ce peintre autodidacte, represen-tatif de l'art dit « naif ». Les decors floraux sont egalement tres presents dans « l'art nouveau », qui s'impose a la fin du siecle dans les arts deco-ratifs et l'architecture. ■ Pans au centre de la creativite europeenne Au tournant du siecle, Paris est la capitale mondiale des lettres et des arts. A Montmartre, les artistes frequentent les cabarets, a l'image de Toulouse-Lautrec qui depeint avec son regard ironique et acerbe le monde de la nuit parisienne. Ce grand peintre et illustrateur souligne revolution de l'image avec l'invention de la publicite et de la reclame. L'affichiste tcheque Alfons Mucha, exile a Paris, en est une autre figure majeure. Lieu oil s'inventent de nouvelles facons de voir et de repre-senter le monde, Paris attire des artistes du monde entier : le Russe Chagall, l'ltalien Modigliani, etc. XIXe: les Frangais et leur temps Chapitre 10 Revolution picturale, le mouvement cubiste s'inspire de l'ceuvre de Paul Cezanne, qui evolue vers une stylisation de la realite representee au moyen de formes geometriques (cubes, cylindres, spheres). L'ceuvre du peintre immigre espagnol Pablo Picasso poursuit cette reflexion avec, entre autres, Les demoiselles d'Avignon (1907). Ce tableau lance le mouvement cubiste. Ce courant, en rupture avec les regies tradition-nelles de la perspective par superposition des plans, n'est pas sans lien avec la transformation du rapport ä l'image liee ä l'invention du « cinematographe » par les freres Lumiere en 1895. En outre, on decouvre au meme moment un nouveau rapport ä l'espace par le biais de la theorie de la relativite d'Albert Einstein : le changement de perspective est dans l'air du temps. Le gout du XIXe siěcle La peinture frangaise du XIXe siěcle compte aujourd'hui parmi les plus populates de I'art occidental, et les salles des musées consacrées á cette periodě rivalisent en fréquentation avec les salles Renaissance. En 2000, un sondage montrait que parmi les cinq artistes préférés des Frangais, Van Gogh et Monet arrivaient en téte du classement devant Leonard de Vinci, Renoir et Michel-Ange. Quant aux écrivains de ce siěcle, ils font presque tous partie de nos « classiques ». Le parcours exceptionnel de George Sand est devenu un modele d'emancipation feminine. Partie VII Le XXe siede (1914-2002) : la France entre guerres et paix SurvoL du siecle L'ombre des guerres surplombe l'ensemble du XXe siecle, le plus sanglant de l'histoire de l'humanite : guerres mondiales, guerres de decolonisation, genocides, massacres de masse se succedent dans une funeste danse macabre. Ces conflits doivent etre lus comme les fruits de la diffusion du natio-nalisme, dressant des peuples entiers les uns contre les autres, mais aussi comme la consequence de la grande rupture de 1917, lorsque la Revolution bolchevique transforme la Russie en federation de republi-ques socialistes. Le siecle est done traverse par la lutte ideologique entre le communisme et ses opposants. L'expansion du nazisme s'appuie sur ranticommunisme diffus au sein des societes euro-peennes. La crainte du communisme sovietique explique egalement la Guerre froide divisant le monde a partir de 1947. La France joue un role central dans les evolutions du siecle en tant que theatre des deux guerres mondiales, mais aussi en tant qu'acteur privilege de la decolonisation. Dans ces conflits, les Francais sont a la fois victimes, heros et bourreaux. Pour autant, les motifs d'optimisme ne doivent pas etre ecartes : dans la seconde partie du siecle, la France se modernise puis acheve son processus de democratisation et de liberalisation politique ; la reconciliation franco-allemande porte les germes dune paix longtemps esperee au sein dun continent europeen en voie d'unification. D'ailleurs, en 1989, le rideau tombe sur une scene de liesse lorsque l'Allemagne et l'Europe se reconcilient apres 40 ans de divisions et de conflits Est-Ouest. Partie vii Le XXe siede (1914-2002) : la France entre guerres et paix Quelques decouvertes du siede 1927 : premier film parlant 1928 : pemcilline 1934 : radioactivite artificielle 1942 : pile atomique 1945 : bombe atomique 1946 : ordinateur 1947 : franchissement du mur du son 1950 : television couleur 1953 : ADN 1957 : premier satellite artificiel (spoutnik) 1960 : pilule contraceptive 1961 : Youri Gagarine, premier homme dans l'espace 1969 : Premier vol habite sur la Lüne. Concorde, premier avion commercial ä reaction. 1971 : microprocesseur 1974 : Lucy, fossile australopitheque 1974 : carte ä puce 1975 : fibre optique 1978 : premiere fecondation in vitro 1981 : P.C. (personal computer) et premiere ligne TGV 1982 : telephone mobile 1983 : identification du virus du SIDA 1992 : generalisation d'Internet, premier million d'utilisateurs 1996 : Dolly, premier mammifere clone Survol du siěcle Filigrane chronologique : 1914-2002 En France Ä l'etranger IIP République (1870-1940) Premiere Guerre mondiale (1914-1918) 1914 Declarations de guerre. Assassinat de Jaures. Bataille de la Marne 1915 Genocide arménien 1916 Bataille de Verdun. Bataille de la Somme 1917 Chemin des Dames. Mutineries Revolutions de février et ďoctobre en Russie. Entrée en guerre des États-Unis 1918 Armistice Paix de Brest-Litovsk 1919 Traite de Versailles Revolution spartakiste 1920 Congres de Tours 1922 Prise de pouvoir de Mussolini en Itálie 1929 Krach de Wall Street 1933 Hitler chancelier 1934 Erneutes d'extreme droite 1936 Gouvernement Blum : Front populaire Guerre civile espagnole 1938 Conference de Munich / Partie vil Le XXe siěcle (1914-2002) : la France entre guerres et paix En France Ä ľétranger Seconde Guerre mondiale (1939-1945) 1939 Entrée en guerre. Drôle de guerre Pacte germano-soviétique Regime de Vichy (1940-1944) 1940 Campagne de France. Armistice. Appel du 18 juin. Entrevue de Montoire. Premier statut des Juifs Bataille d'Angleterre 1941 Invasion de l'URSS. Pearl Harbor (entrée en guerre des États-Unis) 1942 Rafle du Velodrome ďhiver. Débarquement allié en Afrique du Nord. Occupation de la zone libre Debut de la politique d'extermination des Juifs 1943 Creation du Conseil national de la Resistance Bataille de Stalingrad 1944 Débarquements de Normandie et de Provence. Liberation Gouvernement provisoire de la Republique fran^aise (1944-1946) 1944 Droit de vote aux femmes. Sécurité sociale 1945 Conference de Yalta. Creation de l'ONU. Hiroshima et Nagasaki IVe Republique (1946-1958) 1946 Referendum sur la Constitution Guerre d'Indochine 1947 Plan Marshall. Vague de grěves Indépendance dellnde 1948 Coup de Prague. Creation dlsrael. Blocus de Berlin 1949 OTAN. Creation de la RFA et de la RDA. Chine populaire / Survol du siécle En France A l'etranger 1950 Projet de Communaute europeenne de defense Debut de la guerre de Coree 1951 CECA 1954 Accords de Geneve : fin de la guerre d'Indochine Dien Bien Phu 1956 Debut de la guerre d'Algerie (erneutes ä Alger) Crise de Suez Independance du Maroc et de la Tunisie. Insurrection de Budapest 1957 Traite de Rome : CEE 1958 Crise du 13 mai. Referendum sur la Constitution Ve République (1958-2...) Présidence de Charles de Gaulle (1958-1969) 1960 Nouveau franc. Bombe atomique francaise Independance de l'Afrique noire francaise. 1961 Attentats de l'OAS. Putsch des généraux ä Alger Mur de Berlin 1962 Dráme de Charonne. Accords d'Évian (fin de la guerre d'Algérie). Referendum sur ľélection présidentielle Crise des missiles a Cuba 1964 Guerre du Vietnam 1965 Elections présidentielles au suffrage universel 1966 Retrait francais de l'OTAN. Legalisation de la contraception 1968 Revokes étudiantes et gréves ouvriéres de mai-juin Printemps de Prague Présidence de Georges Pompidou (1969-1974) 1973 Guerre du Kippour ler choc petrolier / Partie vil Le XXe siěcle (1914-2002) : la France entre guerres et paix En France Ä l'etranger Présidence de Valéry Giscard d'Estaing (1974-1981) 1974 Loi Veil sur l'avortement 1979 Premieres elections européennes Revolution iranienne. Invasion de l'Afghanistan lre Présidence de Francois Mitterrand (1981-1988) 1981 Abolition de la peine de mort Nationalisations Solidarnosc en Pologne 1983 Projet Savary de reforme scolaire. Percée du EN. Crise des euromissiles 1986 lre cohabitation : J. Chirac Premier ministře Perestroika en URSS 1988 Reelection de F. Mitterrand. Reglement du conflit en Nouvelle-Calédonie 1989 Bicentenaire de la Revolution francaise Chute du mur de Berlin 1990 Invasion du Koweit par llrak 1991 Edith Cresson, 1re femme Premier ministře Guerre du Golfe. Fin de l'URSS. Guerre en ex-Yougoslavie 1992 Referendum de Maastricht Union europeenne 1993 2e cohabitation : E. Balladur Premier ministře 1994-1995 Vague d'attentats du GIA en France Genocide rwandais Présidence de Jacques Chirac (1995-2007) 1995 Abolition de la conscription Grave conflit social 1997 Dissolution de 1'Assemblée, 3e cohabitation : Lionel Jospin Premier ministře 1998 Assassinat du préfet Érignac Loi sur les 35 heures. Equipe de France championne du monde de football 1999 Introduction de Teuro Guerre au Kosovo / Survol du siecle En France A l'etranger 2000 Referendum sur le quinquennat Loi sur la parite 2001 Attentats du 11 septembre Guerre en Afghanistan 2002 Mise en circulation de l'euro. Reelection de J. Chirac. J.-M. Le Pen au 2e tour 100 km LA FRANCE ALLEMANDE (1940-1944) Territoires annexes par le Reich en 1940 Zone occupee Zone libre jusqu'au 11 novembre 1942 13 u >> a o u O © Les Frangais au XXe siěcle La Premiere Guerre mondiale : 1914-1919 Ce conflit, par l'ampleur des destructions humaines et matérielles, est un veritable traumatisme pour les peuples européens. Guerre ďun nouveau type, la Grande Guerre n'est plus seulement une opposition de soldats mais un conflit sans merci entre des peuples entiers tendus dans l'effort de guerre : c'est la « guerre to tale ». On distingue générale-ment trois phases dans le conflit: la guerre de mouvement classique (aout-novembre 1914) ; la stabilisation des lignes de front (en France á l'Ouest et en Russie á l'Est), appelée aussi la « guerre des tranchées » (octobre 1914-printemps 1918) ; la reprise de la guerre de mouvement aprěs l'arrivee des troupes américaines donnant l'avantage décisif aux allies (1918). ■ 1914. Une entrée en guerre par reaction en chaine Le debut de la guerre est souvent percu comme le point d'aboutisse-ment inevitable de la confrontation des puissances européennes : les systěmes d'alliances forgés á la fin du XIXe siěcle auraient constitué un veritable barii de poudre prét á exploser. Or, á 1'été 1914, le déclenche-ment du conflit prend les Européens par surprise. Comment passe-t-on en moins dune semaine de 1'état de paix á celui de guerre ? Partie vii Le XXe siede (1914-2002) : la France entre guerres et paix L'assassinat de I'heritier austro-hongrois Le 28 juin 1914, l'archiduc Francois-Ferdinand, heritier de l'empire d'Autriche-Hongrie, meurt avec sa femme sous les balles dun jeune etudiant nationaliste bosniaque de Serbie, Gavrilo Princip, hostile a l'occupation autrichienne en Bosnie-Herzegovine. Avec l'accord de son allie allemand, l'Autriche profite de l'evenement pour mater la Serbie independante : un ultimatum est envoye aux autorites serbes exigeant la repression des mouvements hostiles a l'Autriche, repression devant etre appuyee par la participation de fonctionnaires autrichiens. Pour la Serbie, cette violation flagrante de sa souverainete rend l'ultimatum inacceptable. En France, on est loin de se douter des evenements a venir : l'ultimatum reste dans l'ombre suite a l'assassinat du directeur du Figaro par Mme Caillaux, excedee par la campagne de calomnies contre son epoux, le ministre des Finances Joseph Caillaux. La Serbie est une protegee de la Russie car c'est une nation slave. Les Autrichiens et les Allemands prennent le pari risque de la non-intervention russe, mais ils se trompent. Russes et Autrichiens sont en effet engages dans une vaste lutte d'influence opposant nationalites slaves et germaniques en Europe centrale. L'entree en guerre de l'Autriche-Hongrie provoque, par reaction en chaine des alliances, l'entree en guerre de la quasi-totalite du continent. Le jeu complexe des entrees en guerre - Le 28 juiLLet: I'Autriche-Hongrie declare La guerre contre La Serbie. - Le 30 juiLLet: Les Russes decident d'entrer en guerre contre L'Autriche-Hongrie. - Le 31 juiLLet: Les Austro-hongrois decLarent La guerre a La Russie. - Le leraout: L'ALLemagne, soLidaire de L'Autriche-Hongrie, decLare La guerre a La Russie. - Le ler aout: La France decide La mobilisation generate. - Le 3 aout: L'ALLemagne decLare La guerre a La France. - Le 4 aout: Le Royaume-Uni decLare La guerre a L'ALLemagne. L'empire ottoman rejoint les puissances germaniques en novembre 1918, ouvrant une nouvelle ligne de front au Sud-Est de l'Europe. L'ltalie, quant ä eile, attendra 1915 pour s'engager aux cotes des Allies ^ (France et Royaume-Uni), revenant ainsi sur son alliance passee avec ~ les puissances germaniques. En moins d'une semaine, les principales puissances du continent entrent en guerre par un veritable jeu de ^ domino diplomatique. o ü © 340 Les Frangais au XXe siěcle Chapitre 11 La mobilisation generale de l'Europe En quelques jours, 20 millions ďEuropéens sont mobilises et appelés sous les drapeaux : c'est l'aboutissement du principe de « conscription universelle », initié par la Revolution frangaise. Toutefois, le mythe des Frangais enthousiastes partant« la fleur au fusiL » par patriotisme est remis en cause par les historiens actuels : ils semblent partir en guerre par determination plus que par enthou-siasme, résolus a défendre leur pays agressé. L'heure est ä la defense de la patrie, y compris dans les milieux pacifistes, surtout aprěs l'assassinat de Jean Jaurěs le 31 juillet 1914 par un nationaliste. L'evenement marque le ralliement des forces de gauche ä la mobilisation nationale. Le patriotisme a prévalu sur I'internationalisme socialiste. Pour beaucoup en effet, plus qu'un conflit entre nations, c'est une veritable guerre morale qui s'engage, opposant le liberalisme a la barbarie autoritaire incarnée par I'empire allemand. L'enjeu pour la France est aussi de récupérer l'Alsace et le nord de la Lorraine. Le déclenchement de la guerre apparaít comme le résultat du nationa-lisme et du militarisme européens. Les Allemands ont développé un vif sentiment de vulnérabilité face ä l'alliance des Frangais avec la Russie, encerclant l'Allemagne ä l'Est et ä l'Ouest, mais aussi face ä la puissance coloniale de la France et de la Grande-Bretagne. En outre, aucune puissance ne fait entendre, en cet été 1914, une voix de la paix susceptible de désamorcer le jeu des alliances. La Premiere Guerre mondiale est bel et bien un gouffre dans lequel tous les gouverne-ments sont entrés délibérément, comme si la guerre était jugée inevitable par tous. ■ 1914-1916. Une guerre d'un nouveau genre Les armees avancent Pour les etats-majors, la guerre doit etre rapide et offensive. Depuis 1905, l'armee allemande a anticipe sa Strategie en cas de conflit: elle envisage une percee eclair sur le front frangais pour porter ses efforts ensuite contre la Russie. En moins de deux mois, l'armee allemande est ä quelques dizaines de kilometres de Paris. Les soldats frangais, vetus du fameux pantalon rouge garance, constituent une cible facile pour les mitrailleuses allemandes. Les choix vestimentaires sont encore ceux des guerres d'autrefois, ou il fallait s'illustrer sur le champ de bataille ; mais desormais la guerre n'est plus un exploit individuel mais un engagement collectif. Partie vii Le XXe siecle (1914-2002) : la France entre guerres et paix Un mythe dans la guerre [.'offensive aLLemande est particulierement vioLente : a Louvain en BeLgique, 5500 civils ayant pris Les armes sont executes car l'etat-major aLLemand craint une guerre de francs-tireurs. Face a ces exactions bien reelles, La rumeur se deforme et enfle, donnant naissance au mythe des jeunes fiLies aux « mains coupees » par Les soLdats aLLemands. Cette rumeur provoque La panique et L'exode des popuLations civiles. ELLe sera abondamment utilisee par La propa-gande alliee et servira a La « diaboLisation de L'ennemi », faisant du soLdat adverse un etre deshumanise, natureLLement vioLent, et done Legitime a combattre. Pour l'heure, il s'agit dun remake de la debacle de 1870. Cependant, une erreur de l'etat-major allemand, en proie a des difficultes sur le front russe et en Belgique, permet a l'armee francaise d'arreter l'avancee allemande. C'est le debut de la bataille de la Marne, ou, sur plus de 300 km en Champagne, se joue le sort de la guerre. Grace a une reconnaissance aerienne, grande premiere de l'histoire militaire, le mouvement allemand est perce a jour et off re une opportunity pour une contre-offensive franco-anglaise sur le flanc de l'armee ennemie. Le general Moltke est contraint d'ordonner le repli des troupes alle-mandes epuisees et en sous nombre. Le chef de l'etat-major francais, le general Joffre, peut alors crier victoire : il devient aux yeux de l'opinion le « heros de la Marne ». Et les taxis de la Marne ? L'histoire retient Les taxis parisiens requisitionnes pour transporter, en Longues files, Les troupes de Paris sur Le front. En realite, ce transport de troupes original n'a joue qu'un role symbolique dans La bataille et n'a nullement contribue a La victoire. Nouveau mythe dans La guerre, cet episode sera habilement repris par La propagande frangaise pour mobiliser L'opinion. Les armees s'enterrent La guerre est loin d'etre finie : des novembre, les fronts se stabilisent suite aux echecs successifs des nouvelles offensives allemandes. Chaque armee s'enterre dans des tranchees longues de 750 km, des Vosges a la mer du Nord. Pour les soldats, c'est le debut de « l'enfer des tranchees ». D'autres fronts s'ouvrent aussi en Turquie, dans les Alpes italiennes, dans les Balkans (armee d'Orient), avec l'entree en guerre de l'Empire ottoman et de la Bulgarie aux cotes des empires germaniques, de l'ltalie et de la Roumanie du cote de l'Entente. Sur mer, les flottes se Les Frangais au XXe siecle Chapitre 11 livrent une lutte sans merci; le combat europeen se deplace dans les colonies, notamment en Afrique oil les colonies allemandes sont facile-ment occupees par les Frangais et les Britanniques. « L'enfer, c'est la boue » : la vie dans les tranchees La tranchee est devenue Le symboLe de La Grande Guerre, quotidien des soLdats durant pLus de trois ans. La guerre de position L'emporte desormais sur L'offen-sive. Pendant trois ans, Les soldats frangais et aLLemands se font face, separes par Les quelques centaines de metres d'un no man's land ou Les excavations creu-sees par I'artillerie et Les barbeles freinent toute progression. Les tranchees, en pointes ou en creneaux pour maximiser La protection, sont d'une complexite extreme : tranchees de premiere Ligne, tranchees de soutien, tranchees de reserve reliees entre elles par des boyaux perpendicuLaires formant un veritable Labyrinthe dans lequel meme Les soLdats se perdent. La tranchee, dans cette exceptionnelle dimension, est du jamais vu dans L'art de La guerre. Elle conduit done a L'adaptation et au perfectionnement des techniques de guerre : observation aerienne par ballon ou avion, lance-flammes, grenades... L'arme chimique entre en Lice : Le gaz est utilise pour La premiere fois par Les ALLemands a Ypres en Belgique, d'ou son nom d'Yperite (surnomme gaz moutarde). Une annee passe avant qu'arrivent Le fameux uniforme bleu horizon et Le casque « Adrian » remplagant L'uniforme rouge tres voyant et Le calot peu protecteur. Les historiens de la guerre s'interessent aujourd'hui a la vie des soldats, a la guerre pergue par les combattants. II reste malaise d'imaginer le quotidien des « poilus » aux conditions de vie tres difficiles en raison du mauvais ravitaillement, de la peur constante de la mort dans l'alter-nance d'offensives courageuses hors des tranchees et du martelement assourdissant d'explosions d'obus (I'artillerie est a l'origine des trois quarts des deces). Face a ces conditions extremes, on s'interroge sur le ressort de la resistance psychologique des soldats. L'elan patriotique peut-il a lui seul expliquer cette abnegation au combat ? Une majorite d'historiens de la guerre avance l'idee du role essentiel d'une « culture de guerre », fondant l'adhesion des combattants a une propagande habilement menee contre l'ennemi allemand, le « Boche », presente alors comme une menace pour la civilisation. Les recherches s'orien-tent egalement sur la culture des tranchees et notamment l'esprit de camaraderie, l'esprit de corps. Pendant cette guerre, au-dela de la defense de la patrie, le combat se fonde sur l'elan de solidarity. Une veritable culture des tranchees apparait avec ses journaux aux noms evocateurs : Le Crapouillot, L'echo des gourbis, Le Canard des poilus, L'Echo de la mitraille, etc. Moment d'evasion, un artisanat improvise transforme en objets d'art les balles, obus, casques... et reste pour nous l'echo du quotidien des poilus. Partie vil Le XXe siěcle (1914-2002) : la France entre guerres et paix Union sacrée autour de la defense de la patrie Pendant la guerre, 1'état-major impose ses vues au gouvernement pendant les premiers mois de la guerre. Pourtant, les institutions restent en place et fonctionnent presque normalement. Méme si le Parlement n'est pas renouvelé, aucune election n'a lieu pendant la durée des hostilités. Děs le debut de la guerre, René Viviani constitue un gouvernement ďunion nationale oú sont representees toutes les forces politiques de la droite jusqu'aux socialistes. Cette « Union sacrée » au sein du gouvernement perdure jusqu'en 1917. Un certain nombre de libertés sont néanmoins suspendues. La liberté de la presse est limitée car on redoute les indiscretions pouvant favo-riser 1'ennemi, comme en 1870 lorsque les Prussiens avaient connu les mouvements des troupes francaises grace aux journaux parisiens ! La censure commence : elle concerne d'abord les informations ä caractěre militaire, puis déborde rapidement vers le domaine politique. Toutes critiques contre le gouvernement ou le commandement, toute propagandě pacifisté (assimilée au défaitisme) sont condamnées. Malgré la censure, un journal critique emerge en 1916 : Le Canard enchainé. Le gouvernement cherche encore ä contröler l'opinion par la propagandě ä travers divers thěmes : heroi'sation des soldats francais, déni-grement des soldats allemands, encouragement de l'effort de guerre, amplification des victoires, minimisation des défaites, etc. Cette propagandě s'appuie sur de multiples supports : affiches, journaux, cartes postales, films... La population n'en reste pas moins méfiante face ä ce qu'on appelle alors « le bourrage de crane ». ■1916. Verdun : de la bataille au mythe Cette petite localité lorraine est jusqu'en 1916 connue pour le traité signé en 843 entre les trois petits-fils de Charlemagne se partageant l'Empire carolingien. Or, en 1916, Verdun devient le theatre de la plus sanglante des batailles de la Premiere Guerre mondiale. La bataille de tous les soldats La bataille de Verdun debute sur la rive droite de la Meuse. La forte-resse defendant la ville a été choisie par le commandement allemand pour « saigner á blanc », par un bombardement intensif, l'armee fran-caise. Cette derniěre n'a done pas d'autre choix que de tenir Verdun, veritable porte ďentrée vers Paris. L'offensive est lancée le 21 février 1916. La defense de la place est confiée au general Pétain, un specialisté Les Francais au XXe siecle Chapitre 11 de la defensive. Celui-ci, soucieux de ne pas exposer trop longtemps les memes soldats au feu ennemi, met en place une rotation des effectifs. L'engagement est en effet particulierement violent. Verdun atteint le paroxysme de la guerre d'usure. Ainsi, durant les dix mois de la bataille, soixante millions d'obus sont tires sur un front large de quelques dizaines de km2 ! Verdun devient alors un paysage lunaire, veritable champ d'obus d'ou s'eleve une odeur pestilentielle en raison des milliers de cadavres en decomposition. La resistance francaise s'organise cependant grace a la rotation des effectifs, mais le ravitaillement est difficile : une simple departemen-tale et une seule ligne de chemins de fer relient la ville a l'arriere. Chaque jour, des milliers de camions defilent a la cadence d'un vehi-cule toutes les 15 secondes sur cette route qualifiee de « Voie sacree » par la plume de l'ecrivain nationaliste Maurice Barres. Une legende dans la guerre : la « tranchee des ba'ionnettes » Pendant La bataiLLe, une compagnie est retrouvee enseveLie dans une tranchee par Les bai'onnettes affLeurant a La surface. Aussitot, chacun y voit un symboLe de L'heroi'sme des soLdats frangais, restes a Leur poste et enterres vivant. En fait, iL est probabLe que Les fusiLs aient servi a signaLer des sepuLtures creees a La hate, pratique courante a L'epoque. Cette scene marquante devient une Legende utiLisee a des fins de propagande. Un monument commemoratif, en hommage a ces soLdats courageux, sera d'aiLLeurs construit apres Le confLit. La contre-offensive frangaise lancee a l'automne permet la reconquete des territoires perdus en fevrier. Mais cette victoire est couteuse en etres humains : 163 000 Frangais et 143 000 Allemands sont morts a Verdun. Cette bataille devient le symbole de l'esprit de resistance et du courage des soldats frangais. ■1917. L'annee terrible L'Europe est en guerre depuis deux ans et demi. Les populations, qui croyaient a une guerre rapide, commencent a se decourager. L'effort de guerre qui repose sur une adhesion pleine et entiere de la population est compromis. L'objectif de victoire vacille avec la crise de l'annee 1917. Depuis le debut de la guerre, les etats-majors revent d'une offensive decisive susceptible de la faire basculer. En France, ce culte de l'offen-sive a deja conduit a la desastreuse bataille de la Somme, en juillet 1916, menee conjointement avec l'armee britannique. Le resultat est Partie vil Le XXe siěcle (1914-2002) : la France entre guerres et paix peu probant: on compte 100 000 morts du cöte francais pour une progression de 5 km ! En 1917, le commandement prepare une nouvelle offensive avec attaque surprise et utilisation des chars. Le general Nivelle, remplacant de Joffre, concentre l'attaque sur la region du Chemin des Dames, dans un relief encaisse juge imprenable. Cette offensive est un echec sanglant: en deux semaines, les combats font 40 000 morts et 100 000 blesses du cöte francais. Cette derniere offensive inutile provoque alors une vive emotion dans l'armee. De mai ä juin, les deux tiers des unites connaissent des muti-neries et des actes d'indiscipline. Les mutins reclament la fin des offensives absurdes et meurtrieres, l'amelioration de leurs conditions de vie, voire l'arret des hostilites. Pour maintenir la discipline, 4000 soldats sont juges par les conseils de guerre et 554 sont condamnes ä mort (dont 49 seront executes). Le nouveau chef de l'armee, le general Petain, cherche alors ä preserver le moral des troupes en ameliorant le quotidien des soldats et en stoppant les offensives inutiles. Cette prise de position est ä l'origine de sa tres grande popularite dans l'armee et dans la population. La chanson de Craonne Cette chanson restée anonyme, malgré La recompense promise par L'etat-major pour connaitre son auteur, exprime La détresse des soLdats en 1917 : Ceux qu'ont I'pognon, ceux-la r'viendront/ Car c'est pour eux qu'on crěve / Mais c'est fini, car les trouffions/ Vont tous se mettre en gréve/ Ce s'ra votre tour, messieurs les gros/ De montér sur I'plateau/ Car si vous voulez la guerre/ Payez-la d'votre peau ! (extrait). Cette vague de protestation ne traverse pas seulement l'armee, elle concerne aussi le pays a l'arriere. Depuis le debut de la guerre, la paix sociale avait ete maintenue par l'Union sacree. Avec la baisse du pouvoir d'achat, le debut de l'annee 1917 est marque par une serie de greves. A la Chambre, les partis de gauche se retirent du gouvernement en septembre. Georges Clemenceau forme alors un nouveau gouvernement, ancre plus a droite : c'est la fin de l'Union sacree sur le plan politique. Les fusilles de la memoire La poLemique provoquee en 1998 par Les propos de LioneL Jospin, ä Craonne, montre que Les pLaies ouvertes en 1917, ne sont toujours pas refermees et inter-disent La reintegration des mutins de 1917 dans La memoire nationaLe. 13 u >> a o u O © 346 Les Francais au XXe siede Chapitre 11 Pour le camp allié de la France, 1'année 1917 est aussi un tournant décisif: les États-Unis, indignés par 1'outrance de la guerre sous-marine allemande dans 1'océan Atlantique, entrent dans la guerre en avril. Le torpillage du Lusitania par les Allemands Déjá, le torpillage du paquebot britannique Lusitania, en mai 1915, avec ses 1198 victimes dont 128 Américains, avait fortement ému 1'opinion américaine. La strategie allemande viole ensuite le principe de Liberté de navigation, essen-tiel pour les Américains dont le commerce avec I'Europe est vital. Les États-Unis rompent alors avec « l'isolationnisme », doctrine de non-intervention dans les affaires européennes. Mais leur entrée en guerre est contrebalancée par la defection de 1'allié russe, due ä la revolution bolchevique ďoctobre 1917. Or, le front russe est essentiel pour les Allies qui visent ä écarteler 1'armée allemande entre deux fronts : ä rOuest et ä l'Est. Au bord de la guerre civile, le nouveau dirigeant russe, Lenine, hostile ä une guerre « imperialisté », négocie une paix séparée avec l'Allemagne le 3 mars 1918 : c'est la paix de Brest-Litovsk. L'arret des combats ä l'Est permet aux empires germaniques de concentrer leurs efforts ä l'Ouest. Cependant, la force industrielle et démographique des États-Unis doit entrainer ä terme un basculement en faveur des Allies. Pétain declare d'ailleurs : « J'attends les chars et les Américains. » ■ 1918. La victoire finale Le temps joue en faveur des Allies en raison de 1'arrivée progressive des contingents américains, et le commandement allemand le sait. Ce dernier decide done le tout pour le tout: trois offensives au printemps en Picardie, Flandres et Champagne. Pour démoraliser le pays, les populations civiles sont visées par l'artillerie. Le fameux canon «la Grosse Bertha » (du nom de la fille du fabricant de canons Krupp) frappe 1'église Saint-Gervais ä Paris, tuant du méme coup 88 personnes. Les populations sont trěs angoissées face aux premiers bombardements aériens allemands sur Londres et Paris avec les avions Gothas. Aprěs 1'échec de la derniěre offensive allemande, une contre-offensive alliée est dirigée par le commandant interallié, le general Foch. Les lignes allemandes sont enfoncées, prouvant la superioritě humaine et materielle des Allies. Pour la premiére fois depuis le debut de la guerre, les troupes allemandes marquent des signes de défaillance. Leur esprit de resistance est définitivement brisé par la vaste offensive conjointe Partie vil Le XXe siěcle (1914-2002) : la France entre guerres et paix des Allies, lancee le 26 septembre sur 350 km de front. Les empires austro-hongrois et ottoman sont egalement au bord de la deroute mili-taire. Plus grave pour l'Allemagne, l'arriere reclame l'armistice, alors que la situation devient pre-revolutionnaire avec le debut de la revolution spartakiste a Berlin. ■ Les spartakistes Groupe de sociaListes révoLutionnaires aLLemands comprenant deux femmes restées céLěbres, Rosa Luxemburg et Clara Zetkin. Ce mouvement faisait reference ä Spartacus, I'esclave qui a dirigé une grande revoltě contre Rome au premier siěcle avant J.-C. Apres 1560 jours de conflit, l'armistice est signe le 11 novembre par le marechal Foch, alors meme que les armees alliees n'ont pas penetre le territoire allemand. Le wagon de Foch, dans la clairiere de Rethondes en foret de Compiegne, decor de cette signature officielle, est reste dans les memoires. ■1919. La « paix perpetuelle » prepare une nouvelle guerre Un armistice est un arret des hostilites mais ne met pas fin ä l'etat de guerre. C'est l'objet des negociations de paix de 1919. La plus celebre est celle de Versailles, qui regie la paix entre les Allies et l'Allemagne. Clemenceau negocie pour la France, Lloyd George pour la Grande-Bretagne et Wilson pour les Etats-Unis. Evenement d'importance, c'est la premiere fois qu'un president americain quitte le territoire national. Ii est accueilli triomphalement ä son arrivee ä Paris en apotre de la paix. En effet, ce sont ses propositions, les fameux «14 points », qui ont servi de base aux negociations avec l'Allemagne. 14 points pour fonder un nouvel ordre mondial Le president des Etats-Unis, Wilson, propose une reorganisation des relations internationales afin d'instaurer une « paix perpetuelle » entre les nations. II propose entre autres la liberte du commerce dans une perspective libre-echan-giste, la mise en place d'une association des nations visant au respect du droit international, et le droit des peuples ä disposer d'eux-memes. Mais les disaccords se font vite sentir entre les Allies, notamment entre Clemenceau et Wilson. Pour les Francais, l'enjeu est d'obtenir des reparations financieres pour reconstruire un pays dont le quart Nord-Est est en mines. L'objectif est egalement de desarmer l'Allemagne afin de Les Frangais au XXe siecle Chapitre 11 garantir la securite de la France. Pour les Americains, bientot rejoints par les Britanniques, il ne faut pas trop affaiblir l'Allemagne pour ne pas rompre l'equilibre en Europe. Comme nul n'est pret a rompre l'alliance victorieuse, des compromis sont trouves. Le traite de Versailles est signe par les representants allemands le 28 juin 1919 dans la galerie des Glaces du chateau, la meme ou l'unite allemande avait ete proclamee moins de 50 ans plus tot. Le fameux article 231 fait de l'Allemagne la seule responsable des dommages de guerre qu'elle doit rembourser. Le traite ouvre done la delicate question des « reparations », future pomme de discorde entre les pays europeens. Des conditions humiliantes pour l'Allemagne L'Allemagne restitue I'Alsace et la Lorraine a la France et perd toutes ses colonies : le Togo et le Cameroun integrent alors I'empire colonial frangais. Afin de garantir le respect du traite, I'armee allemande est desarmee et reduite a seulement 100 000 hommes ; la rive gauche du Rhin est demilitarisee et la Rhenanie est occupee pour une duree de 15 ans. L'Allemagne ressort humiliee de ce diktat impose par les Allies. Le traite de Versailles prevoit la creation d'une Societe des Nations (SDN), ancetre de l'ONU, ayant vocation a imposer la paix par le respect du droit international (principe de securite collective). Les traites de Saint-Germain avec l'Autriche, de Neuilly avec la Bulgarie, de Trianon avec la Hongrie, de Sevres avec les Ottomans viennent parachever ce reglement de la guerre. Ces traites de paix modifient considerablement la carte de l'Europe : la partition de l'Empire austro-hongrois donne naissance a l'Autriche, a la Hongrie, a la Pologne, a la Tchecoslovaquie, a la Roumanie et a la Yougoslavie ; au Moyen-Orient, le demantelement de l'Empire ottoman conduit a l'apparition de nouveaux Etats : Syrie, Irak, Palestine et Arabie saoudite. Les traites ouvrent la voie au fascisme Ces traites ont ete tres mal regus dans les pays vaincus. Dans les annees 1920 et 1930, le nazisme s'appuiera sur les frustrations nees de ces traites, et leur remise en cause par Adolf Hitler sera I'un des fondements de sa popularite. Le traite de Versailles a ete egalement tres mal vecu en ItaLie, pourtant dans le camp des vainqueurs, les Italiens jugeant leurs gains territoriaux derisoires au regard de leurs pertes. Ce sentiment de frustration, « la victoire mutilee », sera un terreau pour la montee du fascisme. Paradoxalement, ces traites qui devaient instaurer la paix ont ete une des causes du futur conflit mondial de 1939-1945. Partie vii Le XXe siede (1914-2002) : la France entre guerres et paix La France de l'entre-deux-guerres : 1919-1939 Deux periodes se detachent: les annees vingt, qualifiees souvent d' « annees folles » pour signifier le retour ä une certaine forme d'insouciance apres la Grande Guerre. Mais ce phenomene concerne surtout les classes aisees parisiennes. Les annees trente, beaucoup plus sombres, constituent une veritable crise morale et politique malgre la breve embellie de l'ete 1936 faisant suite aux mesures sociales du Front populaire. ■ 1919-1924. L'union de la droite : la « Chambre bleu horizon » Les elections legislatives de 1919 voient la victoire du Bloc national, une alliance des partis de droite recrutant meme les partis conservateurs et catholiques ecartes du pouvoir depuis 1879. Pour la premiere fois, le Parti radical, dominant avant guerre, recule ä la Chambre des deputes. De nombreux deputes du Bloc national sont des hommes nouveaux recrutes parmi les anciens combattants. En reference ä la couleur de l'uniforme des poilus, la Chambre est appelee « Bleu horizon ». On a perdu le President ! Georges Clemenceau, bien qu'aureole par La victoire, s'est attire beaucoup d'ennemis a cause de ses positions tranchees. Aux elections presidentielles de 1920, c'est Le tres modere PauL Deschanel qui L'emporte, perpetuant La tradition du choix porte sur des personnalites de second plan pour Le poste presidential. Mais sa sante mentale est vacillante : Lors d'un voyage de nuit, il tombe du train ! Au petit matin, un couple de gardes-barriere voit arriver un homme en chemise de nuit leur annongant: « Je suis le president de la Repu-blique. » Demissionnaire, il est bientot remplace par Alexandre Millerand. L'ombre de la guerre plane sur la Chambre. Lors de la seance inaugu-rale, une intense emotion traverse les bancs des deputes a l'entree des representants de l'Alsace et de la Lorraine. La nouvelle legislature cherche a prolonger l'esprit de reconciliation qui caracterisait l'Union sacree. Une politique d'apaisement en direction de l'Eglise est ainsi menee : retablissement des relations diplomatiques avec le Saint-Siege, maintien (jamais remis en cause) du statut concordataire de Les Francais au XXe siede Chapitre 11 l'Alsace-Lorraine de 1801. La loi de separation des Eglises et de l'Etat ne s'appliquera pas dans ces regions. Pour remedier ä l'affaiblissement demographique provoque par la guerre (la population francaise en 1920 equivaut ä celle de 1870 avec 39 millions d'habitants environ), les lois durcissent la legislation contre l'avortement et la contraception. Sur le plan social, le gouvernement doit faire face, au printemps 1920, ä Tun des plus importants mouvements de greve de l'histoire politique francaise. Face ä la menace de greve generale, le gouvernement reagit: envoi des forces de l'ordre contre les grevistes, arrestations des diri-geants syndicaux qui brisent le mouvement, licenciements massifs de grevistes. Le syndicalisme francais en sortira pour de longues annees affaibli et divise. ■ 1920. Division de la gauche au congres de Tours Les socialistes de la SFIO sont, comme les syndicats, amenes a se posi-tionner par rapport a la revolution bolchevique de 1917. A Moscou, une IIP Internationale ouvriere (Komintern) a ete creee, et les partis socialistes europeens sont invites a y adherer. Mais lors du congres de Tours en decembre 1920, la SFIO se scinde en deux. La naissance du Parti communiste francais La majorite des socialistes approuve cette adhesion et cree la SFIC (Section frangaise de I'Internationale communiste), bientot appelee Parti communiste frangais (PCF). Le journal L'Humanite, fonde par Jaures en 1904, devient la voix du nouveau parti. Cependant, les effectifs vont rapidement s'ecrouler en raison des positions intransigeantes imposees par Moscou. A I'inverse, une minorite d'adherents (50 000) reste fidele a la SFIO et a la IP Internationale (toujours existante). lis rejettent I'alignement sur Moscou induit par I'adhesion a la IIP Internationale. Tout en gardant I'analyse marxiste des rapports sociaux, les socialistes preferent la voie du reformisme et de la social-democratie a la methode revolutionnaire. D'ailleurs, en 1924-1926, ils participent a la courte experience du Cartel des gauches aux cotes des radicaux. La division est durable entre les deux freres ennemis de la gauche : communistes et socialistes. En effet, le nouvel homme fort a Moscou, Joseph Staline, refuse toute alliance avec les « sociaux-traitres » malgre la montee de l'extreme droite anticommuniste pendant l'entre-deux-guerres. Partie vil Le XXe siěcle (1914-2002) : la France entre guerres et paix ■ 1926-1929. Poincaré sauve le franc La situation financiere de 1'État est critique depuis la guerre : le pays s'endette et le Franc est trěs instable. La crise financiere est ä l'origine de 1'instabilité ministerielle sous le Cartel des gauches de 1924. En juillet 1926, Raymond Poincaré est appelé ä la rescousse et forme un gouvernement d'union nationale alliant la droite et les radicaux. Figure rassurante et efficace, Poincaré gouverne pendant trois ans, une longé-vité exceptionnelle pour la IIP République ! Une politique énergique Poincaré měne une politique de reduction des dépenses publiques et d'augmen-tation des impöts permettant de rééquilibrer le budget de 1'État. La confiance des milieux financiers est restaurée et le cours du franc remonte. En 1928, afin de briser l'inflation et de réduire la dette publique, une devaluation du franc ramene son cours ä 1/5 de sa valeur de 1913. L'assainissement des finances permet la mise en place ďune politique de modernisation économique et sociale. En 1928, le gouvernement crée un systéme ďassurances sociales protégeant les salaries en cas de maladie, de maternitě, ďinvalidité, de retraite et de décés, permettant ä la France de rattraper son retard en la matiére. La méme année, la loi Loucheur annonce la creation de 200 000 habitations ä bon marché (HBM), ancétres des HLM. Cette politique modernisatrice permet de calmer les tensions sociales et politiques qui traversent le pays depuis la fin de la guerre, notamment aux deux extremes du paysage politique. ■ 1919-1939. Une reconciliation impossible avec l'Allemagne ? La grande question diplomatique de l'entre-deux-guerres est celle de la reconciliation franco-allemande. La méfiance et les rancunes sont fortes chez les deux ennemis d'hier. On peut néanmoins dégager trois phases dans les relations bilaterales entre la France et l'Allemagne durant l'entre-deux-guerres. 1919-1925 : intransigeance francaise De 1919 ä 1925, les rapports entre les deux pays sont soumis ä la question du paiement des reparations. Pour les Francais, c'est une evidence: « l'Allemagne paiera ». Cependant, le montant prévu est excessif pour les Allemands, incapables de payer dés 1922. En reaction, la France et Les Francais au XXe siěcle Chapitre 11 la Belgique décident d'occuper la Ruhr, premiere region industrielle allemande, pour prélever á la source les matiěres premieres. Désap-prouvant la politique francaise, les Américains et les Britanniques se désolidarisent de leur ancien allié, craignant une déstabilisation de 1'Allemagne, porte ouverte á la revolution communiste. Inoccupation de la Ruhr L'occupation de La region de Ruhr, dans La vaLLée du Rhin, se dérouLe dans un dimat trěs tendu : Les ALLemands mettent en pLace une resistance passive et orga-nisent une grěve généraLe. Les Francais réagissent vigoureusement: pres de 150 000 ALLemands sont expuLsés, Les manifestations sont réprimées avec vioLence. Le nouveau ministře des Affaires étrangěres aLLemand, Gustav Stresemann, opere aLors un changement de strategie. 1925-1933 : temps de détente De 1925 á 1933, l'heure est á la détente entre les deux pays. Cette nouvelle orientation diplomatique est notamment portée par Stresemann et son homologue du quai d'Orsay, Aristide Briand. Ce dernier fait le constat de laffaiblissement general de la France : économique, démographique et diplomatique. La France ne peut se permettre une nouvelle guerre et doit done trouver un terrain ďentente avec TAllemagne. En 1925,1'armée francaise évacue la Ruhr et les deux pays signent avec la Grande-Bretagne, lltalie et la Belgique le traité de Locarno, recon-naissant les frontiěres établies par le traité de Versailles. Lannée suivante, sur proposition francaise, 1'Allemagne est admise á la Société des Nations. Stresemann et Briand obtiennent alors le prix Nobel de la paix. En 1929, le pian du banquier américain Young réduit la dette allemande et échelonne les remboursements jusqu'en 1988. Eníin, en 1930, la Rhénanie est évacuée aprěs onze ans ďoecupation alliée. Tous les espoirs sont permis : la reconciliation franco-allemande passe également par des accords commerciaux et industriels ; de nombreux échanges intellectuels et culturels ont lieu entre les deux pays. L'idee de federation européenne revoit le jour. Toutefois, ce bel optimisme est bientót réduit en miettes par la erise économique et la montée du nazisme en Allemagne. 1933-1939 : la marche á la guerre De 1933 á 1939,1'arrivée au pouvoir ďAdolf Hitler marque une degradation rapide des relations franco-allemandes. La politique étrangěre nazie veut restaurer la puissance allemande, guidée par la remise en cause du Partie vil Le XXe siěcle (1914-2002) : la France entre guerres et paix traité de Versailles. L'Allemagne reconstitue son armée, remilitarise la Rhénanie et měne une politique agressive : soutien militaire aux nationa-listes espagnols durant la guerre d'Espagne, annexion de l'Autriche et de la region des Sudětes en Tchécoslovaquie, alliance avec l'Italie fasciste et le Japon imperialisté. Ne parvenant pas ä s'entendre avec la Grande-Bretagne, la France reste trěs isolée, tandis que les États-Unis měnent une politique isolationniste. La Seconde Guerre mondiale se profile avec, une fois de plus, la rivalitě řranco-allemande pour epicentre. ■ 1931. Une crise économique a retardement Les années 1930 sont le cadre de l'une des plus graves crises économi-ques de 1'histoire mondiale. Le 24 octobre 1929, les cours des actions ä la Bourse de Wall Street ä New York s'effondrent. La crise boursiěre vient sanctionner une situation de surproduction affectant l'ensemble des pays industriels. Rapidement, faillites et fermetures d'usines font exploser le chömage aux États-Unis, au Royaume-Uni et en Allemagne. L'economie frangaise, quant ä eile, ne s'enfonce dans la crise qu'en 1931 : sa faible integration dans les circuits commerciaux et financiers internationaux font préservée un temps. Cependant, la crise internationale rattrape une crise économique struc-turelle jusque-la peu visible. L'effondrement des devises étrangěres rend le Franc trop fort et freine la compétitivité des produits frangais ä l'exportation. Avec une demande étrangěre en baisse et une demande intérieure structurellement faible ä cause de la stagnation du pouvoir d'achat, l'offre dépasse la demande. La France entre ä son tour dans une crise de surproduction, tandis qu'ä l'etranger l'heure est dejä ä la reprise économique. La crise révěle les retards frangais, notamment en terme de compétitivité industrielle et de culture économique, avec une classe politique incapable de prendre les decisions nécessaires. Les repercussions sociales sont importantes : au moins la moitié des travailleurs sont alors en situation de chömage partiel (sur une population active d'environ 20 millions de personn es). Le secteur agricole n'est pas épargné ä cause de la baisse de la demande mondiale. En crise d'exportation, les caisses de 1'État se vident, au moment oú les problěmes sociaux et internationaux nécessitent une hausse des dépenses publiques. Dans ce domaine, la politique militariste alle-mande va relancer les dépenses ďarmement ä partir de 1933. Les Francais au XXe siěcle Chapitre 11 ■ 1934. Le palais Bourbon est attaqué par l'extreme droite La corruption fait scandale Le 6 février 1934, le regime républicain connaít 1'une des plus graves crises politiques de son histoire : des émeutiers ďextréme droite pren-nent ďassaut la Chambre des deputes et, sur la pression de la rue, le gouvernement doit démissionner. Cet événement marque la radicali-sation du debat politique en France, liée á la crise économique et morale qui traverse le pays durant les années 1930. Dénouons le řil des événements. Au debut de la décennie, la multiplication des scandales de corruption reveille l'antiparlementarisme, l'une des principales thématiques de l'extreme droite francaise. Stavisky, financier juif immigré, proche des francs-macons, est l'incarnation de ce que l'extreme droite tient en horreur. La contestation se tourne aussi contre le regime et l'Etat « budgétivore », cible des critiques de l'extreme droite rejointe sur ce theme par les partis de droite. L'affaire Stavisky : le scandale de trop Alexandre Stavisky est un escroc d'origine ukrainienne naturalise frangais. Sa vie mondaine trěs active lui permet de cultiver des relations fort utiles dans la haute societě parisienne. En décembre 1933, on découvre qu'il a détourné plus de 200 millions de francs. Le scandale édabousse de nombreuses personnalités proches de I'escroc : un ministře, des membres du Parquet de Paris, le préfet de Paris, des deputes radicaux et des journalistes, de quoi nourrir 1'idée ďune Répu-blique corrompue, chěre á l'extreme droite. Pis : le 9 Janvier 1934, I'escroc est retrouvé mort lors de son interpellation par la police. Le Canard enchainé titre « Stavisky se suicide d'un coup de revolver qui lui a été tiré á bout portant. » La vérité n'a jamais été faite sur cette affaire par la suite. La nebuleuse d'extreme droite La contestation du regime republicain est portee par plusieurs formations politiques, appelees Ligues, en plein renouveau au cours des annees 1930. Ces formations recrutent au sein des classes moyennes, durement affectees par la crise economique, mais aussi aupres des anciens combattants et des intellectuels. Si l'extreme droite n'est pas Partie vii Le XXe siecle (1914-2002) : la France entre guerres et paix un ensemble coherent, certains themes sont recurrents comme l'anti-parlementarisme, le nationalisme ou la defense des valeurs tradition-nelles. Deux formations se distinguent ici : l'Action francaise de Charles Maurras et les Croix-de-Feu du colonel de La Rocque, association d'anciens combattants creee en 1927 qui atteint pres de 200 000 membres en 1934. Les annees 1930 voient egalement l'emergence de nouvelles mouvances influencees par le fascisme italien qui seduit des hommes de droite et de gauche. C'est le cas du Parti franciste cree en 1933. Le fascisme est en effet une tentative de fusion des ideologies socialiste et nationaliste portees par un Etat totalitaire (visant a l'encadrement de la totalite de la vie des hommes) et militariste. Cependant, en France, le gout de la guerre porte par le fascisme fait peu recette, dans un pays qui reste traumatise par la Grande Guerre. Le francisme ne depassera jamais quelques milliers de membres avant la guerre. L'annonce de la nomination d'un radical a la tete du gouvernement, Edouard Daladier, dechaine les ennemis de la Republique radicale. Droite et extreme droite prevoient de manifester le jour de la presentation du gouvernement a la Chambre. Le 6 fevrier, la manifestation sombre dans la violence, et plusieurs emeutiers issus des ligues les plus radicales tentent un coup de force devant le palais Bourbon. Au petit matin, on compte une quinzaine de morts et plus de 2000 blesses. La presse de droite attaque avec vehemence le gouvernement et contraint le president du Conseil Daladier a demissionner. L'evenement pousse les forces de gauche a s'allier dans le cadre du Front populaire. Ennemis d'hier, allies de demain Le Front populaire nait d'une reaction des partis de gauche (radicaux, socia-listes, communistes) contre la journee du 6 fevrier 1934. Celle-ci est lue alors, a tort, comme ^emergence du fascisme en France dans la lignee de ce qu'ont connu I'ltalie et I'AUemagne. Sur cette crainte, une alliance electorate fondee sur I'opposition au fascisme reunit pour la premiere fois communistes et socialistes. Peu apres, les radicaux decident de rejoindre les deux partis ouvriers. Dans I'esprit des hommes de I'epoque, il s'agit de reconstituer I'alliance entre classes moyennes et populaires comme aux grandes heures de la Revolution frangaise. D'ailleurs, les partis et associations de gauche organisent un grand rassemble-ment unitaire le 14 juillet 1935, point de depart du Front populaire, en vue des elections legislatives du printemps 1936. Les Frangais au XXe siecle Chapitre 11 ■ 1936-1938. Le Front populaire prend le pouvoir Leon Blum a la tete du gouvernement Lors des elections legislatives de 1936, les candidats du Front populaire se desistent au second tour en faveur du candidat le mieux place lors du premier. Au final, la gauche ne progresse que fort peu ; le veritable changement tient dans la forte progression du PCF et le recul des radicaux, depasses pour la premiere fois par la SFIO. Mais sans l'appui des radicaux, les partis ouvriers n'obtiennent pas la majorite a la Chambre. En position d'arbitres du jeu politique, les radicaux doivent laisser le dirigeant de la SFIO, Leon Blum, prendre la tete du gouvernement. C'est une premiere pour un socialiste mais aussi pour les femmes. En effet, trois femmes entrent au gouvernement comme sous-secretaires d'Etat, alors qu'elles ne disposent toujours pas paradoxalement du droit de vote ! Signe des temps, un sous-secretariat aux Sports et aux Loisirs est egalement cree, bientot surnomme « ministere de la paresse » par l'opposition. Les communistes decident de ne pas prendre de portefeuille ministeriel afin de pouvoir garder leurs distances avec la politique du Front populaire. Les greves joyeuses de mai et juin 1936 L'annonce de La victoire du Front popuLaire provoque une grande vague de greves et d'occupation d'usines dans tout Le pays qui souLigne Les espoirs que pLace La cLasse ouvriere dans Le nouveau gouvernement. A droite, on craint Le debut d'une revolution sociaLe face a un mouvement d'une ampLeur inaccou-tumee. Pourtant Les greves ont Lieu dans une atmosphere bon enfant ou L'usine s'improvise baL popuLaire. Les accords de Matignon Les debuts du gouvernement sont difficiles puisqu'il faut remettre au travail les 2 millions de grevistes. C'est l'objet des accords de Matignon, signes par des representants du patronat et de la CGT en juin 1936. Fondes sur une amelioration du pouvoir d'achat dans le cadre d'une politique de relance de la demande, ces accords prevoient une revalorisation de 7 a 15 % des salaires. lis cherchent egalement a organiser le dialogue social en preconisant la signature de conventions collectives dans les entreprises et en imposant le respect du droit syndical. Le Partie vii Le XXe siecle (1914-2002) : la France entre guerres et paix dispositif est complete par les grandes lois de l'ete 1936 qui mettent en place les deux premieres semaines de conges payes et la semaine de 40 heures (visant a ameliorer les conditions de vie des ouvriers). Les loisirs pour tous Une veritable legende se construit autour de l'ete 1936, percu comme le debut d'une nouvelle ere par le monde ouvrier. Pour la premiere fois, un gouvernement apparait soucieux d'equite sociale et guide par un esprit humaniste. On retient surtout les premiers conges payes, ouvrant les vacances aux classes populaires, jusque-la privilege exclusif des classes aisees. Plus tard, une troisieme semaine sera accordee en 1956, une quatrieme en 1969 puis une cinquieme en 1981. On assiste alors egalement a la creation des auberges de jeunesse, des premiers tarifs reduits dans les transports ou les musees et au developpement du sport... Le Front populaire donne naissance a la societe de loisirs appelee a se developper tout au long du siecle. Veritable parenthese d'optimisme dans une epoque tourmentee, l'euphorie des premiers mois du Front populaire se heurte pourtant bien vite aux dures realites de la crise affectant la societe francaise. Les echecs du Front populaire Le gouvernement Blum ne parvient pas a sortir la France de la crise economique malgre une legere embellie apres les reformes de l'ete 1936. La politique de relance par la consommation se heurte a l'infla-tion qui annule les benefices de la hausse des salaires. En outre, l'hosti-lite des milieux d'affaires vis-a-vis du nouveau gouvernement entraine une fuite des capitaux vers l'etranger et la destabilisation du franc. Des fevrier 1937, Leon Blum est contraint d'annoncer une « pause dans les reformes ». A l'etranger, en juillet 1936, l'armee espagnole menee par les generaux Molla et Franco se souleve contre le gouvernement republicain. C'est le debut de la guerre civile espagnole. Alors que les armees nationalistes sont clairement soutenues par les puissances fascistes, les democraties refusent de soutenir officiellement le gouvernement espagnol. Le rejet britannique de toute forme d'intervention et le pacifisme de la societe francaise contraignent le gouvernement Blum a la neutralite. Le gouvernement prend alors conscience de l'isolement diplomatique de la France et de sa faiblesse militaire. En outre, le Parti communiste, recla-mant « des canons et des avions pour l'Espagne », commence a se detacher du gouvernement. A l'inverse, les puissances fascistes envoient des troupes et du materiel pour soutenir le combat des nationalistes. Les Francais au XXe siede Chapitre 11 L'Espagne devient un vaste terrain d'entramement pour l'armee alle-mande, qui developpe sa Strategie de bombardement aerien dont Guernica, village basque rase le 26 avril 1937, est la plus celebre victime, grace au temoignage du fameux tableau de Picasso. Une neutralite risquee La non-intervention dans Le confLit espagnoL est Le premier grand recuL des democraties Liberales face aux puissances fascistes. En effet, L'absence de soLi-darite entre La Grande-Bretagne et La France Laisse Le champ Libre aux poLitiques imperiaListes menees par L'ItaLie et L'ALLemagne, preparant Le terrain d'une nouveLLe guerre mondiaLe. C'est aussi un constat d'echec pour Le Front popuLaire, fonde ä L'origine dans La Lutte contre Le fascisme. En juin 1936, le Front populaire dissout les ligues d'extreme droite conformement ä son programme politique. Mais celles-ci ne disparais-sent pas pour autant: le colonel de La Rocque cree le Parti social fran-cais (PSF) dans la lignee de la droite nationaliste classique, tandis qu'un dissident du Parti communiste, Jacques Doriot, fonde le PPF (Parti populaire francais), d'inspiration clairement fasciste. En meme temps, un ancien militant de l'Action francaise cree un groupuscule terroriste, la Cagoule, qui vise un coup d'Etat militaire. L'extreme droite s'en prend tres violemment ä Leon Blum, victime de lamentables insultes antisemites. La droite se dechame egalement contre le ministre de l'Interieur, Roger Salengro, injustement accuse de desertion pendant la Grande Guerre. Pres ebranle par cette Campagne de diffamations, Salengro se suicide le 17 novembre 1936. Un veritable climat de haine s'installe en France sous le Front populaire, preuve des profonds clivages qui se creusent dans un pays alors en pleine crise morale. L'Union sacree de la guerre de 1914-1918 parait desormais bien loin, alors que le pays doit faire face ä des difficultes necessitant au contraire un front uni. D'ailleurs, la proposition de Leon Blum de former un gouvernement d'union nationale se heurte au refus categorique de la droite. Abandonne par les radicaux, Blum demis-sionne en avril 1938. ■ 1938. Le « lache soulagement » des Munichois Depuis son arrivee au pouvoir en 1933, Hitler multiplie les coups de force. Le dernier en date est I'Anschluss (mars 1938), c'est-ä-dire l'inte-gration de l'Autriche dans le Reich allemand. Le vieux reve pangerma-niste de reunion de tous les peuples germaniques au sein d'un meme Partie vil Le XXe siěcle (1914-2002) : la France entre guerres et paix Etat est sur le point de se réaliser. En septembre 1938, Hitler regarde vers les Sudětes, region germanophone ä l'ouest de la Tchécoslovaquie. Or, cette derniěre est liée ä la France depuis 1924 par un traité ďalliance militaire. L'armee tchécoslovaque est d'ailleurs formée et équipée par les Francais. Pourtant, en septembre 1938, le gouverne-ment francais abandonne la Tchécoslovaquie lors de la conference de Munich. Une solution négociée par la France, l'Allemagne, la Grande-Bretagne et l'ltalie — en l'absence notable des Tchécoslovaques et des Soviétiques (ce qui a don d'agacer Staline) —, valide l'annexion des Sudětes. Le négociateur britannique, le Premier ministře Neville Chamberlain, a fermement défendu une politique d'apaisement vis-a-vis de l'Allemagne, ä laquelle Édouard Daladier, le nouveau president du Conseil radical, est contraint de se rallier. L'esprit munichois : une expression devenue infamante Ä leur retour dans leurs pays respectifs, Chamberlain et Daladier sont accueillis en héros, malgré leurs graves concessions ä Hitler, par des populations viscé-ralement attachées ä la paix. D'ailleurs, le premier sondage organise en France est realise ä propos de Munich. II montre que 57 % des Frangais soutiennent ces accords, méme si la majoritě souhaite que cela soit la derniěre concession vis-ä-vis de l'Allemagne. Cest ce que I'on appelle « l'esprit munichois » : la recherche de la paix ä tout prix. Le futur Premier ministře britannique Winston Churchill aura un jugement sans appel sur cet esprit de Munich : « Le gouver-nement avait ä choisir entre la honte et la guerre. II a choisi la honte et il a eu la guerre. » En France, Leon Blum avoue étre partagé entre « le lache soulage-ment et la honte ». L'esprit munichois sera invoqué par George W. Bush, appelant le monde a ne pas répéter les erreurs des Britanniques et des Frangais en 1938. Par lä, il justifiera Intervention américaine en Irak en mars 2003, présentée comme une guerre des démocraties contre la dictature. ■ 1939. L'Allemagne envahit la Pologne Les accords de Munich marquent la fin du Front populaire : socia-listes et communistes passent dans l'opposition. Les reformes sociales du gouvernement Blum sont annulees pour mettre en place une economie de guerre, preuve que le gouvernement ne se fait pas d'illu-sions au sujet de la paix. En mars 1939, Hitler rompt les engagements pris ä Munich et envahit la Tchecoslovaquie. En aoüt 1939, c'est la stupeur dans le monde : les deux ennemis d'hier, l'Allemagne et l'URSS, ont signe un pacte de non-agression ! C'est un echec patent Les Frangais au XXe siěcle Chapitre 11 pour la diplomatic řrangaise qui cherche depuis 1934 ä se rapprocher de la puissance soviétique dans 1'idée de forger une alliance contre 1'Allemagne nazie. Le Ier septembre 1939, 1'Allemagne pretexte un incident de frontiěre, monté de toute piece par les nazis pour envahir la Pologne. Aucun recul n'est désormais possible : la France et la Grande-Bretagne décla-rent la guerre ä 1'Allemagne le 3 septembre. Cest le debut de la Seconde Guerre mondiale, le conflit le plus meurtrier de l'histoire de 1'humanité. La Seconde Guerre mondiale : septembre 1939 - aoůt 1945 La troisiěme confrontation avec 1'Allemagne en moins de 70 ans s'inscrit dans un conflit ďenvergure planétaire. La quasi-totalité des pays y prend part, et ce conflit, tant militaire qu'ideologique, se porte sur plusieurs fronts : européen, nord-africain, moyen-oriental, asia-tique, océan Pacifique. Deux phases sont généralement distinctes : de 1939 á 1942, la periodě est favorable aux puissances de 1'Axe, avec une Allemagne maitresse de 1'Europe continentale et un Japon dominant tout 1'Extréme-Orient. 1942 voit un retournement de situation dans le Pacifique et en Méditerranée, lancant le mouvement irreversible de la reconquéte par les Allies. ■ 1939-1940. La dróle de guerre La « dróle de guerre » couvre la periodě qui s'etend de 1'entrée en guerre de la France en septembre 1939, au debut de 1'invasion alle-mande en mai 1940. Les soldats sont mobilises mais ne combattent pas, ďoú cette expression inventée par 1'écrivain Roland Dorgelěs pour décrire une situation militaire inédite. Pour 1'état-major, toute nouvelle guerre doit étre defensive ; 1'idée n'est pas complětement stupide, ďailleurs les Allemands ont eux-mémes leur ligne de fortification : la ligne Siegfried. La France n'a pas les moyens humains de reproduire la « saignée » de 14-18 : pour écono-miser des vies, elle emploie done une strategie defensive. Comme le dit un homme politique de 1'époque, Louis Marin, « nous ne pouvons á nos frais offrir au monde une bataille de la Marné tous les vingt ans ». Partie vii Le XXe siede (1914-2002) : la France entre guerres et paix Une mobilisation efficace En quelques semaines, 5 millions de Frangais ont revetu l'uniforme avec resignation et sont positionnes sur la Ligne Maginot. Cette Ligne de fortifications allant du Rhin ä la foret des Ardennes, reputee infranchissable, decoule des conceptions militaires de l'epoque, en retard sur leur temps. Jusqu'ä Noel 1939, l'armee frangaise ne compte qu'un seul mort car les combats se deroulent ailleurs, notamment en Pologne oü l'armee archai'que est balayee en quelques semaines par l'armee allemande, la Wehrmacht, et par l'Armee rouge. L'URSS profite en effet de l'invasion allemande pour entrer en Pologne, conformement ä un accord secret du pacte germano-sovietique partageant ce pays entre les deux puissances. Cette alliance des Etats totalitaires conduit ä l'interdiction du Parti communiste frangais en septembre 1939. Pendant ce temps, il faut occuper les soldats. Travaux des champs, distribution de ballons de football, tournees musicales de Maurice Chevalier n'y font rien : le moral des soldats decline dans l'attente et l'inaction. Les Frangais pensent que le temps va jouer en faveur des Allies, forts de leurs empires coloniaux et de leur potentiel industriel. La Strategie d'attente s'accompagne egalement d'une certaine confiance dans la force de l'armee frangaise, reputee depuis Verdun comme la « premiere armee du monde ». Mais cette Strategie va jouer en faveur de l'Allemagne. Le 10 mai 1940, debarrasses du front polonais, les Allemands jettent toutes leurs forces sur le front Ouest: c'est le debut de la Campagne de France. ■ 1940. Hitler bat la « premiere armee du monde » Une defaite qui au rait pu etre evitee La Campagne de France de 1940 est le negatif de la Campagne de 1914. Alors qu'en 1914, la guerre devait etre courte et allait durer quatre ans, la situation inverse se produit en 1940. Bien que les etats-majors aient prepare une guerre d'usure, la rupture recherchee pendant quatre ans durant la Premiere Guerre mondiale se produit des le printemps 1940. En moins de six semaines, l'armee frangaise est balayee au terme d'une stupefiante guerre eclair, par la Strategie allemande de Blitzkrieg. La defaite est directement imputable aux erreurs strategiques des generaux frangais. Fondant leur plan sur l'impossibilite de franchisse-ment de la foret des Ardennes, ils delaissent cette zone, uniquement protegee par des regiments peu entraines et mal equipes. Or, c'est Les Francais au XXe siecle Chapitre 11 precisement la que l'armee allemande lance ses chars d'assaut, les Panzer, qui franchissent sans mal la frontiere, coupant ainsi l'armee francaise en deux. Tout est joue : c'est le debut d'une debacle de six semaines. A l'Ouest, l'armee allemande accule les Francais et les Britanniques dans la poche de Dunkerque : 200 000 soldats britanniques et 130 000 soldats francais parviennent a s'echapper par la men A l'Est, malgre des combats acharnes particulierement sanglants, l'avancee allemande ne peut etre contenue. Le 14 juin, les premiers soldats allemands entrent dans Paris. Un vent de panique parcourt le pays La progression allemande jette des centaines de milliers de civils sur les routes de I'exode. En quatre jours, 2 millions de personnes fuient la region parisienne, emportant le maximum de biens personnels. On estime a pres de 8 millions le nombre de personnes quittant leur foyer en mai et juin. Pourtant, les risques sont grands car les convois de civils sont bombardes par I'aviation allemande. Au sein du gouvernement, la panique n'en est pas moins grande. Paul Reynaud forme un nouveau gouvernement avec la vieille gloire de Verdun, le marechal Petain, mais aussi un certain Charles de Gaulle, nomme sous-secretaire d'Etat a la Defense nationale. Comme en 1870, le gouvernement doit quitter Paris pour la Touraine puis Bordeaux. Le debat tourne autour de la question de l'armistice. Le camp des defai-tistes l'emporte le 16 juin : le marechal Petain prend la place de Paul Reynaud. Les autres preferent fuir le pays, a l'image d'une soixantaine de parlementaires embarquant pour le Maroc ou de De Gaulle qui s'envole vers l'Angleterre. Deux hommes qui ne sont pas sur la meme longueur d'onde Charles de Gaulle et le marechal Petain ont deux visions opposees de la situation dejuin 1940. Pour De Gaulle, comme il I'explique depuis Londres dans son fameux appel radio-phonique du 18 juin 1940, la defaite est imputable aux erreurs strategiques du haut commandement frangais. II a une vision a long terme de la guerre, ne faisant pas de la defaite frangaise la fin d'une guerre qu'il anticipe comme mondiale, et appelle done a poursuivre le combat. C'est I'acte de naissance de la Resistance. En revanche, la celebre phrase : « La France a perdu une bataille, mais la France n'a pas perdu la guerre » n'apparait pas dans I'appel gaullien comme on le croit souvent. Elle est utilisee pour la premiere fois sur une affiche placardee a Londres en juillet 1940. Partie vil Le XXe siěcle (1914-2002) : la France entre guerres et paix Pétain au contraire, dans son allocution radiodiffusée du 20 juin, interprete la défaite comme le résultat ďun déclin moral et ďun mauvais équipement de 1'armée, rejetant ainsi la responsabilité de la défaite sur la classe politique. Mais contrairement aux idées regues, 1'armée frangaise dispose d'un armement modeme et possěde plus de chars que la Wehrmacht. Seule I'aviation frangaise est inférieure á la Luftwaffe allemande. L'armistice honteux Le 22 juin, des representants du gouvernement francais signent l'armistice. Par esprit de revanche, Hitler insiste pour que l'acte soit signe a l'endroit meme oil les Allemands avaient signe l'armistice le 11 novembre 1918, dans le fameux wagon de la foret de Rethondes. La France s'engage a livrer son materiel de guerre, sauf I'aviation et la flotte. Le pays est coupe en deux avec une zone occupee et une zone « libre », tenue neanmoins de payer de tres lourds frais d'occupation. L'Alsace et la Lorraine repassent sous administration allemande. Les Francais doivent livrer les refugies politiques allemands, notamment les socialistes et les communistes. Les Allemands gardent un moyen de pression sur les autorites francaises en amenant en Allemagne plus d'un million et demi de prisonniers de guerre, veritables otages politiques durant toute la duree de la guerre. ■ Vichy : politique en eaux troubles Petain incarne le nouveau regime Le 11 juillet 1940, la IIP Republique est enterree au profit d'un nouveau regime appele « Etat francais ». La veille, dans le grand casino de la ville, le marechal Petain avait recu les pleins pouvoirs accordes par l'Assemblee nationale (ce qui correspond ä l'epoque ä la Chambre des deputes et au Senat) par 468 voix pour, 80 contre et 20 abstentions. Le nouveau regime nait done dans la legalite au terme d'un veritable sabordage democratique. L'effondrement est tout autant moral que militaire, et beaucoup voient dans le heros de Verdun le seul homme capable de redresser le pays. Vichy, petite ville d'eaux d'Auvergne, devient ainsi pendant quatre ans la capitale de la France, les nombreux hotels de cette station thermale pouvant accueillir les services de l'administration centrale. Les Frangais au XXe siěcle Chapitre 11 Philippe Pétain (1856-1951) : du firmament aux abimes de 1'Histoire Le maréchaL est né en 1856, sous Le Second Empire, dans une famille paysanne. Toute sa carriěre s'effectue dans 1'armée comme officier ďinfanterie. En 1914, coLoneL proche de La retraite, La Grande Guerre constitue un nouveL éLan pour cet homme qui, á queLques années pres, aurait pu rester dans L'ombre de L'Histoire. Nommé généraL en aout 1914, expert de La defensive, iL dirige Les operations á Verdun et, La victoire venant, devient un héros nationaL. Pendant L'entre-deux-guerres, iL garde une certaine influence politique puisqu'il est appeLé au gouvernement en 1934. Á La fin de cette periodě, ses valeurs tradi-tionalistes Le rapprochent des milieux ďextréme droite, sans que son nom soit officiellement rattaché á un courant particulier. En 1940, il est appelé au gouvernement comme vice-president puis comme president du Conseil. L'appel ďun homme trěs ágé perpétue une tradition bien frangaise de recours á la figure du vieux sage appelé á La rescousse en situation de crise, comme Thiers, 74 ans en 1871, ou Clemenceau, 76 ans en 1917. Aujourďhui, son nom est rattaché á la politique de collaboration avec 1'Alle-magne nazie, instaurée sous son autoritě par le regime de Vichy á La Liberation, politique qui Lui vaudra d'etre condamné á mort, sentence commuée par De Gaulle en peine de prison á perpétuité. IL meurt en 1951 á 1'áge de 95 ans sur I'ile d'Yeu. Un veritable pouvoir personnel d'allure monarchique se met en place : le Marechal est tout a la fois chef de l'Etat et chef du gouvernement. Le Parlement lui a abandonne le pouvoir legislatif. C'est la victoire dune vision autoritaire et paternaliste du pouvoir : a 84 ans, Petain incarne la figure du patriarche sage, patriote et simple. Le nouveau regime se rapproche des dictatures de l'epoque (Allemagne, Italie, Espagne, URSS) fondees sur le culte du chef (Hitler, Mussolini, Franco, Staline). Ce culte s'appuie sur une propagande tres active, non contestee par les Francais en raison de la forte popularity du Marechal alimentee par les discours a la radio, les portraits (le portrait du Marechal se substitue au visage avenant de Marianne sur les timbres-poste), les chansons (« Marechal, nous voild »), les images d'Epinal, les jeux pour les enfants, etc. Le marechalisme : une culture populaire L'abecedaire du Marechal est un objet vehiculant Le culte du chef et Les nouvelles valeurs du regime : D comme Drapeau, H comme Honneur, M comme Marechal... Les resistants en zone occupee detournent cet abecedaire a I'aide d'un tract ou I'on peut Lire : La Republique D.C.D., La Nation A.B.C., la GLoire F.A.C., La liberte F.M.R., mais L'espoir R.S.T. ! Partie vii Le XXe siede (1914-2002) : la France entre guerres et paix Pour autant, le nouveau regime n'est pas une dictature personnelle, car pendant la guerre, des luttes d'influence auront lieu dans les cercles du pouvoir. Jusqu'en decembre 1940, l'homme fort du regime est le vice-president du Conseil, Pierre Laval, qui a manoeuvre en faveur de l'armistice ; le regime peut egalement s'appuyer sur l'administration car la majorite des fonctionnaires se rallie ä Vichy. Un large eventail politique pour les cadres du regime de Vichy IL ne faut pas croire que tous Les hommes de Vichy sont issus de L'extreme droite. Certes, Les membres de L'Action frangaise ou Les anciens Ligueurs sont nombreux, mais on trouve aussi des hommes en rupture avec Les partis ou Les syndicats de gauche. Chez ces derniers, Le raLLiement ä Vichy tient souvent ä une revanche personneLLe fondee sur des rancceurs. L'ecrivain Bernanos parLe ainsi de Vichy comme de La « revolution des rates ». Un veritable meLting-pot politique se met en pLace dans Leur rejet commun des institutions republicaines et La soumission ä l'autorite du marechal Petain. Toutefois, rivalites et trahisons persistent. La revolution petainiste Le marechal et son gouvernement mettent en place une politique de retour aux valeurs traditionnelles appelee « revolution nationale ». Pourtant, c'est bien de contre-revolution qu'il s'agit, car c'est toute la France construite depuis 1789 qu'ils entendent detruire : le Systeme representatif fonde sur le suffrage universel est supprime ; les chambres, denuees de tout pouvoir dans le nouveau regime, ne sont plus reunies ; les maires et les conseillers municipaux des villes sont nommes par le gouvernement; les syndicats sont supprimes et le droit de greve interdit; nombre d'hommes politiques de la defunte Republique comme Leon Blum, Edouard Daladier ou Paul Reynaud sont arretes et designes comme responsables de la defaite. Le long travail de construction de la democratic en France, depuis 1789, est done balaye en quelques mois. L'ecole republicaine est parti-culierement visee, jugee responsable du declin national: l'ecole lai'que est supprimee, les programmes revises, les manuels changes, la selection dans le secondaire retablie, l'enseignement confessionnel encourage. Les fractures religieuses qui ont divise la France tout au long du XIXe siecle et que l'on a cm un temps effacees dans l'euphorie de la victoire de 1918 sont done rouvertes. Retrouver I'ordre ancien Les valeurs de Vichy sont resumees dans la nouvelle devise : « Travail, Familie, Patrie ». Les Francais au XXe siede Chapitre 11 Par travail, Vichy entend le travail agricole ; le regime prone done, en 1930, un retour ä la terre dans un pays devenu majoritairement urbain. Comme le declare Petain, « la terre, eile, ne ment pas ». Ii s'agit d'exalter le paysan sain et vigoureux pendant qu'on impute la defaite ä une degenerescence tant physique que morale. Des structures d'enca-drement de la jeunesse sont mises en place afin d'elever les jeunes generations dans les valeurs du nouveau regime. Le declin moral doit etre combattu par un retour aux valeurs de la famille incarnees par la famille paysanne traditionnelle. Vichy mene done une intense politique nataliste : avantages fiscaux, lutte contre le travail feminin, restrictions du droit de divorce, creation de la fete des meres, criminalisation de l'avortement. La Patrie, enfin, est la valeur centrale d'une ideologic fondee sur l'attachement visceral ä la terre, defendue par un homme : Petain. Cette terre doit etre epuree, il faut « rendre la France aux Francais ». Cette politique exclut de la communaute nationale les communistes, aux ordres de Moscou et considered ä ce titre comme apatrides, les Tsiganes et les Juifs. Heritier de l'antisemitisme du XIXe siecle, Vichy met en place, de sa propre initiative et sans injonction nazie, un « Statut des Juifs » ä partir d'octobre 1940, puis un commissariat general aux questions juives en mars 1941. Desormais spolies de leurs biens, les Juifs sont exclus de la fonction publique, de la magistrature, de l'armee, des medias, de la Culture. Les Juifs etrangers, notamment les Allemands refugies en France dans les annees 1930, sont astreints ä residence avant d'etre emprisonnes dans des camps en France (Gurs, Rivesaltes...), anti-chambres des camps de la mort nazis. La haine plus ou moins contenue depuis l'affaire Dreyfus se deverse de nouveau sur la communaute juive. Le choix de la collaboration Pour les hommes de Vichy, il ne fait aucun doute que l'Allemagne sortira vainqueur du conflit. Il faut done arrimer la France dans ce nouvel ordre europeen domine par l'Allemagne. En outre, l'anglo-phobie est forte et certains preferent une Europe allemande ä une Europe anglaise. Cette haine de l'Angleterre a ete ravivee apres la destruction d'une partie de la flotte francaise refugiee dans la rade de Mers el-Kebir (Algerie) par la marine anglaise en juillet 1940, lorsque Londres craignait de voir l'Allemagne s'emparer de la flotte francaise. Partie vil Le XXe siěcle (1914-2002) : la France entre guerres et paix Aussi, la stratégie du gouvernement de Vichy est d'aller aux devants des demandes de l'Allemagne : c'est la collaboration d'État. Le 24 octobre 1940, ľentrevue de Montoire (pres de Tours) entre Pétain et Hitler, de retour d'Espagne, est le résultat de demandes insistantes du côté frangais de rencontrer le Führer (le « guide »). La police francaise traque les Juifs Cette stratégie s'incarne dans ľaide apportée par la police frangaise ä la politique anticommuniste et antisemité de ľoccupant. Les 16 et 17 juillet 1942, les policiers frangais raflent ainsi 12 884 hommes, femmes et enfants juifs, internes pendant cinq jours au velodrome ďhiver ä Paris (« Veľ d'Hiv' ») et au camp de Drancy au nord de Paris, derniěre etape avant la deportation vers Auschwitz pour un tiers d'entre eux. Au final, 75 721 Juifs, deux tiers ďorigine étrangěre et un tiers de nationalité frangaise, ont été déportés depuis la France aprěs la mise en place de la « solution finale » en Janvier 1942. Parmi eux, 10 000 enfants et adolescents de moins de dix-huit ans sont partis sur demande du gouvernement frangais. Seuls 3 % des déportés sont revenus des camps de la m ort. La collaboration s'exerce également dans le domaine économique avec ľaide apportée par la France ä ľeffort de guerre allemand. Ainsi, afin de rapatrier les prisonniers de guerre frangais internes en Allemagne, le gouvernement négocie « la relěve» en juin 1942, c'est-a-dire ľéchange ďun travailleur frangais pour un prisonnier de guerre. En février 1943, le service du travail obligatoire (STO) contraint tous les hommes de 21 ä 23 ans ä partir travailler en Allemagne. La collaboration industrielle Méme si beaucoup ďentrepreneurs prétextent, ä la Liberation, du caractěre force de cette collaboration, beaucoup ďentreprises ne rechignent guěre ä faire affaire avec l'Allemagne. Face ä la delegation patronale, de Gaulle s'excla-mera alors : « Je n'ai vu aucun de vous, messieurs, ä Londres. » La participation de la France ä ľeffort de guerre allemand est importante et explique les bombardements allies sur les usines frangaises, comme Renault de Boulogne-Billancourt en mars 1942. La politique de collaboration est au final un veritable leurre. L'entente avec l'Allemagne est un marché de dupes : le retour des prisonniers de guerre se fait au compte-gouttes, la zone libre est occupée le 11 novembre 1942 aprěs le débarquement allié en Afrique du Nord. Productions agricoles, productions industrielles, ceuvres d'art traversent allégrement la frontiěre allemande. La dette morale est également Les Francais au XXe siede Chapitre 11 lourde vis-ä-vis des milliers de victimes de 1'appareil répressif allemand ayant bénéficié du soutien de la police francaise. Un « passé qui ne passe pas » Aprěs La Liberation, Les hommes de Vichy tentent de faire croire que Le regime a été un boucLier contre Les poLitiques nazies que L'ALLemagne a imposées en France. Les recherches historiques menées depuis Les années 1960 et 1970 prouvent qu'iL n'en est rien. Pis : La politique de collaboration a été voulue et recherchée par le gouvernement frangais. Les Frangais auront done du mal ä regarder cette periodě en face, méme si la Resistance oceulte La collaboration. Toutefois, les travaux ďhistoriens dans Les années 1970, les poursuites enga-gées par l'avocat Serge Klarsfeld contre les crimes nazis, Les proces de Klaus Barbie, de Paul Touvier, de Maurice Papon dans Les années 1980/1990 et les revelations sur la jeunesse de Frangois Mitterrand éclairciront Les zones ďombre ďun « passé qui ne passe pas ». En 1995, La reconnaissance officielle par le president Jacques Chirac de La responsabilité de l'Etat frangais dans La politique de persecution des Juifs sera Le fruit de ce regard critique, lent ä mettre en place, porte par Les Frangais sur leur propre histoire. Les combattants de I'ombre entrent en resistance En France, le refus de la victoire allemande donne naissance a la Resistance interieure. Dans les premiers mois, celle-ci est tres desordonnee, souvent tributaire d'actes de revolte individuels. C'est le cas du prefet d'Eure-et-Loir, Jean Moulin, qui refuse de signer un document impose par les Allemands et deshonorant pour l'armee francaise. C'est le cas aussi des lyceens et etudiants parisiens qui dement pour celebrer la victoire de 1918 le 11 novembre 1940. Mais la Resistance s'organise rapidement. Les « reseaux », particulie-rement actifs en zone occupee, ont une action essentiellement militaire: sabotage, renseignement, evacuation des fugitifs vers l'Angleterre. Les « mouvements », quant a eux, preferent la mobilisation de l'opinion et l'information par le biais de tracts, de journaux ou d'affiches edites dans la clandestinite. Une forme de resistance culturelle : les zazous © Ces jeunes parisiens aux cheveux longs, a La tenue negligee, ecoutant du jazz (consideree par les nazis comme une musique « degeneree » car noire ameri-caine) ou ne jurant que par les films americains affichent ouvertement leur rejet de I'ordre bien-pensant impose par Vichy. 369 Partie vii Le XXe siecle (1914-2002) : la France entre guerres et paix Les Resistants doivent apprendre a vivre dans la clandestinite. On change d'identite (« Chaban » pour Jacques Delmas), on communique par messages codes deposes dans des « boites aux lettres », etc. Dans ce domaine, le savoir-faire des communistes, passes dans la clandestinite apres l'interdiction du parti en 1939, permet d'ameliorer l'organi-sation de la Resistance interieure. Les organisations de resistance sont multiples : Liberation, Combat, Front national (organisation dominee par les communistes, sans rapport avec le parti politique du meme nom), Franc-tireur, etc. En mai 1943, la creation du Conseil national de la Resistance sous l'egide de Jean Moulin permet de reunir les prin-cipales organisations et les partis politiques opposes a Vichy. En outre, le CNR reunit Resistance interieure et Resistance exterieure puisqu'il se place d'emblee sous l'autorite du general de Gaulle. Pour tous ces combattants de l'ombre, la vie est particulierement dangereuse car la Gestapo allemande et ses auxiliaires francais les pourchassent sans relache. Les resistants sont a la merci d'un dela-teur, dune imprudence, d'un camarade parlant sous la torture, voire, malheureusement, d'une trahison, comme en aurait peut-etre ete victime Jean Moulin, demasque et arrete subitement par Klaus Barbie a Lyon. Beaucoup de resistants connaissent un sort tragique : torture, execution, deportation. Beaucoup choisissent le suicide, a l'image de Pierre Brossolette qui se jette par une fenetre du siege de la Gestapo, avenue Foch a Paris. Les resistants en chiffres Le nombre de resistants est difficile a determiner. Aii debut de I'occupation, les effectifs sont faibles. Avec le durcissement du regime de Vichy, les rangs de la Resistance se gonflent. Ainsi, le STO constitue une veritable aubaine car plusieurs milliers de jeunes hommes preferent le combat au travail force en Alle-magne. A la Liberation, 220 000 personnes recevront leur carte de Resistant. Mais ce chiffre ne comptabilise pas tous les hommes et les femmes ayant pu preter main-forte occasionnellement a la Resistance. Des actes parfois anodins, mais risques, ont leur importance : un V de la victoire trace sur un mur, un resistant ou un Juif heberge et protege, une information transmise, un tract distribue... Apres la guerre, les resistants serviront de cadres pour la France en reconstruction, les anciennes elites ralliees a Vichy s'etant massive-ment compromises dans la collaboration. Au fur et a mesure de la guerre, la Resistance a developpe un programme politique fonde sur le rejet des erreurs de la IIP Republique. La Charte du CNR reclame l'instauration d'une republique democratique et sociale et prevoit entre Les Francais au XXe siede Chapitre 11 autres l'instauration de la Securite sociale et la nationalisation des grandes entreprises. Ce programme jette les bases des politiques qui seront mises en place ä la Liberation. ■ 1940-1944. Un combat pour l'honneur : la France Libre Charles de Gaulle (1890-1970) : la France incarnee L'homme nait a Lille dans une famille conservatrice, ce qui lui vaudra des soup-gons de la part de ses opposants sur la validite de son engagement republicain, pourtant jamais pris en defaut. Son education est fortement marquee par la litterature patriotique propre a la France de la fin du XIXe siede. C'est la que se forge son amour pour I'histoire de France, avec laquelle il entretient une relation passionnee. Apres ses etudes d'officier, il entre dans I'infanterie dans un regiment commande par le colonel Petain, son mentor mais aussi son futur adversaire. Pendant la Premiere Guerre mondiale, sa carriere reste en demi-teinte car il est fait prisonnier en 1916. Apres la guerre, il se distingue par la qualite de ses analyses sur devolution de I'art de la guerre. Visionnaire, il pres-sent I'importance de I'offensive grace au recours aux unites blindees. Ses idees se heurtent cependant au conservatisme de I'etat-major domine par des partisans de la strategie defensive. 1940 est un tournant. De Gaulle, a la tete d'une des divisions blindees fran-gaises, est I'un des rares officiers a pouvoir se targuer d'avoir resiste a I'avancee allemande. II est alors appele au gouvernement, ce qui sera source de legitimite democratique a Londres pour fonder la France Libre. De la, il parvient a s'imposer comme le chef de la Resistance. Sa geniale intuition du 18 juin permet a la France de sortir en puissance victorieuse de la guerre et non comme puissance alliee de I'AUemagne nazie, evitant ainsi au pays une occupation militaire alliee. Chef du Gouvernement provisoire de la Republique fran-gaise de 1944 a 1946, il demissionne rapidement parce que ses vues ne sont pas respectees lors de la redaction de la Constitution de la IVe Republique, dont il devient un adversaire acharne. Jusqu'en 1958, de Gaulle entre dans une sorte de «traversee du desert», redi-geant ses memoires de guerre. II suit de loin L'opposition du parti gaulliste, le Rassemblement du peuple frangais (RPF) fonde en 1947. En 1958, il apparait comme L'unique recours pour sortir la France de la crise nee de la guerre d'Algerie. Revenu aux affaires, il peut enfin imposer ses vues institutionnelles, preconisant un pouvoir executif fort. La Constitution de 1958, fondant la Ve Republique, est une synthese de la vision gaullienne du pouvoir. II devient le premier president de la Ve Republique. Pendant 11 ans, il occupe de toute sa stature le fauteuil presidential, contribuant a renforcer la nature presidentielle du regime. Tres attache a la relation directe avec le peuple frangais, il demissionne suite au rejet Partie vii Le XXe siecle (1914-2002) : la France entre guerres et paix du referendum de 1969, transformant La question de La reforme institutionneLLe en veritable plebiscite sur sa personne. IL meurt peu apres, dans sa residence de Colombey-les-Deux-Eglises. L'heritage gauLLien est revendique par un Large eventail d'hommes poLitiques. C'est Le cas du courant gauLListe a travers Le RPR fonde en 1976 par Jacques Chirac et transforms en 2002 en UMP. Mais La force de son engagement dans La Resistance et Les qualites d'homme d'Etat portees par CharLes de GauLLe transcendent Les partis poLitiques. L'appel du 18 juin 1940 De Londres, le general de Gaulle lance son fameux appel du 18 juin sur les ondes de la BBC : il appelle tous les Francais a continuer le combat. Mais sa situation reste tres precaire ; d'ailleurs, peu de Francais peuvent se targuer d'avoir entendu son discours radiophonique. Seule une poignee d'hommes l'ont rejoint a Londres et son autorite n'a pas de pleine legitimite democratique. Mais De Gaulle trouve un allie de poids en la personne du Premier ministre britannique, Winston Churchill, le premier a lui reconnaitre le droit de parler au nom de la France. Par sa force de conviction, le bouillonnant general arrive a s'imposer non seulement aux Allies mais aussi a la Resistance interieure, notamment communiste. La creation des Forces franchises libres (FFL) Son autorite grandit et son analyse de la dimension mondiale du conflit se verifie avec le ralliement progressif des colonies a la France libre, notamment l'Afrique equatoriale francaise (AEF) en aout 1940. Pour De Gaulle, l'enjeu est d'imposer la France comme puissance combattante aux cotes des Allies. Il cree done les Forces francaises libres (FFL), dont l'importance est dans un premier temps plus symbo-lique que militaire tant les effectifs sont reduits au debut. Les FFL s'illustrent a Bir Hakeim L'Afrique du Nord est L'un des principaux theatres de La guerre qui se Livre entre Les forces de L'Axe (ItaLie et ALLemagne) et Les Allies. En mai 1942, une vaste offensive germano-italienne est Lancee sur Bir Hakeim dans Le desert de Libye. Cette position est tenue par un petit contingent frangais de 3300 hommes, commandes par Le general Koenig et equipes de materiel datant parfois de la Grande Guerre. Leur heroi'que resistance de 16 jours permet aux forces britanni-ques de se repositionner et d'eviter un desastre. Pour la premiere fois depuis 1940, des forces frangaises ont resiste aux Allemands. L'evenement revele au monde et a la France L'existence de La France libre. Les Frangais au XXe siěcle Chapitre 11 Apres le debarquement anglo-americain en Algerie en novembre 1942 et le ralliement des troupes africaines du general Giraud, les effectifs grossissent avec plus de 400 000 hommes, issus pour la plupart des troupes indigenes. Les FFL jouent un role important dans la conquete de l'ltalie puis dans la liberation de la France. Des regiments s'illus-trent egalement dans les armees alliees a l'image de l'escadre aerienne Normandie-Niemen dans l'armee sovietique. Avec la montee en puissance des Allies, et alors que la victoire se profile, la France libre peut commencer a songer a l'apres-guerre : le 3 juin 1944, le gouvernement provisoire de la Republique francaise (GPRF) est constitue a Alger. ■ Tentations fascistes en France occupée Le fascisme exerce une veritable fascination sur des hommes en rupture avec la societě francaise. Cest le cas des écrivains Robert Brasillach ou Drieu La Rochelle. La station Radio-Paris ou le journal Je suis partout sont les voix de cette collaboration idéologique avec le nazisme prónant la rupture avec le gouvernement de Vichy jugé trop mou et passéiste. Une veritable lutte d'influence s'engage entre « collabos » parisiens et « collabos » vichyssois. Á Paris, Jacques Doriot et Marcel Déat créent la Legion des Volontaires Francais. A Vichy, le regime se radicalise á partir de 1942 et Pierre Laval et Joseph Darnand fondent la Milice francaise en 1943. Ces organisations parti-cipent á la repression antisemité et anticommuniste. Certains de leurs membres finissent méme la guerre sous l'uniforme de la Waff en- SS (corps militaire ďélite du parti nazi) comme Darnand ou sous celui de la Gestapo (la police politique nazie). ■ 1944. Entre rires et larmes : la Liberation Le jour le plus longuement attendu Le 6 juin 1944, le plus important debarquement militaire de ľhistoire debute. Alors que les Allemands attendent les Allies dans le Pas-de-Calais, les troupes britanniques, américaines et canadiennes débar-quent en Normandie. L'effet de surprise est assez efficace, excepté ä « Omaha Beach », dans le Cotentin, oil les troupes américaines font face ä une defense acharnée. En quelques jours, plus de 170 000 hommes posent le pied en Normandie : la reconquéte de la France et de l'Europe occidentale peut commencer. Partie vii Le XXe siecle (1914-2002) : la France entre guerres et paix Le 15 aout, les Allies et les troupes du general de Lattre de Tassigny debarquent en Provence et remontent le long de la vallee du Rhone. Pendant ce temps, l'annonce du debarquement en Normandie provoque le soulevement des FFI (Forces francaises de l'interieur), armee unifiee des reseaux resistants. Mais les troupes allemandes ne sont pas pretes a abandonner la partie : les maquisards retranches dans le massif du Vercors sont bombardes Tete 1944. En juin, a Oradour-sur-Glane dans le Limousin, la quasi-totalite du village est massacree par les SS, en guise de represailles contre Taction des maquis. « Paris martyrise ! Mais Paris libere ! » Du 19 au 25 aout, la population parisienne se souleve contre l'occu-pant. Le general de Gaulle parvient a arracher aux Allies le droit d'envoyer la 2e division blindee du general Leclerc a Paris. Le geste est symbolique : la capitale est liberee par les Francais. Le 26 aout, De Gaulle descend les Champs-Elysees, acclame par deux millions de Parisiens en liesse. Sa legitimite en tant que chef du gouvernement provisoire n'est plus contestable. Avoir bonne presse La plupart des anciens titres disparaissent a la Liberation et sont remplaces par des journaux souvent nes dans la clandestinite. C'est le cas de France-Soir qui remplace Defense de la France, publie sous I'Occupation dans les sous-sols de la Sorbonne. Le Monde est fonde par Hubert Beuve-Mery en decembre 1944 et s'installe dans les bureaux du journal Le Temps ; il devient le quotidien des elites du pays. Alors qu'en France on sort les drapeaux tricolores, on exulte et on s'embrasse, le sort du pays n'est pas definitivement scelle. Pour Washington, le seul pouvoir legitime en France etait celui de Vichy. Avec la Liberation, le pays doit done passer sous administration alliee. C'est sans compter sur De Gaulle qui parvient a imposer la legitimite de son gouvernement au president americain pourtant tres mefiant a son egard. Le pays ne sera done pas un protectorat allie a l'image de l'Allemagne ou du Japon. L'autre danger pour de Gaulle est une prise du pouvoir par les communistes, particulierement actifs et nombreux au sein de la Resistance. Il semblerait ici que Moscou ait impose au PCF de deposer les armes et de reconnaitre l'autorite du gouvernement provisoire. Par ailleurs, l'autorite du gouvernement est contestee par les reglements de compte spontanes se multipliant dans tout le terri-toire. Cette epuration populaire libere les frustrations et les rancceurs Les Francais au XXe siěcle Chapitre 11 contenues pendant la guerre. Les hommes soupconnés de collaboration sont jugés et executes de facon sommaire. Les femmes accusées de rapports avec 1'occupant sont tondues et laissées á la vindicte popu-laire. L'urgence pour le gouvernement est de reprendre le contróle et de rétablir 1'autorité de 1'État. Des juridictions exceptionnelles jugent les principaux responsables du regime de Vichy ainsi que tous les hommes compromis dans la collaboration. Pétain et Charles Maurras, le chef de 1'Action francaise, sont condamnés á la prison á perpétuité ; le vicepresident du Conseil Pierre Laval, le chef de la Milice Darnand, 1'écri-vain collaborationniste Robert Brasillach sont condamnés á mort. Pres de 50 000 personnes sont déchues de leurs droits civiques. Mais beau-coup échappent á la justice, ayant su á temps retourner leur vestě, á l'instar du chef de la police de Vichy, René Bousquet, responsable de la Raíle du Vel' d'Hiv' mais non poursuivi grace aux services rendus á la Resistance. La liberation de la France ne signifie pas la fin de la guerre. L'armee francaise contribue á la défaite des armées allemandes qui se rendent le 8 mai 1945, date de la fin de la Guerre mondiale. Le conílit continue jusqu'a la reddition du Japon le 2 septembre 1945, suite aux bombar-dements nucléaires d'Hiroshima et Nagasaki, les 6 et 9 aoůt. La France obtient, au titre de vainqueur, une zone ďoccupation en Allemagne et en Autriche ainsi qu'un poste au Conseil de sécurité de 1'ONU, créée en juin 1945, aux cótés des États-Unis, de la Grande-Bretagne, de 1'URSS et de la Chine. Le pari lancé par De Gaulle en juin 1940 est gagné. ■ 1945. L'heure des comptes Au final, la Seconde Guerre mondiale a fait entre 40 et 50 millions de morts dans le monde, essentiellement des populations civiles, preuve de 1'évolution de la nature des conílits devenus guerres to tales. Un lourd bilan La population soviétique paie le plus lourd tribut avec 25 millions de victimes, soit pres de la moitié du total des victimes du conflit. 5 á 6 millions de Juifs, un demi million de Tsiganes sont morts en raison de la politique ďextermina-tion nazie. La France compte 600 000 victimes, dont deux tiers de civils (déportés, fusillés, victimes de bombardements). En France, le bilan materiel est considerable : un immeuble ďhabitation sur 22 est détruit, la moitié du réseau ferré est hors ďusage... Des villes entiěres comme Caen ou Brest ont été rasées. Les problěmes du logement et de l'ali mentation vont perdurer pendant longtemps. L'heure est á la reconstruction. Partie vil Le XXe siěcle (1914-2002) : la France entre guerres et paix Dans le monde, l'alliance entre Sovietiques et puissances occidentales ne survit pas a la guerre. Bientot, des spheres d'influence se forment entre communistes et puissances capitalistes. Un « rideau de fer » (l'expression est de Winston Churchill) s'eleve au milieu de l'Europe centrale. C'est le debut de la Guerre froide. Le poids moral de la Seconde Guerre mondiale Le poids moral de la guerre ne cesse de hanter les consciences. Entre 1939 et 1945, ľhumanité experimente de nouvelles formes de destruction massive : genocide juif, bombardement nudeaire (Hiroshima, Nagasaki en aout 1945). Les proces de Nuremberg et de Tokyo jugent pour la premiere fois des « crimes contre ľhumanité ». Le projet ďunification européenne découle directement de la volonté de mettre fin aux guerres qui ont ensanglanté le continent. Le Gouvernement provisoire de la Republique fran^aise et la IVe Republique (1944-1958) La IVe Republique n'a pas bonne presse dans l'histoire politique de notre pays. Malgre ses succes economiques, ce regime n'est pas parvenu ä supporter le poids de la Guerre froide s'additionnant ä celui de la decolonisation. En 1954, la France subit une humiliante defaite en Indochine et s'engage deux ans plus tard dans la guerre d'Algerie, qui aura finalement raison du regime en 1958. ■ 1944-1945. Le Gouvernement provisoire ne fait pas dans le provisoire D'importantes mesures sont prises par le gouvernement de De Gaulle. Elles seront, pour beaucoup, au fondement de l'organisation politique, economique et sociale de la France contemporaine. Ainsi, par egard ä leur action souvent decisive dans la Resistance, les femmes obtiennent le droit de vote en avril 1944. La France est la derniere grande democratic ä prendre cette mesure. Les Francais au XXe siěcle Chapitre 11 Sur le plan social Le gouvernement reprend certaines idées portées par la Chartě du Conseil national de la Resistance. Cest le cas notamment de la Sécurité sociále fondée en octobre 1944, mettant en place un systéme de solidaritě nationale visant á protéger les salaries contre les risques du travail: maladie, chómage, retraite, accident, etc. L'objectif est de fonder une république á la fois démocratique et sociále, bref de faire la synthěse, 150 ans aprěs, des Declarations des Droits de 1'Homme de 1789 et 1793. Sur le plan économique En raison du principe de dirigisme économique próné au-delá des milieux de gauche, de nombreuses nationalisations sont décrétées. L'Etat cherche á s'adjuger le monopole des secteurs-clefs. Cette periodě voit ainsi la creation d'EDF/GDF et d'Air France. La Banque de France, le Credit Lyonnais, la Société Generále, les 34 compagnies ďassurance et les entreprises Renault et Berliet sont nationalises. Par ailleurs, la reconstruction est dirigée par un Commissariat general au plan, charge de veiller au relévement et á la modernisation du pays. ■ 1946. De Gaulle claque la porte Le paysage politique francais est bouleversé par la guerre. Les partis de droite, compromis dans le regime de Vichy, sont hors-jeu ; le Parti radical, qui a lié son destin á celui de la IIP République, entre dans un déclin dont il ne sortira pas. Les partis dominants sont ceux qui ont participé á la Resistance : il s'agit des partis de gauche, SFIO et PCF, particuliérement actifs dans la Resistance, ainsi que le courant des résistants démocrates-chrétiens réunis dans un nouveau parti, le MRP, le Mouvement républicain populaire, trés influent sous la IVe République. Ces partis lisent la défaite de 1940 dans un deficit démocratique et préconisent un renforcement du pouvoir législatif. Le « parti des 75 000 fusi lies » Le Parti communiste est devenu La principále force politique. Par sa participation determinante dans La Resistance, Le parti se présente lui-méme, non sans exagé-ration, comme Le « parti des 75 000 fusillés », effagant ainsi Le souvenir du pacte $ germano-soviétique et certifiant son patriotisme. La popularitě du PCF s'inscrit 13 dans le prestige plus large de L'URSS et de Joseph Staline, auquel on attribue les a mérites de la victoire alliée. Les intellectuels prennent fait et cause pour Le Parti a et deviennent ses « compagnons de route » : Le poete Aragon, le philosophe g Jean-Paul Sartre, Le peintre Picasso, le chanteurYves Montand, entre autres... o © 377 Partie vil Le XXe siěcle (1914-2002) : la France entre guerres et paix Mais le general de Gaulle a une toute autre analyse : il rejette aussi les institutions de la IIP Republique mais próne au contraire un renforce-ment de 1'exécutif par reaction contre 1'instabilité ministérielle de l'ancienne Republique. Pour lui, raffaiblissement de la France est lié aux divisions du pays provoquées par la confrontation des partis politi-ques. Il se veut done au-dessus des partis, mais á ce petit jeu, ce sont ces derniers qui l'emportent. Depuis octobre 1944, une assemblée constituante a été élue et étudie une nouvelle organisation institutionnelle. Afin ďimposer ses vues, De Gaulle tente le tout pour le tout: il démissionne le 20 Janvier 1946 dans le but de créer un choc dans l'opinion, esperant étre aussitót rappelé au pouvoir. Mais e'est 1'effet inverse qui se produit, car les trois grands partis sont soulagés de se débarrasser du remuant general. Cest le debut du « Tripartisme » (PCF, SFIO, MRP) qui domine la vie politique jusqu'en 1947. Aprěs un premier projet rejeté par referendum et 1'élec-tion ďune nouvelle assemblée, un second projet est accepté par les Francais en octobre 1946. La France sort du provisoire, e'est le debut de la IVe Republique. ■ La IVe Republique : résultat de compromis En 1946, on veut renforcer le role du Parlement et 1'aspect démoera-tique du regime, car on se souvient bien que la IIP Republique a permis la mise en place du regime personnel du maréchal Pétain. Le Parlement domine done le nouvel edifice institutionnel. Le pouvoir législatif est de nouveau divisé en deux chambres : lAssemblée natio-nale (comme en 1789 et 1848) et le Conseil de la Republique. La premiere, élue au suffrage universel au serutin proportionnel, détient 1'exclusivité du pouvoir législatif, tandis que le second sert essentiellement de chambre de reflexion et non de decision. La preponderance du Parlement sur 1'exécutif est importante : le president de la Republique est élu par les deux chambres quand le president du Conseil est investi par la seule Assemblée nationale. Celle-ci peut faire tomber le gouvernement par rejet d'une « question de confiance » ou par le dépót d'une « motion de censure ». Un contre-pouvoir est toutefois prévu : le droit de dissolution. Mais la procedure est compliquée, limitant sa portée et sa faisabilité. Les constituants ont du mal á réhabiliter complétement cette procedure, bannie des pratiques républicaines depuis la crise du 16 mai 1877. Toutefois, il semblerait que la principále cause de l'echec institutionnel de la IVe Republique tienne aux hommes politiques eux-mémes, enfermés Les Frangais au XXe siěcle Chapitre 11 dans des habitudes et des pratiques nées sous la IIP République. Tous ces facteurs conduisent ä une instabilité ministerielle chronique : 25 gouver-nements en 12 ans ! Le regime des partis Sous La IVe République, Le probLéme recurrent est Le muLtipartisme empéchant La constitution ďune majorite parLementaire soLide. Le scrutin proportionneL conduit ä ĽécLatement du paysage politique. En outre, aprés La rupture du Tripar-tisme et L'excLusion des communistes du gouvernement au debut de La Guerre froide, un quart des deputes passent dans L'opposition au regime. Plus tard, avec Ľémergence d'un puissant mouvement gaulliste, Le RPF (Rassemblement du peuple frangais), en 1947, un autre quart de l'Assemblée rejette Les institutions. Ainsi, Les futurs gouvernements pourront former des majorités avec la moitié seulement des deputes. ■1947. La France au bord de la guerre civile En 1947, le Parti communiste est dans une position delicate. Exclu du gouvernement en mai, son assise électorale s'effrite en raison des mécontentements ouvriers. Qui plus est, une critique virulente de la strategie du PCF par Moscou accuse les communistes frangais de « crétinisme parlementaire » car ces derniers n'ont pas contesté l'aide financiere américaine apportée par le plan Marshall. Le parti est alors aux abois. La France choisit son camp : le plan Marshall On date généralement Le debut de la Guerre froide en 1947, bien que Les signes avant-coureurs soient antérieurs. En juin 1947, Les États-Unis proposent aux pays européens un plan d'aide ä la reconstruction du nom du secretaire d'Etat américain (ministře des Affaires étrangěres), George Marshall. L'idee des États-Unis est ďéviter un basculement des pays européens dans Le communisme, tout en recreant un marché de consommation pour Les productions américaines. Seuls Les pays de l'Est refusent L'aide américaine sur injunction de l'URSS. Deuxiěme bénéficiaire du plan Marshall aprěs la Grande-Bretagne, La France recevra 22 % des fonds distribués, arrimant Le pays au bloc capitaliste. Ä l'automne, les communistes s'appuient sur un mouvement social naissant et spontane pour réorienter leur strategie politique. Avec l'aide de la CGT, le PCF radicalise les revendications ouvriěres, dépla-gant ainsi la contestation sociale vers la critique du regime et de Partie vii Le XXe siede (1914-2002) : la France entre guerres et paix l'alliance avec les Etats-Unis. Les greves lancees en novembre 1947 sont particulierement violentes (sabotages, erneutes...) et etendues : mines, chemins de fer, ports, EDF, etc. sont bloques. Beaucoup en France croient ä une prise de pouvoir communiste, ä l'image de ce qui se passe au meme moment en Tchecoslovaquie (« coup de Prague » en fevrier 1948). Le gouvernement decrete done la mobilisation de l'armee ä laquelle on adjoint egalement des mesures sociales. Les ouvriers se remettent au travail. Le PCF redevient le paria de la vie politique car infeode ä Moscou. Le socialiste Guy Mollet declare : « Le PCF n'est pas ä gauche, il est ä l'Est. » Ces greves entrainent un affaiblissement du mouvement syndical. Une partie de la CGT refuse la mainmise du PCF et quitte le syndicat pour fonder la CGT Force ouvriere (FO). ■ 1951. Le charbon et racier : une mine pour I'Europe Depuis la fin de la guerre, l'idee de federation europeenne portee entre autres par Aristide Briand dans l'entre-deux-guerres ressort des cartons. Pour plusieurs hommes politiques de l'epoque, notam-ment les democrates-chretiens et les socialistes, il faut mettre fin aux divisions qui ont conduit aux guerres mondiales en unifiant le continent europeen. En 1950, le commissaire general au plan, Jean Monnet, soumet une idee au ministre des Affaires etrangeres, Robert Schuman : reunir sous une meme autorite les productions de charbon et d'acier, qui sont les deux principales matieres premieres des industries de l'epoque. L'idee est d'empecher toute guerre en liant les pays par l'economie. Lorrain, Schuman a une conscience particulierement aigue de la necessite de la reconciliation franco-allemande et embrasse le projet. En 1950, il propose aux pays europeens qui le souhaitent de mettre en commun leurs productions de charbon et d'acier. L'Allemagne, l'ltalie, la Belgique, les Pays-Bas et le Luxembourg acceptent. En 1951, les six pays ratifient le traite de Paris, creant ainsi la CECA, Communaute europeenne du charbon et de l'acier. Les bases de la future Communaute economique europeenne sont jetees. Ce projet est un premier pas vers la reconciliation franco-allemande et apparait comme le moteur de la construction europeenne, douze ans avant le traite de l'Elysee. Les Francais au XXe siěcle Chapitre 11 ■ 1950-1954. La Communaute europeenne de defense (CED) fait debat En 1949, les pays d'Europe occidentale signent avec les Etats-Unis et le Canada une alliance militaire dans le cadre du pacte de l'Atlantique. L'organisation du traite de l'Atlantique Nord (OTAN) devient le pilier de la securite europeenne face a l'URSS. Cependant, la creation de la Republique federale d'Allemagne (RFA), la meme annee, pose la question de son integration dans l'OTAN et de la reconstitution d'une armee allemande. Cette idee fait horreur aux Francais. Jean Monnet propose alors de creer une armee europeenne qui permettrait de placer le rear-mement allemand sous commandement europeen. En 1950, le gouver-nement francais propose le projet de Communaute europeenne de defense (CED) a ses allies ; il sera bientot accepte par tous. Mais les Francais a l'origine du projet sont ses fossoyeurs. Une veritable ligne de fracture traverse les partis politiques qui se divisent entre partisans et opposants du projet. Seuls les communistes et les gaul-listes offrent un front uni sur le sujet: pour les premiers, le projet renforce la dependance de la France vis-a-vis des Etats-Unis ; pour les seconds, il est impensable de dissoudre l'armee francaise, principal garant de l'independance nationale. Le clivage est tellement profond dans la classe politique que les gouvernements ne se decident pas a trancher et se repassent le dossier tel un marron chaud. Il faut attendre le gouvernement Mendes France pour que la CED soit defmitivement enterree apres un vote negatif au Parlement en 1954. La RFA n'en retrouve pas moins sa souverainete et son armee entre dans l'OTAN. L'armee europeenne L'echec de La CED montre que ['engagement europeen de La France est encore balbutiant en 1954. L'idee d'une armee europeenne ne disparait pas pour autant. En 1992, La France, I'Allemagne, La Belgique, L'Espagne et Le Luxembourg creent Le premier corps militaire europeen (Eurocorps). Aujourd'hui, La reflexion autour de La constitution d'une Europe politique et diplomatique souleve de nouveau L'idee d'une Europe de La Defense. ■ 1954. Gouverner autrement: la France de Menděs Depuis les elections legislatives de 1951, la France est entrée dans une periodě de grande instabilité politique. Les majorités politiques ne sont pas claires, il faut treize tours de scrutin pour élire René Coty, le Partie vil Le XXe siěcle (1914-2002) : la France entre guerres et paix nouveau president de la République, et 1'instabilité ministérielle n'a jamais été aussi grande. Cest dans ce contexte que Pierre Menděs France arrive au pouvoir. Bien que radical et proche de la gauche, il est nommé president du Conseil par une Assemblée plutót marquee á droite. Il faut dire que depuis la défaite de Dien Bien Phů en mai, la France perd pied en Indochine. Or, Menděs France est le seul, en dehors des communistes, á avoir préconisé la négociation avec les nationalistes indochinois. Pierre Menděs France (1907-1982) : « PMF » Avocat, « PMF » entre au parti radical trěs jeune et devient le plus jeune député de la Chambre de 1932. II cherche alors á moderniser le parti radical et á reformer la vie politique. Resistant, il est ministře du gouvernement provisoire. En 1954, sa competence le conduit á Matignon dans un moment difficile pour la République. Malgré son bref passage au pouvoir, Menděs France gardera longtemps une emprise morale sur la gauche. Une forme de nostalgie entoure son nom, devenu depuis syno-nyme de competence et de moderation. D'emblee, il impose un style énergique qui tranche avec les habitudes de la IVe République, ce qui plait beaucoup aux Francais, lassés par la valše des gouvernements. Il refuse ainsi de négocier avec les partis, la composition de son gouvernement étant plutót axée au centre. Le « style Menděs » tient dans le rapport direct que le president du Conseil cherche á instaurer avec les Francais. Il utilise abondamment les médias et met en place des causeries hebdomadaires « au coin du feu », radiodiffusées. Il peut également compter sur le soutien de grands titres de presse comme France Observateur et surtout L'Express de Jean-Jacques Servan-Schreiber et Francoise Giroud. En quelques mois, Menděs France regie des dossiers considérés comme insolubles. Le 20 juillet 1954, il signe les accords de Geněve avec le Vietminh mettant fin á la guerre d'Indochine dans laquelle la France est enlisée depuis pres de dix ans. Il regie aussi 1'épineuse question de la CED et parvient á un accord sur la decolonisation pacifique de la Tunisie. Cependant, au bout de sept mois, son gouvernement tombe car les oppositions politiques se sont multipliées autour de la question de la CED. Ainsi, divers lobbies comme celui des bouilleurs de cm, attaqués dans leur privilege de distillation de 1'alcool, ou le lobby colonial, fustigeant le « bradeur ďempire » malgré sa politique de fermeté en Algérie, affaiblissent ansi sa position. Les Francais au XXe siede Chapitre 11 Le mendésisme et la gauche francaise La mendésisme a exercé une influence notable sur la gauche frangaise en ouvrant la voie de l'unification des courants de gauche non communistes, réalisée par Frangois Mitterrand, ancien ministře de Pierre Menděs France , au sein du Parti socialiste créé en 1969. ■ 1956. Les crispations politiques En Janvier 1956, les electeurs elisent la derniere assemblee de la IVe Republique. Ces elections se deroulent dans un climat tendu car la situation se degrade en Algerie : 200 000 soldats du contingent sont positionnes dans la colonie fin 1955. Le poujadisme Les elections voient le reveil de l'extreme droite, groupusculaire depuis la Liberation. Pierre Poujade, un papetier du Lot, federe les meconten-tements des petits commercants, artisans, paysans autour de themati-ques comme la lutte contre le fisc, le centralisme parisien ou la defense des prix. Ce populisme de droite se radicalise avec le soutien de l'extreme droite qui deplace son discours vers le theme de la defense de l'empire colonial, le teintant bientot de saillies antisemites et xeno-phobes. Le mouvement obtient 52 sieges, dont celui d'un jeune avocat, Jean-Marie Le Pen. Le gouvernement de Guy Mollet Bien qu'aucune majorite claire ne se degage, c'est le secretaire general de la SFIO, Guy Mollet, qui est charge de former un nouveau gouvernement tandis que l'opinion attend plutot Mendes France. Dans la lignee du Front populaire, Guy Mollet accorde une troisieme semaine de conges payes. La loi-cadre Defferre ouvre un processus de decolonisation pacifique dans les territoires francais d'Afrique. Si Ton ajoute la signature du traite de Rome, le bilan du gouvernement Mollet n'est pas negligeable, bien qu'il soit considerablement terni par son traitement de la question algerienne. Partie vil Le XXe siěcle (1914-2002) : la France entre guerres et paix Guy Mollet accueilli á coups de tomates Le 6 février 1956, Mollet est en visitě en ALgérie. II vient de nommer un nouveau ministře resident á ALger, Le généraL Catroux, jugé trop Liberal aux yeux des Euro-péens ďAlgérie. Afin de manifester Leur mécontentement, ces derniers accueiLLent Le president du ConseiL au moyen de tomates et ďinjures. Effrayé, MoLLet nomme un nouveau representant, Robert Lacoste ; comme 22 ans pLus tot, un gouvernement recule sous La pression de La rue. La communauté euro-péenne ďAlgérie, hostile á toute emancipation, prend conscience de son influence politique ; elle ne se privera pas pour en user et en abuser. Guy Mollet revise sa politique algérienne et subordonne toute négocia-tion á une election démocratique des représentants algériens dans le cadre ďun cessez-le-feu. Mais qui dit cessez-le-feu dit contraindre par la force les nationalistes á déposer les armes. La France glisse done progressivement dans la guerre ďAlgérie, avec le doublement des effec-tifs militaires charges de « pacifier » le pays. ■ 1956. Les passions se déchainent pour un canal En juillet 1956, le tout nouveau president égyptien, le colonel Nasser, decide la nationalisation du canal de Suez afin de financer la construction du grand barrage dAssouan sur le Nil. Les Britanniques, princi-paux actionnaires et usagers du canal, ripostent. Ils trouvent un soutien á Paris oú 1'on reproche á 1'Égypte son appui au FLN (Front de liberation nationale) algérien, et en Israel oú 1'on craint le nationalisme arabe défendu par Nasser. Un plan secret est prepare : 1'État hébreu doit attaquer 1'Égypte dans le Sinai, justifiant ainsi l'intervention franco-britannique comme force d'interposition. Le plan se déroule comme sur des roulettes : 1'armée israélienne avance sans difficulté dans le territoire égyptien, et les parachutistes franco-britanniques sautent sur Port-Said á 1'entrée du canal. Mais c'est sans compter sur les deux superpuissances qui, pour une fois, sont d'accord : les États-Unis menacent leurs allies de représailles économiques quand l'URSS préfěre brandir le chiffon rouge nucléaire. Les troupes franco-britanniques se retirent alors en décembre, au terme d'un veritable fiasco diplomatique. Le prestige de Nasser dans le monde arabe en sort décuplé, celui de la France durablement affaibli. La crise apparait aujourd'hui comme le dernier echo de la « politique de la canonniěre » utilisée par les puissances coloniales dans leurs empires pour mater les revokes. Les deux Les Frangais au XXe siecle Chapitre 11 grandes puissances du XIXe siecle font le constat amer de ne plus etre mattresses de leur politique etrangere : elles ne peuvent rivaliser avec les nouvelles superpuissances. Pour la France, la necessite de retrouver une position de force sur la scene internationale conduit a rintensifica-tion des recherches sur l'armement nucleaire. ■ 1957. La Communaute economique europeenne nait a Rome En 1957, les six partenaires de la CECA decident d'aller plus loin dans l'unincation de leurs economies: ils mettent en place un marche commun permettant la libre circulation des marchandises. C'est l'objet du traite de Rome du 25 mars 1957, qui donne naissance a la Communaute economique europeenne (CEE). Un volet agricole est prevu, car un cinquieme de la population communautaire travaille encore dans l'agriculture. La CEE s'engage a fixer des prix minima dans le cadre de ce qui va devenir, en 1962, la PAC (politique agricole commune), dont la France sera la premiere beneficiaire. La communaute devient union Le commerce intracommunautaire expLose et contribue au redressement economique europeen. La PAC remplit rapidement ses objectifs : de deficitaire, La production agricoLe devient excedentaire. Ces succes entrainent L'adhesion de nouveaux membres : de 6 membres, La CEE passe a 9 en 1973 avec I'integration du Royaume-Uni, de L'IrLande et du Danemark, a 10 en 1981 avec L'arrivee de La Grece, puis a 12 avec L'entree de L'Espagne et du Portugal en 1986. La CEE devient L'Union europeenne (UE) avec Le traite de Maastricht en 1992. En 1995, trois nouveaux Etats entrent dans L'Union : L'Autriche, La Suede et La Finlande. Apres La chute du Mur, Le nouvel horizon europeen se trouve a L'Est: Les anciennes democraties popuLaires entrent progressivement dans L'Union : Hongrie, PoLogne, RepubLique tcheque, SLovaquie, SLovenie, Estonie, Lettonie, Lituanie ainsi que Chypre et Malte en 2002, La Bulgarie et La Roumanie en 2007. ■ 1958. D'une RepubLique a I'autre La question algerienne grandit, la RepubLique vacille Au debut de l'annee 1958, la situation est critique. La France est paralysed par la question algerienne. Elle est mise au ban des nations a l'ONU pour sa politique algerienne, endettee par la hausse des Partie vil Le XXe siěcle (1914-2002) : la France entre guerres et paix dépenses militaires et profondément divisée entre tenants de 1'Algérie francaise et partisans de 1'émancipation. Le rěglement du probléme est urgent. Un partisan de la négociation avec le FLN, Pierre Přlimlin, est done appelé á Matignon le 13 mai. Á Alger, les colons réagissent trés mal á cette nomination et forment une insurrection avec le soutien de 1'armée. Un comité de Salut public est méme formé avec les généraux Massu et Salan á sa téte. La crise de regime est engagée : guerre civile, secession des Francais dAlgérie, coup ďÉtat militaire, tout est alors possible. Les moyens ďaction du gouvernement sont limités avec une armée sortie de son devoir de reserve et une police noyautée par 1'extréme droite. La rumeur court, sur des bases fondées, que des parachutistes sont préts á sauter sur Paris et á renverser le gouvernement. Le general de Gaulle réapparaít Le general de Gaulle sort alors de sa reserve et propose ses services. II sait qu'il a le soutien de 1'armée et que les Algérois le réclament. Anticipant la decision du president de la République, il annonce la formation dun nouveau gouvernement alors que Pflimlin est toujours en place ! Mais ce dernier évite la crise et se désiste. Le president René Coty nomme done ofnciellement De Gaulle president du Conseil le 27 mai. On le voit, De Gaulle s'impose comme le seul recours, non sans certaines ambiguités et en bousculant quelque peu les pratiques républicaines. La deuxiéme étape du retour au pouvoir du general est le ralliement de Guy Mollet et ďune partie de la SFIO, condition nécessaire á son investiture. Le ler juin, 1'Assemblée vote 1'investiture et le 3 juin, elle accorde au gouvernement le droit de rédiger une nouvelle constitution. La legalitě républicaine est préservée, mais la IVe République est mořte. Une republique mal-aimee La IVe Republique entre dans le cimetiere des regimes politiques de la France. Peu de Frangais la regrettent, la crise finale algerienne jetant un voile de discredit sur un regime repute incapable de gouverner, enferme dans un parle-mentarisme sterile voue a I'impuissance. C'est la mesestimer les realisations de cette Republique : redressement economique d'un pays en ruines en 1944 et lancement de la construction europeenne dont nous sommes toujours tribu-taires. Ce regime a du faire face a une situation internationale particulierement difficile, et finalement, la Guerre froide, la guerre d'Indochine et la guerre d'Algerie ont eu raison d'elle. Les Francais au XXe siede Chapitre 11 La Ve République (1958-2...) La Ve République est le second regime le plus long que la France ait connu depuis 1789. L'originalite de ce regime tient dans 1'importance des pouvoirs accordés au president de la République, limités unique-ment en cas de cohabitation. Deux hommes dominent la vie politique de 1959 ä 1995 : Charles de Gaulle et Francois Mitterrand. Cest pendant cette periodě que la France entre définitivement dans la voie de la modernitě, malgré la crise économique affectant le pays ä partir du milieu des années 1970. ■ 1958. Une Constitution ambiguě Les travaux constituants sont confiés ä une commission dirigée par Michel Debré, un fiděle du general. En trois mois, la nouvelle constitution est rédigée et présentée aux Francais par De Gaulle, le jour anniver-saire de la proclamation de la IIP République, le 4 septembre 1958, place de la République ä Paris. Ii s'agit done ďemblée d'inscrire le texte dans la continuité républicaine. Ii faut dire que le projet a de quoi inquiéter les hommes, ä cheval sur les traditions parlementaires du pays. Organisation des pouvoirs sous la Ve République President de la République Elu pour 7 ans puis 5 a partir de 2000 Elit depu 1965. is nN Consulte par Referendum v / ' \ Nomine /contrôle Gouvernement élisent 1 élis Grands électeurs f élis ent ent Électeurs (hommes et femmes de plus de 21 ans puis 18 ans ä partir de 1974) Pouvoir executif et pouvoir legislatif Le projet renforce notablement le pouvoir executif, meme si le regime reste parlementaire: le gouvernement est toujours responsable devant le Parlement (procedures de motion de censure et question de 387 Peut convoquer vérifie constitutionalité des lois Peut dissoudre JJarlement^ '/VssembléeX f Senat nationale Elu g Elue pour aKns -> 5 ans _ Conseil constitutionnel O U >> oj o u O © Partie vil Le XXe siěcle (1914-2002) : la France entre guerres et paix confiance). Celui-ci reste bicameral: Assemblée nationale et Senat, élus respectivement au suffrage direct (5 ans) et indirect (9 ans renou-velé par tiers des sénateurs). Mais le pouvoir législatif est affaibli. Ainsi, le principe de separation des pouvoirs n'est pas respecté car le gouvernement partage le droit d'initiative legislative, ce dont il ne se privera pas. Aujourd'hui, la grande majoritě des lois est initiée par le gouvernement (projet de loi) et non par les parlementaires (proposition de loi). Le renforcement des pouvoirs du president de la République Le texte donne des pouvoirs inusités depuis 1848 au president de la République. Ce dernier choisit le Premier ministře. ■ Le Premiér ministře Le terme « ministře » signifie, étymologiquement, « serviteur ». Ainsi, Le Premiér ministře perd son titre de « president» du Conseil et devient Le premiér des « serviteurs ». Le president de la Republique peut dissoudre l'Assemblee nationale (ce droit de dissolution a ete employe a cinq reprises sous la Ve Republique : 1962, 1968, 1981, 1988, 1997) sans qu'aucune procedure de destitution ne soit prevue comme contre-pouvoir. L'article 16 auto-rise egalement le President a prendre les pleins pouvoirs provisoire-ment en cas de menace exceptionnelle. Enfin, grande nouveaute, il peut passer au-dessus du Parlement en consultant directement les Francais par voie de referendum, repondant la au vceu gaullien dun rapport direct avec le peuple. Le regime, bien que parlementaire, prend done une forte coloration presidentielle, meme si, jusqu'en 1962, le President reste elu au suffrage indirect. Une nouveaute discrete : le Conseil constitutionnel Pour La premiere fois, La France se dote d'un organe charge de verifier La consti-tutionnalite des Lois sur Le modele de La Cour supreme americaine. Dans un premier temps, Le Conseil reste proche du pouvoir, constituant une simple chambre d'enregistrement. Mais une reforme de 1974 permet aux parlementaires de saisir Le Conseil constitutionnel. Les partis d'opposition ne s'en priveront pas et pourront ainsi peser politiquement malgre une representation minoritaire a L'Assemblee. Les Francais au XXe siěcle Chapitre 11 De Gaulle élu et conforté dans son autorite Le projet féděre les oppositions de la plupart des partis. En effet, beau-coup y lisent une menace pour la democratic, et le parallěle entre Louis Napoleon Bonaparte et Charles de Gaulle est brandi pour faire le lien entre pouvoir présidentiel et regime personnel. Tandis que tous les partis non gaullistes appellent ä voter « non » contre le projet, le referendum est approuvé par 79 % des électeurs : ce vote massif montre que De Gaulle apparait ä ľépoque comme la seule personnalité politique capable de débloquer la France aprěs la IVe République. D'ailleurs, aux elections legislatives qui se tiennent dans la foulée, l'UNR (Union pour la nouvelle République), le nouveau mouvement gaulliste, frôle la majorite absolue ä ľAssemblée. Elle bénéficie du scrutin uninominal ä deux tours, favorisant la constitution de majo-rités et non la pluralite caractéristique du scrutin proportionnel. ■ 1962. De Gaulle prepare sa succession En 1958, Charles de Gaulle n'avait pas osé aller jusqu'au bout de sa reforme des institutions. Ľélection du president de la République au suffrage universel avait été abandonnée depuis ľélection de Louis Napoleon Bonaparte en 1848. La legitimite conferee par le suffrage universel ä un seul homme faisait craindre une derive autoritaire du pouvoir. Mais De Gaulle n'est pas Bonaparte, et si le gaullisme s'inscrit dans la lignée du bonapartisme, ľattachement du general ä la democratic et ä la République est reel. Cela n'empéche pas une pratique quelque peu personnelle du pouvoir. L'homme de ľappel du 18 juin n'aime guěre qu'on lui marche sur les pieds. Cest lui qui taille le « domaine reserve » du president de la République : Defense et Affaires étrangěres. Il f aut dire que les questions économiques et sociales ne le passionnent guěre. Comme il le dit lui-méme : « ľintendance suivra ». Il nomme ses fiděles au gouvernement, sans guěre ďintérét pour les élus, et ce sont des techniciens qui héritent des grands portefeuilles. Cest le cas de ľindéboulonnable Maurice Couve de Murville, un diplomate aux Affaires étrangěres, ou de Georges Pompidou, Premier ministře ä partir de 1962, affilié ä aucun parti politique. De Gaulle cherche ä rendre pérennes les institutions qu'il a créées. Mais son autorite tient essentiellement ä son charisme personnel, ä la legitimite conferee par son combat pour la France libre et au rěgle-ment de la question algérienne. La succession sera done difficile pour Partie vii Le XXe siede (1914-2002) : la France entre guerres et paix son remplacant, et le risque d'un retour aux anciennes pratiques est eleve. La question est d'autant plus urgente que De Gaulle est victime d'un attentat de l'OAS (Organisation armee secrete), fomente par des militaires nostalgiques de l'Algerie francaise. De Gaulle sauve par sa DS Le 22 aout 1962, Le president echappe miracuLeusement a L'attentat du Petit CLamart, dans La banLieue Sud de Paris. Un guet-apens surprend Le cortege presi-dentieL a un carrefour. Le president est sauve par sa Citroen DS : son chauffeur reussit a prendre La fuite maLgre deux pneus creves et des tirs de mitraiLLette dans Les portieres. De GauLLe est sauf et La reputation de La voiture est Lancee ! Ann d'assurer la legitimite des futurs presidents de la Republique, De Gaulle propose aux Francais sa designation au suffrage universel. Pour la classe politique, c'est une nouvelle attaque contre les traditions parlementaires. Le president du Senat, le Guyanais Gaston Monner-ville, parle meme de « forfaiture » ; accuser l'ancien chef de la France libre de traitrise, il faut oser ! Malgre l'opposition des partis non gaul-listes, les Francais approuvent une nouvelle fois le general a 62 %. Sa legitimite acquise, le president peut se lancer dans sa politique de restauration de la « grandeur » nationale. Une passion pour la France La fern me de De GauLLe peut etre jaLouse : son mari entretient une reLation passionnee avec La France. Comme iL Le dit Lui-meme en ouverture de ses Memoires, iL est guide par « une certaine idee de La France », idee fagonnee par une education ou Les grands hommes et Les grandes bataiLLes donnaient a L'Histoire de France une dimension epique. De GauLLe est done anime par un seuL but: restaurer La « grandeur » du pays, refaire entendre La voix de La France dans Le concert des nations. La tache n'est pas simpLe en pLeine Guerre froide, mais L'heure est a La detente entre L'URSS et Les Etats-Unis, ce qui permet a De GauLLe de se demarquer au sein du camp occidentaL. ■ 1960-1969. La modernisation de la France La « grandeur » passe d'abord par la modernisation du pays. De Gaulle veut accelerer la recherche dans les secteurs de pointe et lance de grands projets industriels qui, mis a part le nucleaire, se reveleront des echecs commerciaux : dans l'informatique (plan Calcul), l'aeronau-tique (projet franco-britannique Concorde) et surtout le nucleaire. La Les Francais au XXe siede Chapitre 11 premiere bombe A francaise explose dans le Sud de l'Algerie en fevrier 1960. Devenue puissance nucleaire, la France peut se permettre de retrouver une liberte d'action en annoncant en 1966 son retrait du commandement integre de l'OTAN, tout en restant membre de l'Alliance atlantique. Les militaires americains stationnes au siege de l'organisation ä Paris doivent plier bagages et partir ä Bruxelles. Les Jeux olympiques De Gaulle, voulant rivaliser avec les grandes nations sportives, fait entrer le sport francais dans I'ere scientifique et technique. Les Jeux olympiques sont en effet le terrain pacifique mais tres symbolique de la Guerre froide, les equipes americaines, sovietiques et Est-allemandes rivalisant pour la premiere place. De Gaulle defie les Etats-Unis Le President cherche a se demarquer des Etats-Unis au sein du bloc occidental. II initie une politique d'ouverture vers le bloc communiste. La France est ainsi le premier pays occidental a reconnaitre la Chine populaire en 1964. De Gaulle n'hesite pas a critiquer ouvertement les Etats-Unis, comme a Phnom-Penh, au Cambodge, a propos de la guerre au Vietnam, ou a Mexico, sur les relations avec les pays du tiers monde. On se souvient surtout de la celebre formule « Vive le Quebec libre ! » lancee lors dun voyage a Montreal en 1967. La meme annee, il prend ses distances avec les politiques pro-israe-liennes traditionnelles apres la guerre des Six jours qui oppose, en juin, Israel aux pays arabes. C'est aussi une certaine defiance vis-a-vis des Etats-Unis qui le pousse a refuser l'entree du Royaume-Uni dans la CEE, presente comme un cheval de Troie americain, et a bloquer les institutions communautaires pendant plusieurs annees. De Gaulle soutient Kennedy En octobre 1962, des avions espions americains decouvrent des rampes de lancement de missiles a Cuba. La revolution castriste, trois ans plus tot, a place cette ile situee a quelques kilometres de la Floride dans le camp socialiste. Le jeune president americain, J.F. Kennedy, decide un embargo militaire sur I'ile. Pendant quelques jours, la guerre nucleaire semble imminente. Au moment des negotiations, De Gaulle affiche une solidarite sans failles avec I'allie americain. II reste done malgre tout respectueux de I'Alliance atlantique, gage de la security de I'Europe face a I'URSS. Partie vil Le XXe siěcle (1914-2002) : la France entre guerres et paix Tres attache au principe d'Etat-nation, le General est defiant vis-ä-vis des organisations supranationales comme la Communaute europeenne ou l'ONU, le « machin », comme il se plait ä l'appeler. En revanche, conscient de l'importance de la reconciliation franco-allemande pour la pacification de l'Europe, il fait un voyage historique et triomphal en Allemagne en 1962. L'annee suivante, la signature du traite de l'Elysee developpera l'amitie et la cooperation entre les deux ennemis d'hier. La voix de la France Sur Le Long terme, Le ton est donné, La dipLomatie frangaise garde jusqu'ä aujourd'hui Les grandes impuLsions données par De GauLLe : indépendance mili-taire (projet Ariane dans Les années 1970), defense d'un monde muLtipoLaire, politique pro-arabe, dose d'antiamericanisme. SeuLes La CEE et L'ONU trouveront pLus de grace aux yeux des successeurs du généraL et, en 1996, Jacques Chirac, bien que gauLListe, réintégrera La France dans Le commandement miLitaire de L'OTAN. ■ 1945-1975. La France des « Trente Glorieuses » En 1945, la France sort ruinée de la guerre ; les pillages systématiques realises par l'occupant et les destructions materielles liées aux combats ont profondément désorganisé 1'économie du pays. L'heure est done ä la reconstruction. Une politique interventionniste Jusqu'au debut des années 1950, Le röle de L'Etat est trěs important dans Le cadre d'une économie planifiée. Cest Le cas par exemple dans Le bätiment oú Les besoins sont enormes ä cause des destructions, de La hausse démographique (baby-boom) et de Immigration. L'heure est ä l'ouverture des frontiěres L'economie frangaise profite des facilités de credit des États-Unis ainsi que de l'aide américaine dans le cadre du plan Marshall. La contre-partie est l'exigence d'ouverture des frontiěres aux importations et l'integration du pays dans le commerce international. La France adhere ainsi au GATT (Accord general sur les tarifs et le commerce), ancétre de l'OMC (Organisation mondiale du commerce), qui préco-nise la disparition des barriěres douaniěres. Le liberalisme écono-mique guide également les fondateurs du marché commun dans le cadre de la CECA puis de la CEE. Les Francais au XXe siecle Chapitre 11 La France s'enrichit et se transforme : elle entre dans la societe de consommation. Pendant pres de trente ans (entre 1945 et 1975), la croissance est tres forte, avec une moyenne annuelle de 5 %. L'avenement de la societe de consommation Les foyers s'equipent d'appareils electromenagers, de la television, etc. La voiture, bien de consommation par excellence, devient accessible grace a la 2 CV de Citroen (la « deuche »), la Renault 4 CV ou la Fiat 500, voitures economiques et populaires devenues les symboles d'une epoque. Le premier supermarche ouvre en 1957, le premier hypermarche en 1963. Bientot, le caddie remplace le cabas. La restructuration du paysage frangais La structure de l'economie se modifie. L'agriculture, plus productive grace a la mecanisation, a besoin de moins de bras. Les jeunes des campagnes partent a la ville (exode rural), tandis que le paysan devient un veritable chef d'entreprise a mesure que l'agriculture se modernise et se complexifie. En meme temps, les classes moyennes urbaines s'elargissent avec le developpement du secteur tertiaire. Ces categories sociales s'entassent dans les banlieues en pleine expansion, a vocation presque exclusivement residentielle : c'est le debut du « metro-boulot-dodo ». Les premieres villes nouvelles sont lancees dans les annees 1960 pour reequilibrer les peripheries vis-a-vis des espaces centraux, ce qui sera finalement un echec partiel. Une main-d'ceuvre venue d'ailleurs Les besoins lies a la reconstruction necessitent le recours a la main-d'oeuvre etrangere. Ce n'est pas une nouveaute : depuis la seconde moitie du XIXe siecle, la France est une terre d'immigration. Comme au debut du XXe siecle, les Italiens constituent le premier contingent d'immigres devant les Polonais. La France accueille egalement de nombreux « musulmans d'Algerie », qui ne sont pas a proprement parler des immigres puisqu'ils beneficient de la nationalite francaise de 1947 jusqu'a l'independance. Les annees 60/70 voient egalement l'arrivee massive de travailleurs espagnols et portugais. La population immigree passe de 1,7 million de personnes (4,1 % de la population) a pres de 3,5 million (6,5 %) entre 1954 et 1975. Une periode pas si glorieuse... Ces arrivees ne se font pas dans des conditions ideales et renforcent meme la situation dramatique du logement. Les laisses-pour-compte de la croissance sont nombreux. Les bidonvilles de developpent aux Partie vii Le XXe siecle (1914-2002) : la France entre guerres et paix peripheries des villes, comme c'est le cas a Nanterre ou a Saint- Denis. Ces situations n'emeuvent guere les pouvoirs publics et l'opinion car l'immigre est alors peu visible : c'est souvent un homme seul venu temporairement travailler en France. Les laisses-pour-compte de la croissance Le rigoureux hiver 1954 et I'appel aux dons en faveur des sans-abri lance par I'abbe Pierre nous rappellent que les fruits de la croissance economique ne sont pas partages par tous. La fondation de la communaute d'Emmaus en 1949 anti-cipe la creation, quelques decennies plus tard, des Restos du Cceur par Coluche. La xenophobie, entre parentheses depuis la derniere guerre, est reactivee par la guerre d'Algerie. Les populations arabes sont la cible de crimes racistes comme Font ete les Italiens au XIXe siecle. C'est le cas en 1973 a Marseille, ou sept Nord-Africains trouvent la mort en reponse a l'assas-sinat d'un traminot marseillais par un desequilibre algerien. ■ 1968. En mai, fais ce qu'il te plait L'aspi ration a une societe nouvelle En 1968, le pouvoir gaulliste est a bout de souffle. Les critiques s'elevent au sein de la majorite, a l'image du centriste Valery Giscard d'Estaing qui denonce 1' « exercice solitaire du pouvoir ». Les medias eux-memes sont aux ordres : les deux seules chaines de television sont etroitement controlees par le ministre de l'lnformation. Cette rigidite contraste avec revolution de la societe. En effet, la France s'est enrichie et urbanisee. Les premieres generations du baby-boom arrivent a l'age adulte et remplissent les bancs des universites, dont les effectifs ont plus que double au cours des annees 1960. C'est l'epoque des yeyes et du rock, ou l'on affiche une volonte de rupture avec la « France a papa », conserva-trice et bien pensante, incarnee par le general de Gaulle. Les premieres revokes de 1968, qui sont d'ailleurs internationales, ont lieu a la faculte de Nanterre. Cette jeune universite, implantee au cceur d'un bidonville, oil les etudiants issus des classes moyennes cotoient les ouvriers immigres, est le symbole parfait des inegalites sociales qui caracterisent encore la societe francaise. Les Frangais au XXe siecle Chapitre 11 Mai 68 debute en mars Le 22 mars, des etudiants gauchistes occupent la salle du conseil de l'universite. C'est le debut du « mouvement du 22 mars », mene entre autres par un etudiant en sociologie, Daniel Cohn-Bendit. Les etudiants reclament la libre circulation des garcons dans les residences de filles pousses par un esprit de liberte. Le gouvernement reagit par la violence et decide la fermeture de la faculte. Mai lui en prend : le mouvement se transpose en plein cceur de Paris dans le Quartier latin, et les etudiants de la Sorbonne se rallient. La contestation etudiante prend de l'ampleur a mesure que se durcit la repression policiere. Les esprits s'echauffent egalement avec les provocations violentes des etudiants d'extreme droite du mouvement Occident. Le 3 mai, les premieres barricades sont elevees dans Paris, des voitures sont brulees et les paves volent sur les CRS. Les revendications sont multiples et les murs se couvrent de slogans libertaires (« II est interdit d'interdire »), tiers-mondistes, anti-capitalistes (« A bas la societe de consommation »), antimilitaristes (« CRS-SS ») ou tout simplement poetiques (« Sous les paves, la plage »). Le gauchisme est a la mode Depuis La mort de Staline en 1953 et La politique de destalinisation engagee en URSS, Le marxisme sovietique fait beaucoup moins rever. La jeunesse etudiante se passionne pour Les revolutions chinoises ou cubaines, avec La figure romantique de Che Guevara. Le trotskisme, mouvement dissident au sein du marxisme sovietique, trouve egalement un souffle nouveau... Autant de signes d'inquietude pour La Ligne doctrinale du PCF, qui condamne Le mouvement etudiant. Le mouvement prend progressivement de l'ampleur: des greves sponta-nees d'etudiants et d'ouvriers se multiplient sur l'ensemble du territoire. La France compte bientot 9 millions de grevistes ! Mais la liaison entre etudiants et ouvriers ne se fait pas car, de part et d'autres, on ne tient pas le meme langage, les aspirations etant differentes : a l'utopisme des premiers s'opposent les revendications concretes des seconds. Le reflux du mouvement Pour le gouvernement il y a urgence. Georges Pompidou negocie avec les syndicats les « accords de Grenelle », relevant les salaires et genera-lisant la quatrieme semaine de conges payes. Mais les ouvriers desa-vouent les syndicats et ne reprennent pas le travail: la crise devient politique. Les partis de gauche pensent qu'il y a un coup a jouer. Il faut dire qu'il semble y avoir un flottement au gouvernement. Le 29 mai, Partie vii Le XXe siecle (1914-2002) : la France entre guerres et paix c'est meme la stupeur car De Gaulle a disparu ! On apprendra par la suite qu'il est parti en Allemagne, dans la zone d'occupation francaise, oil il a retrouve le general Massu. Lorsqu'il revient, il est bien decide a reprendre les choses en main. Il annonce la dissolution de l'Assemblee, ramenant ainsi la contestation sur le terrain democratique. Le 30 mai, un demi-million de personnes defile sur les Champs-Elysees derriere les grandes figures du Gaullisme. C'est le debut du reflux du mouvement. Fin juin, les elections voient la victoire totale du parti gaulliste qui obtient la majorite absolue des sieges. La gauche, quant a elle, est laminee. Les Francais, qui dans un premier temps ont eu de la sympathie pour les etudiants, ont finalement pris peur face au discours revolutionnaire. Les opposants auront cependant droit a un deuxieme round a l'occasion du referendum du 27 avril 1969 a propos d'une reforme du Senat. Le non l'emporte et De Gaulle, s'estimant desavoue par les Francais, demissionne. Deux semaines plus tard, Georges Pompidou est elu president de la Republique. Le vieux general se retire alors dans sa residence de Colombey-les-Deux-Eglises, ou il meurt en novembre 1970. Que reste-t-il de mai 1968 ? Tout d'abord, une Legende forgee par une generation assimilee a ces evene-ments, Les « soixante-huitards ». Une cuLture soixante-huitarde se met en pLace. Le journaL Liberation, fonde en 1973, en est La figure embLematique. Les prin-cipaux Legs de La generation contestataire seront La Liberation des mceurs ainsi que La Liberation feminine, portee entre autres par Le Mouvement de Liberation des femmes (MLF) qui nait a La fin des annees 1960. Le mouvement ecoLogiste sera un nouveau terrain de contestation pour certains soixante-huitards comme DanieL Cohn-Bendit, passe du Libertarisme rouge au LiberaLisme vert. ■ 1969-1974. La France pompidolienne L'ancien Premier ministre Georges Pompidou, evince apres la crise de mai-juin 1968, est facilement elu en 1969. A l'election, la gauche est completement laminee, puisque l'antique SFIO n'obtient que 5 % des voix au premier tour, signant ainsi son arret de mort. Quant a l'extreme gauche, elle repasse dans l'ombre. Les maoistes et certains trotskistes decident d'investir et de transformer les partis et les syndicats de gauche de l'interieur : c'est la strategic d' « entrisme ». Le gaulliste historique, Jacques Chaban-Delmas, heros de la Resistance et maire de Bordeaux, est appele a Matignon. Tres energique, il lance son projet de « nouvelle-societe » visant a moderniser le pays Les Francais au XXe siede Chapitre 11 avec, par exemple, l'instauration dun salaire minimum interprofes-sionnel indexe sur la croissance (SMIC). Mais Chaban-Delmas commence a inquieter les gaullistes conservateurs avec son idee de gouverner au centre. Pour ce faire, il s'entoure en effet de personnalites de gauche comme le mendesiste Jacques Delors, ce qui deplait forte-ment. En 1972, Pompidou decide de se separer de son Premier ministre et nomme le conservateur Pierre Messmer, militaire heros de la France libre et gardien du gaullisme pur et dur. Malgre les oppositions internes, le regime pompidolien se maintient. La maladie du President, atteint dune leucemie qui l'emporte en 1974, entrame un certain flottement dans le gouvernement. Celui-ci ne reagit guere a la guerre du Kippour, quatrieme guerre israelo-arabe en 1973, et a la crise petroliere qui en decoule. L'heure est a la guerre de succession, et pour l'occasion, le jeune ministre des Finances, Valery Giscard d'Estaing, se construit une image populaire a coups d'accordeon, de parties de football ou de pulls a col roule. Pompidou ose une architecture differente Pompidou marque son empreinte dans La viLLe de Paris, avec La construction du quartier de La Defense, Les voies rapides sur Les berges de La Seine, ou encore La construction tres controversee d'un musee d'art contemporain aux Lignes avant-gardistes en pLein cceur du quartier des HaLLes : Beaubourg. ■ 1971-1974. Mitterrand redresse la gauche Le ralliement des partis Ä gauche, le Parti communiste reste la premiere force. Cependant, les revelations sur le stalinisme et le systéme concentrationnaire sovié-tique, notamment sur les politiques de repressions menées ä Budapest en 1956 et surtout ä Prague en 1968, ont considérablement écorné l'image de la « mere patrie du socialisme ». Le Parti communiste n'en maintient pas moins une force électorale importante : il peut s'appuyer sur ses bastions municipaux, notamment dans la « ceinture rouge » autour de Paris. Mais le parti, désormais dirigé dune main de fer par Georges Marchais, est engage sur la voie du déclin. Le développement du secteur des services réduit les effectifs de la classe ouvriére, élec-torat traditionnel du PCF Surtout, Francois Mitterrand ambitionne de faire du Parti socialiste le premier parti de gauche. Partie vii Le XXe siede (1914-2002) : la France entre guerres et paix Un an apres mai 1968, la SFIO, le vieux parti de Jean Jaures, est trans-formee en Parti socialiste (PS), mais sa force electorale reste faible. En 1971, au congres d'Epinay-sur-Seine, Francois Mitterrand prend la direction du PS, parti auquel il vient d'adherer. L'homme qui a mis De Gaulle en ballottage en 1965 est decide ä remporter les elections presi-dentielles sur la base dune union de la gauche. Cette union necessite une entente avec le PCF L'accord est trouve assez facilement en juin 1972 : c'est la naissance du « programme commun », un ensemble de mesures que la gauche appliquera en cas de victoire electorale. Ce texte traduit une approche marxiste des rapports socio-economiques. En effet, le programme prevoit, entre autres, la nationalisation de certaines entreprises, la planification de l'economie, l'autogestion ouvriere, etc. C'est un pari reussi pour le PS : les adhesions pleuvent et aux elections legislatives de 1973, il egalise presque avec le PCF. En 1974, aux elections presidentielles, Mitterrand echoue de peu face ä Valerie Giscard d'Estaing : 49 contre 51 % au second tour. selection de 1974 Pour beaucoup, Le resultat final s'est joue pour La premiere fois ä La television. Au cours d'un duel televise, Valery Giscard d'Estaing, aguerri ä cet exercice face ä un adversaire tres crispe, lance le fameux : « Monsieur Mitterrand, vous n'avez pas le monopole du cceur. » Par ailleurs, il faut noter que pendant cette election, un groupe de deputes gaullistes, menes par le jeune Jacques Chirac, aban-donne le candidat officiel de leur parti, Jacques Chaban-Delmas, au profit de Valery Giscard d'Estaing. Enfin, ce scrutin voit la premiere candidature ecolo-giste ainsi que celle de Jean-Marie Le Pen, dont le score, 0,74 % des voix, ne presage pas un second tour 28 ans plus tard. L'union de la gauche explose en 1977, quand le Parti communiste prend conscience que l'union favorise surtout les socialistes. Les chemins des deux grands partis de gauche se separent done ä nouveau, le PCF renouant merne avec la ligne pro-sovietique lors de l'invasion de l'Afghanistan par l'URSS en 1979. En 1981, les voix communistes seront neanmoins necessaires ä Francois Mitterrand, et le premier gouvernement socialiste comportera des ministres communistes jusqu'en 1984. ■ 1974-1981. Les « annees Giscard » Pour la premiere fois depuis 1958, le mouvement gaulliste perd la presi-dence de la Republique, gardant toutefois le contröle de l'Assemblee nationale. Un jeune gaulliste, Jacques Chirac, rallie ä Valery Giscard Les Francais au XXe siede Chapitre 11 ďEstaing, est alors nommé ä Matignon. Dans un premier temps, le president Giscard ďEstaing semble animé par une reelle volonte de changement et de modernisation. Dans le registre symbolique, il multi-plie les initiatives qui seront autant de sujets de railleries pour ses adversaires : il s'invite ä diner chez les Francais, prend le petit-déjeuner avec les éboueurs de 1'Élysée, etc. Des femmes charismatiques au gouvernement Pour marquer Le changement, Valéry Giscard ďEstaing place des femmes au sein du gouvernement. Cest le cas de la journaliste Frangoise Giroud, nommée, signe des temps, secretaire d'Etat ä la condition feminine, ou encore de Simone Veil, rescapée d'Auschwitz et brillante magistrate, au ministěre de la Santé publique. Une série de réformes importantes, adaptant la legislation aux evolutions de la société francaise, inaugure le septennat. Cest ainsi que la majorité est abaissée ä 18 ans pour répondre aux velléités ďexpression politique manifestées par la jeunesse en mai 1968. Mais c'est un mauvais calcul politique, car en 1981, la jeunesse votera massivement pour Francois Mitterrand. Giscard ďEstaing soutient également, contre 1'avis de sa majorité et ďune partie de l'opinion, la loi Veil léga-lisant l'avortement (IVG). Sept ans aprěs la loi Neuwirth sur la contraception, c'est une autre grande victoire pour le feminisme qui militait alors pour rendre aux femmes le droit de disposer de leur corps. La marge de manoeuvre du president est toutefois rapidement limitée par l'opposition de gauche « dopée » par son score de 1974 et par les dissidences qui s'expriment au sein du mouvement gaulliste. C'est notamment ä cette periodě que Jacques Chirac claque bruyamment la porte de Matignon (1976). Valéry Giscard ďEstaing le remplace par celui qu'il qualifie de « meilleur économiste de France », Raymond Barre. Ce dernier va mettre en place une politique liberale, ä l'heure oú les preoccupations sont essentiellement économiques. La fin des Trente Glorieuses En 1973, les membres de L'OPEP (Organisation des pays exportateurs de pétrole) augmentent le prix du pétrole (multiplié par 4) en reaction ä la position occiden-tale lors de la guerre du Kippour. Les pays occidentaux sont durement touches : leur facture énergétique explose, leurs exportations diminuent, leur production industrielle chute. En 1975, pour la premiere fois depuis la guerre, L'economie frangaise entre en recession et recule de 0,3 %. En 1979, le second choc pétro-lier, lie ä la revolution iranienne, est encore plus violent. Le prix du pétrole est © 399 Partie vil Le XXe siěcle (1914-2002) : la France entre guerres et paix multiplié par 10, alimentant une inflation ä deux chiffres. Les faillites industrielles ainsi que la modernisation des systěmes de production (robotisation, premieres délocalisations), entrainent l'apparition d'un chömage de masse : on compte 1 million de chömeurs en 1977, 2 millions en 1981 et 3 millions en 1992. Le gaullisme chiraquien devient l'ennemi jure du giscardisme. Les deux principaux courants de la droite francaise se déchirent aux diffé-rentes elections de la fin du mandát présidentiel. En 1977, aux premieres elections municipales de Paris apres une reforme du statut de la capitale, Jacques Chirac l'emporte sur le candidat giscardien. L'Hotel de Ville de Paris devient le tremplin pour ses futures ambitions présidentielles et le cceur d'un veritable systéme politique qui n'a pas encore dévoilé tous ses secrets. Aux elections legislatives de 1978, la droite doit sa victoire aux propres divisions de la gauche, le PCF ayant mis fin ä la strategie d'union avec le PS. Ä l'approche des premieres elections européennes, depuis l'hopital Cochin oil il est soigné pour un accident de la route, Jacques Chirac tient un discours trěs anti-européen tourné contre l'UDF : « l'appel de Cochin » est un veritable tolle et le nouveau parti gaulliste fonde par Jacques Chirac, le Rassemblement pour la République (RPR), obtient un score mediocre aux elections. Le paysage politique francais en 1981 est done un veritable champ de bataille oil tous les coups sont permis. ■1981. Un socialiste entre a 1'Élysée Le president sortant remet son mandat en jeu dans un climat tendu : l'affaire des « diamants de Bokassa », cadeaux presumes du dictateur centrafricain ä son « ami » Valéry Giscard d'Estaing, a terni l'image du president sortant. Francois Mitterrand, son rival, s'evertue quant ä lui ä donner confiance. Sa Campagne, préparée par un publicitaire (signe des evolutions de la communication politique), est axée autour du slogan « la Force tranquille ». Son affiche électorale le présente souriant avec un village pittoresque en arriěre plan. Cest 1'antithěse de son affiche de 1965 oú Ton voyait un pylöne et ďaustěres usines en arriěre-plan ! Les elections voient la victoire de Francois Mitterrand avec 52 % des voix. La défaite de Valéry Giscard d'Estaing s'explique en partie par le manque d'enthousiasme dont Jacques Chirac fait preuve lorsqu'il s'agit d'appeler son camp ä voter Giscard d'Estaing. L'ancien president en tirera un vif ressentiment en vers son ancien Premier ministře. Lautre Les Frangais au XXe siěcle Chapitre 11 enseignement de ce scrutin est le recul trěs net des communistes au premier tour: Georges Marchais obtient 15 % des voix (c'est la derniěre fois qu'un candidat communiste obtient plus de 10 % des voix aux présidentielles). La victoire socialiste est done totale. Le soir de la victoire de Francois Mitterrand, le 10 mai, la foule afflue place de la Bastille sous une pluie battante. Les électeurs de gauche exultent car c'est la fin de plus de vingt ans de gouvernements de droite. Dans la foulée, Francois Mitterrand dissout 1'Assemblée et les socialistes obtiennent la majoritě des sieges. Le nouveau Premier ministře, Pierre Mauroy, peut lancer son programme de réformes en toute legitimitě. Un vaste chantier de réformes En matiěre de Lutte contre Le chómage, Le gouvernement met en pLace une politique de type keynésienne, c'est-á-dire de relance par La demande, en revalori-sant Le SMIC, en facilitant Le credit, etc. Pour pousser Les entreprises á embaucher, Le temps de travail hebdomadaire passe de 40 á 39 heures. Dans La lignée du Front populaire, une cinquiěme semaine de congés payés est accordée. Un vaste programme de nationalisation est Lancé dans La banque et 1'industrie. Du point de vue institutionnel, La politique de decentralisation est mise en place par Le ministře de 1'Intérieur Gaston Defferre : désormais, Les collectivités Locales sont dotées de pouvoirs étendus. Sur Le plan culturel, La bandě FM est Libérée du monopole étatique tandis que Le médiatique ministře de La Culture, Jack Lang, tente de rendre La culture plus accessible (prix unique du Livre, Féte de La Musique...). Enfin, La peine de mort est abolie par l'un de ses plus farou-ches opposants, Le garde des sceaux Robert Badinter. Malgré les réformes, la France connait de grandes difficultés économi-ques. Un pian ďaustérité est done mis en place á partir de 1983 et le gouvernement socialiste se prepare á 1'échéance legislative de 1986. Mais les resistances se font jour. En 1983, c'est la fin de « 1'état de grace » et á 1'Assemblée, 1'opposition se reveille par 1'entremise de jeunes deputes gaullistes. La politique de relance est un échec : elle favorise les importations et fait baisser les exportations, les entreprises fran-caises perdant en compétitivité. La balance commerciale s'ecroule. $ La defense d'une telle politique est insoutenable dans le cadre du 13 marché commun. Mitterrand tranche done en faveur de l'Europe et a engage une politique de rigueur budgétaire děs 1983. L'annee suivante, a le projet Savary sur la reformě de l'enseignement rassemble contre lui S plus d'un million de personnes attachées á 1'école privée. o © 401 Partie vil Le XXe siěcle (1914-2002) : la France entre guerres et paix L'heure est done ä la reconquéte de ľélectorat. Le president nomme Laurent Fabius ä Matignon. Celui-ci, qui n'a que 37 ans ä ľépoque, passe pour un socialiste modéré. Grace ä lui, le president remonte dans les sondages malgré les premiers scandales de ľere mitterrandienne. On se souvient notamment de ľaffaire du Rainbow warrior, ce navire de ľorganisation écologiste Greenpeace protestant contre les essais nueléaires francais, coulé en baie d'Auckland (Nouvelle-Zélande) par les services secrets francais en 1985. ■ 1986-1988. La Ve Republique inaugure la cohabitation En 1986, la droite remporte les elections legislatives. Malgre un mode de scrutin passe ä la proportionnelle pour gener le RPR et l'UDF, ceux-ci obtiennent ensemble la majorite absolue. Le PS devient neanmoins le premier parti de France, le PCF retrouve ses scores de 1932 et le Front national installe ses premiers deputes au palais Bourbon grace au mode de scrutin. La situation est inedite : le president doit gouverner avec un Premier ministre dun autre bord politique. C'est l'epoque de la « cohabitation », lorsque Jacques Chirac est appele pour la deuxieme fois de sa carriere ä Matignon. Lors du premier conseil des ministres, le ton est donne : le president est decide ä garder toute son autorite, notamment dans le « domaine reserve » du chef de l'Etat, la defense et la diplomatic Aux sommets internationaux, les chefs d'Etats etrangers doivent s'habituer ä discuter avec deux representants de la France. En terme de politique interieure, la marge de manoeuvre presidentielle est beaucoup plus reduite malgre quelques tentatives d'obstruction. Le gouvernement peut done lancer son programme de re formes liberales. Le liberalisme bat son plein L'epoque est au liberalisme économique. Margaret Thatcher en Grande-Bretagne et Ronald Reagan aux États-Unis ont transforms en profondeur les economies de ces pays. Jacques Chirac s'en inspire. Un vaste programme de privatisation est lancé dans la banque (BNP, Societě Generale, etc.) I'industrie (Saint-Gobain, Alcatel, etc.) ou les médias (TF1). Sur le plan social, le gouvernement facilite les procedures de licenciement dans un souci de flexibilitě du marché de l'emploi. Toujours en direction des milieux d'affaires, l'impöt sur les grandes fortunes (IGF) est supprimé. Les Frangais au XXe siede Chapitre 11 Les reformes avancees par l'Etat sont denoncees aussi bien ä gauche qu'ä droite ; elles font un tolle dans l'opinion publique. Le gouverne-ment doit egalement composer avec les critiques grandissantes du Front national et de son turbulent president, Jean-Marie Le Pen, qui multiplie les declarations provocantes. En outre, le gouvernement doit faire face, en 1986, aux manifestations etudiantes ainsi qu'aux violentes insurrections des independantistes de Nouvelle-Caledonie. ■ 1988-1995. Un deuxieme tour pour Mitterrand En 1988, Mitterrand est reelu president de la Republique triomphale-ment, dejouant ainsi les ambitions de son Premier ministre. Au soir du premier tour, deux tendances sont ä retenir : la marginalisation du Parti communiste, desormais remplace, dans le role du parti contesta-taire, par le Front national, qui ravit au parti de la place Fabien (siege parisien du PCF) le Statut de premier parti ouvrier de France. Quant ä Jacques Chirac, le president de la Republique l'a habilement place dans une position subalterne, accreditant aux yeux de l'opinion l'idee qu'il n'aurait pas la carrure d'un homme d'Etat. Au soir du second tour, le visage de Francois Mitterrand apparait une nouvelle fois sur les ecrans de television avec un score de 54 % des voix. La majorite socialiste L'Assemblee nationale est aussitot dissoute et l'election d'une chambre ä majorite socialiste ferme la parenthese de la cohabitation. La volonte de rassemblement est marquee par la surprenante nomination de Michel Rocard ä Matignon, ennemi jure du president de la Republique au sein du camp socialiste. Sous la conduite de cet homme de compromis, le gouvernement s'ouvre ainsi aux hommes du centre-droit et aux personnalites de la societe civile. Le gouvernement Rocard se distingue par la resolution de l'epineuse question neo-caledonienne : en juin 1988, l'accord de Matignon ratine par les Francais par referendum ouvre la voie ä l'autodetermination de rile. Par ailleurs, afm de lutter contre l'exclusion sociale induite par l'explosion du chömage, le gouvernement socialiste met en place le Revenu minimum d'insertion (RMI) permettant de lutter contre la grande pauvrete en France. En 1989, alors que les Francais celebrent le bicentenaire de leur liberation de 1789, un vent de liberte parcourt l'Europe de l'Est. Le 9 novembre, le Mur de Berlin n'est plus : la famille europeenne est de nouveau reunie. En 1991, l'URSS disparait: c'est la fin de la Guerre froide. Partie vil Le XXe siěcle (1914-2002) : la France entre guerres et paix Le probléme numero un reste cependant la montée du chómage, á peine enrayée par une éphéměre embellie économique. Děs 1991, alors que la guerre du Golfe vient de s'achever, le president renvoie Michel Rocard, considérant que 1'opinion ne le soutient plus. Pour la premiere fois en France, une femme est appelée á Matignon : Édith Cresson prend la téte du gouvernement. L'heure n'est pourtant pas au feminisme : elle est rapidement victime de nombreuses railleries miso-gynes qui font choux gras de son ton volontiers cassant et de quelques maladresses. Moins dun an aprěs sa nomination, Édith Cresson est done congédiée et remplacée par le rigoureux Pierre Bérégovoy. En 1992, les Francais approuvent par referendum le traité de Maastricht ouvrant la voie á 1'union monétaire européenne. Le nouveau Premier ministře a un an pour preparer le Parti socialiste aux elections legislatives de 1993. Cest une défaite annoncée car le deuxiěme mandát Mitterrand est marqué par de nombreux scandales politiques et financiers : affaire du sang contaminé, scandale du Credit Lyonnais, financement occulte du Parti socialiste... De plus, le president, trěs affaibli par un cancer de la prostate, s'eclipse progressivement du premier plan. La droite remporte logiquement les elections: la deuxiěme cohabitation commence avec Édouard Balladur á Matignon. Le climat est délétěre avec le suicide de Pierre Bérégovoy le ler mai 1993, avec pour toile de fond un chómage á plus de 13 % de la population active. La seconde cohabitation La deuxiěme cohabitation (1993-1995) est beaucoup moins agressive que la premiere en raison de l'usure du president et de la personnalité du nouveau Premier ministře, un homme de rondeur tant physique que psychologique. II měne alors une politique libérale, reprenant les privatisations des grandes entreprises nationalisées (BNP, Renault, Seita, etc.). Le gouvernement assoit sa popularitě en réagissant avec fermeté face au terrorisme. Cest le cas lors de la prise d'otages dune maternelle de Neuilly par un dépressif en 1993, ou lors du détourne-ment dun Airbus Alger-Paris en 1994 par des terroristes algériens. Ce dernier cas anno nee le 11 septembre 2001 : l'integrisme musulman entre en guerre contre les démoeraties occidentales. Mais á cette date, personne n'en a encore vraiment pris la mesure. En revanche, en 1994, la France et les grandes puissances ne parviennent pas á enrayer le genocide rwandais : pres ďun million de personnes s'entre-tuent dans ce petit pays africain. Les Francais au XXe siede Chapitre 11 ■ 1995-2002. D'un siěcle ä l'autre sous le president Chirac L'ancien Premier ministře de Valéry Giscard d'Estaing et de Francois Mitterrand parvient enfin ä la fonction supreme aprěs deux tentatives infructueuses en faisant Campagne sur le thěme de la « fracture sociale ». Děs sa prise de fonction, Jacques Chirac est decide ä retrouver l'esprit gaulliste en matiěre de politique internationale : reprise des essais nucléaires francais dans l'archipel de Mururoa en Polynésie provoquant un veritable tollé sur la scene internationale, modernisation de l'armee avec le passage ďune armée de conscription ä l'armee de metier, politique volontariste dans les Balkans pour mettre fin au conflit sanglant en ex-Yougoslavie enlisée depuis pres de quatre ans. Toutefois, 1' « etat de grace » dure peu : le president et son Premier ministře, Alain Juppe, doivent faire face ä un violent conflit social durant l'hiver 1995-1996 qui paralyse un temps le pays. L'opinion est fortement échaudée contre le gouvernement et, ä la faveur ďune dissolution surprise en 1997, il place au pouvoir la « gauche plurielle » unis-sant le Parti socialiste aux Verts et au PCF Le president doit se preparer ä une longue cohabitation de cinq ans avec le socialiste Lionel Jospin. La République contestée En février 1998, Le préfet Érignac, representant de L'Etat en Corse du Sud, est assassiné par des indépendantistes corses. L'emotion est grande dans l'ile et dans Le pays. Le nouveau préfet, Bernard Bonnet, entame une action muscLée de reprise en main répubLicaine qui s'acheve sur un fiasco en 1999 (affaire des paiLLotes incendiées par des gendarmes). En 2001, un nouveau statut territorial est vote pour cette ile au fort sentiment identitaire. Le « quinquennat » de Lionel Jospin ä Matignon est marqué par une série de réformes importantes, parmi lesquelles la trěs contestée reduction du temps de travail, porte ä 35 heures hebdomadaires dans certains secteurs. La prioritě reste en effet la lutte contre le chömage, et le partage du temps de travail apparait alors pour la gauche comme un moyen efficace de créer de l'emploi. Signe des temps, la gauche gouvernementale se rallie ä 1'économie de marché recommandée par les institutions européennes : les politiques de privatisation conduites par le gouvernement socialiste sont les plus importantes jamais menées (France Telecom, GAN, Credit Lyonnais, Air France, etc.). Le Partie vil Le XXe siěcle (1914-2002) : la France entre guerres et paix gouvernement Jospin s'attache également ä une politique de modernisation sociale : la loi sur la paritě homme/femme dans la vie politique, l'instauration de la Couverture médicale universelle (CMU) et du Pacte civil de solidaritě (PACS) font figure de mesures emblématiques. La nature s'affole L'enjeu environnemental devient pregnant au cours des années 1990. En 1999, le naufrage du pétrolier Erika entraíne une dévastatrice marée noire sur les cötes du littoral Atlantique. L'opinion est d'autant plus consternée que les pouvoirs publics réagissent avec lenteur. II faut dire aussi que la nature semble se dérégler: en 1996, la crise de la vache folle avait par exemple jeté des doutes sur les consequences environnementales de l'agriculture et de 1'élevage produc-tivistes. En 1999, les Frangais sont surpris sortant des tables du réveillon de Noěl par une tempéte particuliěrement violente. Bientöt, la multiplication des records de temperature va provoquer une prise de conscience forte de la néces-sité de trouver des solutions aux problěmes de pollution atmosphérique. En 2002, la France ratifie ainsi le protocole de Kyoto sur la limitation des emissions de gaz ä effet de serre. En 2000, le passage symbolique dans le XXIe siěcle et celui réussi ä Teuro, qui remplace définitivement le franc en 2002, semblent annoncer l'entree dans une nouvelle ěre. Cependant, celle-ci ne debute pas sous les meilleurs auspices. Les attentats du 11 septembre 2001 ä New-York et Washington transforment en profondeur l'etat des relations internationales. La France, touchée en 1994 et 1995 par le terro-risme islamiste, prend part avec les États-Unis ä la « guerre contre le terrorisme » dont l'Afghanistan des Talibans est la premiere des cibles en octobre 2001. Pour la France, 1'élection présidentielle de 2002 et 1'arrivée au deuxiěme tour de 1'extréme droite sont également le signe dune profonde crise morale et politique. La grande evolution en ce debut de XXIe siěcle est la méfiance crois-sante vis-ä-vis des classes dirigeantes et la percée de l'extreme droite, phénoměne pas uniquement francais. En 2002, son candidat, Jean-Marie Le Pen, arrive pour la premiére fois au second tour de 1'élection présidentielle. La progression de l'abstention et 1'éclatement de l'offre politique (16 candidats aux présidentielles de 2002) marquent le détachement des Francais vis-ä-vis de leurs dirigeants et de leurs institutions. Les nombreux scandales de 1'ěre Mitterrand et Chirac (écoutes téléphoniques, financement occulte de partis politiques, affaire Elf et bien ďautres), ainsi que les soupcons souvent fondés de collusion entre milieux politique, financier et médiatique, jettent un voile de defiance généralisée sur la classe politique. Les Francais au XXe siěcle Chapitre 11 Vision extérieure : De Sarajevo á Berlin, la France face aux défis international^ Les problěmes internationaux prennent une ampleur inégalée au XXe siěcle : assassinat de Francois-Ferdinand á Sarajevo en 1914, chute du mur de Berlin en 1989. La France, ancienne grande puissance, sort considérablement affaiblie des deux guerres mondiales et devient une piece (le cavalier seul ?) parmi les autres sur 1'échiquier mondial, les États-Unis et l'URSS faisant office de rois adverses dans le cadre de la Guerre froide. Le processus de construction européenne devient alors un projet de puissance, capable de peser dans le concert des nations. Le XXe siěcle est également celui de la decolonisation, mettant fln á pres de cinq siěcles de domination européenne sur le monde. Désormais, il faut compter avec les pays du Sud, et leurs retards économiques et sociaux soulěvent la question de 1'inégalité des échanges mondiaux dans le cadre de la mondialisation de 1'économie. Ce processus ďémergence ďenjeux globaux et ďinterdépendance au niveau mondial devient de plus en plus fort á mesure que les moyens de communication se développent. Á partir des années 1970, 1'enjeu environnemental devient méme une preoccupation globále, ďabord portée par une poignée de chercheurs avant de devenir un probléme politique mondial. ■ La Guerre froide : le monde divisé en deux La rivalité politique, économique et idéologique entre les États-Unis et l'URSS structure l'ensemble des relations internationales. L'origina-lité de cette rivalité tient á la confrontation indirecte entre les deux puissances, la confrontation directe étant devenue quasi impossible depuis que l'URSS posséde la bombě A (en 1949, quatre ans aprés les Américains). Cest le debut de « 1'équilibre de la terreur ». Par consequent, la Guerre froide se livrera indirectement sur les peripheries des blocs, sur les espaces de contact: blocus de Berlin-Ouest en 1948-1949, guerre ďlndochine á partir de 1949, guerre de Corée de 1950 á 1953, crise des missiles á Cuba en 1962, guerre du Vietnam en 1964-1973, invasion soviétique de 1'Afghanistan en 1979, sans compter les diverses luttes ďinfluence sur tous les continents. Poutes les batailles secretes de la Guerre froide nous restent probablement inconnues car c'etait aussi une guerre ďespions et de désinformation visant á désta-biliser 1'adversaire. Partie vii Le XXe siecle (1914-2002) : la France entre guerres et paix Plus pacifiquement mais avec des enjeux symboliques extremement forts, la rivalite Est-Ouest est aussi ä l'origine de la « course ä l'espace » (Spoutnik et Gagarine contre Apollo et Armstrong) ou la course aux medailles durant les Jeux olympiques. La derniere crise de la Guerre froide (crise des euromissiles europeens et « course aux armements ») reprend dans les annees 1980. L'incapacite sovietique de repondre au defi americain conduit ä la fin d'un conflit. La crise des euromissiles Depuis La fin des annees 1970, La Guerre froide s'est intensifiee depuis l'instal-Lation de missiLes nucleaires sovietiques en Europe de L'Est. Le nouveau gouver-nement americain de RonaLd Reagan, Lance dans une politique de fermete vis-ä-vis de L'URSS, veut installer ses propres missiles en ALlemagne. En RFA, un mouvement pacifiste proteste vivement contre la decision. La France socialiste est alors attendue au tournant. Or, Frangois Mitterrand, qui declare que « les euromissiles sont ä l'Est et les pacifistes ä l'Ouest», soutient fermement le projet americain. Le nouveau chancelier allemand Helmut Kohl en tire une vive gratitude envers le president frangais : c'est le debut d'une longue amitie entre les deux hommes. ■ Un monde domine par deux superpuissances Les Etats-Unis : de I'absence a I'omnipresence Les Etats-Unis sont la grande puissance du XXe siecle, sortie victo-rieuse des trois grands conflits du siecle : les deux guerres mondiales et la Guerre froide. Mais cette omnipresence americaine est un fait nouveau : au debut du siecle, les Etats-Unis brillent essentiellement par leur absence, replies sur leur espace americain. Meme l'interven-tion dans le premier conflit mondial fait figure d'exception, si bien qu'en 1920, les Etats-Unis reviennent a leur politique traditionnelle d'isolationnisme. Seule l'entree en guerre en 1941, apres Pearl Harbor (attaque surprise japonaise contre la flotte americaine du Pacifique), initie l'intervention definitive des Etats-Unis dans les affaires du monde. lis prennent alors la tete du monde libre, d'abord contre les puissances de l'Axe (Allemagne, Italie, Japon) puis contre l'URSS. L'aura des Etats-Unis est pendant l'apres-guerre a son firmament. L'economie americaine se developpe a pas rapides et entre dans l'ere de la societe de consommation. Le monde occidental est alors fascine par le mode de vie americain, opulent et sur de lui, porte par le mythe de Les Francais au XXe siěcle Chapitre 11 V American Way of life. Son avance technique fascine : en 1969, les premiers pas de Neil Armstrong et de Buzz Aldrin sur la Lüne concretised un vieux réve de 1'humanité. Culture américaine, culture mondiale Le pouvoir d'attraction des États-Unis s'etend au domaine culturel. Son cinema porte les valeurs de la nation grace ä l'audience planétaire d'Hollywood, d'Autant en empörte le vent (1939) ä La guerre des étoiles (1977). Le jazz, intro-duit en Europe par les soldats américains en 1918, et le rock n'roll bouleversent les habitudes musicales et les mentalités. Le festival de Woodstock en 1969 apparait aujourd'hui comme le symbole de la generation du baby-boom. Pourtant, malgré les succěs portés par une certaine forme de messia-nisme voulant que les États-Unis soient la puissance du Bien, les crises sociales et morales s'egrainent progressivement au fil du siěcle. Le debut des années 1930 est ainsi celui de la Grande depression. La politique de segregation, dont sont victimes les Afro-américains dans les Etats du Sud, révěle aussi les limites de la democratic américaine. D'autres crises morales traversent le pays : repression anticommuniste et « chasse aux sorciěres », menées par le sénateur McCarthy durant les années 1950, traumatisme profond provoqué par la guerre du Vietnam (1964-1973), soutien apporté aux dictatures d'Amerique du Sud (Chili de Pinochet) ou d'Europe (Espagne de Franco), mais les États-Unis montrent leur capacité ä aller de l'avant et se relěvent toujours de ces crises, ä l'image de l'esprit pionnier des premiers immigrants américains. Les États-Unis vont de l'avant En 1931, le president démocrate Franklin D. Roosevelt redresse 1'économie par le biais du New Deal et la mise en place de 1'État providence. De méme, le combat en faveur des droits civiques mené par le reverend noir Martin Luther King aboutit, par des moyens pacifiques et démocratiques, ä la reconnaissance des droits des Noirs. Enfin, en 1973-1974, la crise politique du Watergate provoque la demission du president Richard Nixon, accuse d'avoir fait espionner les bureaux de l'opposition. Le journal qui a révélé l'affaire, le Washington Post, prouve la vitalitě des contre-pouvoirs, notamment médiatiques. Les années 1980 parachěvent le triomphe des États-Unis. La politique volontariste et réformiste du president Reagan transforme en profon-deur le systéme économique américain, ouvrant la voie vers 1'ultra liberalisme oú le creusement des inégalités sociales passe derriěre les Partie vil Le XXe siěcle (1914-2002) : la France entre guerres et paix objectifs de croissance économique. Surtout, la politique de fermeté vis-ä-vis de l'URSS provoque reffondrement soviétique ; les États-Unis se retrouvent alors seuls ä la téte du monde. Cette situation politique nouvelle ne tarde pas ä produire ses effets. En 1991, les Etat-Unis forment une vaste coalition internationale contre 1'Irak lors de la lěre Guerre du Golfe. De la Russie á l'URSS et de l'URSS á la Russie Le XXe siěcle entraine la Russie dans la voie du communisme. Premier pays ä réaliser la revolution communiste révée par Marx. La Russie incarnera désormais soit un ideal soit un repoussoir. Tout commence avec la revolution bolchevique ďoctobre 1917 portée par Lenine : les bolcheviks prennent le pouvoir aux sociaux-démocrates (mencheviks) qui avaient renversé le tsar Nicolas II en février. S'ouvre alors une periodě de guerre civile particuliěrement violente entre les bolcheviks et leurs opposants : les partisans du Tsar (les blancs), les mencheviks et les paysans (les verts). Les bolcheviks sortent victorieux, et l'URSS, Union des Républiques Socialistes Soviétiques, est officiellement créée en 1922. Aprěs la mort de Lenine, la guerre de succession entre Trotski et Joseph Staline voit la victoire du second. Personnalité particuliěrement violente et autoritäre, Staline met en place un Systeme totalitaire et répressif symbolisé par le goulag, systěme concentrationnaire soviétique. En 1941,1'Allemagne entre en guerre contre l'URSS ; menacée dans sa survie par un ennemi motive par l'anticommunisme et la haine des Slaves, l'URSS parvient ä résister et ä renverser la machine de guerre allemande pendant la bataille de Stalingrad. En 1945, la victoire des Soviétiques sur les nazis confere un prestige immense ä l'URSS et ä son chef, car le monde est redevable au lourd tribut payé par ce pays durant la guerre : plus de 20 millions de morts. Aprěs guerre, l'URSS place les pays libérés par l'Armee rouge sous sa tutelle et engage avec les États-Unis une rivalitě de pres de 45 ans. Ä l'Ouest, les partis communistes européens sont étroitement controlés par le biais du Kominform, nouvelle Internationale communiste placée sous l'autorite de Moscou. La contestation de la tutelle soviétique conduit ä une repression systématique : ä Budapest en 1956, ä Prague en 1968, en Pologne en 1981. Aprěs la mort de Staline, le pays opere une politique de déstalinisation révélant au monde un certain nombre de crimes commis par Fanden diri-geant soviétique. II faudra attendre les années 1980 pour voir une politique Les Frangais au XXe siecle Chapitre 11 d'ouverture et de democratisation operee par Mikhail Gorbatchev. Mais il est dejä trop tard : en 1989, les democraties populaires d'Europe centrale reprennent leur independance tandis que les republiques socialistes se detachent progressivement de l'Union sovietique. Le XXe siecle s eteint avec la fin de l'URSS en 1991, dont l'existence aura profondement condi-tionne les rivalries internationales du siecle. ■ Les pays du Sud font entendre leurs voix La decolonisation voit l'emergence de nouveaux acteurs sur la scene internationale. Ces pays, qualifies par le statisticien francais Alfred Sauvy de « tiers monde » en reference au tiers etat d'Ancien Regime, cherchent ä faire entendre une voix discordante en refusant de choisir entre les deux blocs. Cette « troisieme voie » ou « tiers-mondisme », portee notamment par linde de Nehru ou l'Egypte de Nasser, fait pres-sion sur les puissances coloniales pour accelerer le processus de decolonisation et denonce l'ordre economique mondial fonde sur les inegalites de developpement et la dissymetrie des echanges commer-ciaux favorables au pays du Nord. Pourtant, le poids economique des pays du Sud est revele au monde en 1973. Cette annee-la, les pays exportateurs de petrole du Moyen-Orient decident de sanctionner la politique pro-israelienne des Occidentaux en augmentant brutalement les prix de Tor noir. L'Europe s'enfonce alors dans la crise economique, bientöt suivie des pays du Sud eux-memes. Le fort endettement des pays africains et sud-americains les place en effet en situation de banqueroute et en totale dependance vis-ä-vis des politiques, interessees, d'aide au developpement venues du Nord. ■ Les nouveaux acteurs Au-dessus des Etats Ä la fin de la Premiere Guerre mondiale, le president des Etats-Unis, Wilson, impose le Systeme de securite collective et le respect du droit international fonde sur une organisation internationale, la Societe des nations (SDN). Son echec ä preserver la paix conduit ä la creation, en juin 1945, dune nouvelle institution, l'Organisation des Nations Unies (ONU). Son assemblee generale est une tribune pour l'ensemble des Etats membres qui y sont representes sur un pied d'egalite. En revanche, l'organe decisionnel, le Conseil de securite, beaucoup plus Partie vii Le XXe siede (1914-2002) : la France entre guerres et paix restreint, est domine par les membres permanents : Etats-Unis, URSS, Grande-Bretagne, Chine et France sont dotes d'un droit de veto. Dans le cadre de la Guerre froide, il est en effet tres difficile de trouver un consensus, et 1'influence des grandes puissances conduit souvent ä l'impuissance de l'Organisation quand principes juridiques et interets politiques ne concordent pas. En dehors des Etats L'apres-guerre voit egalement l'arrivee sur la scene internationale des Organisations non gouvernementales (ONG) appelees ä prendre une influence croissante. Les organisations pacifistes comme Amnesty International, ecologistes (World Wild life Fund, Greenpeace, etc.) et humanitaires (la Croix-Rouge, Medecins sans frontieres, etc.) devien-nent des interlocuteurs privilegies voire redoutes des Etats, et pallient souvent ä l'inaction de ces derniers grace ä leur expertise technique et ä une certaine liberte d'action. Les « french doctors » imposent le droit d'ingerence humanitaire Ce principe reconnu aujourd'hui dans Le Droit international est ne Lors de La guerre du Biafra au Nigeria (1967-1970). ALors que La Croix-Rouge est contrainte par Le gouvernement nigerian de quitter Le pays, des medecins frangais decident de rester pour porter secours aux victimes. De cet acte de rebellion nait en 1971 Medecins sans frontieres (MSF), organisation totalement independante de secours aux victimes, qui regoit en 1999 Le prix Nobel de La paix. Chapitre 12 XXe: Les Frangais et Leur temps • Les Frangais dans Les guerres mondiales • FLux et reflux de La colonisation • La litterature en reflet du siecle Partie vil Le XXe siěcle (1914-2002) : la France entre guerres et paix Les Francis dans les guerres mondiales Au XXe siěcle, rHumanité experimente des formes nouvelles de guerre et de destruction, inconnues jusqu'alors. Les Francais sont aux premieres lignes, les deux guerres mondiales se déroulant entre autres sur le sol national. Ces conflits font entrer « l'art de la guerre » dans une nouvelle ěre, celle des guerres totales, c'est-ä-dire des conflits oil ne s'affrontent plus seulement des armées mais bel et bien des nations entiěres. Ces guerres dunnouveau genre posent le problěme de l'impli-cation des hommes et des femmes dans le conflit. ■ L'Union sacrée des Francois dans la Grande Guerre (1914-1918) Un pays entier tendu dans l'effort de guerre La Premiere Guerre mondiale est la premiere guerre industrielle : c'est un conflit humain mais aussi un conflit materiel, oú les economies des belligérants s'affrontent. En cela, les guerres du XXe siěcle sont filles de la revolution industrielle du siěcle precedent. En 1914, le general Joffre reclame 50 000 obus par jour, alors que la réponse industrielle est limitée ä 14 000. En 1917, cette capacité de production est portée ä 170 000 alors que les besoins sont passes ä 190 000. Au total, la Grande Guerre engloutit pas moins de 331 millions ďobus et plus de 6 milliards de cartouches d'infanterie ! Poute l'economie du pays est réquisitionnée par 1'armée : il faut équiper les soldats en armements mais aussi en vétements, chaussures, nourriture, etc., acheminés grace au réseau ferré élaboré au XIXe siěcle. Les grands groupes industriels comme Renault ou Citroen répondent aux enormes commandes militaires et transforment leurs systěmes de production. En France, l'introduction des méthodes scien-tifiques ďorganisation du travail (la chaíne de montage par exemple) inventées aux États-Unis date de 1'époque. Les femmes ä 1'usine La guerre provoque un important besoin en main-ďceuvre alors que La majoritě des hommes est au front. Pendant La guerre, on assiste done a une féminisation des usines, surtout dans Le secteur de L'armement. La figure de La « munitionnette », L'ouvriere de L'armement, illustre cette evolution du travail feminin. Mais la guerre n'est qu'une parenthěse car La demobilisation des soldats XXe: les Francais et leur temps Chapitre 12 stoppe immediatement cette feminisation de ['Industrie. Si evolution du travail feminin il y a, c'est au regard des femmes issues des classes moyennes qui se tournent vers les emplois salaries comme le secretariat ou les emplois hospita-Liers car, depuis toujours, les femmes des classes populaires sont actives, au champ ou ä l'atelier. Le « front de I'arriere » La Grande Guerre est aussi une guerre de civils. L'ombre du conflit plane sur l'ensemble des activites sociales et sur toute la population. La mobilisation concerne notamment les enfants. La guerre leur est expli-quee pour faire comprendre le depart ou la disparition du pere. Ce discours est porte par la famille mais aussi par l'ecole, les livres, les jeux, les jouets (deguisements de soldat, figurines militaires, etc.) qui creent ensemble une « culture de guerre enfantine ». Une guerre morale Des ses debuts, la guerre est vue comme le moyen de regenerer une France en declin, notamment dans les milieux catholiques ou d'extreme droite. La guerre se doit d'etre vertueuse et moralisatn'ce. Ainsi, I'absinthe est interdite dans les debits de boisson pour lutter contre I'alcoolisme. L'experience du combat est alors vue comme regeneratrice car elle developpe I'endurance et fortifie le caractere des soldats. Bien vite, la durete des combats va faire tomber ce bel optimisme. La guerre brouille egalement les frontieres entre les sexes : alors que les femmes devraient etre tenues a l'ecart de la guerre, leur mobilisation se fait non seulement dans les usines d'armement ou les hopitaux militaires, mais egalement en tant que soutien moral pour les soldats. La presse invente ainsi les marraines de guerre, ces femmes qui ecri-vent et envoient des colis aux « poilus ». Cette implication des civils dans le conflit est jugee comme essentielle pour la victoire. On parle meme de « front de I'arriere » pour souligner l'importance de la mobilisation de la population dans l'effort de guerre. Cependant, l'implication des civils peut prendre des aspects plus tragi-ques. Dans la logique de la guerre totale, tout est permis pour reduire les capacites de resistance de l'adversaire. Les civils deviennent alors les cibles directes des combats : les villes sont bombardees par l'artillerie lourde ou par l'aviation. A la fin du conflit, les millions de victimes euro-peennes de la grippe espagnole peuvent etre considerees comme des victimes indirectes de la guerre, car ce sont les deplacements massifs de soldats qui ont favorise la diffusion de l'epidemie. Enfin, dans les terri-toires occupes par l'armee allemande, en Belgique et dans le Nord de la Partie vii Le XXe siecle (1914-2002) : la France entre guerres et paix France, la population peut etre requisitionnee pour servir l'effort de guerre ennemi: a la souffrance physique liee aux conditions de travail difficiles s'ajoute alors la douleur morale de travailler pour l'ennemi. Ainsi, en mobilisant economies et societes, la Grande Guerre est une guerre to tale. Elle initie les nouvelles formes de la guerre propres au XXe siecle et dont la Seconde Guerre mondiale constituera le modele le plus acheve. La guerre, suite et fin ? Les combats cessent le 11 novembre mais ne mettent pas fin a la guerre pour autant. Le 11 novembre est aujourd'hui la date de reference pour celebrer la fin de la guerre. En France, l'annonce de l'armis-tice jette des millions de personnes dans les rues ; les villes et les villages s'egayent de scenes de liesse a la mesure des souffrances accu-mulees pendant quatre ans. La victoire est celle de toute une nation et la guerre a retabli l'entente nationale. La Republique se reconcilie ainsi avec l'Eglise qui a appele a la defense nationale. Clemenceau declare le 11 novembre : « La France, hier soldat de Dieu, aujourd'hui soldat du Droit, sera toujours le soldat de l'ldeal. » Pourtant, la fin de la guerre ne peut etre reduite a cette seule date. L'heure est en effet au retour des poilus dans leurs families. Le passage a la vie civile est difficile quand on a quitte son domicile depuis un, deux, trois voire quatre ans, et lorsqu'on a endure une guerre difficile a raconter a qui n'a pas vecu l'epreuve du front. Souvent, l'incomprehen-sion regne entre les poilus et leurs proches car chacun a vecu la guerre d'une maniere differente. Bien des couples n'ont pas survecu aux longs mois de separation, et le retour est d'autant plus ardu quand on revient du front avec un corps mutile ou deforme. Les « gueules cassees » seront toute leur vie durant les temoins des ravages de la guerre. D'autres porteront de maniere moins visible les stigmates du conflit a travers des troubles psychologiques plus ou moins graves que la psychanalyse et la psychiatrie naissantes s'efforcent de soigner. Pour de nombreuses families, la fin de la guerre fait naitre des sentiments ambivalents, car pres de 1 400 000 hommes ne reviendront jamais du front: autant d'epoux, de fiances, de freres, de peres, de fils a pleurer. La guerre laisse 680 000 veuves et 760 000 orphelins. La mortalite de cette guerre est socialement egalitaire : paysans, intellec-tuels (Alain Fournier, Charles Peguy, Apollinaire, entre autres), bourgeois, soldats des colonies... tous sont passes par l'epreuve du feu. Seuls les ouvriers, par les besoins induits par la guerre industrielle, representent la categorie sociale proportionnellement la moins XXe: les Francais et leur temps Chapitre 12 touchee. En outre, un phenomene de classe creuse apparait par le deficit des naissances : les disparus sont autant de peres en moins. A une epoque oil la notion de « race » est tres en vogue, beaucoup sont preoccupes par l'avenir de la France et des Francais en tant que peuple. Les peines contre l'avortement sont done renforcees en 1920. Honorer les morts : la memoire de la guerre Dans chaque commune de France, des monuments aux morts sont eriges pour rendre hommage aux « Morts pour la patrie ». A Paris, I'Arc de Triomphe abrite, a partir du 11 novembre 1920, la depouille d'un soldat anonyme, le « soldat inconnu », dont le corps symbolise toutes les victimes non identifiers de la guerre. Sur les anciens champs de bataille, d'immenses cimetieres militaires alignent les sepultures tandis que les ossuaires reunissent les corps anonymes comme celui de Douaumont a Verdun. Chaque annee, a la meme date, ces monuments sont le cadre de ceremonies du souvenir reunissant notables, anciens combattants et meme les ecoliers. On le voit, le 11 novembre a une vocation edifiante dans le rejet de la guerre : 14-18 doit etre la « Der des Der». Ce pacifisme est porte en France par les associations d'anciens combattants. Par leur courage et leurs souffrances, les poilus accedent au statut de heros. Reunis dans ces associations, les soldats de la Grande Guerre se veulent sentinelles de la moralite et du civisme, et leurs avis et opinions peseront d'un grand poids dans la vie politique francaise de l'entre-deux-guerres. ■ Vivre sous I'Occupation : la Seconde Guerre mondiale (1939-1945) La France allemande La France allemande s'etend de la moitie Nord du pays en novembre 1942 a l'ensemble du territoire apres l'invasion de la zone Sud. Cette presence de l'occupant est particulierement visible : les croix gammees remplacent les drapeaux tricolores sur les edifices publics des grandes villes, les panneaux en allemand se dressent aux carrefours. L'armee allemande s'affiche dans les theatres, les cinemas, les grands restaurants, etc. qui lui sont reserves. Mais cette visibilite de l'occupant est variable selon les lieux : bien des villages de France voient de loin la presence allemande. Le quotidien des Francais est partout difficile. Le pillage industriel et agricole exerce par les Allemands a conduit a la mise en place d'un Partie vil Le XXe siěcle (1914-2002) : la France entre guerres et paix systéme de rationnement des biens de consommation : nourriture, vétements, tabac, charbon sont distribués á 1'aide de tickets. Le « systéme D » L'heure est á La chasse au gaspillage et á L'utiLisation des ersatz, ces produits de substitution comme La saccharine en guise de sucre ou Les rutabagas, une sortě de navet qui rempLit Les estomacs. Le cuir et Le caoutchouc manquent ? Les semeLLes des chaussures et Les pneus des véLos seront faits de bois. Les bas sont introuvabLes ? Une teinture et un trait de pinceau á L'arriere du moLLet pour simuLer La couture font illusion et permettent aux femmes de rester élégantes. Le marché noir permet de détourner le rationnement mais les prix s'envolent. Le prix ďune cravate équivaut au salaire mensuel ďune dactylo ! Certains sont accuses de profiter de la situation. Un fossé se creuse notamment entre urbains et ruraux, car la vie est plus aisée á la campagne grace aux produits de la ferme. Malgré la guerre, il faut continuer á vivre comme si de rien nétait, ďailleurs la natalité repart á la hausse děs 1943 : c'est le debut du «baby-boom ». Les cabarets, les theatres, les bibliothěques, les cinémas ne désemplissent pas. Paris reste une capitale intellectuelle de premier plan, et des auteurs comme Jean-Paul Sartre ou Albert Camus commencent leur carriěre littéraire pendant cette periodě. Á cause de la censure mais aussi du gout pour les sujets hors du temps, les grands succěs de 1'époque n'ont souvent aucun rapport direct avec 1'actualité. Les succěs cinématographiques de la periodě, Les Visiteurs du soir de Marcel Carné (1942) ou Le Corbeau d'Henri-Georges Clouzot (1943), sont particuliěrement représentatifs de cet état ďesprit. XXe: les Frangais et leur temps Chapitre 12 Flux et reflux de la colonisation ■ Les enjeux de la decolonisation Le XXe siecle est celui de la decomposition de l'empire colonial cons-titue au siecle precedent. De l'Algerie en 1830 aux anciennes colonies allemandes annexees en 1919, la France a mis pres dun siecle a consti-tuer un empire mondial, centre sur ses possessions africaines (Maghreb, Afrique de l'Ouest et equatoriale, Madagascar) et ses implantations en Asie (peninsule indochinoise, comptoirs indiens), au Proche-Orient (Liban, Syrie) et dans le Pacifique (Nouvelle-Caledonie, Polynesie francaise), sans oublier les possessions americaines (Antilles, Guyane, Saint-Pierre-et-Miquelon), heritees du premier age colonial (XVIP et XVIIP siecles). En moins de 20 ans, de 1945 a 1962, cet immense empire, le second au monde apres celui des Britanniques, est demantele. Ce processus de decolonisation, porte par les revendications nationalistes des populations indigenes, se realise dans la douleur. La guerre d'Indochine (1946-1954) et surtout la guerre d'Algerie (1956-1962) constituent de veritables traumatismes moraux, et ces blessures ne sont toujours pas refermees. Ainsi, la guerre d'Algerie a ete inegalement vecue et percue selon l'Algerien, l'ancien combattant du contingent, le Pied-Noir ou le harki (Algerien combattant avec les Frangais). Cette pluralite de points de vue souvent inconciliables rend particulierement difficile le travail de memoire. Aujourd'hui, la societe francaise est l'heritiere de ce passe colonial. L'immigration originaire de l'ex-empire a porte avec elle ses us et coutumes provoquant certaines incompatibilites avec le modele culturel frangais, notamment la laicite, mais contribue a faire de la France une societe cosmopolite et metissee. ■ L'age d'or de la societe coloniale L'exposition coloniale de Paris en 1931 incarne le paroxysme de l'age colonial. Cette annee-la, 34 millions de personnes se pressent a la porte de Vincennes pour visiter les differents pavilions presentant les arts et productions des differentes colonies, le clou du spectacle etant la reconstitution grandeur nature du temple cambodgien d'Angkor. Partie vil Le XXe siěcle (1914-2002) : la France entre guerres et paix Un zoo humain ä Vincennes ! Ä cöte des am'maux du zoo de Vincennes construit pour ^exposition, La France coloniale est fiěre de mettre derriěre les barreaux des hommes et des femmes issus de La lointaine Nouvelle-Calédonie, présentés comme des « anthropophages kanaks ». Récemment, le champion du monde de football, Christian Karembeu, a révélé que son arriěre-grand-pěre faisait partie de ces person nes exhibées ä la curiosité du public parisien. Cette anecdote illustre bien les conceptions racistes qui ont preside ä 1'oeuvre colonisatrice. Les Européens s'investissent alors ďune mission civilisatrice car il ne fait nul doute pour eux que les populations indigenes sont primitives et arriérées, preuve ďune totale méconnaissance de la culture des populations colonisées. Un veritable engouement pour l'empire traverse alors la société fran-caise. En 1931, André Citroen lance la fameuse « croisiére jaune » ä travers le continent asiatique. Les figures de l'homme et de la femme noirs sont reprises abondamment par la publicitě (« L'Ami y'a bon » de Banania). La fierté coloniale se diffuse dans les manuels scolaires, sur les cartes murales des lecons de geographic Ce renforcement de l'atta-chement ä l'empire colonial, percu comme prolongation de la France, expliquera les fortes resistances pendant la decolonisation. L'epoque est également au renforcement des liens économiques avec l'empire colonial devenu le premier partenaire commercial de la France. Les colonies exportent essentiellement des matiěres premieres comme les métaux d'Afrique du Nord ou des productions agricoles comme 1'hévéa indochinois, le cacao et le café africains, ou encore le vin algérien. Ces productions sont portées par une économie de plantation moderne et commerciale aux mains de 1'État francais ou des colons. L'espace colonial n'est valorise que dans la mesure oil les infrastructures favorisent son integration au commerce international : ports et chemins de fer sont ainsi construits, mais sans interconnections entre les colonies entre elles. ■ Un empire aux couleurs contrastées L'organisation sociale des sociétés indigenes précoloniales est extréme-ment variée, des sociétés tribales et villageoises d'Afrique subsaha-rienne aux sociétés féodales et aux Etats organises d'Indochine ou d'Afrique du Nord. La colonisation s'appuie d'ailleurs sur les hierarchies sociales existantes, ouvrant les écoles de la République ou les chambres de commerce aux elites indigenes afin de mieux encadrer les populations locales. XXe: les Francais et leur temps Chapitre 12 Cependant, malgre ce processus partiel de « francisation », le statut des populations indigenes n'evolue guere en raison des fortes reticences des colons face a toute politique d'assimilation. En Algerie, seule veritable colonie de peuplement de l'empire, les colons sont parti-culierement resistants contre toute evolution, eu egard au desequilibre demographique avec les populations indigenes : pres de 900 000 Europeans contre 5,5 millions d'Arabes et Berberes en 1936. Meme l'enga-gement massif des populations indigenes dans l'armee frangaise pendant la Premiere et la Seconde Guerre mondiale ne remet pas en cause les inegalites de droit. Ces blocages expliquent le developpement des aspirations independan-tistes dans les colonies, notamment chez les elites alphabetisees ou dans les milieux d'anciens combattants. Pour beaucoup, ces revendica-tions sont liees aux principes des Droits de 1'Homme diffuses par la France, bien eloignes des realites de la France coloniale. En Indochine, le nationalisme est porte par le developpement des idees communistes, tandis qu'au Proche-Orient, il se fonde sur le nationalisme arabe. C'est egalement l'epoque dune prise de conscience culturelle et de l'affirma-tion identitaire des colonies, avec l'invention de la « negritude » portee par l'ecrivain martiniquais Aime Cesaire ou le poete senegalais Leopold Sedar Senghor. ■ Un vent d'emancipation Apres la defaite de 1940, l'lndochine passe sous domination japonaise ; le reste de l'empire est l'objet des luttes d'influence entre le gouvernement de Vichy et les gaullistes. A ce petit jeu, ce sont les seconds qui l'emportent grace au ralliement decisif de l'Afrique equatoriale frangaise en juillet 1940. Suivent bientot l'Afrique du Nord ou debarquent les Anglo-americains en novembre 1942, provoquant le ralliement de l'Afrique occidentale frangaise. La Syrie et le Liban, liberes par les Anglais en 1942, prennent leur independance. Des lors, les effectifs de la France libre se gonflent grace a l'apport des troupes indigenes. En effet, 220 000 Nord-Africains (Arabes et Pieds-Noirs) et 113 000 Africains et Malgaches participent a la Liberation de la France. En contrepartie, a l'occasion de la conference de Brazzaville en Janvier 1944, De Gaulle promet aux colonies africaines d'ouvrir la voie de l'autonomisation dans le cadre d'une federation ou metropole et anciennes colonies seraient placees sur un pied d'egalite. La IVe Republique concretise ce projet dans le cadre de « l'Union frangaise », dont l'organisation est placee directement dans la constitution du nouveau regime. Partie vil Le XXe siěcle (1914-2002) : la France entre guerres et paix Cependant, rémancipation n'est pas au rendez-vous et les peuples colonises ne s'y trompent pas. Děs la fin de la guerre, les révoltes se multiplient dans l'empire. Le 8 mai 1945, 21 Européens sont massacres dans la region de Sétif ä l'Est d'Alger. La repression est terrible, 1'armée francaise tuant plusieurs milliers de personnes. S'ouvre alors la phase armée de la decolonisation car les Francais ne sont pas préts ä abandonner une seule miette de leur immense empire. Malgré l'opposition du Parti communiste et de quelques intellectuels éclairés comme André Gide, le colonialisme fait recette ä une époque hantée par le déclin de la France. On s'inquiete en effet de sa faiblesse sur une scene internationale oú s'opposent les deux superpuissances du moment: l'URSS et les Etats-Unis. Un massacre oublie En 1947, suite aux resistances de La France opposee a toute autonomie et a des elections truquees, les mouvements nationalistes de Madagascar se revoltent contre la France. En mars, plusieurs Frangais sont assassines tandis qu'une partie de I'ile bascule dans I'insurrection armee. La repression s'abat avec une tres grande violence : le bilan officiel est de plus de 11 000 morts, probablement sous-estime meme si les calculs malgaches, qui parlent de 100 000 victimes, sont sans doute tres exageres. Restent des episodes particulierement horribles comme I'execution de 150 suspects enfermes dans un train a Moramanga en mai 1947. Pour les Frangais, le message est adresse non seulement aux Malgaches mais aussi a I'ensemble de I'Afrique noire : la metropole ne tolerera aucun processus vers I'independance. ■ La « sale » guerre d'lndochine Colonie frangaise depuis les années 1890, la péninsule indochinoise regroupe trois États actuels : Laos, Cambodge et Vietnam. Aprěs la capitulation japonaise en 1945, Ho Chi Minh proclame la République démocratique du Vietnam. Cóté frangais, deux hommes sont charges de la reprise en main de la colonie asiatique : le general Leclerc á la téte du corps expéditionnaire frangais et l'amiral Thierry d'Argenlieu, le representant du gouvernement provisoire. Leclerc, trěs realisté quant á la position de la France, négocie avec Ho Chi Minh pour faire du Vietnam un État libře intégré á l'Union frangaise. XXe: les Francais et leur temps Chapitre 12 Ho Chi Minn (1890-1969) : le pere du Vietnam A 21 ans, Ho Chi Minh s'embarque sur un navire en partance pour La France. Devenu cuisinier et jardinier a Londres et a Paris, iL s'initie aux idees socia-Listes et adhere a La SFIO puis au Parti communiste. IL voyage ensuite en URSS et en Chine ou iL fonde, en 1930, Le Parti communiste indochinois. IL rentre en 1941 dans son pays aLors sous occupation japonaise. Apres avoir combattu Les Japonais, Ho Chi Minh s'oppose au retour des Frangais apres guerre, pLongeant Le pays dans La guerre d'Indochine jusqu'en 1954. Pere de La Republique demo-cratique du Vietnam, son nom est donne a L'ancienne capitaLe, Saigon. Cest sans compter sur ľinflexibilité de Thierry d'Argenlieu, qui, renouant avec la bonne vieille politique de la canonniěre, bombardě Haiphong en novembre 1946, le grand port de la province du Tonkin, fief du Vietminh, parti nationaliste indochinois. Cette prise de position solitaire recoit immédiatement ľappui du gouvernement frangais tandis que le Vietminh initie la resistance armée : la guerre d'Indochine commence. Pendant huit ans, la « guerre du tigre et de ľéléphant », selon ľexpres-sion d'Hô Chi Minh, oppose les nationalistes vietnamiens ä ľarmée francaise. Aprěs le soutien apporté ä ces derniers par l'URSS et la Chine populaire (née en 1949), les États-Unis décident de soutenir les Frangais dans une guerre de decolonisation récupérée par la Guerre froide. En France, le soutien de ľopinion est faible pour ce conflit loin-tain oú combattent seulement soldats de metier et troupes coloniales. Mais la position de la France se degrade rapidement. Au Vietnam, eile concentre tous ses espoirs sur l'empereur Bao Dai, place stratégique-ment sur le tróne vietnamien. Mai lui en prend, la corruption rěgne rapidement ä la cour de cet empereur fantoche. Cest dans ce contexte qu'en fevrier 1954 s'ouvrent les négociations de Geněve, chargées de regier le conflit, car ľopinion nationale et internationale presse le gouvernement frangais d'en finir avec cette guerre. Dién Bién Phu En novembre 1953, Ľétat-major frangais decide de couper La « piste Ho Chi Minh » par LaqueLLe transite depuis Le Laos L'armement chinois. Les Frangais décident d'investir La cuvette de Dién Bién Phu, téte de pont en pLein cceur de La jungLe, uniquement ravitaiLLée par L'aviation. Cest sans compter sur Le génie du généraL Giap, grand théoricien de La guerilla, et de La force de volonte vietnamienne : ä dos d'hommes et de bicyclettes, des pieces d'artillerie Lourde sont positionnées sur Les hauteurs dominant le camp frangais. Le pilonnage Partie vil Le XXe siěcle (1914-2002) : la France entre guerres et paix intensif détruit Les pistes ďatterrissage, interdisant ainsi tout ravitaiLLement. Le 7 mai, Les Frangais se rendent et Les Vietnamiens font pLus de 10 000 prison-niers. Les Vietnamiens prouvent á tous Les peupLes coLonisés que La domination européenne peut étre brisée. Le nouveau gouvernement de Pierre Menděs France est charge de régler la question indochinoise. Cest chose faite en juillet 1954 avec les accords de Geneve : le Laos et le Cambodge sont confirmés en tant qu'Etats indépendants. Le Vietnam est divisé en deux : le Nord revient au Vietminh, le Sud reste aux mains de Bao Dai, bientót renversé par les militaires. La France évacue piteusement le pays. Pour 1'armée, 1'Indochine est une blessure immense, expliquant pour beaucoup la future position des ofhciers frangais en Algérie. ■ L'Algerie, la guerre tue L/Algérie francaise Si la Tunisie et le Maroc accědent en 1956 á 1'indépendance, il en va tout autrement pour 1'Algérie. Contrairement aux protectorats ou aux colonies ďencadrement, 1'Algérie est pleinement intégrée au territoire national : depuis 1848, le pays est divisé en trois départe-ments représentés au Parlement. Colonie de peuplement, le nceud du probléme algérien tient dans le déséquilibre démographique entre les huit millions de musulmans et les Européens, inférieurs á un million de personnes. Les Pieds-Noirs Les popuLations européennes ďALgérie tiendraient Leur surnom de La couLeur des chaussures des soLdats frangais ayant conquis 1'Algérie au XIXesiěcLe. Les coLons ďALgérie, viscéraLement attaches á une terre oú La trěs grande majoritě ďentre eux est née, contróLent Les grands domaines agricoLes du pays. Les reLations entre communautés sont caractérisées par une stricte separation entre popuLations indigenes et européennes, et ces derniěres refusent toute forme ďémanci-pation aux premieres. Depuis 1947, le statut de 1'Algérie a octroyé la citoyenneté aux populations musulmanes qui ont droit désormais á une representation politique. Mais cette representation se fait sur une base inégalitaire car au sein de 1'Assemblée algérienne, les colons sont représentés par le méme nombre de deputes que les musulmans, pourtant huit fois plus nombreux. D'ailleurs, le compromis ne satisfait ni les Européens, « jetés en páture aux musulmans », ni les nationalistes. XXe: les Francais et leur temps Chapitre 12 Les Algenens organisent la resistance En 1954, peu apres la retentissante defaite frangaise en Indochine, les groupes nationalistes algeriens se federent au sein du Front de liberation nationale (FLN) fonde au Caire par Ahmed Ben Bella. En novembre 1954, le FLN lance 1'insurrection armee dans les Aures, oil huit Europeens sont tues. La « Toussaint rouge » marque le debut de la guerre d'Algerie. La IVe Republique repond par la voix de son ministre de l'lnterieur, Francois Mitterrand : « la seule negociation, c'est la guerre » et « l'Algerie, c'est la France ». En 1955, les violences s'amplifient, notamment dans le Constantinois oil 123 colons trouvent la mort. La repression est terrible : on compte plus de 10 000 morts algeriens. Desormais, la guerre entre les commu-nautes est consommee. En France, le gouvernement perd le controle des evenements : le 6 fevrier 1956, les Pieds-Noirs parviennent ä dieter leur loi au nouveau president du Conseil, Guy Mollet. Le gouvernement envoie done un contingent en Algerie : les effectifs militaires sont doubles et passent de 200 ä 450 000 hommes, dans le cadre de ce qui reste encore une simple « operation de maintien de l'ordre ». Pour l'armee, l'Algerie devient le moyen d'effacer l'Indochine et la desastreuse expedition de Suez. Elle s'y jette corps et äme : les jeunes appeles du contingent sont aux premieres lignes au sein d'une population hostile. lis alternent entre missions de protection, de repression mais aussi action psychologique. L'armee ambitionne en effet de diffuser « l'amour de la France » chez les populations indigenes. Mais l'hostilite des musulmans est grande, notamment ä l'encontre des harkis, leurs compatriotes engages dans l'armee frangaise. La violence s'amplifie Les premiers attentats du FLN touchent Les villes, notamment Alger. Le gouvernement frangais charge alors le general Massu et ses « paras » de nettoyer la capitale. De Janvier a I'ete 1957, la « bataille d'Alger » voit alterner attentats sanglants et operations de police particulierement brutales, l'armee frangaise n'hesitant pas a recourir systematiquement a la torture. Si I'operation est une reussite militaire, du point de vue politique c'est un desastre. En France, les voix commencent a s'elever contre les methodes barbares de l'armee frangaise. Des intellectuels comme I'editeur Frangois Maspero prennent fait et cause pour le FLN, tandis que I'historien Pierre Vidal-Naquet denonce le recours a la torture. A I'ONU, la France est mise au ban des nations. Partie vii Le XXe siecle (1914-2002) : la France entre guerres et paix Le conflit s'exporte en metropole La crise algerienne est a l'origine de la chute de la IVe Republique. La crise du 13 mai 1958 ramene le general de Gaulle aux affaires. Dans un premier temps, l'armee et les Frangais d'Algerie pensent avoir trouve l'homme de la situation: en juin 1958, De Gaulle lance a Alger son fameux « Je vous ai compris ! » C'est aussi lui qui signe, quatre ans plus tard, les accords d'Evian, faisant de l'Algerie un Etat independant. La position gaullienne evolue rapidement car le nouveau president de la Republique a compris l'interet de tourner la page de l'Algerie frangaise. Son evolution semantique est progressive afin de preparer l'opinion, passant de la « paix des braves » a l'autodetermination puis a 1' « Algerie algerienne », et enfin a la « Republique algerienne ». Strategic payante, en 1961, la majorite des Francais le suit en ratifiant par referendum l'autodetermination algerienne. L'armee desavoue De Gaulle ! devolution gaullienne sur la question algerienne est vecue com me une veritable trahison par les Frangais d'Algerie et par l'armee. Des lors, coups d'Etat, secession, attentats... tous les moyens sont bons pour garder l'Algerie frangaise. En Janvier 1960, l'armee d'Algerie se souleve quand le general Massu est releve de ses fonctions. Seul un discours tres ferme du general de Gaulle ramene l'armee a I'obeissance. Les plus radicaux passent alors dans la clandestinite et fondent I'organisation armee secrete (OAS), qui multiplie les attentats sur le territoire metropolitain. En 1961, quatre generaux tentent un pronunciamiento (c'est d'ailleurs De Gaulle qui fait entrer le mot dans le vocabulaire frangais par reference au coup d'Etat de Franco en Espagne en 1936). La encore, De Gaulle fait jouer toute son autorite pour faire echouer le « putsch des generaux ». Des negociations secretes sont lancees avec les nationalistes algeriens ; elles se deroulent dans un climat extremement tendu : attentats de l'OAS, violences d'extreme droite. Ainsi, le 17 octobre 1961, une manifestation organisee par le FLN donne lieu a un dechainement de violences policieres couvertes par le prefet de police, Maurice Papon. Le lendemain, les cadavres d'Algeriens jetes a l'eau flottent encore dans la Seine. Le 7 fevrier 1962, protestant contre un attentat de l'OAS, neuf manifestants frangais sont charges par la police, alors noyautee par l'extreme droite favorable a l'Algerie frangaise, et ecrases contre les grilles du metro Charonne. Malgre ce contexte d'une violence inoui'e, exacerbant les divisions nationales, les negociations aboutissent aux accords d'Evian le 3 juillet 1962, mettant fin a 132 ans de presence frangaise en Algerie. XXe: les Francais et leur temps Chapitre 12 Les traumatismes La signature des accords provoque un veritable vent de panique en Algerie : 700 000 Pieds-Noirs abandonnent leurs foyers et leurs biens sous la menace du FLN, dont la devise est « la valise ou le cercueil ». Une partie des Juifs d'Algerie trouve refuge en Israel, et la plupart des Pieds-Noirs s'installent dans le Sud-Est de la France, loges dans des batiments construits dans la precipitation. Les conditions humiliantes et traumatisantes du depart attisent un sentiment de profond dechire-ment, blessure constitutive de la culture pied-noir desormais tres presente en metropole. Le sort des harkis est encore plus cruel: ceux qui sont restes au pays sont massacres, ceux ayant trouve refuge en France sont laisses a leur sort et sont parques dans des « camps de transit » aux allures de bidonvilles. L'epineuse question de I'Algerie La memoire de la guerre d'Algerie est difficile a evoquer. D'ailleurs, il faudra attendre 1999 pour que le Parlement frangais parle officiellement de « guerre d'Algerie », et non plus de simple « evenement d'Algerie ». Face a I'abondance des recits de soldats des deux guerres mondiales, les temoignages des anciens combattants d'Algerie sont peu nombreux et commencent a peine a emerger, apres plusieurs decennies de silence. II faut dire que le traumatisme est grand pour les jeunes appeles du contingent amenes a combattre au nom d'une guerre illegitime. Plus grave est le regard porte sur les hommes ayant participe aux actes de torture contre les combattants algeriens, comme I'a montre I'affaire Aussares en 2003. Toutes ces experiences rendent difficile I'emergence d'une memoire nationale relative a cette guerre. La polemique de 2002 sur le choix de la date de commemoration de la guerre est, a cet egard, particuliere-ment significative. ■ La decolonisation de I'Afrique subsaharienne L'independance algérienne s'inscrit dans le cadre plus large de l'eman-cipation de TAfrique. La Constitution de la Ve République offre ainsi aux colonies le choix de devenir departement d'outre-mer ou d'entrer dans une « Communauté », structure permettant de garder le lien avec la metropole. Dans les colonies dAfrique noire, des référendums portant sur l'adhesion ä la nouvelle structure sont organises. Seule la Guinée de Sekou Touré refuse. Pourtant, deux ans plus tard, la Communauté disparait car l'heure est ä la decolonisation pleine et entiěre. Les indépendances sont proclamées ä partir de 1960, donnant naissance ä une multitude d'Etats : Senegal, Cöte d'Ivoire, Mali, Niger, Partie vii Le XXe siede (1914-2002) : la France entre guerres et paix Tchad, Centrafrique, Congo, Gabon, Madagascar, Dahomey (Benin ä partir de 1975), Republique voltai'que (Burkina Faso ä partir de 1984), Mauritanie. Les Comores (1975) et Djibouti (1977) suivent bientöt. Pour autant, la page de la decolonisation n'est pas defmitivement tournee : entre 1986 et 1988, les populations indigenes de Nouvelle-Caledonie entrent en insurrection. La paix retrouvee en 1988 aboutit la meme annee aux accords de Noumea qui prevoient, ä l'horizon 2014-2018, un referendum d'autodetermination dans Me. Enfin, la Polynesie francaise s'engage sur la voie de l'autonomisation croissante avec l'obtention du Statut de collectivite d'outre-mer autonome en 2003 et 2004. La France et ses anciennes colonies Du point de vue diplomatique, la France a du mal a sortir de I'ere coloniale ; elle entretient des relations etroites avec ses anciennes colonies, particulierement en Afrique noire. Dans les annees 1960, de multiples accords militaires sont signes et la France installe des bases dans plusieurs pays africains. La France, souvent pergue comme le « gendarme de I'Afrique », intervient plus de vingt fois sur le continent apres 1978 : en Centrafrique en 1979, au Tchad en 1986, au Rwanda en 1994, en Cote d'lvoire en 2002, etc. Par ailleurs, a travers le Franc CFA, indexe sur le cours du franc frangais et par les politiques d'aide au developpement, la France place ses anciennes colonies dans une forte dependance economique. En reference a cette politique en eaux troubles naft le concept « Frangafrique », renvoyant aux reseaux d'influence tisses entre Paris et le continent africain. De nombreuses dictatures africaines sont ainsi couvertes par la France au pn'x d'une subordination a I'ancienne metropole. Les liens culturels sont egalement main-tenus dans le cadre de la Francophonie, organisation reunissant depuis 1986 les chefs d'Etat des pays francophones, anciennes colonies ou non. XXe: les Francais et leur temps Chapitre 12 La littérature en reflet du siěcle Comme au siěcle precedent, les écrivains du XXe siěcle sont ancrés dans leur époque et vivent aussi les soubresauts de l'histoire. Nombreux sont ceux qui participent directement á la Premiere Guerre mondiale. Cest le cas d'Alain-Fournier, l'auteur du Grand Meaulnes (1913), de Charles Péguy et d'Apollinaire qui meurent au front. Ceux qui en reviennent nous fournissent une retranscription realisté, comme Roland Dorgelěs dans les Croix de bois, ou en tirent des conclusions sur la nature humaine, á l'image de Louis-Ferdinand Celine et son Voyage au bout de la nuit. On se souvient aussi d'Antoine de Saint-Exupéry, engage comme pilote des Forces francaises libres, qui meurt en 1944 au-dessus de la Méditerranée. Son metier d'aviateur lui a inspire Courrier sud, Vol de nuit et le Petit prince. D'autres écrivains participent de loin á la guerre, comme Romain Rolland qui est á la téte du mouvement pacifisté pendant la Grande Guerre. Marcel Proust édite entre 1913 et 1927 sa Recherche du temps perdu. L'entre-deux-guerres est traverse par de nouveaux courants litté-raires comme le dadaisme, né en Suisse avant d'etre importe á Paris par Tristan Tzara. Ce courant donne naissance au mouvement surrealisté fonde par André Breton et influence par les recherches de Freud sur l'inconscient. De nombreux écrivains et poětes cótoient ce mouvement á l'image de Paul Éluard, Louis Aragon ou Jean Cocteau. La tradition de l'engagement intellectuel, inaugurée par l'affaire Dreyfus, se poursuit au XXe siěcle : André Gide, Francois Mauriac, André Malraux, Albert Camus et bien d'autres sont autant de noms qui se dressent pour dénoncer les derives du siěcle (nazisme, colonialisme, stalinisme, etc.). Cest aussi le cas de Jean-Paul Sartre qui fonde l'exis-tentialisme, et de sa compagne Simone de Beauvoir qui écrit un veritable manifeste féministe, le Deuxiěme sexe (1949). La seconde moitié du siěcle est marquee par l'emergence de nouvelles formes ďécriture, en reaction contre le roman realisté et psycholo-gique, dans une école appelée « Nouveau roman ». Ses écrivains (Michel Butor, Nathalie Sarraute, Marguerite Duras...) cherchent á rendre compte de la réalité par une extréme créativité de la construction et de la forme. Un nouveau theatre s'impose aussi avec Samuel Beckett (En attendant Godot) et Eugěne Ionesco (La cantatrice chauve), oú le jeu de langage met en valeur 1'absurdité tragique du monde moderně. Le siěcle est aussi celui ďune generalisation de la lecture. Le roman policier confirme sa popularitě initiée au tout debut Partie vil Le XXe siécle (1914-2002) : la France entre guerres et paix du XXe siécle par les personnages de Rouletabille et d'Arséne Lupin, inventés par Gaston Leroux et Maurice Leblanc. Le commissaire Maigret prend le relais et sa popularite occulte ä tort les autres romans de son créateur, ľécrivain beige Georges Simenon. La Belgique est ďailleurs porteuse ďune littérature extrémement populaire avec ľécole franco-beige de bande dessinée, oú dominent les figures de Tintin d'Hergé et d'Astérix de Goscinny et Uderzo, dans un siécle oú ľécrit rejoint ľimage. Conclusion Maintenant que le fil de l'Histoire est déroulé, doit-on fmir par trois petits points ou un point ďinterrogation ? Beaucoup, aujourďhui, se posent la quesion de l'avenir de la voix de la France dans le brouhaha mondial. Pour certains analystes et hommes politiques, la voie est descendante. Alors, la France en déclin ? Cette notion qui inquiěte est á nuancer car, l'Histoire l'atteste, les Francais se sont plus d'une fois considérés en déclin par rapport á un age d'or le plus souvent fantasmé. Les references historiques conduisent á relativiser les obstacles. II n'est pas nécessaire ďaller bien loin : en 1998, dans l'euphorie de la coupe du monde de football, tout le monde s'extasiait alors sur un prétendu modele francais, alliant croissance et protection sociále Toutefois, comment ce petit pays (48e rang mondial pour la superficie) de 62 millions d'habitants (1 % de la population mondiale), repute allergique aux réformes et au systéme capitaliste, faiblement doté en matiěres premieres, fait-il encore partie des plus grandes puissances économiques et politiques du monde ? II faut le rappeler, les Francais appartiennent au monde riche et développé (ce qui n'est pas le cas de 80 % de la population mondiale), et l'esperance de vie est la plus élevée au monde derriěre le Japon. Plus de 70 millions d etrangers convergent chaque année pour visiter la France et partager un certain « art de vivre », repute dans bien des pays. La France a, en tout cas, les moyens de ses ambitions. Elle vit aujourďhui dans un continent paciíié, veritable privilege dans l'etat actuel du monde. Francais et Allemands ont su se pardonner, preuve de l'echo de la culture humanisté dans ces deux pays. Pourtant, deux guerres mondiales, ce n'est pas rien ! Les Francais ont su se redresser, mais aujourďhui, la competition mondiale est un nouveau déíi á relever pour ne pas oublier des femmes et des hommes au bord du chemin. Savoir ďoú Ton vient, c'est se donner les moyens de maitriser l'avenir... La mode au fil des siěcles XVe siecle : visages lisses et pieds pointus Les vetements du XVe siecle suivent Les lignes du corps. Cette nouveLLe apparence est Liee a ['invention recente de La fine aiguiLLe de metal qui permet de preciser la couture des vetements, qui deviennent ainsi plus moulants (auparavant, les coutures, effectuees avec une aiguille en os, se limitaient a joindre les tissus par des lacets). Des femmes longilignes au front immense Les femmes de ce siecle ont les cheveux tires en arriere, ce qui accentue la hauteur du front de maniere altiere. Celui-ci est epile a la poix (sorte de cire a epiler) pour le mettre en valeur. Agnes Sorel, la favorite du roi Charles VII, semble etre I'instigatrice de cette mode. Les cheveux sont dissimules par des coiffes pointues (hennins) au debut du siecle, puis plus aplaties. Les femmes sont minces et acquierent un ventre legerement preeminent par une decoupe de la taille sous la poitrine. La disparition des barbus Les hommes ne portent ni barbes, ni moustaches pendant tout le siecle ; courts ou mi-longs, leurs cheveux sont generalement coupes au bol. II est ainsi aise de dater un tableau de ce siecle par comparaison : les hommes du siecle suivant sont au contraire tous barbus et moustachus. Les cheveux des hommes du XVe siecle sont dissimules par des chapeaux ou des turbans de couleur, a la mode italienne. Des chaussures pointues appelees « poulaines » Dans les milieux privilegies, les hommes et les femmes portent des chaussures etroites, longues et pointues, dites « a la poulaine ». Leur longueur est reglementee par des edits speciaux appeles « edits somptuaires », codifiant le port du vetement en fonction des categories sociales et des bonnes mceurs. Le vetement est done une carte de visite du statut social. Des hommes portant bas et mini robes Le costume de cour des hommes est une sorte de veste serree a La taille par une ceinture. Les jambes, apparentes, sont enserrees dans des bas tricotes de couleur vive. La mode dans Les cours royales ou princieres est au vetement bicolore : une jambe d'une couLeur, L'autre d'une autre ! Toutefois, Les personnages serieux comme Les savants, Les eccle-siastiques, Les magistrats ou Les hommes ages sont vetus de Longues robes sombres. La folie de la fourrure Ce siecle est celui de La fourrure, portee pour La premiere fois en pelisse, a L'envers, directement contre Le corps (depassant aux poignets et au coL). Selon son degre de qualite, La fourrure est un signe exterieur de marquant egalement Le rang social. XVIe siecle : culottes bouffantes, corsets et dentelles... Les hommes de ce siecle sont tous barbus et Les femmes portent Les cheveux tresses, agrementes de perles sur Le front. Leur allure d'abord aerienne, com me sur les tableaux de Botticelli, se rigidifie progressive-ment au cours du siecle. En effet, ce siecle voit naTtre le corset, pendant longtemps carcan des femmes ! Barbus au rendez-vous Le port de la barbe, lance par Frangois Ier, est a la mode pendant tout le siecle. Toutefois, du simple collier, les barbes s'allongent, deviennent poin-tues sous Henri III pour evoluer au carre sous Henri IV. Cette caracteris-tique est flagrante, indice qui demarque facilement un tableau du XVP siecle. La culotte bouffante se deforme La mise en valeur des jambes masculines par le port de bas de couleur est constante. Les culottes bouffantes apparaissent: Frangois Ier les porte avec allure. Nouveaute originale, la mise en valeur du sexe par une coque rigide faisant office de sac a main ! Progressivement, la culotte bouffante s'allonge jusqu'au dessus des genoux, a la fin du siecle. A la meme epoque apparaTt la mode masculine des estomacs mis en valeur par des rembour-rages, rondeur soulignee par une ceinture ! La dentelle fait jour, la fraise s'epanouit La dentelle est utilisee pour la premiere fois de maniere visible sur des vetements ; elle est le signe essentiel pour identifier un tableau du siecle. D'abord discrete sur les cols, elle pro life re ensuite partout. Les cols deviennent immenses, tuyautes : ce sont les fraises. Ces cols sont amovibles pour etre changes aisement. Manches dechiquetees et chaussures carrees Les manches a creve (ouvertes sur La chemise) compLetent un vetement a L'aLLure tres itaLienne, aux epauLes tres Larges. Puis Le vetement des hommes evoLue : Les epauLes deviennent etriquees comme L'iLLustrent Les portraits d'Henri III ou d'Henri IV. Les Longues chaussures a pouLaine ont compLetement disparu au profit de chaussures aux bouts carres. Prisonnieres de corsets et armatures La silhouette des femmes change : Le corps est desormais maintenu par« La tournure », sorte de corset, serrant etroitement La taiLLe. Cet acces-soire est indispensabLe car Les femmes grossis-sent nettement ä cette epoque, en raison de nouveLLes habitudes aLimentaires ou Le sucre venu d'Amerique joue un röLe essentieL. Enser-rees, eLLes sont de moins en moins ä L'aise, enve-Loppees par une armature qui fait gonfLer La jupe : Le vertugadin. XVIIe siěcle : une societě du paraítre Fraises, dentelles et lavalliěres 13 u >> a oj o u O © Sur Les tabLeaux, il est facile de repérer L'époque par trois types de coLs distinguant significativement Les trois rěgnes ďHenri IV, de Louis XIII et de Louis XIV. Ces coLs sont portés aussi bien par Les hommes que par Les femmes. Sous Henri IV, on porte La fraise, ce coL empesé, bLanc et tuyauté. Sous Louis XIII apparait un immense coL carré plat, bordé de denteLLe. Ce coL disparait sous Louis XIV au profit des Lavalliěres, sortě de fouLards de dentelles, ancétres de La cravate, inventés par la premiére favorite de Louis XIV, Louise de Lavalliěre. Bottes et capes de mousquetaire Sous Louis XIII, le vetement devient tres ample : pantalons tres larges et tres fluides sont pris dans des hautes bottes de cuir a larges revers, montant au-dessus du genou. On porte de grandes et longues capes ainsi que de larges chapeaux de feutre avec une plume sur Le cote. La perruque, une nouvelle tendance Si Les hommes ont tous les cheveux courts et des barbes carrées sous Henri IV, peu aprěs, les cheveux sont mi-Longs (jusqu'aux épaules), avec bouc et fine moustache sous Louis XIII. Quant a la periodě de Louis XIV, eile est marquee par le port de volumineuses perruques. Cette mode est créée par le roi lui-méme autour de 1672 quand, exaspéré par une calvitie naissante, iL decide de La dissimuler sous une perruque imposante aux proportions inconnues jusqu'alors. Cette mode, ä L'origine ďune vaste industrie, va se répandre en Europe, marquant d'une empreinte indélébile Le XVIP siěcle. QJ 3 o fD QJ fD in in fD' o fĎ~ in 439 Nceiids et couleurs excentriques Sous Louis XIV, Le vetement mascuLin se resserre sur Le corps. Une Longue veste ajustee affine La silhouette, rendant encore pLus imposante La perruque portee tres Longue sur Les epauLes. Les cuLottes, maintenant etroites, s'arretent aux genoux et sont parfois agrementees d'un Large voLant de denteLLe bLanche. Les vetements des hommes sont extremement chatoyants, aux couLeurs Les pLus fantaisistes et Les pLus voyantes ! Les courtisans parsement L'ensembLe de muLtipLes nceuds ! Le tout fini par des chaussures ä boucLes carrees avec de Larges taLons hauts et rouges ! Une canne ä pommeau paracheve L'aLLure. Le costume feminin est coordonné au costume masculin Jupes et justaucorps dominent toujours Le vetement. Mieux qu'une robe, Les différentes pieces peuvent étre séparées pour étre changées, donnant ainsi une grande soupLesse d'utiLisation. Les grandes capes assorties d'une capuche Large ponctuent L'aLLure feminine des années Louis XIII. Des vertugadins font gonfLer ä nouveau Les jupes sous Louis XIV. Du XVIIIe siécle ä ľEmpire : une mode en rupture L'aUure generale des personnages du XVIIP siede est facile ä identifier jusqu'ä la Revolution frangaise en raison de leurs cheveux gris ou blancs, tant pour les hommes que pour les femmes. C'est la seule epoque qui a choisi de se vieillir par souci de mode. Queues de cheval, tricornes et poudre La perruque blanche avec queue de cheval enserrée dans un nceud, appelé catogan, domine ľépoque Louis XV. Les hommes ne portent ni barbe ni moustache. La tete, recouverte de la perruque ä boudes roulées au-dessus des oreilles, est surmontée ďun tricorne, chapeau ä trois côtés. Les femmes ont également les cheveux poudrés, gris ou blancs, rappelant la coiffure des hommes. Des femmes en couleur pastel Au milieu du siécle, Madame de Pompadour lance le vétement de couleur pastel dans une seule dominante de couleur: automnale, rosée, bleutée... Quand le cou n'est pas protégé ďun jabot de dentelle comme les hommes, le haut du buste est décolleté. La taille est fine, trés serrée par un corset, tandis que les hanches s'épanouissent ä ľaide de paniers. Ľarriére du vétement est plat comme le devant, transformant le bas du corps des femmes en rectangle sans épaisseur, comme des cartes ä jouer! Sous Louis XVI, ľallure de la robe s'arrondit et les épaules se couvrent de chäles, tandis que la coiffure prend une considerable ampleur. Des chapeaux extravagants Sous Le rěgne de Louis XVI, La mode met en valeur Les chapeaux des femmes, devenus extraordinaires. D'une extravagance folie, ils sont posés sur des cheveux attaches en coiffures extrémement volumineuses, bour-rées de cheveux postiches. Le visage des femmes apparait comme trěs menu au milieu ďun tel volume. Les portraits de Marie-Antoinette peints par Madame Vigée-Lebrun illustrent cette mode. Les chapeaux portés pour les grandes receptions de la cour sont des sommets ďingéniosité, souvent en rapport avec 1'actualité : batailles navales reconstituées, jardins pota-gers, oiseaux sifflant dans leur cage, chapeaux agrémentés de fleurs natu-relles protegees dans de petits vases emplis ďeau ! Le pantalon détróne la culotte Les hommes portent des vestes longues taillées dans des tissus colorés, avec des jabots et de larges poignets de dentelle. lis portent aussi la culotte, sortě de pantalon court et moulant s'arretant au-dessous du genou, prolongs par des bas de soie généralement blancs. Pendant la Revolution, cette mode trěs marquee Ancien Regime est abandonnée au profit du pantalon, symbole du peuple. Les révolutionnaires seront ainsi appelés les « sans-culottes », signifiant que le modele est désormais le vétement du travailleur et non plus celui de 1'aristocratie. Directoire, Consulat et Empire Dans l'histoire des costumes, la rupture visuelle entre L'allure d'Ancien Regime et la nouvelle allure napoleonienne est tres nette apres la Revolution. Les perruques ont disparu au profit des cheveux naturels, courts ou mi-longs pour les hommes, en chignons hauts cascadant en boucles pour les femmes. Les hommes portent maintenant un pantalon clair (souvent creme), et la redingote sombre voit le jour avec sa queue de pie. De grandes bottes montantes completent l'apparence relative-ment martiale des hommes, tandis que les femmes portent des chaussures ä petits talons ou des bottines. Fini les corsets pour quelques années... Á partir du Directoire, La mode est á 1'antique depuis La découverte des ruines de La ville de Pompéi. Les femmes portent désormais des robes et non plus un haut et un bas interchangeables. Une femme trěs belle. Madame Tallien, rejette Le corset et Lance La mode de La nudité sous une robe quasi transparente á manches ballons. Josephine de Beauharnais adopte cette mode comme Madame de Récamier. XIXe siecle : fantaisies exclusivement feminities Jusqu'a La Revolution frangaise, Les hommes des cLasses aisees portaient des vetements dont La fantaisie rivaLisait avec ceux des femmes. Mais L'age industrieL change tout. Les hommes des cLasses aisees s'engagent dans L'industrie ou La politique. Desormais au travail, ils ont besoin de vetements fonctionnels : redingote et port systematique du pantalon, L'ensemble de couleur sombre. L'allure generate s'uniformise et evolue peu durant le siecle ; elle est assez proche du costume de notre epoque, avec pour seule originalite Le chapeau haut-de-forme. Les femmes, au contraire, adoptent entre 1814 et 1914 des modes tres differentes, evoluant en trois grandes etapes. Les boucs et les barbes reviennent Quelques romantiques portent des cheveux mi-Longs, mais tous sont quasiment sans barbe ni moustache jusqu'au milieu du siecle. Sous Napoleon III, ces attributs reviennent en force avec le port du « bouc », mais les moustaches sont fines, parfois relevees. La barbe sera a nouveau a la mode entre La IIP Republique et La Premiere Guerre mondiale. Venu d'Angleterre, Le chapeau melon fait son apparition au debut du XXe siecle jusqu'a La fin de la premiere guerre mondiale. Le canotier, en paille, est Le chapeau d'ete, immortalise par le tableau « Dejeuner des canotiers » de Pierre Auguste Renoir. Dans les milieux populaires, Les hommes portent quant a eux La casquette. Macarons, gigots et dentelle Apres un debut de siecle en robes droites a manches ballons, les femmes changent d'allure pendant la Restauration, influencees par Le mouvement romantique. Les robes reprennent de L'ampleur. Les emigrees ont ramene de leur exit anglais une mode de boucles cascadant de part et d'autre du visage : les anglaises. Les cheveux sont parfois pontes en torsades sur Le haut des tempes : ce sont Les macarons. Les manches ballons ont evolue en manche dites « gigots », tres larges des epaules aux coudes, puis tres etroites jusqu'aux poignets. Une caracteristique notable est I'apparition des tissus a carreaux provenant d'Angleterre. La robe se raccourcit legere-ment a la cheville pour laisser apparaTtre des pantalons de dentelle, peu pratiques dans les embarras boueux de Paris ! > a o u O © ^influence espagnole de I'imperatrice Eugenie Sous le Second Empire, I'imperatrice Eugenie introduit la mode espagnole : les cheveux sont Lisses en bandeaux, retenus par un volumineux chignon bas enserre dans une resille. L'evenement vesti-mentaire est alors la vaste et large robe a « panier», au volume jamais atteint auparavant, peu pratique, mais qui accentue la finesse de la taille. Tournures, corsets et tailles fines La perióde de la IIP République est marquee par des femmes ä la taille de plus en plus fine : leurs corsets lacés sont si serrés que la moindre emotion leur est fatale: il faut les dégrafer pour leur permettre de retrouver leurs esprits ! La tournure ou «faux cul» constitue un embarras supplemental : cette armature attachée ä la taille sur le jupon a pour function d'accentuer le volume des fesses, alors que le ventre est désormais plat aprěs la disparition du panier. Les caricaturistes s'en donnent ä coeur joie et comparent les femmes ä des volatiles ! La mode des robes longues perdure jusqu'ä la fin de la guerre de 14-18. Une rupture trěs nette se manifeste alors dans le costume feminin d'apres guerre. QJ 3 o ft) QJ ft) (/> (/> o fĎ" u) 445 XXe siecle : la mode se democratise et s'uniformise Les vetements du debut du XXe siecle etaient encore tres proches de ceux du XIXe siecle, mais la Grande Guerre constitue une rupture decisive dans I'histoire du vetement feminin : la vie professionnelle va avoir des repercussions considerables sur devolution du costume feminin. Les femmes portent desormais des vetements plus fonctionnels qui ne contraignent plus le corps. Ceux-ci se raccourcissent progressivement, de la cheville au haut des cuisses. Le statut social n'est plus aussi apparent qu'autrefois. Le blue-jeans en est I'exemple, porte dans la seconde moitie du siecle par toutes les couches de la societe, hommes et femmes confondus. Ceux-ci, differencies pendant des siecles, portent desormais les memes vetements fonctionnels. Les annees « folles » ou la germination de la mode du XXe siecle Choix pratique, les femmes d'apres-guerre, pour la premiere fois de leur histoire, portent des cheveux courts et un chapeau cloche sur les yeux, influencees au depart par le roman La Gargonne de Victor Margueritte (1925). Pour repondre a ces nouvelles attentes, le soutien-gorge rompt avec plusieurs siecles de corset. Les vetements sont coupes tres droits, faits pour le mouvement (sport, danse, travail), traduisant les evolutions sociales en cours. A la meme epoque, une etape est encore franchie : la mode decouvre le genou, du jamais vu ! Revolution supplementaire, les femmes portent des pantalons (au XIXe siecle, seule George Sand avait ose en porter). L'apparition des tissus synthetiques Apres La Seconde Guerre mondiaLe, Les tissus synthetiques, dont Le nyLon, conquierent Les femmes par Leurs avantages pratiques. Apres Le bas de soie et Les jambes nues coLorees au brou de noix, L'invention du bas de nyLon en 1940 est une revolution completee par ceLLe du collant, en 1959. Ce dernier devient indispensable en 1965, quand Courreges intro-duit en France La minijupe, inventee en 1962 par une creatrice angLaise. Par ailleurs, Les femmes abandonnent Le port du chapeau, allant desor-mais tete nue, ce qui etait autrefois impossible si L'on voulait etre consi-deree comme une femme respectable. Les jupes-culottes et les pantalons font leur apparition, notamment les jeans, introduits sous I'influence americaine. L'uniformisation masculine Le costume des hommes du XXe siecle est L'ancien costume de sport d'autrefois, generalement sans gilet. II est strict, taille dans des tissus gris, ardoise, bleu marine, marron fonce ou noir. Seule La cravate apporte une touche de fantaisie et de personnalisation comme, parfois, Le nceud papillon. Quant a La chemise, elle evolue tant dans ses formes que dans ses couleurs. Ce type de tenue masculine est maintenant un standard international de representation. Plus fantaisistes et plus varies sont les vetements de sport et de loisir, avec La diffusion du sportswear. Longtemps signe de deuil, Le noirs'impose de plus en plus comme une « couleur» de tous Les jours. Bibliographie indicative XVe siede_ BEAUNE Colette, Jeanne d'Arc, Perrin, 2004. DELORT Robert, La vie au Moyen Age, Seuil, 1982. HEERS Jacques, Louis XI, Perrin, 2003. XVIe siede_ MUCHEMBLED Robert, Societes, cultures et mentalites dans la France moderne, XVIe-XVIIIe siede, Armand Colin, 2001. WANEGFFELEN Thierry, Catherine de Medicis, le pouvoir au feminin, Payot, 2005. XVIIe siede_ BLUCHE Francois, Richelieu, Perrin, 2003. CHALINE Olivier, Le regne de Louis XIV, Flammarion, 2005. SOLNON Jean-Francois, La cour de France, Fayard, 1987. I L'n i s i o i r e ae rrance XVIIP siěcle ANTOINE Michel, Louis XV, Hachette, 1982. 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L Hl stoi re de France A Absolutisme 144 Academie francaise 156 Aiglon 224 Aix-la-Chapelle (traite d')180 Alembert (Jean le Rond d') 165, 229,236 Ales (paix d') 124 Alesia 17 Alexandre Ier 220, 224, 230 Algerie (guerre de) 376, 384, 386, 419, 425, 427 Alienor d[Aquitaine 33, 42 Amiens (traite d') 218 Anne d'Autriche 115, 127 Anne de Beaujeu 49 Anne de Bretagne 49 Apanage 41 Appel 18juin 372, 389 Armagnacs 41 Art naif 326 Art nouveau 326 Attila 18 Aubigne (Agrippa d') 111 Auerstaedt (bataille d') 222 Augsbourg (cohalition d') 140 Austerlitz (bataille d') 221, 280 Azincourt 40 B Babeuf (Gracchus) 213 Bai'onnettes (tranchee des) 345 Barbie (Klaus) 370 Baroque (art) 101, 158 Barras 212 Bastille 197, 203, 262, 273 Baudelaire (Charles) 325 Beauharnais (Josephine de) 220 Beilay (Joachim du) 110 Beregovoy (Pierre) 404 Berezina 225 Bismarck (Otto von) 288, 302 Blanc (Louis) 274, 279 Blanche de Castille 28 Blandine (sainte) 17 Blanqui (Auguste) 279, 303 Blum (Leon) 357, 358, 359, 360, 366 Bonapartisme 289, 389 Bossuet 132, 161 Boulanger (general) 298 Bourbons (dynastie des) 194, 255, 256, 288, 293 Bourguignons 41 Briand (Aristide) 353, 380 Broussel 128 Buckingham (due de) 126 Bugeaud (general) 264 Burke (Edmund) 204 Buonarotti 213 C Cadoudal (Georges) 219 Cahiers de doleances 193 Callas (affaire) 236 Calendrier republicain 207 Calvin (Jean) 107 Calvinisme 109 Camisards 141 Camp du drap d'or 78 Campoformio (traite de) 230 Camus (Albert) 418, 429 Canuts 268, 269 Cartel des gauches 351 Catherine de Russie 229 Celine (Louis Ferdinand) 429 Cent Ans (guerre de) 12, 26, 29, 38, 39, 43, 51 Cent-Jours 258, 259 Cesar (Jules) 17 Chaban Delmas (Jacques) 370, 396,397 Chambord (Chateau de) 102 Index Chambord (comte de) 260, 292, 293 Chambre introuvable 260 Charlemagne 12, 21, 33, 77, 244, 344 Charles Ier (d'Angleterre) 116, 117, 125, 146 Charles V 30, 33, 37 Charles VI 40 Charles VII 41, 42 Charles VIII 49 Charles 1X70, 84 Charles X 191, 262, 263, 264, 265 Charles ďOrleans 41, 43, 64 Charles de Bourbon 46 Charles le Chauve 22 Charles le Téméraire (due de Bourgogne) 48 Charles Martel 20 Charles Quint 11, 82, 83, 93, 100, 129, 143 Chateau de Versailles 137, 142, 188, 199, 291, 311 Chateaubriand 242, 321 Chénier (André) 240 Chevalier Bayard 19 Chirac (Jacques) 304, 369, 392, 398, 402, 405 Choiseul (due de) 182 Chouannerie 210 Chouans 216 Churchill (Winston) 360, 372, 376 Claude de France 14 Clémenceau (Georges) 280, 346, 416 8 Clovis 19, 20, 24 % Code civil 217 w Cceur (Jacques) 33 I Cohabitation 402, 404, 405 £ Cohn-Bendit (Daniel) 395, 396 © Co//?erř 134, 138 Colbertisme 134, 138 Coligny (amiral de) 86, 88 Collaboration 224, 365, 367, 368, 369, 373 College de France 80 Collier (affaire du) 190 Colomb (Christophe) 51, 94 Comite de salut public 208, 386 Commune 291, 292, 303 Comte de Provence 255, 262 Concini (Concino) 119, 121, 129 Conclave 39 Condorcet 187, 209, 240 Congres de Vienne 231, 256, 257,311 Consulat 243, 257, 445 Contre-re forme 108, 139 Convention 206, 207, 210, 211 Convulsionnaires 177 Corday (Charlotte) 209 Corneille (Pierre) 157 Cortes Hernan 96 Coty (Rene) 381, 386 Croisades 25 Cromwell (Oliver) 146 Curie (Marie) 305 D D'Artagnan 133 Dagobert 21 Daladier (Edouard) 356, 360, 366 Damiens (Robert-Frangois) 182 Danton (Georges) 206, 208, 211 Dauphin 38 David (Jacques Louis) 209, 220, 244,320 De Gaulle (Charles) 363, 365, 368, 371, 374, 377, 386, 389, 390, 391, 421, 426 Debarquement 373 ĽH i sto i re de France Decazes (ÉUe) 255, 261 Declaration des droits de l'Homme 198, 240, 314 Découverte de ľAmérique 51, 53, 69 Delacroix (Eugene) 257, 322 Dépéche d'Ems 288 Descartes (René) 157 Desmoulins (Camille) 201, 208 Deux-Roses (guerre des) 51 Devolution (guerre de) 134 Diane de Poitiers 85 Dictionnaire 155, 156 Diderot (Denis) 157, 165, 234, 236 Directoire 194, 212 Dolet (Étienne) 81, 98 Dorgelěs (Roland) 361, 429 Doriot (Jacques) 373 Dragonnades 139 Dreyfus (Alfred) 299, 300, 367, 429 Du Barry (Comtesse) 190 Due ď Alen f on 87 Due de Guise 83, 86, 87, 88 Dumouriez 210 Dunois 46 Dupes (journée des) 124 Dupont de Nemours 184, 187 £ Écrouelles 44, 262 Edit de Nantes 90, 139 Edit de Turgot 188 Édouard II 28 Édouard III 30, 34, 39 Édouard IV 48 Eiffel (Gustave) 296 Elisabeth I (dAngleterre) 84, 108, 146 Éloi (saint) 21 Empire germanique 48, 69, 74, 78, 302 Encyclopedic 157, 234, 236 Enghien (due ď) 219 Entente cordiale 302, 308 Erasme 98, 104, 105 Erignac 405 Esclavage 148, 209, 218, 236, 240, 277, 278 Essling (bataille d') 224 Etats généraux 28, 120, 192, 193 Evian (accords ď) 426 F Fabius (Laurent) 402 Fachoda (crise de) 301 Farines (guerre des) 188 Fascisme 349, 356, 373 Fauvisme 326 Fédérés 292 Fénelon 132, 143, 161 Féodalité 22, 23, 26 Ferdinand V ďAragon 52 Ferry (Jules) 291, 315 Féte de la Federation 203, 256 Feuillants 204 Fleury 174, 175 Foch 347 Fontainebleau 101, 259 Fontenoy 178, 180 Formalisme 325 Fouché (Joseph) 223 Fouquet (Nicolas) 133, 159, 179 Franc-maconnerie 239 Frangois Ier 69, 74, 75, 82, 85, 93, 95, 101, 106, 437 Frangois II 84 Francs 19, 20, 39 Friedland (bataille de) 222 Froissart (Jean) 65 Frondes 115,127,128,130,132, 146, 156 Front populaire 356, 357, 359, 360 Furetiere 157 G Galigai (Eleonora) 120 Gallicanisme 45, 143 Gallo-romains 17 Gambetta (Leon) 289, 294, 305, 316 Gaston d'Orleans 90, 122, 131 Gaule 7, 19, 25,45 Gaullisme 389, 397, 400 Gaulois 11, 17, 18 Geneve (accords de) 382, 424 Genevieve (sainte) 18 Genocide 376, 404 Girondins 194, 205, 208 Giroud (Frangoise) 382 Giscard d'Estaing (Valery) 306, 394, 398, 399, 400 Gothique26, 98, 101 Gouges (Olympe de) 198, 240 Gouvernement provisoire 274, 376, 422 Grand Schisme 39 Grande Armee 221, 245, 271 Grande Mademoiselle 131 Gregoire IX 52 Gregoire de Tours 20 Grenelle (accords de) 395 Grevy (Jules) 279, 295, 298 Guerre d'Algerie 376, 386, 394, 419, 425 Guerre des Trois Henri 87, 107 Guerre froide 331, 376,379, 386, 390, 391,403,407,412, 423 Guerres d'ltalie 49, 50, 59, 74, 76 Guerres de religion 84, 88, 106, 142 Guesde (Jules) 303, 304 Guillaume III ď Orange 135, 146 Guillaume le Conquérant 23 Guizot (Frangois) 263, 270, 274, 314 Gutenberg 33, 62, 63 H Habsbourg 48, 69, 77, 82, 92, 99, 115, 121, 124, 128, 129, 133, 140, 146, 228, 311 Harki 419, 425, 427 Hastings 23 Haussmann 284, 285 Hébert (Jacques René) 201, 210 Henri de Guise 87 Henri II 26, 70, 80, 82 Henri III 70, 85, 86 Henri IV 87, 88, 89, 90, 91, 92, 111, 115, 119, 123, 151, 176, 187,439 Henri V (d'Angleterre) 42, 260 Henri VII (d'Angleterre) 51 Henri VIII (d'Angleterre) 78, 82, 93, 107 Hiroshima (bombardement d') 375,376 Hitler (Adolf) 224, 349, 353, 359, 360,362 Ho Chi Minh 422, 423 Hospital (Michel de V) 106 Hugo (Victor) 225, 245, 249, 278, 282, 289, 296, 321 Huguenots 107 Hugues Capet 12, 24 Humanisme 98 L'Histoire de France léna (bataille ď) 222 Immigration 317, 393 Impériaux 79 Imprimerie 33, 62, 105 Indulgents 211 Inquisition 27, 52 Invalides 271 Isabeau de Baviěre 40 Isabelle de Castille 52 3 Jansenisme 142 Jansénistes 142, 143, 176, 183 Jaurěs (Jean) 303, 304, 341, 351, 398 Jean le Bon 30, 38, 41, 47 Jean Sans Peur 41 Jean Sans Terre 27 Jeanne d'Arc 33, 42, 43 Jésuites 108, 139, 183 Joseph (Pere) 122 Joseph II de Prus se 187 Jospin (Lionel) 405, 406 Joyeuse entrée 85 K Kohl (Helmut) 408 L La Fayette (marquis de) 189, 193, 203, 204, 266 La Fontaine (Jean de) 159 La Rochefoucauld (Frangois de) 159 La Valliěre (Louise de) 138 Lamartine (Alphonse de) 269, 273, 274, 275, 276, 279, 321 Lammenais (Félicité de) 263 Laval (Pierre) 366, 373, 375 Law (John) 173, 181 Le Brun (Charles) 132 Le Nötre (André) 132, 136 Le Pen (Jean-Marie) 383, 398, 403,406 Ledru-Rollin (Alexandre) 274 Legislative (assemblée) 204, 205,208 Leon X77,105 Leszczyňska (Marie) 175 Liberalisme économique 284, 392 Ligue catholique 87 Ligues d'extreme droite 300, 359 Loi salique 39, 74 Loi Veil 399 Loi-cadre Defferre 383 Loménie de Brienne 191 Louis le Pieux 22 Louis V 24 Louis VI 26 Louis Xle Hutin 39 Louis XI 39, 41, 46, 47 Louis XII 50, 70, 73, 74, 75 Louis XIII 121, 122, 123, 125, 126, 127, 128, 152, 158, 159 Louis XIV 122, 127, 129, 130, 131, 132, 133, 134, 135, 137, 138, 139, 140, 141, 142, 143, 144, 145, 146, 151, 156, 160, 161, 171, 172, 173 Louis XV 143, 144, 153, 165, 172, 174, 175, 178, 179, 180, 181 Louis XVI 137, 165, 166, 175, 182, 185, 186, 187, 188, 189, 195, 198, 199, 203, 205, 206, 207, 235, 237, 255, 262 Louise de la Valliěre 138 Louise Michel 292, 303 Louis-Philippe d'Orleans 266, 267, 270, 271, 273, 274, 290 Index Loyola (Ignáce de) 218 Louvre 27, 101, 135,265 Loyola (Ignáce de) 108, 183 Lumiěres 165, 185, 188, 193, 194, 198, 229, 234, 236, 239 Lutěce 18 Luther (Martin) 104, 105, 106 Luynes (due de) 121 M Mac-Mahon (maréchal) 283, 292, 294 Mai 68 395 Maintenon (Madame de) 138 Marcel (Étienne) 225 Manuce (Aide) 63, 100 Marat (Jean-Paul) 201, 204, 209 Marcel (Étienne) 38 Marengo (bataille de) 215 Marguerite de Navarre 19 Marie de Médicis 90, 92, 115, 119, 127, 192 Marie Stuart 84, 146 Marie Tudor 107, 108 Marie-Antoinette 187, 190, 199, 205, 211, 228, 240, 265, 444 Marie-Thérěse d'Autriche 182, 187, 228, 239 Marie-Thérěse ďEspagne 132, 138 Marignan (bataille de) 76, 77 Marné (bataille de) 342, 361 Marot (Clément)16, 81 Marseillaise 206, 274, 296 Matignon (accords de) 357 Maupeou (René Nicolas de) 185 $ Mauroy (Pierre) 401 13 Maurras (Charles) 301, 356, 375 w Mazarin (cardinal Jules) 115, g. 127, 128, 129, 132, 133, 135, S 146, 171 Mecene 37 Medicis (dynastie) 84, 85, 99, 101, 115, 127, 192 Mendes France (Pierre) 381, 424 Merovingiens 12 Mers el-Kebir 302, 367 Metternich (prince de) 311 Michelet (Jules) 273 Miraheau (comte de) 193, 196, 198 Mitterrand (Frangois) 369, 397, 400, 403, 406, 425 Moliere (Jean Bapiste Poquelin dit) 132, 159, 160 Mollet (Guy) 380, 383, 386, 425 Monarchie de Juillet 266 Monet (Claude) 325 Monet (Jean) 380 Montagnards 194, 198, 205, 207, 208, 211, 257 Montaigne (Michel de) 103, 111 Montespan (Madame de) 138 Montesquieu 229, 234, 239 More (Thomas) 98 Moulin (Jean) 369 Munich (conference de) 360 Mussolini (Benito) 365 N Napoleon Ier 38, 166, 214, 215, 216, 217, 218, 219, 220, 221, 222, 223, 224, 225, 226, 242, 243, 244, 245, 246, 256, 258, 259, 271, 272, 279, 280, 281 Napoleon II 224 Napoleon III 212, 219, 280, 281, 282,284,286,287,288,389, 444 L'Histoire de France Naturalisme 324 Necker (Jacques) 191, 192, 197 Neoclassicisme 320 Noailles (due de) 178 Nostradamus 85 Nouveau roman 429 0 Ollivier (Emile) 287, 288 Opportunistes 295 Ordonnance de Villers-Cot-terets 81, 155 P Palatine (princesse) 140, 154, 172 Panama (scandale de) 298 Paoli (Pascal) 185 Papon (Maurice) 369, 426 Pare (Ambroise) 83 Parnassiens 325 Parti communiste (PCF) 351, 357, 358, 362, 377, 379, 385, 397, 405, 422 Pascal (Blaise) 160 Pasteur (Louis) 154 Paulette 79, 91 Pavie (bataille de) 76, 79 Pepin le Bref 21 Petain (Philippe) 344, 363, 364, 365, 371, 375, 378 Philippe II (d'Espagne) 93, 100, 108 Philippe IV (Le Bel) 27, 28 Philippe V (d'Espagne) 125, 134 Philippe VI (de Valois) 33 Philippe d'Orleans (regent) 111, 172, 173, 174, 266, 267 Philippe Egalite 261 Philippe le Hardi (due de Bour- gogne) 41, 61 Physiocratie 184 Pic de la Mirandole 98 Picasso (Pablo) 327, 359, 377 Pierre I'Ermite 25 Pippinides 20 Pis an (Christine de) 43, 65 Placards (affaire des) 80 Pléiade 110, 155 Poincaré (Raymond) 352 Pointillisme 326 Poisons (affaire des) 138 Polysynodie 171 Pompadour (Madame de) 174, 178, 179, 182, 187, 444 Pompidou (Georges) 304, 389, 395,397 Port-Royal 142 Poujadisme 383 Praguerie 46 Premiere Guerre mondiale 289, 302, 307, 339, 341, 362, 414 Protestantisme 83, 105, 108, 139,141 Proust Marcel 300, 429 Pyrenees (traité des) 132, 146 Q Quesnay (Frangois) 184 R Rabelais (Frangois) 81, 110 Racine (Jean) 132, 160 Rafle du Vel' d'Hiv 375 Rainbow warrior (affaire du) 402 Raspail (Frangois Vincent) 219 Ravaillac 92, 119, 182 Realisme 324 Reforme 106, 108 Regalia 44 Régence 172, 173, 239 Rémi (Saint) 19 Remontrance (droit de) 172 Renaissance 33, 49, 52, 64, 70, 75, 82, 98, 234, 320, 327 Renaudot 125 Republique des lettres 98, 241 Ire Republique 213 IIe Republique 275 IIP Republique 289 IVe Republique 376 Ve Republique 387 Resistance 345, 369, 370, 372, 377, 396 Restauration 255, 261 Revolution de 1848 273, 290 Revolution francaise 21, 189, 194, 204, 209, 212, 242, 250, 296, 301, 319, 443 Reynaud (Paul) 363, 366 Richard Coeur de Lion 27 Richelieu (cardinalde) 115,120, 122, 123, 124, 127, 142, 152, 156, 171 Rimbaud (Arthur) 325 Robespierre (Maximilien) 204, 208, 211, 213, 240 Rocard (Michel) 403 Rocroi (victoire de) 126, 128 Roman (art) 25 Romantisme 320, 321 Roncevaux 21 Ronsard (Pierre de) 110 Rosso (le) 101 Rousseau (Jean-Jacques) 185, 235,320 S Sacre 25,42,43,44, 65, 187, 220, 221, 262, 280 Saint-Barthelemy (massacres de) 84, 86, 88, 89, 107 Saint Just (Louis Antoine Leon de) 208, 209 Saint Louis (Louis IX) 27, 81 Saint-Nicaise (attentat de) 215 Salons (littéraires) 238, 324 Sand (George) 322, 327, 451 Sans-culotte 194, 201, 209, 211, 291,295 Sarajevo (attentat de) 407 Sartre (Jean-Paul) 301, 377, 418,429 Saxe (maréchal de) 180 Schisme 39, 105, 107 Schoelcher (Victor) 277 Schuman (Robert) 380 Seconde Guerre mondiale 354, 361,375, 376,416, 421 Sept Ans (guerre de) 181, 183, 184, 227, 228 Serf 24 Serment du jeu de Paume 195 Serments de Strasbourg 22 Sieyěs (abbé) 195, 196, 198 Soliman le Magnifique 81, 95 Somme (bataille de la) 345 Sorbonne (universitě) 395 Staěl (Madame de) 192, 320 Staline (Joseph) 395, 410 Stavisky (affaire) 355 Stresemann (Gustav) 353 Suger (abbé) 26 Sully (due de) 89, 91, 119, 151 T Talleyrand 203, 219, 256, 281 Templiers 29 Terreur blanche 211 Thiers (Adolphe) 263, 271, 290, 291,293, 365 Tiers Etat 314, 411 Tiers Monde 411 Tiers-mondisme 411 Tours (congrěs de) 20, 351 L'Histoire de France Toussaint Louverture 218 Trafalgar (bataille de) 222 Traite d'Amiens 218 Traite de Verdun 11, 22, 33, 344 Traite de Versailles (1783) 189 Traite de Versailles (1919) 349, 353,354 Traite de Vervins 90 Trente Ans (guerre de) 126, 145 Trente Glorieuses 392, 399 Tripartisme 378, 379 Triplice 302 Tuiles (journees des) 192 Turgot 184, 187, 188, 191, 237 U Ultramontain 263 Ultraroyalistes 255, 259, 261 Unigenitus (Bulle) 176, 181 Union sacree 344, 346, 350, 359,414 Urbain II (pape) 25 V Valmy (bataille de) 206, 210, 229 Vandales 19 Vase de Soissons 20 Vassalite 22, 33 Vauban 145 Vaugelas 155, 156 Veil (Simone) 399 Vendee (guerre de) 210 Vercingetorix 18 Verdun 11, 22, 33, 344 Vichy (regime de) 289, 364, 365, 370,377 Vienne (congres de) 231 Villele (comte de) 262, 263 Villon (Frangois) 64 Vincent de Paul (saint) 131 Vinci (Leonard de) 78, 98, 100, 101, 103, 327 Voltaire (Frangois Marie Arouet dit) 173,178,182, 229, 234, 235, 239 Vote des femmes 276, 376 W Wagram (bataille de) 224 Wallon (Henri) 293 Wassy (massacres de) 84 Waterloo (bataille de) 227, 231, 258,309 Westphalie (traite de) 129, 146 Wilson (Thomas Woodrow) 298, 348,411 Wisigoths 19 Z Zola (Emile) 249, 284 Table des matieres Table des matiěres Introduction......................................................................... 7 Partie I 58 avant J.-C. - 1364 : de la Gaule á la guerre de Cent Ans Survol de la periodě............................................................. 11 Filigrane chronologique : 800 av. J.-C. - 1428 ......................... 12 Les Gaulois deviennent les Gallo-romains............................... 17 La Gaule conquise lors du siěge ďAlésia ....................... 17 Christianisation de la Gaule ........................................... 17 L'apport culturel des Romains ....................................... 18 Les hordes barbares et la fin de 1'Empire : Ve siěcle ............... 18 Les Mérovingiens fondent le royaume des Francs : Ve - VIIIe siěcle........................................................................... 19 Les Carolingiens dessinent la France : 732-947 ....................... 21 Pépin le Bref et Charlemagne .............................................. 21 843. Dun empire morcelé naít la France ............................ 22 843-987. La naissance de la féodalité .................................. 23 L'empire, objet de toutes les convoitises........................ 23 Le systéme féodal: une reaction de survie .................... 23 Trois siěcles de Capétiens directs : 987-1328 ........................... 24 Hugues Capet........................................................................ 24 Le XP siěcle : la croisée des chemins............................. 25 Les Xlle et XHIe siěcles : le beau Moyen Áge ..................... 26 1180-1223 : Philippe Auguste donne de 1'envergure á la royauté ...................................................................... 27 1226-1270 : Louis IX offre un saint aux Capétiens ....... 28 1285-1314 : Philippe le Bel: un roi autoritaire ............. 28 La guerre de Cent Ans : premier acte .................................. 29 Partie II Le XVe siěcle (1364-1498) : un siěcle charniěre Survol du siěcle.................................................................... 33 Filigrane chronologique : 1364-1498 ........................................ 34 Chapitre 1 : Les Francais au XVe siěcle............................. 37 5 Le rěgne de Charles V : 1364-1380 ....................................... 37 "g 1364. Un royaume vacillant ................................................. 38 6 1364-1380. La guerilla.......................................................... 38 & 1374. La loi salique : un roi de France anglais, jamais ! .... 39 8 1378. Le Grand Schisme de 1'Église .................................... 39 © 465 ĽH i sto i re de France Le régne de Charles VI: 1380-1422 ...................................... 40 1415. Azincourt, anatómie ďune défaite............................. 40 1407-1436. Un roi fou : partie d'échecs entre Armagnacs et Bourguignons................................................ 41 1422. Le roi est mort, vive l'État ! ........................................ 42 Le régne de Charles VII: 1422-1461 .................................... 42 1422. Le Royaume dans la confusion.................................. 42 1428-1429. Le siége ďOrléans : naissance ďun mythe....... 43 1429. Un sacre trés symbolique ........................................... 44 1438. La naissance ďune Église nationale.......................... 45 1439. L'impôt et l'État .......................................................... 45 1440. La Praguerie, un complot au sommet de l'État ........ 46 Le régne de Louis XI: 1461-1483 ......................................... 47 1465. Le tróne en danger ..................................................... 47 1477. La chute du Téméraire ............................................... 48 Le régne de Charles VIII: 1483-1498 ................................... 49 1483. Anne de Beaujeu : une femme au pouvoir ................ 49 1494. Le debut des guerres d'Italie ...................................... 50 Vision extérieure : trois puissances en devenir.................. 51 ĽAngleterre, une cousine bien envahissante...................... 51 L'Italie, foyer de la Renaissance .......................................... 52 ĽEspagne : de ľunité nationale ä ľexpansion internationale................................................. 52 Chapitre 2 : XVe : les Francais et leur temps..................... 55 Avec la peste pour fléau......................................................... 56 Un premier effet de ľinternationalisation des échanges ......................................................................... 56 Ce qu'il ne f aut pas faire... ils le font .................................. 57 La peste noire, source de toutes les interpretations ........... 58 Art de la Mort........................................................................ 58 Du manuscrit ä ľimprimé : la démocratisation du livre.................................................... 60 La découverte des textes anciens......................................... 60 Le livre, un produit rare et vulnerable ................................ 60 Des princes intellectuels....................................................... 61 Des revolutions techniques complémentaires : papier et imprimerie ............................................................ 62 > en cacher un autre................................................................ 279 o L'election du premier president de la Republique......... 279 § 1851. Une entreprise familiale napoleonienne : o fossoyeurs de republiques.................................................... 280 © 475 L'Histoire de France Le Second Empire : 1852-1870.............................................. 281 1852-1860. L'Empire impose sa marque............................. 282 Un Etat policier................................................................ 282 Bonaparte aux cotes des Anglais en Crimee (1854-1856)..................................................... 283 L'economie : entre modernite et archaisme................... 283 L'Empire se met en Seine !.............................................. 284 1859. Un Empereur italophile ............................................. 286 1861-1870. L'Empire perd ses marques .............................. 286 1863-1864 : du fil a retordre en France........................... 287 1869 : l'Empire devient un regime parlementaire.......... 287 1870. Dernier acte a Sedan .................................................. 288 La IIP Republique : 1870-1940 ............................................. 289 1870- 1871. Naissance difficile de la IIP Republique : le siege de Paris........................................ 289 1871. La Commune de Paris : de la revolution a la guerre civile ................................................................... 291 1871- 1876. La Republique entre en "lys" ............................ 292 Un regime sans constitution............................................ 292 Une querelle autour d'un drapeau................................... 293 1876-1879. Mac-Mahon contre Gambetta .......................... 294 1879-1889. Honneur a la Republique et aux republicains ............................................................... 296 La Republique triomphante............................................ 296 Les grandes lois republicaines......................................... 296 La Republique cherche de nouveaux horizons............... 297 1888-1889. La Republique petrifiee par le general Boulanger...................................................... 298 1892. Le canal de Panama fait scandale ............................. 298 1894. L'affaire Dreyfus : la raison d'Etat contre l'honneur d'un homme ............................................. 299 1898-1904. Le tournant des relations franco-britanniques.............................................................. 301 Une facheuse rencontre a Fachoda................................. 301 Les alliances : chercher la paix, trouver la guerre......... 302 Le socialisme francais cherche de nouvelles voies ............. 303 Les gauches : entre division et union.............................. 303 Jean Jaures, le rassembleur de la gauche....................... 303 1900-1914. Une « Belle epoque » pas si reluisante ............. 304 1905. Du dogme catholique au dogme laic......................... 306 Les resistances catholiques.............................................. 307 1905-1911. La France et l'Allemagne se disputent le Maroc ................................................................................ 307 476 Table des matiěres Vision extérieure : l'Europe, entre construction nationale et expansion coloniale ............................................................ 309 Le Royaume-Uni: la grande puissance du siěcle ............... 309 L'Allemagne unifiée monte en puissance............................ 310 L'Autriche-Hongrie, la puissance déclinante du siěcle ...... 311 L'Europe : un continent trěs fragmente .............................. 311 Chapitre 10 : XIXe : les Francais et leur temps.................. 313 De la société ďordres á la société de classes ..................... 314 La bourgeoisie domine la societě ........................................ 314 Un pouvoir économique et politique............................... 314 Ordre et peur du désordre............................................... 315 Un debut de société de consommation........................... 315 Une France de notables........................................................ 316 L'emergence du monde ouvrier........................................... 316 La paysannerie se transforme.............................................. 318 La ville aspire les champs................................................ 318 Une education pour tous................................................. 319 Créativité débridée dans un siěcle bourgeois..................... 320 L'Empire a le gout du classique........................................... 320 Le romantisme se taille une place royale............................ 321 Le gout de la realitě tempeře les ardeurs romantiques .......................................................................... 323 Du romantisme au realisme............................................ 323 Du realisme au naturalisme............................................. 324 Les parnassiens redoutent le lyrisme .................................. 325 Peindre des impressions : une tentative révolutionnaire ... 325 L'impressionnisme........................................................... 325 Le pointillisme.................................................................. 326 Couleurs, toujours............................................................... 326 Paris au centre de la créativité européenne ........................ 326 Partie VII Le XXe siěcle (1914-2002) : la France entre guerres et paix Survol du siěcle.................................................................... 331 Filigrane chronologique : 1914-2002 ........................................ 333 Chapitre 11 : Les Francais au XXe siěcle........................... 339 La Premiere Guerre mondiale : 1914-1919 ......................... 339 1914. Une entrée en guerre par reaction en chaíne............ 339 L'assassinat de 1'héritier austro-hongrois....................... 340 1914-1916. Une guerre ďun nouveau genre ....................... 341 Les armées avancent........................................................ 341 L'Histoire de France Les armees s'enterrent..................................................... 342 Union sacree autour de la defense de la patrie............... 344 1916. Verdun : de la bataille au mythe................................ 344 La bataille de tous les soldats.......................................... 344 1917. L'annee terrible........................................................... 345 1918. La victoire finale......................................................... 347 1919. La « paix perpetuelle » prepare une nouvelle guerre .............................................................. 348 La France de l'entre-deux-guerres : 1919-1939 .................. 350 1919-1924. L'union de la droite : la « Chambre bleu horizon »................................................ 350 1920. Division de la gauche au congres de Tours............... 351 1926-1929. Poincare sauve le franc ..................................... 352 1919-1939. Une reconciliation impossible avec l'Allemagne ?................................................................. 352 1919-1925 : intransigeance francaise.............................. 352 1925-1933 : temps de detente.......................................... 353 1933-1939 : la marche a la guerre................................... 353 1931. Une crise economique a retardement ....................... 354 1934. Le palais Bourbon est attaque par l'extreme droite..... 355 La corruption fait scandale.............................................. 355 La nebuleuse d'extreme droite......................................... 355 1936-1938. Le Front populaire prend le pouvoir................ 357 Leon Blum a la tete du gouvernement............................ 357 Les accords de Matignon................................................. 357 Les loisirs pour tous......................................................... 358 Les echecs du Front populaire......................................... 358 1938. Le « lache soulagement » des Munichois.................. 359 1939. L'Allemagne envahit la Pologne................................. 360 La Seconde Guerre mondiale : septembre 1939 - aout 1945 ................................................... 361 1939- 1940. La drole de guerre ............................................. 361 1940. Hitler bat la « premiere armee du monde » .............. 362 Une defaite qui aurait pu etre evitee............................... 362 L'armistice honteux.......................................................... 364 Vichy : politique en eaux troubles ....................................... 364 Petain incarne le nouveau regime................................... 364 La revolution petainiste................................................... 366 ^ Retrouver l'ordre ancien.................................................. 366 fg Le choix de la collaboration............................................. 367 & Les combattants de l'ombre entrent en resistance......... 369 « 1940- 1944. Un combat pour l'honneur : la France libre .... 371 g L'appel du 18 juin 1940.................................................... 372 o © 478 Table des matiěres La creation des Forces francaises libres (FFL)............... 372 Tentations fascistes en France occupée .............................. 373 1944. Entre rires et larmes : la Liberation .......................... 373 Le jour le plus longuement attendu................................ 373 « Paris martyrise ! Mais Paris libéré ! ».......................... 374 1945. L'heure des comptes................................................... 375 Le Gouvernement provisoire de la République francaise et la IVe République (1944-1958).......................................... 376 1944- 1945. Le Gouvernement provisoire ne fait pas dans le provisoire........................................................... 376 Sur le plan social.............................................................. 377 Sur le plan économique................................................... 377 1946. De Gaulle claque la porte ........................................... 377 La IVe République : résultat de compromis........................ 378 1947. La France au bord de la guerre civile........................ 379 1951. Le charbon et lacier : une mine pour l'Europe ........ 380 1950-1954. La Communauté européenne de defense (CED) fait debat.................................................................... 381 1954. Gouverner autrement: la France de Menděs ........... 381 1956. Les crispations politiques .......................................... 383 Le poujadisme.................................................................. 383 Le gouvernement de Guy Mollet..................................... 383 1956. Les passions se déchaínent pour un canal................ 384 1957. La Communauté économique européenne naít á Rome ...................................................... 385 1958. Dune République á 1'autre......................................... 385 La question algérienne grandit, la République vacille... 385 Le general de Gaulle réapparaít...................................... 386 La Ve République (1958-2...) ................................................. 387 1958. Une Constitution ambiguě ......................................... 387 Pouvoir exécutif et pouvoir législatif.............................. 387 Le renforcement des pouvoirs du president de la République............................................................... 388 De Gaulle élu et conforté dans son autorité................... 389 1962. De Gaulle prepare sa succession ............................... 389 1960-1969. La modernisation de la France......................... 390 De Gaulle défie les États-Unis......................................... 391 1945- 1975. La France des « Prente Glorieuses » ................ 392 ?| L'heure est á 1'ouverture des frontiěres........................... 392 La restructuration du paysage francais.......................... 393