Beethoven: Symphonies Nos. 4 & 5 Concentus Musicus Wien, Nikolaus Harnoncourt Rien de nouveau sous le soleil ? Oh que si ! Cet enregistrement des Quatrième et Cinquième Symphonies de Beethoven par le vénérable Nikolaus Harnoncourt est des plus neufs qui soient, puisque le chef l’a réalisé en mai 2015 dans la célébrissime Goldener Saal de Vienne, qui plus est avec son orchestre « personnel » qu’est le Concentus Musicus, et non pas l’un des orchestres modernes avec lesquels il les a déjà enregistrées. La différence est des plus notables, puisqu’il fait appel à un instrumentarium tel qu’en disposait Beethoven en son temps, en particulier des vents dont les sonorités sont franchement différentes de ce que l’on connaît de nos jours – et pour lesquelles le génial sourd avait conçu chaque note sachant ce qu’elle donnerait une fois jouée. Le résultat est une véritable explosion de coloris, bien loin des accents souvent trop polis et policés des interprétations à la romantique, et la Cinquième semble ici d’une véritable férocité d’avant-garde – ce qu’elle fut à sa création et est encore de nos jours. Selon Harnoncourt, c’est la première fois que lui-même (c’est dire !) avait l’occasion d’aborder ce répertoire sans la moindre « retouche » sonore due aux évolutions instrumentales depuis deux siècles. Auditeurs, attention : vous n’écouterez plus jamais ces deux Symphoniesde Beethoven avec la même oreille une fois goûté à la fontaine originale que nous ouvre ici Harnoncourt du haut de ses quatre-vingt cinq printemps. Vingt ans après une intégrale très remarquée en son temps des Symphonies de Beethoven réalisée par Nikolaus Harnoncourt avec l’Orchestre de Chambre d’Europe (Teldec), le chef autrichien a décidé de clore sa carrière musicale par un ultime pavé dans la mare. © SM/Qobuz La Moura, toujours la Moura... Le fado moderne de la grande Ana Moura... La reine Amália Rodrigues peut reposer en paix, ses filleset autres héritières offrant régulièrement des relectures belles et personnelles du fado éternel. La preuve avec le sixième album d’Ana Moura intitulé [1]Moura qui reprend avec une émotion chaude et vibrante les traditions du genre en le rendant accessible à un public plus large. Il n’y a pas de voix fado comme celle d’Ana Moura. C’est une voix qui déambule librement dans les recoins de la tradition, mais qui creuse d’une manière très singulière l’étendue de cette forme de chanson née à Lisbonne. Et aussi, prend le temps de draguer les musiques pop avec élégance. Ce qui la distingue des autres cependant, ce n’est pas seulement ce timbre profond et sensuel — peu sont capables de le reproduire —mais surtout cette habileté à transformer immédiatement en fado toute mélodie à laquelle Moura prête sa voix. Guère étonnant que la fadiste portugaise ait ainsi croisé le fer avec des stars comme Prince, les Rolling Stones, Caetano Veloso, Gilberto Gil ou bien encore Herbie Hancock. Produit par Larry Klein, ce [2]Moura de velours enveloppe le fado de légères guitares électriques ici, d’orgue Hammond là, plus loin l’ambiance est bossa voire jazz, plus loin encore, sur Eu Entrego, elle partage le micro avec la grande chanteuse cubaine Omara Portuondo et reprend aussi le standard Lilac Wine (repris par la terre entière dont Jeff Buckley, Nina Simone, Jeff Beck et Eartha Kitt). Les puristes grimperont au rideau mais pourtant Ana Moura reste toujours respectueuse au possible du fado quel que soit le cadre qu’elle choisit.  Like a Bird or Spirit, Not a Face Sainkho Namtchylak Née dans un petit village de l'oblast autonome de Touva dans la Fédération de Russie au nord de la Mongolie, Sainkho Namtchylak n’est pas vraiment une chanteuse comme les autres… Mêlant musique classique, jazz et chant diphonique mongol ou khöömei qui accompagne les pratiques des chamanes, elle a une voix exceptionnelle qui transporte les traditions chamaniques, transfigurées, sur les scènes du monde entier. Dans sa vaste, très vaste, discographie, Like a Bird or Spirit, Not a Face est une nouvelle pièce ovni de son puzzle personnel. Un bouleversant pont tendu entre sa Mongolie et le désert du Sahara. Namtchylak est aidée ici par des membres de Tinariwen (le bassiste Eyadou Ag Leche et le percussionniste Saïd ag Ayad. Grâce à un ami et complice commun, le producteur Ian Brennan, la rencontre n’ont seuelment a été rendue possible mais fait de vraies étincelles poétiques. Tout ce beau monde réuni, ils écrivent et enregistrent, en seulement deux jours, assez de chansons pour remplir un double album combinant les deux traditions nomades. Chanté en touvan, russe et anglais, la musique, où l’intemporel et le spirituel priment, transcende tout besoin de qualification ou de genre. Le résultat est simplement de toute beauté et renversant comme jamais. Un grand disque.