Couple, carrière, comportement... Pourquoi certains s'auto-sabotent ? Par Ophélie Ostermann | Le 14 mars 2018 Partager Dans leur vie amoureuse, leur rapport aux autres, ou dans leur carrière, certains ont pour habitude de se tirer une balle dans le pied, de se conduire eux-mêmes à l'échec. Décryptage d'un phénomène aussi fascinant que courant. Ils sont leur propre ennemi. Les artisans de leurs échecs. Ces personnes sont adeptes de ce que l'on appelle communément «l'auto-sabotage», un trait de caractère qui leur permet de s'atteler le plus souvent à ruiner leur potentielle réussite, leur bonheur, quel que soit le domaine. «Le phénomène consiste à mettre tous les moyens qu'un individu a à sa disposition pour s'autodétruire, se mettre à mal. La personne est davantage à la recherche du plaisir dans la douleur, voire du déplaisir», précise Catherine Raverdy, psychologue clinicienne. Étrange nous direz-vous. Étrange mais courant, selon la professionnelle. Nous pourrions ainsi tous avoir tendance à nous tirer une balle dans le pied, épisodiquement. «À petite dose, rien de gênant. Mais dans une plus grande mesure, la qualité de vie est vraiment altérée», ajoute la psychologue. Une autocensure souvent inconsciente Ils peuvent refuser une promotion ou faire en sorte que tout soit laborieux Si vous comptez un(e) auto-saboteur dans votre entourage, sachez qu'il n'en a certainement pas conscience. Voici d'ailleurs pourquoi il rejette la faute sur des facteurs extérieurs : «Ils ignorent qu'ils sont dans quelque chose qu'ils autoproduisent. Souvent, ils invoquent la fatalité, la poisse ou encore la religion», précise Catherine Raverdy. En pratique, ils sont pourtant presque les seuls acteurs de leurs ratés chroniques. Bien souvent, ils gâchent un domaine précis et non tout leur quotidien. Certains réussissent par exemple leur vie professionnelle, mais ruinent leur vie sentimentale. «Au travail, ils peuvent refuser une promotion, ou en tout cas faire en sorte que tout soit laborieux et compliqué, ce qui est une façon de refuser. D'autres appliquent une forme de censure et mettent en place des systèmes qui les bloquent. On voit ainsi des personnes qui restent au même poste pendant trente ou quarante ans. D'ailleurs, certains s'en plaindront, d'autres non», illustre Catherine Raverdy. Certains individus ont aussi l'habitude de s'auto-saboter à grand renfort d'actes manqués. «Certaines femmes victimes de violences conjugalespeuvent aussi être dans un processus d'auto-sabotage, en se dirigeant le plus souvent vers des profils d'hommes violents», poursuit la psychologue. Plaisir effrayant, peur de l'inconnu, rigidité Au travail, certains auto-saboteurs peuvent en arriver à refuser une promotion. Alors que la plupart d'entre nous aspire au bonheur, comment expliquer que d'autres s’attellent le plus souvent à tout faire pour ne pas y accéder ? «Ce goût de l'échec vient de ce que l'on appelle "l'angoisse de castration". En clair, il s'agit d'une frustration affective vécue durant l'enfance, réelle ou ressentie à tort, comme dans le cas d'un enfant qui aurait vécu un événement comme une injustice alors qu'il n'en était rien, par exemple», explique Catherine Raverdy. Sans trop de surprise, l'enfant ressent et cultive de l'agressivité envers ses parents. Une fois adulte, l'auto-saboteur rejoue le sentiment, et le retourne contre lui-même sous forme d'échec. Dès que cela devient positif, ils recherchent un problème ailleurs «Pour eux, le plaisir est un peu effrayant et compliqué. Soit ils le minimisent, soit ils le mettent de côté. Il s'agit souvent de personnes qui voient le verre à moitié vide, ajoute la psychologue. En thérapie, on voit des patients qui avancent et comprennent des choses. Dès que cela devient positif, ils mettent un terme à la thérapie, trouvent du négatif ou recherchent un problème ailleurs.» Les auto-sabordeurs peuvent présenter d'autres traits de caractère. Parmi eux, la spécialiste pointe du doigt le manque de confiance en soi, un sentiment d'infériorité, la peur de l'inconnu, un désamour de soi-même, une rigidité dans le comportement ou encore un besoin de se plaindre. Les aficionados de la procrastination peuvent aussi se transformer en parfaits auto-saboteurs, en faisant tout pour se retrouver dans des situations délicates. De toute évidence, le trait de caractère entraîne une souffrance. «Si une personne souhaite réellement changer son comportement, elle peut réussir à s'assouplir, mais il restera tout de même une fragilité, l'auto-sabotage est un trait de caractère», commente Catherine Raverdy. Pour la psychologue, une thérapie est indispensable si la souffrance est trop importante. «La mise en mots peut permettre de prendre du recul, de comprendre et remédier aux pièges que ces personnes se tendent à elles-mêmes.»