Jeunes diplömes : « Je ne me vois pas consacrer https ://www. lemonde. fr/campus/article/2 019/03. • 021 Jeunes diplomes : «Je ne me vois pas consacrer trente-cinq heures par semaine a un boulot qui ne respecte pas mes valeurs » La generation des 18-24 ans, compatible avec I'ecologie, se montre de plus en plus exigeante en matiere de responsabilite sociale et environnementale. Au point de refuser une offre d'emploi ? Par Elodie Chermann • Publie le 29 mars 2019 a 20h00 Lyceens, etudiants, professeurs, parents, jeunes diplomes... « Le Monde » vous donne a Paris les samedi 6 et dimanche 7 avril a Ground Control (Xlle) pour de nouvelles editions des evenements 021 /S'orienter au 21e siecle. Des conferences etdes rencontres inspirantes pour reflechir a son aveniret trouversa voie. Plus d'informations ici. Mobilisation pour le climat, dans un cortege surnomme « la Marche du siecle », a Paris,le 16 mars. Samanta Novella II n'est pas encore 13 heures, vendredi 15 mars, et la place du Pantheon, point de depart de la manifestation des jeunes pour le climat a Paris, est dejä noire de monde. Entouree d'une bände de copains, Nina Marchais entonne le traditionnel slogan « Etl, etZ, et3degres, c'estun crime contre I'humanite » au milieu d'un concert de sifflets et de percussions. « Depuis la publication du rapport du Groupe d'experts intergouvernemental sur revolution du climat [GIEC], on sait qu'ilfaut agir », lance la jeune femme de 25 ans qui suit un master 2 en responsabilite sociale de l'entreprise (RSE), ä l'universite de Cergy-Pontoise. Tant au niveau personnel que professionnel. « Je ne me vois pas consacrer trente-cinq heures par semaine ä un boulot quine respecte pas, ou pire, va ä l'encontre de mes valeurs », assure-t-elle. « Je prefererais prendre unjob alimentaire plutot que de servirles interets desgeants de I'industrie petroliere comme Total ouBP, des grosses banques quifinancentdes projets dans les energies fossiles ou des grands groupes agroalimentaires comme Ferrero - lefabricantdu Nutella - ou Coca. » J'ai besoin que mon action ait un impact social positif. Tant pis si je dois, pour cela, m'eloigner de ma formation initiale » Marion Salles, diplömee d'une ecole d'ingenieurs 1 sur 3 05/04/2019 ä 14:24 Jeunes diplômés : « Je ne me vois pas consacrer ... https ://www. lemonde. fr/campus/article/2 019/03... Nina n'est pas une exception. Si ľon en croit une etude réalisée entre le 26 février et le 13 mars 2018, par YouGov et Monster auprés de 5 072 répondants, entre 18 et 24 ans, salaries au Royaume-Uni, en Allemagne, en France et aux Pays-Bas, 71 % de cette tranche ďäge souhaite travailler pour une entreprise qui partage leurs valeurs. «II y a dix ans déjä, les jeunes diplômés veillaient, avant de débuterun emploi, ä ce que les valeurs de leur employeursoient alignées avec leurs convictions personnelles », confirme Manuelle Malot, directrice du NewGen Talent Center, le centre d'expertise sur les nouvelles generations de l'Ecole des hautes etudes commerciales (Edhec). « Aujourd'hui, Us sontun certain nombre ä prendre aussien compte, dans leurprojetprofessionnel, la responsabilité sociale et environnementale des entreprises. » Lire aussi | « On a créé nous-mémes les conditions de notre autonómie » : des jeunes s'engagent pour mieux se trouver C'est le cas de Marion Salles, 25 ans. Diplômée de ľécole ďingénieurs AgroCampusOuest en 2016, eile a préféré alterner chômage et CDD dans des structures associatives plutôt que de sauter sur le premier poste venu dans ľindustrie agroalimentaire. « Au cours de mes etudes, j'aifait troisfois six mois de stage dans de grands groupes du secteur, raconte-t-elle. Mais je ne m'y retrouvais pas. J'ai besoin que mon action aitun impact social positif. Tantpis sije dois, pour cela, m'éloignerde ma formation initiale.» Figure ďexception Marion fait cependant plutôt figure ďexception dans le paysage. « Oui, on voit des jeunes bouder certains secteurs comme ľénergie, ľindustrie pharmaceutique ou les cigarettiers », confirme Manuelle Malot. «Mais cesontdes étudiants degrandes écoles, trés Courtises paries employeurs. lis peuventse permettre dese montrer plus exigeants sur les valeurs. Tous les jeunes n'ont pas ce privilege. »Et méme quand ils ľont, ils ne se détournent pas pour autant des grandes multinationales, qui leur offrent davantage de debouches et d'opportunités de carriére que les jeunes pousses de ľéconomie sociale et solidaire. Lire aussi | N'Fanteh Minteh:« Me reconnaitre en tant que transclasse a été une revelation » « Malgré les plans sociaux, Air France a toujours garde une bonne image auprés des jeunes diplômés », note ainsi Aurélie Roberte t, directrice France et Benelux du cabinet d'études internationales Universum. Idem pour les GAFA (Google, Apple, Facebook, Amazon) ou les géants de la defense et de l'armement que sont Thaies, Safran et Dassault. L'ambiance de travail prime « Quand on demande aux jeunes si les valeurs de ľentreprise sont importantes pour eux, ils disent que oui, mais au moment de choisir un job, ils enfontrarementun critére determinant», note Francois Béharel, president de Randstad en France. En atteste ľétude que le groupe a publiée le 29 mars sur les leviers d'attractivité des grandes entreprises. Chez les 18-24 ans interrogés en France, c'est l'ambiance de travail qui prime ä 55 %, devant le salaire (52 %), la sécurité de ľemploi (40 %) et la progression de carriére (39 %). L'impact positif sur la société, en revanche, n'est cité que par 26 % d'entre eux. Cela n'empéche pas les jeunes candidats de demander des comptes sur le sujet en entretien « Ceux que ľon recoitnous posent systématiquement des questions surle type de management exercé et sur nos actions en matiére de respect de ľenvironnement», témoigne Isabelle Bourgeois Potel, chef du departement emploi et carriére chez Arcelor. «Iis cherchent ä verifier que ľon met bien en pratique les valeurs que ľon affiche. » Méme constat chez Total d'aprés Thomas Fell, directeur recrutement et alternance. « Nous n'avons pas de problémes pour recruter dans nos metiers, assure-t-il. Les jeunes saventque nous proposons des jobs intéressants, dans la durée, avec de belles perspectives de carriére, en France comme ä ľinternational. Ils savent aussi que le Total d'aujourd'hui n'est plus le Total d'ily a vingtans, que nous avons mis le mix énergétique au cceur de notre stratégie. Mais ils ont besoin qu'on les reassure. » Manifeste Titulaire de deux masters en droit international et en droits de l'homme, Ariane Thenadey, 26 ans, qui travaille chez Total, n'est pas naive. Elle est parfaitement consciente de la responsabilité que portent les industries extractives dans le quotidien des peuples indigenes, notamment en Amazonie. Elle a travaille pendant un an sur le sujet pour une ONG au Perou. « Mais je me suis rendu compte que c'est en étant dedans quej'aurais le plus d'impact, confie-t-elle. Ľindustrie pétroliére va continuer á 2 sur 3 05/04/2019 ä 14:24 Jeunes diplomas : « Je ne me vois pas consacrer ... https ://www. lemonde. fr/campus/article/2 019/03... fonctionner pendant des décennies. Autant veiller ä ce qu'elle lefasse le mieux possible. » Influencer plutöt que boycotter ? C'est aussi l'ambition des quelque 26 000 étudiants de grandes écoles qui ont signé le manifeste pour un réveil écologique. « A quoi bon dénigrer les grands groupes traditionnels puisqu'ils sontvoués ä perdurer un bon moment encore ? », s'interroge Theo Miloche, 22 ans, étudiant en master ä Sciences Po. « En tant qu'etudiants de grandes écoles, nous avons la chance de pouvoir nous insérer assezfacilement sur le marché du travail. Autant utiliser cette marge de manoeuvre pour faire bouger les lignes. » Une sorte de revolution de velours en somme. Elodie Chermann 3 sur 3 05/04/2019 ä 14:24