«Emmanuel Macron ou la campagne présidentielle façon “Du côté de chez vous”» Par Renaud Large Publié il y a 4 heures «Le candidat Emmanuel Macron joue sur le registre intimiste, sur la proximité avec le spectateur.» LUDOVIC MARIN / AFP FIGAROVOX/TRIBUNE - Dans le cadre de sa campagne, Emmanuel Macron se met en scène sur les réseaux sociaux. En invitant le spectateur dans son lieu de travail, le président-candidat use de l'intime et de la confession à la manière du programme court diffusé sur TF1, analyse Renaud Large. Konec formuláře C’est la fin d’un suspense insoutenable. Emmanuel Macron sera finalement candidat pour un second mandat. Après une lettre de candidature publiée la semaine dernière, c’est une vidéo de campagne intitulée «le candidat» qu’on pouvait découvrir sur les réseaux sociaux à la veille du week-end. Premier épisode d’une série qui doit nous porter chaque vendredi jusqu'au premier tour de l’élection présidentielle, les commentateurs se sont empressés de théoriser sur la «campagne Netflix». Surprenant. En effet, nous sommes loin des codes de la fiction streamée et algorithmée. Pas de cliffhanger dans la production élyséenne. Pas d’effets spéciaux ou de narration grandiloquente. Le candidat Emmanuel Macron joue plutôt sur le registre intimiste, sur la proximité avec le spectateur. Nous sommes dans «Du côté de chez vous», ce programme court sponsorisé par l’enseigne Leroy Merlin, que TF1 diffusait après le journal télévisé de 20h. Nous faisions le tour d’une habitation originale, située dans un lieu unique ou éco-conçue, avec un propriétaire heureux de faire visiter son «chez lui» à la caméra. Ici, Emmanuel Macron accueille le spectateur dans son lieu de travail, espace qu’il occupe et qu’il n’est pas prêt à abandonner. Sur la bande-son insipide caractéristique du programme court immobilier, il monte les marches quatre à quatre, signe surjoué de son ardeur à la tâche. Il est accompagné de Nemo, le fidèle compagnon canin. Le chien renvoie à l’imaginaire quotidien de millions de Français et de leur animal de compagnie. Il devient, par là même, un symbole d’horizontalité du pouvoir. Dans «Un animal pour les gouverner tous», le journaliste Lucas Jakubowicz analyse à ce propos comment la mise en scène des politiques avec les animaux permet de montrer qu’ils sont comme tout le monde, en prise avec la routine des gens. La gestion de la guerre en Ukraine laisse peu de temps au Président, désormais candidat. Il se livre à des confessions face caméra, mais en restant attablé à son bureau de travail. Rien ne doit le dévier de la tâche. Il poursuit l’écriture de sa parole nécessairement performative sur la scène internationale. Emmanuel Macron s’adresse directement à la caméra par le truchement du réalisateur qui l'interroge. Le ressort narratif est connu. En 1992, Benoît Poelvoorde prenait à partie le spectateur dans ses saillies contre Rémy Belvaux dans «C’est arrivé près de chez vous». Il lançait : «Tour à tour finaud, tour à tour polisson, tour à tour gangster, mais tour à tour généreux. Quelque soit le montant que tu me demanderas Rémy, toujours, je dis bien toujours, Benoît y pourvoira.» Magnanime, Emmanuel Macron répond au réalisateur qui lui demande s’il peut l'appeler «Monsieur le candidat» : «Oui bien sûr, vous êtes là pour le candidat, donc vous pouvez m’appeler Monsieur le candidat.» Plus proche de l’univers politique, on ne peut s’empêcher de penser aux confessions d’Édouard Philippe auprès de son ami Laurent Cibien dans le documentaire «Édouard, mon pote de droite» . Ironie de l’histoire, Emmanuel Macron rejoint son ancien premier ministre dans le registre de l’intime, de la sincérité de la parole échangée en cercle restreint, de l’humilité partagée en pleine confiance.