Travailler comme si on n'avait pas d'enfants, élever ses enfants comme si on n'avait pas de travail : le syndrome du parent parfait Par Anne-laure Pineau Anne Peymirat, experte en parentalité, délivre ses conseils pour apprendre à faire le deuil de la perfection et trouver l'équilibre lorsqu'on est un parent actif sans cesse sollicité. Dur de ne pas se mettre la pression quand on est un parent actif. Burn-out partout, sacrifice nulle part : on doit être parfait, à l'écoute de son enfant (son développement, son éducation…) tout en continuant de se réaliser par le travail. Il faut maintenir une carrière ascendante. Une double injonction vécue par une écrasante majorité, mais qui reste taboue : tout le monde fait bonne figure. Voilà ce qui a poussé Anne Peymirat, experte en parentalité, à écrire Le Syndrome du wonder parent. Travailler comme si on n'avait pas d'enfants et élever nos enfants comme si on n'avait pas de travail (Éditions Payot). Rencontre empathique. Cesser de s'excuser Être parent actif est une réalité pour 8 salariés sur 10, et pourtant le retour du congé maternité ou paternité reste souvent compliqué. De même, ne pas s'excuser d'avoir posé un jour «enfant malade» relève, pour beaucoup, du miracle. Il faut prouver à son employeur et à son enfant qu'on peut tout mener de front. Pire : il faut se le prouver à soi-même, quitte à frôler le burn-out. «Le mythe que l'on peut travailler comme si l'on n'avait pas d'enfants et élever nos enfants comme si l'on n'avait pas de travail pèse au quotidien. On peut vivre avec culpabilité dans sa vie familiale, et un véritable rodéo de l'illégitimité au travail : on a l'impression de devoir faire ou refaire ses preuves», soutient Anne Peymirat, mère de quatre enfants, qui a été consultante pendant quinze ans chez Accenture avant de devenir coach parentale. «Les personnes que je reçois en séance vivent dans la pression, le stress, la culpabilité, elles essaient de faire au mieux un peu partout, ce qui est impossible, et sont donc confrontées à l'échec. Mais personne n'en parle, et le tabou nourrit le syndrome.» Si la vie du parent actif est particulièrement ardue, c'est parce que vies professionnelle et personnelle ont longtemps été diamétralement opposées… du point de vue du genre. Échapper aux injonctions «Cela fait moins de soixante ans, constate Anne Peymirat dans son livre, que l'exercice de la parentalité parfaite n'est plus dévolue qu'aux seules femmes au foyer et, surtout, que l'épanouissement professionnel concerne désormais aussi les femmes. Les hommes s'investissent de plus en plus dans le portage des nourrissons, ne font pas que passer à la crèche, vont nombreux aux réunions parents-profs…» Une évolution sociétale largement positive, mais qui a eu pour résultat de multiplier la pression par deux. Or, les mentalités, elles, sont restées bloquées en arrière, si bien que nombre d'injonctions deviennent dès lors contradictoires. «Quand une collaboratrice rentre de congé maternité, la question qui arrive souvent c'est : “Comment tu vas t'organiser avec les enfants ?” Même si c'est bienveillant, on fait toujours peser sur elle la charge», relève l'autrice. Parmi de nombreux exemples, elle cite le cas d'une femme invitée par son employeur à «ne pas en faire trop», alors que celui-ci continue à lui Trouver l'équilibre Au-delà du constat de la dure vie des parents actifs, l'experte en parentalité apporte dans son livre une méthode, car à tout syndrome, son traitement. Pour mieux concilier nos vies familiale et professionnelle, il faut véritablement intégrer que la perfection n'existe pas (pas seulement se le dire et ne pas le ressentir !), et choisir de se concentrer sur ce qui importe. Il faut en finir avec la culpabilité et le sentiment d'être constamment au mauvais endroit. «Ce que l'on arrive à faire au quotidien, quand on travaille et qu'on est parent, est incroyable, poursuit Anne Peymirat. Le syndrome est un impensé, et il n'y a pas de solutions miracles : on est obligé de bricoler un peu pour se sentir au bon endroit. Il faut se recentrer pour trouver le bon équilibre, accepter de prioriser.» Avec des loupés. Selon la spécialiste, il s'agit de contrer l'impression d'échec en restant droit dans ses bottes : le goûter d'anniversaire n'a pas été parfait car il y avait un dossier à boucler, et ce n'est pas grave. «Il ne faut pas s'excuser de partir à 17 heures ou se justifier par rapport aux enfants, et il ne faut pas s'interdire de demander tel ou tel dossier, y compris convoité, suite à un congé maternité. C'est à nous d'imposer notre voix et notre modèle.»