Culture Loisirs | Culture La mort du mime Marceau C. M. (lefigaro.fr) avec AFP. Publié le 23 septembre 2007 Actualisé le 23 septembre 2007 : 11h51 Le "Charlie Chaplin" du mime est décédé samedi `a l'âge de 84 ans. Marcel Marceau, surnommé le "Charlie Chaplin" du mime, est décédé samedi `a l'âge de 84 ans "entouré de sa famille", ont annoncé dimanche deux de ses enfants. Sa fille, Aurélia Marceau, a précisé que les proches du mime ne souhaitaient pas divulguer pour l'instant les circonstances ni le lieu du déces, afin de "prendre du temps avant de communiquer davantage". "Il était devenu l'un des artistes français les plus connus dans le monde. Il manquera `a ses éleves et au monde du spectacle", a immédiatement regretté François Fillon dans un communiqué. Marcel Marceau définissait le mime comme "un comédien silencieux". Il avait porté son art `a son plus haut niveau en promenant `a travers le monde le personnage de Bip qui l'avait rendu célebre. C'est en 1947 qu'il avait créé ce Pierrot du XXeme siecle, en proie aux difficultés du monde moderne, dont Jean Cocteau disait : "Il entre chez nous sur ses pieds de voleur avec le terrible sans-gene du clair de lune". Renaissance de la pantomime D'allure toujours frele, mais d'une grande vivacité, le mime Marceau a été l'origine d'une renaissance apres 1945 de l'art de la pantomime, influencée par la Commedia dell'Arte, apres deux décennies d'effacement par le cinéma muet ou prévalait le génie de Charlie Chaplin, Buster Keaton ou Laurel et Hardy. Seule troupe de mime au monde dans les années 50 et 60, la Compagnie Marcel Marceau a joué sur les plus grandes scenes parisiennes et parcouru avec le meme succes le reste de la France et du monde. De 1969 `a 1971, Marceau avait animé l'Ecole internationale de mime, puis créé l'Ecole internationale de mimodrame de Paris en 1978. Tres populaire aux Etats Unis, au Japon et en Chine, il a notamment inspiré Michael Jackson, un inconditionnel, pour sa célebre marche contre le vent. Officier de la Légion d'honneur, commandeur de l'Ordre national du Mérite, des Arts et des Lettres, le "Picasso du mime", outre ses activités de peintre, d'illustrateur et de lithographe, a écrit plusieurs ouvrages, dont "L'Histoire de Bip", "Les sept péchés capitaux" et "Pimporello". Marcel Marceau, le poete du silence Par Brigitte BAUDIN. Publié le 23 septembre 2007 Actualisé le 23 février 2002 : 11h13 logo FIGAROFermer le fenetre logo FIGAROFermer le fenetre L’inventeur de Bip revient `a Paris et s’installe au Palais des Congres avec ses mimodrames universels. Portrait publié dans Le Figaro le 23 février 2002 « La jeunesse n’est pas une période de la vie. C’est un état d’esprit, un effet de la volonté, une qualité de l’imagination, une intensité émotive. Jeune est celui qui s’étonne, s’émerveille et demande comme un enfant insatiable : et apres ? » Ces mots de Samuel Ullman s’appliquent parfaitement `a Marcel Marceau. A bientôt soixante-dix-neuf ans, le Mime Marceau a l’allure, la fraîcheur d’âme, l’enthousiasme, la passion, le dynamisme, l’esprit d’entreprise d’un jeune homme. Son secret ? Le travail, le travail, le travail. Un jour aux Etats-Unis, l’autre au Japon ou en Australie, il parcourt sans cesse le globe avec « son art du silence » et Bip, son double, une espece de Pierrot lunaire au masque blanc et aux yeux étonnés qu’il a créé en 1947, de Don Quichotte se battant contre les moulins `a vent de notre société, comme Charlie Chaplin (son idole) dans Les Temps modernes. Le voil`a `a présent `a Paris, au Palais de Congres, `a partir de ce soir et jusqu’au 3 mars, dans Le Retour du Mime Marcel Marceau, un one-man-show de deux heures vingt, en deux volets : les pantomimes de style et les pantomimes de Bip. « J’ai fait l’Olympia en septembre 2000, explique Marcel Marceau. C’est la premiere fois que j’affronte le public du Palais des Congres. A l’intention des jeunes qui ne m’ont jamais vu en scene j’ai donc repris, dans la premiere partie, mes plus grands succes : le petit café français ambiance apres-guerre, les mains, la lutte contre le Bien et le Mal, le jardin de notre enfance. Pour moi, c’est celui du petit Quinquin `a Strasbourg, ma ville natale. Dans la seconde partie consacrée aux pantomimes de Bip, j’ai gardé un classique : le fabricant de masques d’apres une idée de mon ami le réalisateur, le maître du tarot, l’auteur surréaliste de bandes dessinées, Alejandro Jodorovski. J’ai ajouté deux pantomimes inédites : Bip vedette d’un cirque ambulant et Bip voyage. En 2003, par contre, je reviendrai avec un spectacle completement neuf. » Si, comme il le dit lui-meme, le mime est un art futuriste combinant le réel et le virtuel, Marcel Marceau en est le plus beau fleuron. Eleve de Charles Dullin et du mime Etienne Decroux, il est devenu en un peu plus d’un demi-siecle le meilleur ambassadeur de la culture européenne. Son art sans parole n’a pas de frontiere. Par un signe, un geste, une attitude, un regard, il peut aussi bien communiquer avec un Lapon, un Papou de Nouvelle-Guinée, un Japonais ou un cow-boy de l’Ouest américain. Partout, il a ainsi fait des émules. Dieu vivant au Japon, pays du kabuki et du nô, il est aussi une icône en Amérique. En 1955, le Tout-Hollywood vient l’applaudir. Il y a Charles Laughton, les Marx Brothers, Gary Cooper. Depuis lors, Michael Jackson, un inconditionnel, s’est inspiré `a sa maniere de sa célebre marche contre le vent. Il a meme demandé au maître Marceau de signer la mise en scene de My Lost Childhood. Trop occupé avec ses propres aventures artistiques, Marcel Marceau a du refuser cette gratifiante proposition. Il a prodigué ses conseils `a David Copperfield, le magicien qui fait disparaître les monuments les plus célebres du monde et vole sans filet. Il avait également beaucoup marqué Rudolf Noureiev, le grand danseur étoile, ancien directeur de l’Opéra de Paris, aujourd’hui disparu. « Je suis avant tout un homme de théâtre, avoue Marcel Marceau. Ma spécificité est un mélange de deux techniques : celle de mon maître Etienne Decroux et celle que j’ai forgée au fil du temps et de mes connaissances. Etienne Decroux était un grammairien du geste. C’est essentiel la grammaire. Cela se perd malheureusement actuellement. Il était aussi fortement influencé dans ses attitudes par les sculptures grecques, celles de Rodin, et par la danse contemporaine d’Isadora Duncan. Enfant, j’ai fait de l’escrime, du fleuret, du sabre. Cela a développé mon sens de la gestuelle, la rapidité d’exécution. Peintre de formation (il a fait les Arts décoratifs et le Conservatoire de Limoges, NDLR), mes influences personnelles sont venues aussi du surréalisme tant pictural que littéraire. Je me suis senti proche de Max Ernst, Chagall, Picasso dans son époque cubiste, mais surtout de William Blake, le Michel-Ange de l’aquarelle et un tres grand poete. Blake m’a inspiré doublement : dans mon travail de mime et dans mes peintures, lithographies (pres de trois cents oeuvres). Je prépare d’ailleurs prochainement une exposition aux Etats-Unis de tableaux figuratifs sur le theme des sept péchés capitaux. » Depuis l’enfance, Marcel Marceau a été profondément marqué par le cinéma. Les plus grands metteurs en scene revaient aussi de le faire tourner. « Tout petit, j’imitais Charlot, reprend-il. Je voyais tous ses films et l’adorais. C’est le plus grand mime cinématographique. C’est le coeur de l’etre humain qui battait en lui. Il jouait avec son âme. J’ai rencontré Charlie Chaplin une seule fois. C’était `a Orly. Je partais sur le tournage de Barbarella, le film de Roger Vadim, ou j’incarnais le professeur au côté de Jane Fonda. Chaplin rentrait chez lui `a Vevey. J’étais ému comme un collégien ! » Outre l’épisode de Barbarella, Marcel Marceau a fait quelques incursions aussi breves que remarquées dans le septieme art. Il campe ainsi Napoléon dans La Belle et l’empereur et donne la réplique `a Romy Schneider. Il est aussi le héros, en 1973, de Shanks, un film hollywoodien. Sans compter le moment d’anthologie qu’il nous offre dans Silent Movie de Mel Brooks, une parodie du cinéma muet dans lequel il prononce le seul mot du film : « no ». « Fou de cinéma j’aurais aimé tourner encore davantage, dit-il avec une pointe de regret. Luis Bunuel, que j’ai rencontré au Mexique, voulait réaliser un film autour de moi. Jean Renoir m’a offert d’incarner Le Caporal épinglé. J’étais pris ailleurs. C’est Claude Rich qui l’a formidablement interprété. Quant `a Vittorio de Sica, un homme au coeur tendre et généreux, il revait aussi de m’écrire une histoire et de me diriger. » Le mime Marcel MARCEAU Né le 22 mars 1923 `a Strasbourg, Marcel Mangel qui deviendra le mime Marceau, est le fils du boucher de la communauté polonaise Adath Israël. Il reconnaît "avoir beaucoup souffert lorsque Hitler a lancé l’anatheme sur la juiverie mondiale" et se souvient aussi de la guerre d’Espagne : "`a treize ans, j’ai écrit, de ma main d’écolier, sur la guerre civile espagnole. Je la connaissais par coeur." Bien entendu, du côté des républicains. Les années de guerre Lorsqu’il a quinze ans, Strasbourg est évacuée. La famille part se réfugier en Dordogne. Ses dons artistiques, pour la peinture notamment, le conduisent `a s’inscrire `a l’école des arts décoratifs de Limoges. En 1943, Marcel "entre dans la Résistance française. Faussaire de génie, il copiera et imitera des papiers d’identité pour que ses camarades entrés en résistance puissent circuler. Apres la déportation de son pere (qui mourra `a Auschwitz), Marcel décide de rejoindre son frere "quelqu’un d’important pour la Résistance, qui a formé plus tard les FTP (Francs-tireurs partisans)". Sa tante tient une colonie de vacance ; il y réalise des spectacles de théâtre avec des enfants : "J’imitais Chaplin, qui était mon dieu". Il y monte aussi des contes taoistes et chinois. Lorsque des rumeurs se propagent sur les prochaines opérations de débarquement, le lieu n’est plus jugé assez sur, et on envoie Marcel se cacher dans une maison `a Sevres pres de Paris. C'est ainsi qu'il peut suivre les cours de Charles Dullin, au Théâtre de la Cité ou Sarah-Bernhardt. Il étudie aussi avec Étienne Decroux, le maître de Jean-Louis Barrault et le pere fondateur de la "grammaire" de l’art du mime qu’il appelait la "statuaire mobile". "Quand la France a été libérée, je me suis engagé, en novembre 1944, dans la 1ere Armée, celle de Delattre de Tassigny. Nous étions en Alsace. Je suis rentré en Allemagne par Karlsruhe. " Naissance de Bip La guerre s’acheve en avril 1945. Mobilisé encore un an, Marcel Marceau va ensuite intégrer la compagnie de Jean-Louis Barrault et Madeleine Renault. Il y interprete Arlequin, le pantomime Baptiste, "que Barrault avait popularisé dans les Enfants du paradis", le long métrage de Marcel Carné. Le 22 mars 1947, jour du 24e anniversaire de l’artiste, sortira de l’ombre des coulisses un drôle de personnage, Pierrot lunaire, "hurluberlu blafard" `a l’œil charbonneux et `a la bouche déchirée d’un trait rouge, un drôle de haut-de-forme sur la tete, avec une fleur rouge tremblotante en guise de panache : BIP était né. "J’ai mis le maquillage blanc, en souvenir du Pierrot, le mime blanc du 19e siecle." C'est ainsi qu’il a recréé un art nouveau d’un art ancien, `a l'aide de la grammaire de Decroux. "Le secret, dit-il, c'est le poids de l'âme. Dans la salle, il se crée une sorte d'hypnose: je m'identifie au public et le public s'identifie `a moi." Rien ne lui échappe : de Charlie Chaplin `a la guerre en Irak, de sa carriere `a sa vie, il exprime tout `a travers "BIP". Ce pantomime au langage universel, qui peut communiquer aussi bien avec un Papou qu'un Japonais par un geste, un regard, parle rarement mais quand il le fait, il ne dit pas n'importe quoi, comme au cours d'une récente tournée américaine ou il s'est exprimé sur la paix et la nécessité pour les nouvelles générations de trouver d'autres solutions que la guerre. Son génie et son talent révelent un sens aigu de l'observation. Il sait brosser le tableau de l'humanité dans ses moindres détails, il donne `a son art une dimension poétique intemporelle, et garde toujours, meme quand il aborde des sujets graves, cet espoir et cette foi en la vie qui impregent ses sketches. Consécration aux États-Unis A son arrivée aux États-Unis, en 1955, le public, habitué aux comédies musicales, `a la danse moderne et classique, et aux industries de spectacle bien rodées, découvre, ébahi, qu’"un homme qui ne parle pas, pendant deux heures sur scene, arrive `a susciter l’émotion avec les pantomimes de style". Des lors, il invente la marche contre le vent, l’escalier, le tireur de cordes, le jardin public... "D'emblée, se souvient-il, j'ai eu d'excellents articles dans la presse new-yorkaise, ce qui m'a beaucoup aidé `a l'époque. Au départ, j'étais venu pour deux semaines `a Broadway (`a New York) et puis tout s'est enchaîné. J'ai fait de nombreuses tournées aux États-Unis, certaines longues de six mois, et depuis 1955 je suis venu aux États-Unis en moyenne tous les deux ans". "D'une façon générale, remarque-t-il, le public américain est beaucoup plus mystique qu'on ne le croit. Je le constate dans mes numéros qui traitent des themes profonds. Pour les Mains avec la lutte du Bien et du Mal, la Création du Monde ou Adolescence, Maturité, Vieillesse et Mort, le public est non seulement attentif mais touché". Il a joué devant quatre présidents de la République américains (Johnson, Ford, Carter, Clinton), et c'est d'ailleurs `a New York que se trouve la "Fondation Marceau", temple du mime ou sont conservées toutes ses archives. Marceau se souvient de sa premiere représentation `a Los Angeles devant un parterre de stars : Charles Laughton, Paul Muni, Gary Cooper, Cary Grant, Jack Lemmon, les Marx Brothers, Ginger Rogers, Fred Astaire et Danny Kaye. "J'étais ébloui". Et il se remémore aussi ses rencontres avec Max Senett, quelques mois avant sa disparition et aussi avec Stan Laurel, chez qui il allait parfois prendre le thé quand il passait par Los Angeles. Marceau reconnaît d'ailleurs qu'il ne lui aurait pas déplu de naître trente ou quarante ans plus tôt pour connaître Hollywood au temps du cinéma muet. "Dans ce cas, confie-t-il, peut-etre serais-je passé directement au cinéma". C'est `a Rome lors du tournage de "Barbarella" de Roger Vadim en 1967, que Marceau rencontrera pour la seule et unique fois son idole : Charlie Chaplin. "Il s'appretait `a partir pour Vevey (son lieu de villégiature en Suisse) et était accompagné de trois des ses enfants. Il leur a demandé de venir me saluer et je suis venu le saluer `a mon tour. Vous pensez si j'étais ému !". "S'il n'avait pas créé le personnage de Charlot au cinéma, je n'aurai peut-etre pas créé Bip au théâtre. Pour moi, il est resté le maître". L'école de mimodrame Tournées apres tournées, Marceau est toujours malmené par la critique et le public français, trop snob et viscéralement attaché presque exclusivement `a la culture classique. Jusqu’au jour ou Jacques Chirac, alors maire de Paris, lui procure des subventions pour créer sa compagnie de mimes dans la capitale. Depuis, revient régulierement dans la capitale français pour produire des spectacles. Comme il n’est pas d’édifice sans fondations, Marcel Marceau a, sa vie durant, voulu voir naître une école internationale de mimodrame afin que la "grammaire" réinventée par Etienne Decroux et cinquante années d’expérience ne se perdent plus. Cette Ecole, subventionnée par la Ville de Paris, voit enfin le jour en 1978, et toutes les disciplines voisines du mimodrame y sont enseignées, selon le vœu de son créateur : "Il ne suffit pas d’utiliser une technique, de sortir d’une école pour devenir artiste. Il faut créer un esprit et une méthode dramatique qui fassent évoluer l’éleve. […] Ils s’apercevront que l’édifice de leur technique, que la mécanique du tragi-comique, que les codifications d’un style et d’un esprit s’instruisent `a l’école et se completent par l’expérience de la vie et de leurs rapports avec le public". Marcel Marceau est le grand inspirateur des artistes de la pantomime dans le monde entier, et notamment en Israël, avec des disciples comme Hanokh Rosen. Un éternel baladin En 2002 Marcel Marceau a été nommé ambassadeur de bonne volonté pour le troisieme âge par l’ONU. Parce que "la vieillesse arrive quand on s’arrete", le mime parcourt le monde pour repousser l’échéance et par souci de faire connaître la pantomime. Il a avoué dans une interview : "parfois les spectateurs pensent que je suis mon propre fils, car il ne peuvent croire quue je me produit encore sur scene". Bip, le personnage mythique qu’il a façonné, lui ressemble au fond. Un etre qui pousse les situations aux limites de l'absurde. C’est un Don Quichotte qui se bat contre les moulins `a vent de la vie actuelle. Marcel Marceau est : Officier de la Légion d'Honneur Commandeur de l'Ordre National du Mérite Commandeur des Arts et Lettres Personnalités judaisme alsacien Accueil © A . S . I . J . A .