Unite * La revolution industrielle et le travail Au xviiľ siécle des économistes (Smith, Ricardo, Say) s'entendent á démontrer que le travail est á l'ori-gine de la « richesse des nations ». Grace au travail, les individus s'enri-chissent et permettent au pays d'accu-muler des ressources. Pour Karl Marx, la creation de valeur apportée par les travailleurs ne leur appartient pas. Dans un systéme capitaliste, eile revient aux propriétaires des moyens de production. Le travailleur est dou-blement aliéné, économiquement et sociologiquement. Du point de vue économique, car il est dépossédé des richesses qu'il a créées, et du point de vue sociologique, car il est oblige de travailler pour vivre. Cette conception du travail va traverser le xxe siécle. En 1893, Emile Durkheim,«le pere de la sociologie francaise » s'intéresse á la « division du travail ». II est convaincu qu'elle n'a pas pour but le seul progres économique, mais qu'elle realise la cohesion sociale : « La division du travail suppose que le travailleur, bien loin de rester courbé sur sa täche, ne perd pas de vue ses collaborateurs, agit sur eux et recoit leur action. Ce n'est done pas une machine qui répéte des mouve-ments dont il n'apercoit pas la direction, mais il sait qu'ils tendent vers un but qu'il concoit plus ou moins distinc-tement. II sent qu'il sert á quelque chose.» En résumé, la division du travail rend les individus complémentaires, á ľimage des organes dans un corps. Loin de nous diviser, eile nous ras-semble, affirme E. Durkheim. Le travail est done source de cohesion sociale, aux côtés de la famille, de ľécole ou de la religion. Mais touš les sociologues du xxc siécle ne sont pas aussi optimistes que leur pere. Aprěs la Seconde Guerre mondiale, Georges Friedmann se penche de nou-veau sur les effets de la division du travail. II est vrai que Frederick W. Taylor et son Organisation scientifique du travail ont sensiblement modifié les données du probléme. Au debut du xxe siécle, la mise en place dans I'industrie du systéme taylorien a généré de formidables gains de pro- Manufacture francaise d'armes et de cycles de Saint-Étienne en 1910. ductivité (soulignés déjá par Smith au XViir siécle). II a aussi mis Le Travail en miettes (Gallimard, 1964). Pour G. Friedmann, « ľobservation quoti-dienne, au niveau des ateliers, nous offre de nombreux exemples ďéclate-ment des täches et de degradation de l'apprentissage, dans les branches les plus diverses de la production ». Selon les propres termes de G. Friedmann,«le travail perd toute signification pour ľopérateur specialise qui, par suite, tend á se sentir peu respon sable á ľégard de sa täche élémentaire ». En résumé, ľexcés de division du travail nuit aux travailleurs et á la qualité du travail. Est-ce que, pour autant, eile désunit les hommes ? Assurément, selon G. Friedmann, et les solutions á apporter á ce probléme sont á chercher dans ľenseignement de specialisations variées et dans le développement des loisirs. Bref, il faut tout faire pour évi-ter que ľinsatisfaction au travail ne se transforme en une amertume risquant de favoriser des comportements deviants (agressivité, violence) qui nui-ront á la cohesion sociale. í 32 I mm B1 .RDS CONTEMPORA '***•■ *& f * Depuis les années 90, de nombreux ouvrages ont fleuri sur la question de la « fin du travail ». Mais derriěre un méme intitule, les opinions convergent-elles ? ■ JEREMY RIFKIN : La Fin du travail (La Découverte, 1997) Pour cet Américain, la revolution technologique en cours va diminuer de facon drastique le nombre d'emplois dans l'agriculture, l'industrie et les services tout en maintenant constant le niveau de production. De nouveaux emplois doivent done ětre redéployés, et Jeremy Rifkin propose qu'ils le soient autour d'un «tiers secteur ». Cette économie sociale associative, cooperative et mutualiste prendrait place entre le secteur přivé (qui ne créera plus assez d'emploi) et le secteur public (qui ne pourra pas en créer indéfiniment). ť ANDRE GORZ : Les Metamorphoses du travail (Galilee, 1988) Selon André Gorz, ce n'est pas le nombre d'emplois qui diminue (au contraire) mais le volume total ďheures travaillées. Ceci explique la part croissante des emplois précaires et á temps partiel. Pour une part grandissante de la population, le travail devient intermittent, d'ou la moindre importance qui lui est accordée tant du point de vue identitaire que du point de vue intégratif. Et e'est tant mieux, selon le sociologue, car cela réduit le travail «hétéronome » (répondant aux besoins de la société) qui n'est pas épanouissant, contrairement au travail «autonome »(situé hors du champ de la nécessité). JEAN-LOUIS LAVILLE : Une troisiéme voie pour le travail (Desclée de Brouwer, 1999) : Le sociologue reconnait que le travail est et restera encore longtemps un vecteur-clef de ľidentité sociale. Mais, en méme temps, le salariat ne pourra plus remplir son role ďintégrateur comme il ľa fait pendant les Trente Glorieuses. La solution consiste alors á reconnaitre ■ « une économie plurielle » qui inclurait une dimension non marchande et participerait á la reconnaissance de : ľ« économie solidaire ». I DOMINIQUE MÉDA : Le Travail. Une valeur en voie f. de disparition (Aubier, 1995) í Sans aller jusqu'ä proclamer la fin du travail, ľauteur appelle á une relativisation de la place du travail dans I l'existence au profit des autres spheres ďactivités : I les spheres politique et culturelle, la sphere de ľactivité I amicale, amoureuse, familiale... \ ■ ■ ■ MJactivites de synthése 1. Donnez les réponses les plus synthétiques aux questions suivantes. Le travail du Moyen Äge au xx' siěcle a. Relevez la phrase qui resume le mieux ce que fut ľattitude vis-ä-vis du travail jusqu'au xxe siěcle. b. Aprěs cette époque, pour quelles raisons le travail fut-il revalorise ? La revolution industrielle et le travail a. Quelles sont les deux raisons principales pour lesquelles le travail est valorise au xixe et au debut du xxe siěcles ? b.Troispenseurs ont analyse le role du travail pendant cette perióde : Karl Marx, Émile Durkheim et Georges Friedmann. Résumez les points de vue de chaeun et comparez-les. \ 2. Comparez les points de vue des auteurs sur les aspects suivants: Regards coníemporains a. le nombre d'emplois dans I'avenir b. le mode de (redistribution souhaitable du travail c. la valeur du travail Faites d'abord un travail oral et rédigez ensuite une synthése en trois paragraphes (un sur chaeun des aspects compares). 331