LES CEUVRES POÉTIQUES Meditations poétique« (1820) et Nouvefles meditations poétiques (1893). Dernier chant du pelerínage d'HaroId (1825). Harmonie« poétique« et rcÜgSetue« (1830). -* p. 70. Jocetyn (1836). Meditations poétiques 1820 Publié en mars 1820, ce petit recueil de vingt-quatre pieces constitue un veritable événement poétique. Le public s'arracha le mince tirage de cinq cents exemplaires sans nom ďauteur, contraignant ľéditeur Nicolle á une seconde edition signée děs le mois d'avril. «Je suis le premier, écrit Lamartine dans la preface, qui ai fait descendre la poésie du Pamasse et qui ai donné ä ce qu'on nommait la Muse, au lieu d'une lyre ä sept cordes de convention, les fibres mémes du cceur de ľhomtne, touchées et émues par les innombrables frissons de ľäme et de la nature. » Toucher l'homme en laissant parier le coeur : telle est l'ambition qui séduit le public de 1820. Le résultat est un melange ďévocations ou d'allusions personnelles, et de formules oratoires portées par une musique des vers qui signe ďemblée le ton lamartinien. Le lac Le lac, l'une des plus fameuses de ces pages, fut esquissé děs ľété 1817, et fait reference á ľabsence de ľétre aimé (Julie Charles) sur les rives tlu lac oú avait lieu naguěre la rencontre avec le poete. Ainsi, toujours poussés vers de nouveaux rivages, Dans la nuit éternelle empörtes sans retour, Ne pourrons-nous jamais sur ľocéan des áges Jeter l'ancre un seul jour ? s O lac ! ľannée ä peine a fini sa carriěre, Et pres des flots chéris qu'elle devait revoir, Regarde ! je viens seul m'asseoir sur certe pierre Oú tu la vis s'asseoir! Tu mugissais ainsi sous ces roches profondes; to Ainsi ru te brisais sur leurs flancs déchirés; Ainsi le vent jetait ľécume de tes ondes Sur ses pieds adores. Un soir, fen souvient-il ? nous voguions en silence; On n'entendait au loin, sur l'onde et sous les deux, is Que le bruit des rameurs qui frappaient en cadence Tes flots harmonieux. Tout ä coup des accents inconnus ä la terre Du rivage charmé frappérent les échos; Le flot fut attentif, et la voix qui m'est chěre 20 Laissa tomber ces mots: « O Temps, suspends ton vol! et vous, heures propices, Suspendez votre cours! Laissez-nous savourer les rapides délices Des plus beaux de nos jours! 25 Assez de malheureux ici-bas vous implorent: Coulez, coulez pour eux; Prenez avec leurs jours les soins qui les dévorent; Oubliez les heureux. Mais je demande en vain quelques moments encore, 30 Le temps m'échappe et fuit; Je dis á certe nuit: « Sois plus lente »; et ľaurore Va dissiper la nuit. 35 40 45 50 55 60 Aimons done, aimons done ! de ľheure fugitive, Hátons-nous, jouissons! , L'homme n'a point de port, le temps n'a point de rive; fl coule, et nous passons !» Temps jaloux, se peut-il que ces moments d'ivresse, Oú ľamour á longs flots nous verse le bonheur, S'envolent loin de nous de la méme vitesse Que les jours de malheur ? Hé quoi! n'en pourrons-nous fixer au moins la trace ? Quoi! passes pour jamais ? quoi! tout entiers perdus ? Ce temps qui les donna, ce temps qui les efface, Ne nous les rendra plus ? Eternite, néant, passé, sombres abímes Que faites-vous des jours que vous engloutissez ? Parlez: nous rendrez-vous ces extases sublimes Que vous nous ravissez ? O lac! rochers muets ! grottes ! forét obscure ! Vous que le temps épargne ou qu'il peut rajeunir, Gardez de certe nuit, gardez, belle nature, Au moins le souvenir! Qu'il soit dans ton repos, qu'il soit dans tes orages, Beau lac, et dans l'aspect de tes riants coteaux, Et dans ces noirs sapins, et dans ces rocs sauvages Qui pendent sur tes eaux! Qu'il soit dans le zephyr qui frémit et qui passe, Dans les bruits de tes bords par tes bords répétés, Dans 1'astre au front d'argent qui blanchit ta surface De ses molles claries ! Que le vent qui gémit, le roseau qui soupire, Que les parfums légers de ton air embaumé, Que tout ce qu'on entend, l'on voit ou l'on respire, Tout dise : « us ont aimé!» 68 Meditations poétiques.