Je !es crains tou tes et m'en défie Car je sais bien qu'elles sont tou tes pareilles2. En cela ma Dame se montre bien Femme, ce que je lui reproche, 35 Car eile ne veut ce qu'on doit vouloir Et ce qu'on lui defend, eile le fait. Je suis tombé en male merci, Et j'ai agi comme le fou sur le pont; Et je sais bien pour quoi cela m'est arrive : 40 Car j'ai voulu m'attaquer ä une pente trop rude. 2. De maniere caractéristique, la courtoisie se trouve alliée dans cette piece ä ľintense et trěs répandue niisogynie medievale. 3. Amour est feminin en ancien proven^al comme en ancien francais. 4.. t Tristan» pent ětre ici le senhaide la dame, ou le pseudonyme par lequel Bernard designe son i jongleur >, c'est-a-dire celui qui est chargé de chanter les productions du troubadour devant sa dame. Merci est perdue, pour vrai, Et je ne le savais pas jusqu'alors, Car celle qui devrait le plus en avoir N'en a point; ou done la chercherai-je ? 45 Ah ! Comme eile semble mal, ä qui la voit, Capable de laisser mourir, sans jamais ľaider, Ce pauvre plein de désir, Qui jamais sans eile n'aura de bien ! 50 55 Puisqu'aupres de mon seigneur n'ont de valeur Ni priěres ni merci ni \es droits que j'ai Et puisqu'il ne lui plait pas que je ľaime, Je ne le lui dirai jamais plus. Cest ici que je me sépare d'amour et que j'y renonce Elle3 m'a voulu mort et mort je lui réponds, Et je m'en vais, puisqu'elle ne me retient, Malheureux que je suis, exile, je ne sais oü. Tristan4, vous n'aurez plus rien de moi, Car je m'en vais, malheureux, je ne sais oü Je renonce ä chanter, je renie le chant, 60 Et je me cache loin d'amour et de joie. Bernard DE Ventadour, Quandje vois I'alouette mouvoir..., traduction d'Anne Berthelot