Pauvreté et exclusion : les caractéristiques modernes de la pauvreté entraînent souvent l'exclusion, c'est-à-dire la rupture du lien social www.brise.org Comment la pauvreté aujourd'hui peut devenir synonyme d'exclusion, c'est-à-dire de rupture du lien social. Ce basculement de la pauvreté vers la marginalité s'explique d'abord parce que le chômage est souvent à l'origine de la pauvreté, mais aussi par le relâchement des solidarités traditionnelles et par le caractère cumulatif de la pauvreté et de l'exclusion. La montée du chômage et ses effets sur le lien social. La pauvreté dans les sociétés modernes s'explique en grande partie par le chômage, qui s'est beaucoup accru dans les années 1980 et dont le niveau ne redescend que très lentement du fait du faible nombre d'emplois créés dans les années 1980 et 1990, malgré quelques périodes de croissance relativement plus rapide. On retrouve donc dans la pauvreté moderne les effets désintégrateurs du chômage que nous avons étudiés au paragraphe précédent. La pauvreté mène à l'exclusion quand les solidarités traditionnelles se sont affaiblies. On pense ici principalement à la solidarité familiale. La réduction de la taille des familles et plus particulièrement l'instabilité des couples, fragilisent les individus en limitant les ressources des ménages (et donc les moyens de la solidarité familiale) : le chômage est beaucoup plus grave dans une famille monoparentale que dans une famille élargie ! Ce n'est d'ailleurs pas qu'une question de ressources monétaires, car la solidarité familiale c'est aussi des relations que l'on mobilise pour retrouver un emploi ou un logement, et surtout des liens affectifs qui aident à passer des moments difficiles. Le développement de l'urbanisation joue un rôle similaire : le mode de vie en ville est plus anonyme que dans les campagnes traditionnelles où pouvait se tisser une solidarité "de voisinage" qui fait parfois cruellement défaut aujourd'hui. Il faut aussi dire que le chômage et la pauvreté peuvent entraîner en retour des ruptures familiales (les divorces sont plus nombreux dans les couples comptant un chômeur) et sociales (le chômeur se coupe alors de ses amis parce qu'il a honte de sa situation). Pauvreté et citoyenneté : de l'exclusion économique à l'exclusion politique. Pour s'exprimer politiquement, il faut se sentir citoyen, c'est-à-dire réellement membre d'une Nation. Pour cela, il faut en avoir les moyens, que ce soit sur le plan intellectuel ou sur le plan économique. On observe que l'exclusion économique qui accompagne la montée du chômage et la précarisation de l'emploi se double d'une exclusion politique : l'individu n'a plus les moyens et ne se sent plus les moyens de participer aux décisions politiques (par exemple, il a perdu ses papiers d'identité, ne peut pas s'en faire refaire et ne plus voter. De toutes façons, il a l'impression de n'être au courant de rien, n'ayant souvent pas la télévision et ne pouvant lire les journaux quand il tombe dans la grande pauvreté à l'exemple des "sans domicile fixe"). L'isolement économique et social entretient l'isolement politique. Le processus cumulatif de pauvreté et d'exclusion. Le fonctionnement de la société moderne est ainsi fait qu'une pauvreté en entraîne fréquemment une autre, qu'une exclusion en entraîne fréquemment une autre, tant et si bien que les individus peuvent se retrouver dans de véritables spirales de marginalisation. Par exemple, la baisse des revenus liée au chômage peut déboucher sur la perte du logement : l'individu, ou le ménage, s'était endetté pour acheter son logement et, du fait de la baisse des revenus, ne peut plus rembourser les emprunts. Le logement est alors vendu et le chômeur a le plus grand mal à trouver un logement en location car il n'a plus de feuilles de paie à montrer. Or ne pas avoir d'adresse à donner, être "sans domicile fixe" est socialement très excluant et les chances de trouver un emploi sans pouvoir fournir d'adresse sont minces. L'exclusion est rarement totale. Mais les fragilités se cumulent, se transmettent même parfois (les enfants des exclus sont plus fragiles socialement que les autres, en particulier parce qu'ils n'ont souvent ni les liens familiaux ni les diplômes scolaires qui pourraient éventuellement les protéger). Le processus n'est évidemment pas automatique. Tous les chômeurs de longue durée, et loin de là, ne sont pas des exclus. Cependant on voit bien que l'allongement et la progression du chômage sont des facteurs de risque pour le lien social.