La double vie des étudiants salariés Ils sont nombreux à mener de front études et activité professionnelle Le calot sur la tête et le geste prompt, Jean-Luc actionne le percolateur d'un air distrait. Mais à quoi pense donc ce serveur modèle, entre la monnaie qu'il faut rendre et les soucis d'arrière-cuisine? Aux clients qui se bousculent ou à sa licence d'histoire qu'il ne veut pas rater une seconde fois ? Aux examens qui approchent ou à ses fins de mois difficiles ? Car Jean-Luc fait partie de ces milliers d'étudiants qui vivent à califourchon entre l'université et la vie professionnelle, potaches un jour et salariés le lendemain, tour à tour studieux et laborieux. Mal connue des différentes administrations, le plus souvent ignorée par les universités, difficile à repérer dans les statistiques, noyée dans la masse des étudiants en formation initiale, la population de ceux qui ont un emploi ne fait l'objet d'aucun recensement national. Etonnante ignorance au moment où le gouvernement lance un plan d'aide sociale en faveur des étudiants les plus démunis. En attendant les résultats de l'enquête systématique que les universités sont invitées, par le ministère, à lancer lors de la prochaine rentrée, certains établissements s'efforcent localement, d'y voir clair. C'est notamment le cas à Paris-I, Grenoble-II et Paris-VIII (Saint-Denis). Premier constat : l'ampleur du phénomène. A Paris-I, une étude effectuée en 1987 montre qu'un tiers des personnes interrogées déclaraient être salariées, soit un étudiant sur cinq en premier cycle, un sur trois en deuxième cycle et un sur deux en troisième cycle. Parmi eux, 30% étaient des étudiants salariés, les autres se rangeant dans la catégorie des adultes en formation continue ou en reprise d'études. A Paris-VIII, 41 % des personnes qui s'inscrivaient pour la première fois à l'automne 1989 étaient salariées. A Grenoble-II, enfin une enquête exhaustive menée à la rentrée 1989 indique que 37 % des étudiants envisageaient de travailler pendant l'année universitaire, 13% d'entre eux comptant consacrer d'une à cinq heures hebdomadaires à une activité salariée, tandis que 11 % pensaient s'y atteler entre six et dix heures par semaine. L'amour de l'indépendance Dans l'ensemble, les étudiants salariés accordent une part d'autant plus grande à leur «job » qu'ils avancent dans leur cursus universitaire. En effet, le nombre des cours obligatoires s'amenuise au fur et à mesure qu'ils montent en grade, et la dépendance à l'égard des familles se fait plus pesante avec l'âge. Par ailleurs, les travaux réalisés à Paris I montrent que, chez les étudiants de deuxième cycle, c'est la fonction publique qui accueille le plus grand nombre d'étudiants salariés (62 %), dont plus de la moitié dans l'éducation nationale. Les quelques enquêtes disponibles démontrent également contrairement aux idées reçues que ce ne sont pas forcément les étudiants les plus démunis qui travaillent le plus à l'extérieur de l'université. Non seulement les boursiers n'ont, en principe, pas le droit de cumuler leur bourse avec un emploi rémunéré, mais il semble, selon les responsables de l'enquête grenobloise, que « les budgets les plus élevés vont de pair avec une activité salariée plus importante ». Ainsi Gonzague, un étudiant de vingt-quatre ans inscrit en licence d'administration publique à Paris-100 XII, ne travaille pas pour survivre, mais « pour être indépendant ». Les deux ou trois jours qu'il consacre chaque semaine à faire des inventaires pour la Compagnie des 105 wagons-lits lui rapportent environ 2 000 francs par mois, cette somme s'ajoutant à ce que lui donnent ses parents, qui financent le plus gros de ses études. Etudiant à Toulouse, Romain, lui aussi, reçoit chaque mois des subsides familiaux. Mais cela ne l'empêche pas de consacrer une bonne partie de son temps à un travail dans les réseaux de télécommunications, pour « sortir de la fac. Car une maîtrise de géographie, cela n 'occupe pas à plein temps et cela n 'ouvre pas assez d'horizons ». Tous, évidemment, ne se trouvent pas dans cette situation somme toute privilégiée. Pour aider sa famille à payer ses études, par exemple, Mireille doit distraire une demi-journée par semaine à la préparation de l'Ecole nationale de la magistrature. Les 2 762 francs qu'elle gagne chaque mois comme surveillante dans un collège de la banlieue parisienne lui permettent, notamment, de payer ses livres et l'essence de sa voiture. Le risque de perdre pied Même lorsqu'ils travaillent par nécessité, les étudiants ne minimisent pas les aspects positifs de leur activité parallèle, la découverte du monde du travail, ses contraintes et ses satisfactions. Tous, ils affrontent un employeur, des collègues, le chômage parfois. Alexandre, qui complète « au noir » une maigre bourse en effectuant des livraisons pour un traiteur, estime que l'expérience lui permet d'échapper à la « monotonie de la fac » et l'oblige à « avoir une discipline de vie pour pouvoir tout mener de front ». Gonzague, lui, constate que la fréquentation de ceux qui ont arrêté leurs études très jeunes le pousse à « une certaine humilité », mais l'incite aussi à vouloir poursuivre les siennes et à ne pas mésestimer sa chance. Enfin, ces revenus personnels ont une saveur particulière pour les étudiants. Surtout lorsqu'ils font un travail qui leur plaît comme ce fut le cas de Tania. Inscrite en premier cycle à Paris-VIII, cette jeune femme pour qui le marketing téléphonique et les ménages n'ont plus de secrets a aussi fait beaucoup de gardes d'enfants. « Comme j'adorais cela, explique-t-elle, j'avais bon moral et je me sentais stimulée dans mes études. » Pour autant, la vie des étudiants salariés n'est pas toujours facile. Ainsi, Tania se souvient avec une grimace des quatre heures de transport perdues pour se rendre dans un bureau de la banlieue parisienne. D'autres, comme Mireille, n'ont pas toujours pu concilier une activité salariée avec le minimum d'assiduité nécessaire pour éviter de se faire «coller » en fin d'année. Trop absorbée par quatorze heures de surveillance dans un externat, elle a eu le sentiment de se rendre à l'université «en touriste », durant son année de licence de droit. «Très vite, ajoute-t-elle, j'ai perdu pied, j'étais épuisée et j'ai fini par redoubler. » Les services sociaux et médicaux des universités connaissent bien le problème de la fatigue engendrée par cette double vie. « Avant les partiels, au moment où ils ont des devoirs à rendre, nous voyons arriver beaucoup d'étudiants travailleurs dans notre service, souligne Jeanine Millet, infirmière à Paris-VIII. Ils viennent chercher des fortifiants car ils sont surmenés, parfois au bord de la dépression. » D'où la rancœur de certains étudiants qui se plaignent de l'incompréhension de leurs professeurs, mais aussi le souci qu'ont plusieurs établissements d'aménager leurs horaires pour ce public encore mal connu. RAPHAËLLE RÉROLLE Le Monde, 23 mai 1991 Le texte et vous 1. En utilisant exclusivement les informations données par les titres et les deux intertitres, complétez la phrase suivante : Certes, les étudiants qui travaillent..., mais ils s'exposent... Vous et le sujet du texte 2. Si vous aviez feuilleté Le Monde du 23 mai 1991, auriez-vous lu cet article ? Pour quelles raisons ? 3. Ce document ne comporte ni dessin, ni photo. Parcourez-le rapidement afin de déterminer quel type d'illustration lui conviendrait sûrement, peut-être ou pas du tout : - un dessin humoristique montrant un étudiant qui se noie, - un graphique présentant des statistiques, - une photo montrant une dispute entre des parents et une jeune adolescente. Dites pour quelles raisons. L'auteur, le texte et vous 4. D'après les premières lignes de chaque paragraphe, quelles ont été les sources d'information de la journaliste ? - un livre vendu en librairie, -des interviews, - des documents diffusés par le ministère de l'Éducation Nationale, - des statistiques internes à quelques universités - des reportages sur les lieux de travail des étudiants. 5. Les titres et les deux intertitres ont-ils pour fonction : - d'attirer le lecteur par une formulation surprenante, - de présenter globalement le contenu de l'article, - de poser un problème auquel l'article apportera des solutions. 6. À votre avis, cet article est-il plutôt : - informatif, - polémique, - anecdotique. RÉSUMER POUR QUI ? 7. Les contraintes de l'exercice 1.Réduire le texte en respectant la longueur imposée. 2.Rester fidèle au sens du texte. 3.Se limiter à son contenu. 4.Respecter la structure du texte : ne pas bouleverser l'ordre général des informations. 5.Reformuler le contenu : ne pas reprendre mot pour mot des extraits du texte. 6.Réécrire le texte sans l'introduire par des verbes du discours tels que : «la journaliste dit que... pense que...». 7. Ne pas introduire de commentaires personnels. 8. Cet article, de 1 300 mots, a été résumé ci-dessous par un francophone. La longueur imposée était de 350 mots. Remettez dans l'ordre les phrases ou les parties de phrase des paragraphes 1,2, 4 et 5 de ce résumé. Paragraphes I et 2 : a. En effet, comment faire preuve du sérieux et de la concentration qu'exigent simultanément des études universitaires et un emploi salarié ? b. Il est certain qu'un étudiant qui doit, ou qui souhaite, travailler est confronté à des problèmes réels, générés par cette double vie. c. on ne dispose pas encore, à l'échelle nationale, d'informations fiables sur l'importance numérique du phénomène ni sur la situation des étudiants salariés. d. Une étude systématique est prévue pour la rentrée 92. e. Or, en 1991, au moment où le gouvernement met en place un plan d'aide sociale destiné aux étudiants en difficultés financières, Paragraphe 3 : Pour l'instant, les résultats de quelques enquêtes partielles révèlent : - qu'environ un tiers des étudiants ont un emploi salarié. C'est une proportion importante. - que plus ils avancent dans le cursus universitaire, plus ils sont nombreux et plus ils consacrent de temps à leur activité professionnelle. Cela s'explique autant parla diminution du nombre de cours obligatoires que par l'amplification du besoin d'indépendance lié à l'âge. - une grande disparité dans les types d'emploi aussi bien que dans leur durée hebdomadaire. Paragraphe 4 : a. élargir leur horizon au monde du travail, rompre une certaine routine des études, apprendre à s'organiser en se confrontant à d'autres types de contraintes, prendre conscience du privilège qui est le leur... etc b. Au delà des chiffres, c'est certainement au sujet des motivations de ces étudiants salariés que les enquêtes sont les plus instructives. c. En effet, y compris parmi ceux qui travaillent par nécessité où pour satisfaire leur désir d'indépendance, beaucoup attendent, ou découvrent chemin faisant, bien d'outrés avantages à leur choix : d. Sans compter le plaisir de l'argent gagné personnellement et celui, parfois, de faire un travail que l'on aime. Paragraphe 5 : a. Certains en font l'amère expérience. b. il arrive que la fatigue chronique et les absences répétées compromettent les chances de succès aux examens. c. Leurs doléances commencent seulement à être entendues par certaines universités qui s'efforcent d'aménager les horaires à leur intention. d. Pourtant, dans les conditions qui sont les leurs actuellement, ces étudiants savent bien qu'ils prennent des risques : 9. Identifiez les éléments qui vous ont permis de reconstruire le résumé. 10. EN utilisant librement le résumé reconstitué et en vous reportant au contenu de l’article, faites un nouveau résumé de 125 mots. DIRE AUTREMENT mener de front cumuler, mener simultanément 2 prompt rapide 4 distrait absent, indifférent 6 modèle appliqué, parfait 9 se bousculer se presser, affluer 10 rater* échouera 12 les fins de mois difficiles les difficultés d'argent 15 à califourchon partagé, en équilibre 17 potache* élève, étudiant 23 repérer trouver, identifier 24 noyé dans la masse perdu, occulté 27 faire l'objet de donner lieu à, être le thème de 28 étonnante surprenante 29 au moment où alors que 29 lancer entreprendre, mettre en place 30 en faveur de destiné à 31 démuni dans le besoin, en difficulté 33 systématique méthodique, approfondi 34 être invité à être prié de 37 y voir clair Avoir une idée précise de la situation, avoir des informations fiables notamment par exemple, entre autre 38 l'ampleur l'importance numérique 41 effectuer réaliser, faire, mener 42 se ranger faire partie de, appartenir à 5! exhaustif complet 58 mener réaliser 58 envisager projeter, avoir l'intention de, 60 compter penser, envisager, projeter 62 s'atteler à* se mettre à, se consacrer à, 65 accorder consacrer, réserver 68 avancer progresser 70 s'amenuiser diminuer, se réduire 72 au fur et à mesure conjointement, proportionnelle- 72 ment à l'égard de vis-à-vis de, par rapport à 74 pesant lourd, pénible 75 par ailleurs en outre, de plus, d'un autre côté 75 accueillir recevoir 79 disponible diffusé, accessible 83 les idées reçues les clichés 85 forcément nécessairement, toujours 86 en principe théoriquement 90 cumuler ajouter, accumuler 91 aller de pair être associé, correspondre, 95 accompagner ainsi par exemple 97 le plus gros de la plus grande part, la majorité 108 un subside une aide financière III évidemment bien sûr, bien entendu 119 somme toute tout bien considéré, de fait 120 distraire retirer 123 minimiser sous-évaluer, négliger 133 une contrainte une obligation 136 une satisfaction une joie, un plaisir 137 maigre petite, faible 140 permettre donner l'occasion, la possibilité 143 monotonie ennui, routine 144 avoir une discipline de vie s'organiser 145 pousser à inciter à, favoriser 49 mésestimer minimiser, négliger, sous-estimer 152 une saveur un goût, un charme 155 pour autant cependant, toutefois 167 concilier combiner, réussir simultanément 174 une assiduité une présence régulière 175 se faire coller* échouer 176 absorbé pris, occupé, accaparé 177 perdre pied ne plus suivre, être perdu 182 engendrer entraîner, provoquer 188 un partiel un contrôle 190 souligner remarquer, noter 194 surmené éreinté 196 rancœur amertume, lassitude 198 la préoccupation