FRENCH RENAISSANCE EN LOUISIANE Ecoles, radios, fetes... A I'image de La Nouvelle-Orleans, qui vient de celebrer le « Bastille Day », I'ex-colonie connait un regain d'interet pour LA NOUVELLE-WAYETTE ORLEANS la France. PAR GREGORY PLESSE PHOTO DAYMON GARDNER A LA NOUVELLE-ORLEANS Defile de deux-chevaux Citroen, badauds deguises en Napoleon ou en Marie-Antoinette, drapeaux bleu-blanc-rouge... La Nouvelle-Orleans, en Louisiane, s'est paree des couleurs francaises le lljuillet dernier a l'occasion de ce que les Americains appellent le « Bastille Day », celebre chaque annee le samedi qui precede le 14 juillet. C'est un signe: plus de deux cents ans apres la vente des der-nieres colonies francaises aux Etats-Unis, la langue de Moliere vit une seconde jeunesse en Louisiane. D'apres Gregor Trumel, le consul de France a La Nouvelle-Orleans, les demandes d'inscription dans les ecoles d'immersion, ou l'ensemble des cours sont dispenses en francais, battent des records. On comptait a peine 200 inscrits avant 2005 a La Nouvelle-Orleans, ils sont aujourd'hui 2 000, et 2 000 de plus sur liste d'attente. Au niveau de la Louisiane, ou 500 000 per-sonnes sont nees francophones, 4700 eleves americains sont inscrits dans 30 ecoles d'immersion, ou travaillent 150 professeurs venus de France, payes par l'Etat de la Louisiane. Le succes est tel que le consulat, en lien avec les autorites locales, envisage d'ouvrir en 2020 un etablissement dispensant des cours en francais jusqu'a la terminale. La nouvelle langue des affaires Les raisons de cette « French renaissance » sont multiples. Comme a New York (lire l'encadre), «les parents ont compris l'interet pour leurs enfants 50 MAGAZINE DU VENDREDI 24 JUILLET 2015 grand angle I international Le systéme éducatif frangais a bonne reputation aux Etats-Unis^ Alexandre Vialou, du site Internet Nola francaise En avril dernier, la maire de Paris Anne Hida Igo pose avec son homolog ue de Lafayette, Joey Durel (ci-contre), devant un portrait du heros f rancais qui a donne son nom a la ville. d'etre bilingues. Et le systéme éducatif francais a trěs bonne reputation aux Etats-Unis », precise Alexandre Vialou, quianime le site Nola francaise, recensanttout ce quiatrait al'Hexagone áLa Nouvelle-Orléans. Selon Charles Larroque, directeur du Conseil pour le déve-loppement du francais en Louisiane (Codofil),« cette langue est désormais considérée comme stratégique dans les affaires », notamment pour la trěs puissante industrie pétroliěre, qui recherche des profils francophones capables de travailler en Afrique de FOuest. Derniěre explication: le boom du tourisme frenchie, qui a grimpé de 30 % entre 2013 et 2014.« C'est l'effet Treme », estime Alexandre Vialou. La série, diffusée en France en 2011 et 2012, évoque la reconstruction de la ville aprěs le passage de l'ouragan Katrina, en 2005. En pays cajun, oú se sont installés il y a un peu plus de deux cent cinquante ans les Acadiens, chas-sés du Canada par les Anglais, les villes s'appellent Thibodeaux, Abbeville, Lafayette ou Meaux. On entend méme du francais á la radio. « Bonjour, qui c'est qui parle ? » demande Jim Soileau, qui anime « La Tasse de café » sur la station locale KVPI depuis pres de cinquante ans.« Le café est beaucoup bon ce matin, il est plein chaud!» confie l'animateur de 77 ans. Les francophones fiers de leu r heritage La langue parlée en Louisiane a suivi son propre che-min et les expressions, á l'image de celles employees par Jim, sont assez différentes. « Doit-on enseigner le francais de France, contemporain, ou le francais Creole ou cajun, qui n'a pas évolué depuis le XIXesiecle?» s'interroge Charles Larroque. Il n'a pas encore trouvé la réponse, mais il se félicite des avancées accomplies en Louisiane. « A la creation du NEW YORK, BILINGUE EN TRICOLORE Si des liens historiques expliquent en grande partie le regain ďintérét dela Louisiane pour lefrancais, il est plus surprenantdeconstater le méme phénoměne á New York. Et pourtant, huit ans aprěs I'ouverture de la premiere classe bilingue dans une école élémentaire du quartier de Brooklyn, sept écoles de la Grosse Pomme disposent aujourd'hui de sections bilingues, auxquelles s'ajoutent une classe d'immersion située a Harlem, ainsi que trois colleges et un college- lycée permettant de passer le baccalauréat international. Codofil, en 1968, l'enjeu, c'etait d'eviter sa disparition. Aujourd'hui, on reflechit plutot ä ce qu'on va en faire.» Dans la petite bourgade d'Arnaudville, pres de Lafayette, Mavis Fruger a des tas d'idees. Elle a fonde il y a dix ans le centre culturel Nunu, qui organise tous les samedis des «tables franchises », auxquelles parti-cipent entre 20 et 120 personnes de tous les ages.« Les francophones de Louisiane ont longtemps ete conside-res comme les derniers des derniers. Aujourd'hui, ils sont fiers de leur heritage », explique-t-elle. Pour aller plus loin, Mavis Fruger voudrait creer ä Arnaudville un « campus d'immersion », oü l'on pourrait tout faire en francais: aller chez le coiffeur, ä la poste, au supermarche, au restaurant... Elle a dejä le soutien d'Ed LeCompte, le chef de la police locale. II a inscrit il y a quelques mois une nouvelle devise sur les voitures du commissariat:« pret ä proteger, her de servir », en francais. Tous ces projets ont pique la curiosite d'Anne Hidalgo, la maire socialiste de Paris: en avril dernier, eile afaitun crochetpar Arnaudville, lors de son sejour en Louisiane pour le congres de l'Association internationale des maires francophones. • MAGAZINE DU VENDREDt24 JUILLET2015 51