LE THEATRE DE A JUSQU'A Z. PAR PAUL-LOUIS MIGNON MARC CAM 0 LETT I né (par hasard) á Geneve, le 16 novembre 1923. D'origine italienne, il est fran-gais de Paris depuis son age le plus tendre. Parce que son pere est archi-tecte, il est question qu'il le de-vienne aussi, En fait, il n'a pas de vocation déterminée; il pré-fěre en tout cas dévier de ^architecture ä la peinture de che-valet. — Figurative! précise-t-il. Lorsque le marchand de tableaux André Schoeller, qui organise ses expositions, disparait, il met brusquement un terme ä cette activité. — Tiens, se dit-il, je vais écri-re une piece. Elle s'intitule Sémiramis (1) et ne sera créée qu'en 1963, au Theatre Edouard-VII. La premiere piece jouée, en 1958, est La Bonne Anna. Le Theatre des Ca-pucines, se trouvant brusque-ment sans affiche, donne sa chance au jeune auteur. —■ Pourquoi cette soudaine passion pour la comédie ? Est-ce que je dots évoquer Vatavisme ? Un arriěre-grand-pěre auteur dra-matique sous I'Empire ? L'inte-rét que j'avais pour les spectacles de la Comédie-Frangaise aux-quels Von m'avait abonné dés tage de six ans ? Désormais, il relěgue palettes et pinceaux. — Quand on a consacré, pendant des anníes, toute sa jour-née ä un travail, il n'est plus possible d'y revenir exception-nellement pour le seul plaisir, pour la detente. Et puis, la peinture suppose la solitude, le theatre la vie collective. De Vune ä l'autre, il y a un choix qui ne permet pas de solutions inter-médiaires. Robert Murzeau, interprete de La Bonne Anna, tombe malade; Marc Camoletti se decide ä re- prendre son röle et le tiendra longtemps, comme il reprendra ä l'occasion les deux roles mas-culins de Boeing-Boeing (2) (Comédie Caumartin, 1960). —■ II m'a fallu faire Veffort d'apprendre un texte que je connais dans son ensemble et non par personnage, dans la me-sure oil, pour moi, la réplique d'un dialogue comique n'est que le fragment d'une mosaique. Jouer la comédie m'amuse, au moins pendant quelques temps, mats je ne peux le faire^ que lorsque la piece a été créée et que je la considers de ťextérieur comme les spectateurs. Je ne me vois pas créer un röle : j'aurais trop de mál ä ajouter, pendant les repetitions, á l'incertitude et á Vinquiétude de Vauteur, celles de l'interprete. II en est de méme pour la mise en scene ä laquelle je collabore au point d'etre sans doute dijficilement supportable á mes metteurs en scene; j'ai besom de ceux-ci, j'ai besoin non seulement de leur savoir faire, de leur talent, mais de la confiance qu'ils accordent ä ma piece en s'y interessant. J'ai fait une exception en mettant en scene L'Amour propre {Edouard-VII, 1968). Autres pieces : Pauvre Edouard (Comédie Wagram, 1958), UHom-me nu (Capucines, 1959), Heureux mortels (Théátre Fontaine, I960), Secretissimo (3) (Ambassadeurs, 1965), La Bonne adresse (version nouvelle de L'Homme nu, Nou-veautés, 1967). La mecanique comique — Pom moi, raconte Marc Camoletti, qui m'attache au pur comique de Situation — ä l'excep-tion, jusqu'ici, de L'Amour propre oü les personnages crient la Situation et, par amour propre, la font rebondir —, je ne peux commencer ä fcrire sans avotr etabli präcisement la Situation et avoir ménagé ses rebondisse-ments jusqu'au baisser de ri-deau final (l'idee de depart peut sembler bonne et toumer court.) Car les paroles dans le dialogue en dependent rigoureuse-ment, elles sont le moyen de conduire infailliblement, de moment en moment, jusqu'ä la situation finale* Les personnages ne doivent parier que pour assurer le fonctionnement de ce mécanisme. Iis n'ont aucune liberie ; teurs répliques constituent un écheveau serré dont its sont prisonniers. Dans L'Homme nu, il n'est pas possible de changer un mot sans que tout s'ef-fondre. Les mots et les accessoires! Les verres par exemple dans Secretissimo ; it m'est apparu indispensable de répéter avec ewe děs le debut. Tenez compte aussi du fait qu'U faut, ä chaque instant, amener le spectateur ä porter son regard sur un point determine de la scene pour que Vef-fet dont découlera la suite, se fasse sürement. II ne faut lais-ser non plus aucune Uberte au public, mais contraindre au con-traire son attention constam-ment. Interprete de mes pieces, j'ai realise comme l'effet dependant de l'exactitude du phrase. Le feu comique a un caractěre musical. Dans Vabsolu. la distribution de-vrait etre faite en fonction des timbres de voix. Le probléme du ton est capital, un ton faux en réalité, mais qui donnera te sentiment de la vérité. Cest ce qu'U est de plus en plus difficile d'ob-tenir des comédiens. Pour 1'écrivain, il y a la peur de la page blanche; pour Marc Camoletti il y a celle du paquet de trois kilos de papier dont il sait par experience avoir besoin de noircir pour édifier chacune de ses machines ä faire rire. I/AMOUR-PROPRE. par Marc Camoletti (1) Avant-Scéne (2) Avant-Scěne (3) Avant-Scěne n° 343. 257. 240 (épuisé). 8 C'est I'histoire d'un homme, de vous, de luif de moi, et aussi I'histoire d'une femme, de vous, d'elle, ou de toi... Peut-etre de vous deux, de nous deux, de tous. De toi, de vous, d'elle ou de moi... On s'aime... on s'adore... et puis on ne se le dit plus... Alors chacun pense que I'autre I'adore moins, ou ne I'aime plus du tout... C'est a ce moment-la qu'on doute, qu'on ne se mefie pas encore, mais c'est le moment ou chacun veut prouver a I'autre qu'il existe sans Jui... sans elle... Ce n'est pas parce qu'il ne lui dit pas qu'il I'aime, qu'il ne I'aime plus... Pas non plus, parce qu'elle ne lui dit pas qu'elle I'aime encore, quelle ne I'aime plus non plus... Alors on essaie de se mettre a la place de cet homme, de cette femme... On essaie de se substituer a eux, d'inventer, et d'ima-giner ce qu'ils pensent... II la quitte le matin pour aller a son travail, plus tdt qu'elle, qui se leve plus tard, parce qu'elle n'a pas les occupations, ni les preoccupations d'un homme... Mais c'est une femme qui va chez le coiffeur, qui sait choisir un tableau ou une robe, et qui peut s'offrir I'un et I'autre, si elle veut, parce qu'elle travaille aussi... Le soir on se retrouve... on s'aime... mais on ne se le dit tou-jours pas.,. On fait semblant de ne plus s'aimer.., Alors chacun pense que I'autre ne I'aime plus... Et si I'amour est aveugle, par contre il est bavard, et des qu'on ne le laisse plus parler, ou qu'on ne parle plus de lui... chacun a I'impression que I'amour a change d'adresse, de gite, de cou-vert, et surtout de lit... Mais aucun des deux, de I'homme ou de la femme, aucun d'eux ne veut dire quelque chose, personne ne veut faire le premier pas et c'est proprement ce moment-la que choisit I'amour-propre pour s'installer... 9 L'AMOUR-PROPRE acte 1 Un salon. A la cour, premier plan, an canape avec une petite table devant. Vn telephone. 2mt plan cour un meuble. 3ms plan une grande fendtre. Avant la fenetre, une sonnette murale. Premier plan jardin une porte donnant sur le bureau.. Deuxieme plan jardin un bar, plantes, etc. Au fond, parallele ä la rampe, un practicable de 2 ou 3 marches. Sur ce praiicable, la porte d'en-tree, au fond. Cöte jardin une porte donnant sur le reste de l'appartement, ou ä la rigueur une ouverture avec une amorce d'escalier. Mobilier tres confortable, comme l'atmosph&re generale. C'est la fin de la journee. Les lampes sont allu-mees. La scene est vide. Le tiUphone sonne. Bettina entre du plan jardin praticable. Bettina (eile a un fort accent Italien). Pronto? Oui ? De la part de qui? Ah ? E personnal ?... Bene. No Signor Personnal... La maitresse n'est pas la... (La porte d'entree s'ouvre et Elle entre.) Momente)... Je crois que la maitresse arriva... Si... Si... Ne quitte pas... C'est la maitresse qui est lä... Elle. Encore ? Bettina. Perque « encora », maitresse ? Elle. Mais depuis une semaine que vous etes ici, je vous ai dejä dit cent fois que vous n'etes plus en Italien... Bettina. Ah ! si lo so maitresse!... Ella. Et je ne suis pas « maitresse »... Bettina. Ah... oui si... C'est vrai... J'avais oublie encora I... Elle. Ah !... Vous voyez... Ici, je suis « Madame », Bettina. Si signora... si... Je veux dire... Oui Madama... Elle. Voilä c'est ca... Madama... Et ne l'oubliez plus... Bettina. Oh ! non, ma... madama... Est-ce que la madama veut que je passa a comnrunicazionne dans sa camera ?... Elle. Non... Je vais la prendre ici... Qui est-ce? Bettina. C'est un signor Personnal, pour toi, madama... Elle. Et ne me tutoyez plus... Bettina. Ah! oui. Si!... Ca c'est vrai I... Elle. Dis-moi... Dites-moi : « C'est pour vous Madame ». Bettina. Si... Si. E pour vous... Alora... (Designant le telephone.) La prendi qui ?... Elle. Oui, Merci Bettina... Bettina. Va bene... Madama. Elte reste la. (Texte integral) Elle. Eh ! bien,.. Allez! Bettina. Qui ?... lo ?... Elle. Oui! bien sůr!.,. Vous!... Allez ! Bettina. Ma je voulais demander quelque chose ä la mal... a la madama !... Elle. Oui?... Eh! bien, tout ä l'heure!... Bettina. Alors quand le telephono est finite, je peux parier a la madama ?... Elle. C'est ca !... (Bettina s'assied.) Eh! bien, qu'est- ce que vous attendez?... Bettina. J'attends pour savoir quand le telephono fini... Elle. Mais non voyons!... Je vous appellerai! Bettina. Ah! Bon... Alora quand tu auras fini, tu ra'appelles madama?... Elle. C'est ca... Voilä... Je te sonnerai... Bettina. Alora.,. Va bene... Elle sort a regret par oil eile était entrée. Elle (au telephone). Alio?... Qui est ä l'appareil?.., Ah! C'est toi?! Mais oui... Oui je sais... Je sais que je devais t'appeler mais... je n'ai pas trouvé de taxi... et je suis arrivée en retard chez le coiffeur... J'ai du attendre... J'ai voulu t'appeler, mais son telephone était en derangement... Je suis désolée... et je rentre, juste maintenant... Mais oui... II n'est pas encore rentré... Comment?... Tu es súr?,,. (Elle regards sa montre.) Ahl mais oui c'est vrai... Tu as raison... II est méme moins 10 ! Mais ne m'appelle plus ici je t'en prie... Surtout ä cette heure-ci I... D'habitude il est rentré... Heu-reusement qu'il n'est pas lä ! D'ailleurs je ne sais pas pourquoi il n'est pas lä... Mais oni... Je sais que tu m'aimes... Mais maintenant je n'ai pas le temps de te parier... II va sürement arriver d'un instant ä l'autre... Ecoute! Viens demain aprěs-midi ä la maison... Oui!... Oui... Je sais, oui... Moi aussi... Je raecroche... Mais oui... oui... Trois heures et demie !... Oui... Elle raecroche, prend son sac, l'ouvre et en sort un cornet qu'elle feuillette quand... Bettina (entre). Madama! Elle. Dites-moi.,. Monsieur n'a pas telephone?.., Bettina. Non Madama... Elle. Bon ! Merci ! Bettina. Madame !... Elle. Qu'est-ce qu'il y a ?... Bettina. Je voudrais savoir si la madama et le signor dineront ici... Farce qu'il est dejä... (Sur sa montre.) le moins cinq... de huit... Elle (coupant). Eh! bien, je vous le dirai quand le signor... enfin quand monsieur rentrera... Bettina. Ma c'est qué... EllE. Laissez-moi... J'ai á faire... Je vous le dirai tout a l'heure... Bettina. Madama elle sonnera alors ?... Elle. Mais oui... Cest ca... Je sonnerai... Bettina. Bene... Bene... Bene.,. Bene... Elle sort. Elle (au telephone, avec le cornet). Alio c'est le Cercle Haussmann ?... Oui!... Pourriez-vous me dire si Monsieur Bartet est parti depuis longtemps ?... Non je ne quitte pas!,.. Comment?... II n'est pas venu depuis trois semaines ?... Vous étes sur ? Ah! Bon!... Merci!,.. Non.., non... rien ďurgent ! (Elle raceroche, regarde le cornet, refait un numero.) Alio... Le Club Courcelles ?... Je voudrais la sallc de poker... Merci... Alio... Oui ?... Cest Madame Bartet á l'appareil... Oui... Je voudrais par-ler á mon mari... Oui j'attends... Comment ?... II n'est pas venu depuis six semaines ! ?... Ah ! ?... Merci... non non... Elle raceroche au moment ou JI rentre. Lui. Bonsoir ma chérie... EllE. Ah ! c'est toi !... Lui. Eh ! Men, oui... Evidemment c'est moi... Qui veux- tu que ce soit ?... ca ťétonne ?... Elle. Oh ! mais non, pas du tout!... Lui. Tu attendais quelqu'un ďautre ?... Elle. Mais non, voyons... Pas du tout... Je ťattendais toi !... Lui. Et me voilá !... J'arrive ! Elle. Je vois !... Lui. Tu pourrais me dire bonsoir !... Elle. Bonsoir !... Lui. Bonsoir... chéri! Elle. Bonsoir... chéri !... Lur. Ca va ?... Elle. Oh ! Oui... Lur. Ca n'a pas 1'air !... Elle. Ca n'a pas 1'air de quoi ?... Lui. L'air ďaller!... Elle. Mais si, mais si... Ca va trěs bien... Trěs třes bien!... Tu ne m'embrasses pas?... Elle a enchalné toute sa phrase. Lui. Ah! Bon?... En somme, ca va parce que je ne ťembrasse pas!... Si je ťembrassais, ca n'irait plus!... Elle. Tu es béte! Lui. Je sais !... Elle. Mais non... Tu es béte !... Lur. Encore ? Elle. Ce n'est pas ce que je veux dire... Lui. Au fait qu'est-ce que tu veux dire ?... EllE. Eh ! bien, mais rien... rien du tout... Comme je viens de te le dire... Je ťattendais. Lul. Avec impatience... Elle. Mais comme toujours !... Lul. Merci. (II ťembrasse.) Et maintenant que je ťai embrassée, ca va mieux ou plus mal ?... EllE. Beaucoup mieux !... Lui. Ah! bon ! Ca avance ta decoration chez les Car-rington ? Elle. Oui! Oui! ca vient trés bien... Tu sais l'heure qu'il est ?... Lur (innocent, regardant sa montre). Oui! II est huit heures cinq !... Tiens c'est dejä huit heures cinq !... Elle. Je ne te le fais pas dire !... Lui. Ah! Mais si!... pardon... Tu me le fais dire!... Tu me demandes l'heure!... Je te la dis 1 II est huit heures cinq... Elle. Non !... Lui. Comment non ? EllE. Non !... II n'est pas huit heures cinq... il est dejä huit heures cinq!... Nuance!... Lui. Nuance qui veut dire ?... Elle. Que tu rentres tard !... Lui. Oh! ca s'est prolonge... J'avais une bonne main dans la derniere partie!... Elle. Depuis quelque temps, ces « parties » se pro- longent de plus en plus, tu ne trouves pas ?... A moins que tu aies toujours une bonne main !... Lui. Pas specialement, non!... Mais quand on est dans le jeu, on est pris !... Elle. Tres pris!... Si tu avais une bonne main, par centre tu n'as pas tres bonne mine !... Lui. Moi ?... EllE. Oui toi!... Tu ferais mieux de faire de la bicy- clette ! Ca te ferait faire de l'exercice!... Lui. Je prefere le poker... ä cause de l'argent ! Elle. Tu as gagne ?... Lui. Je ne joue pas pour gagner... Tu le sais bien... J'y vais pour m'amuser... enfin pour jouer et pour que le jeu soit interessant, il faut qu'il y ait un enjeu !... et l'argent c'est tout de meme plus interessant que les prunes... A propos de prunes, tu veux diner dehors ?.„ Ellb. Si tu veux ! Lui. Oü ? Elle. Oü tu veux !... Lui. Tu pourrais quand meme avoir une idee!... EllE. C'est que justement... Lui. Oil est-ce que tu as mis le bouquin de Juilliard... oü il y a les restaurants ? Elle (designant te bar). Je crois qu'il est lä... Dis-moi r... Lui (allant chercher le livre). Oui?... Elle. Avant de sortir, j'aimerais bien que tu me dises quelque chose... Lui. Mais oui!... Quoi ?... (Vers te bar.) Tu as soif ?... EllE. Ah!... Oui... Tiens pourquoi pas!... Un petit whisky ga va me donner de 1'energie !... Lui. Tu en as besoin ?... Elle. On a toujours besoin d'energie !... Lui. Alors?... Qu'est-ce que tu veux que je te dise ? Elle. Tu joues toujours au meme endroit?... Lui. Oui... bien sür... Tu le sais... Soit ä Haussmann... Sec ou ä l'eau ?... Elle. Hein?... Ah! oui... ä l'eau! (It sert.) Soit ä Courcelles... Oui je sais... C'est ca... Lui. Mais oui... C'est bien ca Elle. Alors il y a une chose que je ne comprends pas.,. Lui. Ah ! Oui ?... Quoi done ?... EllE. Eh ! bien, aujourd'hui, tu as bien ete jouer ä Haussmann... C'est ca ?... Lui. Ah !... non... non... Justement pas !... Aujourd'hui, en sortant du bureau j'ai decide d'aller ä Courcelles!... Je vais tres peu ä Haussmann!... 10 11 Elle. Et tu vas aussi de moins en moins a Cour-celles !... Lui. Qu'est-ce que ga veut dire ?... Elle. Eh! bien, ga veut dire... enfin... je veux dire qu'on ne t'y a pas vu depuis... six semaines exac- tement! Lui. Depuis six semaines ? Elle. Oui! Lui. Ah!... Bon! Oui... En effet!... C'est possible!... Comme Ie temps passe!... Mais alors ?... Tu m'es-pionnes ? Elle. Oh! Pas du tout, non!... J'ai appris ga tout a fait par hasard !... J'ai essaye de t'appeler... pour savoir justement si tu voulais diner ici ou dehors et on m'a repondu qu'on ne t'avait pas vu depuis des semaines... Pas plus a Courcelles qu'a Hauss-raann d'ailleurs !... Lui. Et alors ?... Elle. Et alors... rien! Mais quand tu rentres et que tu me dis que tu en arrives... ga m'etonne... Mets-toi a ma place ! Lui. Ecoute Jacqueline... J'ai horreur de rendre des comptes... Elle. Oh! mais je ne te demande rien... Non! Je constate simplement que tu mens,.. C'est tout! Lui. Moi ?... Je mens ?... EllE. Oui! Toi tu mens!... Et tu mens sans conviction ! Ca me decoit de ta part!... Lui. Eh ! bien, mais c'est parce que tu ne m'as pas donne le temps de me preparer !... N'est-ce pas, j'arrive... Tu m'attrapes au vol... C'est difficile de se defendre... On se commit tellement tous les deux depuis qu'on est ensemble !,., Elle. Parce que tu comptes les annees ?... Lui. Non ! Ce sont les annees qui comptent! Et alors a force de vivre ensemble, nous sommes devenus un peu pareils!... Tu comprends !... enfin tu vois ce que je veux dire!... On se ressemble !... Elle. Oui... oui.., tres bien... Je vois tres bien!... On est comme ces gens qui ont des tetes de bassets a force de vivre avec leur chien!... Lui. C'est ca ! Voila !.„ Elle. Et de nous deux qui est le basset ?... Lui. Justement je n'en sais rien !... On Test un petit peu tous les deux... C'est pour ca que pour te raentir bien.., enfin sans que tu t'en apercoives, il aurait fallu que j'aie Ie temps de me preparer un peu... enfin que j'aie le temps de prevoir... Mais cette attaque surprise... comme ca, n'est-ce pas... fa m'a surpris ! Je sais que je te degois !... Mais toi-meme de ton cote1... Elle. Je ne te degois pas ? ! Lui. Ah! non. Je n'ai pas dit ca... Disons simplement que tu es toujours aussi ravissante... Voila !„. Elib. Merci! Lui. C'est vrai! Je le pense ! Elle. Oui... enfin tu me le dis!... Tu t'es prepare a me le dire... alors comment savoir maintenant quand tu mens et quand tu ne mens pas ?... Lui. Ah! ca voila!.., Justement c'est le mystere! Elle!. Oui, enfin ne nous egarons pas !... Pour en re-venir a ce que nous disions... Lui. Oui!... Au fait qu'est-ce que nous disions?.., Elle. Eh ! bien, tu me disais que Ie poker t'amusait toujours enormement... bien que tu n'y joues plus du tout! Lui. Ah! Oui... C'est ca!... Je te decevais parce que je mentais mal... et tu me demandais la verity ! Elle. Ah !... mais non pas du tout!... Je ne te demande rien ! rien du tout!... J'ai vu que tu mentais... Je te l'ai dit!... C'est tout!... Tu dois sans doute avoir une bonne raison... Lui. Ah ! ca oui!... Excellente !... Tu veux la connai-tre ? Elle. Pourquoi?... Tu vas me la donner?!... Lui. Si tu veux !... Elle. La vraie raison ?... Lui. Evidemment !... Elle. Ah! bon?... ca y est!... Tu as eu Ie temps de preparer un mensonge sans tete de basset... enfin je veux dire un mensonge que je ne verrai pas ! ?... Lui. Ah !... mais non !... Fas du tout!... La veritable raison vraie! Elle. J'ecoute! Mais je ne te dis pas que je te croi-rai !... Lui. Ob.,,, si! ca je te garantis que tu vas me croire... D'abord parce que c'est vraiment la vraie raison, et puis ensuite parce qu'une raison comme 5a, 5a ne ressemble vraiment pas ä une excuse ! Elle. Ah! Non ?... Lui. Oh ! non !... Elle. Voyons ?... Lui, Tu I'auras voulu, hein ?.,. Elle. Mais oui... mais oui!... Lui. Bon! Eh! bien, voila! J'ai une maitresse!... Elle. Comment ?... Lui. J'ai une maitresse !... Elle. Toi?... Lui. Oui... Moi! (Elte rit.) Tu trouves ca dröle ? Elle (s'arritant). Ah! non! Pas du tout! Lui. Alors pourquoi ris-tu ? Elle. Eh ! bien, mais... je ne sais pas !... C'est ner- veux... La surprise, sans doute!... Lui. Ah! Parce que ca t'etonne ?.., Elle. Que tu aies une maitresse?... Ah! ca oui!.., enfin... non... enfin ce sont des choses qui arri- vent... enfin qui arrivent aux hommes... enfin de preference!... Alors? Lui. Alors quoi ?... Elle. Eh ! bien, continue !... Lui. C'est tout ce que tu trouves ä me dire?... Continue ! Elle. Eh ! bien oui!... Qu'est-ce que tu veux que je te dise ? Si tu m'annonces 9a comme ca, c'est que tu vas me dire autre chose!... Alors je te dis « Continue! »... Non, je ne te dis pas : a Continue ä avoir une maitresse «... Non, attention. Hein?... Parce que si tu m'avais demande mon avis avant, je t'aurais certainement deconseille' d'en prendre une... Je ne t'aurais pas Iaisse" t'embarquer dans une histoire idiote... Enfin je pense... J'espere qu'elle est idiote!... Seulement voilä... Tu t'es me-fie !... Tu as fait tout ca sans rien me dire... Alors c'est le fait accompli... Elle est jolie ? Lui. Oui je trouve... Elle. Ah! Bon! Je suis bien contente... Lui. Hein ?... Elle. Oui enfin.,. je veux dire... Heureusement ! Lui. Pourquoi « heureusement » ?... Elle. Parce que je ne suis jamais arrivee ä compren-dre ces hommes qui ont chez eux des femmes ra- vissantes... (elle rit) comme toi... enfin comme moi... enfin c'est ce que tu viens de me dire... et qui choisissent toujours des maitresses horribles.,. C'est sans doute un besoin de contraste !... Chez ces hommes-la !... Mais si la tienne est jolie... c'est l'essentiel !... Lui. C'est tout ce que ga te fait ?... Elle. Tout, tout?... Je ne sais pas!... Peut-etre pas tout non !... C'est encore tres nouveau pour moi. N'est-ce pas ? Enfin je ne m'y attendais pas du tout... Alors, il faut que je me fasse ä cette idee... enfin que je m'y habitue... Lui. Parce que tu veux t'y habituer ?... EllE. Mais comment faire autrement ?... Je suis bier obligee de m'y habituer ?... Si tu a pris une mal tresse et que tu me le dis... Je pense que tu n'as pas l'intention de rompre... Lui. Alors tu ne vas pas me crier « rompez » ! comme au regiment! Elle. Done je n'ai pas le choix!... II faut que je m'y habitue !... Alors autant commencer tout de suite!... Lui. Oui... bon... peut-etre!... Mais est-ce que tu sais pourquoi j'ai pris une maitresse? Elle. Ah... non... ga non!... Ca pas du tout!::. Ca je ne sais pas du tout!... Comment veux-tu que je le sache ?... Je n'en ai pas la moindre idee!... Mais alors ca !... pas la moindre !,., Est-ce que c'est par... enfin... par... necessite... enfin une necessite1... Lui. Disons physiologique !... Elle. Oui... Voila... C'est le mot que je cherchais !... Physiologique !... Quel dröle de mot pour « ca »!... Fhysiologique !... Ca ne ressemble ä rien... C'est rebarbatif !... C'est affreux !... Lut. Oui, enfin bref... Ce n'est pas ca alors... Elle. Ah !... mais si... C'est sürement ca... Une necessite « physiologique » de cinq ä sept... meme de cinq ä huit! II est vrai que c'est samedi... Lui. Ecoute Jacqueline, j'aime beaucoup ta facon de plaisanter, mais lä, elie n'est pas d'un goüt... Elle. Je te choque?... Vraiment?... Ce n'est pas possible ? ! Lui. Quoi... Elle. Ah ! Bon !... Parce que toi tu ne trouves pas choquant... Bettina (entrant). Maitresse!... Madama! Oh! Bona sera Signore... Lui. Bona sera!... Qu'est-ce que vous vOulez?... Bettina. Signore... Madame... C'est pour savoir pour la cucina... Elle. Oui!... Eh! bien, tout ä l'heure I... Bettina. Ma... Justamente... Elle fait un vague geste vers sa montre. Lui. Eh ! bien, revenez... tout ä l'heure... Bettina. Tout ä l'heure.,. oui... alora si tu veux... Oui signore... Elte sort. Elle. Qu'est-ce que je disais ?... Ah! oui!... Parce que toi, tu ne trouves pas choquant de m'annoncer : « Voilä... j'ai une maitresse!... un point c'est tout!.., » Lui. Ah !... Mais non,., justement... Je ne t'ai pas dit : « Un point c'est tout! »... Seulement tu ne me Iaisse pas placer un mot... Tu paries... tu paries... Elle. Je parle... je parle... Tu es dröle... oui enfin c'est une facon de parier !... Je parle parce que ca m'aide... Ca m'aide... Comment dirais-je!... Ca m'aide ä trouver une contenance !... A propos ?... Est-ce qu'il y a beaucoup de monde au courant ?... Lui. Au courant ?... Elle. Oui!... Au courant de cette histoire... idiote!.., Parce que plutöt que d'etre Ia derniere ä l'appren-dre... je prefererais etre la troisieme... Lui. La troisieme?... Elle. Oui!... Apres elle, et apres toi... qui etes force-ment au courant... n'est-ce pas?... Eh! bien, il y a moi! Toi, un! eile, deux!... et moi... trois !... On ne peut vraiment pas faire ä moins !... Alors voilä... Je voudrais savoir si je suis Ia troisieme!... Lui. Ca, tu peux etre contente !... EllE. Ah!... Tu trouves?... Lui. Oui... enfin je veux dire!... Tu es la troisieme! Elle. Merci!... (Brusquement.) Ah! Mais ca y est!.. Je sais ! Lui. Tu sais quoi ?... Elle. Je sais pourquoi tu as mauvaise mine!... Lui. Ah !... Mais non !... Elle. Comment : « Mais non »! Mais si!... Lui. Laisse-moi parier... Elle (a son idee). Pourtant avant de nous endormir ensemble.,. Lui. Oui... Eh ! bien ?... Elle. Eh ! bien, nous ne « dormons » pas tout de suite, n'est-ce pas ?... Lui. Je ne vois pas le rapport !... Elle. Alors c'est ca !... Mais oui!... C'est bien ca!... 9a ne te suffisait pas !... (Brusquement.) Tu es sür que tu n'es pas en train de te rendre malade ?... Lui. Quoi?... Mais non. Ecoute! Je t'ai dit : « J'ai une maitresse Et je ne t'ai pas dit... Elle (coupant). Enfin, si eile est jolie! Lui. Oui... oui... bien sür... Mais tant qu'ä avoir une maitresse, autant qu'elle soit jolie!... Ca ne coüte pas plus eher !... Elle. Ah ! Bon ! Parce que tu la paies ?... Lui. Mais oui!... Mais non!... Enfin c'est une facon de parier... Je veux dire jolie ou l&ide... Quand on prend une maitresse., autant qu'elle soit jolie!... C'est le meme prix !... Elle. C'est bien 9a ! Tu la paies !... Lui. Mais non!... Mais je n'aime pas les laides... C'est tout! Et si tu me laisses placer un mot, je vais te dire pourquoi j'ai une maitresse!... Elle. Oh! non... non... C'est tout ä fait inutile!... Je le sais !... Lui. Vraiment ?... Elle. Mais oui!... Tu as besoin de changement !... C'est tellement courant, ce besoin de changemeul, que c'est devenu tout ä fait normal... Enfin ca sont les hommes maries qui Ie disent... naturelle-ment !... Lui. Pourtant ce n'est pas ca!... Elle. Pas ga ? Alors je sais !... Tu ne m'aimes plus !. Lui. Mais si!... Seulement... Elle. Enfin, je veux dire... Tu ne m'aimes plus * phy siologiquement »!... Pourtant... Je fais ce que je peux !... Lui. Oh! Mais j'apprecie!... Mais ce n'est toujour* pas ga! Elle. Fas ga ? Mais alors... Lui. Mais non... Ecoute! Laisse-moi parier! J'ai pris una maitresse par amour-propre!... Elle. Quoi?... Comment?... Qu'est-ce que tu dis... Par amour-propre ?... Quelle dróle ďidée... fa pour line dröle ďidée... Et d'abord qu'est-ce que ca veut dire ?... Lui. Ouoi ? EllE. L'amour-propre ?... Qu'est-ce que c'est que ca ?... Lui. Eh ! bien, c'est... c'est... un sentiment... Elle. Un sentiment?... Mais si tu as un sentiment alors tu ne m'aimes plus ? Lui. Non!... C'est un sentiment qu'on a... Elle. Qu'on a pour qui?... Lui. Eh ! bien, mais qu'on a... qu'on a pour soi-mé-me !... Elle. Ah ! Pour soi-méme ? En somme tu ťaímes ! Lui. Je ne comprends pas !... Elle. Mais si!... Puisque tu me dis que l'amour-propre c'est un sentiment qu'on a pour soi-méme, c'est done que tu t'aimes... tu ťaimes égoístement!... Lui. C'est un sentiment pour soi-méme, vis-ä-vis des autres personnes, tu comprends ?... Elle. Mal !... Lui. Eh ] bien, si tu veux... Je ne m'aime pas assez pour tenir ä mon amour-propre personnel... Sim-plement, je tiens ä ce qu'exterieurement, e'est-a-dire pour Ies gens, mon amour-propre apparaisse intact... C'est tout... L'amour-propre, c'est c,a!... Ce n'est pas un sentiment d'amour !... Elle. Comme tu as une maitresse, moi je croyais... Lui. C'est un sentiment qu'on a de sa dignité... Elle. De ta dignité?... Lui. Oui... enfin la dignité de sa personne personnel- le... enfin quand on n'aime pas ětre ridicule... enfin quand on ne veut pas avoir l'air d'un con.., si tu préfěres !... Elle. Mais je ne préfěre pas... non!... Simplement... je ne vois pas du tout pourquoi tu as l'air d'un.. enfin de ca !... Lui. Moi je le vois !... Elle. Alors je suis complětement perdue !... Lui. Ah ! Oui ? Elle. Enfin voyons... Tu me fais jouer aux devinettes pour trouver la raison pour laquelle tu as une maitresse!... Lä-dessus tu m'annonces que c'est par amour-propre... parce que tu as l'air de... enfin de ce que tu dis !... Je suis perdue... Je vois pas du tout ce que l'amour-propre vient faire lä-dedans... Mais alors ca!... Pas du tout!... Lui. Eh ! bien mais c'est trěs simple... Elle. Pour toi, peut-étre, mais pour moi... Lui. J'ai pris une maitresse par amour-propre... Elle. Oui... ca d'aecord... Je le sais... Mais je ne comprends toujours pas !... Lui. Par amour-propre, parce que tu as un amant !... Elle. Quo i ? Lui. Oui!... Elle. Mais tu es fou ?... Lui. Moi? Non... Pas du tout!... Remarque bien que je ne te demande pas pourquoi tu me trompes... non... Ca, on en parlera plus tard !... Pour le moment, il ne s'agit que d'amour-propre et... Elle. Mais qu'est-ce que c'est que cette idée ?.. Voyons ?... C'est grostesque... Inoui... Et pourquoi est-ce que j'aurais un amant?... 14 Lui. Ah! ca, tu dois le savoir mieux que moi!... Seu-lement ne me dis pas que tu as un amant pare* que moi, j'ai une maitresse!... Non!... Ca c'est mon argument ä moi!... Toi, ton amant tu l'avais avant! Elle. Enfin, voyons... C'est ridicule!... Lui. Ah ! Oui ! VoiJa!... C'est ca !... Nous y sommes !... Je suis absolument d'aecord. C'est ridicule Et c'est surtout ridicule pour moi !... Elle. Pour toi ?... Lui. Oui pour moi!... Ca va peut-etre te paraitre idiot, mais je suis susceptible!... J'ai de l'amour-propre... et mon amour-propre, ne supporte pas que je sois ridicule !... Ce n'est pas que j'aie peur den mourir!... Non... Depuis longtemps le ridicule ne tue plus personne... sauf peut-etre quelques chefs de gare de grande banlieue! Mais enfin... moi il me gene... il m'ennuie !... Elle. Mais... je t'assure que tu n'es pas ridicule ! Lui. Mais si!... Ton amant me rend ridicule !... Elle. C'est cette scene qui est ridicule... ca oui !... Lui. Mais je ne te fais pas de scene !... Elle. II ne manquerait plus que ca!... Enfin c'est in-sense!... Tu ne vas tout de meme pas m'aecuser... Lui. Mais je ne t'aecuse pas... Je t'explique... Je constate que tu as un amant... C'est tout !... Quand tu m'as demande pourquoi je n'allais plus jouer au poker, je t'ai dit la verite !... Elle. Parce que tu n'as pas pu faire autrement !... Lui. C'est vraü... Mais de toutes facons... Je te l'au-rais dit!... Seulement, pas aujourd'hui... Sürement pas... N'est-ce pas... Je ne savais pas comment m'y prendre... tu m'as donne l'occasion de parier plus tot que je ne pensais... Tant mieux... Merci!... Et toi, gräce ä moi, tu n'as plus rien ä avouer... C'est beaueoup plus facile !... Elle. En somme, tu voudrais que je te remercie ? !... Lui. Sans aller jusque-lä... Elle. Et puis d'abord... Je ne vois pas pourquoi j'avouerais quelque chose ! Lui. Parce que tu es tres intelligente, et qu'ü n'y a que les imbeciles qui nient l'evidence !... Elle. Mais quelle evidence?... Lui. Que je suis ridicule !... Elle. Ca, c'est une idee fixe!... Lui. Parce que tu as un amant!... Elle. Tu es fou!... Lui. Bon!... Tu n'as pas d'amant?... Elle. Mais bien sür que non!... Lui. Bon Alors, veux-tu me dire qui est le bipede qui vient ici plusieurs fois par semaine, quand la bonne est sortie, qui range sa voiture du cöte de l'entree de service, qui reste seul avec toi deux ou trois heures, et qui s'arrange toujours pour partir un bon quart d'heure avant que je ren-tre ?... Alors ? Qui est-ce ?... Elle. Eh ! bien... Lui. Eh ! bien ?... Elle. Eh ! bien... oui... en effet... II y a un garcon. . enfin un homme qui vient ici !.. Lui. Ah ! enfin !... Elle. Ah!... Et puis oui! Lä... Puisque tu y tiens!... Lui. Oh! Mais je n'y tenais pas du tout!... Elle. Apres tout! Oui... C'est bon... Oui! J'ai un amant!... Lä!... Je ne vajs pas nier puisque tu le sais!... Lui. Je m'en serais tres bien passe!... Alors?... Elle. Alors?,., Alors rien!... Voila ! C'est tout!... Lui. Ou est-ce que tu l'as connu ?... EllE. Ou je l'ai ?... Eh! bien mais... Chez Nicole!... Lui. Ah !... Parce qu'elle organise ce genre de rencontres ? Elle. Enfin tu sais que je vais la voir de temps en temps pour lui tenir compagnie, dans son maga-sin... Lui. Ah • oui... Et alors ?... Elle. Alors... II est venu... deux fois de suite... quand j'y etais... Lui. C'est un ami de Nicole ?... Elle. Pas du tout, non! Un client qu'elle connait... II venait lui acheter du parfum... Lui. Ah ! parce qu'il se parfume ? Elle. C'etait pour offrir... • Lui. Ah! bon je prefere... Pour offrir a qui?... Elle. A des femmes... du parfum... je suppose!... Lui. Ah ! done tu ne serais pas sa seule femme ?! Elle. Mais je n'en sais rien... Je ne le lui ai pas demande... Lui. Eh ! bien, tu n'es pas curieuse... Alors « ton amie » Nicole vous a presentes l'un a l'autre ?... EllE. C'est 9a... oui,.. comme ca... Lur. Comme ca!... C'est 5a!... Et vous avez parle de quoi, alors ?... Elle. De quoi ?... De quoi ?... Je ne sais pas... Je ne sais plus... De la pluie et du beau temps... Enfin de choses qu'on se dit quand on ne se connait pas !... Lui. Et qu'on veut faire connaissance c'est ca!... Les plus vieux trues sont toujours les meilleurs !... Et comment est-ce qu'il a commence a venir ici?... Elle. Comment ?... Eh ! bien voyons !... Ah ! oui... Oh ! tout betement!... Lui. Oui!... Tout betement !... Elle. La seconde fois que je l'ai vu chez Nicole, il pleuvait a verse ce jour-la!... Lui. Oui... ca vous a fait un sujet de conversation tout trouve ! Elle. Et il n'y avait pas de taxi... Nicole avail telephone a toutes les compagnies !... Lui. Ah !... Elle avait fait cet effort? Elle. Oui!... Alors... il etait la... II m'a propose de me ramener.,, Lui. Et tu as accepte bien entendu ?... Elle. II pleuvait beaucoup !... Lui. Je n'en doute pas !... Pour que tu acceptes de te laisser raccompagner, ca devait etre le deluge !... Et apres ?... I Elle. Apres ?... Lui. Oui! Apres!... Ensuite ? Oil est-ce que tu l'as revu ? EllE. Chez Nicole... Lui. Encore ?... En somme, chaque fois que tu y al- lais, il te suivait et il arrivait dare-dare !... Elle. Enfin e'est-a-dire... Lui. Et ton amie Nicole?... Qu'est-ce qu'elle disait da tout ca ?... Elle. Eh! bien, mais rien!... Qu'est-ce que tu voulais qu'elle dise ?... Lui. Oui!... C'est ca !... Aveugle et sourde... bien entendu !... Elle. Elle le trouve tres sympathique ! Lui. Eh ! bien voyons!... Un client qui lui devalise sa boutique comme ca... en emportant meme les clientes !... Et ensuite ? Elle. Ensuite? Eh! bien, il m'a raccompagnee ici, encore une autre fois !... Lui. Oui... oui... Je vois! II pleuvait toujours beau-coup !... Decidement on a raison de dire que la Cöte d'Azur est un pays beni !... Elle. Non, non... Cette fois-lä, il ne pleuvait pas... Lui. Meme pas ? Elle. Mais comme je le connaissais... j'ai accepts... et je... je lui ai offert du th6\... Lui. Du the?... Eh! bien, tout ga est epatantl... Et en dehors de te raccompagner quand il pleut ou quand il ne pleut pas, il passe le reste de son temps ä aller faire laver sa voiture avant de revenir faire le piquet devant chez Nicole en attendant que tu arrives?... C'est ca?... Elle. Ah ! non... Tu peux etre fier... II travaille ! A Saclay! Lui. Ah! ? A Saclay! C'est ca !... Encore un de ceux qui vont nous foutre la bombe!... Elle. Mais il a beaucoup de gout... Lui (la designant), Mais je n'en doute pas !... Tu en es la preuve vivante... Elle. Et chez lui... C'est ravissant... Lui. Chez lui ?... Ah! Mais c'est de mieux en mieux !... Parce que tu as ete chez lui, aussi?!... Elle. Oui... une fois... rue de Grenelle... Lui. Une fois ? !... C'est bien süffisant !... Elle. II a de tres jolis tableaux... Lui. Je n'en doute pas!... Ce ne sont pas des tableaux japonais... par hasard ?... Elle. Non!... Lui. Tout de meme pas!... EllE. Un petit Dufy bleu et rose... Lui. Oui!... Bon, bref!... Et pourquoi y as-tu et6?... Elle. II voulait me rendre ma tasse de the !.. Lui. Parce que vous n'auriez pas pu aller au premier ötage de la Tour Eiffel, ou au buffet de la Gare de Lyon, comme tout le monde, non?... II a fallu aller chez lui !... Elle. Tu vois que tu me fais une scene U. Lui. Mais non... Mais non... Je t'ecoute !... Et ensuite ? Elle. Ensuite ? Mais qu'est-ce que tu veux que je te dise?... II est revenu ici... Lui. Ah! Oui c'est ca!... Plus la peine d'aller chez Nicole... Directement ici!... Pourquoi faire un detour !... Elle. Mais je n'etais pas Tä.j. Lui. Ah!, non, pourquoi?... Elle, Eh bien, j'avais eHe retardee... Et je Tai trouve" devant la porte quand je suis arrivee !... Lui. Le pauvre !... Devant la porte !... A ta place, j'aurais honte Elle. II avait achete un gäteau !... Lui. Un gäteau ?... Elle. Oui.,. Pour boire avec le the... enfin pour le manger en buvant le th6 !... Lui. Ah ! Tu l'avais reinvite ?... Elle. Enfin... Je voulais lui rendre sa tasse de th6. tu comprends ? 15 Lui. Oui!... Oh! oui... Oh! tres bien.., Je comprends tres bien L Je comprends tres bien!... Je t'invite... Tu m'invites... Tu me rends ma tasse de the, je te rends ta tasse de the!... £a n'a plus aucune raison de finir... Quoi!... Ellb (riant). Oui !... Crois-tu que c'est bete, hein ? Tout ce the !... Lui. Ah ! ga... Idiot!... II n'y a vraiment pas de quoi rire !... Et alors ?... Elle. Alors?... Ou en etais-je?... Lui. Au gateau !... EllE. Ah ! oui... Eh ! bien, nous n'avons pas pu le manger... parce qu'il etait deja tard... Lui. Et que j'allais rentrer ? ! Elle. Oui... C'est ga !... Enfin je veux dire... II est revenu le lendemain, avec un autre gateau... Tu vois ?,.. Lui. Oui... oui... Je vois... Ce n'est pas le genre qui revient avec un gateau de la veille!,.. Et puis?... Elle. Et puis... II est revenu de plus en plus sou-vent !... Lui. Oui!... En somme, il ne fichait plus rien... a Saclay, quoi!... Uniquement la navette entre chez Nicole et ici! qu'il pleuve ou pas!... Ensuite?... Elle. Ensuite ?.,, Eh! bien... N'est-ce pas... finale-ment... enfin, enfin... enfin... Lui. Enfin quoi ? Elle. Enfin ! Tu comprends... Lui. Non ! Et tu 1'aimes ? Elle. Oh ! ca alors !... Je ne crois pas !... Je ne pense pas !... enfin je ne sais pas !... Je ne sais surtout pas pourquoi je te raconte tout ca! Et d'abord comment l'as-tu appris ? Lui. Oh ! tu sais!... Paris est bourre de colporteurs de bonnes nouveiles ! Elle. Ah oui!... Bon! Eh! bien, tu as une maitresse, j'ai un amant! Nous sommes quittes!... Lui. Ah!... Mais non! Justement pas! Parce que si ces colporteurs savent que tu as un amant, par contre, ils ignorent que j'ai une maitresse !... Et mon amour-propre ne me laissera vraiment tran-quille que le jour oil tout le monde en saura autant sur moi que sur toi! Et c'est pour ca qu'il ne me reste plus qu'une seule chose a faire.. EllE. Laquelle ? Lui. Amener aussi ma maitresse ici !... Elle. Qu'est-ce que tu dis ? Enfin tu ne vas tout de meme pas... Lui. Mais... Pour que tout le monde sache qu'elle existe, il faut que tout le monde la voie, comme tout le monde a vu... EllE. Mais ce n'est pas pareil... Lui, il est venu ici par hasard... presque naturellement... enfin insen-siblement... petit a petit... Lui. Le resultat est le meme !... Elle. Ah ! mais non... pas du tout!... Toi, tu veux la faire venir expres !... Ta raison est premeditee, vulgaire Lui. Absolument pas !... Pour commencer, elle ne vien-dra que comme si elle etait une de tes amies !... Personne ne saura que c'est moi qui l'amene... enfin personne ne pourra le supposer, puisque toi, tu seras la!... Enfin au debut... Oui! et puis alors, au bout de quelque temps tu sortiras juste avant que ton amie arrive, et on la verra repar-tir juste avant que tu rentres... Alors tout le monde en deduira automatiquement que ton amie est devenue ma maitresse... Et c'est exactement ce que je veux!... Les gens ne peuvent jamais voir une brune dans la voiture d'un homme marie ä une blonde sans sortir cette brune de la voiture pour la mettre immediatement dans le lit de cet homme, meme si cette brune est veterinaire et vient pour le chien... Tu me diras que nous n'avons pas de cliiens mais enfin... Les gens n'ont pas toujours tort puisqu'il y a sürement des homines qui trompent leurs femmes avec des vete-rinaires brunes ou... blondes! Enfin l'essentiel c'est de donner des certitudes aux gens, et tout le monde sera enchante, puisque que tout le monde saura que je sais pour toi, et que toi, tu sais pour moi!... Done plus de situation fausse, plus d'amour-propre,.. plus rien!... Elle. Mais c'est un jeu affreux!... Lui. Ce n'est pas un jeu... C'est une neCessite... d'amour-propre... II faut que tu fasses sa connais-sance !... Elle. Mais enfin tu ne dois pas bien te rendre comp- te de ce que tu me demandes !... Lui. C'est une fille charmante!... Elle. Je t'en prie!... Lui. Enfin, voyons ! Reflechis !... Si e'etait reellement une amie ä toi, et qu'elle vienne ici, quand tu n'es pas lä... sans que tu saches rien!... Elle. Ce serait plus normal... enfin plus normal pour ce genre de choses !.,. Lui. Oui... peut-etre... Mais lä nous sommes dans l'anormal... et dans notre cas, toi tu sais, et c'est un enorme avantage!... Elle. Un avantage?... Alors que tu m'as tout raconte pour me faire avouer une chose dont tu n'etais pas sür ?... Mais enfin, tu ne penses tout de meme pas serieusement que je vais te laisser amener cette fille ici ?... Et par amour-propre, encore ?... Farce qu'il n'y a que ton amour-propre ! LUI. Mais toi, tu n'as meme pas cette raison et pour-tant... Elle. Mais moi... moi je suis une femme... et les femmes n'ont pas besoin d'avoir des raisons !... Tout le monde sait ga ! A quoi est-ce que ca servirait d'etre une femme, si en plus de ga il fallait avoir des raisons ? !... Et pourquoi pas des excuses pendant que tu y es?... Moi, je suis une victime!... Lui. Une victime ?... Elle. Parfaitement! Une victime!... Des que tu as appris... enfin cette chose... Tu aurais du m'en parier... t'occuper de moi... Lui. Oui... en somme, si tu as un amant, c'est ma faute ? !... Elle. Parfaitement!... Quand tu as entendu parier de ga, tu aurais dü m'emmener en voyage... Lui. D'abord, quand j'en ai entendu parier e'etak trap tard !... Et quant ä t'emmener en voyage.,. Je travaille !... Elle. Oui... Enfin avec ta situation, tu peux tres bien t'en aller quinze jours !.„ Eh! bien!.., non !..-Au lieu de ga toi tu as pris une maitresse... sans rien me dire!,.. Toujours des cachotteries !... Et maintenant que tu m'en paries, tu veux me Tim-poser !... Lui. Non ! Je veux simplement que tu la connaisses ! EllE. Mais oui!... C'est ga !... A grand renfort de tasses de the... Lui. Le the ne t'a pas mal servi!... (Bettina est entree. Lui, enchalnant.) Qu'est-ce que vous voulez encore ?... Bettina. Je voudrais vraiment demander au signore.,, enfin ä la maitresse... Elle. Je vous ai dit que je vous appellerai !... Bettina. Ma c'est que... Lui. Vous étes Italienne, n'est-ce pas ? Bettina. Si... si... Signore, Italiana... Lui. Et vous comprenez le frangais ? Bettina. Si... si... Oui... Sign... Oui, Monsieur!... Lui. Alors comment est-ce qu'on dit ; « Plus tard » en italien ? Bettina. Plus tard? (Ravie.) Piu tardi, signore!... Lui. Si, si !... enfin je veux dire... oui... oui... Voila. C'est ga !... Piu tardi ! Alors revenez ä ce moment-lä... Compriscolo ? Bettina. Oui... Signore Capito !... Elle sort. Elle. Cette fille sait que tu es marié ? Lui. La bonne? Oh! Oui je suppose!... Elle. Ne sois pas stupide !... Lui. Oui elle le sait !... Elle. Et tu as l'intention de lui dire que je suis « quoi », moi, si tu la fais venir ici ? !... Lui. Eh! bien mais... que tu es ma femme!... EllE. Parce que tu vas lui dire que je suis ta femme ?... Lui. Oui!.,. Evidemment.,, Pourquoi ? Tu n'es pas ma femme ? Elle. Je me demande vraiment sur qui tu es tombé pour qu'elle accepte de me rencontrer!... Je te présente ma maitresse... Je vous présente ma femme !... Lui. Ah! mais non !... Fas du tout!... Attention!... Elle, elle ne saura pas que tu sais ce qu'elle est pour moi!... Sinon elle ne viendrait pas, bien sůr! Elle. Ah! C'est ga!... Elle sait que je suis ta femme, et moi je ne suis pas censée savoir qu'elle est ta maitresse ?... Lui. Voilä! Elle. Mais j'aurais l'air de quoi, moi alors ? D'une femme trompée, idiote!?..,. Lui. Ah ! ga oui... Tout le probléme est lä !... Elle. Eh! bien non, justement... II n'y est pas!... Parce que je refuse !... Lui. Ah ! Bon ! Ton amour-propre est aussi chatouil-leux que le mien, je vois !... Elle. Enfin mets-toi ä ma place!... Lui. J'y ai été!... Et j'y suis encore... Je sais!... C'est trěs désagréable !... Elle. Oui! Eh ! bien, moi, je refuse ! Lui. Enfin tu ne veux tout de měme pas que je l'amene ici dans ton dos ?... II vaut beaucoup mieux qu'elle soit censée étre une de tes amies !... Elle. Pour que je vous donne ma benediction... C'est ca !... Mais j'y pense ! Tu ne peux pas lui dire que je veux la connaitre, puisque je ne suis pas censée savoir qu'elle existe!... Lui. Ah!... Oui... tiens !... En effet l.:: Ca c'est vrai!... Elle. Et elle ?... Pourquoi voudrait-elle me rencontrer ? Non!... Tu vois bien que c'est impossible... Méme en admettant que j'accepte. Je dis « en admettant », eh! bien tu ne pourras jamais la decider ä venir !... Lui. Eh ! oui!... Voilä !,.. C'est justement ce que je cherche, sans en trouver le moyen... et c'est d'ail-leurs pour ga aussi que je ne t'avais encore rien dit!... Mais maintenant, je compte sur toi!... Elle. Sur moi?... Pourquoi?... Lui. Pour trouver le pretexte pour la faire venir ici, et que tu la connaisses... Elle. Tu es fou!... Lui, Mais non !... C'est une idee de femme qu'il me faut !... Elle. Oui ?.., Eh ! bien, moi, je refuse !„, Lui. Mais je ne te demande pas grand chose... Juste un petit effort d'imagination... juste une petite phrase que je pourrais lui dire pour la convaincre de venir... C'est tout!.... Elle. Non... non!... Je refuse!... Je refuse!.: Cette rencontre!... C'est indecent!... II n'y a qu'ä divorcer puisque tu le prends comme ga !... Lui. Si tu y tiens, nous divorcerons... Mais apres !... Seulement apres qu'elle soit venue ici plusieurs fois... Elle. Mais si nous divorgons avant qu'elle vienne, tous les torts sont pour moi! Lui. Mais je ne veux pas que tu ales tous les torts !... Je ne veux pas que nous divorcions parce que tu me trompes... Justement pas !.,. A la rjgueur parce que nous nous trompons !... Ellb. Ton amour-propre !... Lui. Evidemment!... Elle. Oui!... Eh! bien je ne vois pas, c'est impossible... tout ä fait impossible !.., Lui. Oh ! Evidemment! Si tu ne veux pas m'aider !.. Elle. Mais enfin voyons i.,. Ca saute aux yeux!... C'est impossible!... Impossible!., A moms que... Lui. Que quoi ?.„ Elle, Oui... II y aurait peut-etre un moyen... Lui (ravi). J'etais sür que tu trouverais !... Alors ? Elle. Alors ! Oui... il y a un moyen... Seulement... il faudrait que tu lui mentes !... Lui. Eh ! bien, mais c'est parfai't!... Elle. Ah! Bon? Tu serais d'accord?... Lui. De lui mentir ?,.. Mais oui! Pourquoi pas Nous, nous disons la verite, ce n'est dejä pas mal !-. S'il fallait la dire a tout le monde !... Elle. Oü irait-on ?.... Lui. N'est-ce pas ?... Elle. Alors c'est tres simple!... Tu vas lui dire que je suis absente Lui. Pourquoi ? Tu pars ? Elle. Mais non! Justement pas!... Lui. Ah! oui ? Bon! Tres bien! Elle viendra... Eixe. Et moi je rentrerai de voyage a ce moment-lä !... Lui. Par hasard, en somme!... Elle. En somme, oui, puisque je ne serai pas partie!... Lui. Bon... Tu pars tout de suite... enfin soi'-disant. Et je lui dis de venir ici demain... £a te va? Elle. Oui... oui,,. Ca, ga a l'air d'aller !... Mais est-ce que je saurai paraitre suffisamment etonnee et innocente ?.„ Lui. C'est ton idee... Elle. Oui... Mais enfin... Quand je la verrai, devant moi, debout... Lui. Tu la feras asseoir... Elle. Mais qu'est-ce qu'elle va me dire ?... Et qu'est-ce que je vais lui repondre ?... II y a des risques... Un mot de trop ou de travers... Si elle te regarde... Lui. De travers ? Elle. Non, trop ! Enfin je ne sais pas moi... Tout peut faire explosion! 17 Lui. Mais non.„ Elle. Mais si!... Peut-etre que je ne pourrai pas supporter d'etre ridicule a se& yeux... devant elle... Lui. Mais moi, je serai la... Je ferai la liaison... Enfin c'est une facon de parler... Elle. Et si tu lui disais de venir... Mais d& venir main ten ant ? Lui. Maintenant ? Pourquoi ? Elle. Parce que si elle vient maintenant, elle va, etre beaucoup plus embetee que moi... Lui. Demain ce sera pareil... Elle. Non... Justement!... Dans la journee, elle peut faire semblant de s'etre trompee... Lui. La nuit aussi... Elle. Non!... Pas quand on vient chez un homme seal, le soir!.., Parce que c'est toi qui ouvriras la porte, et des qu'elle te verra... elle te dira : « Bonsoir », et des qu'elle t'aura dit : « Bon-soir », elle ne pourra plus dire qu'elle s'est trompee d'adresse... Le piege sera ferme!... Et alors moi, je serai la... avant que tu aies le temps de lui dire que j 'ai brusquement renonce a mon voyage... bi'en entendu!... Ce que normalement tu devrais lui dire pour ne pas avoir l'air de lui avoir menti !... Elle sera tres embetee de me voir... forcement!... Et ca compensera ma position d'idio-te !... Lui. Mais si elle vient maintenant ca ne sert a rien... Personne ne la verra entrer!.,. Personne ne passe dans le quartier!... Elle. Ca ne fait rien!... C'est juste pour prendre un premier contact... enfin pour la faire venir... Et demain on s'organisera de fagon a ce que je sois bien ridicule, puisque c'est ce que tu veux!... Lui. Ce n'est pas ce que je veux!... Non ! Simplement trompe tout seul, c'est ridicule, quand on est deux a l'etre, ca s'annule!... Elle. Alors vas-y!... Lui. Ou ca ? Elle. Appelle-la !... Lui. Maintenant?!... Elle. Evidemment!... Et comme tu etais encore avec elle a huit heures moins le quart... Lui. Oh ! elle va se mefier !... Elle. Non! Au contraire!... Elle va se dire que tu tiens vraiment beaucoup a elle !... Et ca comme c'est tres flatteur, elle ne va pas marcher, elle va courir !... Allons! Allons!... Fais-la venir!... Lui. Tu en paries avec une desmvolture, maintenant !... Elle. Mais non... Pas du tout!... Seulement j'essaie de m'installer confortablement dans une situation in-confortable... Enfin j'accepte de la voir... mais a la condition que ce soit tout de suite!... Je ne peux vraiment pas faire plus!... Lui (vers le telephone). Ca ne va peut-etre pas t6-pondre !... Elle. Ah ! ca oui!... peut-etre pas ! Lui. Et comme d'habitude elle a ses soirees libres !... Elle. Oui, puisque tu es avec moi!... Lui. Elle sera probablement sortie !... Elle. Pourquoi ? Elle a un amant ? Enfin un autre ?... Oh! pardon!... (Designant le telephone.) Essaie toujours... On verra bien!... Lui. La ?... devant toi ?... Elle. Oui! Pourquoi?... Ca te gene?... Lui (gene). Ca me gene!... ca me gene? Non! C'est pour toi "... Elle. Oh! Ne t'inquiete pas pour moi'!... Au point oil nous en sommes, je peux ťécouter lui télépho- ner!... Je peux tout entendre!... Lui. Oui?... Elle. Mais oui!... Lui. Dans ces conditions... H sort un cornet de sa poche. Elle. Comment ? Tu ne connais pas son numero par cceur ?... Lui. Je te rappelle que ce n'est pas une affaire de cceur!... Elle. Ah! oui... c'est vrai... Pardon!... J'oubliais !... Lui (il a fait le numero). Alors vraiment je ?... Parce que je peux encore raccrocher! Elle. Pourquoi ? Lui. C'est pour toi!.,. Elle. Mais non!,.. Mais non!... Lui (soulagé et raccrochant sans avoir écouté). Ah! Ce n'est pas libre!... Elle. Parfait!... Lui. Fourquoi ?... Elle. Eh ! bien... c'est qu'elle est lä !... Lui. Ah! ca oui... sans doute... enfin peut-étre!... Elle. Ca n'a pas l'air de te faire plaisir!... Lui. Mais si... ca me fait tres plaisir!... Elle. Mais non... Tu n'as pas l'air content !... Lui. Moi?... Oh! Mais si... mais si... Oh! la la... Je suis trés content!... Elle. Tu as ce que tu voulais !... Lui. Oui... oui... bien sür... mais c'est pour toi... Elle. Fais comme si tu étais seul!... Alors oublie- moi... comme tu vas lui dire que tu es tout seul... Bettina (entrant). Ah! Tu as sonné Madama! Elle. Moi ? ! Mais non !... Bettina. Ma j'ai entendu... Lui. Mais non !... C'est le téléphonato, quand j'ai dé-crochata ! Bettina. Ah !... Si!... Ma alors je voulais demander... Elle, Piu tardi!... Bettina. Ma... Lui. Piu tardi Ľ. Compriscolo Ragazza Bettina ? Bettina. Si signore si!... Oh! la la... Si!... Elle sort. EllE. C'est fou ce que tu as fait comme progrés en Italien !... Lui. N'est-ce pas?... E pericoloso sporgersi !... Elle (designant le telephone). Ah! en effet, oui! Bon!... Elle doit avoir fini de parier!... Recommence ! Lui (refaisant le numero). Alors... je recommence... Elle. On dirait que ca fest penible ?... Lui. Eh! bien... n'est-ce pas... c'est pour toi. (Brus quement.) Ca sonne!... C'est libre!... Elle. J'avais compris !... Lui. Alio ?... (II toussote.) Alio ?... Oui, oui... C'est moi... oui... (II rit, vaguement géne). Oui... Oui, enfin je veux dire... Ca va trés bien... Et toi ? Elle. Tu la tutoies ?... Lui. Heu?... Oui, oui... evidemment!... D'ailleurs si je ne la tutoyais pas, elle trouverait ca bizarre... Elle. Oui... evidemment! Lui (telephone). Comment?... (A Elle.) Elle me de- mande pourquoi je I'appelie 1... Elle. Eh! bien, un peu de cc_'..agc !... Dis-le lui L.. Lui. Eh!... bien... Je t'appelle... je t'appelle.:. parce que... parce que... eh!... bi'en... parce que je rentre... je rentre a 1'instant chcz moi... et je... et je... enfin... je... Elle. Tu es en-dessous de tout !... Lui (bouchant le recepteur). Je voudrais t'y voir!... Si tu crois que c'est facile, avec toi a cote1 de moi !... (Telephone.) Alors... je te telephone pour te dire... que... que j'ai trouve en rentrant un mot de... oui... oui... C'est ca!... Elle est partie \ Non !... Non !... Elle n'est pas partie complete-ment!... Oui quelques jours... Oui seulement!... II la regards, gene d'avoir rdpete « oui seulement ». Elle. Elle est charmante !... Lui. Et alors j 'ai pense que nous pourrions _ en profiler... oui... pour nous voir aussi ce soir... Ah ! oui... pour diner!... (Elle lui fait signe que « non ». Au telephone.) Ah!... Non... non... Pour diner c'est impossible !... J'ai justement un petit diner... enfin un petit diner d'affaire... Non, non... (Au-dessus du ton et asset fort.) Non... non... ca, jc ne peux pas!... Je ne peux absolument pas decommander ce diner-la!.., Ca non, je ne peux pas ! Mais tu pourrais venir ici... apres... Oui, oui... chez moi... Oui... (II regarde sa montre.) "Vers 11 heures, 11 heures et quart... par exemple... (II lui fait un signe interrogatif de la tete pour sa-voir si l'heure qu'il vient de proposer au tdl6~ phone lui convient, et Elle repond affirmativement de la tete egalement.) Oui... oui... A cette heure-la ce serait tres bien... J'aurai fini mon diner d'affaire... Oui... oui... Toute la soiree ensemble... en tete a tete... (Elle tousse.) Oui... Tous les deux bien sur... c'est ca !... ATors c'est d'accord?... Oui... Oui... (It la regarde.) Oui... Elle. Qu'est-ce qu'elle dit? Lui. Ce qu'elle dit?... Ellb, Oui! Lui. Elle me demande si... si... je... si je... si je... EllE. Si tu... quoi ? Lui. Eh! bien si... enfin si je l'aime... Elle. Eh ! bien reponds-Iui, voyons !... Lui (toussotant et hesitant). Oui... oui... Bi'en sur... quelle question!... Alors a 11 heures et quart!... Ah! oui... C'est vrai!... Tu n'es jamais venue ici, toi!... C'est 12 Villa Beausejour — pres du Bois, au rez-de-chausseeA tout a l'heure... Oui... (II raccroche et va se servir un verre.) Voila !... EllE. Oui... Oui... Voila!... En tout cas, comme amant au telephone, je ne te felicite pas !... Lui, Avec tes commentaires et tes conseils en meme temps, j'ai fait ce que j'ai pu. Elle. Et tu lui paries toujours comme ca quand tu Fappelles Lui. Je ne I'appelie jamais !... EllE. Heureusement!,.. Lui. J'ai horreur de telephoner !... Elle. Enfin l'essentiel c'est qu'elle fait cru... Lui. Oh ! ca pour me croire, elle m'a cru !... Elle est enchantee, et a 11 heures, elle va se precipiter dans ce traquenard!... Elle. Moi qui ne voulais pas... Tu vois... Eh ! bien maintenant je suis assez curieuse de voir ce qui va se passer !... Eh! bien, ne fais pas cette tete-la, voyons !... Lui. Oh ! je ne fais pas de tete... non simplement... J'etais en train de penser ä quelque chose... Elle. Ah ! oui ?... A quoi ? Lui. Eh ! bien pourquoi est-ce que nous ne profite-rions pas de cette petite sauterie... pour que je rencontre moi aussi... ton!... Elle (bondissant). Ah! Mais non!... Lui. Ah ! Mais si!... Pourquoi est-ce qu'il ne serait pas, lui aussi, dans cette situation impossible! ?... Moi aussi je serais curieux d'entendre comment il va expliquer son arrivee ici en pleine nuit!... Et puis quoi... Je verrais enfin la tete qu'il a... depuis le temps que j'en entends parler !... Elle. Mais... Lui (lui montrant te telephone). Allons!... Un bon mouvement... Un peu de courage !... Ce n'est qu'un mauvais moment ä passer !... EllE. C'est un defi ? Lux Si tu veux, oui! Elle. Bon... Bon... Apres tout!... Comme tu voudras... Elle fait le numero. Lui. Je remarque que toi, tu connais son numero par cceur ! Elle. Mais oui... Bien sür!... Bien entendu... je le connais par cceur !... Ses visites ici ne me suffi-sent pas !... Des que tu as le dos tourne, je I'appelie Lui. Tous ces credits ä Saclay pour des gens qui ne foutent rien Elle. Tu restes lä ä ecouter ?... Lui. Oui !... Pourquoi ? Elle. Enfin tu sais ce que je vais dire... alors... Lui. Ce qui m'interesse c'est la fagon dont tu vas le dire!... Tout est dans la maniere... enfin dans le ton !... Elle. Alio? C'est toi? Oui! C'est de nouveau moi!... (A lui.) II m'a appelee tout ä l'heure!... Lui. J'avais compris !... Merci!.... Je vois que vous vous tutoyez, comme nous !... Elle (telephone). Non... je t'appelle... parce que mon man... a du s'absenter quelques jours... Son bureau vient de me le faire dire... Oui... c'est pour ga qu'il n'etait pas rentre... oui!... Alors si tu veux... oui... oui... Pour diner?..: Non..: non... Je dine... avec,.. enfin je dine avec une amie... Mais tu pourrais venir apres... Vers II heures... 11 heu res et quart... si tu veux... Oui... oui... Nous ne parlerons que de ca... (Elle la regards.) C'est ga !... Lui. Vous ne parlerez que de quoi ? Elle. Eh! bien... mais d'amour!... De quoi veux-tu que nous parlions ? Lui. Ah! oui? En effet!... De quoi?!... Elle. Alors... voila... oui... A tout ä l'heure! Mais non... (Elle le regarde.) Mais non... je t'assure... II n'y a rien de bizarre dans ma voix... absolument rien... Oui... oui... C'est ca... A tout de suite... oui. Elle raccroche. Lui. Eh! bien, dis-moi! Ce n'est pas non plus du telephone extraordinaire! EllE. Evidemment! Tu tournais autour de moi... Je ne savais plus ce que je disais... Lui. Je t'avais bien dit que c'etait tres g6nant... Bettina (entrant). Signora... Elle. Oui?... Cette fois vous arrivez bien!... Bbttina. Ah ! bene !... Finalmente !... Elle. Qu'est-ce que vous avez prepare pour le diner ?... Bettina. Pour maintenant ? Ellis. Oui... bien sür!... Pour ce soir!.., Bettina (les bras au del). Four ce soir? Niente!... Elle. Niente ?.., LUI. Oui... ca veut dire : « rien » !... Elle. Rien? Ah! oui!... Alors Niente? Bettina. Si! Si! Niente!... Niente!... Elle. Et pourquoi ? Bettina. Ca fait oune heure je veux demander... ma la maitresse... EllE. Madame ! Bettina. Si! Si!... Madama et le signore tsxe disaient toujours... « Piu tardi... Piu tardi! » Sempre... Alora... Cosi niente!... Niente!... Lui. Alors no canneloni... no spaghetti... no ravioli... no scampi fritti... No minestroni... no scalopini... no tagliatelli ?... Et no gorgonzola ?... Bettina. Et no gelati Motta!... No!... Signore niente... Niente... no!... Lui. Oui 3... (A Elle.) En somme il n'y a rien!... Elle. Alors pourquoi est-ce que vous venez maintenant ?... Bettina. Pour te dire que c'est samedi!.,. ElXS. Ah ! Oui ? Qa, nous le savons !... Bettina. Oui... mais le samedi... c'est la soiree... on m 'attend... Lui. On vous attend ?... Bettina, Oui !... Lui. Qui? Bettina. Eh! bien mais... oune amant, signore !... Lui. Ah 3 bon ?... Parce que vous avez un amant, vous aussi ? Elle. Pourquoi, vous aussi ?... Lui. Oui... enfin je veux dire... c'est une epidemie!... Bettina. Oh ! no signore... II est en trěs bonne santé !... Lui. Oui ! Je n'en doute pas... Tant mieux pour lui!... Bettina. Et il m'attend pour aller au cinéma!... Lul. Au cinema ?... Alors ne faites pas de bětises, nein ?... Bettina. Oh ! no signore, pas au cinéma !... Lui. Oui... non... bien sür... Enfin je voulais dire.:. « aprěs »! Bettina. Aprěs ?... Oh ! Oh ! Signore... Lul. Ouoi... « Oh! oh! signore ». II n'y a pas de quo! rire!... Nous serions encore sans bonne!.., Bettina. Oh ! no signore. Lui. Ah ! Bon ! Elle. Alors bonne soiree, Bettina!... Bettina. Merci maitresse!... Alors buona notte... la signora... el signore... Lui. Oui... oui... C'est ga... Buona... Bonsoir:.. Arrive- derci! (Bettina sort.) Alors on va au restaurant ? Elle. Vas-y sans moi... Je n'ai pas faim ! Lui. Ah ! non... Je ne te lache pas... Elle. Pourquoi ?... Tu as peur que je lui retéléphone ?... Lui. Oh! non... Pas du tout!... Pourquoi le ferais-tu ? Elle. Et toi tu pourrais aussi lui retéléphoner ä eile... alors! Lui. Oui, bien súr... Mais ca servirait ä quoi ?... II faudrait avouer, chacun de notre côté, que nous avons menti... ca gácherait tout, et tout serait ä recommencer... Et puis... Elle. Et puis ?... Lui (lui tend son arc). Et puis j'aimerais quand merne beaucoup que nous dlnions ensemble ce soir !... Elle. Particuliěrement ce soir?... Lui. Oui! N'est-ce pas... C'est tout de méme assez risque ce que nous allons faire... EllE. C'est méme assez dangereux!... Lui. Tu crois ?.., Elle. Je ne sais pas... J'ai ľinopression que oui!... Lui. Tu aurais du me le dire avant... Elle. C'est toi qui as voulu... toi qui as insisté... Maintenant c'est trop tard... alors c'est peut-ětre notre derniěre soiree ensemble ? Lui. Tu as peur ?... Elle. Pas toi ?... Lui. Si... un peu... Elle. Eh! bien, tant mieux... Lur. Pourquoi ? Elle. Eh! bien, comme ca, je ne suis pas toute seule, ä avoir peur !... Lui. Alors... (Aprěs une hesitation, brusquement.) Allons, viens diner! Et ils sortent porte au fond tandis que descend te... attention: votre abonnement est a renouveler děs maintenant si votre étiquette-adresse porte la mention .- éch. fin mai on fin juin N'oubliez pas de rappeler la date de votre échéance. Merci. 20 acte Immidiatement. La porte du bureau premier plan jardin est ou-verte. Ellh (arrivant da fond jardin. Elle est en robe tres « habillee ». Bernard!... Tu es lä!... Lui (sortant du petit bureau). Oui!... (La voyant.) Oh! mais tu es süperbe!... Elle (contente). Vraiment ? Tu trouves ?... Lui. Oui! Ca m'etonnerait que ton amant te dise le contraire! Elle. Parce que toi tu t'es habille pour ta maitresse ?..„ Lui. Non! Pas du tout!... Mais je trouve que nous avons eu raison de revenir assez vite pour avoir le temps de nous changer pour cette soiree... de gala !... Elle. C'est aussi mon avis... Lui (regardant sa montre). Eh! bien, il est onze heitres moins cinq! CJest tres bien... (Regardant le bar.) Voyons ! Qu'est-ce qu'il manque ?... Bon ! Jl y a de la glace!... EllE. Pourquoi ? Tu vas leur offrir ä boire ? Lm. Oui? Je ne sais pas! II me semble... Non? Elle. Oui!... Dans le fond... Pourquoi pas ?... Tu as raison ! Tu es parfait... Lui. Parfait... parfait!... N'exagerons rien! Mais tant qu'ä organiser des reunions de ce genre, autant penser aux details !... Elle. Justement !... A propos de detail... je crois qu'il y en a un que nous avons oublii... un detail tres important!... Lui. Ah! oui? Quoi done?... Elle. Eh! bien, je me demande si nous n'avons pas eu tort de les faire venir tous les deux, ici ä la meme heure ? Lui. Pourquoi ? Elle. Enfin ! Supposons qu'ils arrivent exaetement en meme temps ?... Lui. Ah! oui.,. C'est juste! Chacun verra arriver 1'autre... Ellh (enchainant). C'est ca... Et chacun se dira qu'il y a quelque chose qui cloche... puisqu'ils ne se-ront pas seuls... Elle avec toi... Lui. Et toi avec lui... Oui! oui... bien sür!... Et ils risquent de repartir tous les deux sans meme sonner !... Elle. Voilä ! Et ce sera rati!... Lui. Oui! Oui!... Mais eile, eile n'est jamais ä l'heu-re! Elle. Ah! ? Elle te fait attendre ?... Lui. Ou c'est eile qui m'attend, oui... Si je suis en retard... Elle. Moi... jamais!... II n'est jamais en retard, lui!... Ce n'est pas comme toi, qui m'as l'air d'etre tout le temps en retard... avec toutes tes femmes ! Avec moi quand tu rentres ici, avec eile quand tu vas la rejoindre !... Lui. Lä n'est pas la question!... D'ailleurs on a aussi oublie autre chose... EllE- Encore ? Lui. Oui! Admettons qu'ils arrivent en mSme temps,.. Bon!... Mais qui devra ouvrir ? Toi ou moi?... Elle. Comment ? Lui. Enfin... reflechis!... Quand nous entendrons la sonnette... Comment savoir si c'est lui ou ehe qui sera en train de sonner ?... Ellb. Ah! oui... ca c'est difficile i... Lui. Difficile? Mais c'est impossible!... Tu nous vois tous les deux penches ä la fenetre, ä 11 heures du soir... pour regarder qui sonne ?... On aurait l'air fins !... Elle. Oui... c'est vrai... Oh! Et puis apres tout... C'est ton idee?! Debrouille-toi!... Lui. Debrouille-toi ! Debrouille-toi !... C'est facile ä dire... II n'y a rien d'autre ä faire que de prendre le risque !... Ellb, Comment ? Lui. Eh ! bien, tu iras te pencher seule ä la fenetre, pour voir qui sonne I... Elle. C'est ca !... Et si c'est eile, tu penses qu'en me voyant eile ne s'en ira pas ?... Lui. Ah! C'est possible... oui... Eh! bien, c'est moi qui me pencherai !... EllE. Alors si c'est lui qui est en train de sonner ä ce moment-lä, je te garantis qu'il s'en ira !... Lui. Alors c'est insoluble !... Ou tu te penches ä la fenetre et c'est elle qui sonne, qui te voit et qui s'en va, ou c'est moi qui me penche, c'est lui qui sonne, qui me voit et qui s'en va!... Ou nous nous penchons tous les deux et alors que ce soit lui ou elle qui sonne, l'un et l'autre s'en vont immödiatement, et nous, nous sommes grotesques !... Elle. Oui! Reflexion faite, il vaut mieux qu'on ne se penche pas!... Lui. Non ! II vaut mieux ne pas se pencher!... II nous reste done une chance sur deux que ce soit elle qui sonne, en admettant que ce soit moi qui aille ouvrir !... Elle. Ou que ce soit lui qui sonne si c'est moi qui ouvre !... Oui d'accord ! Lui. Le tout est de savoir lequel de nous deux va aller ouvrir.. Or ga on ne pourrait le determiner de faeon sure qu'ä condition de savoir avant, qui est en train de sonner !... Elle. Ah ! si tu m'avais ecoutee !... Lui. Mais je ne fais que ca!... Elle. Trop tard!... II y a longtemps que je t'ai demande' de faire installer dans la porte un de ces ceils... Lui, Un ceil!... Des yeux!... Elle. Oui... bon... si tu veux!... Enfin un de ces petits machins par lesquels on peut voir ä travers !... Nous n'en serions pas lä!... Lui. Mais je ne pouvais pas prevoir!... Dire qu'il suffit qu'un seul ceil vous manque et tout est... 21