Lui. Jacqueline n'est pas sortie !... Brigitte. Mais tu m'as dit que tu étais seul ?... Lui. Oui... Je suis seul ici... Mais Jacqueline est ä côté.., dans le bureau !,.. Brigitte. Dans le bureau?... Ce n'est pas vrai?... Lui. Pourquoi ?... Qu'est-ce que ca a d'extraordi- naire ?... Brigitte. Mais enfin, eile pourrait entrer... La voir !... Lui. Et alors ?... Brigitte. Comment : « Et alors ? ». Mais qu'est-ce que tu lui dirais ? Lui. Rien !... Elle le sait!... Brigitte. Elle le sait ?... Lui. Evidemment E Je le lui ai dit! Cherche tes des !... Brigitte. Tu le lui as dit?... Enfin c'est ahurissant!... Dis-moi que je réve ?... Lui. Ah! non!... Surtout ne réve pas!... Cherche tes clés ! Brigitte. Alors comme ca, tu attends ta maitresse ici, ta femme le sait, et eile reste dans le bureau en attendant tranquillement que ga se passe?... C'est ca ?... Lui. Tranquillement! Tranquillement : elle est avec son am ant! Brigitte. Quoi ?... Qu'est-ce que tu dis ? Lui. La vérité !... Brigitte. Mais enfin ce n'est pas possible ?... Lui. Pourquoi pas possible ? Brigitte. Enfin c'est inoui! Tu me fais marcher!... Lui. Mais pas du tout! Cherche tes clés !... Brigitte. Et d'abord comment le sais-tu ? Que c'est son amant ? Lui. C'est Jacqueline qui me l'a dit, tiens !... Brigitte. Elle te ľa dit ?... Lui. Oui !... Et lui aussi d'ailleurs ! Cherche tes clés !... Brigitte. Qa. alors!... Je n'en reviens pas!... Avoir un souffle pareil!... C'est du souffle!... Hein?... Mais qu'est-ce que c'est que cette situation ?... Lui. C'est trés simple!... On se dit tout ! Cherche tes clés ! Brigitte. Toujours votre fameuse vérité ?... Iis sont tons les deux vauirés sur le canape en train de chercher les clés. Lui. Toujours! C'est formidable! Hein?... Brigitte. Ah! ca oui! C'est formidable! Parce que pour ca !... il faut du souffle !-■■ Moi ca me ie coupe !... Elle (entrant). Alors ?... Quoi ? Comment ?... C'est encore toi ? Brigitte et Lui (ensemble). — J'avais oublié les clés de ma voiture... —■ Elle avait oublié les clés de sa voiture,,, Elle. Eh ! bien tous les deux vous auriez pu trouver quelque chose de mieux! Vous mentez encore plus mal que je ne pensais ! Lui. Mais qu'est-ce que tu veux dire?... Elle. Tu sais trés bien ce que je veux dire!... Tu as pris le prétexte de ton amour-propre pour renouer avec Brigitte ! Mais qu'est-ce que tu peux bien lui trouver ?... Brigitte. Oh! Mais ca n'est pas gentil ce que tu me dis lä !... Lui. Mais non voyons !... Ecoute !... Elle. Tes mensonges ?... Ah! Ah! non alors!... Ah! II a bon dos ton amour-propre!... Mais tu n'as plus aucune excuse, tu entends... Plus aucune !... Lui. Mais Jacqueline... Elle. Ah ! non je t'en prie ! Mets-Ia dehors ! Je l'ai assez vue ! Brigitte. Mais ma cherie... Elle. Ah! toi! Tais-toi!... Elle ressort en claquant la porte. Lui. Ah ! la la que c'est embetant! (Voyant le porte- cles qui depasse de la poche de Brigitte.) Mais qu'est-ce que c'est que ca ? Brigitte. Ca? C'est mes cles.. Oh! Dis done!... Mes cles ! Lui (hors de lui). Va-t'en ! Brigitte. Oui ! Ca il vaut mieux que je m'en aille! parce que pour vivre dans une situation comme 9a... ce n'est pas tout rose... Hein?... Et il faut avoir un de ces souffles!... Ah! ca tous les deux, vous avez un dröle de souffle... Lui (a ouvert la porte et Bettina est lä sur le seuil). Mais oui! Bettina. Ah ! C'est bien que tu ouvres ! J'allais juste sonner !... Lui. Eh ! bien ce n'est pas la peine... J'ouvrais ! Madame s'en allait!... Entra... Entra!...., Brigitte. Ah ! La voüä !... C'est eile, nein? Lui. Oui! Oui!... C'est ma bonne Italienne, ca! C'est ma petite Bettina !... Bettina. Si... si... Ta femme a oublie de me dormer la cle de la casa Lui. Ah! C'est ca ?... Eh! bien, eile est lä... Bettina. La maitresse est lä... Brigitte (ä Bettina, complice). Et on vient rejoindre son amant, hein?... Bettina (la regardant sans comprendre). Comment ? Tu as raconte ä la madama ? Elle est au courant ? Lui. Mais oui... mais oui... Alors Madame te donnera la cle, demain !... Bettina. Va bene ! Ciao ! Ciao ! Elle sort 3" plan jardin. Brigitte. Jacqueline va lui donner la cle de la mai- son ?... Lui. Naturellement!... Brigitte. Naturellement... Eh ! bien ce souffle... Lue. Pourquoi ? Brigitte. Pour trouver beaueoup de femmes qui don-nent la cle de chez elles ä la maitresse de leur mari, il faut se lever de bonne heure !... Lui. Mais c'est ma bonne!... Brigitte. Ah!... C'est ta bonne?... En plus? Lui. Mais oui !... Brigitte. Alors ca y est!... J'ai mis le temps, mais j 'ai compris E Lur. Quoi done ? Brigitte. Je sais pourquoi ta femme sait que tu attends ta maitresse ici! Lui. Ah! oui? Eh! bien tant mieux!... Brigitte. Mais oui... C'est evident!... C'est parce que tu es l'amant de ta bonne!... Lui. Hein ? Quoi ? Ah! mais oui! C'est ga! Voilä ! ca y est! Tu as trouve!... Je suis l'amant de ma bonnet Allez bonsoir!... Brigitte. Eh ! bien je n'ai jamais vu ca nulle part, moi... Jamais!... Parce que comme souffle... Ca c'est du souffle !... Ltji. Eh ! bien va souffler dehors! ! II la pousse dehors, tandis que tombe le... RIDE AU acte Lui (se leve et va vers la porte bureau et appelant). Jacqueline !... Voix d'Elle. Quoi ? Lui. Je voudrais te dire un mot... Elle (entrant). Un mot? Pour un nouveau mensonge, c'est peu !... Lui. Enfin tu ne vas tout de meme pas croire que Brigitte et moi... ca dure encore !... Elle, Ah! Mais si... Justement!... Je le crois!... Et j'ai tout lieu de Je croire!... Sinon pourquoi se- rait-elle revenue ?... Lui. Mais Brigitte et moi... ce n'etait pas prevu au programme... Tu as appris ca par hasard... C'est desolant!... ELLE. C'est surtout desolant pour toi!... Lui. Mais je t'assure qu'il n'y a plus rien entre nous!... C'est une erreur de jeunesse!... C'est fi- ni... ni... ni... Elle. Bon... bon... Admettons !... Mais alors veux-tu me dire pourquoi ta « maitresse » par « amour-propre » n'est pas encore lä... ? Lui. Mais je n'en sais rien!... Elle a du etre re-tardee !... Elle (qui n'en croit pas un mot). Oui!... C'est ca! Bien sür !... Elle a ete retardee... Peut-etre meme qu'elle s'est perdue... et qu'on ne la retrouvera jamais !... C'est possible aussi !,.. Les gens qui n'existent pas sont difficiles ä retrouver !... Lui. Mais je te donne ma parole d'honneur... Elle. Et cette femme invisible qui a plus d'une demi-heure de retard pour venir retrouver chez lui, pour la premiere fois, son amant marie qu'elle adore... Comment s'appelle-t-elle ? Lui. Jennifer !... EllE. Jennifer ?... Lui. Oui ! Elle. Mais c'est un prenom angais ca?... Lui. Oui!... Evidemment!... EllE. Pourquoi evidemment ?... Lui. Parce que c'est une Anglaise!... Elle. Parce que tu paries anglais ?! Lui. Je me debrouille!... Elle. Ah ! c'est ca ?... Tant qu'ä faire tu n'aurais pas pu choisir ta maitresse en France, comme tout Ie monde, non ?... Lui. On prend ce qu'on trouve !.., EllE. C'est Brigitte qui t'a degoüte des Francaises et tu donnes dans I'exotisme ?... Lui. Oh! I'exotisme anglais!... Tu sais! On sonne. Elle. Ah! tiens ! Eh ! bien si elle existe... la voilä sürement!... Je te laisse avec ta,,. avec ton... in-sulaire !... Lui. Oui... A tout de suite... (Elle sort bureau. Lui ouvre, Jennifer entre. Elle n'a absolument pas d'accent.) Enfin ! Jennifer. Non I non! Je t'en supplie !.,, Ne me dis rien !... Lui. Bonsoir, quand méme !... Jennifer. Ah! oui... Bonsoir... Ca bien súr... si tu veux !... Mais ne me dis surtout pas qu'il est 11 heures et demie!... Je le sais... Je suis na-vrée !... Je suis venue ä pied pour prendre ľah" et je me suis perdue,.■ Lui. L'essentiel c'est que tu te sois retrouvée.,. Jennifer. Et que je te retrouve !... Lui. C'est gentil ca !... Jennifer. C'est vrai !... Oh ! Mais c'est trěs joli chez toi !... Lui. Tu pensais que c'était laid ? Jennifer. Non... pas laid!... Mais pas aussi joli que ca!... C'est vraiment trěs joli... un peu feminin peut-étre !... Lui. Sans doute parce que c'est ma femme qui a choisi !... Jennifer. Tout ? Lui. Oui! Et moi le reste!... Tu veux boire quelque chose ? Jennifer. Oui ! Lui. Quoi ? Jennifer. Ce que tu veux ! (II serf des verres.) Alors ta femme est partie ?... Lui. Oui... Voilä... Enfin non.,. enfin pas exactement— Justement, je ťai appelée... Jennifer. Ca m'a fait trěs plaisir, tu sais... trěs !... Děs que j'ai entendu ta voix, j'ai senti que tu allais me demander de venir chez toi! Lui. Ah ! Bon ? Tu l'as senti ? Jennifer. Oui... Je ne sais pas... In stincti vemen t... comme ca... Lui (regardant la porte bureau). Et tu n'as rien senti d'autre ?... Jennifer. D'autre? Non!.,. J'ai simplement senti, avant que tu paries, que tu allais me demander de venir... (II lui tend son verre.) Merci !... Lui. Oui... C'est ga !... Justement si je ťai demandé de venir ce soir... C'est parce que... Jennifer. Attends!... Attends!... Je voudrais d'abord te dire quelque chose d'important !... Lui. Quoi done ?... Jennifer. Je ne sais pas trěs bien comment te l'ex-pliquer!... N'est-ce pas, nos conventions étaient que je sois simplement ta maitresse... ta maitresse... sans qu'il y ait de sentiment entre nous... Lul. Oui... C'est ga... Jennifer. Mais maintenant, peut-étre parce que tu m'as demandé de te tutoyer, je me sens devenir ton amie... Lul. Oui.., Mais c'est la méme chose !... En francais, amie et maitresse sont synonymes... quoiqu'une amie soit rarement votre maitresse et une maitresse jamais votre amie!... Jennifer. Mais moi je disais : amie, dans le sens de 1'amitié, de i'affection, tu comprends... Lul. Oui, oui... Je comprends trěs bien... et j'y suis trěs sensible, mais... Jennifer. Je trouve que c'est une evolution trěs normale ! Tu es trěs charmant avec moi !... Lui. Mais toi aussi tu es trěs charmante !... Jennifer. Oui... Mais nous nous connaissons trěs peu... et je trouve dröle qu'on arrive ä s'attacher sans bien se connaitre, alors qu'on devrait plutöt bien se connaitre, et s'attacher ensuite... Ce serait plus normal, tu ne trouves pas ? LuL Oui... oui... bien sůr... Peut-étre que ce serait plus normal... Mais ce n'etait pas prévu !... Que tu sois ma maítresse, bon mais que... Jennifer. Oui... Je sais... Je sais bien!... Je suis trop sentimentale!... J'oublie que je suis dans ta vie, uniquement pour te venger de ta femme!... Lur. Pour me venger, non !... Disons plutöt pour équi-librer une situation! Et c'est justement parce que cette situation a évolué plus vite... que je nc pensais, que j'ai eu besoin de te voir ce soir!... Jennifer. Je suis ravie, tu sais, ravie !... Lul. Oui... Mais lä c'est un peu... comment dirais-je... un pcu particulier... Je vais te demander un service... un service d'amie !... Jennifer. D'amie et plus de maítresse ? Lul Ouil Jennifer. Eh! bien dis-moi ce que tu veux que je fasse !... Tu sais que tu peux me demander tout ce que tu veux !... Lui. Oui... oui... je sais!... Jbnnifer. Alors je ťécoute ! Lur. Voilä ! Je t'ai menti !... Jennifer. Ah ?... Lui. Oui 1 Quand je t'ai telephone, ma femme était a. coté de moi !... Jennifer. Ah ! ? Lui. Oui! Et j'ai vu son amant! Jennifer. Ah ! ? Lui. Oui! Et tiens-toi bien 1 II m'a méme demandé ďépouser ma femme! Jennifer. Oh !... Lui. Oui !... Jennifer. Mais pourquoi est-ce que tu me racontes tout ca ?... Lui. Parce qu'il est ici!... Jennifer. Qui ?... Lui. Eh ! bien... L'amant de ma femme !... Jennifer. Tu laisses ta femme recevoir ce garcon chez toi, quand tu es lä ?... Lui. Elle le recevait quand je n'etais pas lä... Cétait bien pire, non ? Jennifer. Oui !... Peut-étre... Bon 1 Et alors ? Lur. Alors tu vas voir ! Je t'ai demandé de venir ici ce soir, parce qu'elle veut entendre le pretexte que tu vas trouver pour expliquer ta presence avec moi! Mals eile va entrer d'une seconde ä 1'autre... brusquement... Jennifer. Et quand elle va me demander ce que je fais lä... tu veux que je lui dise que je suis ta maítresse, c'est ca?... Lul. Ah ! Non ! Justement pas !... Surtout pas ca !... Finis ton verre [.., Jennifer. Mais puisqu'elle sait que tu m'attendais... puísque tu lui as dit ce que je suis pour toi... Si j'invente quelque chose, elle ne me croira jamais !... Lui. Mais si! Ecoute-moi bien!... Tu ne t'appelles plus Jennifer !... Jennifer. Pourquoi ? Lui. Parce qu'elle connait ton nora!... Alors il faut le changer!... Comment voudrais-tu t'appeler ?... Jennifer. Je ne sais pas moi!... Barbara!... Elle prononce ä V anglaise « Barb'ra ». Lui. Ah ! Non ! Pas Barbara !... C'est un prenom anglais ! Elle sait que tu es anglaise ! Jennifer. Mais alors elle sait tout !... Lui. Presque ! C'est bien pour ca que je veux tout brouiller !,.. Jennifer. Eh! bien disons... Sophie!... ou Brigitte!... Lui. Ah! mon Dieu ! Non!... Surtout pas Brigitte!... JgNWiFER. Alors je ne sais pas moi... Jacqueline!... Lui. Jacqueline!... C'est le prenom de ma femme!... Jennifer. Ah! oui!... C'est ennuyeux !... Lui. Non! Dans le fond tu as raison'... Va pour Jacqueline... Ca fera plus vrai I... Jennifer. Et le pretexte alors ?... Lui. Eh ! bien je veux qu'elle croie que ce garcon la trompe avec toi !... Jennifer. Avec moi ?... Mais pourquoi ?... Lui. Parce qu'elle est sa maitresse depuis deux mois, et qu'elle doit avoir pour lui, un sentiment tout neuf!... Les femmes mettent du sentiment par-tout !... Jennifer. Oui ! C'est vrai !... Lui. Alors si elle croit que son amant la trompe avec toi, je suis certain de la toucher dans « son sentiment Jennifer. Tu veux la faire souffrir ? Lui. Si je ne l'aimais plus, je n'essaierais pas !... Jennifer. Mais de toutes facons, elle ne nous croira pas... elle verra tout de suite que nous lui men-tons L. Lui. Peut-etre pas tout de suite!... Une femme qui aime est aveuglee par la jalousie ou l'amour... ou par 1'amour-propre, ä la rigueur!... Puisque ce garcon est lä, tu feras comme si toi et lui... Jennifer. Mais comment, voyons ? Jamais je ne pour-rai... Je ne l'ai jamais vu... Je ne le connais pas... Lui. Tu as ete chez lui !... Jennifer. Mais tu es fou !... Lui (il prend le sac de Jennifer post sur la table). II travaille ä Saclay... II habite rue de Grenelle... II a un Dufy... Petit et bleu... II s'appelle Robert.. Jennifer. Robert?... Robert comment?... Lui. Je ne sais plus... Mais ca n'a aucune importance... Tu le connais trop pour l'appeler par son nom... Jennifer. Mais c'est ridicule... Lui. C'est un service d'amie que je te demande... (Et comme Elle entre, il enchaine tres naturelte-ment en mettant precipitamment te sac dans les mains de Jennifer qui tourne le dos ä la porte du bureau.) Mais je vous garantis que vous vous trompez Mademoiselle! Personne n'est entre ici depuis plus d'une demi-heure. Jennifer (id.). Mais si Monsieur... je vous assure... Je suis certaine que c'est lui.,. Oh, pardon Madams !... Elle. Qu'est-ce qu'il y a? Jennifer. Eh ! bien... J'ai sonne chez vous... parce... parce que j'ai vu entrer ici quelqu'un que... enfin quetqu'un que je connais tres bien !... Elle. Ah! Oui?... Vraiment?... (A Lui.) Dröle de raison ? (A Jennifer.) Et alors ?... Lui. Alors j'etais en train d'expliquer ä Mademoiselle qu'elle s'etait certainement trompee... Fersonne n'est entre... (ä Jennifer) et vous avez dü confon-dre, dans l'obscurite de la rue, notre porte avec celle d'ä cöte!... Elle. C'est tout ce que vous avez trouvö ?... Lui. Comment ca ?... Elle. Mais vous ne voulez tout de meme pas me faire croire que c'est la premiere fois que vous voyez mon mari ?... Jennifer. Mais oui... Naturellement! Lui. Je t'assure... Elle. Vous etes tres dröles tous les deux... Mais soyez raisonnables! Avouez!... Jbnnifer. Mais avouer quoi, Madame ? Elle, Alors vous n'etes pas la maitresse de mon mari ? Jennifer. La maitresse de votre ?... Oh ! Mais Madame ! Absolument pas ! Si j'ai force votre porte, c'est parce qu'il m'a semble voir entrer quelqu'un chez vous... Alors j'ai attendu... II n'est pas ressorti... et je me suis finalement decidee ä sonner... Elle. Quel temps fait-il ä Londres, Mademoiselle ? Jennifer. A Londres ? Mais je ne sais pas Madame !... Je n'y suis jamais allee !... Du brouillard... Tou- jours du brouillard... Je suppose... Lui. Ah la la !... Que c'est malsain, ca !... Eixe. Pourtant vous etes Anglaise ? Lui (ä Jennifer). Vous etes Anglaise? Jbnnifer. Mais pas du tout! Lui. Oui!... Ca m'aurait etonne !... Vous etes habillee en ecossais et vous n'avez aueun accent !... Et depuis que des generations d'Anglais nous obligent ä apprendre leur langue parce qu'ils ont la pa-resse d'apprendre la nötre, une Anglaise sans accent, ce n'est pas convenable !... Jennifer. Mais pourquoi aurais-je un accent ? Je suis Francaise, nee ä Paris... Elle. Comment vous appelez-vous ?... Jennifer. Jacqueline... Bourgeois !... Elle (coupant). Jacqueline ? Comme moi ! Lui. Tiens, oui!... C'est dröle ca!... Elle. Enfin c'est incroyable ! Alors vous n'etes pas ?... Lui. Non... non!... Elle n'est pas!... Elle. On t'a encore fait faux-bond! Naturellement! (A Jennifer.) II faut vous dire Mademoiselle que mon mari attendait une Anglaise... une Anglaise fantöme !... Je sais que les Anglais ont la specia-lite des fantömes, mais... Lui. Mais qu'est-ce que je peux y faire?... Ce n'est pourtant pas de ma faute, si ce n'est jamais celle qu'on attend qui arrive !... Jennifer. Je suis desolee Madame,,, vraiment desolee d'avoir insiste! Elle. Mais non... Mais non... Ca n'a aucune importance !... Alors vous avez vu entrer quelqu'un ici ?,., Jennifer. Oui Madame... Lui. Oui... ca parait ahurissant,,, mais c'est ce que Mademoiselle me disait... et je lui assurais que personne n'etait entre... (Brusquement.) Mais j'y pense... Mademoiselle a peut-etre vu... II disigne la porte du bureau oil se trouve Robert. Elle. Et pourquoi veux-tu qu'elle l'ait vu?!... Lui. Je ne sais pas moi!,,. Je disais 9a comme ca!... C'est le seul homme qui soit venu ici ce soir!... Elle. Tu mens de plus en plus mal!... Lui. Mais je t'assure! Ce ne peut etre que lui!... Qui veux-tu que ce soit ? Et Mademoiselle... Bourgeois a dü le voir entrer!... Elle. Vous connaissez bien... Ie « monsieur » que vous pretendez... enfin que vous avez cru voir entrer ici ? Jennifer. Oh! Oui!... Tres bien!... Elle. C'est un parent ä vous? Jennifer. Oui... enfin... si l'on peut dire! Enfin, plus intime qu'un parent... Lui. Quoi... ? Oh! Mais ca devient tres amüsant... alors !... Et plus on est de fous... (II est alle" ou- vrir la porte du bureau et appelle.) Vous etes lä... Monsieur... Voix de Robert. Oui, Monsieur... oui. Lui. Venez, venez!... Ne restez pas tout seul... La solitude engendre souvent la melancolie !... Robert entre. Jennifer (lui sautant au cou). Oh! Oui... c'est toi... c'est bien toi... mon amour!... Elle (ä Robert). Tu la connais? Robert. Mais absolument pas... Nous ne nous connaissons absolument pas!... Elle. Enfin eile t'appelle « Mon amour » !... Robert. Mais je lui interdis... (A lennifer.) Je vous interdis de m'appeler comme ?a!,., Je ne vous connais pas et je ne veux pas vous connaitre !... Jennifer. Allons! Ne fais pas tant d'histoires! Em-brasse-moi !... robert. Mais il n'en est pas question ! Jennifer. Vraiment... tu n'es pas gentil!... Robert. Gentil ou pas ? Je ne comprends pas oü vous voulez en venir!... Et je vous prie de cesser tout de suite cette plaisanterie ! Jennifer. Cette plaisanterie ! Ah ! oui,., ca y est... j'ai compris! Tu me fais marcher en disant que tu ne me connais pas... Robert. Mais pas du tout! Jennifer (ä Elle). Vous voyez bien Madame que je ne m'etais pas trompee de porte en sonnant chez vous !... Elle. Non... justement!... Je ne vois rien !... Jennifer. Mais pourquoi fais-tu semblant de ne pas me connaitre ?... J'ai I'air de mentir voyons... tu es ridicule ! Robert. Mais je vous interdis !... Lux. Moi je crois que je sais pourquoi Monsieur fait semblant de ne pas connaitre Mademoiselle! Robert. Mais je vous assure... Monsieur que... Elle (ä Robert). Enfin oui ou non est-ce que tu la connais ? Robert. Mais non ! Jennifer. Tu me fais beaueoup de peine... Rue de Grenelle... tu es beaueoup plus gentil! Elle. Rue de Grenelle ? Robert. Mais elle n'est jamais venue chez moi... Jamais !... Jennifer. Mais pourquoi est-ce que tu me joucs cette comedie, voyons ? Lui. Moi... ga y est! Voilä... Je sais pourquoi !... Elle. Ah! Oui ? Eh! bien je serais curieuse de le savoir aussi! Jennifer. Moi aussi! Etant donne que je 1'adore... qu'il m'adore... enfin c'est ce qu'il me dit quand je lui apporte ses pantoufles ! Robert. Mes pantoufles ?... Mais je vous defends ab- solument!... Mais enfin qu'est-ce qu'il faut que je fasse... qu'est-ce qu'il faut que je vous dise pour que vous cessiez d'affirmer que... Lui. Mais ne vous defendez pas comme ga?... Je com- prends tres bien! tres bien ! que cette situation est tres genante pour vous... Robert. Elle est tres genante, d'autant plus qu'elle est fausse !... Lui. Oui... c'est un situation fausse! II faut vous dire Mademoiselle que vous n'avez peut-etre pas choisi le meilleur moment, ni surtout le meilleur en-droit, pour exterioriser vos sentiments !... Jennifer. Mais pourquoi ?... II ne m'a pas telephone depuis plus de quinze jours et j'etais tres triste !... Robert. Mais je n'ai pas ä vous telephoner!... Jennifer. Mais qu'est-ce qu'il te prend cheri ? Robert, II me prend ! II me prend !... que je vous in-terdis de m'appeler cheri et de me tutoyer... Enfin c'est insupportable... Lnimaginable !... Lui (ä Jennifer). Oui... cette scene est tres genante pour lui et pour ma femme aussi d'ailleurs !... Jennifer. Je ne comprends pas !... Lui. Eh ! bien n'est-ce pas... lis sont tres « Iiis » tous les deux... Elle. Oh ! Je t'en prie!... Lui. Enfin il faut bien que j'explique... puisque per-sonne ne s'en charge... II faut bien que j'explique que si Monsieur fait semblant de ne plus connai-tre Mademoiselle, c'est parce qu'il veut t'epouser ! Jennifer. Comment ? Vous epousez ? Vous ? Mais en-tre lui et moi il a aussi ete question de mariage !... Robert. Mais jamais de la vie! C'est une folle!... Elle est folle!... Jennifer. Tu m'as meme dit que tu me donnerais ton petit Dufy que j'adore! Avoue cheri... Lui. Oui! Avouez!... Robert. Mais je n'ai rien ä avouer et je vous interdis encore une fois de m'appeler cheri!... Et d'abord vous ne savez meme pas comment je m'appelle !... Jennifer. Ne sois pas stupide, Robert cheri! Robert. Robert ?!... Mais je vous interdis! Robert comment ?... Jennifer. Tu es bete... Robert (ä Elte). Ah! tiens... Tu vois! Vous voyez ! Elle ne connait pas mon nom ! Jennifer. Je ne veux pas le dire... C'est tout! Si je voulais !... Elle. Quel est l'animal que vous preferez Mademoiselle Bourgeois ? Jennifer. L'animal que je ?,.. Elle. Oui1! Lui. OÜ veux-tu en venir ?... Elle. Je ne sais pas ! Je disais ga comme ca. (A Jennifer.) J'espere que ca ne vous ennuie pas si nous parlons un petit peu d'animaux ? Lui. Ce n'est peut-etre pas tout ä fait le moment! Robert. Oui! C'est vrai, je ne comprends pas !... Elle. Eh ! bien mais n'est-ce pas... C'est juste histoire de faire une petite diversion. (A Jennifer.) Vous aimez les chevaux ?... Jennifer. Oh ! Oui... Beaucoup... Elle. C'est vrai ?... Je n'en ai pas tellement l'impres-sion !... Jennifer. Pourtant je vous assure!... Elle. Voyez-vous, je trouve que l'on voit tres bien comment quelqu'un aime les aiiimaux ä la facon dont ce quelqu'un prononce leur nom !... Jennifer. Ah! Vous voulez que je dise que j'aime les chevaux ?... Elle. Voilä c'est ca!... A la facon dont vous dites « j'aime les chevaux », je vois en effet que vous aimez les chevaux ! Lui. Oui bon ! Elle aime les chevaux! Tu aimes les chevaux... J'aime les chevaux. (A Robert.) Et vous ! Est-ce que vous aimez les chevaux ? Robert. Mais oui bien sür, j'aime les chevaux!... Lui. Eh ! bien alors c'est parfait! Nous aimons tous les chevaux ! (A Elte.) Te voilä rassuree? Elle. Mais je suis parfaitement rassuree,., (A Jennifer.) Naturellement vous aimez aussi les chiens, les chats, et les chameaux ?... Jennifer. Oui... oui... J'aime aussi les chiens et les chats !... Les chameaux peut-etre un peu moins... Elle. En effet!... Voyez-vous ga se sent, au ton !... Lui. Oui! Ecoute! Est-ce que tu crois que c'est vrai-ment le moment de faire des tests zoologi-ques, parce qu'au Jardin des Plantes... Elle. Mais c'est amüsant non ?... (A Jennifer.) Et est-ce que vous aimez les grenouilles? Lui. Oui, mais avec pas trop d'ail!... Elle (ä Jennifer). Est-ce que vous les aimez Vivantes? Jennifer. Oh oui!... Je les trouve charmantes!... Je les aime beaucoup Elle. Je serais ravie de vous l'entendre dire! Lui. Mais Mademoiselle te le dit!... Elle. Oui! Mais j 'aimerais beaucoup l'entendre pro-noncer le nom de l'animal, pour savoir ä quel point Mademoiselle aime les grenouilles ! ... Lui. Soyez gentille Mademoiselle ! Faites ce petit plai-sir ä ma femme ! Dites-lui que vous aimez les grenouilles... et n'en parlons plus!... Jennifer. Eh bien ! Je les aime oui ! Lui. Mieux que ga!... Mieux que ga !... Ellö. Dites-moi « j'aime les grenouilles » !... Robert. Quelle dröle d'idee! Moi je deteste les grenouilles ! Elle (ä Jennifer). Allons! Jennifer. Eh ! bien j'aime... les grenouilles... Elte prononce le nom « grenouille » avec un tiger accent anglais indissimulable, Elle. Encore une fois I Jennifer (mime accent). J'aime les grenouilles ! Elle. Merci! C'est bien ga ! Je m'en doutais ! Mademoiselle vous etes Anglaise ! Jennifer. Mais... Lui. Mais non, tu sais bien que Mademoiselle est... Elle (coupant). Le mot « grenouille » est le seul mot que les Anglais qui parlent parfaitement francais ne pourront jamais prononcer sans accent, c'est bien connu ! Vous venez de me dire « grenouille » comme si vous m'aviez dit « God save the Queen »! Lui. Et « My tailor is rich ».., Jennifer. Je suis désolée !... Lui. Mais non!... (A Elte.) Oui Mademoiselle est Anglaise, elle s'appelle Jennifer, et eile n'est pas la maitresse de Monsieur ! 77 designe Robert. Elle. Done elle est la tienne! ? Jennifer. Oui Madame!.,. Elle. Alors pourquoi avoir inventé toute cette histoire ? Lui. Ah ! chacun emploie les armes qu'il veut!... C'est la guerre !... Elle. Ah ! oui! Bon ! C'est ga ? Et c'est moi qui marque un point! Lui. Oh!... une petite grenouille!... Elle. Entre parentheses, et « grenouilles » mises ä part, bravo pour votre francais. Mademoiselle ! Lui. Bon ! Eh ! bien, noyons le poisson ! Laissons les « grenouilles » de cóté et revenons ä nos mou-tons !... Alors vous avez 1'intention ďépouser ma femme ? Robert. Mais oui Monsieur, si vous m'y autorisez ! Lul. Vous étes trop aimable!... Elle. Et toi, je pense que tu as bien 1'intention ďépouser Mademoiselle ?... Lui. Mais certainement!... (On sonne.) Ah! non! Alors non !... Ce n'est pas le moment... vraiment pas!... Elle. Non, vraiment pas! Lui. Mais qui est-ce qui peut bien venir nous em- béter ä cette heure-ci?... Elle (ä Robert et Jennifer). Allons lä !... Venez!... (A Lui.) Nous t'attendons !... Lui. J'arrive !... Elle sort du bureau suivie de Jennifer et Robert. Lui se dirige vers la porte ďentrée pour aller ou- vrir. A ce moment-lá, Bettina entre du plan jardin praticable, en tenue de nuit. Bettina. On a sonné signore! Lut. Oui! Vous dormiez ? ! Bettina. Eh ! oui... il fait la nouit !,„ Lui. Eh bien, réveillez-vous et allez ouvrir! Bettina (désignant son hábillement). Ouvrir ?... Ma cosi ?... Lui. Oui! Si! si! ma cosi!... Cest trěs joli ma cosi... C'est juste pour ouvrir, et dire qu'il n'y a per-sonne! ... Bettina. Personne... Mais on voit la luce dans la rue!... Lui. La luce ? Ah oui! Je sais !... Ca je sais qu'on voit la lumiere dans la rue!... Mais quand vous étes toute seule vous vous éclairez, non ?... Bettina. Ah ! si... si... naturale... si..: On resonne. Lui. Bon alors... Vous ouvrez et vous dites qu'il n'y a personne!... C'est bien compriscolo ? Bettina. Si si capito ? Personne ä la casa ?... Lui. C'est ga, voilä et vite! Bettina va porte ďentrée tandis que ca resonne encore et que Lui sort bureau. Bettina a entr'ouverx. Bertrand fdans Vencadrement de la porte, Brigitte derriére lui). Ah! enfin ?!... Ce n'est pas trop tot! Laissez-moi entrer! Bettina. Ma Monsieur il n'y a personne !... Bertrand. Quoi personne! Qu'est-ce que c'est que cette histoire ?... Bettina. Ma... Bertrand (ta pousse et entre maintenant Brigitte par le poignet). Allez toi! Avance ! Brigitte. Mais chéri... Bertrand. Ah ! non, ne m'appelle pas chéri, veux-tu !... Ce n'est pas le moment!... Bettina. II faut vous partir!... Bertrand. Partir?... Jamais de la viel... Bettina. Si, si... Le signore et la signora pas rester! Persanne ä la casa!... Bertrand (s'approchant ďelle). Personne ä la casa! Bettina. Si... si... No.,, no... Bertrand. Alors c'est ga! La voilä sa fameuse bonne Italienne avec laquelle ?... Brigitte. Oui... oui... c'est elle ! Bertrand. Alors oü est-ce qu'il est ?... Brigitte. Mais chéri... Bertrand. Ah ! toi je t'en prie !... Brigitte. Mais elle vient de te dire qu'il n'y a personne !... Bertrand. Personne... Et tu penses que je vais croire ga !... (A Bettina.) Alors comme ga on sort de son petit lit douillet ?... Bettina. Si, si... J'ai sorti du lit pour aprire la porta !... BerthaffD. C'est ga oui! Et avant de se lever on fai-sait un gros dodo avec son signor ?... Bettina, Moi comprends pas qu'est-ce que tu dis !... Bertrand. Mais ma parole, elle me tutoie ?... Brigitte. Mais elle est Italienne, n'insiste pas chéri!... Bertrand. Tais-toi... Va chercher ton signore !.., Bettina. Mon signore ? Mais il n'y a personne ä la casa... No signore. Bertrand. Oui!... II n'y a personne pour tout le rao nde... mais moi... j e suis un ami... amigo du signor... et ma femme aussi... et une amigo du signor... une grande amigo du signor! Alors tu vas me chercher le signor tout de suite !... Bettina. Mais il va étre beaucoup colěreí... Bertrand. Ah! II va ětre en colěre ! Eh! bien je vou-drais bien voir ga! Brigitte. Mais chéri... Bertrand. Tais-toi!... (A Bettina.) Allez vite!... Bettina. Ma tu m'obliges... Bertrand. Oui je t'oblige !... Bettina. Je drrai que tu m'as obligée !... Bertrand. Tu peux dire tout ce que tu veux, mais qu'il arrive, et vite! Ou je casse tout... Bettina. Cassa tutto ? Bertrand. Oui !... Bettina. Si tu dis ga alors j'y vais !... Bertrand. Bon vas-y !... Bettina (va porte biireau, frappe et entre). Signore?... Elle referme. Bertrand. Ah! tu vois bien qu'il est lä! Mais ga ne va pas passer comme ga! Ah! mais non!... Brigitte. Mais pourquoi est-ce que tu ťénerves ?... Bertrand. Parce que tu es encore plus bete que je ne pensais !... Brigitte. Mais enfin chéri!... Je ne comprends pas pourquoi tu te mets dans tous tes états... Bertrand. II y a de quoi non ?... Brigitte. Mais Jacqueline, enfin sa femme accepte ga tres bien !... Bertrand. Eh! bien sa femme fait ce qu'elle veut!... Mais moi, c'est moi et puis... Tu ne vas tout de meine pas me faire croire que sa femme est au courant de tout!... Brigitte. Mais si! II lui a raconte toute La verite"! Bertrand. La verite ! La verite! Elle a mauvaise mine cette verite, tres mauvaise mine tu entends! ?... Brigitte. Oui... oui... J'entends cheri ! Lux (entre suivi de Bettina). Ah! C'est toi qui veux tout casser?... Bertrand. Oui! Tu vois, c'est moi! Lui. Comment vas-tu ? Bertrand. Mal! Tres mal!,... Lui. Ab! oui en effet, tu as l'air nerveux!... Bertrand. Nerveux?... C'est tout ce que tu trouves a dire ?... Bettina (ä Lui). Je n'ai pas. besoin d'attendre lä?... Lui. Mais non mais non! Va te recoucher mon petit! (Bettina sort.) Alors qu'est-ce que tu veux? Bertrand. J'ai deux mots ä te dire!... Lui. A cette heure-ci ?... Bertrand. Je me fous de l'heure !... Lui. Ah! Bon, tu te fous de ?... Bertrand, Completement... Lui. Tu ne preferes pas revenir demain?... Bertrand. Non! Lui. Non ? Bon ! parce que maintenant... je... je suis... occupe. Bertrand. Oh ! oui... Ca je le sais !... Lui. Comment le sais-tu ? Bertrand. Je le sais ! Je sais que tu as une activite nocturne debordante !... Lui. Debordante I C'est beaucoup dire... Bertrand. Debordante convient tres bien!... parce que justement tu debordes! Lui. Mais ecoute... Ce soir.., nous recevons, et... Bertrand, Oui ! Mais moi que tu regoives ou pas, je m'en fous !... Lui. Ah ! Alors en somme, tu te fous de tout?... Bertrand. Fas de tout, non! (Lui brandissant son poing serve sous le net.) Tu sais ce que c'est que ga ?... Lui. Oh ! oui! C'est un vilain geste de colere \ Bertrand. Ah! Non! Je t'en prie! Hein? Ce n'est pas parce que tu es un architecte connu ä force de fabriquer des buildings oil il n'y a que des fenetres que ga te donne le droit de te foutre de moi !... Lui. Et toi ce n'est pas parce que tu me vends toutes mes voitures, que je me crois oblige de t'acheter sous pretexte que nous avons ete ensemble a Henri IV que ca te donne le droit d'etre aussi agressif ! D'ailleurs je te previens que si tu continues comme ga, je ne t'en acheterai plus ! Bertrand (menagant). Ah ! Mon ! Ne me pousse pas ä bout! Lui. Mais il ne faut pas t'emballer comme ga L- Brigitte. Oui cheri!.., Tu t'emballes !... Bertrand. Toi, tais-toi! (A Lui.) Tu ne manques pas d'air... Hein ?... Lui. Moi ?... Bertrand. Oui toi!... Lui. Pourquoi done? Bertrand. Ah ! non je t'en prie, ne fais pas l'imbecile veux-tu ?... Elle vient de tout me raconter en detail !... Lux. En detail ?... Bertrand. Parfaitement!... En detail!... Lui. Mais quoi en detail ?.,. Bertrand. Quoi? en detail? (ä Brigitte.) Allons, dis- lui quoi, en detail!... Brigitte. Eh! bien, que... pendant que Jacqueline etait ä Plombieres... Toi et moi... nous... enfin... voilä quoi !... Lui. Ah !... la la que c'est embetant! Bertrand. Embetant?... Je ne te le fais pas dire!... Et la voilä qui me reveille dans mon premier sommeil, alors que je ne marche qu'ä la Papaverine, pour me claironner triomphalement que tu as couche avec eile!... Lui. Non?... Mais pourquoi tu lui as raconte ca?... Brigitte. Parce que c'est la verite !... Bertrand. Voilä son grand mot!... La verite! Parce que madame ne dit que la verite! (a Brigitte.) N'est-ce pas ? Brigitte. Oui! (ä Lui.) C'est toi qui m'as dit qu'il fallait toujours la dire et que Jacqueline et toi vous disiez la verite a tout le monde !... Alors plu-töt qu'il l'apprenne par quelqu'un d'autre, j'ai prefers lui annoncer ga moi-meme! J'ai pense que ga 1'enerverait moins !... Bertrand (frappant les coussins da canape"). Que ca m'enerverait moins ? Non mais, ecoute-la !... Lui. Je ne fais que ga!,.. Brigitte. Jacqueline ne fait pas tant d'histoires !,.. Bertrand. Ali! oui parce que ta femme est parfaitement au courant! parait-il!... Ah!... vous ne man-quez pas d'air, toi et ta femme ! Car en plus de ga, tu couches avec ta bonne ! Lui. Queue dröle d'idee!... Bertrand (designant Brigitte). C'est elle qui me l'a dit !... Et c'est toi qui le lui as dit !... Et ta femme le sait aussi tres bien ! Tout le monde le sait ! D'ailleurs je ne sais pas de quoi je me mile parce que ta bonne a 1'air enchantee, ta femme est ravie... Lui. Et moi je suis tres content!... Alors... Bertrand. Alors j'ai appris aussi avec interet que ta femme regoit son amant pendant que toi et ta bonne... Ah! vous ne manquez pas d'air!... Enfin vous faites ce que vous voulez... Ca vous regar-de !... Mais en ce qui concerne Brigitte et toi, ga ne va pas se passer comme ga ! Lui. Pourquoi ? Bertrand. Pourquoi ?... Tu oses me demander pourquoi ? Et qu'est-ce que tu fais de mon amour-propre ? Lui. Tu en as ? Bertrand. Un peu oui! Lui. Mais qu'est-ce que c'est ? Bertrand. Je te previens que je vais frapper 3 Brigitte (criant). Cheri je t'en supplie... Bertrand. Toi... tais-toi ! Lui (qui est alle ouvrir ta parte du bureau). Jacqueline, tu veux laisser ton amant tout seul une seconde ! Voix de Elle. Oui! Pourquoi?... Brigitte. Tiens, tu entends ? ! Bertrand. Ca. il ne manque pas d'air!... Elle (entrant, ä Brigitte), Encore toi! Tu ne quittes plus la maison ! (Tendant la main a Bertrand.) Bonsoir, ga va ? Bertrand. Bonsoir ! Pas du tout! Elle. Pas du tout ? Pourquoi ga ?... Lui est allé sonner, sonnette intérieure. Lui. Eh bien! Figure-toi que Brigitte est allée lui raconter qu'elle et moi, enfin que nous... Elle (riant). Non ? Ce n'est pas possible ?... Bertrand. Si! Et il parait que tu trouves ga trěs bien ! Brigitte. Oui ! N'est-ce pas que ga fest egal ? Tu me 1'as dit toi-méme... Elle fa Bertrand). Elle est gentille ta femme... mais elle est idiote !... Brigitte. Idiote?... Pourquoi idiote?... C'est vous-mé-mes... tous les deux... Iä... qui m'avez dit qu'il fallait toujours dire... Bertrand. Tais-toi!... Bettina (entrant). Lc signore a encore sonné?... Lui. Oui !... Bettina. Je m'etais remise au lit!... Bertrand (á Lui). Elle ťattendait!... Lui. Ma petite Bettina est-ce que vous avez un amant ? Bettina (riant, génée). Oh! Signore!... Lui. Quoi ? « Oh Signore ». Ca ne veut rien dire ga, « Oh ! Signore ». Brigitte. Tu vas voir qu'elle va tout dire devant Jacqueline ! BertranD. Ca, il ne manque pas d'air !... Lui. Allons! Répondez!... Bertrand, Mais oui... Ne vous génez pas pour nous, allons !... Lui. Alors ! Oui ou non ? Bettina. Madama et le signore le sait bien que j'en ai un !... Bertrand. Eh ! bien maintenant, nous aussi, nous le Savons !... Tout le monde le sait!... Lui. Oui... mais... Est-ce que c'est moi qui suis votre amant ? Bettina. Toi?... Oh! non! Oh! bien sür que non!... Ce n'est pas toi Signore !... Elte rit. Lui (ä Bertrand). Tu vois bien que je ne suis pas son amant!... La meilleure preuve, c'est que ga la fait rire !... Elle. Mais tout de měme vous avez un amant!... Bettina. Ah! oui, mais je ne dors pas avec lui... (ä Bertrand.) Je ne dors avec personne avant le manage... moi... Je suis une jeune fille !.,. Bertrand (ä Brigitte). Tu entends?... Jeune fille!... Parce qu'en plus de ga eile est une jeune fille... Brigitte. Mais Bernard m'avait dit que... Elle. Vous pouvez aller vous coucher tranquillement, Bettina. Bettina. Si... si... Merci Madame... (ä Lui.) Oh ! Oh ! Oh ! Signore! (Sortant en jurant.) Ma questi fran-cesi, tutti matti ! Lui (a Elle). Eh! bien! tu vois, je suis ravi de sa-voir que nous avons ici une vierge italienne du seiziěme !... Les deux répliques suivantes ne seront prononcées par les acteurs que si les spectateurs n'ont pas compris la réplique de Lui. Bertrand. Du seiziéme ?... Lui. Arrondissement !... Bertrand. Ah! oui bien súr! Trés drôle !... Oui bon! Passe pour ta bonne! Mais en ce qui concerne Brigitte et toi !... Lui. Enfin demande ä Jacqueline! Je lui dis tout.., (ä Jacqueline.) Je te dis tout, n'est-ce pas ? Elle. Tout... Lui. Tu vois bien... alors... s'il y avait eu quelque chose entre ta femme et moi, je le lui aurais dit et elle le saurait, et eile te le dirait... Je te le dirais, on te le dirait... (A Jacqueline.) N'est-ce pas ? Elle. Mais bien sür!... (A Brigitte.) II ne faut pas raconter des mensonges comme ga ä ton mari, voyons !... Ca pourrait nous fächer!... Brigitte. Mais puisque c'est la vérité! Bertrand. Oui... oui... car rien ne me prouve qu'elle ne m'a pas dit la vérité! Lui. Enfin, que Brigitte vienne te dire qu'elle et moi, enfin... que nous avons... enfin, tu trouves que ga fait vrai?,,. Que c'est logique? Bertrand. Franchement non!... Je me disais aussi c'est bizarre !... Elle. Mais ce qui te prouve que c'est faux, c'est que si c'était vrai tu n'en aurais rien su!... Elle ne t'aurait rien dit, voyons !... Bertrand. Oui, évidemment! Evidemment!.,. Oui, mais alors pourquoi est-ce qu'elle m'a raconté ga ?... Elle. On ľa un peu poussée ! II faut bien de temps en temps inventer des histoires ! Lui, Oui, ga pimente l'existence !... Bertrand. Ca pimente Ah ! oui ! C'est ga ! Je com-prends !... Brigitte. Moi, je n'y comprends rien !... Bertrand. Evidemment que tu n'y comprends rien!... Tu ne comprends done pas qu'ils se sont servis de toi pour me faire marcher! Lui. Voilä !.,. Bertrand (riant). Mais oui! J'ai compris ! Toi avec Brigitte !... Alors que tu as une femme ravissante E Elle. N'est-ce pas! Lur. C'est ga !... Bertrand (riant). Oui! C'est ga ! Mais j'ai compris!... Vous m'avez bien fait marcher!... (ä Jacqueline.) C'est comme ton amant qui ťattend ä côté! Hein ?... Elle. Ah! Mais ga c'est vrai!... Mon amant est lä!... Tu veux le voir ?... Bertrand (se tordant). Voir ton amant ?.., Ah! mais oui!... C'est ga... Montre-moi ton amant! Elle (allant au bureau et appelant). Tu veux venir, Robert ! VoiX de Robert. Oui! Brigitte (ä Bertrand). Qu'est-ce que je te disais! Bertrand. Tais-toi !... Robert entre. Elle. Je te présente des amis... Brigitte et son mari !... Robert. Bonsoir Madame!... Brigitte. Bonsoir Monsieur!... Bertrand (se tordant). Bonsoir! Bonsoir!... Alors comme ga vous étes l'amant de Jacqueline ?... Robert. Mais oui ?... Naturellement!... Bertrand (id.). Naturellement! Et toi, tu trouves ga epatant ? !... Lul. Epatant ! Elle. D'ailleurs, il est tout ä fait normal que Bernard trouve ca tres bien, puisqu'il a une maitresse!... Bertrand (se tordant). Aussi ? Non? Ce n'est pas possible?... Vous n'allez pas me faire ca!... Lui. Mais si... mais si... Une vraie celle-lä!... Elle. Absolument vraie!... Tu veux la voir?... Bertrand (se tordant toujours). Ah! oui, ah! oui! Et comment !... Comme 9a je connaitrais toute la famille !... Elle (appelant). Vous voulez venir Mademoiselle? Voix de Jennifer. Oui... Madame!... Brigitte. Hein ? Tu vois ? Qu'est-ce qu'ils ont comme souffle ! ... Bertrand. Toi! tu nJas rien compris !... Brigitte. Mais c'est la verite!... Bertrand. Tais-toi!... Jennifer entre. Lui. Alors permettez-moi de vous presenter... Bertrand. Mais non... mais non... C'est inutile... Je sais qui est Mademoiselle!... Je le sais. (A Lui.) C'est ta maitresse hein ?... C'est bien ca!... Jennifer. Mais oui Monsieur... C'est ca... Bertr^nd (se tordant toujours). Ah! non, arretez... mes enfants... Arretez votre cirque ! Votre nuraero est tres au point, mais il va quand meme un petit peu loin!... II faut rester dans les limites possibles !... Brigitte. Mais c'est la verite !... Bertrand. Toi!... Tais-toi!... Tu devrais avoir honte de m'avoir fait marcher comme ca... (ä Elte et ä Lui.) Et vis-ä-vis de vous... de tous... maintenant, j'ai vraiment I'air idiot !... Lui. Enfin tu as ton air habituell... Bertrand (se tordant). Hein? Ouoi ? Comment? Ah! bon! Et finalement, il vaut mieux avoir l'air idiot que cocu, hein ?... Brigitte. Mais c'est la verite !... Bertrand. Ah ! toi ! assez avec ta verite ! II faudra que je me mefie parce que tu mens bien pour ton äge... que je puisse te croire quand tu me ra-contes des äneries pareilles... Tu mens... presque aussi bien qu'eux!... Lul C'est ce qu'il fallait pour que tu marches!... Alors sans rancune ?... Bertrand. Mais oui!... Bien sür!... Alors je vous Iais-se... (ä Elle.) Toi avec ton... (il se tord) et toi... (ä Lui) avec ta... Lui (designant Brigitte). C'est ca!... Et toi, tu em-menes ta !... Bertrand. Mais oui! C'est ga (ä Jennifer) alors. Mes hommages, mademoiselle, la maitresse... Jennifer. Bonsoir Monsieur ! Bertrand. Et mes respects, monsieur l'amant !... Robbrt. Bonsoir monsieur ! Bertrand. Bonsoir... bonsoir... (puis ä Brigitte.) Toi, avanoa !... // se tord. Brigitte. Mais moi je n'y comprends rien !... Bertrand (derribre Brigitte quand il s'arrete et se re- tourne vers eux). Eh ! bien viens ! (Vers eux.) Je vais lui expliquer I... 36 Lul. C'est ga, explique-Iui !... Bertrand (se tordant). Petit masochiste!... Its sont sortis. Lui. Merci de m'avoir tire de ce mauvais pas !... EllE. Je ne pouvais pas faire autrement! Lui. Pourquoi ? Elle. Eh! bien je ne voulais tout de meme pas avoir I'air d'etre ridicule... l'amour-propre, tu connais ? Lui. Ah! 5a oui, bien sur!... Bon... Alors! Ou en etions-nous ? Elle. Eh ! bien, Robert te disait que lui et moi... Lui. Ah! oui, c'est ca... (a Robert.) Done, vous etes toujours decide a epouser ma femme ?... Robert. Mais naturellement!.., Plus que jamais !... Lui. Bien... Bien... Je ne m'attendais pas du tout a ga, mais alors pas du tout !... Puisque vous etes dans ces dispositions, j'aimerais bien vous par-ler quelques instants en particulier !... Robert. A moi ?... Lui. Oui. (A Elle.) Si tu n'y vois pas d'inconvenients. Elle. Mais non ! Mais non !... Lui. N'est-ce pas, j'aimerais tout de meme savoir dans quelles mains roa femme va se retrouver!... Robert. Mais dans les miennes! ... Lui. Ah! oui!... Oui! ga bien sur je le sais! C'est justement pour ga que je voudrais avoir quelques precisions sur vos intentions... Elle. Mais nous vous laissons. Lul. Oh ! trois minutes suffiront... Elle. Meme cinq si tu veux puisque apres je l'aurai tout le temps ! Lui. Oui! Oui! C'est ga ! Eliii (a Robert). J'espere que tu seras a la hauteur ! ? Robert. Mais tu peux compter sur moi Elle. Je sais! (a Jennifer.) Venez Mademoiselle, j'aimerais beaucoup que vous m'expliquiez comment vous avez appris a parler le frangais sans accent... Jennifer. C'est tres simple ! J'ai toujours habits Paris !... Elles sortent bureau. Lui (a Robert). Asseyez-vous ! Robert. Oh! non... non... Ce n'est pas la peine, je prefere rester debout! Lui. Mais non, mais non! J'insiste ! Asseyez-vous ! Vous etes presque chez vous!... Robert (s'assied). Oh!... Lui. Au cas ou vous ne vous en seriez pas apergu, je tiens a vous dire que ma femme est une femme tout a fait exceptionnelle... Robert. Oh ! oui. Ca oui... je sais... C'est bien pour ga que... Lui (coupant). ...que vous l'avez detournee de son chemin... enfin de son chemin avec moi... Robert. C'est-a-dire que... Lui. Franchement ? Entre hommes ? Vous trouvez que c'est bien ? Robert. Mon Dieu... a dire vrai... Lui. Je suis de votre avis !... Ca manque un peu de classe et ce n'est pas joli joli!... Robert. Je sais bien !... Mais n'est-ce pas votre femme est tenement charmante, seduisante, fascinante !.,. (Lui fait un geste pour dire « je sais *.) ...que c'est un peu elle qui m'a entrains, enfin je me suis laisse empörter par mon elan, vers elle, pour elle... enfin vous comprenez... et puis quand j'ai realise que ma fagon d'agir vis-ä-vis de vous n'e-tait peut-etre pas... enfin pas tout ä fait... Lui- Pas tout ä fait tres propre?... Robert. Oui ! C'est ga ! Lui. H etait trop tard !... Robert. Oui c'est ga!... Lui. Mais si vous aviez ete quelqu'un... enfin quel-qu'un de bien... vous auriez dü y penser avant!... Robert. Oui c'est vrai!... Je le reconnais !... J'aurais dü ! Lui. Done en quelque sorte ! Vous reconnaissez que vous n'etes pas quelqu'un de bien?... Robert, Oui! Oui! en quelque sorte!,.. LUI. Alors ! Vous comprendrez facilement, qu'aimant ma femme comme je l'aime, j'he'site ä la laisser epouser quelqu'un qui reconnalt lui-meme qu'il n'est pas quelqu'un de bien ? Ca me parait logi-que! ?... Robert. Oui, oui, bien sür... Mais ecoutez Monsieur, comme vous avez l'air de penser, que je ne suis pas quelqu'un de bien, ga m'ennuie !... Lul Je vous comprends ! Robert. Et mon amour-propre m'oblige ä vous dire qui je suis... Enfin la verite ! Lui. Quelle verite ? Robert. Eh ! bien! Je ne suis pas l'amant de votre femme !... Lui. Comment dites-vous ?... Vous n'etes pas?... Robert. Non! Lui. Non ?... Robert. Non ! !... Lui. Mais pourtant vous m'avez demande de l'epou- ser ? !... Robert. C'est votre femme qui a insiste pour que je vous le dise. Lui. Parce que vous, vous ne voulez pas vraiment ?... Robert. Non ! C'est elle qui ne veut pas ! Lui. Ah! bon! je prefere ga! Vous m'ötez un poids... parce que vous etiez un amant... enfin tres presentable !.,. Robert. Oui! J'aurais pu l'etre !... II ne tenait qu'ä votre femme! Mais elle a resiste!... Lul Comme la chevre de M. Seguin ? Robert. Exactement! Mais votre femme, elle, n'a pas succombe ! Elle vous aime!... Lui. C'est vrai ? Robert. Ma parole d'honneur ! Lul. Je vous prie de m'excuser... Je retire ce que je vous ai dit!... Puisque vous n'etes pas l'amant de ma femme, alors vous etes quelqu'un de tres bien !... Robert. Vous etes trop aimable !,.. Lui. Je vous en prie ! Mais bien sür... Je comprends !... Je comprends pourquoi elle a voulu que vous me demandiez sa main !.,. Robert. Oui ? Lui. Par amour-propre. Monsieur, vis-ä-vis de moi et de ma maitresse... Pour ne pas etre en reste en somrae !... Robert. Ah ! oui oui c'est ga !... Mais alors pour me-nager son amour-propre je vous demanderai Monsieur... Lul. De ne pas lui dire que vous m'avez dit la verite ?... Robert. Voila c'est ga! Pour qu'elle continue ä penser que vous croyez que je suis son amant! Lui. Vous pouvez compter sur moi !... Robert. Merci! Lul Je ne le lui dirai jamais, puisque maintenant j'ai sur elle un enorme avantage !... Robert. Lequel ?... Lui. Eh ! bien, ma femme n'a pas d'amant, mais elle ne sait pas, que je le sais!... Elle (entrant suivie de Jennifer). Alors ?... (Cräneuse.) Est-ce que mon amant te parait susceptible de faire un man convenable ? Lui. Mais, avec tout ce qu'il vient de me raconter, en effet, il me parait etre!... Simplement... il y a encore quelques petites questions d'ordre materiel que je voudrais lui poser... Juste pour savoir si Monsieur est dispose ä satisfaire tes goüts de luxe... 1 i EllE. Mais il sait que je travaille !... Je pourrai appor-ter mes ressources ä notre nouveau menage... Comme je le faisais au notre!... LUI- Ah ! oui c'est exact, je n'avais pas pense ä ca!... (ä Robert.) Car non seulement vous me prenez ma femme, mais vous me prenez ses revenus avec! Robert. Je suis confus !... Lui. Venez par Iä... (II le fait passer devant lui vers le bureau.) Alors si je comprends bien, vous coti- sez pour une retraite des cadres ?... Robert. Oui... oui... c'est ga! Its sont sortis bureau. Elle (se sert, riant, a Jennifer). Qu'est-ce que vous prenez ? Jennifer (riant aussi). Comme vous ! EllE. Je veux que nous buvions ensemble! Alors comme ga il continuait ä jouer au poker tous les jours ? Jennifer. Mais oui! Bien sür!... II avait simplement donne la consigne de vous dire qu'il ne venait plus ! Elle. Ah ! C'est ga... Mais c'est incroyable... extraordinaire... Tellement merveilleux que je n'arrive pas ä vous croire... Alors vous l'avez rencontre ä ro.N.u. ? Jennifer. Non! Pas du tout! Mon metier d'interprete me laisse beaucoup de liberie !... II y a rarement des discours importants ä l'O.N.U. ! Et je prends des cours de comedie... Elle. Ah ! Bon ?... Jennifer. Oui... Et c'est en sortant d'un de ces cours, que... Elle. Mais qu'est-ce que mon mari faisait lä ?... Jennifer. Eh! bien, justement, il cherchait une jeune femme pour etre sa maitresse. J'ai accepte... Ca m'amusait de jouer ce role, mais mon fiance' est Irlandais et ga l'amusait moms ! Et si je ne vous avais pas rencontree, j'aurais dü dire, ce soir ä votre mari, que ga ne pouvait pas durer !... Elle. Alors il n'y a rien eu, absolument rien entre vous deux ? Jennifer. Absolument rien!... On ne gäche pas sa vie privee pour une comedie, n'est-ce pas ?... ELI.e. Je vous remercie de votre franchise! Jennifer. Mais je vous demanderai alors, de ne pas dire ä votre mari que vous savez que je ne suis rien pour lui!... Elle. Vous pouvez compter sur moi! Je menagerai son amour-propre, puisque j'ai l'enorme avantage de savoir qu'il n'a pas de maitresse, mais que lui ne sait pas que je le sais !... Jennifer. Merci madame. Lui f entrant suivi de Robert). Eh ! bien voilä ! Nous venons monsieur et moi d'arriver ä une conclusion !... Elle. Ah ! oui, laquelle ? Lui. Eh ! bien que notre divorce n'etait peut-etre pas immediatement necessaire!... Elle (ä Robert). C'est vrai ? Robert. Oui! Elle. Eh ! bien c'est dröle, parce que nous etions arrivees ä cette meme conclusion avec Mademoiselle... (ä Jennifer.) N'est-ce pas?... Jennifer. Oui, c'est tres dröle ! Iis rient tous les quatre, et s'arretent bmsquement. Elle (ä Jennifer). Alors vous viendrez prendre le the ici !... Nous deviendrons des amies... et je vous apprendrai ä connaitre mieux mon mari, n'est-ce pas ? Jennifer. Oui ! Volontiers ! Lui (ä Robert). Et moi, ä vous faire mieux connaitre ma femme! Dans le fond cJest tres bien de se dire la verite! (Disignant Robert.) Je connais Monsieur, tu connais Mademoiselle... Nous savons ä quoi nous en tenir et ä qui nous avons ä faire !... Elle. Et nous sommes assez evolues pour vivre encore quelque temps dans cette situation, toi avec deux femmes... Lui. Et toi avec deux hommes ! C'est exactement ce que je pense! Jennifer (ä Elle). Bon ! Eh! bien, je suis tres heureuse d'avoir fait votre connaissance... Elle. Mais moi aussi... Comme maitresse pour mon mari, je pense que je ne pourrai pas souhaiter mieux que vous ! LUI (regardant Robert). Je pense exactement la memo chose ä votre sujet! Simplement n'oubliez pas notre force de frappe !... Robert. Comment ca !... Lui. Ne delaissez pas trop souvent Saclay!... Robert. J'y penseraü... Lui (ä Jennifer). Je fais telephoner pour te faire ve- nir im taxi !... Robert. Oh! Je peux raccompagner Mademoiselle... (ä Jennifer) si eile veut ! Jennifer. Oui, volontiers. Ellh (ä Jennifer). Alors vous me telephonerez ?... Jeknifer. Oui! Oui... bien sür !... Ellb (ä Robert). Alors ä lundi apres-midi... Robert. Oui... c'est ca ! Au revoir Jacqueline... Baise-mam. Lui (a Robert). Est-ce que vous savez jouer au poker ? Robert. Non, pas du tout! Lui. Ah! C'est une lacune !... Ma femme adore ca!... Quand vous viendrez la voir, nous prendrons rendezvous pour que je vous apprenne!... Robert. J'y compte bien ! Lur (a Jennifer). Nous, nous nous verrons demain, n'est-ce pas ?... Jennifer. Oui c'est ca ! A demain ! lis sortent. Lui (va se serv'ir un verre). Eh! bien, tu vois ! Nous sommes a egalite! EllE. Oui c'est vrai! Tu as eu raison de provoquer ces rencontres... Comme ca... ca ne te genera plus que mon amant vienne ici !... Lui. Non! Puisque ma maitresse viendra elle aussi!... Simplement il faudra que nous choisissions nos jours ici. Un jour pour toi, un jour pour moi... EllE. Peut-etre pas aussi souvent ?... Lui. Non peut-etre pas!... Elle. Disons une fois par semaine chacun ?... Lui. Oui c'est ca!... Ou une fois par mois ? I Elle. Oui! Mais si nous espacons comme ca, nous finirons peut-etre par ne plus les aimer... Lui. Ah ! ca oui, peut-etre... Mais si nous ne les ai-mons plus, alors nous arrivons peut-etre a nous en passer !... Elle. A nous en passer completement ?... Lui. Oui !... Pourquoi pas ? Elle. Tu t'en passerais completement ? ! Lui. Oui! Si toi, tu t'en passais completement!... Elle. En somme, il faudrait qu'on s'en passe completement tous les deux!... Lui. C'est ga ! Completement tous les deux! Elle. On pourrait essayer d'y arriver I... Lui. Oui... on pourrait essayer d'y arriver!... Elle. Ca ne serait pas si mal si on y arrivait !... Lui. Oui ! Ce serait meme bien !... Elle. Ce serait meme tres bien !... Mais alors est-ce que tu me pardonnerais ?... Lui. Oh! oui!... Si toi tu me pardonnais, moi je te pardonnerais !... Elle. Eh ! bien ecoute!... Je ne te promets rien, mais je vais essayer de te pardonner... Lui. Alors je suis beau joueur !,.. Si tu essaies de me pardonner... Moi aussi je vais essayer de te pardonner... EllE. Je t'adore ! Et its sont dans les bras Vun de Vautre, tandis que descend le... RIDEAU L'AMOUR PROPRE POUR CONSERVER SOUS RELIURE I'AVANT-SCENE El 1'ANTHOLOCIE DU CINEMA iisttons a la disposition de noa abonnes des reliures modele bibliotheapie . et das grenat, pour recevoir 12 numeros. Nous avec Collection THEATRE, un an : 20 F {Etranger : 19 F) franco Collection CINEMA. un an : 11 F (Etranger : 10 F) franco Collection ANTHOLOGIE DU CINEMA, un an : 10 F (Etranger : 8 F) Iranco 27, rue Sainl-Andre-des-Arts, Paris-VI'. De preterence : C.C.P. Paris 7353-00 38 Avec sa comedie Boeing-Boeing, Marc Camotetti a battu tous les records de duree (et de rtcettes) de l'apres-guerre. Elte se joue sans desemparer depuis pres de dix ans ä la Comedie Cau-tnartin et a, dejä, distance ses rivales en longevite comme Patate, de Marcel Achard, et La petite Hutte, d'Andre Rous sin. La piece a, encore, tenu I'affiche cinq ans ä Londres et elle se joue partout, ä trovers le monde. de Rome ä Vienne, de Berlin A Äthanes et Madrid. Consecration supreme, Hollywood en a tire' un film avec Jerry Lewis. Apres une telle reussite, Marc Comoletti se devait de pron-ver qu'il ne s'agissait pas d'un fait isole. Avec L'amour propre, il y est parvenu. Question d'amour-propre... JEAN-JACQUES GAUTIER Mouvement, mouvement, mouvemeni... Marc Camoletti est l'auteur de Boeing-Boeing, c'est assez dire qu'il est l'homme d'un theatre comique ou les situations jouent le principal role, le role essentiel; des situations dont la premiere tient en equilibre avec l'assentiment du public, parce qu'il faut bien commencer par quelque chose, fut-ce par un postulat ; et puis, de cette situation, en decoule une autre, par la grace, au besoin, d'un petit coup de pouce de l'auteur, et cette seconde situation fait rire le spectateur. Des lors, l'accord devient de la connivence, d'autant plus que, de place en place, a intervalles reguliers, un mot, un mot de theatre, vient provoquer a point nomme l'hilarit£ de la salle. A partir de la, les combinaisons vaudevilles ques vont s'ajouter les unes aux au-tres. L'echafaudage monte. Nous sommes en plei-ns escalade. A 1'enchevetrement succede la cascade des entrees et des sorties. La porte s'ou-vre, et ce n'est jamais celui qu'on attend {que les personnages attendent), qui entre. On sonne, et celJe qui arrive n'est pas celle que les heros se preparaient a accueillir. Nous, si, on sait. Mais cela fait partie du jeu. Peripeties, mots, quiproquos, reflexions, rebondissements, bouta-des, contrecoups, repliques — et mouvement, mouvement, mouvement... (Le Figaro) JEAN MARA Desopilante partie carree L'amour est comme la lune. Quand il ne croit, il decroit. Celui de Philippe Nicaud et de Claude Gensac, maries depuis dix ans, en est appa-remment a son dernier quartier. Madame apprend que Monsieur n'a pas para depuis quinze jours au club oil il pretend passer ses soirees. Ce soir-la, elle lui demande d'ou il vient. « Je vais bien t'etonner, lui dit-il. J'etais chez ma maitresse ! ». * L'amour n'y est pour rien, c'est une liaison d'amour-propre, precise Monsieur. II est de no-toriete publique dans notre rue, qu'en mon absence, tu recois chaque apres-midi ton amant Cela blesse mon amour-propre. J'ai done pris une maitresse pour retablir l'equilibre. » Madame ayant avoue l'amant, ils conviennent de se presenter leur partenaire reciproque. Amant et maitresse, croyant individuellement a un tete-a-tete, accourront et seront ebaubis de rencontrer a la fois, le mari de leur maitresse et la maitresse du mari de leur maitresse, ou la femme de leur amant et l'amant de la femme de leur amant. Deux personnages inatten-dus ajouteront a la cocasserie de la situation. Les quiproquos et les meprises se sucedderont en cascade jusqu'k la fin (morale) de cette desopilante partie carree, imaginee par Marc Camoletti, et vivement enlevee par Philippe Nicaud et Claude Gensac, irresistibles, a la tete de se-millants comediens rompus a ce genre de plai-santerie de Boulevard. fMinute) 39 GABRIEL MARCEL Un amusement constant M. Marc Camoletti, l'heureux auteur de Boeing-Boeing, vient de remporter un nouveau succes, cette fois au theatre Edouard-VII, avec L'Amour-propre, une des comedies de boulevard les plus plaisantes que nous ayons vues depuis quelque temps. En introduisant le motif de l'amour-pro-pre dans ce qui n'aurait pu etre qu'une tres banale histoire de coucheries, l'auteur a epar-gne ä sa piece le risque d'insipidite absolue au-quel sont trop souvent exposes les ouvrages de cette sorte. Nous avons suivi le developpement de Taction avec un amusement constant. Seul le denouement me parait critiquable, parce qu'il change retrospectivement la comedie en bluette. La piece est servie par de brillants interpretes. Le couple forme par Philippe Nicaud et Claude Gensac a evoque pour moi celui d'Andre1 Luguet et de Suzy Prim (e'etait, me semble-t-il, dans Les Amants terribles de Noel Coward). Tous deux ont beaucoup d'entrain et d'esprit, et Catherine Hiegel a campe de -fafon tres amüsante le personnage de Brigitte, une ahurie, une gaf-feuse. (Les Nouvellcs Littiraires) Une gentille soiree Une tres honnete comedie de boulevard. Signee dc Marc Camoletti, l'auteur de Boeing-Boeing, cet inusable vaudeville. On a plaisir a saluer en Camoletti un auteur qui connait admirable-ment son metier et qui bannit de ses pieces toute vulgarite. « L'amour-propre » comporte une excellente idee de depart un bon chapelet da repliques droles et deux comediens tres en verve, Nicaud et Claude Gensac qui ont beau-coup de presence et de charme. Une gentille soiree. (Paris-Match) JACQUELINE CARTIER Une distribution fort brillante On rit comme ä toute scene de menage mais en se demandant ce qui va en sortir, quand le deuxieme acte dömarre sur les chapeaux de roues, L'auteur de Boeing-Boeing remontre le bout de son oreille. Arrive l'amant, puis une maitresse qu'on n'attendait pas, puis celle qu'on attendait mais qui se prete ä une comidie im-prevue. Tout ce monde ment ou dit la vörit^ ä contretemps jusqu'ä creer l'imbroglio qui se denoue dans la tradition au final. Camoletti, metteur en scene, a su reunir une distribution fort brillante. Claude Gensac et Philippe Nicaud ont pour victimes Bernard Worin ger, dont la haute taille est ideale pour jouer les messieurs genes ; Michele Grellier, bien spirituelle Anglaise; Jacques Balutin, mari ba-lourd, et Catherine Hiegel, une nature etonnante de drölerie. (France-Soir)