Article réservé aux abonnés L'équipe du président Havel vient tout juste de gagner quelque répit dans la crise des nationalismes qui menace d'éclatement l'Etat tchécoslovaque. Au terme d'une réunion marathon, les trois premiers ministres du pays _ le chef du gouvernement fédéral, M. Marian Calfa, et ceux des deux gouvernements nationaux, le Tchèque Petr Pithart et le Slovaque Vladimir Meciar, se sont mis d'accord mardi 13 novembre sur un projet de loi constitutionnelle répartissant les compétences entre le pouvoir central et les deux républiques fédérées. Mais la crise pourrait bien n'être qu'ajournée, puisque ce projet est maintenant soumis aux trois gouvernements pour examen approfondi, et les Slovaques font déjà part de leurs critiques. Un premier projet d'accord, conclu le 5 novembre, avait dû être abandonné sous la pression de plusieurs ministres fédéraux. Le nationalisme slovaque est devenu ces derniers mois l'un des plus gros dangers pour l'équipe au pouvoir à Prague, d'autant plus difficile à maîtriser que la coalition de Bratislava est loin d'être homogène. Pour ne rien arranger, l'activisme slovaque a eu un e�et d'entraînement sur les pays tchèques (Bohême et surtout Moravie), où l'on s'est mis à avancer des revendications face au pouvoir central, pour faire le pendant aux Slovaques, qui ne constituent après tout qu'un tiers de la population. Une visite de trois jours du président Havel, début novembre, en Slovaquie n'a pas permis de désamorcer complètement les tensions. Selon les derniers sondages, à l'approche des élections municipales prévues les 23 et 24 novembre, le Parti national slovaque a largement dépassé l'équivalent slovaque du Forum civique tchèque, Public contre la Violence. L'ascension de Vaclav Klaus Le " château ", où siège le président Havel, toujours bien-aimé quoiqu'il ne soit plus à l'abri des critiques, étudierait, selon l'un de ses collaborateurs cité par l'agence UPI, un projet de fédération en cinq républiques : Bohême, Moravie, Silésie pour les pays Tchèques, Slovaquie orientale et Slovaquie occidentale pour les Slovaques. Mais, pour l'heure, on en est encore au spectacle d'un premier ministre fédéral énonçant à la télévision les dix domaines de compétence que le pouvoir central se doit de conserver si " l'Etat veut être un Etat ". Le grand quotidien Lidove Noviny, proche de l'équipe de Vaclav Havel, s'élevait cette semaine contre les projets de création d'un système fédéral " n'existant nulle part ailleurs ". L'autre dé� pour le président Havel relève davantage de la politique politicienne, à laquelle les intellectuels au pouvoir dans les jeunes démocraties d'Europe centrale n'échappent pas. Alourdis par la conjoncture internationale, de gros nuages s'amoncellent sur l'horizon économique tchécoslovaque, annonciateurs de sérieux remous sociaux. " Pour a�ronter cela, il nous faut un soutien solide au Parlement, dans la presse et au sein du public, et en ce sens, la récente élection de Vaclav Klaus (le ministre des �nances) à la tête du Forum civique peut nous être utile ", estime M. Vladimir Dlouhy, ministre de l'économie et principal artisan, avec M. Klaus, des réformes économiques. Mais même Vladimir Dlouhy, pourtant très proche de Vaclav Klaus dont il fut l'étudiant, avoue avoir eu des " sentiments mitigés " à l'égard de son élection au poste de président du mouvement fondé il y a un an par Vaclav Havel. Exprimée avec moult précautions, mais partagée par de nombreux dirigeants à Prague, sa crainte est que M. Klaus ne se contente pas de diriger un mouvement de soutien à la réforme économique : l'ambitieux ministre des �nances est en e�et fortement soupçonné de vouloir transformer le Forum civique en un grand parti conservateur, qui deviendrait ARCHIVES TCHÉCOSLOVAQUIE : un an après la " révolution de velours " Anniversaire sans illusions à Prague Les étudiants tchécoslovaques, qui furent le 17 novembre 1989 les courageux initiateurs de la " révolution de velours ", ont décidé de ne pas célébrer le premier anniversaire du déclenchement de la révolution. Leur désillusion illustre le climat qui règne à Prague et à Bratislava, face aux multiples obstacles dressés sur la route de la nouvelle " République fédérative tchèque et slovaque ". Publié le 17 novembre 1990 à 00h00 - Mis à jour le 17 novembre 1990 à 00h00 TCHÉCOSLOVAQUIE : un an après la " révoluti... https://www.lemonde.fr/archives/article/1990/1... 1 sur 2 26/09/2019 à 20:09 l'instrument de sa propre ascension politique. Vaclav Klaus commence ainsi à faire �gure de challenger dans le paysage politique praguois, exclusivement dominé depuis un an par Vaclav Havel. Les deux Vaclav di�èrent pratiquement en tout : Havel est un homme de lettres, opposant de la première heure, militant des droits de l'homme et à ce titre habitué des geôles communistes, alors que Klaus est un technicien de l'économie, seul domaine dans lequel il ait manifesté son opposition à l'ancien régime. Après avoir travaillé à la Banque nationale, Vaclav Klaus devient chercheur à l'Institut de prévision économique qui, à la �n des années 80, se révéla un foyer de contestation ; mais il n'avait jamais adhéré, par exemple, à la Charte 77. Dès les premiers jours de la " révolution de velours ", il participe activement à l'équipe de Vaclav Havel au Forum civique ; pourtant, les deux hommes ont peu d'atomes crochus. Monétariste convaincu, ne réfutant pas le quali�catif de " thatchérien ", M. Klaus s'embarrasse moins, par exemple, des conséquences sociales du passage à l'économie de marché que M. Havel. Récemment cependant, selon un haut responsable, le président Havel, qui était plus proche sur ce point des conceptions socialisantes des économistes du " printemps de Prague ", s'est rapproché des thèses de M. Klaus. Reste que le milieu des anciens dissidents de la Charte 77 assiste avec quelque appréhension au virage à droite du Forum civique _ les groupes de " gauche ", comme celui de Petr Uhl, en ont été écartés _ et à sa reprise en main par un " technocrate ". D'autres font valoir que la Tchécoslovaquie a sans doute davantage besoin dans l'immédiat d'un ministre des �nances fort que d'un politicien aux dents longues. D'autres, encore, s'interrogent sur les chances de succès d'un vrai parti de droite : " Ce que les gens attendent en pays tchèques, où la tradition protestante a marqué les mentalités, ce n'est pas un parti conservateur mais un parti libéral ", estime M. Dlouhy. M. Havel, lui, ne dit rien pour l'instant. TCHÉCOSLOVAQUIE : un an après la " révoluti... https://www.lemonde.fr/archives/article/1990/1... 2 sur 2 26/09/2019 à 20:09