CONJUGAISONS ET INTERROGATIONS I CONJUGAISONS ET INTERROGATIONS II J irai je n'irai pas firai je n'irai pas Je reviendrai Est-ce que je reviendrai ? Je reviendrai je ne reviendrai pas Pourtant je partirai (serais-je deja parti ?) Parti reviendrai-je ? Et si je partais ? Et si je ne partais pas ? Et si je ne revenais pas ? Elle est partie. elle ! Elle est bien partie Elle ne revient pas. Est-ce quelle reviendra ? Je ne crois pas Je ne crois pas quelle revienne Toi. tu es la Est-ee que tu es la ? Quelquefois tu n'es pas la. lis sen vont, eux. lis vont ils viennent lis partent ils ne partem pas ils reviennent ils ne reviennent plus Si je partais, est-ce qu'ils reviendraient ? Si je restais, est-ce qu'ils partiraient ? Si je pars, est-ce que tu pars ? Est-ce que nous allons partir ? Est-ce que nous allons rester ? Est-ce que nous allons partir ? Nous restons oil nous sommes Nous restons oil nous sommes arrives. Pourtant nous ne restons pas la oil nous sommes Nous ne restons pas oil nous sommes arrives. La oil nous sommes tantot nous restons, tantot non. La oil nous ne sommes pas arrives, tantot nous restons tantot nous ne restons pas (nous partons). La oil nous sommes venus il se peut Que nous restions il se peut que nous ne restions pas. La oil tu es venu, resteras-tu ? Ne cesseras-tu de partir, au lieu d'arriver, de rester ? Ne f'iniras-tu pas d'arriver et tantot de rester et tantot de partir ? Toi qui restes, penses-tu ne jamais partir ? Toi qui pars, saurais-tu, pourrais-tu rester ou revenir ? Est-il possible a la fois de rester de partir, de ne pas rester de ne pas partir ? 24 25 Tout est dissemblable tout se ressemble ce qui part ce qui reste ce qui est ce qui n'est pas Ce que Fon dit a trop de sens n'a pas de sens. QUELQUES MOTS SENS DESSUS DESSOUS Negation Pleuvoir n'est pas mentir Sauver n'est pas dissoudre Gravir n'est pas renaitre L'ombre n'est pas le cheval Le regard n'est pas le torrent Le portail n'est pas la surprise Le couperet n'est pas la chambre Affirmation L'ombre c'est pleuvoir Mentir c'est le regard La surprise c'est la chambre Le portail c'est le couperet Gravir c'est sauver c'est renaitre Je ferai pleuvoir l'ombre et le regard mentir quand nos pas dans la chambre seront le couperet. 26 27 COLLOQUE DE SOURDS Je sortirai de moi-meme. Oui je partirai. Je porterai secours. Je me sacrifierai. Si tu choisis (meme le bien, meme la paix) tu engendres le massacre. Vois ce visage de femme Ecoute la musique Rejouis-toi des couleurs! La mart est dans nos racines; sans elle, rien ne vit. Jaime la verite. J'irai au bout du vrai. Es-tu bien sur de toi? Une goutte de mensonge au fond du verre et toute I'eau est empoisonnee. 49 Pourtant j'exerce la parole : elle est mouvement pur, par elle je m'envole. L'univers est sourd, aveugh muet. Son silence est intradu sible. 50 QUE ET QUE (Testament leger) Je sais que j'attends que l'heure s'ajoute a l'heure et m'enleve je ne resisterai pas. Sur les pres et sur les dunes les poulains les goelands auront leur part de Vitesse de lumiere derepos. Enfin je ressemblerai a ce qui m'anima, des l'origine de ma vie : moitie soleil moitie ombre, victorieux et defait. PETITE FLAMME Petite flamme ťéteindras-tu ? — Oui s'il pleut s'il vente ^» Et s'il fait beau ? ' A — Le soleil suffit, rien ne brille ^» f» Et s'il fait nuit ? ^ — S'il fait nuit, dort tout le monde | On n'y voit goutte. ^0 Done ä la fin, de toute maniere la petite flamme s'éteint. 82 83 Les beaux metiers IV LE TEMPS L'HORLOGE L'autre jour j'ecoutais le temps qui passait dans I'horloge. Chaines, battants et rouages il faisait plus de bruit que. cent au clocher du village et mon ame en etait contente. Tainte mieux le temps s'il se montre que s'il passe en nous sans bruit comme un voleur dans la nuit. A A LE COMMISSAIRE-PRISEUR (Vetu de sombre. Cravate claire. Correct. un peu raide, le visage impenetrable. Perem; -toire, solenneL, mais pressant. Finalement w. coup de marteau irrevocable.) lei. Pas ä gauche. Pas ä droite ni au fond Je dis je repete : ici Ni la-bas, ni au-dessus ni en dessous Ici, e'est ici : je repete e'est ici, ni la, ni la-bas, ni plus loin. Pas ä droite ? Pas ä gauche ? Monsieur? Madame ? Ici, pas la, pas la-bas ? \i ä gauche ni ä droite ni au fond ? Je repete. Attention ! Attention ! Je repete ni ä droite ni au fond. Je vais adjuger. Alors ? Alors ? C'est bien vu, bien entendu, jadjutr'- ' Allons allons depechons-nous ! Monsieur, non ? Madame, non ? Une fois, deux fois Une fois deux fois trois fois, j'adjuge?... Adjuge ! NEIGE SOLEIL Blanc bleu blane dans le bleu pále et blane dans le bleu Bleu pále je dors bleu päle je veille bleu de soleil je suis je vis Je vois je parle j'entends je suis mille eent mille par le blane par le bleu pále éelatant ehaleur mon front les yeux fermés Veiller dormir souf'frir ébloui bleu dans les branches blane sous le ciel blanche et bleue la montagne. Joyeux le train court vers le terme tout s'aff'irme et s'enfuit. Sans eette mort comment vivre ? Sous mes pas quel espace ? Sans cet instant quel destin ? Le blane ľombre bleue dieux visibles dieux périssables 95 pourbrülermestenebres Une seco^e Je suis fait de mille fenetres ouvertes au blanc au bleu ä leurs jeux aux feux multiples aux couleurs aux ombres (les chocs sourds le rythme connu) fu sable a la neige au soleil amon defi ä ma mortamon silence sources cachees sous les mots. Le blanc le bleu, ce que je vois je e vois, ce que je suis je le suis contre toute entrave ecro.s je crains j'aime ce que j'entends jaime ce rythme sans figure. 1 ant qu'il bat mon cceur bat ie vais oü je vais je vis je meurs ecroisatout ce que je crois neme au prestige devorant. e suis je vis Iongeant ma mort elebrant un temps menace hantant la gloire d'un souffle 2 te cheris neige tombee lanche et bleue ui me brule m'illumine : dejä disparais ans le terrible re l soleil. (Train Paris-Milan. Jour d'hiver 1963). 96 COMPLAINTE DU VERBE ETRE Je serai je ne serai plus je serai ce caillou toi tu seras moi je serai je ne serai plus quand tu ne seras plus tu seras ce caillou. Quand tu seras ce caillou c'est dejä comme si tu etais n'etais plus, j'aurai perdu tu as perdu j'ai perdu d'avance. Je suis dejä dejä cette pierre trouee qui n'entend pas qui ne voit pas ne bouge plus. Bientot hier demain tout de suite dejä je suis j'etais je serai cet objet trouve inerte oublie sous les decombres ou dans le feu ou l'herbe froide ou dans la flaque d'eau, pierre poreuse qui simule un murmure ou siffle et qui se tait. Par Feau par F ombre et par le soleil submerge objet sans yeux sans levres noir sur blanc (l'ceil mi-clos pour faire rire ou une seule dent pour faire peur) j'etais je serai je suis dejä la pierre solitaire oubliee lä le mot le seul sans fin toujours le meme ressasse. 117 COMPTINE DES CIVILISATIONS Pigeon vole voici voila voici la veuve voilee harpe des douleurs fleurie et transpercee Vierge ou Niobe. Voici voila en la arena le taureau qui s'est arrete il ne sera pas mis a mort le public le torero dans un verre d'eau se sont noyes. Pigeon hibou vautour vole vol a l'immensite un femur renverse un osselet de pierre pour prier pour siffler. Le Sphinx Janus Uranus je ne sais quels dieux trouves abandonnes oublies Les ruines l'ossuaire civilisations eteintes les cites imaginaires inhumaine verite bien au-delä de la Terre s'endorment dans les stellaires monasteres ministeres cimetieres. Poussiere poussiere poussiere lumiere desert etoile. inconnus mais reveres. OGRE CHANGE EN RONCES SIRE VAUTOUR DAME PELICAN Sa colere sans cause vieillesse qui se venge injustes soupgons je le regarde, il m'observe : son nez de condottiere son ceil aigu et froid me font peur, je suis sa proie. Mais si je penche la tete, ä travers ce furieux la ronce et la feuille se montrent transparent il se mue en buisson epineux (ce n'est pas moins menagant Tceil est toujours dangereux). Ogres immenses, dissimules dans le dessin des choses, rosiers rebus feroces ä craindre, ä dechiffrer. La race des vautours en cape de soir se perd et si Madame (nee Pelican) sous une jupe longue montre sa gorge a demi nue, je vois onduler sur sa hanche une echarpe de flammes. Deja le pied fourchu de l'Ennemi des hommes pointe perilleusement. La nacelle qui les porte (une tete renversee) s'eleve avec la fumee. 124 125 Ordre et désordre i. Qui a raison ordre ou désordre ? Ni ľun ni ľautre et tous les deux. Ce qui m'echappe n'a pas de nom. 139