L'AMOUR-PROPRE (Texte integral) acte ■ Un salon. A la cour, premier plan, un canape avec una petite table devant, Un telephone. 2m' plan cour un meubte. 3mt plan une grande fenitre. Avant la fenetre, une sonnette murale. Premier plan jardin une porta donnant sur le bureau. Deuxieme plan jardin un bar, plantes, etc. Au fond, parallele ä la ratnpe, un praticable de 2 ou 3 marches. Sur ce praticable, la pone d'en-trde, au fond. Cöte jardin une porte donnant sur le reste de l'appartement, ou ä la rigueur une ouverture avec une amorce d'escalier. Mobilier tr&s confortable, comma Vatmosphere generate. C'est la fin de la journee. Les lampes sont alki-mies. La scene est vide. Le tiliphone sonne. Bettina entre du plan jardin praticable. Bettina (eile a un fort accent Italien). Pronto? Oui ? De la part de qui ? Ah ? E personnal ?.., Bene. No Signor Personnal... La maitresse n'est pas la... (La porte d'entrie s'ouvra et Elle entre.) Momente. Je crois que la maitresse arriva... Si... Si... Ne quitte pas.., C'est la maitresse qui est lä... Elle, Encore ? Bettina. Perque « encora », maitresse ? Elle. Mais depuis une semaine que vous etes ici, je vous ai deja dit cent fois que vous n'etes plus en Italic*!... Bettina. Ah ! si lo so maitresse!... Ellb. Et je ne suis pas « maitresse ».,. Bettina. Ah.„ oui si... C'est vrai... J'avais oublie encora !... Elle. Ah !... Vous voyez... Ici, je suis « Madame ». Bettina. Si signora... si... Je veux dire... Oui Madaraa... Elle. Voilä c'est 5a... Madama.,. Et ne l'oubliez plus... Bettina. Oh ! non, ma... madama... Est-ce que la madama veut que jc passa a communicazionne dans sa camera ?.,. Elle. Non... Je vais la prendre ici... Qui est-ce ? Bettina. C'est un signor Personnal, pour toi, madama... Elle. Et ne me tutoyez plus... Bettina. Ah ! oui. Si!... Ca c'est vrai !... Elle. Dis-moi... Dites-moi : « C'est pour vous Madame ». Bettina. Si... Si. E pour vous... Alora... (Ddsignant le teliphone.) La prendi qui ?... Elle. Oui. Merci Bettina... Bettina. Va bene... Madama. Elte reste lä. Elle. Eh ! bien,.. Allez! Bettina. Qui ?... Io ?... Elle. Oui! bien sür!,.. Vous!... AHez! Bettina. Ma je voulais demander quelque chose a la mal... tt la madama !... Elle. Oui ?... Eh ! bien, tout a l'heure i... Bettina. Alors quand le telephono est finito, je peux parier ä la madama ?,.. Elle. C'est ca l. (Bettina s'assied.) Eh! bien, qu'est-ce que vous attendez ?... Bettina. J'attends pour savoir quand le telephono fini... Elle. Mais non voyons!... Je vous appellerai! Bettina, Ah! Bon... Alora quand tu auras fini, tu m'appelles madama ?... Elle. C'est ca... Voila... Je te sonnerai... Bettina. Alora.,. Va bene... Elle sort ä regret par oil elle etait entrie. Elle (au telephone). Alio ?... Qui est ä I'appareil ?... Ah! C'est toi?! Mais oui,.. Oui je sais... Je sais que je devais t'appelcr mais... je n'ai pas trouve de taxi... et je suis arrivee en retard chez le coiffeur... J'ai dü attendre... J'ai voulu t'appelcr, mais son telephone etait en derangement.., Je suis desolee... et je rentre, juste maintenant... Mais oui... II n'est pas encore rentre.,. Comment ?... Tu es sür?... (Elle regards, sa montre.) Ah! mais oui c'est vrai... Tu as raison... II est meme moins 10 ! Mais ne m'appelle plus ici je t'en prie... Surtout a cette heure-ci!... D'habitude il est rentre... Heu-reusement qu'il n'est pas lä ! D'ailleurs je ne sais pas pourquoi il n'est pas lä... Mais oui... Je sais que tu m'aimes... Mais maintenant je n'ai pas le temps de te parier... II va sürement arriver d'un instant ä l'autre... Ecoute! Viens demain apres-midi ä la maison... Oui!... Oui... Je sais, oui... Moi aussi... Je raecroche... Mais oui... oui... Trois heures et demie!... Oui... Elle raecroche, prend son sac, l'ouvre et en sort un carnet qu'elle feuillette quand... Bettina (entre). Madama! Elle. Dites-moi... Monsieur n'a pas telephone ?... Bettina. Non Madama... Elle. Bon ! Merci! Bettina. Madame!... Elle. Qu'est-ce qu'il y a ?... Bettina. Je voudrais savoir si la madama et le signor dineront ici J\\m^ääa^^&i~(Sur sa monElle (coupant). Eh ! bien, je vous le dirai quand le signor... enfin quand monsieur rentrera... Bettina. Ma c'est quo... Elle. Laissez-moi... J'ai ä faire... Je vous le dirai tout ä l'heure... Bettina. Madama eile sonnera alors ?... Elle. Mais oui... C'est ga... Je sonnerai... Bettina. Bene.., Bene... Bene... Bene... Elle sort. Ellh (an telephone, avec le carnet). Alio c'est le Cer-cle Haussmann ?... Oui!... Pourriez-vous me dire si Monsieur Bartet est parti depuis longtemps ?... Non je ne quitte pas !... Comment ?... II n'est pas venu depuis trois semaines ?... Vous etes sür ? Ah! Bon!... Merci!... Non... non... rien d'urgent! (Elle raccroche, regarde le carnet, refait un nu-mero.) Alio... Le Club Courcelles ?... Je voudrais la sallc de poker... Merci... Alio... Oui ?... C'est Madame Bartet ä l'appareil... Oui... Je voudrais parier ä mon mari... Oui j'attends... Comment?... 11 n'est pas venu depuis six semaines ! ?... Ah! ?... Merci... non non... Elle raccroche an moment oü II ventre. Lui. Bonsoir ma cherie... Elle. Ah ! c'est toi!... Lui. Eh ! bien, oui... Evidemment c'est moi... Qui veux-tu que ce soit ?... ca t'etonne ?... Elle. Oh ! mais non, pas du tout !... Lui. Tu attendais quelqu'un d'autre ?... Elle. Mais non, voyons... Pas du tout... Je t'attendais toi!... Lui. Et me voilä !... J'arrive! Elle. Je vois !... Lui. Tu pourrais me dire bonsoir !... Elle. Bonsoir !... Lui. Bonsoir... cheri ! Elle. Bonsoir... cheri !... Lui. Ca va ?... Elle. Oh ! Oui... Lui. Ca n'a pas Pair!... Elle. Ca n'a pas l'air de quoi ?... Lui. L'air d'aller !... Elle. Mais si, mais si... Ca va tres bien... Tres tres bien !... Tu ne m'embrasses pas ?... Elle a enchalne toute sa phrase. Lui. Ah 1 Bon ?... En somme, ca va parce que je ne t'embrasse pas !... Si je t'embrassais, ca n'irait plus!... Elle. Tu es bete ! Lui. Je sais !... Elle. Mais non... Tu es bete !... Lui. Encore ? Ellh. Ce n'est pas ce que je veux dire... Lui. Au fait qu'est-ce que tu veux dire ?... Elle. Eh ! bien, mais rien... rien du tout... Comme je viens de te le dire... Je t'attendais. Lui. Avec impatience... Elle. Mais comme toujours !... Lui. Merci. (Jl l'embrasse.) Et maintenant que je t'ai embrassce, ca va mieux ou plus mal ?... Elle. Beaucoup mieux !... Lui. Ah ! bon ! Ca avance ta decoration chez les Car-rington ? Elle. Oui! Oui! ca vient tres bien.,. Tu sais l'heure qu'il est ?... Lui (innocent, regardant sa montre). Oui! II est hull heures cinq!... Tiens c'est dejä huit heures cinq!... Elle. Je ne te le fais pas dire!... Lui. Ah! Mais si!... pardon... Tu me le fais dire!... Tu me demandes l'heure!... Je te la dis ! II est huit heures cinq... Elle. Non !... Lui. Comment non ? Elle. Non!... II n'est pas huit heures cinq... il est dejä huit heures cinq !... Nuance!... Lui. Nuance qui veut dire ?... Elle. Que tu rentres tard!... Lui. Oh! ca s'est prolongs... J'avais une bonne main dans la derniere partie!... Elle. Depuis quelque temps, ces « parties » se pro-longent de plus en plus, tu ne trouves pas ?... A moins que tu aies toujours une bonne main !... Lui. Pas specialement, non!... Mais quand on est dans le jeu, on est pris !... Elle. Tres pris !... Si tu avais une bonne main, par contre tu n'as pas tres bonne mine!... Lui. Moi ?... Elle. Oui toi!... Tu ferais mieux de faire de la bicy-clette! Ca te ferait faire de l'exercice I... Lui. Je prdfere le poker... a cause de l'argent! Elle. Tu as gagne" ?... Lui. Je ne joue pas pour gagner... Tu le sais bien... J'y vais pour m'amuser... enfin pour jouer et pour que le jeu soit interessant, il faut qu'il y ait un enjeu !... et l'argent c'est tout de meme plus interessant que les prunes... A propos de prunes, tu veux diner dehors ?... Elle. Si tu veux I Lui. Oü ? Elle. Oü tu veux !... Lui. Tu pourrais quand meme avoir une id^e !... Elle. C'est que justement... Lui. Oü est-ce que tu as mis le bouquin de Juilliard... oü il y a les restaurants ? Elle (disignant le bar). Je crois qu'il est lä... Dis-moi ?... Lui (allant chercher le livre). Oui?... Elle. Avant de sortir, j'aimerais bien que tu me dises quelque chose... Lui. Mais oui!... Quoi ?... (Vers le bar.) Tu as soif ?... Elle. Ah!.,. Oui... Tiens pourquoi pas!... Un petit whisky ca va me donner de l'energie!... Lui. Tu en as besoin ?... Elle. On a toujours besoin d'energie !... Lui. Alors ?... Qu'est-ce que tu veux que je te dise ? Elle. Tu joues toujours au meme endroit ?... Lui. Oui... bien sür... Tu le sais... Soit ä Haussmann... Sec ou ä l'eau ?... Elle. Hein ?... Ah! oui... ä l'eau! (II sert.) Soit ä Courcelles... Oui je sais... C'est ga... Lui. Mais oui... C'est bien ga!... Elle. Alors il y a une chose que je ne comprends pas... Lui. Ah ! Oui ?... Quoi done ?... Elle. Eh ! bien, aujourd'hui, tu as bien dte jouer ä Haussmann... C'est ga ?... Lui. Ah !.» non... non... Justement pas !... Aujourd'hui, en sortant du bureau j'ai decide" d'aller ä Courcelles !... Je vais tres peu ä Haussmann!... Elle. Et tu vas aussi de moins en moins a Cour-celles!... Lui. Qu'est-ce que ga veut dire ?... Ellb. Eh ! bien, ga veut dire... enfin... je veux dire qu'on ne t'y a pas vu depuis... six seraaines exac-tement! Lui. Depuis six scmaines ? Elle. Oui I Lui. Ah!... Bon! Oui... En effet!... C'est possible!... Comme le temps passe !... Mais alors ?... Tu m'es-pionnes ? Elle. Oh! Pas du tout, non!... J'ai appris ga tout a fait par hasard !... J'ai essays de t'appeler... pour savoir justement si tu voulais diner ici ou dehors et on m'a repondu qu'on ne t'avait pas vu depuis des semaines... Pas plus a CourceUes qu'a Hauss-mann d'ailleurs !... Lui. Et alors ?... Elle. Et alors... rien i Mais quand tu rentres et que tu me dis que tu en arrives... ga m'etonne... Mets-toi a ma place ! Lui. Ecoute Jacqueline... J'ai horreur de rendre des comptes... Elle. Oh! mais je ne te demande rien... Non! Je constate simplement que tu mens... C'est tout! Lui. Moi ?... Je mens ?... Elle. Oui! Toi tu mens!... Et tu mens sans conviction! Ca me degoit de ta part!... Lui. Eh ! bien, mais c'est parce que tu ne m'as pas donne le temps de me preparer!... N'est-ce pas, j 'arrive... Tu m'attrapes au vol... C'est difficile de se defendre... On se connait tellement tous les deux depuis qu'on est ensemble !... Elle. Parce que tu comptes les annees ?... Lui. Non! Ce sont les annees qui comptent! Et alors a force de vivre ensemble, nous sommes devenus un peu pareils !... Tu comprends !... enfin tu vois ce que je veux dire!... On se ressemble I... Elle. Oui... oui... tres bien.,. Je vois tres bien !... On est comme ces gens qui ont des tetes de bassets a force de vivre avec leur chien!... Lui. C'est ga ! Voila !... Elle. Et de nous deux qui est le basset ?... Lui. Justement je n'en sais rien!... On Test un petit peu tous les deux... C'est pour ga que pour te mentir bien... enfin sans que tu t'en apergoives, il aurait fallu que j'aie le temps de me preparer un peu... enfin que j'aie le temps de prevoir... Mais cette attaque surprise... comme ga, n'est-ce pas... ga m'a surpris! Je sais que je te degois!... Mais toi-meme de ton cote... Elle. Je ne te degois pas ?! Lui. Ah ! non. Je n'ai pas dit ga... Disons simplement que tu es toujours aussi ravissante... Voila !... Ellb. Merci! Lui. C'est vrai! Je le pense ! Elle. Oui... enfin tu me le dis !... Tu t'es prepare a me le dire... alors comment savoir maintenant quand tu mens et quand tu ne mens pas ?... Lui. Ah! ga voila!... Justement c'est le mystere! Eufi. Oui, enfin ne nous egarons pas !... Pour en re-venir a ce que nous disions... Lui. Oui!... Au fait qu'est-ce que nous disions ?... Elle. Eh! bien, tu me disais que le poker t'amusait toujours enormdment... bien que tu n'y joues plus du tout! Lui. Ah! Oui... C'est ga!... Je te decevais parce que je mentais mal... et tu me demandais la verite ! Elle. Ah !... mais non pas du tout!... Je ne te demande rien! rien du tout!... J'ai vu que tu mentais... Je te l'ai dit!... C'est tout!... Tu dois sans doute avoir unc bonne raison... Lui. Ahl ga oui!... Excellente!... Tu veux la connai-tre ? Elle. Pourquoi ?... Tu vas me la donner ?!... Lui. Si tu veux !... Elle. La vraie raison ?... Lui. Evidemment!... Elle. Ah! bon?,.. ga y est!... Tu as eu le temps de preparer un mensonge sans tete de basset... enfin je veux dire un mensonge que je ne verrai pas ! ?.,. Lui. Ah!... mais non!... Pas du tout!... La veritable raison vraie! Elle. J'ecoute! Mais je ne te dis pas que je te croi-rai !... Lui. Oh... si! ga je te garantis que tu vas me croire... D'abord parce que c'est vraiment la vraie raison, et puis ensuite parce qu'une raison comme ga, ga ne ressemble vraiment pas ä une excuse! Elle. Ah ! Non ?... Lui. Oh ! non !... Elle. Voyons ?... Lui. Tu l'auras voulu, hein ?... Elle. Mais oui... mais oui!... Lui. Bon! Eh! bien, voila! J'ai une maitresse!... Elle. Comment ?... Lui. J'ai une maitresse!... Elle. Toi?... Lui. Oui... Moi! (Elle rü.) Tu trouves ga drole ? Elle (s'arretant). Ah! non! Pas du tout! Lui. Alors pourquoi ris-tu ? Elle. Eh! bien, mais... je ne sais pas!... C'est ner-veux... La surprise, sans doute 1... Lui. Ah ! Parce que ga t'etonne ?... Elle. Que tu aies une maitresse ?... Ah! ga oui!... enfin... non... enfin ce sont des choses qui arri-vent... enfin qui arrivent aux hommes... enfin de preference !... Alors ? Lui. Alors quoi ?... EllE. Eh ! bien, continue !... Lui. C'est tout ce que tu trouves ä me dire ?... Continue ! Elle. Eh ! bien oui!... Qu'est-ce que tu veux que je te dise ? Si tu m'annonces ga comme ga, c'est que tu vas me dire autre chose!... Alors je te dis « Continue! »... Non, je ne te dis pas : « Continue ä avoir une maitresse «... Non, attention. Hein ?... Parce que si tu m'avais demande mon avis avant, jo t'aurais certainement deconseille d'en prendre une... Je ne t'aurais pas laisse t'embarquer dans une histoire idiote... Enfin je pense... J'espere qu'elle est idiote!... Seulement voilä... Tu t'es me-f\€ !... Tu as fait tout ga sans rien me dire... Alors c'est le fait accompli... Elle est jolie ? Lui. Oui je trouve... Elle. Ali! Bon! Je suis bien contente... Lui. Hein?... Elle. Oui enfin... je veux dire... Heureusement! Lui. Pourquoi « heureusement » ?... Elle. Parce que je ne suis jamais arrivee ä compren-dre ces hommes qui ont chez eux des femmes ra- vissantes... (eile rit) comme toi... enfin conune moi... enfin c'est ce que tu viens de me dire.., et qui choisissent toujours des maitresses horribles... C'est sans doute un besoin de contraste!... Chez ces hommes-lä !... Mais si la tienne est jolie... c'est l'essentiel !... Lui. C'est tout ce que ga te fait ?... Elle. Tout, tout?... Je ne sais pas!... Peut-etre pas tout non !... C'est encore tres nouveau pour moi. N'est-ce pas ? Enfin je ne m'y attendais pas du tout... Alors, il faut que je me fasse ä cette idee... enfin que je m'y habitue... Lui. Parce que tu veux t'y habituer ?... Elle. Mais comment faire autrement ?... Je suis bier obligee de m'y habituer ?... Si tu a pris une mai tresse et que tu me le dis... Je pense que tu n'as pas l'intention de rompre... Lui. Alors tu ne vas pas me crier « rompez » ! comme au regiment! Elle. Done je n'ai pas le choix!... II faut que je m'y habitue !... Alors autant commencer tout de suite !... Lur. Oui... bon... peut-etre!... Mais est-ce que tu sais pourquoi j'ai pris une maitresse ? Elle. Ah... non... ga non!... Ca pas du tout!::. Ca je ne sais pas du tout!... Comment veux-tu que je lc sache ?... Je n'en ai pas la moindre idee!... Mais alors ga !... pas la moindre !... Est-ce que c'est par... enfin... par... necessite... enfin une necessity... Lur. Disons physiologique!... Elle. Oui... Voilä... C'est le mot que je cherchais !... Physiologique !... Quel drole de mot pour « ga »!... Fhysiologique!... Ca ne ressemble ä rien... C'est rebarbatif!... C'est affreux !... Lui. Oui, enfin bref... Ce n'est pas ga alors... Elle. Ah !... mais si... C'est surement ga... Une necessity « physiologique » de cinq ä sept... meme de cinq ä huit! II est vrai que c'est samedi... Lui. Ecoute Jacqueline, j'aime beaucoup ta fagon de plaisanter, mais la, eile n'est pas d'un goüt... Elle. Je te choque ?... Vraiment ?... Ce n'est pas possible ?! Lui. Quoi... Elle. Ah ! Bon !... Parce que toi tu ne trouves pas choquant... Bettina (entrant). Maitresse!... Madama! Oh! Bona sera Signore... Lui. Bona sera!... Qu'est-ce que vous voulez ?... Bettina. Signore... Madame... C'est pour savoir pour la cucina... Elle. Oui!... Eh! bien, tout ä l'heure!... Bbttina. Ma... Justamente... Elle iah un vague geste vers sa montre. Lui. Eh ! bien, revenez... tout ä l'heure... Bettina. Tout ä l'heure... oui... alora si tu veux... Oui signore... Elle sort. EllB. Qu'est-ce que je disais ?... Ah! oui!... Parce que toi, tu ne trouves pas choquant de m'annoncer : « Voilä... j'ai une maitresse!... un point c'est tout!... » Lui. Ah !... Mais non... justement... Je ne t'ai pas dit : « Un point c'est tout! »... Seulement tu ne me laisse pas placer un mot... Tu paries... tu paries... Elle. Je parle... je parle... Tu es drole... oui enfin c'est une fagon de parier!... Je parle parce que ga m'aide... Ca m'aide... Comment dirais-je!... Ca m'aide ä trouver une contenance !... A propos ?... Est-ce qu'il y a beaucoup de monde au courant ?.,. Lui. Au courant ?... Elle. Oui!... Au courant de cette histoire... idiotel... Parce que plutot que d'etre la derniere ä 1'appreD-dre... je prefererais etre la troisieme... Lui. La troisieme?... Elle. Oui!... Apres eile, et apres toi... qui etes fored-ment au courant... n'est-ce pas ?... Eh! bien, ü y a moi! Toi, un! eile, deux!... et moi... trois !... On ne peut vraiment pas faire ä moins I... Alors voilä... Je voudrais savoir si je suis la troisieme!... Lui. Ca» tu peux etre contente !... Elle. Ah !... Tu trouves ?... Lui. Oui... enfin je veux dire!... Tu es la troisieme! Elle. Merci!... (Brusquement.) Ah ! Mais ga y est!.. Je sais! Lui. Tu sais quoi?... Elle. Je sais pourquoi tu as mauvaise mine !... Lui. Ah!... Mais non!... Elle. Comment : « Mais non » ! Mais si 1... Lui. Laisse-moi parier... Elle (a son idee). Pourtant avant de nous endormir ensemble... Lui. Oui... Eh ! bien ?... Elle. Eh! bien, nous ne « dormons » pas tout de suite, n'est-ce pas ?... Lui. Je ne vois pas le rapport!... Elle. Alors c'est ga !... Mais oui!... C'est bien ga !... ga ne te suffisait pas!... (Brusquement.) Tu es sür que tu n'es pas en train de te rendre malade ?... Lui. Quoi ?... Mais non. Ecoute! Je t'ai dit : « J'ai une maitresse »... Et je ne t'ai pas dit... Elle (coupant). Enfin, si eile est jolie! Lui. Oui... oui... bien sür... Mais tant qu'ä avoir une maitresse, autant qu'elle soit jolie!... Ca ne coüte pas plus eher !... Elle. Ah! Bon ! Parce que tu la paies ?... Lui. Mais oui!... Mais non!... Enfin c'est une fagon de parier... Je veux dire jolie ou laide... Quand on prend une maitresse, autant qu'elle soit jolie!... C'est le meme prix !... Elle. C'est bien ga ! Tu la paies !... Lui. Mais non !... Mais je n'aime pas les laides... C'est taut! Et si tu me laisses placer un mot, je vais te dire pourquoi j'ai une maitresse!... Elle. Oh! non... non... C'est tout ä fait inutile!... Je le sais!... Lui. Vraiment ?... Elle. Mais oui!... Tu as besoin de changement I... C'est tellement courant, ce besoin de changement, quo c'est devenu tout ä fait normal... Enfin ce sont les hommes mari^s qui le disent... naturelle-ment !... Lui. Pourtant ce n'est pas ga!... Elle. Pas ga ? Alors je sais !... Tu ne m'aimes plus i. Lui. Mais si!... Seulement... Elle. Enfin, je veux dire... Tu ne m'aimes plus « phy-siologiquement » !... Pourtant... Je fais ce que je peux !... Lui. Oh! Mais j'appr£cie!... Mais ce n'est toujour* pas ga! Elle. Pas ga ? Mais alors... Lui. Mais non... Ecoute! Laisse-moi parier ! J'ai pris una maitresse par amour-propre !... Elle. Quoi ?... Comment ?... Qu'est-ce que tu dis... Par amour-propre ?.,. Quelle dróle ďidée.,, ca pour uue dróle ďidée... Et d'abord qu'est-ce que ca veuc - dire ?... Lui. Quoi? Elle. L'amour-propre ?... Qu'est-ce que c'est que ca ?... Lui. Eh ! bien, c'est... c'est... un sentiment... Elle. Un sentiment ?... Mais si tu as un sentiment alors tu ne m'aimes plus ? Lui. Non !... C'est un sentiment qu'on a... Elle. Qu'on a pour qui ?... , Lui. Eh I bien, mais qu'on a... qu'on a pour soi-mö-me 1... Elle. Ah! Pour soi-méme ? En somme tu t'aimes ! Lui. Je ne comprends pas!... Elle. Mais si!,.. Puisque tu me dis que l'amour-propre c'est un sentiment qu'on a pour soi-méme, c'est done que tu t'aimes... tu t'aimes égoístement!... Lui. C'est un sentiment pour soi-méme, vis-ä-vis des autres personnes, tu comprends ?... Elle. Mal!... Lui. Eh! bien, si tu veux... Je ne m'aime pas asse/. pour tenir ä raon amour-propre personnel... Sim-plement, je tiens ä ce qu'exterieurement, c'est-ä-dire pour les gens, mon amour-propre apparaisse intact... C'est tout... L'amour-propre, c'est ca !... Ce n'est pas un sentiment d'amour!... Elle. Comme tu as une maitresse, moi je croyais... Lui. C'est un sentiment qu'on a de sa dignité... Elle. De ta dignité ?... Lui. Oui... enfin la dignité de sa personne personnel-le... enfin quand on n'aime pas ctre ridicule... enfin quand on ne veut pas avoir l'air d'un con... si tu préfěres!... Elle. Mais je ne préfěre pas... non!... Simplement... je ne vois pas du tout pourquoi tu as l'air d'un.. enfin de ca !... Lui. Moi je le vois !... Elle. Alors je suis complétement perdue !.., Lui. Ah! Oui? Elle. Enfin voyons... Tu me fais jouer aux devinettes pour trouver la raison pour laquelle tu as une maitresse!... Lä-dessus tu m'annonces que c'est par amour-propre... parce que tu as l'air de... enfin de ce que tu dis !... Je suis perdue... Je vois pas du tout ce que l'amour-propre vient faire lä-dedans... Mais alors ca!... Pas du tout !... Lui. Eh! bien mais c'est trěs simple... EllE. Pour toi, peut-étre, mais pour moi... Lui. J'ai pris une maitresse par amour-propre... Elle. Oui... ca d'aecord... Je le sais... Mais je ne comprends toujours pas!... Lui. Par amour-propre, parce que tu as un amant !... Elle. Quoi ? Lui. Oui!... Elle. Mais tu es fou ?... Lui. Moi ? Non... Pas du tout!... Remarque bien que je ne te demande pas pourquoi tu me trompes... non... Ca, on en parlera plus tard!,., Pour le moment, il ne s'agit que d'amour-propre et... Ells. Mais qu'est-ce que c'est que cette idée ?... Voyons ?... C'est grostesque... Inoui... Et pourquoi est-ce que j'aurais un amant ?... 14 Lui. Ah ! ca, tu dois le savoir mieux que moi!... Seu-lement n e me dis pas que tu as un amant pare? que moi, j'ai une maitresse!... Non!... Ca c'est mon argument ä moi!... Toi, ton amant tu l'avais avant! Elle. Enfin, voyons... C'est ridicule!... Lui. Ah ! Oui! Voilä !... C'est ca!... Nous y sommes !... Je suis absolument d'aecord. C'est ridicule!... Et c'est surtout ridicule pour moi !... Ellis. Pour toi ?... Lui. Oui pour moi!... Ca va peut-étre te paraitre idiot, mais je suis susceptible !... J'ai de l'amour-propre... et mon amour-propre, ne Supporte pas que je sois ridicule!... Ce n'est pas que j'aie peur den mourir!... Non... Depuis longtemps Ie ridicule ne tue plus personne... sauf peut-étre quelques chefs de gare de grande banlieue ! Mais enfin... moi il me géne... il m'ennuie !... Elle. Mais... je t'assure que tu n'es pas ridicule ! Lui. Mais si!.,. Ton amant me rend ridicule Ľ. Elle. C'est cette scéne qui est ridicule... ca oui !... Lui. Mais je ne te fais pas de scéne!... Elle. II ne manquerait plus que ga!... Enfin c'est in-sensé !... Tu ne vas tout de merne pas m'aecuser... Lui. Mais je ne ťaceuse pas... Je t'explique... Je constate que tu as un amant... C'est tout!... Quand tu m'as demandé pourquoi je n'allais plus jouer au poker, je t'ai dit la vérité!... Elle. Farce que tu n'as pas pu faire autrement!... Lui. C'est vrai!... Mais de toutes facons... Je te I'au-rais dit!... Seulement, pas aujourd'hui... Sürement pas... N'est-ce pas... Je ne savais pas comment m'y prendre... tu m'as donne ľoccasion de parier plus tot que je nc pensais... Tant mieux... Merci!... Et toi, grace a moi, tu n'as plus rien ä avouer... C'est beaueoup plus facile!... Elle. En somme, tu voudrais que je te remercie ? !... Lui. Sans aller jusque-la... Elle. Et puis d'abord... Je ne vois pas pourquoi j'avouerais quelque chose! Lui. Parce que tu es trés intelligente, et q.u'il n'y a que les imbeciles qui nient ľévidence!... EllE. Mais quelle evidence ?.., Lui. Que je .suis ridicule!... Elle. Ca, c'est une idée fixe!... Lui. Parce que tu as un amant!... Elle. Tu es fou!.., Lui. Bon!... Tu n'as pas d'amant ?... Elle. Mais bien sdr que non !... Lui. Bon !... Alors, veux-tu me dire qui est le bipéde qui vient ici plusieurs fois par semaine, quand la bonne est sortie, qui range sa voiture du côté de ľentrée de service, qui reste seul avec toi deux ou trois heures, et qui s'arrange toujours pour partir un bon quart d'heure avant que je ren-tre ?... Alors ? Qui est-ce ?... Elle. Ehl bien... Lui. Eh ! bien ?... Elle. Eh ! bien... oui... en effet... II y a un garcon. . enfin un homme qui vient ici!.. Lui. Ah ! enfin !... Eixe. Ah !... Et puis oui ! La... Puisque tu y tiens !... Lui. Oh! Mais je n'y tenais pas du tout !... Elle. Aprés tout! Oui... C'est bon... Oui! J'ai un amant!... Lä!... Je ne vais pas nier puisque tu le sais !... Lui. Je m'en serais tres bien passe!,.. Alors ?... Elle Mors?... Alors rien!... Voila! C'est tout!... Lur. Oil est-ce que tu l'as connu ?... EllE. Ou je I'ai ?... Eh! bien mais... Chez Nicole!... Lui. Ah !... Parce qu'elle organise ce genre de rencontres ? Elle. Enfin tu sais que je vais la voir de temps en temps pour lui tenir compagnie, dans son maga-sin... Lui. Ah ! oui... Et alors ?... Elle. Alors... II est venu... deux fois de suite... quand j'y etais... Lui. C'est un ami de Nicole ?... Elle. Pas du tout, non! Un client qu'elle connait... H venait lui acheter du parfum... Lui. Ah ! parce qu'il se parfume ? Elle. C'dtait pour offrir... Lui. Ah ! bon je prefere... Pour offrir a qui ?... Elle. A des femmes... du parfum... je suppose !... Lui. Ah I done tu ne serais pas sa seule femme ?! Elle. Mais je n'en sais rien... Je ne le lui ai pas demande... Lui. Eh ! bien, tu n'es pas curieuse... Alors « ton amio » Nicole vous a presentes l'un a I'autre ?... Elle. C'est ca... oui... comrae ca,.. Lui. Comme ca !... C'est ca !... Et vous avez parle dc quoi, alors ?... Elle. De quoi ?... De quoi ?... Je ne sais pas... Je ne sais plus... De la pluie et du beau temps... Enfin de choses qu'on se dit quand on ne se connait pas !... Lui, Et qu'on veut faire connaissance c'est ca!... Les plus vieux trues sont toujours les meilleurs !... Et comment est-ce qu'il a commence" a venir ici Elle. Comment ?... Eh ! bien voyons !... Ah ! oui.., Oh ! tout betement !... Lui. Oui!... Tout betement !... Elle. La seconde fois que je I'ai vu chez Nicole, il pleuvait a verse ce jour-la!.., Lur. Oui... ca vous a fait un sujet de conversation tout trouve! Elle. Et il n'y avait pas de taxi... Nicole avait telephone a toutes les compagnies !... Lui. Ah !... Elle avait fait cet effort ? Elle. Oui!... Alors... il etait la... II m'a propose" de me ramener... Lui. Et tu as accepte bien entendu ?... Elle. II pleuvait beaucoup !... Lui. Je n'en doute pas !... Pour que tu acceptes de te laisser raccompagner, ca devait etre Ie deluge !,.. Et apres ?... Elle. Apres ?... Lui. Oui! Apres!... Ensuite ? Ou est-ce que tu l'as revu ? Elle. Chez Nicole... Lui. Encore ?... En somme, chaque fois que tu y al-lais, il te suivait et il arrivait dare-dare I... Elle. Enfin e'est-a'dire... Lui. Et ton amie Nicole ?... Qu'est-ce qu'elle disait de tout ca ?... Elle. Eh ! bien, mais rien!... Qu'est-ce que tu voulais qu'elle dise ?... Lui. Oui!... C'est ca !... Aveugle et sourde... bien entendu !... 15 Ellh. Elle Ie trouve tres sympathique! Lui. Eh! bien voyons!... Un client qui lui devalisc sa boutique comme ca... en emportant meme les clientes !... Et ensuite? Elle. Ensuite? Eh! bien, il m'a raccompagnee ici, encore une autre fois !... Lui. Oui... oui... Je vois! II pleuvait toujours beau-coup !... Decidement on a raison de dire que la Cöte d'Azur est un pays beni!... Elle. Non, non... Cctte fois-la, il ne pleuvait pas... Lui. Meme pas ? Elle. Mais comme je le connaissais... j'ai accepte... et je... je lui ai offert du th6\... Lui. Du the ?... Eh ! bien, tout ?a est epatant!... Et en dehors de te raccompagner quand il pleut ou quand il ne pleut pas, il passe le reste de son temps h aller faire laver sa voiture avant de revenir faire Ie piquet devant chez Nicole en attendant que tu arrives ?... C'est ca ?... Elle. Ah ! non... Tu peux etre fier... II travaille! A Saclay ! Lui. Ah ! ? A Saclay ! C'est ca!... Encore un de ceux qui vont nous foutre la bombe !... Elle. Mais il a beaucoup de gout... Lui (la designant). Mais je n'en doute pas !... Tu en es la preuve vivante... Elle. Et chez lui... C'est ravissant... Lui. Chez lui ?... Ah ! Mais c'est de mieux en mieuxl... Parce que tu as tfte chez lui, aussi?!... EllE. Oui... une fois... rue de Grenelle... Lui. Une fois ? !... C'est bien süffisant !... Elle. II a de tres jolis tableaux... Lui. Je n'en doute pas !,., Ce ne sont pas des tableaux japonais... par hasard ?... EllE. Non !... Lui. Tout de meme pas!... Elle. Un petit Dufy bleu et rose... Lui. Oui!... Bon, bref!... Et pourquoi y as-tu ete?.., Elle. II voulait me rendre ma tasse de the!.. Lui. Parce que vous n'auriez pas pu aller au premier etage de la Tour Eiffel, ou au buffet de la Gare de Lyon, comme tout le monde, non ?,.. II a fallu aller chez lui !... Elle. Tu vois que tu me fais une scene Lui. Mais non... Mais non... Je t'ecoute !... Et ensuite ? Elle. Ensuite ? Mais qu'est-ce que tu veux que je te dise ?... II est revenu ici... Lui. Ah! Oui c'est ga!... Plus la peine d'aller chez Nicole... Dircctement ici!... Pourquoi faire un detour !... Elle. Mais je n'etais pas Ia.j, Lui. Ah!, non, pourquoi?... Elle. Eh bien, j'avais ete retardee... Et je I'ai trouve-devant la porte quand je suis arrivee!... Lui. Le pauvre !... Devant la porte !... A ta place, j'au-rais honte !... Elle, II avait achete un gäteau !... Lui. Un gäteau ?... Elle. Oui... Pour boire avec le the... enfin pour le manger en buvant le th6!... Lui. Ah ! Tu I'avais reinvite ?... Elle. Enfin... Je voulais lui rendre sa tasse de the. tu comprends ? Lui. Oui !... Oh! oui... Oh ! Ires bien... Je comprends tres bien !. Je comprends tres bien !... Je t'invite... Tu m'invites... Tu me rends ma tasse de the, je te rends ta tasse de the !... (pa n'a plus aucune rai-son de finir... Quoi!... Elle (riant). Oui!... Crois-tu que c'est bete, hein ? Tout ce the !... Lui. Ah ! ca... Idiot!... II n'y a vraiment pas de quoi rire !... Et alors ?... Ellb. Alors ?... Ou en etais-je ?... Lui. Au gateau!... Elle. All! oui... Eh! bien, nous n'avons pas pu le manger... parce qu'il etait dej'a tard... Lui. Et que j'allais rentrer ? ! Elle. Oui... C'est ca!... Enfin je veux dire... II est revenu le lendemain, avec Lin autre gateau... Tu vois ?... Lui. Oui... oui... Je vois... Ce n'est pas le genre qui revient avec un gateau de la veille !... Et puis?... Elle. Et puis... II est revenu de plus en plus sou-vent I... Lui. Oui!... En somme, il ne fichait plus rien... a Saclay, quoi!... Uniquement la navette entre chez Nicole et ici! qu'il pleuve ou pas !... Ensuite ?... Elle. Ensuite ?.,. Eh! bien... N'est-ce pas... finale-ment... enfin, enfin... enfin... Lui. Enfin quoi ? Elle. Enfin ! Tu comprends... Lui. Non! Et tu l'aimes ? Elle. Oh! ca alors !... Je ne crois pas !.„ Je ne pense pas !,.. enfin je ne sais pas !... Je ne sais surtout pas pourquoi je te raconte tout ga! Et d'abord comment l'as-tu appris ? Lui. Oh ! tu sais !... Paris est bourre de colporteurs de bonnes nouvelles ! Elle. Ah oui!.,. Bon! Eh! bien, tu as une maitresse, j'ai un amant! Nous sommes quittes !... Lui. Ah!,.. Mais non ! Justement pas ! Parce que si ces colporteurs savent que tu as un amant, par contrc, lis ignorent que j'ai une maitresse!... Et man amour-propre ne me laissera vraiment tran-quille que le jour ou tout le monde en saura autant sur moi que sur toi! Et c'est pour ca qu'il ne me reste plus qu'une seule chose a faire... Elle. Laquelle ? Lui. Amener aussi ma maitresse ici !,.. Elle. Qu'est-ce que tu dis ? Enfin tu ne vas tout de meme pas... Lui. Mais... Pour que tout le monde sache qu'elle existe, il faut que tout le monde la voie, comme tout le monde a vu... EllE. Mais ce n'est pas pareil... Lui, il est venu ici par hasard... presque naturellement... enfin insen-siblement... petit a petit... Lui. Le resultat est le meme !... Ellb. Ah ! mais non... pas du tout!... Toi, tu veux la faire venir expres !... Ta raison est premeditee, vulgaire !... Lui. Absolument pas !... Pour commencer, elle ne vien-dra que comme si elle etait une de tes amies 1... Personne ne saura que c'est moi qui l'amene... enfin personne ne pourra le supposer, puisque toi, tu seras la !... Enfin au debut... Oui! et puis alors, au bout de quelque temps tu sortiras juste avant que ton amie arrive, et on la verra repar-tir juste avant que tu rentres... Alors tout le monde en deduira automatiquement que ton amie est devenue ma maitresse... Et c'est exactement ce que je veux!... Les gens ne peuvent jamais voir une brune dans la voiture d'un homme mariö k une blonde sans sortir cette brune de la voiture pour la mettre immediatement dans le lit de cet homme, meme si cette brune est veterinaire et vient pour le chien... Tu me diras que nous n'avons pas de chiens mais enfin... Les gens n'ont pas toujours tort puisqu'il y a sürement des homines qui trompent Ieurs femmes avec des vete-rinaires brunes ou... blondes! Enfin l'essentiel c'est de donner des certitudes aux gens, et tout le monde sera enchante, puisque que tout le monde saura que je sais pour toi, et que toi, tu sais pour moi!... Done plus de situation fausse, plus d'amour-propre... plus rien !... Elle. Mais c'est un jeu affreux!... Lui. Ce n'est pas un jeu... C'est une necessite... d'amour-propre... II faut que tu fasses sa connais-sance !... EllE. Mais enfin tu ne dois pas bien te rendre comp-te de ce que tu me demandes!... Lui. C'est une fille charmante !... EllE. Je t'en prie!.,, Lur. Enfin, voyons ! Reflechis !... Si e'etait reellement une amie a toi, et qu'elle vienne ici, quand tu n'es pas la... sans que tu saches rien !„, EllE. Ce serait plus normal... enfin plus normal pour ce genre de choses !.., Lui. Oui... peut-etre... Mais la nous sommes dans l'anormal... et dans notre cas, toi tu sais, et c'est un enorme avantage !... Elle. Un avantage ?... Alors que tu m'as tout raconte pour me faire avouer une chose dont tu n'etais pas sür ?... Mais enfin, tu ne penses tout de meme pas serieusement que je vais te laisser amener cette fille ici ?... Et par amour-propre, encore ?... Farce qu'il n'y a que ton amour-propre ! Lui. Mais toi, tu n'as meme pas cette raison et pour-tant... EllE. Mais moi... moi je suis une femme... et les femmes n'ont pas besoin d'avoir des raisons !... Tout le monde sait ca ! A quoi est-ce que ca servirait d'etre une femme, si en plus de ga il fallait avoir des raisons?!... Et pourquoi pas des excuses pendant que tu y es ?... Moi, je suis une victime !... Lui. Una victime ?... Elle. Parfaitement! Une victime!... Des que tu as appris... enfin cette chose... Tu aurais du m'en parier... t'occuper de moi... Lui. Oui... en somme, si tu as un amant, c'est ma faute ? !... Elle. Parfaitement!... Quand tu as entendu parier de ga, tu aurais du m'emmener en voyage... Lui. D'abord, quand j'en ai entendu parier e'etait trop tard!... Et quant a t'emmener en voyage... Je travaille!... Elle. Oui... Enfin avec ta situation, tu peux tres bien t'en aller quinze jours!... Eh! bien!... non!... Au lieu de ca toi tu as pris une maitresse... sans rien me dire !.,. Toujours des cachotteries!... Et maintenant que tu m'en paries, tu veux me l'im-poser !... Lui. Non ! Je veux simplement que tu la connaisses ! Elle. Mais oui!... C'est ca !... A grand renfort de tasses de the... Lui. Le the ne t'a pas mal servi!... (Bettina est entree. Lui, enchdinant.) Qu'est-ce que vous voulez encore ?... Bettina. Je voudrais vraiment demander au signore... enfin ä la maitresse... 1ft Elle, Je vous ai dit que je vous appellerai !... Bbttina. Ma c'est qué... Lui. Vous étes Italienne, n'est-ce pas ? Bettina. Si... si... Signore, Italiana... Lui. Et vous comprenez le francais ? Bettina. Si... si... Oui... Sign... Oui, Monsieur!... Lui. Alors comment est-ce qu'on dit : « Plus tard » en italien ? Bettina. Plus tard? (Ravie.) Piu tardi, signore!... Lui. Si, si !... enfin je veux dire... oui... oui... Voilä. C'est ca!... Piu tardi! Alors revenez ä ce moment-lä... Compriscolo ? Bettina. Oui... Signore Capito !.,. Elle sort. Elle. Cette fille sait que tu es marié ? Lui. La bonne ? Oh! Oui je suppose!... Elle. Ne sois pas stupide!... Lui. Oui eile le sait !... Elle. Et tu as l'intention de lui dire que je suis « quoi », moi, si tu Ia fais venir ici ? !.., Lui. Eh ! bien mais... que tu es ma femme !... Elle. Parce que tu vas lui dire que je suis ta femme ?... Lui. Oui!... Evidemment... Pourquoi ? Tu n'es pas ma femme ? Elle. Je me demande vraiment sur qui tu es tombé pour qu'elle aeeepte de me rencontrer!... Je te présente ma maitresse... Je vous présente ma femme !... Lui. Ah ! mais non !... Fas du tout!... Attention !... Elle, eile ne saura pas que tu sais ce qu'elle est pour moi !... Sinon eile ne viendrait pas, bien Sur! Elle. Ah! C'est ca!... Elle sait que je suis ta femme, et moi je ne suis pas censée savoir qu'elle est ta maitresse ?... Lui. Voilä! Elle. Mais j'aurais l'air de quoi, moi alors ? D'une femme trompée, idiote! ?.... Lui. Ah ! 5a oui... Tout le probléme est lä !... Elle. Eh ! bien non, justement... II n'y est pas !... Parce que je refuse !... Lui. Ah! Bon! Ton amour-propre est aussi chatouil-leux que le mien, je vois !... Elle. Enfin mets-toi ä ma place!... Lui. J'y ai été!... Et j'y suis encore... Je sais !... C'est trěs désagréable !... Elle. Oui! Eh ! bien, moi, je refuse! Lui. Enfin tu ne veux tout de méme pas que je 1'amě-ne ici dans ton dos ?... II vaut beaueoup mieux qu'elle soit censée étre une de tes amies!... Elle. Pour que je vous donne ma benediction... C'est ca!... Mais j'y pense! Tu ne peux pas lui dire que je veux la connaitre, puisque je ne suis pas censée savoir qu'elle existe !... Lur. Ah !... Oui.,. tiens !... En effet!.:; Ca c'est vrai!... Elle. Et eile ?... Pourquoi voudrait-elle me rencontrer ? Non!... Tu vois bien que c'est impossible... Méme en admettant que j'aeeepte. Je dis « en admettant », eh ! bien tu ne pourras jamais la decider ä venir!... Lui. Eh ! oui!... Voilä!... C'est justement ce que je cherche, sans en trouver le moyen... et c'est d'ail-leurs pour ga aussi que je ne t'avais encore rien dit!... Mais maintenant, je compte sur toi!... Elle. Sur moi ?... Pourquoi ?.., Lui. Pour trouver le pretexte pour la faire venir ici, et que tu la connaisses... Ellb. Tu es fou!... Lui. Mais non !... C'est une idee de femme qu'il me faut !... Elle. Oui?... Eh! bien, moi, je refuse!... Lui. Mais je ne te demande pas grand chose... Juste un petit effort d'imagination... juste une petite phrase que je pourrais lui dire pour la convaincre da venir... C'est tout !.... Elle. Non... non!... Je refuse!... Je refuse!.: Cette rencontre!... C'est indecent!... II n'y a qu'a divorcer puisque tu le prends comme ca!... Lui. Si tu y tiens, nous divorcerons... Mais apres!... Seulement apres qu'elle soit venue ici plusieurs fois... Elle. Mais si nous divorcons avant qu'elle vienne, tous les torts sont pour moi! Lui. Mais je ne veux pas que tu ales tous les torts !... Je ne veux pas que nous divorcions parce que tu me trompes... Justement pas !... A la rigueur parce que nous nous trompons !... Elle. Ton amour-propre!... Lui. Evidemment !... Elle. Oui!... Eh! bien je ne vois pas, c'est impossible... tout a fait impossible!... Lui. Oh ! Evidemment! Si tu ne veux pas m'aider !.. Elle. Mais enfin voyons!... Ca saute aux yeux!... C'est impossible!... Impossible!.. A moms que... Lui. Que quoi ?... Elle Oui... II y aurait peut-etre un moyen... Lui (ravi). J'etais sur que tu trouverais !... Alors? Elle. Alors ! Oui... il y a un moyen... Seulement... jl faudrait que tu lui mentes !... Lui. Eh ! bien, mais c'est parfait!... Elle. Ah ! Bon ? Tu serais d'accord ?... Lui. De lui mentir ?... Mais oui! Pourquoi pas ?... Nous, nous disons la verite, ce n'est deja pas ma]!... S'il fallait la dire a tout le monde I... Elle. Ou irait-on?... Lui. N'est-ce pas ?... Elle. Alors c'est tres simple!,.. Tu vas lui dire que je suis absente!... Lui. Pourquoi ? Tu pars ? Elle. Mais non! Justement pas!... Lui. Ah! oui ? Bon ! Tres bien! Elle viendra... Elle. Et moi je rentrerai de voyage a ce moment-la!... Lui. Par hasard, en somme !... Elle. En somme, oui, puisque je ne serai pas partie!... Lui. Bon... Tu pars tout de suite... enfin soi-disant. Et je lui dis de venir ici demain... Ca te va? Elle. Oui... oui... Ca, ca a l'air d'allerL. Mais est-ce que je saurai paraitre suffisamment £tonnee ct innocente ?... Lui. C'est ton idee... EliE. Oui... Mais enfin... Quand je la verrai, devant moi, debout... Lui. Tu la feras asseoir... Elle. Mais qu'est-ce qu'elle va me'dire ?... Et qu'est-ce que je vais lui repondre ?... II y a des risques... Un mot de trop ou de travers... Si elle te regarde... Lur. De travers ? Elle. Non, trop ! Enfin ja ne sais pas moi... Tout peut faire explosion! 17 Lui. Mais non... Elle. Mais si!... Peut-étre que je ne pourrai pas supporter d'etre ridicule ä ses yeux... devant elle... Lui. Mais moi, je serai la... Je ferai la liaison.., Enfin c'est une f agon de parler... Elle. Et si tu lui disais de venir... Mais de venir maintenant ? Lui. Maintenant ? Pourquoi ? Eiib. Parce que si elle vient maintenant, elle va etre beaucoup plus embétée que moi... Lui. Demain ce sera pareil... Elle. Non... Justement!... Dans la journée, elle peut faire semblant de s'étre trompee... Lui. La nuit aussi... Elle. Non!... Pas quand on vient chez un homme seul, le soir !... Farce que c'est toi qui ouvriras la porte, et des qu'elle te verra... elle te dira : « Bonsoir », et des qu'elle t'aura dit : « Bon-soir », elle ne pourra plus dire qu'elle s'est trompee ďadresse... Le piége sera fermé!... Et alors moi, je serai lä... avant que tu aies le temps de lui dire que j'ai brusquement renoncé ä mon voyage... bien entendu!,.. Ce que normalement tu devrais lui dire pour ne pas avoir Pair de lui avoir menti!... Elle sera trés embétée de me voir... forcément!... Et ca compensera ma position d'idio-te !... . Lui. Mais si elle vient maintenant ca ne sert ä rien... Personne ne la verra entrer!... Personne ne passe dans le quartier !,., Elle. ne fait rien !... C'est juste pour prendre un premier contact... enfin pour la faire venir... Et demain on s'organisera de facon ä ce que je sois bien ridicule, puisque c'est co que tu veux!... Lui. Ce n'est pas ce que j e veux !... Non J Simplement trompé tout seul, c'est ridicule, quand on est deux ä ľétre, ga s'annule !... Elle. Alors vas-y !... Lui. Ou ca ? Elle. Appelle-la!... Lui. Maintenant?!... Elle. Evidemment!... Et comme tu étais encore avcc elle a huit heures moins le quart... Lui. Oh! elle va se méfier!... Elle. Non! Au contraire!... Elle va se dire que tu tiens vraiment beaucoup ä elle !... Et ca comme c'est trés flatteur, elle ne va pas marcher, elle va courir!... Allons! Allons !... Fais-la venir!... Lui. Tu en paries avec une désinvolturc, maintenant !... Elle. Mais non... Pas du tout!... Seulement j'essaie de m'installer confortablement dans une situation in-confortable... Enfin j'accepte de la voir... mais ä la condition que ce soit tout de suite!... Je ne peux vraiment pas faire plus !... Lui (vers le telephone). Qa ne va peut-étre pas ré-pondre !... Elle. Ah ! ca oui!... peut-étre pas ! Lui. Et comme d'habitude elle a ses soirees libres!... Elle. Oui, puisque tu es avec moi !... Lui. Elle sera probablement sortie!... Elle. Pourquoi ? Elle a un amant ? Enfin un autre ?... Oh! pardon!... (Désignant le telephone.) Essaie toujours... On verra bien!... Lui. Lä ?... devant toi ?... Elle. Oui! Pourquoi ?... Ca te géne ?... Lui (géne). Ca me géne!... ca me géne? Non! C'est pour toi!... Elle. Oh! Ne t'inquiete pas pour moi!... Au point oil nous en sommes, je peux t'ecouter lui telephoner!... Je peux tout entendre!... Lui. Oui ?,.. Elle. Mais oui !,., Lui. Dans ces conditions... 77 sort un carnet de sa poche. EllE. Comment ? Tu ne connais pas son numero par cosur ?... Lui. Je te rappelle que ce n'est pas une affaire de coem*!... Elle. Ah! oui... c'est vrai... Pardon!... J'oubliais !... Lui (il a fait le numero). Alors vraiment je ?... Parce que je peux encore raccrocher! Elle. Pourquoi ? Lui. C'est pour toi!.,. Elle. Mais non!... Mais non!... Lui (sonlage et raccrochant sans avoir ecoute). Ah ! Ce n'est pas libre !... EllE Parfait !... Lui. Pourquoi ?... Elle. Eh! bien... c'est qu'elle est la!... Lui. Ah ! ga oui... sans doute... enfin peut-etre!... Elle. Ca n'a pas I'air de te faire plaisir!... Lui. Mais si... ga me fait tres plaisir I... Elle. Mais non... Tu n'as pas I'air content!... Lui. Moi?... Oh! Mais si... mais si... Oh! la la... Je suis tres content!... Elle. Tu as ce que tu voulais !... Lui. Oui.., oui... bien sür... mais c'est pour toi... Elle. Fais comme si tu etais seul!... Alors oublie-moi... comme tu vas lui dire que tu es tout seul... Bettina (entrant). Ah! Tu as sonne Madama! Elle. Moi ?! Mais non !... Bettina. Ma j'ai entendu... Lui. Mais non !... C'est Ie telephonato, quand j'ai de-crochata! Bettina. Ah!... Si!... Ma alors je voulais demander... Elle. Piu tardi!... Bettina. Ma... Lui. Piu tardi!... Compriscolo Ragazza Bettina ? Bettina. Si signore si!... Oh! la la... Si !... Elle sort. Elle. C'est fou ce que tu as fait comme progres en Italien !... Lui. N'est-ce pas?... E pericoloso sporgersi!... Elle (designant le telephone). Ah! en effet, oui! Bon!... Elle doit avoir fini de parier!... Recommence ! Lui (refaisant le numero). Alors... je recommence... Elle. On dirait que ga fest penible ?... Lui. Eh! bien... n'est-ce pas... c'est pour toi. (Brus quement.) Ca sonne!... C'est libre!... Elle. J'avais compris !... Lui. Alio?... (II toussote.) Alio?... Oui, oui... C'est moi... oui... (II rit, vaguement geni). Oui... Oui. enfin je veux dire... Ca va tres bien... Et toi ? Elle. Tu la tutoies ?... Lui. Heu ?... Oui, oui... evidemment!... D'ailleurs si je ne la tutoyais pas, elle trouverait ga bizarre... Elle. Oui... evidemment! Lui (telephone). Comment ?... (A Elle.) Elle me de-mande pourquoi je l'appclle ?.,. Elle Eh! bien, un peu de cc.-..agc !... Dis-Ie lui!... Lui. Eli !.., bien... Je t'appelle... je t'appelle.:. parce que... parce que... eh!... bien... parce que je ren- tre... je rentre a 1'instant chuz moi... et je... et je... enfin... je... Elle. Tu es en-dessous de tout !... Lui (bouchant le rdcepteur). Je voudrais t'y voir!... Si tu crois que c'est facile, avec toi a cote" de moi!... (Telephone.) Mors... je te telephone pour te dire... que... que j'ai trouv^ en rentrant un mot de... oui... oui... C'est ca!... Elle est partie ! Nan !... Non!... Elle n'est pas partie complete-ment !... Oui quelques jours... Oui seulement!... // la regarde, gene d'avoir rip&ti « oui seulement ». Elle. Elle est charmante !... Lui. Et alors j'ai pense que nous pourrions en pro-fiter... oui... pour nous voir aussi ce soir... Ah ! oui... pour diner!... (Elle lui fait signe que « non ». Au telephone.) Ah!... Non... non... Pour diner c'est impossible!... J'ai justement un petit diner... enfin un petit diner d'affaire... Non, non... (Au-dessus du ton et asset fort.) Non... non... ca, jc ne peux pas !... Je ne peux absolument pas decommander ce diner-la !,.. Ca non, je ne peux pas ! Mais tu pourrais venir ici... apres... Oui, oui... chez moi... Oui... (It regarde sa monlre.) Vers 11 heures, 11 heures et quart... par exemple... (II lui fait un signe interrogatif de la tete pour sa-voir si I'heure qu'il vient de proposer au tdld-phone lui convient, et Elle repond affirmativement de la tete egalement.) Oui... oui... A cette heure-Ia ce serait tres bien... J'aurai fini mon diner d'affaire... Oui... oui... Toute la soiree ensemble... en tete a tete... (Elle tousse.) Oui... Tous les deux bien sur... c'est ca!... Alors c'est d'accord ?... Oui... Oui... (II la regarde.) Oui... Elle. Qu'est-ce qu'elle dit ? Lui. Ce qu'elle dit ?... Elle. Oui! Lui. Elle me demande si... si... je... si je... si je... Ellb. Si tu... quoi ? Lur. Eh! bien si... enfin si je l'aime... Elle, Eh ! bien rdponds-lui, voyons Lui (tottssotant et hdsitant). Oui... oui... Bien sur... quelle question!... Alors a 11 heures et quart!... Ah ! oui... C'est vrai I... Tu n'es jamais venue ici, toi!... C'est 12 Villa Beausejour — pres du Bois, au rez-de-chaussde !... A tout a I'heure... Oui... (II raccroche et va se servir un verre.) Voila!... Elle. Oui... Oui... Voila!... En tout cas, comme amant au telephone, je ne te felicite pas I... Lui. Avec tcs commentaires et tes conseils en m£me temps, j'ai fait ce que j'ai pu. Elle. Et tu lui paries toujours comme ca quand tu 1'appelles ?.., Lui. Je ne l'appelle jamais !... EllB. Heureusement !... Lui. J'ai horreur de telephoner!... Elle. Enfin l'essentiel c'est qu'elle fait cru... Lui. Oh ! 5a pour me croire, elle m'a cru!... Elle est enchantee, et a 11 heures, elle va se precipiter dans ce traquenard !... Elle. Moi qui ne voulais pas... Tu vois... Eh ! bien maintenant je suis assez curieuse de voir ce qui va se passer!... Eh! bien, ne fais pas cette tete-Ia, voyons!... Lui. Oh ! je ne fais pas de tete... non simplement... J'etais en train de penser ä quelque chose... Elle. Ah ! oui ?... A quoi ? Lui, Eh ! bien pourquoi est-ce que nous ne profite-rions pas de cette petite sauterie... pour que je rencontre moi aussi... ton!... Ellb (bondissant). Ah! Mais non!... Lui. All! Mais si!... Pourquoi est-ce qu'il ne serait pas, lui aussi, dans cette situation impossible ! ?... Moi aussi je serais curieux d'entendre comment il va expliquer son arrivee ici en pleine nuit!... Et puis quoi... Je verrais enfin la tete qu'il a... depuis Ie temps que j'en entends parier!... Elle. Mais... Lui (lui montrant le UUphone). Allons!... Un bon mouvement... Un peu de courage !... Ce n'est qu'un mauvais moment ä passer !... Elle. C'est un defi ? Lui. Si tu veux, oui! Elle. Bon... Bon... Apres tout!... Comme tu voudras... Elle fait le numero. Lui. Je remarque que toi, tu connais son numero par cceur! Elle. Mais oui... Bien sür!... Bien entendu... je le connais par cceur!... Ses visites ici ne me suffi-sent pas !... Des que tu as le dos tournd, je l'appelle !... Lui. Tous ces credits ä Saclay pour des gens qui ne foutent rien !... Elle. Tu restes lä ä ecouter ?... Lui. Oui!.., Pourquoi ? Elle. Enfin tu sais ce que je vais dire... alors... Lui. Ce qui m'interesse c'est la facon dont tu vas le dire !... Tout est dans la maniere... enfin dans le ton !... Elle. Alio ? C'est toi ? Oui! C'est de nouveau moi (A lui.) II m'a appelce tout ä I'heure !.„ Lui. J'avais compris !... Merci!.... Je vois que vous vous tutoyez, comme nous !... Ellb (telephone). Non... je t'appelle... parce que mon mari... a du s'absenter quelques jours... Son bureau vient de me Ie faire dire... Oui... c'est pour ca qu'il n'^tait pas rentre... oui!... Alors si tu veux... oui... oui... Pour diner?..: Non,.: non... Je dine.,, avec... enfin je dine avec une amie... Mais tu pourrais venir apres,.. Vers 11 heures... 11 neu res et quart... si tu veux... Oui.., oui... Nous ne parlerons que de ga... (Elle te regarde.) C'est ca !... Lui. Vous ne parlerez que de quoi ? Elle. Eh ! bien... mais d'amour!... De quoi veux-tu que nous parlions ? Lui. Ah! oui? En effet!.,. De quoi?!... Elle. Alors... voilä... oui... A tout ä I'heure! Mais non... (Elle le regarde.) Mais non... je t'assure... II n'y a rien de bizarre dans ma voix... absolument rien... Oui... oui... C'est ca... A tout de suite... oui. Elle raccroche. Lui. Eh! bien, dis-moi! Ce n'est pas non plus du telephone extraordinaire! Elle. Evidemment! Tu toumais autour de moi... Je ne savais plus ce que je disais... Lui. Je t'avais bien dit que c'ätait tres genant... Bettina (entrant). Signora... Elle. Oui?.., Cette fois vous arrivez bien!... 19 Bettina. Ah! bene!... Finalmente!... Elle. Qu'est-ce que vous avez prepare pour Ie diner ?... Bettina. Pour maintenant? Elle. Oui... bicn sůr!... Pour ce soir!... Bettina (les bras au del). Four ce soir? Niente!... Elle. Niente?... Lui. Oui... ga veut dire : « rien » !... Elle. Rien ? Ah ! oui!... Alors Niente ? Bettina. Si! Si! Niente!... Niente!... Elle. Et pourquoi ? Bettina. Ca fait oune heure je veux demander... ma la maitresse... Elle. Madame! Bettina. Si! Si!... Madama et le signore tne disaient toujours... « Piu tardi... Piu tardi! » Sempre... Alora... Cosi niente!... Niente!... Lui. Alors no canneloni... no spaghetti... no ravioli... no scampi fritti... No minestroni... no scalopini... no tagliatelli ?... Et no gorgonzola ?... Bettina. Et no gelati Motta!... No!... Signore niente... Niente... no !... Lui. Oui !... (A Elle.) En somme il n'y a rien!... Elle. Alors pourquoi est-ce que vous venez maintenant ?... Bettina. Pour te dire que c'est samedi!.., Elle. Ah! Oui ? Ca, nous le savons !... Bettina. Oui... mais le samedi... c'est la soiree... on m 'attend... Lui. On vous attend ?... Bettina. Oui I... Lui. Qui? Bettina. Eh! bien mais... oune amant, signore!... Lui. Ah ! bon ?.,. Parce que vous avez un amant, vous aussi ? Elle. Pourquoi, vous aussi ?... Lui. Oui... enfin je veux dire... c'est une epidemie !... Bettina. Oh ! no signore... II est en trěs bonne santé !... Lui. Oui! Je n'en doute pas... Tant mieux pour lui!,.. Bettina. Et il m'attend pour aller au cinéma !... Lui. Au cinema ?... Alors ne faites pas de bětises, hein ?... Bettina. Oh! no signore, pas au cinema !... Lui. Oui... non... bien sůr... Enfin je voulais dire.:. « aprés >! Bettina. Aprěs ?... Oh ! Oh ! Signore... Lui. Quoi... « Oh! oh! signore ». II n'y a pas de quoi rire!... Nous serions encore sans bonne!... Bettina. Oh! no signore. Lul. Ah ! Bon ! Elle. Alors bonne soiree, Bettina !... Bettina. Merci maitresse!... Alors buona notte... la signora... el signore... Lui. Oui... oui... C'est ga... Buona... Bonsoir:.. Arrive-derci! (Bettina sort.) Alors on va au restaurant ? Elle. Vas-y sans moi... Je n'ai pas faim! Lui. Ah! non... Je ne te lache pas... Elle. Pourquoi ?... Tu as peur que je lui retéléphone ?... Lui. Oh! non... Pas du tout!... Pourquoi le ferais-tu ? Elle. Et toi tu pourrais aussi lui retéléphoner ä eile... alors! Lui. Oui, bien sůr... Mais ga servirait ä quoi ?... II faudrait avouer, chacun de notre cöte, que nous avons menti... ga gácherait tout, et tout serait a recommencer... Et puis... Elle. Et puis ?... Lui (lui tend son arc). Et puis j'aimerais quand meine beaucoup que nous dinions ensemble ce soir !... Elle. Particuliěrement ce soir?... Lui. Oui! N'est-ce pas... C'est tout de méme assez risque ce que nous allons faire... Elle. C'est méme assez dangereux !... Lui. Tu crois ?... Elle. Je ne sais pas... J'ai l'impression que oui !... Lui. Tu aurais dů me le dire avant... Elle. C'est toi qui as voulu... toi qui as insisté... Maintenant c'est trop tard... alors c'est peut-étre notre derniěre soiree ensemble ? Lui. Tu as peur ?... Elle. Pas toi ?... Lui. Si... un peu... Elle. Eh! bien, tant mieux... Lui. Pourquoi ? Elle. Eh! bien, comme ga, je ne suis pas toute seule, ä avoir peur !... Lui. Alors... (Aprěs une hesitation, brusquement.) Allons, viens diner! Et Us sortent porte au fond tandis que descend le... RIDEAU 9n