7^e séance (vendredi 07 mars 2006) : Le postmoderne III : symptôme de crise(s) LE POSTMODERNE: Ayant tenté de dresser une image de la modernité, et en particulier la dimension artistique qu'incarne la notion de modernisme, nous allons porter notre attention `a la question du postmoderne qui revet plusieurs apparences. Il s'agira donc d'en regarder de plus pres les orientations principales. Se posera alors la question de savoir laquelle d'entre ces orientations saisit de maniere adéquate les mouvements dans le contexte français, notamment le contexte de la littérature narrative de la seconde moitié du XX^e siecle. Il va sans dire que la question postmoderne touche presque tous les domaines d'activité humaine. Ayant surgi d'abord dans celui de l'art - la littérature américaine et l'architecture en furent les premieres terres d'accueil -, le concept a gagné le domaine de la sociologie et celui de l'histoire : nous songeons notamment `a la société post-industrielle de Bell et `a la présumée >> fin de l'histoire << de Francis Fukuyama. Avec les travaux de François Lyotard, la notion arrive en Europe, de prime abord assez réticente vis-`a-vis de ce terme qu'elle trouve contradictoire.[1] Pourtant, de nombreux intellectuels ne peuvent pas résister `a la tentation de se prononcer sur son compte et de le critiquer. Or la notion existe et se voit réemployée avec une fréquence croissante, meme en dépit d'un certain brouillage. Dans la conclusion de son essai sur le postmoderne, Wolfgang Welsch[2] avance que le terme de postmoderne n'a d'autre sens que celui d'une indication : comme une sorte de point d'avertissement qui, néanmoins, du point de vue sémantique, s'éloigne de la problématique meme, notamment par son préfixe. Il suggere que la modernité est déj`a morte et dépassée, et que nous entrons dans une nouvelle ere, celle qui succede `a la modernité. D'autres y ajoutent encore la valeur de négation qui implique une sorte d'anti-modernité. Or il n'y a rien de plus trompeur que d'envisager la problématique postmoderne sous cet angle, car le postmoderne ne signifie pas la fin du moderne. Il n'est pas question d'une scission nette d'avec la modernité ou le modernisme, mais d'un regard en arriere[3], d'une >> relecture << transformationnelle du moderne : >> La postmodernité n'est pas un âge nouveau, c'est la réécriture de quelques traits revendiqués par la modernité, [...]. Mais cette réécriture est, je l'ai dit, `a l'oeuvre depuis longtemps déj`a, dans la modernité elle-meme. <<[4] Le postmoderne ne se pose pas comme un retour `a une pensée pré-moderne. Le concept ainsi que son nom ont subi un cheminement relativement court (une trentaine d'années), mais d'autant plus mouvementé. Le débat se poursuit autour de la problématique. La discussion ne peut plus se réduire `a une simple dénonciation de la notion comme maladroite. Il est vrai qu'au départ, c'est-`a-dire au moment ou elle symbolisait la scission des auteurs américains avec le modernisme, sa forme sémantique se justifiait davantage et que de nos jours, le concept pourrait trouver une dénomination plus adéquate. Or si nous voulons la comprendre en tant que résultat d'un mouvement de la société occidentale, il faut renoncer `a cette recherche d'une signification rigoureuse du terme, dépourvue de toutes ses connotations contradictoires, car cette tâche releve de l'impossible, étant donné que la notion ne fait sens que si elle est considérée comme un >> symptôme <<.[5] Elle est significative en ce qu'elle incarne la représentation d'une certaine crise du moderne qui a du mal `a s'identifier, c'est-`a-dire qui ne se sent plus en accord avec les stratégies qui le définissaient, mais qui est en meme temps conscient qu'il n'y a pas de prise de position nouvelle. L'opinion selon laquelle il faut ne parler que de la modernité, abandonnant la notion de postmoderne, surtout si celui-ci fait partie de la modernité, ne se justifie que dans la mesure ou l'on oublie que penser la modernité en termes critiques, ainsi que cela se fait de nos jours, ne serait pas possible sans le discours mi-provocateur, mi-critico-analytique du postmoderne. Sans lui, nous nous référerions toujours `a la modernité pour nous y identifier.[6] Or de nombreuses questions s'imposent, en particulier celle, artificielle, qui préoccupe les historiens de la littérature : décider de ce qui releve du modernisme et de ce qui permet de parler d'une oeuvre comme moderne, et en fonction de quoi se légitime le terme de postmodernisme et quels en seraient les criteres discriminatoires. Suivant cette volonté/nécessité moderne de classer, de s'orienter dans le champ de plus en plus vaste qu'est la littérature, les historiens de la littérature demandent de chercher des balises, de souligner des points de repere possibles permettant une orientation dans la matiere littéraire et d'approcher ce vaste champ. Nous pouvons donc nous poser la question suivante : Le postmodernisme saurait-il se définir autrement que par un renoncement aux logiques modernistes, par une autre attitude vis-`a-vis du passé ? Cette volonté ne releverait-elle pas également de l'impératif de changer, d'innover, d'etre différent par rapport au moderne ? La réponse est plutôt négative, du moins dans la mesure ou la caractéristique du modernisme en ce qui concerne le besoin d'innovation et de changement peut, en fin de compte, devenir la caractéristique de toute oeuvre d'art. L'imitation peut etre vue comme un moyen d'innovation puisqu'elle apporte un changement soit au niveau de la forme retravaillée par la réécriture, soit au niveau de l'oeuvre imitée, transposée dans un contexte littéraire et social différents. A la maniere de la >> tradition moderniste << relevée par Octavio Paz et ou toute volonté moderniste d'innover, d'etre absolument moderne finit par se constituer en tradition, `a laquelle s'opposent les modernistes en premier lieu, nous pouvons également avancer que toute volonté de renoncer `a cette logique peut etre considérée comme nouvelle. Le renoncement `a la rupture peut faire figure d'une >> rupture avec la rupture << et >> ne peut donc pas avoir une définition précise - elle réclame l'effacement des reperes <<[7]. Il est donc possible d'envisager toutes ces >> logiques << inscrites sur le compte du modernisme comme `a ce point générales qu'il est pratiquement impossible de leur échapper. Toute volonté de changer pourrait etre considérée, au bout d'un certain temps, comme une volonté de rentrer dans cette définition, y compris l'attitude postmoderniste qui se distingue par le renoncement `a de telles logiques. Dans la réflexion de tel ou tel autre théoricien, presque toute oeuvre peut finalement etre considérée comme moderne ou postmoderne.[8] Or ceci n'est pas plausible dans la mesure ou il faut envisager toute oeuvre dans son contexte historique. Quoiqu'il soit possible de constater dans une oeuvre une présence élémentaire relevant du concept, Homere ni Rabelais ne peuvent etre regardés comme postmodernes pour la simple raison qu'`a leur époque la notion de moderne telle que nous la comprenons aujourd'hui était encore inconnue. La seule possibilité consiste `a relever des tendances présentes dans leurs oeuvres qui correspondent ou semblent correspondre aux tendances du postmoderne, et `a les considérer comme de virtuels postmodernistes. D'autre part, il faut souligner que nous ne nous proposons pas de faire le point sur une poétique ou esthétique postmoderniste, clairement établie en tant que telle. A notre avis, une telle démarche n'est pas envisageable. Du moins pas sous l'apparence qu'elle revet dans les théories américaines d'Ihab Hassan,[9] de Linda Hutcheon[10], ou canadiennes de Janet M. Paterson,[11] pour ne citer que les plus importants. Les raisons en sont les suivantes : le postmodernisme n'est pas un nouveau courant, un nouveau mouvement artistique qui rompe de maniere claire avec le modernisme. Il n'est qu'un point de vue sur le modernisme et sur la modernité. Tout élément relevant d'une poétique jugée postmoderne peut trouver finalement des critiques pour qui il ne serait que le comble du modernisme. Pourtant, `a notre avis, une certaine maniere de traiter ces éléments modernistes fait que le postmodernisme peut se concevoir comme une phase spécifique du modernisme.[12] En ce sens, envisager le modernisme et le postmodernisme, la modernité et la postmodernité comme des entités historiques clairement délimitées ne représente pas, dans notre conception, des opposition distinctes, puisque le postmoderne fait partie du moderne, >> que le postmoderne est déj`a impliqué dans le moderne du fait que la modernité, la temporalité moderne, comporte en soi une impulsion `a s'excéder en un état autre qu'elle-meme. <<[13] Faisant partie du moderne, le postmoderne incarne cette faculté principale qui fait que le moderne tourne son regard critique sur soi-meme ; le postmoderne représenterait donc ce repli critique de la modernité sur ses propres principes de fonctionnement. Le postmoderne paraît savoir apporter également une réponse `a la question de la périodisation. Celle-ci est l'une des caractéristiques de la modernité qui tient `a placer les événements dans une diachronie commandée par le principe de révolutions /ruptures/ - par la nécessité de >> mettre l'horloge `a la nouvelle heure <<.[14] Tant que la fin du moderne n'a pas eu lieu, nous n'avons qu'`a localiser, `a l'intérieur de ce moderne - de la modernité pour le domaine social et du modernisme pour le domaine des arts -, des tendances qui témoignent des transformations et changements de structure. Le postmoderne naît comme un indice de transition de l'état qui est communément admis, vécu et souscrit comme >> notre modernité <<. En d'autres termes, ce sont ces tendances qui ont amené Jean-François Lyotard et bien d'autres théoriciens `a parler du postmoderne. Certains événements historiques ont été repérés également qui témoignent de ces transformations et changements sociaux et qui peuvent servir de balises. Ils sont considérés comme des signes annonciateurs de ce qui se résume par le terme de >> crise de la modernité <<. Les raisons de parler d'une crise sont multiples. Or l'une d'elles, qui revient `a plusieurs reprises, est celle de Michel Maffesoli : >> ce que l'on appelle `la crise' n'est peut-etre autre chose que la fin des grandes structurations économiques, politiques ou idéologiques <<[15]. Cette crise, selon la conception d'Alain Touraine, prend figure de >> la disjonction des stratégies économiques et de la construction d'un type de société, de culture et de personnalité. << C'est cette >> dissociation << qui nomme et définit l'idée de la post-modernité. Si la modernité associa progres et culture, opposant cultures ou sociétés traditionnelles et cultures ou sociétés modernes, expliquant tout fait social ou culturel par sa place sur l'axe tradition -> modernité, la post-modernité dissocie ce qui avait été associé. [16] Et, pour revenir aux événements historiques, quel événement pourrait etre plus significatif d'une crise sociale et politique que l'effondrement du bloc communiste avec la chute du mur de Berlin, ou encore la mise en question de la sécurité mondiale avec les attentats du 11 septembre ? Ces événements se démarquent parmi ceux qui ont plongé le monde occidental dans une >> ere de turbulences << et qui ont incité Alain Minc `a traiter notre époque en termes de Nouveau Moyen Age en effet : l'absence de systemes organisés, la disparition de tout centre, l'apparition de solidarités fluides et évanescentes, l'indétermination, l'aléa, le flou, [...] le développement des `zones grises' qui se multiplient hors de toute autorité, du désordre russe au grignotage des sociétés riches par les mafias et la corruption, [...] le retour des crises, des secousses et des spasmes, comme décor de notre quotidien. [17] Issu du domaine des arts (celui de la littérature et de l'architecture en premier lieu) et ayant marqué pour une grande part les sciences, notamment les sciences sociales, le concept de postmoderne est revenu dans son milieu d'origine, celui des arts, ou il s'applique >> d'une maniere plutôt grossiere <<[18]. Or `a la maniere de la distinction entre la modernité et le modernisme ou le second est une dimension culturelle de la premiere et ou tous les deux développent la logique moderne dans des domaines respectifs, il paraît nécessaire de faire également une distinction basée sur le >> par rapport `a quoi << entre la postmodernité et le postmodernisme, c'est-`a-dire entre les deux faces du postmoderne. Si la modernité s'identifie `a l'âge historique dont la figure principale serait le message des Lumieres avec la rationalité, l'universalisme et la recherche de l'unité que l'on dénomme habituellement comme les Temps modernes, le modernisme incarne une radicalisation de la logique moderne dans le champ artistique, due `a la scission entre l'art, le politico-social et le techno-scientifique. Si le postmodernisme américain se définissait par rapport au modernisme littéraire, ce qui est d'ailleurs aussi le cas du postmodernisme architectural, malgré les dénonciations de cette attitude par Charles Jencks lui-meme, et si l'idée meme a été éventuellement reprise par d'autres domaines de l'activité humaine, il s'avere peu probable qu'elle soit retransmise au domaine de l'art, cette fois européen, `a travers sa théorisation dans d'autres domaines, sans avoir subi des changements de fond. L'explication de cette hypothese repose sur une logique propre aux arts : des que la critique, dans une volonté de devenir une science, recherche des lois communes et les explicite, l'art s'engage dans une recherche des exceptions. Si la postmodernité >> européenne << a été théorisée `a partir de la modernité, tout en absorbant, il est vrai, quelques éléments du postmodernisme anglo-saxon, la définition du postmodernisme >> européen << ne peut plus recourir aux memes arguments que ce dernier en matiere du refus du modernisme. Ceci est d'autant plus valable que le modernisme anglo-saxon est loin de manifester les memes démarches que le modernisme européen (français en particulier). Cette définition peut néanmoins recouper certains des points de vue généraux propres au postmodernisme anglo-saxon. Le postmodernisme européen doit etre défini en premier lieu par rapport au modernisme européen. Et c'est sous cet angle que le postmodernisme apparaît aux yeux de certains comme aboutissement du modernisme en ce qu'il revet une apparence du radicalement moderne tout en abandonnant certains de ses aspects.[19] Le postmoderne et >> le postmoderne << Il s'avere effectivement impossible d'opter pour une seule interprétation. Le postmodernisme se révele comme un mélange d'arguments justifiant tel ou tel point de vue. Reste que l'existence de la notion et le débat autour d'elle suggerent qu'il y a un mouvement dans les esprits et qu'il faut lui donner un nom. Mais une autre question, plus grave, qui concerne l'envergure de ce mouvement, se pose. S'agit-il d'une simple péripétie dans l'histoire de l'art ou a-t-on affaire ici `a une >> vague générale `a l'échelle du tout social ? <<[20] Le débat a été mené sur plusieurs fronts. Il reste `a savoir `a quel point ce débat entrait dans la profondeur du probleme. La distinction que Wolfgang Welsch propose d'établir entre un postmoderne >> de libre volonté << et un postmoderne >> au sens strict du terme <<[21] semble apporter un éclaircissement. Le premier postmoderne est un discours qui manque de rigueur dans la mesure ou il s'engage dans des voies qui semblent ne poser aucun obstacle manifeste. C'est le >> anything goes << du discours scientifique aux scénarios d'une vogue culturelle élégante.[22] Ce qui caractérise ce postmoderne >> apostat << est son alliance étonnante avec sa critique qui l'a conduit au pouvoir et l'a affermi de cette maniere. Se contentant de vieilles assurances et de formules `a la mode, elle s'apparente `a lui dans sa rhétorique. Tres souvent privée de notions, elle substitue `a l'argumentation une simple aversion et association. Cette critique devient elle-meme un agent de libre volonté. C'est en ce moment que >> viennent les clichés du mythe antimoderne, le nouvel hédonisme << ou encore la >> confusion des valeurs << lorsqu'une >> paire de bottes vaut Shakespeare <<[23]. Certes, cet >> anti-moderne << ne peut se percevoir que comme un effet de mode `a la maniere de la devise de Félix Guattari : >> Pas de vagues ! Juste des vogues, modulées sur les marchés de l'art et de l'opinion, par le biais des campagnes publicitaires et des sondages. <<[24] Or cet anti-moderne ou, si l'on veut, ce nihilisme culturel, dénoncé aussi par Lyotard, semblent constituer pour de nombreux critiques la seule interprétation du postmoderne. Le nihilisme des postmodernes représente, selon eux, la seule chance de sortir de la modernité avec laquelle il faut rompre, puisqu'elle ne rend plus compte de notre présent. Le nihilisme se montre radical au moment ou il conteste la valeur du nouveau en congédiant en meme temps les avant-gardes censées etre porteuses du projet moderne. L'unique solution qui se dessine, apres cette rupture avec le moderne, serait une >> orientation définitive vers la seule mobilité incontrôlée d'une déréalisation de toutes choses <<, une méfiance vis-`a-vis de la >> croyance en une structure stable de l'etre. <<[25] Ainsi, l'homme postmoderne se pose comme un etre flottant, désorienté, faiblissant, irrémédiablement distrait et périssant, pour qui, de surcroît, l'impératif de vérité a completement perdu le sens. Les valeurs supremes se montrent superflues, toute visée de plénitude fait défaut, l'etre se réduit, selon cette critique du postmoderne, `a >> un événement <<. Dans ces circonstances >> postmodernes <<, c'est l'art qui vient prendre place de l'expérience, c'est l'art qui nous dévoile un mode d'etre de la vérité >> toujours repoussée <<. L'esthétique postmoderne est une esthétique fondamentalement basée sur la culture de masse et des médias, au point qu'elle y reconnaît >> l'instauration et l'intensification d'une recherche authentiquement post-moderne. <<[26] Répétant jusqu'`a une saturation totale des images qui se ressemblent, cette culture dissout tout fondement et toute origine. Ainsi, la position d'Henri Meschonnic critiquant le relativisme culturel qui ne fait pas la distinction entre l'enquete pour la connaissance, le respect, la sympathie et le jugement moral, explique l'exaspération de la critique provoquée par la crise générale qui accompagne le débat du postmoderne : >> Le relativisme culturel détruit `a la fois l'identité du sujet et le bien en général. <<[27] Comme de nombreuses citations peuvent en témoigner, le >> theme du postmoderne se prete merveilleusement `a la betise <<. Ce premier postmoderne >> de la libre volonté << peut se résumer par le renoncement au programme de la modernité, puisque celle-ci est arrivée, grâce `a sa logique, au bout de ses forces, ou tout a été expérimenté et prospecté. Le seul chemin qui se dessine aux yeux de ces postmodernistes >> éclectiques <<[28] est celui qui mene `a travers >> la citation et le patchwork. Une sorte de défense et illustration du kitsch, l'entrée dans la ronde insignifiante des signes : tout s'abolit dans l'absence de doute d'Apocalypse now <<.[29] Une autre citation revient fréquemment qui témoigne de la nécessité de distinguer entre un postmoderne >> de la libre volonté << et un postmoderne >> rigoureux << : >> L'éclectisme est le degré zéro de la culture générale contemporaine. [...] Il est facile de trouver un public pour les oeuvres éclectiques. En se faisant kitsch, l'art flatte le désordre qui regne dans le >> gout << de l'amateur. L'artiste, le galeriste, le critique et le public se complaisent dans n'importe quoi et l'heure est au relâchement <<.[30] Ce postmoderne >> cynique, nihiliste, naif ou encore subtil << n'est pas sérieux. Se pretant facilement `a la critique >> non moins sérieuse <<, il voile le >> vrai << postmoderne qui, seul, semble etre le porteur du sens. Le second est un >> véritable << postmoderne au sens strict du terme, pour employer les mots de Wolfgang Welsch. Il implique une distinction précise entre le bon, le douteux et le mauvais. Optant pour une confrontation réelle et renonçant `a une culture consommatrice, ce postmoderne ne se laisse pas soumettre au >> pot pourri << bruyant. Il est bien sensible au spécifique en aiguisant la pluralité qui est loin de s'apparenter pour lui au chaos. De plus, parlant de ce postmoderne rigoureux, il n'est pas question d'irrationalité, car ce postmoderne supporterait également la caractéristique d'>> hyperrationnel <<[31], dans la mesure ou il favorise une confrontation réelle en évinçant la culture consommatrice, voire >> hyperconsommatrice <<.[32] Enfin, ce postmoderne ne représente pas une posture antimoderniste, mais se révele >> un moderne encore plus moderne <<[33] tant qu'il n'abandonne pas le moderne ; il essaie seulement de s'affranchir de ses >> impuretés <<[34] `a force de se nommer postmoderne et non plus moderne. Car il ne peut pas oublier le moderne, ne serait-ce que pour la raison que l'oubli menerait `a la répétition des memes erreurs. Car >> lorsqu'on oublie le moderne on oublie `a la fois `l'oubli' qui peut le caractériser, celui du crime ou de la guerre, et le travail de l'anamnese qui a pu etre entamé en son sein. <<[35] Le postmoderne comme symptôme de crise Le terme de postmoderne (postmodernité, postmodernisme) a fait beaucoup de bruit. On peut meme dire que si le moderne et surtout son côté moderniste reste difficile `a contourner, le postmoderne est doublement obscur, dans la mesure ou il assimile l'obscurité du moderne `a la sienne. La seule certitude que nous avons avec cette notion est l'existence du mot. Ses limites, sa forme et meme son existence sont constamment sujettes `a caution. Tel est, d'ailleurs, le destin de toute notion qui prétend `a s'installer en tant que terme caractérisant une époque. Le débat reste ouvert, malgré les résistances et tentatives de s'affranchir du terme comme dénué du fondement. Or si le terme meme est loin d'etre clair, il est néanmoins certain qu'il compromet un certain mouvement de la pensée. A l'origine de ce mouvement se place une crise. Le postmoderne s'annonce donc comme un symptôme de crise : >> ce serait plutôt le signe qu'une époque des mouvements et manifestes est close. <<[36] Au niveau de la société postmoderne, la crise revet donc l'apparence d'une fatigue et d'un désenchantement du nouveau. De meme, les idéologies semblent ne plus etre en mesure d'enflammer les foules. Non seulement le terme implique une fin des mouvements et des manifestes, mais le postmoderne semble etre aussi l'expression de l'état ou la crise s'est généralisée : de la légitimité des savoirs jusqu'`a la déstabilisation des grands déterminismes. Le postmoderne se prend pour tâche, selon les termes de Jean-François Lyotard, de réexaminer la pensée des Lumieres sans accepter l'idée d'une fin de l'histoire. L'idée principale réside dans >> une sorte de déclin dans la confiance que les Occidentaux des deux derniers siecles plaçaient dans le principe du progres général de l'humanité <<.[37] En d'autres termes, la conviction que les trois composantes de la société moderne, censées évoluer vers un tout organique - l'ordre techno-scientifico-économique, l'ordre politico-juridique et les arts - se développent afin de se rendre profitables `a l'humanité dans le but de l'émanciper, se désagrege. La crise de la modernité décrite par Lyotard met en question la légitimité d'une telle conviction, dans la mesure ou celle-ci a été rendue suspecte, pour ne pas dire trahie, par les exces de la modernité. A la suite de Theodor Adorno, Lyotard emploie l'exemple de la tragédie d'Auschwitz pour démontrer `a quel point le >> projet moderne <<, caractérisant l'histoire occidentale depuis deux siecles, était >> inconsistant <<.[38] Une autre inconsistance du projet moderne, prenant figure d'un autre >> récit de légitimation <<, cette fois marxiste sur l'émancipation de la classe ouvriere, resurgit ouvertement au moment de la décomposition du >> camp socialiste << avec la chute du mur Berlin qui n'est, d'ailleurs, qu'une manifestation finale et apres coup de l'implosion du systeme communiste. Le postmoderne se définissant ainsi comme >> le rejet des grands récits de légitimation << représente en effet un autre méta-récit, si nous nous identifions `a Henri Meschonnic.[39] Le cercle vicieux postmoderne s'est renfermé, car si Lyotard définit le postmoderne comme rejet, et non pas comme une tendance, nous sommes toujours dans le moderne. Mais tant que le postmoderne se pose comme le résultat de certaines propensions qui régissent les sociétés occidentales, parmi lesquelles l'abandon des discours philosophico-économiques qui orientent le sens de l'évolution de l'humanité, le postmoderne représente alors la volonté de faire subir >> un sévere réexamen << `a l'idée d'une fin unitaire de l'histoire et `a celle d'un sujet. Ce réexamen de la pensée des Lumieres rationaliste et libertaire et de la fin postulée par le projet moderne hégélien de l'unité socioculturelle ou chaque élément de la vie quotidienne se placerait comme dans un corps organique a été suggéré déj`a par Adorno et Wittgenstein, bien que la question elle-meme n'ait été lancée ouvertement que par Lyotard. Cette crise explicitement annoncée par Lyotard fut précipitée par le développement des techno-sciences qui paraissent augmenter le malaise, ce >> Qui dit de maniere instable l'instabilité << [40] qu'est la postmodernité, au lieu de le modérer. La crise apparaît ainsi comme le synonyme du processus de complexification. L'informatisation omniprésente ne fait qu'éloigner la réalité de l'homme. Celui-ci cesse de la comprendre. Pire encore, l'homme cesse de s'intéresser `a la comprendre. Son besoin de sécurité, d'identité et de bonheur découlant de sa condition d'etre social semble etre épuisé, écrasé sous le poids de la contrainte de complexifier, numériser et médiatiser. Dans de telles circonstances, la demande de simplifier ne peut pas etre envisagée, puisqu'elle apparaît comme une sorte de barbarie ou >> néo-conservatisme <<.[41] La question du retour `a un stade d'évolution d'>> avant << la modernité n'a jamais été conçue, `a la différence de ce que prétendent les critiques traitant le postmoderne d'>> anti-modernisme <<. L'échec du projet moderne peut se formuler également comme ce clivage entre ceux qui bravent la complexité en la rendant encore plus complexe et ceux qui affrontent le terrible défi de survie.[42] La postmodernité et la fin de l'histoire ; la >> post-historicité <<[43] La crise détermine la phase de la modernité pour laquelle le nom de postmodernité a été admis. Elle a un synonyme : >> le vide qu'elle instaure dans les certitudes. <<[44] Se traduisant comme une crise de la rationalité - refus de la raison des Lumieres -, la postmodernité a revetu le sens de la fin de l'histoire au point qu'elle s'est vue octroyer un deuxieme nom, celui de >> post-histoire <<. Dans la mesure ou le >> rejet des grands récits de légitimation << s'interprete en termes de négation de l'idéologie du progres, du dépassement, mais aussi de l'innovation et ainsi de suite, la postmodernité est regardée comme une >> post-historicité <<, c'est-`a-dire comme la fin de l'idée d'historicité de l'existence humaine. Il faut l'entendre en ce sens, comme une remise en cause du savoir des Lumieres, sur lequel s'est bâtie la société occidentale moderne. La >> post-histoire << est une crise fondamentale de la conscience de l'histoire que ressent la société contemporaine. Dans la terminologie lyotardienne elle se traduit comme une crise de la légitimité des idéaux modernes. Cette présumée absence d'une philosophie de l'histoire a pour conséquence la dissolution pure et simple de l'histoire dans une pratique de la contemporanéité. Aussi, nous ne vivons pas une seule histoire aujourd'hui, mais une multitude d'histoires : politique, événementielle, économique, culturelle. De plus, le savoir historique devenu un >> discours de l'histoire << s'approche, dans la philosophie de Foucault, du discours littéraire. Il n'est qu'un genre de la littérature narrative, puisque, afin de relier les faits et événements historiques dans un récit de l'histoire, les historiens ont >> renfermé les abîmes <<, effacé les incohérences et enrobé leur travail dans un langage d'objectivité. Ce faisant, ils n'ont fait que souligner leur part dans l'affaire. Désormais, l'histoire ne peut plus se poser comme une recherche objective de la connaissance du passé, car cette conviction releve, selon Foucault, du >> mythe occidental << qu'il s'agit d'abandonner. Par conséquent, l'histoire ne peut plus prétendre `a etre objective en raison de sa subjectivité fondamentale. Avec chaque récit une nouvelle interprétation, un nouveau sens s'impose.[45] De cette maniere, l'histoire dans la phase postmoderne de la modernité se dissémine en >> histoires <<. L'Histoire dans sa conception moderne, hégelienne, c'est-`a-dire unie, centrale et universelle s'établissant comme processus d'illumination progressive de la conscience, est mise en cause par des histoires apparemment échappant `a toute idée de hiérarchie.[46] En ce lieu, il importe de distinguer clairement cette conception de la postmodernité comme fin de l'historicité du théoreme de l'>> apres-histoire <<. Formulée déj`a dans les années 1950 par Arnold Gehlen, l'idée de la >> post-histoire << prévoit l'époque venue apres l'âge historique : celle ou l'on ne peut plus s'attendre `a des innovations, `a des transformations de fond qui pourraient marquer notre existence. Selon la théorie de Gehlen, toutes les possibilités historiques ont été épuisées. Il n'est pas nécessaire d'aller trop loin pour trouver un exemple éloquent : l'industrie qui s'apparente de plus en plus `a une forme de reproduction qui n'a plus besoin d'innovation, qui n'a plus besoin de nouveaux concepts, impulsions, valeurs, ne peut pas en tenir compte au cas ou ceux-ci apparaissent.[47] Or il n'est pas possible de confondre la postmodernité avec cette >> post-histoire << historique, `a laquelle font allusion certains de ses critiques quand ils parlent de la premiere phase de sa conceptualisation. Certes, le postmoderne s'impose a priori comme symptôme de crise ; il était, notamment dans sa phase postmoderniste américaine des années 1960 - 1970, le synonyme de l'épuisement. Il est néanmoins tout aussi vrai que le postmoderne, par son travail de >> remémoration << et >> perlaboration <<, trouve des voies nouvelles de cheminement et il n'est plus concevable de l'envisager en termes de cynisme et nihilisme. Il n'est plus possible de le penser comme une disparition de la croyance en de nouvelles possibilités. ------------------------------- [1] Mais malgré ou, plutôt, justement en raison de ses contradictions, il est nécessaire d'éviter d'assimiler la notion `a la chose meme : on ne peut pas considérer la problématique comme résolue ayant renoncé `a la question du changement paradigmatique qu'a subi la société occidentale au cours de la seconde moitié du XX^e siecle. Bien que le terme soit douteux et fasse l'objet de nombreuses réflexions ironiques, la chose qu'il désigne a du poids et, vu l'envergure qu'elle enferme, elle doit etre reflétée dans les différents domaines qu'elle couvre. [2] Wolfgang Welsch, Unsere postmoderne Moderne, Weinheim, VCH Acta Humaniora, 1988. Nous renvoyons `a l'édition tcheque : Na¹e postmoderní moderna, Praha, Zvon, Èeské katolické nakladatelství, 1994, pp. 161sq. [3] Qui, cependant, n'est nullement un pas en arriere. [4] Jean-François Lyotard, >> Réécrire la modernité <<, Cahiers de philosophie, No. 5, 1988, p. 202. [5] Wolfgang Welsch, op. cit., p. 161. [6] Wolfgang Welsch, op. cit., p. 162. [7] Henri Meschonnic, Modernité, Modernité, Paris, Gallimard, 1988, p. 220. [8] Cf. Umberto Eco selon qui déj`a la personnalité d'Homere incarnait un auteur postmoderne. L'Apostille au Nom de la rose, Paris, Grasset, 1985. [9] Ihab Hassan, Le démembrement d'Orphée : Vers une littérature post-moderne, Paris, Laffont, 1985 ; The Postmodern Turn. Essays in Postmodern Theory and Culture, Columbus, Ohio State University Press, 1987. [10] Linda Hutcheon, A Poetics of Potmodernism : History, Theory, Fiction, Routledge, New York / London, 1988. [11] Janet M. Paterson, Moments postmodernes dans le roman québécois, Presses de l'Université d'Ottawa, 1993. [12] Il est vrai que dans ce cas le recours `a une dénomination plus pertinente, comme celle du >> modernisme tardif <<, serait plus juste, mais que faire alors de la notion qui nous préoccupe dans le présent travail ? [13] Jean-François Lyotard, op. cit., p. 194. [14] Jean-François Lyotard, op. cit., p. 195. [15] Michel Maffesoli, Le Temps des Tribus, Paris, Méridien-Klincksieck, 1988, p. 67. [16] Alain Touraine, Critique de la modernité, Paris, Fayard, 1992, pp. 239-240. C'est l'auteur qui souligne. [17] Alain Minc, Le Nouveau Moyen Age, Paris, Gallimard, 1988, 2^e édition de 1993, p. 11. [18] Ashton Dore, Malaise fin de siecle et postmodernisme, Caen, D. A. et l'Echoppe, 1990, p. 30. [19] Wolfgang Welsch, op. cit., pp. 14 et 15. [20] Gilles Lipovetsky, op. cit., p. 114. [21] Wolfgang Welsch, op. cit., p. 10 et 11. [22] Ibid. [23] Alain Finkielkraut, La Défaite de la pensée, 1987, p. 136 et 141. [24] Félix Guattari, >> L'Impasse postmoderne <<, La Quinzaine littéraire, N^o 456, du 1^er au 15 février 1986, p. 21. [25] Christian Ruby, Le Champ de bataille. Post-moderne/néo-moderne, Paris, L'Harmattan, 1990, p. 119. [26] Ibid., p. 120. [27] Henri Meschonnic, Modernité, Modernité, Paris, Gallimard, 1988, p. 241. [28] Jean-François Lyotard, >> Réponse `a la question : qu'est-ce que le postmoderne ? <<, Critique, No. 419, avril 1982, p. 362. [29] Jean-François Lyotard, >> Du bon usage du postmoderne <<, Magazine littéraire, N^o 239-240, mars 1987, p. 97. [30] Jean-François Lyotard, >> Réponse `a la question : qu'est-ce que le postmoderne ? <<, Critique, No. 419, avril 1982, p. 361-362. [31] Wolfgang Welsch, op. cit., p. 11. [32] Cf. Gilles Lipovetsky, >> La société d'hyperconsommation <<, Le Débat, No. 124, mars-avril 2003, pp. 74-98. [33] Jean-François Lyotard, >> Du bon usage du postmoderne <<, Magazine littéraire, N^o 239-240, mars 1987, p. 97. [34] Terme qu'emploie Lyotard en cette occurrence ne doit pas etre confondu avec la notion de l'>> esthétique de l'impureté << de Guy Scarpetta. Cette derniere consiste en une façon de traiter la double impasse, dans lesquelles s'est retrouvé l'art contemporain, par le travail de >> détournement, surcodage, corruption, dé-naturalisation <<, bref le travail >> au second degré <<. Guy Scarpetta, L'Impureté, Paris, Bernard Grasset, 1985, p. 9. [35] Jean-François Lyotard, >> Du bon usage du postmoderne <<, Magazine littéraire, N^o 239-240, mars 1987, p. 97. [36] Guy Scarpetta, L'Impureté, Paris, Bernard Grasset, 1985, p. 18. [37] Jean-François Lyotard, Le postmoderne expliqué aux enfants, Paris, Galilée, 1986. Nous référons `a la 2^e édition de 1988. p. 115-116. [38] Ibid. [39] Henri Meschonnic, Modernité, Modernité, Paris, Gallimard, 1988, p. 255. [40] Henri Meschonnic, op. cit., p. 258. [41] Dénomination qu'utilise Jürgen Habermas quand il parle de l'idée du postmoderne qu'il envisage comme >> projet inachevé de la modernité << : >> [...] un courant affectif qui s'est insinué dans tous les domaines de la vie intellectuelle et a marqué l'entrée en lice des théories de l'apres-Aufklärung, de la post-modernité, de la post-histoire, etc., c'est-`a-dire en un mot d'un nouveau conservatisme. << Jürgen Habermas, >> La Modernité : un projet inachevé <<, Critique No. 413, 1981, p. 950. Cf. aussi sur le theme du débat Lyotard - Habermas : Richard Rorty, >> Habermas, Lyotard et la postmodernité <<, Critique, No. 442, avril 1984, pp. 181-197. [42] Jean-François Lyotard, op. cit., p. 118. [43] Terme employé par Gianni Vattimo. Il précise que le postmoderne en tant que dissolution de la catégorie du nouveau animant l'histoire - succession des stades plus progressifs - sort de cette logique et met, par conséquent, une fin métaphorique `a l'histoire entendue comme le sens de l'existence humaine dont le concept de progres représente l'élément capital. En ce sens la notion d'historicité que les postmodernes (`a commencer par Nietzsche, Heidegger et continuant par Gadamer) dissolvent se prete mieux que le terme de l'histoire, puisqu'elle ne connote plus une catastrophe de l'humanité. Cf. La Fin de la modernité, Paris, Seuil, 1987, pp. 10-13. [44] Christian Ozuch, >> L'attrait pour le ténu <<, Cahiers de philosophie 6, 1988, p. 13. [45] >> [...] si bien qu'une découverte, la mise au point d'une méthode, l'oeuvre d'un savant, ses échecs aussi, n'ont pas la meme incidence, et ne peuvent etre décrits de la meme façon `a l'un et `a l'autre niveau ; ce n'est pas la meme histoire qui, ici et l`a, se trouvera racontée. << Michel Foucault, L'Archéologie du savoir, Paris, Gallimard, 1969, p. 11. [46] Cf. Michel Foucault, op. cit., p. 10 : >> Derriere l'histoire bousculée des gouvernements, des guerres et des famines, se dessinent des histoires, presque immobiles sous le regard, - des histoires `a pente faible : histoire des voies maritimes, histoire du blé ou des mines d'or, histoire de la sécheresse et de l'irrigation [...]. Les vieilles questions de l'analyse traditionnelle (quel lien établir entre des événements disparates ? Comment établir entre eux une suite nécessaire ? Quelle est la continuité qui les traverse ou la signification de l'ensemble qu'ils finissent par former ? Peut-on définir une totalité, ou faut-il se borner `a reconstituer des enchaînements ?) sont remplacées désormais par des interrogations d'un autre type : quelles strates faut-il isoler les unes des autres ? Quels types de séries instaurer ? Quels criteres de périodisation adopter pour chacune d'elles ? Quel systeme de relations (hiérarchie, dominance, étagement, détermination univoque, causalité circulaire) peut-on décrire de l'une `a l'autre ? [...]. << [47] Wolfgang Welsch, op. cit., p. 27.