document VII.a.





                                        Le bapteme de Clovis

   

   Apres la victoire de Tolbiac sur les Alamans en 496 :

   

   >> Il [Clovis] raconta `a la reine comment en invoquant le nom du Christ il avait mérité
   d'obtenir la victoire. Ceci s'accomplit la quinzieme année de son regne.

   >> La reine fait alors venir en secret saint Remi, éveque de la ville de Reims, en le priant
   d'insinuer chez le roi la parole du salut. L'éveque, l'ayant fait venir en secret, commença `a
   lui insinuer qu'il devait croire au vrai Dieu, créateur du ciel et de la terre, et abandonner
   les idoles qui ne peuvent lui etre utiles, ni `a lui, ni aux autres. Mais ce dernier lui
   répliquait : " Je t'ai écouté volontiers, tres saint pere, toutefois il reste une chose ;
   c'est que le peuple qui est sous mes ordres ne veut pas délaisser ses dieux ; mais je vais
   l'entretenir conformément `a ta parole. " Il se rendit donc au milieu des siens et, avant meme
   qu'il eut pris la parole, la puissance de Dieu l'ayant devancé, tout le peuple s'écria en meme
   temps : " Les dieux mortels, nous les rejetons, pieux roi, et c'est le Dieu immortel que
   preche Remi que nous sommes prets `a suivre. " Cette nouvelle est portée au prélat qui, rempli
   d'une grande joie, fit préparer la piscine [...] Ce fut le roi qui le premier demanda `a etre
   baptisé par le pontife. Il s'avance, nouveau Constantin, vers la piscine pour se guérir de la
   maladie d'une vieille lepre et pour effacer avec une eau fraîche de sales taches faites
   anciennement. Lorsqu'il y fut entré pour le bapteme, le saint de Dieu l'interpella d'une voix
   éloquente en ces termes : " Courbe doucement la tete, ô Sicambre ; adore ce que tu as brulé,
   brule ce que tu as adoré... "

   >> Ainsi donc le roi, ayant confessé le Dieu tout-puissant dans sa Trinité, fut baptisé au nom
   du Pere et du Fils et du Saint-Esprit et oint du saint chreme avec le signe de la croix du
   Christ. Plus de trois mille hommes de son armée furent également baptisés. <<

   

                                 Grégoire de Tours, Histoire des Francs, livre II, chap. xxx-xxxi

                                    (trad. R. Lalouche, Paris, Belles Lettres, 1963. p. 119-121).

   

   Ce texte célebre provient de l'Histoire des Francs, écrite en latin par Grégoire de Tours
   lorsqu'il était éveque de cette ville (573-594). Tres utilisée au Moyen Age, l'Histoire des
   Francs, qui comporte dix livres, est conservée dans une trentaine de manuscrits, dont les plus
   anciens datent de la fin du 7^e siecle : en particulier, un manuscrit contenant les six
   premiers livres qui a appartenu `a l'abbaye de Corbie (Somme) et qui est maintenant conservé
   `a la Bibliotheque nationale (ms. latin 17655).

   Rédigé plus de soixante-dix ans apres les événements, ce récit tardif et imagé révele, plus
   que les détails de la conversion et de la cérémonie, l'importance que les éveques du royaume
   franc ont accordée au bapteme de Clovis. On peut retenir de ce texte quelques aspects majeurs
   : d'abord que Clovis, malgré les pressions de son entourage - la reine Clotilde elle-meme - et
   du clergé de son royaume, reste longtemps fidele au paganisme ; ensuite - et ceci explique
   cela - que la conversion du roi franc `a la nouvelle religion s'accompagne naturellement de
   celle de tout son peuple, `a commencer par ses guerriers : enfin que tout de suite l'Église
   souligne l'importance de la conversion de ce premier roi barbare au catholicisme, en le
   comparant `a Constantin, le premier empereur romain chrétien.