Le b.a.-ba de Bruxelles-Hal-Vilvorde D’apres un article de Michelle Lamensch (Le Soir, mercredi 26 septembre 2007) Les Flamands de Bruxelles sont environ 120.000, soit autant que les francophones dans les communes de la périphérie bruxelloise, avec et sans facilités. Tous ne sont pas logés `a la meme enseigne... Rappel Les Flamands de Bruxelles peuvent s'exprimer dans leur langue dans les administrations communales et régionales et en matiere judiciaire. Et voter pour des listes néerlandophones aux élections communales, régionales et fédérales. Le gouvernement régional est composé d'autant de ministres francophones que néerlandophones. Le ministre-président étant réputé « asexué linguistique ». Les Flamands disposent `a Bruxelles de leurs réseaux de creches et d'enseignement, organisés par la Communauté flamande qui gere des bibliotheques, salles de spectacle et centres culturels. Les hôpitaux publics et autres institutions relevant d'un CPAS (maisons de repos) doivent accueillir les patients néerlandophones dans leur langue. Les francophones dans les communes `a facilités de la périphérie bruxelloise (50 `a 60.000) peuvent prétendre `a des contacts et des documents en français avec l'administration communale et le CPAS (Centre Public d'Action Sociale). Mais, au risque de nullité, les séances du conseil communal se déroulent en néerlandais. Les demandeurs d'emploi doivent s'inscrire en néerlandais au VDAB[1] (l'office de l'emploi) qui propose des postes destinés `a des néerlandophones. Les gardiennes d'enfants doivent connaître le néerlandais, meme pour garder des enfants francophones. Télédistribution et services de secours viennent de Flandre. Les écoles francophones ne peuvent accepter que des enfants d'une commune `a facilités. Dans la périphérie, avec ou sans facilités, le citoyen peut ester en justice en français, `a Bruxelles. Les francophones dans les communes de la périphérie sans facilités (60 `a 65.000) sont soumis au meme régime que dans les autres communes de Flandre : tous les actes et services publics sont unilingues flamands. L'usage de la langue n'est en théorie réglementé que pour les actes officiels. Selon le degré de tolérance des autorités, les inscriptions privées peuvent apparaître en français et les rapports avec les commerçants s'effectuer dans cette langue. Analyse L'arrondissement électoral bilingue de Bruxelles-Hal-Vilvorde oppose politiques francophones et néerlandophones depuis sa création, en 1963. A partir des années 30, tous les dix ans, `a l'occasion du recensement de population, un volet linguistique devait évaluer la part de francophones et de néerlandophones dans les communes. Les entités majoritairement francophones de la périphérie peuvent prétendre `a leur rattachement `a l'agglomération bruxelloise. C'est ainsi qu'au sortir de la guerre, Berchem-Sainte-Agathe, Evere et Ganshoren sont devenues bruxelloises. En 1963, 300 bourgmestres flamands déchirent ce volet linguistique. Colere des francophones : `a l'époque, une enquete sociologique recensait plus de 60% de francophones `a Linkebeek, par exemple. On échafaude alors un compromis entre les deux Communautés. Bruxelles est limitée `a ses dix-neuf communes, pour satisfaire les Flamands. En échange, on assure une protection aux minorités francophones de la périphérie. Des facilités linguistiques sont accordées dans six entités `a statut spécial[2] (Linkebeek, Crainhem, Drogenbos, Wemmel, Rhode-Saint-Genese et Wezembeek-Oppem) et les électeurs des autres entités de l'arrondissement administratif de Hal-Vilvorde peuvent, tout comme ceux de ces entités `a statut spécial, voter avec les Bruxellois, dans le cadre de l'arrondissement de Bruxelles-Hal-Vilvorde. Les Flamands vont rapidement remettre cet accord en question car ils n'admettent pas la configuration de cet arrondissement, le seul en Belgique `a etre situé `a la fois en Flandre et `a Bruxelles. En 1974, lors de la formation du gouvernement Tindemans Ier, les partis chrétiens et libéraux, le Rassemblement wallon et la Volksunie vont renégocier les frontieres de Bruxelles, en y intégrant les zones `a forte concentration francophone de la périphérie. En compensation, on supprimerait les facilités linguistiques et l'arrondissement électoral bilingue de BHV. Un accord fut obtenu sur ce remodelage mais la négociation a échoué car la Volksunie y avait ajouté l'amnistie des anciens collaborateurs lors de la Seconde Guerre mondiale. BHV est donc resté en l'état. Mais deux réformes institutionnelles adoptées depuis se sont inscrites dans la logique de la revendication flamande récurrente de scission de l'arrondissement. 1) La révision constitutionnelle de 1992-1993 prévoit la scission de la province du Brabant, devenue effective en 1995. Le Brabant wallon se distingue du Brabant flamand. Et la brabançonne Bruxelles-capitale devient un territoire « non provincialisé ». Cette scission du Brabant unitaire en trois entités est un premier coup porté `a la « légitimité » de l'arrondissement bilingue de BHV. Elle apparaît comme une étape de plus dans l'homogénéisation linguistique des territoires, Bruxelles mise `a part. Mais BHV résiste, avec ses deux arrondissements administratifs (Bruxelles, huit cantons, et Hal-Vilvorde, six cantons, dont trois abritent des communes `a statut spécial). Entre les élections de 1995 et celles de 1999, BHV va se franciser. Les votes pour des listes francophones vont y passer de 53,75% `a 54,25%, sans que la répartition des sieges en soit affectée : 11 F et 11 N. L'électorat flamand se stabilise `a Hal-Vilvorde et recule nettement `a Bruxelles. 2) En 2002, sous l'impulsion du Premier ministre Guy Verhofstadt, des députés de la majorité libérale-socialiste-Ecolo font voter une proposition de loi qui calque les circonscriptions électorales sur le ressort des provinces... sauf pour BHV, qui s'étend sur Bruxelles et sur le Brabant flamand, et pour l'arrondissement de Louvain, partie du Brabant flamand. BHV devient donc une exception. Et, ce faisant, on braque `a nouveau l'attention sur cette circonscription atypique. L'opposition flamande introduit alors un recours aupres de la Cour d'arbitrage, arguant que le maintien de BHV contraint ses candidats flamands `a faire campagne dans deux régions linguistiques différentes alors que les autres circonscriptions électorales coincident avec la province correspondante. Le 26 mai 2003, la Cour estime que l'exception BHV au systeme électoral général peut etre maintenue jusqu'au prochain scrutin législatif de 2007. Selon la Cour encore, une nouvelle composition des circonscriptions électorales de l'ancienne province de Brabant peut etre accompagnée de modalités spéciales qui peuvent différer de celles qui valent pour les autres circonscriptions électorales, afin de garantir les intérets légitimes des néerlandophones et des francophones dans cette ancienne province. Contrairement aux francophones, les Flamands concluent que cet arret impose la scission de BHV. Entre-temps, au scrutin législatif du 18 mai 2003, les francophones de BHV avaient décroché 13 sieges et les Flamands 9. Apres les élections législatives du 10 juin 2007, le CD&V/NV-A vainqueur a remis le sujet sur la table et fait de la scission une des conditions indispensables pour la formation du gouvernement. Agacés par les atermoiements francophones, les partis flamands voulaient avancer. Et trancher le noeud BHV : les propositions de lois déposées par les partis flamands se sont amoncelées `a la Chambre. Ce jeudi, alors que les présidences des commissions parlementaires devraient etre distribuées, les partis flamands n'ont qu'une idée en tete : rendre opérationnelle la commission de l'Intérieur de la Chambre afin de pouvoir commencer rapidement l'examen des propositions de lois sur la scission. Le 7 novembre 2007, la commission de l’Intérieur de la Chambre a adopté la proposition de loi visant `a scinder l’arrondissement électoral de Bruxelles-Hal-Vilvorde. Les présidents du MR, Didier Reynders, du PS Elio Di Rupo, du CDH, Joëlle Milquet, et d’Ecolo, Isabelle Durant et Jean-Michel Javaux, se sont dits indignés. Ce vote constitue aux yeux des partis francophones « une agression politique grave » qui « rompt l’équilibre national », selon les termes d’une déclaration commune lue dans les locaux du parlement de la Communauté. En effet, le vote de la scission a été le fait des Flamands, les francophones refusant de voter cette scission. Le parlement de la Communauté française s’est réuni ensuite pour introduire un vote qui aura pour effet de suspendre la procédure en cours sur la scission de BHV. ------------------------------- [1] Vlaamse Dienst voor Arbeidsbemiddeling en Beroepsopleiding [2] Communes `a facilités