XIII. Nicole Malinconi 13.1. Biographie Nicole Malinconi est née en 1946 `a Dinant, d’une mere wallonne et d’un pere toscan qui a gagné l’Europe de l’Ouest `a la fin des années 1920. Celui-ci retourne en Italie en 1952 avec les siens pour y lancer une fabrique de chaussures. Nicole Malinconi fait donc ses primaires en italien. L’entreprise paternelle échoue finalement : la famille Malinconi retourne en Belgique en 1958 et Nicole réapprend le français. Des 1964, elle entame une formation d’assistante sociale. Ayant obtenu son diplôme, elle commence sa carriere en assurant un service social itinérant dans des villages d'Ardennes. Des 1979, elle se retrouve `a la maternité provinciale de Namur ou elle collabore avec le docteur Willy Peers, célebre pour son action en faveur du droit `a l’avortement. Cette expérience lui donnera le sujet de son premier livre, Hôpital silence, rédigé `a la suite de la perte de son emploi et publié en 1985 aux Éditions de Minuit. Seule fiction véritable de l’auteure, L’Attente (1989), fabule autour d’éléments liés `a un épisode de l’histoire de la mere et d’une amie que l’on retrouve notamment dans Nous deux (1993). Ce livre, Da solo (1997) et A l’étranger (2003) constituent un triptyque nettement autobiographique, que la distanciation de ton comme le jeu des pronoms n’amenent pas d’emblée `a lire sous cet angle. Dans Rien ou presque (1997), Malinconi a donné des textes courts qui plongent dans le réel contemporain et ne sont pas sans s’apparenter au poétique. En 2006 paraît Petit abécédaire[1] des mots détournés, abécédaire corrosif et littéraire de mots nouveaux, de ces termes qui, eux, n'ont rien de littéraire (mots détournés ; ceux apparentés `a la langue anglaise sans toutefois en etre ; ceux issus de la langue des affaires, devenus incompréhensibles aux profanes ; les mots du virtuel ; les abréviations et les sigles, effaçant les mots d'ou ils viennent et donc leur pensée). 1 ».2. Lecture d’extraits de Hôpital silence Extrait 1 : cfr feuille annexe[2] Extrait 2[3] L’hôpital, c’était, depuis peu, son nouveau nom. Cela avait commencé par une maternité et un centre de gynécologie. Un hôpital pour femmes. Maintenant, on y venait aussi pour une opération ou toute autre visite. Pourtant on continuait `a l’appeler communément : la maternité. Et puis, il y avait cette pierre d’achoppement, ce nœud de discorde au cœur de la machine : l’avortement. A la maternité, on venait pour cela aussi ; pour s’arreter de devenir mere. Cela attestait que rien n’était neutre, du ventre ou de l’enfant ; que tout dépendait des mots qui allaient etre prononcés, d’un entrelacs de paroles, de choses dites qui allaient révéler, chaque fois différente, une trame propre de l’existence, un fil conducteur. Mon travail consistait en cela : permettre de parler, rendre possible une place pour le mots. Pour celles qui décidaient d’avorter, pour ceux et celles qui venaient `a l’hôpital. Mais il y avait la haine. Sans elle, les choses se seraient passées autrement. Ainsi ai-je découvert `a côté de la surdité blanche et du code anonyme plaqué sur le corps, un langage justicier ; des mots lancés, comme des larmes, pour on ne sait quel châtiment. Un temps, je me suis laissée atteindre, moi aussi. Et blesser. Puis, lorsque la tentation fut tombée de répondre par une vengeance, j’ai rassemblé les mots dont j’avais été témoin, les mots perdus de l’hôpital. ------------------------------- [1] Livre pour apprendre l'alphabet. [2] Malinconi N., Hôpital silence (Espace Nord, 110), Bruxelles, 1996, pp. 51-54, p. 57. [3] Malinconi N., Hôpital silence (Espace Nord, 110), Bruxelles, 1996, pp. 61-62.