VIII) Les Carolingiens • A la fin du 7e siècle, dans un ancien Occident romain déjà partagé en divers royaumes barbares, • le royaume franc en Gaule est lui-même morcelé en trois éléments : Austrasie, Neustrie et Bourgogne. • A cette situation héritée de Rome et des invasions, deux bouleversements vont mettre fin dans le siècle suivant. – D'une part, la conquête musulmane, partie d'Arabie après la mort de Mahomet en 632, atteint l'Espagne en 711 et vient mourir à Poitiers en 732. – D'autre part, l'Occident - à l'exception de l'Espagne devenue musulmane et des îles Britanniques restées à l'écart - tente avec les Francs d'Austrasie une unification que symbolise en 800 le couronnement impérial de Charlemagne. • Ainsi sont fixées au 9e siècle les trois composantes du monde médiéval : – l'Empire byzantin, – l'Islam, – la Chrétienté latine. • Mais, face aux deux premières qui brillent d'un grand éclat, la troisième fait figure de monde sous-développé. • Cela explique sans doute les difficultés du grand Empire franc qui, moins de trente ans après la mort de son fondateur (814), est partagé entre ses petits-fils au traité de Verdun en 843. La formation - Les maires du palais Vers 700, la partie la plus vivante du regnum Francorum est l'Austrasie. – Là se produit, autour de l'axe de la Meuse, un premier éveil économique lié à l'essor du commerce des marins frisons en mer du Nord et au maintien de liens avec la Méditerranée par la Saône et le Rhône. – Là se situe le point de départ des guerriers, des négociateurs et des missionnaires envoyés au-delà du Rhin. – Là enfin s'étendent d'immenses domaines appartenant à quelques grandes familles, dont deux, • celle des Arnulfiens autour de Metz et • celle des Pippinides plus au nord, sont les ancêtres de ce PÉPIN D'HERSTAL – qui a vaincu les Neustriens à Tertry et qui, tout en conservant un roi mérovingien, – a réalisé l'union des mairies du palais d'Austrasie, de Neustrie et de Bourgogne. Il meurt en 714. Charles Martel et Pépin le Bref • L'œuvre de son fils CHARLES MARTEL (… 741) et de son petit-fils PÉPIN LE BREF (741-768) est considérable. • Appelé par le duc d'Aquitaine Eudes, CHARLES MARTEL – a vaincu en 732 entre Poitiers et Tours une expédition lancée depuis Pampelune par le gouverneur musulman d'Espagne Abd el Rahman, – il est à ce titre considéré comme le sauveur de la Chrétienté et de l'Europe. • Après avoir déposé le dernier roi mérovingien, • PÉPIN LE BREF a fondé la dynastie carolingienne en se faisant sacrer roi des Francs en 751. – Mais, à côté de ces deux événements marquants, l'œuvre réalisée pendant ce demi-siècle se situe sur plusieurs plans. • Tout d'abord Charles Martel a donné aux Carolingiens les moyens de leur politique en généralisant la vassalité[1] et • en distribuant à ses vassaux en bénéfices des terres prises, en principe à titre temporaire, à l'Église : expédient de génie, qui, les Mérovingiens ayant dilapidé toutes les terres du fisc, redonne aux maires du palais la possibilité de s'assurer la fidélité des grands. • Cette autorité retrouvée, les deux Carolingiens vont l'exercer sur l'ensemble de la Gaule, y compris la Provence et l'Aquitaine : longtemps indépendante, celle-ci a subi la poussée des Basques, puis des musulmans. • Charles Martel profite de la victoire de Poitiers pour occuper tout le pays jusqu'à la Garonne • [1] Vassalité, vassal. A l'époque carolingienne, le terme de « vassalité » désigne le lien qui unit un homme libre à un puissant à qui il s'est recommandé et dont il a reçu un bénéfice. Dans la société féodale, il désigne le lien qui unit un vassal à son seigneur et qui se concrétise par le fief. PÉPIN le Bref • après plusieurs dures campagnes, triomphe du dernier « prince » d'Aquitaine, WAÏFRE, en 768. • Le pouvoir des Carolingiens s'étend aussi en Germanie : à sa mort. • Pépin règne directement sur la Hesse, la Thuringe et la Frise, indirectement sur l'Alémanie et la Bavière, qui conservent des ducs nationaux. • Enfin, inspirés par le grand missionnaire anglo-saxon qui a évangélisé la Germanie, saint BONIFACE, – Pépin et son frère Carloman ont procédé à une grande réforme des mœurs, de la hiérarchie et de la liturgie des Églises de Gaule et de Germanie, qui les uniformise sous le contrôle romain. • Les Carolingiens apparaissent alors comme la première puissance dans l'Europe chrétienne, et une alliance se noue entre le souverain franc et le pape. – Charles Martel n'avait pas répondu à un premier appel du pape réclamant sa protection contre l'extension du royaume lombard en Italie. • Mais PÉPIN, sacré roi une seconde fois avec ses fils à Saint-Denis par le pape ÉTIENNE II en 754, franchit les Alpes en 755 et 756. • Deux fois vainqueur des Lombards, il promet au pape de lui restituer les anciennes possessions byzantines en Italie et jette ainsi les bases de l'État pontifical. • Tous les cadres de l'action de Charlemagne sont en place. Les conquêtes de CHARLEMAGNE (768-814) • un conquérant qui, chaque année, rassemble ses guerriers pour de fructueuses expéditions. • Une véritable révolution militaire au cours du 8e siècle, – l'armée de fantassins des premiers rois francs en une armée de cavaliers lourdement équipés que Charlemagne lance dans toutes les directions : • vers l'Italie - en 774 de la capitale des Lombards, Pavie, le titre de « roi des Francs et des Lombards » ; • vers l'Espagne, échec à Roncevaux, en 778, – l'arrière-garde de son armée, commandée par le comte ROLAND, est massacrée par les Basques -, mais où il réussit, à l'est, à arracher la marche d'Espagne, future Catalogne, à l'Islam ; • vers la Germanie surtout, – il établit son contrôle direct sur l'Alémanie et la Bavière et où, au terme d'atroces campagnes, il parvient à soumettre les Saxons et à atteindre l'Elbe. – Les Francs sont maintenant en contact avec de nouveaux peuples païens, les Slaves et les Scandinaves. • A la fin du 8e siècle, Charlemagne est à la tête – d'un territoire qui couvre plus d'un million de kilomètres carrés : – un royaume si vaste qu'il a dû en détacher des sous-royaumes ou des duchés plus ou moins autonomes : Italie, Bavière, Aquitaine... LES CHANSONS DE GESTE – La chanson de Roland Ganelon, le baron félon CXXXIV Le comte Roland, avec peine et souffrance, A grande douleur sonne son olifant. Par la bouche, le sang clair jaillit. La tempe de son cerveau éclate. La portée du cor qu'il tient est très grande ; Charles qui passe les ports, l'entend. Le duc Naimes le perçoit, les Français l'écoutent. Le roi dit: « J'entends le cor de Roland ! Jamais il ne l'eût sonné, s'il n'eût été a combattre. » Ganelon répond : « Il n'y a aucune bataille ! Vous êtes vieux, votre tête est fleurie et blanche Par de telles paroles vous ressemblez à un enfant. Vous connaissez bien le grand orgueil de Roland ; Il est surprenant que Dieu le tolère si longtemps. Il a déjà pris Naples sans votre commandement. Les Sarrasins assiégés firent une sortie Et se battirent contre le bon vassal Roland ; Et lui, avec les eaux courantes, il lava ensuite les prés du sang répandu ; Il agit ainsi pour qu'il n'y parut pas. Ne fût-ce que pour un lièvre, il sonne le cor toute la journée. Il est maintenant à plaisanter devant ses pairs Sous le ciel, il n'y a personne qui osât l'attaquer au combat. Chevauchez donc ! Pourquoi vous arrêtez-vous ? La Terre des Aïeux est bien loin devant nous. » La Chanson de Roland (vers 1766 à 1784) La mort de Roland CLXXIV Roland sent que la mort le prend tout entier, Qu'elle lui descend de la tête sur le cœur. Il est allé en courant sous un pin, Il s'est couché sur l'herbe verte, face contre terre, Il met sous lui son épée et son olifant, Il tourne la tête du côté de la gent païenne; Il a fait cela parce qu'il veut véritablement Que Charles et tous les siens disent Qu'il est mort en vainqueur, le noble comte. Il proclame ses fautes, se frappant la poitrine à petits coups répétés, pour ses péchés il tend vers Dieu son gant. CLXXV Roland sent que son temps est fini. Il est sur un sommet aigu, le visage tourné vers l'Espagne, D'une main il se frappe la poitrine : « Dieu, mea culpa à ta miséricorde, Pour mes péchés les grands et les petits, Que j'ai commis depuis l'heure de ma naissance Jusqu'à ce jour où je suis ici frappé à mort!» Il a tendu vers Dieu son gant droit. Les anges du ciel descendent vers lui. Chanson de Roland (vers 2355 à 2374) Durandal à Rocamadour. L'Empire et ses institutions Le sacre impérial • Le jour de Noël 800, Charlemagne reçoit à Rome la couronne impériale des mains du pape Léon III. – A son titre de « roi des Francs et des Lombards », il ajoute désormais « auguste et empereur ». • Les historiens ont discuté et discuteront longtemps encore – sur le sens de ce que Charlemagne a lui-même appelé la « rénovation de l'Empire romain », – sur sa conception des liens entre le pape et l'empereur, – sur l'importance respective de l'aspect romain et de l'aspect chrétien, – sur les relations très difficiles entre ce nouvel Empire - usurpé - et l'autre - légitime -, celui de Byzance. • Le sens de l'événement, pourtant, est clair : la puissance du roi des Francs est telle qu'il peut prétendre relever le titre impérial abandonné depuis 476 en Occident. • Mais il s'agit d'un Empire « rénové », chrétien, dont les forces vives se situent en Europe du Nord, autour de l'Austrasie, – où, depuis 794, Charlemagne a fondé une nouvelle capitale, Aix-la-Chapelle. – C'est là, dans les dernières années de sa vie, entre 800 et 814, et pendant le règne de son fils LOUIS LE PIEUX (814-840), – que l'étude des institutions carolingiennes peut nous révéler si l'Empire fut conçu comme une réalité politique ou s'il resta au stade d'un agglomérat de peuples voué à l'éclatement. Les institutions • A Aix-la-Chapelle, auprès du roi, de sa famille, de ses amis et de ses clercs, se développent des services centraux autour de quelques personnages clés : – le comte du palais, qui préside le tribunal en l'absence du roi ; – le chambrier ou camérier, qui s'occupe de la « chambre » du roi (caméra), c'est-à-dire de son Trésor, de ses recettes et de ses dépenses ; – le chancelier qui rédige et expédie des actes écrits de plus en plus nombreux. – A leurs ordres, on trouve des « fonctionnaires », des laïques et surtout des clercs, formés sur place. – L'ensemble constitue le palais. • Dans tout l'Empire, l'empereur est représenté par les comtes - au moins trois cents • Qui sont en liaison avec les évêques – Nommés par lui, sont chargés d'assurer l'ordre public, de réunir les hommes libres, de rendre la justice, d'encaisser les revenus locaux. • Pour les surveiller, partent du palais les « envoyés du maître », les missi dominici. • Le désir d'unification apparaît dans bien d'autres domaines : – ainsi, sur le plan économique, l'uniformisation des poids et mesures et – une grande réforme monétaire qui institue un système de compte par livres, sous et deniers promis à un long avenir et qui met en place la frappe d'une monnaie d'argent – ou encore le souci d'une administration exemplaire des domaines royaux, qui doivent servir de modèles à ceux des grands laïques et ecclésiastiques ; – nous connaissons ces grands domaines de l'époque carolingienne par des documents très précis qu'on appelle les polyptyques[1] : ils offrent partout la même organisation, selon laquelle les manses[2] des tenanciers, libres ou non, sont complémentaires de la réserve[3] ou de la « cour » du maître. 1] Polyptyque. Document qui donne la description d'un grand domaine à l'époque carolingienne. [2] Manse. Terme utilisé au haut Moyen Age pour désigner, dans les grands domaines, l'unité d'exploitation sur laquelle demeurait (du latin manere, demeurer) et pouvait vivre une famille paysanne. Le manse est en même temps une unité fiscale qui sert de base aux prestations exigées par le maître du sol. [3] Réserve. Au Moyen Age, partie d'un grand domaine réservée à l'exploitation directe par le maître et ses agents. • L'essentiel - liens personnels entre l'empereur et tous les habitants de l'Empire, – liens qui seuls à ses yeux peuvent assurer la cohésion de l'ensemble. • Autour de l'empereur gravite une aristocratie d'Empire, peut-être une trentaine de familles, d'origine franque, – unies à la famille impériale et entre elles, et qui fournissent les titulaires des plus hautes charges dans tout l'Empire. • Beaucoup plus large est le cercle des vassaux de l'empereur : – ils lui prêtent un serment de vassalité – qui les engage à son service, surtout sous la forme militaire, – et en reçoivent un bénéfice pour la durée de leur engagement. • chaque année autour de lui se réunit une assemblée de grands, de vassaux et d'hommes libres où sont prises en commun des décisions promulguées ensuite sous forme de capitulaires[1] : – il semble que, malgré le maintien du principe de la personnalité des lois, les capitulaires s'appliquent partout. • Enfin et surtout, Charlemagne s'est fait prêter un serment de fidélité par tous les hommes libres de tout l'Empire. – Charlemagne avait projeté le partage de ses territoires entre ses fils. – Or Louis le Pieux, qui, seul héritier par suite de la mort de ses frères, proclame en 817 l'indivisibilité de l'Empire. • Il était poussé dans cette voie par ses conseillers ecclésiastiques. – Église et État sont alors intimement liés, le peuple de l'Empire et le peuple de Dieu n'étant qu'un, dont l'empereur est responsable. [1] Capitulaire. Texte législatif émanant du souverain et divisé en articles ou capitula. Ce terme est surtout employé à l'époque carolingienne. L'Église carolingienne • L'Église de la fin du 8e et du début du 9e siècle doit tout aux souverains carolingiens. • Ils ont sauvé la Chrétienté face à l'Islam, • la papauté face aux Lombards et • soutenu l'évangélisation de la Germanie. – Ils ont assuré la réforme de l'Église séculière (les clercs qui vivent dans le siècle et fournissent l'encadrement religieux des fidèles) • en restaurant les métropoles ecclésiastiques dirigées par des archevêques • et un réseau serré de diocèses, dont les évêques sont aidés par des collèges de chanoines[1], les chapitres[2] cathédraux. – Ils ont aussi réformé l'Église régulière (les moines qui observent une règle) • en imposant à tous les monastères de l'Empire la règle de saint Benoît, • adaptée aux besoins de l'époque par un autre Benoît, originaire du Languedoc et très influent auprès de Louis le Pieux, Benoît d'Aniane. – Ils ont apporté leur appui constant à la définition du dogme, – à l'adoption de la liturgie romaine, – à la diffusion des pratiques religieuses et de la morale chrétienne. – Ils ont assuré à l'Église des revenus réguliers en généralisant l'institution de la dîme[3], – et l'indépendance de ses domaines par le privilège de l'immunité[4]. • Mais en échange le souverain carolingien attend beaucoup de cette Église, qu'il considère comme son Église. – Il en attend d'abord - et ce n'est pas une formule de style - des prières efficaces pour son salut et celui de son Empire. – Il nomme les évêques et les abbés, en fait ses vassaux, en exige des contributions militaires et financières. – Il puise sans hésitation dans les richesses de l'Église : • Charlemagne, par exemple, nomme des abbés laïques qui touchent les revenus des monastères sans en assurer la charge spirituelle. – Mais, ce que le souverain attend surtout de ses évêques et de ses abbés, c'est leur aide politique, morale et intellectuelle, – c'est le partage de leur temps entre fonctions spirituelles et temporelles, c'est la mise au service du prince de compétences qui sont les plus éclairées du temps. La Renaissance carolingienne. La Renaissance carolingienne. • Ainsi s'explique la Renaissance carolingienne, • qui est avant tout une réforme de l'enseignement destinée à élever le niveau moral et intellectuel du clergé, et ensuite des laïques. • Pour la réaliser, vu l'état de délabrement de la culture dans le monde franc, il fallut faire appel à ceux qui avaient le mieux maintenu ou assimilé la tradition antique : – les Italiens comme PIERRE DE PISE ou PAUL DIACRE, – les Espagnols comme THÉODULF qui devint évêque d'Orléans, – les Anglo-Saxons, comme le moine ALCUIN qui fut en ce domaine le grand inspirateur de Charlemagne. • En 789, Charlemagne promulgue la célèbre Exhortation générale (Admonitio generalis), – par laquelle il ordonne l'ouverture d'une école dans chaque évêché et chaque monastère ; – on doit y apprendre les psaumes, les notes, le chant, le calcul et la grammaire ; – plus tard, Charlemagne encourage les évêques à ouvrir des écoles rurales. • Cette renaissance de l'enseignement s'appuie évidemment sur une renaissance de l'écrit et du latin. • On a dit que, pour Charlemagne, « l'écrit est un moyen de gouvernement ». – Son biographe EGINHARD a immortalisé l'image touchante du grand empereur qui « avait l'habitude de placer sous les coussins de son lit des tablettes et des feuillets de parchemin, afin de profiter de ses instants de loisir pour s'exercer à tracer des lettres ; mais il s'y prit trop tard et le résultat fut médiocre ». • L'écrit est indispensable pour la conservation des textes sacrés et aussi des actes impériaux. – Or la dégénérescence de l'écriture avait rendu les textes mérovingiens presque illisibles. • A partir de 780, dans les scriptoria, grands ateliers monastiques de la France du Nord où l'on se consacrait à la copie des manuscrits, – mise au point une magnifique écriture, claire et lisible, qui est l'ancêtre de nos caractères d'imprimerie : la minuscule Caroline : • ainsi ont été sauvés tous les textes antiques, sacrés et profanes, qui pouvaient l'être encore. – En même temps, on travaille à la renaissance du latin, dont la décadence, dangereuse pour l'unité chrétienne comme pour l'unité politique, est enrayée par la remise à l'honneur des lois de la grammaire et de la syntaxe et par l'étude des classiques. Les serments de Strasbourg (842) • « Louis, étant l'aîné, jura le premier [...] : Pro Deo amur et pro Christian poblo et nostro commun salvament, d'ist di in avant, in quant Deus savir et podir me dunat, si salvarai eo cist meon fradre Karlo et in aiudha et in cadhuna cosa, si cum om per dreit son fradra salvar dift, in o quid il mi altresi fazet et ab Ludher nul plaid nunquam prindrai, qui, meon vol, cist meon fradre Karle in damno sit. (Pour l'amour de Dieu et pour le peuple chrétien et notre salut commun, à partir d'aujourd'hui, en tant que Dieu me donnera savoir et pouvoir, je secourrai ce mien frère Charles par mon aide et en toute chose, comme on doit secourir son frère, selon l'équité, à condition qu'il fasse de même pour moi, et je ne tiendrai jamais avec Lothaire aucun plaid qui, de ma volonté, puisse être dommageable à mon frère Charles.) • « Lorsque Louis eut terminé, Charles répéta le même serment en langue tudesque In Godes minna ind in thes christianes folches ind unser bedhero gehaltnissi, fon thesemo dage frammordes, so fram so mir Got geuuizci indi mahd furgibit, so haldih thesan minan bruodher, soso mon mit rehtu sinan bruher scal, in thiu thaz er mig so sama duo, indi mid Ludheren in nohheiniu thing ne gegango, the, minan uuillon, imo ce scadhen uuerdhen. (Pour l'amour de Dieu et pour le salut du peuple chrétien et notre salut à tous deux, partir de ce jour dorénavant, autant que Dieu m'en donnera savoir et pouvoir, je secourrai ce mien frère, comme on doit selon l'équité secourir son frère, à condition qu'il en fasse autant pour moi, et je n'entrerai avec Lothaire en aucun arrangement qui, de ma volonté, puisse lui être dommageable.) • « Et le serment que prononça chaque nation dans sa propre langue est ainsi conçu en langue romane : Si Lodhuuigs sagrament que son fradre Karlo jurat conservat et Karlus. meos sendra, de suo part non l'ostanit, si io returnar non l'int pois, ne io ne neuls cui eo returnar int pois, in nulla aiudha contra Lodhuuuig nun li iu er. (Si Louis observe le serment qu'il jure à son frère Charles et que Charles, mon seigneur, de son côté, ne le maintient pas, si je ne puis l'en détourner, ni moi ni aucun de ceux que j'en pourrai détourner, nous ne lui serons d'aucune aide contre Louis.) • « Et en langue tudesque : Oba Karl then eid then er sinemo bruodher Ludhuuuige gesuor geleistit, indi Ludhuuuig, min herro, then er imo gesuor forbrihchit, ob ih inan es iruuenden ne mag, noh ih noh thero nohhein, then ih es iruuenden mag, uuidhar Karle imo ce follusti ne uuirdhit. (Si Charles observe le serment qu'il a juré à son frère Louis et que Louis, mon seigneur, rompt celui qu'il lui a juré, si je ne puis l'en détourner, ni moi ni aucun de ceux que j'en pourrai détourner, nous ne lui prêterons aucune aide contre Charles.) » • Nithard, Histoire des fils de Louis le Pieux • (éd. et trad. P. Lauer, Paris, Belles Lettres, 1964. p. 105-109).