xviii.        Le siecle des Lumieres

   

   La France participe, au meme titre que les autres pays européens, aux progres scientifiques et
   `a la croissance démographique et économique du 18^e siecle. En revanche, le mouvement
   philosophique de remise en cause des croyances traditionnelles au nom de la raison est
   proprement français. Outre les >> lumieres <<, la langue, la littérature et l'art français
   rayonnent dans toute l'Europe.

   

XVIII.a.     Les progres scientifiques

  XVIII.a.i.       Les grands savants.

   Si le Français Descartes est, au 17^e siecle, l'un des fondateurs de la science moderne, grâce
   `a la méthode qu'il préconise, ce sont tous les pays européens qui participent au grand
   mouvement de progres scientifique qui commence vers le milieu du 17^e siecle. Aux côtés du
   Hollandais Huygens, de l'Anglais Newton, de l'Allemand Leibniz, du Suédois Linné, pour ne
   citer que quelques grands noms, les Français jouent leur rôle, souvent de premier plan.
   Pascal, puis Clairaut, d'Alembert, Lagrange, Monge contribuent aux progres décisifs des
   mathématiques. Bouguer, Maupertuis, Laplace s'attachent `a confirmer les hypotheses
   astronomiques de Newton. Lavoisier (1743-1794), l'un des plus grands savants du 18^e siecle,
   est le véritable fondateur de la chimie moderne, avec ses expériences sur l'analyse et la
   synthese de l'air et de l'eau. Buffon rédige une monumentale Histoire naturelle.

  XVIII.a.ii.     L'intéret pour les sciences.

   Ces progres sont facilités par l'intéret que portent désormais `a la science les autorités et
   l'opinion publique. Colbert a fondé en 1665 l'Académie des sciences et le Journal des savants
   et fait construire l'Observatoire de Paris. En 1736-1737, Louis XV envoie des missions
   scientifiques au Pérou et en Laponie pour la mesure comparée de deux degrés de méridien. En
   1785, Louis XVI charge La Pérouse de poursuivre l'exploration du Pacifique. Un public de plus
   en plus nombreux s'intéresse aux progres scientifiques et fait, par exemple, un grand succes,
   en 1686, aux Entretiens sur la pluralité des mondes, de Fontenelle, ouvrage de vulgarisation.
   Voltaire fait connaître en France les travaux de Newton, Diderot se passionne pour la
   physiologie et la chimie, Rousseau, pour la botanique. Le succes des premieres expériences
   d'électricité, la multiplication des cabinets de physique, le progres de l'enseignement
   scientifique dans les colleges, l'extraordinaire enthousiasme qui accompagne les débuts de
   l'aérostation en 1783 sont autant de témoignages de cet engouement pour les sciences.

  XVIII.a.iii.    Les progres techniques.

   Mais, si la France joue ainsi un rôle important, voire essentiel, dans les progres de la
   science européenne, il n'en est pas de meme en matiere de progres techniques. Il s'agit l`a en
   effet d'un quasi-monopole des Britanniques. Certes, Denis Papin réalise le premier, vers 1690,
   une machine utilisant la force d'expansion de la vapeur d'eau et, en 1769, Cugnot tente
   d'utiliser une telle machine pour la traction des pieces d'artillerie. Mais c'est `a
   l'Écossais James Watt que revient le mérite d'avoir véritablement créé, vers 1780, la machine
   `a vapeur, en y apportant les améliorations décisives. De meme, c'est en Angleterre que sont
   mises au point la technique de la fonte du minerai de fer au coke et différentes machines
   textiles. C'est également en Angleterre que l'introduction des cultures fourrageres dans le
   cycle de la production agricole permet la suppression de la jachere et le développement de
   l'élevage.



XVIII.b.     La croissance démographique et économique

  XVIII.b.i.       La croissance de la population.

   Comme toute l'Europe, la France connaît au 18^e siecle une croissance rapide et décisive de sa
   population, puisque celle-ci passe de 21 millions et demi d'habitants en 1700 `a 28 millions
   en 1790. Toutefois, cet accroissement, pour important qu'il soit, est inférieur `a celui des
   autres pays, si bien que la part relative de la population française dans l'ensemble européen,
   tout en restant considérable, se réduit quelque peu, passant de 24 `a 20 %. Par ailleurs, en
   dépit de son ampleur, cette croissance ne constitue pas une véritable révolution
   démographique, dans la mesure ou elle s'inscrit dans des structures presque inchangées.

   L'âge moyen au premier mariage est toujours tardif et tend meme `a l'etre davantage. La
   natalité reste tres forte, malgré les timides débuts de la limitation volontaire des
   naissances, qui constitue une originalité française mais qui ne prendra une réelle importance
   qu'`a partir de la décennie révolutionnaire. Quant `a la mortalité, notamment aux premiers
   âges, elle reste, elle aussi, `a un niveau élevé, mais baisse pourtant tres légerement, ce qui
   suffit `a amorcer le processus de croissance. Cette légere baisse ne s'explique ni par des
   progres thérapeutiques presque inexistants avant la diffusion de la vaccination dans les
   premieres années du 19^e siecle, ni par des améliorations agricoles encore limitées. C'est
   l'espacement et l'atténuation des grandes crises de mortalité qui sont `a l'origine de ce
   premier et timide recul de la mort. Les grandes famines résultant de crises de subsistances
   font place `a des disettes plus rares et moins graves, grâce `a une meilleure répartition et
   `a une meilleure conservation des grains disponibles. La derniere épidémie de peste frappe
   Marseille en 1720, et, meme si certaines maladies épidémiques, comme la variole ou la
   dysenterie, continuent `a faire des ravages, les efforts conjugués des pouvoirs publics et de
   certains médecins tentent d'en limiter l'extension. La conjonction, naguere si meurtriere,
   entre disette et épidémie est beaucoup plus rare : les dernieres grandes crises de ce type
   sont celles de 1709-1710 et de 1738-1742. La croissance ainsi amorcée se poursuit tout au long
   du siecle ; bientôt relayée par les progres économiques et médicaux, elle s'accélérera encore
   au 19^e siecle dans des structures démographiques qui se transformeront rapidement.

  XVIII.b.ii.     L'agriculture.

   La croissance de la population se double d'une croissance économique qui, elle aussi, est
   commune `a une grande partie de l'Europe. L'agriculture est relativement peu touchée. Certes,
   l'agronomie est `a la mode `a partir du milieu du siecle, `a l'imitation de l'Angleterre. En
   réaction contre le mercantilisme colbertiste, les physiocrates[1] voient dans l'activité
   agricole >> la seule base de la puissance des États <<. Les ouvrages sur le sujet se multiplient
   et connaissent un grand succes. Le gouvernement favorise la création de sociétés royales
   d'agriculture dans la plupart des provinces et encourage le défrichement des terres incultes.
   Mais cette >> agromanie << n'a que des effets tres limités : l'étendue des terres défrichées est
   peu importante, la jachere reste la regle presque partout, les rendements céréaliers ne
   s'améliorent que tres peu, la diffusion de la pomme de terre ne devient massive qu'`a
   l'extreme fin de l'Ancien Régime. Toutefois, quelques micro-progres au niveau de l'étendue et
   du rendement des terres emblavées et surtout une conjoncture climatique favorable entre 1726
   et 1767 permettent `a la production agricole de croître dans la meme proportion que la
   population, sans que l'on puisse parler pour autant de révolution agricole.

  XVIII.b.iii.    L'essor de la production industrielle.

   L'essor de la production industrielle, beaucoup plus important, n'est pas non plus la
   conséquence d'une révolution industrielle qui touche `a peine la France `a la veille de la
   Révolution (en effet, `a cette date, les seules réalisations comparables `a ce qui se passe en
   Angleterre sont l'établissement métallurgique du Creusot-Montcenis, avec fonte au coke et
   machines `a vapeur, les forges d'Hayange, en Lorraine, et les mines d'Anzin). En marge de
   l'artisanat urbain organisé en corporations et travaillant pour les besoins locaux, la grande
   production, surtout textile, qui alimente l'exportation, est de plus en plus aux mains des
   marchands fabricants, dans le cadre de ce que les historiens d'aujourd'hui appellent la
   protoindustrialisation. Certes, il s'agit toujours d'une production `a domicile ou en petits
   ateliers, et d'une fabrication manuelle, l'outillage, toujours médiocre, étant le plus souvent
   la propriété du producteur lui-meme. Mais, contrairement `a l'artisan urbain indépendant, ce
   producteur dépend totalement du marchand fabricant qui lui fournit la matiere premiere,
   récupere le produit fabriqué en échange d'un prix de façon et le vend pour son seul profit. Ce
   systeme existait, on l'a vu, avant le 18^e siecle, mais il connaît alors un grand
   développement, selon des modalités variées : parfois en ville, comme l'industrie de la soie `a
   Lyon, le plus souvent `a la campagne, notamment dans la France du Nord et de l'Ouest, avec,
   autour des villes, grandes ou moyennes, des nébuleuses de paroisses rurales ou des habitants
   se livrent `a un travail industriel, soit de façon quasi exclusive, soit en association
   étroite avec le travail agricole. Ainsi, dans la plupart des secteurs, sans bouleversement des
   structures traditionnelles, la protoindustrialisation, favorisée par la stabilité de la
   monnaie, la hausse des prix, donc des profits, l'augmentation de la population, l'ouverture de
   nouveaux marchés, permet une croissance rapide de la production.

  XVIII.b.iv.     L'essor des échanges commerciaux.

   L'intensification des relations commerciales est évidemment inséparable de cette croissance de
   la production. Les échanges intérieurs et l'acheminement des produits vers les ports
   d'exportation, Bordeaux, Nantes, Marseille, sont favorisés par l'amélioration du réseau
   routier, grâce `a l'établissement de la corvée royale, impopulaire mais efficace, et `a
   l'activité de l'administration des Ponts et Chaussées. Toutefois, en dehors des belles routes
   pavées reliant désormais entre elles les grandes villes du royaume, les routes secondaires et
   les chemins sont négligés et restent en fort mauvais état. Le commerce extérieur connaît un
   essor spectaculaire, comparable `a celui de l'Angleterre : il est multiplié par cinq entre
   1715 et 1789, le commerce avec l'Europe par quatre, le commerce colonial par dix. Le commerce
   européen reste l'essentiel, mais la part prise par les échanges avec les autres continents ne
   cesse d'augmenter : pays de l'océan Indien, Afrique et surtout Nouveau Monde. La France vend
   en Espagne, en Angleterre, dans la plupart des États du continent, dans les ports du Levant
   ses toiles et ses draps, ses vins et ses eaux-de-vie, parfois ses blés, le sucre produit dans
   ses colonies antillaises et raffiné en métropole. Elle achete en Europe du Nord lin, chanvre,
   fer, goudron, bois, et se procure en Asie cotonnades, porcelaines et épices rapportées par les
   navires de la Compagnie des Indes. Surtout, le commerce français s'américanise de plus en
   plus, soit indirectement grâce aux exportations vers l'Espagne dont une grande partie est
   réexportée vers l'Amérique espagnole, soit surtout directement grâce `a l'exploitation non du
   Canada, de peu d'intéret en dehors des fourrures et perdu des 1760, mais des colonies
   antillaises, notamment Saint-Domingue, dont la France reçoit sucre brut, coton, café, indigo,
   et qu'elle approvisionne en produits alimentaires et manufacturés et surtout en esclaves noirs
   troqués sur les côtes d'Afrique. A la veille de la Révolution, les Iles, c'est-`a-dire les
   Antilles, occupent une place considérable dans le commerce extérieur du royaume.

  XVIII.b.v.      Croissance et société.

   Tous les Français ne sont pas également bénéficiaires de cette prospérité, qui fait d'ailleurs
   place, `a partir de 1770 environ, `a une stagnation, puis `a un début de dépression de la
   production et des revenus. Gens de finance, marchands fabricants, armateurs et négociants des
   grands ports atlantiques, rentiers du sol et riches laboureurs disposant d'excédents
   commercialisables sont les grands gagnants, en face du petit peuple des villes et des
   campagnes, dont les salaires n'augmentent pas dans les memes proportions que le profit
   industriel ou la rente fonciere : il ne reçoit que les >> miettes de l'expansion << et est la
   grande victime de la récession du temps de Louis XVI.

  

XVIII.c.      Le mouvement philosophique

  XVIII.c.i.       Les grands philosophes.

   Prolongeant les leçons du rationalisme cartésien et la critique des croyances traditionnelles
   et de la monarchie absolue amorcée dans certains milieux des les années 1680-1715, les grands
   écrivains appelés >> philosophes << veulent substituer aux >> ténebres << du fanatisme et de
   l'intolérance les >> lumieres << de la raison pour le plus grand bonheur de l'humanité. Des
   1721, Montesquieu (1689-1755), président au parlement de Bordeaux, publie les Lettres
   persanes, satire audacieuse des croyances et des moeurs des Français `a la fin du regne de
   Louis XIV ; de 1734 `a 1748, il écrit l'Esprit des lois, dans lequel il préconise une
   monarchie tempérée par l'existence de corps intermédiaires et fondée sur la séparation des
   pouvoirs, exécutif, législatif et judiciaire, vrai rempart contre la tyrannie. Fils d'un
   notaire parisien, Voltaire (1694-1778) publie en 1734, apres un séjour en Angleterre, ses
   Lettres philosophiques, éloge des institutions anglaises. Apres une vie agitée, il s'installe
   en 1760 `a Ferney, `a deux pas de la frontiere suisse, d'ou il exerce jusqu'`a sa mort une
   véritable souveraineté intellectuelle grâce `a son énorme correspondance, ses nombreux
   ouvrages et sa défense des victimes de l'intolérance. Jean-Jacques Rousseau (1712-1778), fils
   d'un modeste horloger de Geneve, joue un rôle `a part : persuadé que tous les hommes naissent
   également bons, il reve, dans le Contrat social (1762), d'une cité idéale ou les droits
   naturels de l'individu seraient garantis et ou le peuple souverain traduirait la volonté
   générale.

  XVIII.c.ii.     Les idées philosophiques.

   Avec toutes les nuances liées aux différences de leurs options personnelles, les philosophes
   se livrent `a une meme critique systématique de la société de leur temps. Sur le plan
   religieux, ils admettent presque tous l'existence de Dieu (sauf Diderot, d'Holbach ou
   Helvétius) mais nient toute valeur aux Églises et aux dogmes ; le déisme de Rousseau
   s'accompagne d'un meme refus des Églises établies, mais débouche sur une religiosité plus
   profonde et plus sincere. Sur le plan politique, ils sont favorables `a la monarchie (sauf
   Rousseau, partisan de la démocratie et de la république), mais une monarchie limitée ou les
   trois pouvoirs seraient séparés et ou le monarque, s'inspirant des principes philosophiques,
   serait respectueux des libertés fondamentales : liberté individuelle, liberté de pensée,
   liberté d'expression. Ils se divisent sur les notions d'égalité et de propriété : Rousseau
   preche l'égalité et tonne contre la propriété, tandis que Voltaire, tout en dénonçant les
   inégalités les plus criantes, celles dues notamment `a la naissance, défend le droit de
   propriété et les intérets de la bourgeoisie plutôt que ceux du peuple. Dans le domaine
   économique, ils vantent les bienfaits de la liberté sans laquelle l'industrie et le commerce
   ne peuvent prospérer et lancent la formule : >> Laissez faire, laissez passer ! <<

  XVIII.c.iii.    L'Encyclopédie.

   C'est surtout apres 1750 que s'accélere l`a diffusion des idées des philosophes, en dépit de
   l'opposition des autorités civiles et religieuses. La publication, `a partir de 1751, de
   l'Encyclopédie joue un rôle capital dans cette diffusion. Dirigé par Diderot et d'Alembert, ce
   >> dictionnaire raisonné des sciences, des arts et des métiers <<, en trente-trois volumes, dont
   onze de planches, est d'abord une somme des connaissances du temps dans le domaine des
   sciences et des techniques, mais c'est aussi une critique habile et détournée des institutions
   politiques et des idées religieuses et une apologie prudente des grands themes des >> lumieres
   << : la foi dans la raison et dans le progres, la liberté, l'égalité civile, le respect de la
   propriété. La presse, les salons, les académies provinciales, les loges maçonniques jouent
   aussi leur rôle dans la diffusion des >> lumieres << en France et dans toute l'Europe.



XVIII.d.     Le rayonnement de la culture française et ses limites

  XVIII.d.i.       L'Europe française.

   Les philosophes ne sont pas seulement des penseurs ; les plus grands d'entré eux, tel
   Voltaire, sont de remarquables écrivains, brillant dans tous les genres et fideles aux leçons
   du classicisme. Mais, quelle que soit leur importance, ils ne représentent pas la totalité du
   mouvement littéraire, illustré aussi bien par le mémorialiste Saint-Simon que par les auteurs
   dramatiques et romanciers Lesage et Marivaux. L'architecture reste fidele aux traditions
   classiques, mais la décoration et l'ornementation sont influencées par le style rocaille, ou
   rococo, qui préfere `a la ligne droite le contour déchiqueté et la forme tourmentée. Le
   rayonnement en Europe de la littérature et de l'art français est alors considérable. La langue
   française est utilisée par les classes supérieures de tous les pays européens, ce qui facilite
   la diffusion des >> lumieres << et des écrits venus de Paris. Le prestige de l'art français est
   tel qu'il est imité un peu partout : résidences royales ou princieres inspirées de Versailles,
   places royales `a la française.

  XVIII.d.ii.     Les réactions nationales.

   Mais `a partir de 1750 environ, en meme temps que continuent `a se diffuser les idées des
   philosophes, se dessine, au nom des exigences du sentiment, une réaction contre leur
   rationalisme jugé trop desséchant ; l'influence des poetes et romanciers anglais contribue
   aussi `a la vogue de l'exotisme, de la reverie, de l'irrationnel. Le roman de Rousseau, la
   Nouvelle Héloise, publié en 1761 avec un immense succes, répond `a cette évolution de la
   sensibilité du public, de meme que les tableaux de Chardin ou de Greuze. Par ailleurs, le
   rococo recule devant le néo-classicisme : on en revient, en architecture, `a un style sobre et
   sévere (Saint-Sulpice, Panthéon), cependant qu'en peinture l'oeuvre de Louis David illustre
   parfaitement ce retour `a l'antique. Dans le meme temps, le rayonnement de la France en Europe
   diminue, devant l'influence anglaise, tres nette en France meme, et surtout devant les
   réactions nationales, sensibles notamment en Allemagne.

  XVIII.d.iii.    Culture savante et culture populaire.

   Enfin, `a l'intérieur de la société française, le fossé apparu au 17^e siecle entre culture
   savante et culture populaire se creuse encore davantage. La culture savante reste fondée sur
   les principes chrétiens et le legs de l'Antiquité redécouvert `a l'époque de la Renaissance.
   Meme le succes des >> lumieres << ne remet pas en cause ces deux fondements de la culture
   classique transmise dans les colleges, notamment jésuites ; mais il y ajoute la croyance dans
   le progres indéfini de l'humanité vers le bonheur grâce `a la raison et `a la science. En meme
   temps, les classes dominantes s'efforcent d'imposer au peuple certaines de leurs propres
   valeurs. Cette tentative d'acculturation, le plus souvent insidieuse, répond `a la fois aux
   prétentions absolutistes et centralisatrices de l'État monarchique et `a la volonté de
   l'Église d'épurer la religion populaire de tous ses éléments jugés superstitieux. Attaquée de
   l'extérieur, menacée de l'intérieur par la lente contamination de l'écrit et le recul de
   l'analphabétisme, la culture populaire réussit cependant `a se survivre avec ses croyances et
   ses pratiques.

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   [1] Physiocrate. Doctrine économique qui s'oppose au mercantilisme et `a son
   interventionnisme, en mettant l'accent sur l'agriculture et sur la nécessité de la liberté
   économique.