05) La Civilisation Gallo-romaine (1er siècle après J.-C. – 2e siècle après J.-C.) DOCUMENT IV.b. L’empereur Claude propose l’entrée de Gaulois au Sénat de Rome 1. Extrait d'une inscription gravée sur une plaque de bronze et trouvée à Lyon : « Assurément c'est par une innovation que le divin Auguste, mon grand-oncle, et mon oncle Tibère César ont voulu que toute la fleur des colonies et des municipes -j'entends des hommes distingués et fortunés - se trouvât dans cette curie. [...] « C'est avec timidité, sénateurs, que j'ai franchi les bornes des provinces qui vous sont habituelles et familières, mais il me faut maintenant plaider ouvertement la cause de la Gaule chevelue. Si quelqu'un considère qu'ils ont mis à l'épreuve le divin César par une guerre de dix années, que le même homme mette en regard cent ans d'une fidélité sans faille et une obéissance immuable au milieu de bien de nos troubles, dont mon très illustre père Drusus a fait plus que l'épreuve lorsqu'il soumettait la Germanie : ils lui garantirent alors, sur ses arrières, une paix profonde et assurée par leur propre tranquillité. » Corpus des inscriptions latines, XI II, 1668 (d'après L. Lerat, La Gaule romaine, Paris, A. Colin, 1977. pp. 189-190). La Gaule romaine -50 La « guerre des Gaules » est terminée. Selon Plutarque, César aurait « pris d'assaut 800 forteresses ... fait un million de cadavres et capturé un autre million de prisonniers -43 Les Romains fondent Lugdunum (Lyon), non loin du confluent du Rhône et de la Saône, sur la colline de Fourvière consacrée au dieu celtique Lug. -12 Les Trois Gaules. Le « conseil des Gaules » se réunit à Lugdunum. Cette assemblée se tiendra une fois par an et pourra approuver ou critiquer l'administration des Romains. A cette date, Lugdunum est devenu la capitale des «Trois Gaules» : l'Aquitaine, la Lyonnaise, la Belgique sont dirigées par un gouverneur. Le sénat romain administre la Narbonnaise. Les légions romaines montent la garde sur le limes. • Face à la proclamation de l'« empire des Gaulois » par quelques aristocrates de deux tribus, le conseil des Gaules affirme sa fidélité à Rome. Plusieurs tribus participent même à la répression. La Gaule est romaine. 162-174 Par deux fois, les Germains font de brèves incursions autour de Strasbourg. 177 Blandine, première martyre. Le christianisme est apparu en Gaule dès le 1er siècle et s'est lentement diffusé vers le nord et l'est. C'est à Lyon qu'ont lieu les premières persécutions contre les chrétiens. Quarante-huit personnes sont mises à mort, parmi lesquelles une jeune esclave, Blandine. Livrée à des bêtes féroces, elle est la première martyre de la Gaule. • A la suite de l'assassinat de l'empereur Commode, la Gaule est le théâtre d'un affrontement entre le général Albinus soutenu par les légions de Bretagne et le général Septime Sévère soutenu par les légions du Danube. Un violent combat se déroule le 14 février 197 sous les murs de Lyon. Albinus, vaincu, se suicide. 233 Les Alamans, peuplade germanique, franchissent le limes, détruisent les camps, prennent Strasbourg. La route de l'intérieur est ouverte. La Civilisation Gallo-romaine • la ville ð centre du nouveau monde gallo-romain (l'organisation romaine) • vie rurale ð les anciennes traditions gauloises • la vie religieuse • les divinités gauloises, romaines et orientales • les premières formes du christianisme Une civilisation urbaine • Selon les estimations ð moyenne 50 à 70 hectares – Bordeaux 125 hectares, – Saintes environ 100 hectares. • le tracé ð des remparts • la partie intra-muros pas totalement habitée. – une population d'environ 5 000 habitants et en dessous (Lutèce, Toulouse, Poitiers par exemple) – entre 5 000 et 20 000 habitants : Bordeaux, Arles, Autun. – Rarement plus de 20 000 habitants : Lyon, Narbonne, Nîmes, Vienne • Plusieurs critères définitoires de l'espace urbain et son organisation : – séparation entre le monde des vivants et la ville des morts (la nécropole) – un rempart qui ceinture la ville ð l'entrée de la ville signalée par un arc (Saintes) – le réseau des axes de circulation • Le décor urbain – monuments publics reproduisent le modèle romain, mais aussi le reflet de la puissance et de la richesse des notables gaulois (l'évergétisme) • Les principaux monuments : trois catégories selon fonction – Le forum - centre de la vie politique de la cité – les bâtiments publics : basilique, curie, temples officiels. – les monuments religieux les plus importants étaient édifiés sur le forum » la Maison carrée de Nîmes ou » le Capitole de Narbonne. » en dehors du forum ð les traditions indigènes et romaines : la tour Vésone de Périgueux • les monuments de spectacle : – théâtres (Arles, Autun, Lyon, Paris, etc.) – cirques pour les courses de chars (Arles, Vienne, Lyon, etc.) ; – amphithéâtres pour les combats d'animaux et de gladiateurs, mais aussi pour les exécutions (le martyre de sainte Blandine à Lyon en 177) ; – odéons pour les concerts et la poésie (Lyon). • les monuments des eaux, aqueducs et thermes Temple d'Auguste et de Livie, Vienne (Vienna Allobrogum) Théâtre antique de Fourvière, Lyon Vestiges de l'aqueduc romain à Chaponost, Lyon L'amphithèâtre des trois Gaules restauré (Lyon) Au fond, on distingue le poteau placé à l’époque moderne en évocation des martyrs Arènes de Nîmes Remparts gallo-romains à Autun Thermes romains de Cimiez, Nice Les transformations du monde rural Richesse agricole de la Gaule une longue tradition de mise en valeur du sol depuis le néolithique, de nouveaux types d'organisation du sol et de la propriété apportés par les Romains. – traditions indigènes • le paysan gaulois la langue s'habille comme ses ancêtres : pantalons, les bracae, braies, le sagum, sayon, manteau sans manches, le caracalla, L'habitat sommaire : » une hutte en bois ou » une case en pierre sèche. Les moyens de transport bien développés et adaptés : » le chariot dérive du carrus gaulois ; » la benna, benne, » une carriole à deux roues et ossature en bois, le carpentum, • profond remodelage après la conquête (cadastrage) – la centuriation du sol – la régularisation des terroirs quadrillés pour une meilleure occupation et un meilleur rendement. – tracés à partir d'axes fondamentaux, • le decumanus, d'est en ouest, et • le cardo, du nord au sud. • nouveau type d'habitat dispersé, la villa. – plusieurs bâtiments construits au cœur du domaine, le fundus – une cour rectangulaire – l'habitation du propriétaire, la pars urbana, – la pars rustica, organisée le long d'une grande cour • Le vicus. – bourgade rurale – rôle particulier – des éléments de la ville : forum, théâtre, thermes, temples, – des formes plus adaptées aux besoins locaux – les théâtres sont souvent aménagés pour pouvoir aussi être utilisés en amphithéâtres. – présence fréquente de sanctuaires de tradition celtique Vicus et sanctuaire gaulois de Sanxay Poitiers (Vienne) Le monde des dieux • Pas d'opposition fondamentale entre les conceptions romaines et gauloises de la divinité • César : Mercure le dieu le plus important des Gaulois • suppression du clergé druidique • la religion gauloise subsiste • l'assimilation des dieux, l’interpretatio, ð dans les deux sens • Les permanences indigènes. • le « pilier des nautes » : – 4 dieux celtes y figurent : • Esus en bûcheron ; • Tarvos Trigaranus, taureau accompagné de trois oiseaux ; • Smertrios, sorte d'Hercule celtique ; • Cernunnos, avec des bois de cerf, symbole de la fécondité. • d'autres divinités sont en relation avec des animaux : • Epona, à cheval, est la patronne des cavaliers ; • Arduina, sur un sanglier est la déesse des Ardennes. • Les divinités féminines honorées comme déesses-mères avec – des symboles de fécondité et – de prospérité (cornes d'abondance, corbeilles de fruits) ou – tenant un enfant. • Beaucoup de cultes sont liés à un lieu précis, • à une source : Sequana, pour la Seine ; • Borvo pour les eaux thermales des diverses localités en Bourbon (Bourbon-Lancy, Bourbonne-les-Bains, etc.). • De multiples divinités assurent la protection des défunts : • Sucellus, le dieu au maillet, parfois accompagné de • Nantosuelta. • D'autres cas ð les dieux indigènes associés à des dieux romains – soit dans les noms, – soit dans les attributs Représentation d'Épona, Musée Lorrain de Nancy, France Cernunnos, le dieu aux bois de cerf (Photos Isabelle Didierjean) Le panthéon gallo-romain • Les dieux romains = dieux officiels des conquérants • la triade du temple du Capitole de Rome (Jupiter, Junon, Minerve) – ð son temple dans la colonie de Narbonne . • D'autres formes du culte de • Jupiter ð spécifiques à la Gaule. (réinterprétation) – assimilé à Taranis, dieu gaulois du tonnerre et de la roue. • Dans les régions du Nord-Est, honoré par des colonnes surmontées du dieu en cavalier terrassant un monstre • ou trônant au sommet de piliers du type du « pilier des nautes » de Paris ou du monument d'Yzeures (Indre-et-Loire). • Mercure, plus de six cents représentations en Gaule • plus célèbre ayant disparu : une statue colossale de plus de 30 mètres au sommet du Puy-de-Dôme. • orné de torques gaulois (Isère), • en tenue de chasseur (Vosges), • en homme barbu vêtu du lourd manteau gaulois (Lezoux), • avec plusieurs visages (Bordeaux), – ð recouvrir un grand dieu celte, peut-être Smertrios. – des surnoms celtes : • Mercure Visucios, le savant, à Bordeaux ; • Mercure Atesmerios à Poitiers, etc. – La dimension du culte de Mercure dépasse donc largement le contenu romain et en fait un dieu populaire dont la toponymie actuelle conserve encore la trace (Saint-Michel-Mont-Mercure en Vendée). • La même évolution se constate pour Apollon, • assimilé, à Grand (Vosges), à un dieu gaulois, Grannus, • ou encore, à Alésia, à Moritasgus dans le sanctuaire d'Apollo Moritasgus, • tandis qu'à Malain (Côte-d'Or) il est associé à la déesse Sirona Mithra et le taureau, fresque de Doura Europos, fin IIe/début IIIe siècle. Les cultes orientaux et les débuts du christianisme Le culte de Cybèle son compagnon Attis – présent à Vienne et à Lyon. – des sacrifices de taureaux ou tauroboles, commémorés par des autels à Lyon, Lectoure, etc. • Le culte de Mithra est surtout répandu dans les régions militaires – dieu iranien ð succès auprès des soldats • C'est dans ce contexte oriental que naît la première communauté chrétienne connue en Gaule, formée surtout d'Orientaux. – 177, le gouverneur de la province de Lyonnaise fait exécuter des chrétiens à l'occasion des fêtes impériales, dans l'amphithéâtre : • l'évêque Pothin et • l'esclave Blandine. – le successeur de Pothin ð le premier théologien de la Gaule, Irénée. – Dès la seconde moitié du 2e siècle, ð une crise grave s'annoncent. • Une épidémie de peste sous le règne de Marc Aurèle (161-180) • les menaces germaniques dans les régions rhénanes. • Des troubles intérieurs ð mise en cause la pax Romana • la révolte de Maternus dans les années 180. • Après la mort de l'empereur Commode en 192, la Gaule ð le théâtre des compétitions pour le pouvoir. • Albinus, installé à Lyon, est battu par Septime Sévère en 197 et Lyon est ravagée. Cependant, les plus graves problèmes apparaissent au cours du 3e siècle.