// ĽAGENCEMENT "A complete study of the differences of idiom between any two languages alone could hardly be made by one man in a lifetime, yet it is a pity that no real attempt has ever been made to tackle the problem, for it is certain that differences could be largely classified and reduced to rules." T.C. Macaulay, Interlanguage, Society for Pure English, Tract 34. STYLISTIQUn COMPARES 93 NOTIONS PRÉLIMINAIRES ESPĚCES ET CATEGORIES § 77. Le chapitre precedent a été consacré ä ľétude des notions (étres ou choses, qualités ou proces). II convient maintenant d'exami-ner sur quels points caractéristiques les deux langues different dans la constitution des énoncés, c'est-ä-dire dans la mise en ceuvre du lexique le long de la chaine du temps. Nous appellerons plus commo-dément cette distribution l'agencemenf. Reprenant la distinction saussurienne entre langue et parole, nous dirons que ľagencement est I'actualisation du lexique. C'est ce qu'exprime bien la citation suivante de J. Perrot : « L'usage de la langue comme moyen de communication implique la connection de deux functions : il y a communication ďénoncés (assertions, interrogations, ordres, etc.) relatif ä des notions (étres, choses et proces) »\ C'est la premiere de ces deux fonctions, celle qui élabore les énoncés, dont nous devons maintenant traiter. § 78. 1.) Espěces eř categories : Pour M. Galichet (Physiologie de la langue frangaise, p. 48 sq.), l'expression du point de vue du sujet parlant se concretise en quelque sorte par le jeu des valeurs grammaticales, qui « encadrent, qui infor-ment les valeurs sémantiques». D'oú la distinction faite par cet auteur, et qui se révěle trěs pertinente, entre les « espěces» et les « categories » ; nous retiendrons ces deux termes, en notant qu'ils permettent un nouveau classement des faits morphologiques et syn- (1) La Linguistique, Paris, PUF, 1953, p. 121. On sait que I'actualisation, suivant la formule de Bally (LGLF § 119), fait passer la langue dans la parole. C'est une idée semblable qu'exprime Charles Fries (The Structure of English, p. 256) en ces termes : "Speech acts that are language always consist of lexical items in some kind of structure." Nous vcrrons dans la III« partie qu'il y a cependant d'autres considerations resultant en somme de la conjonction des deux fonctions, qui les dépassent toutes deux et doivent étre traitées ä part. Cest ce que nous avons appelé le message. 94 STYUSTIQUE COMPARÉE taxiques ä la lumiěre du sens, demarche essentiellement propre ä la stylistique comparée. Rappeions que sous le vocable general ďespěces, G. Galichet comprend ce que la grammaire traditionnelle appelle les parties du discours. L'avantage de ce terme est de permettre leur regroupement sous une forme plus rationnelle. C'est ainsi que les espěces nominales comprennent le nom et le pronom ; les espěces adjointes, ľadjectif et ľ adverbe ; les espěces de relation, la preposition et la conjonction. D'autre part, chaque espěce relěve de categories différentes; Ie genre dans le cas du nom, de ľadjectif et du pronom ; le nombre dans le cas de toutes les espěces variables, etc. § 79- Enfin, une troisiěme notion interessant les espěces est celie des fonetions grammaticales, telies que les functions épithěte, apposition, sujet, etc. En principe, ces considerations ne nous Interessent pas au premier chef, puisque le present manuel n'est pas une grammaire. Comme nous ľavons déjä dit, on ne traduit pas pour compren-dre, mais pour faire comprendre; le traducteur est censé partir, ä pied d'eeuvre, avec la double connaissance des fonetions LD et des fonetions LA. Cependant, dans la mesure oü les techniques du démontage (App. 2) relěvent de la traduction, ľanalyse des fonetions est importance : pour le stylisticien et le traducteur, ľanalyse de ľopposition passif/actif, ou transitif/intransitif est essentiellement une opposition de demarche (183 sq.) entrainant des differences de valeur gramma-ticale. La ou le grammairien constate ces differences, le stylisticien et le traducteur peuvent aller plus loin, et les considérer comme des reflets dune attitude linguistique qu'il f aut děs lors cerner et définir dans la mesure du possible. Cest dire que notre derniěre partie trai-tcra, au moins indirectement, des fonetions dans leur incidence sur le message. § 80. Nous étudierons, dans cette deuxiěme partie, certains pro-blěmes de stylistique soulevés par ľopposition, dans les deux langues, des espěces et des categories. Dans une premiere subdivision, nous passerons en revue ceux qui ont trait ä ľespece nominale, ä ľespece verbale et aux espěces secondaires : espěces adjointes et espěces de relation. Dans une deuxiěme subdivision, nous étudierons les categories principales communes ä ľanglais et au franc,ais: le genre, le nombre, le temps, la voix, la modalite et ľaspect. Le detail des paragraphes qui suivent fera mieux comprendre cette repartition de STYLISTIQUE COMPARÉE 5,5 ľénoncé dans des cadres peut-étre nouveaux pour certains, mais qui out en tout cas le grand avantage d'etre suffisamment souples pour «ten,r 1 attention du traducteur. Ce de.nier n'est, répétons-k, ni un grammairien, ni merne un linguiste, au sens francais du mot. 96 STYUSTIQUU COMPARÉB CHAPITRE 1 LA TRANSPOSITION § 81. Parier ďespěces, c'est reconnaitre implicitement que, dans le rapprochement de deux langues, les mémes valeurs sémantiques peu-vent se cacher sous des espěces differences. Si le traducteur travaillait sur une langue neufre, uniquement faite de concepts et complětement dégagée des servitudes linguistiques (par exemple, rédigée en formules algébriques ou symboliques), nous n'aurions pas ä parier ďespěces et, par consequent, il n'y aurait aucune transposition ä effectuer. On se souvient en effet que la transposition (36) est un procédé qui consiste ä remplacer une partie du discours par une autre sans changer le sens du message. Mais la realite qui s'offre au traducteur est tout autre: si le message (sens global) de "He almost fell" est bien equivalent de "II a failli tomber", il faut reconnaitre que le detail des realisations differe considérablement, puisque "almost" (adverbe) est ici rendu par "failli" (verbe). Nous sommes la devant le passage d'une partie du discours á une autre ; "almost" et "failli" appartiennent ä deux cspěces différentes. Notre chapitre II traitant de la stylistique compa-rée des espěces, nous aurons ľoccasion de noter ä chaque instant des transpositions. Cest méme, sans nul doute, le type de "passage" le plus frequent auquel doit faire face le traducteur. Qu'il suffise d'en montrer ici le mécanisme". (2) Nous attirons l'attention du lecteur sur le fait que nombre de transpositions d'espéces s'accompagnent également d'un déplacement dans la chaine de ľénoncé. STYLISTIQUE COMPARéíi 97 DIFFÉRENTS TYPES DE TRANSPOSITION: § 82. a) adverfae/yerbe : — He merely nodded : // se contenta de faire oui de la téte. — Situation still critical (titre de journal) : La situation reste critique. — He will soon be back : II ne tardera pas a rentrer. — He was very nearly given in charge : IS a bien failli se faire arréter. — Depuis 1952, notre commerce avec ľétranger n'a cessé de s'amé-liorer (Le Monde) : Since I952 our foreign trade has improved steadily. b) verbe/nom : — As soon as he gets up. : Děs son lever. — When Parliament reconvenes... : A la rentrée du Parlement... — The French have indeed pioneered in producing the modern book de luxe (Ph. Hofer) : Les Francais ont été vraiment les premiers dans le domaine du livre ď art moderne. — Before he comes back : Avant son retour (ce qui entraine la TR de "he" en "son"). — ...grown wearisome from constant repetition... : qui finit par lasser ä force d'etre répété (triple TR : adjectif/ verbe, adjectif/locution adverbiale et nom/verbe). — - Any attempt to be arbitrary at once involves one in inconsistencies (The Spectator, 13 aoüt 1954) : Des qu'on essaie d'etre arbitraire, on est tout de suite aux prises avec des contradictions. (Double TR : adjectif indéfini/conjonction et nom/verbe). c) Nom/participe passé — With the loss of active allied support, the anti-bolshevist rebellion collapsed (C. Hayes) : — Privée de ľappui actif des Allies, la revolte anti-bolchevique s'ef-fondra (Double TR : nom/participé passe et adjection/nom). Cette transposition s'effectue réguliěrement aprěs with dans des expressions telies que : "with the able assistance of : secondé admi- 9S STYLIST1QUĽ COMPARÉE rablement par" (2 TR) ; "with the help of... : fort de ľappui de, nanti de, accompagné de ; équipé de, muni de, etc." ; "with the help of a blow torch he was able to open the safe : muni d'un chalumeau il rcussit á ouvrir le coffre" ; "with an abundance of worldly goods : bien pourvu des choses de ce mondc". d) verbe/prépositicn : — "Reports reaching here indicate that... : D'apres des informations recues ici... (Egalement : D'apres «or informations...)". On notera que la deuxieme traduction transpose "reaching here" par "nos". — "Two priests over a glass of beer at a café (S. Lewis) : Deux ecclésiastiques attablés devant un bock á la terrasse d'un café." On notera ľétoffcment de "at", justifié par la situation indépen-damment de celui de "over" qui résulte de la transposition (91). — "Darkness flooded up round them out of the ground (R. Hughes): lis furent enveloppés par une nappe ďobseurité qui montait du sol de toutes parts (TR complexe, "round" étant transpose et module par un nom) Cf. aussi tout le passage de D. H. Lawrence, cite au Texte N° 4 (p. 292), "up hill and down dale, through... to the terminus." e) Nom/adverbe : —■ "He spoke well of you. : 11 a dit du bien de vous.' — "It is popularly supposed that... : Les gens se figurent que..." f) parťicipe passé/nom : — He sheltered his cigarette in his cupped hand. : II abritait sa cigarette dans le creux de sa main. — Easily rubbed off : Qu'un léger frottement suffit á enlever (triple TR: adverbe/adjectif ; verbe/nom ; particule/verbe). "Easily" est de plus rendu par dilution dans "léger" et "suffit". — Easily blown away : Qu'un souffle pourrait empörter ("Souffle" rend á la fois "easily" et "blown"). g) adjectif/nom : — He constantly refers to his own sources which are understandably but nevertheless annoyingly anonymous : II se reporte constamment á ses propres sources, dont Vanonymat est comprehensible mais ncanmoins agacant. — In the early XlXth century : au debut du XIX" síěcle. —■ As timber becomes more valuable... : avec la revalorisation du bois. STYLISTIQUE COMPARE!; 99 h) Locution prepositive ou adverbe/adjectif : — It is easy to see you don't pay for the coal : On voit bien que ce n'est pas vous qui payez le charbon. — The full purchase price will be refunded : Le prix ď achat sera remboursé intégralement. — ...grown wearisome from constant repetition : ...qui fmit par lasser ä force d'etre répété. — The evening was oppressively warm : La soirée était d'une chaleur accablante. i) Adjectif/verbe — "The proper authority to issue this document is the bank : II incombe ä la banque ďétablir ce document". Notons en passant que "incombe" transpose á la fois "proper" et "authority". j) Etoffement des démonstratifs par transposition : On étudiera cette transposition particuliěre au chapitre de ľétof-fement (92). Cest un passage trěs caractéristique, dont ľignorance est la cause de nombreux anglicismes. This may reach you before I arrive : II se peut que ce mot vous par-vienne avant mon arrivée. This text is intended for... : Le present Manuel s'adresse ä... § 83. On a pu voir par les exemples precedents que les transpositions peuvent se combiner les unes aux autres. On devait s'y attendre, étant donne ľinterdépendance des parties du discours. Pour bien s'en rendre compte, il est necessaire de numéroter les elements sujets ä transposition, ce que nous faisons dans l'exemple ci-dessous : "...the principle of fixing the total tonnage within which each nation may build what it requires... : Le principe qui consiste (l) ä fixer un tonnage global avec la possibilité (2) pour chaque pays d'y répar-tir (3) les constructions jugées nécessaires (4)..." (1) Ľétoffement de "of" entraine la transposition mineure "fixing/fixer"; (2) "may : avec la possibilité", soit forme verbale/locution nominale; (3) "within : d'y répartir", prčposition/verbe ; (4) "what it requires : les constructions (TR nominales) jugées nécessaires", explicitation de "it". 100 STYLISTIQUE COMPARED § S4. La traduction des ovis et affiches officieiles fournit de bons exemples de transposition et de modulation (216 sq.) lorsque, comme il arrive fréquemment, la conception ä la base de ces avis et affiches diífěre totalement d'une langue á ľautre : Staff only We deliver We rent typewriters Cattle crossing Reserve au personnel. Livraison á domicile. Location de machines á écrire. Attention aux troupeaux (ou : Passage de troupeaux). Winding Road : Virages (sur tant de kilometres). Ces deux derniers exemples montrent bien comment la TR peut se confondre avec la MOD ; il y a lá ä la fois un changement d'espe-ces et un changement de point de vue. II est difficile de dire si ceci est la cause de cela. Dans le cas des avis qui se rencontrent fréquemment et ont tendance par consequent á se fixer, le passage est donne á ľavance : c'est une equivalence (230) qui s'impose, par exemple au cours d'une visitě á ľétranger : POST NO BILLS : DEFENSE D'AFFICHER. Dans les pays bilingues, oü les deux langues s'in-fluencent mutuellement et oů ces avis et affiches sont souvent la traduction de textes rédigés dans la langue principále ou preponderance, ces avis peuvent étre {'occasion de nombreuses erreurs. Nous • avons déjá cite, pour le Canada, les libellés suivants, qui représen-tent des caiques ou si ľon veut, qui sont des anglicismes : SLIPPERY WHEN WET : Glissant si humide (Chaussee glissante par temps humide) ; NO PARKING : Ne stationnez pas (Defense de stationner) ; WET PAINT : Frais peinturé (Attention á la peinture), etc. Etant donne la place privilégiée qu'occupe le substantif en fran cais — et qui fera ľobjet des pages suivantes — il n'est pas étonnant de constater que la plupart de ces libellés qui comportent en anglais un verbe á ľimpératif, se transposent en francais vers le substantif. § 85. Remarque : On pourra objecter que la langue des avis et affiches est de nature un peu particuliěre, comportant de nombreuses ellipses, et relevant d'une styiistique de la langue de la technique (Cf. dans le méme ordre ďidées le livre de R. Catherine, Le Style administratif, Albin Michel, 1947 : "La redaction administrative est un genre Iittéraire"). Cela ne veut pas dire, toutefois, qu'une telle langue doive étre en contradiction avec la langue commune, et nous pensons que les raccourcis qu'elle offre présentent au contraire le STYLISTIQUE COMPARÉK 101 grand avantage de ne laisser apparaltre que I'essentiei des tendances structurales et de la demarche d'une langue. Ce n'est done pas par hasard que le style des avis et affiches est en anglais plus personnel, plus direct, plus totalement sur le plan du reel, que ne l'est celui des affiches et avis equivalents en francais. D'ailleurs, indépendam-ment des considerations de styiistique, il reste que la traduction de ces textes est en majeure partie affaire ďéquivalence, comme nous l'avons note plus haut: par consequent, les conclusions qu'il est possible de tirer du rapprochement de deux redactions équivalentes sont d'autant plus sures et d'autant plus significatives'. (3) Nous reverrons la langue des avis ä propos du message (2431. ' BÍBLIOTHÉQUE " ^GU^ 102 STYLISTIQUĽ COMPAIIĽĽ CHAPITRE II STYLISTIQUE COMPARÉE DES ESPĚCES A. PREDOMINANCE DU SUBSTANTIF EN FRANCAIS. § 86. Le role preponderant du substantif en francais a été constaté maintes fois, aussi bien par les hommes de lettres que par les linguís-tes. Dans ses Querelies de langage, André Thérive fait remarquer que l'accent de la phrase tend ä porter sur le substantif plutôt que sur le verbe, de sorte que si « se démettre » devient archaique, c'est « donner sa demission » qui doit le remplacer, et non « demissionner », « creation barbare, artificielle, ridicule ». Sans se placer ä un point de vue étroitement grammatical, André Chevrillon avait déjä note que : « le francais traduit surtout des formes, états arrétés, les coupures imposées au reel par ľanalyse. L'anglais peut rendre bien plus facile-ment ce que M. Bergson appelle du se faisant...» (Trois Études de Itttérature anglaise, Plön, 1921, p. 222). Par ailleurs, au terme d'une savante comparaison du £tancais et de ľallemand, Charles Bally note que le caractěre statique du francais se reflěte dans la predominance du substantif sur le verbe : « bien loin de rechercher [comma le fait ľallemand] le devenir dans les choses, il [le francais] présente les évenements comme des substances.» (LGLF § 591)- « Traduire les coupures imposées au réel par ľanalyse », « presenter les évenements comme des substances », on ne saurait mieux dire pour caractériser la maniere dont le francais, mentalement et linguistiquement, se place en face de la realite, et ces citations pour-raient servir ďépigraphe ä ce qui va suivre. II faut cependant noter que ces coupures imposées au reel pour les besoins de ľanalyse peu-vent étre suivies dune relance sur le plan de ľentendement, relance ou se marque la tendance du francais ä interpretation du réel. (187-8). § 87. Ľoutillage de la langue révéle ä chaque instant cette pri-mauté du substantif : STYLISTIQUE COMPARE!! 103 1) le francais a résisté au cours de son histoire ä la formation de certains verbes derives de noms. "Recruter" était encore banni au grand siécle ; "progresser" a choqué Stendhal, "poster" commence seulement ä coneurrencer "mettre ä la poste" ; sans doute faut-íl s'attendre ä la diffusion de "tester" (au sens de "faire subir un test") et quelqu'un a méme risqué "étre agressé" pour "étre victime d'une agression" (voir Le Monde du 21 octobre 1953), ce qui représente la pointe extréme de cette tendance. L'anglais n'a pas ce serupule, et de ce fait bon nombre de ces verbes simples ne peuvent se traduire que par des locutions verbales ; to collide : entrcr en collision ; to surface : remonter ä la surface ; to review : passer en revue ; to scruple : se faire serupule ; to pillory : clouer au priori ; to retreat : battre en retraite ; to secede : faire secession ; to ford : passer á gué ; to total : atteindre le total de ; to enfilade : prendre en enfilade ; to erupt: entrer en eruption ; to tabulate : mettre sous forme dc tableau. D'autre part, il arrive souvent qu'un verbe anglais subordonné se rend plus naturellement en francais par un substantif : — People cheered as the troops marched by : Les gens ont applaudi sur le passage des troupes. — The natives opened out as he came up : Les indigenes s'écartérent ä son approche. — When he gets up : á son lever. —■ After he comes back : aprěs son retour. — As soon as he arrives : děs son arrivée. Sans doute la tournure verbale est possible en francais, mais la tournure nominale parait plus naturelle, alors que c'est généralement le contraire en anglais quand la chose est possible. On peut traduire littéralement "aprés son retour", mais il parait plus simple de dire "after he comes" que "after his arrival", et la construction "děs son arrivée" n'a pas ďéquivalent littéral en anglais. 2) De méme l'adjectif anglais, pour des raisons qui seront examinees plus loin (109), se rend souvent par une locution adjectivale construite autour d'un nom : a hopeless undertaking : une entreprise sans espoir ; an orderly withdrawal : une retraite en bon ordre ; a Pyrrhic victory : une victoire ä la Pyrrhus. 3) La caractérisation des proces se fait parallělement ä celie des substantifs, et la locution adverbiale (112) est une caractéristiquc du francais par rapport á l'anglais : gruffly : d'une maniere bourrue movingly . en termes émus 104 STYLISTIQUE COMPARÉE 4) Le subsťanfif francais peut également jouer le role ďun qyelificatif (110). Plus proche du réel, ľanglais préfěre ľadjectif ou le participe passé : — The French were prevented from advancing by their insufficient force (par leur infériorité numérique). — In reporting the strengthened Seventh Fleet patrols yesterday, nationalist sources said... : En annoncant hier le renforcement des patrouilles de la septiéme escadre, on déclarait dans les milieux nationalistes... Tous ces faits seront repris ä propos de la caracférisaíion. 5) La preposition angíaise aboutit souvent en frangais ä une locuřion přéposiřive (91). II n'est pas rare que cette locution soit construite autour ďun nom, ce qui permet une plus grande precision : "pour cause de...", "á destination de..." sont plus explicites que "pour". — He will board the night express for Germany : II montéra dans le rapide de nuit ä destination de ľAllemagne. — Within two weeks : Dans un délai de deux semaines — From: J.B. Smith : Expediteur: J.B. Smith — From a friend : De la part ďun ami — Within the city : A ľintérieur de la ville 6) Enfin la repugnance du fran^ais á employer "ceci", "cela" pour renvoyer á une phrase precedente aboutit á ľintroduction de substantifs qui précisent de quoi il s'agit et varient avec chaque contexte (92). — This does not surprise me : Cela ne me surprend pas (ou, dans un style plus soutenu : Cette attitude ne me surprend pas.) — This does not mean that... Les remarques qui precedent ne signifient pas que... — This proved very helpful : Cette mesure (cette initiative, cette demarche, etc.) a grandement facilité les choses. STYLISTJQUH COMPAREE 105 ß. LE VERBE ET LE FILM DE ĽACTION. § 88. Le chessé-croisé : Dans la description du reel ľanglais suit généralement ľordre des images, le déroulement ou si l'on veut le film de ľaction. Méme dans le domaine du concret, le frangais préfěre un ordre qui n'est pas nécessairement celui des sensations. Soit, par exemple, la phrase : II a regardé dans le jardin par la porte ouverte. Le francais va tout de suite au résultat, dans ce cas, la chose re-gardée. Ensuite il indique la facon dont ľaction s'est accomplie, dans ce cas, ľitinéraire du regard. Cest lá une demarche ä peu pres Constance de ľ esprit francais : d'abord le résultat, ensuite le mo^en. Par contre, ľanglais suit ľordre des images ; or il est evident que le regard a traverse la porte avant d'aboutir au jardin. D'ou la traduction: He gazed out of the open door into the garden. 11 s'établit ainsi entre les deux langues un chassé-croisé. Le résultat est marqué en anglais par la particule (preposition ou postposition) occupant dans la phrase la méme place que la locution adverbiale qui en francais indique la modalite de ľaction. Cette modalite est rendue en anglais par lc verbe lui-méme, alors que le verbe frangais indique le résultat. Le chassé-croisé apparait claire-ment dans le tableau suivant: moyen : blown par le vent résuifař: empörte away ou plus graphiquement: blown ,away empörte par le vent An old woman hobbled in from the back: Une vieille femme arriva en boitant de l'arriere-boutique. We jogged back in the short winter twilight: Nous revinmes au petit trot dans le court crépuscule ďhiver. Blériot flew across the Channel: Blériot traversa la Manche en avion. 106 STYUSTIQlJi; COMl'ARÚE — He crawled to the other side of the road: II gagna en rampant ľ autre côté de la route. — She tiptoed down the stairs: Elle descendit l'cscalier sur la pointe des pieds. — Through the wide open window streamed the sun on to the yellow varnished walls and bare floor: Par la fenetrc grande ouverte, le soleil entrait á flot et inondait les murs vernissés en jaune et le parquet sans tapis. II n'est pas toujours possible d'appliquer le precede du chassé-croisé. Une simple phrase telle que "Come out of the rain!", qui est une facon typiquement anglaise de rendre la réalité, ne peut se tra-duire en francais sans recourir a une modulation: "Ne restez pas sous la pluie!" Le point de depart de cette traduction est que nous disons "étre sous (et non : dans) la pluie". II n'est done pas possible de sortir de la pluie. D'ou la modulation par contraire negative (224) : "come : ne pas rester". Dans d'autres cas le chassé-croisé est incomplet parce que le francais omet la modalite de Taction comme allant de soi. Ex. : —■ The horsemen rode into the yard : Les cavaliers sont entrés dans la cour. II est parfaitement clair pour un Francais que les cavaliers sont entrés á cheval. Autrement, on le dirait. De méme : — The ship was steaming up the Hudson : Le navire remontait le Hudson. — As she lay awake : Comme eile ne dormait pas... "Lay" est ici un de ces mots-images que le francais ne retient pas dans la traduction, et "awake" donne lieu á une modulation par contraire negative. Un oiseau se déplacant le plus souvent en volant, nous nous contenterons de rendre "A bird flew into the room" par "Un oiseau est entré dans la piece". Par contre la traduction de "A bird hopped into the room" exigerait le chassé-croísé : "Un oiseau est en tré dans la piece en sautillant". Autre exemple : — They drove onto the scene of the accident: lis arrivérent sur les lieux de ľaccident. Nous savons par le contexte que les personnes en question sont en auto. Le francais n'éprouve pas le besoin de le rappeler. II en résulte, comme nous le verrons par la suite (151), une perte d'in-forrnation : prise séparément la phrase francaise en dit moins que la phrase anglaise sur la situation dont elles ont ä rendre compte. STYI.LSTIQUIi COMPARE!; 107 Mais il serait contraire au génie de la langue francaise d'entrer dans ce genre de detail, puisqu'elle préfěre le plan de ľentendement. Le chassé-croísé tel que nous ľavons décrit représente une difference de comportement entre les deux langues. On ne peut guěre 1'éviter dans le genre de phrases que nous venons ďétudier. Toutefois il reste en partie implicite chaque fois que le francais juge inutile de préciser la facon dont Taction s'est accomplie. § 89. Transpositions inverses Nous avons vu que le substantif occupe dans le systéme francais une place preponderate parce qu'il permet de rendre les états ou formes arrétées, chers ä l'esprit frangais. Mais il importe de noter que le role du verbe reste quand méme trěs important et que, con-trairement ä ce qu'un développement precedent pourrait laisser sup-poser, íl y a des noms anglais qui ne peuvent se rendre en francais que par des verbes, et qui donnent lieu ä ce que nous appellerons des transpositions inverses. Ce sont généralement des noms qui expriment des actions et non pas des états. De plus, il leur arrive de s'articuler sur des prepositions suivant un patron dont le francais ne peut guěre s'ae-commoder. En voiei un exemple caractéristique : "Canada has publicly demonstrated its inevitable involvement in the problem of Asia by accepting membership on the Indochinese truce commission". Sans doute ľimpossibilité du mot á mot tient-elle en partie á ce que "involvement" n'a pas ďéquivalent simple en francais. Nous touchons ici ä une déficience qui a déjá été observée : la chaine de derivation est moins complete qu'en allemand et méme qu'en anglais (53). Mais il peut arriver qu'il existe en francais un substantif correspondant, sans que la difficulté en soit résolue pour autant. Cest le cas de : "The West German demands for full equality status stand little chance of early Allied acceptance". "With Eden's disclosure that..." Nous disposons de "acceptation" et de "revelation" comme equivalents respectifs de "acceptance" et de "disclosure", mais nous sentons néanmoins que l'emploi de ces substantifs irait contre le genie de la langue. En fait les trois exemples precedents devront étre traités de la méme maniere. II faut transposer tous ces substantifs par des verbes, dans le premier cas parce que de toute facon nous 108 STYLISTIQUE COMPAREE nous heurtons ä une lacune du francais ; dans le second cas, comme ďailleurs dans le premier, parce que les substantifs considérés s'ap-puient sur des prepositions ou des conjonctions. Nous dirons done : "Le Canada a démontré publiquement, en acceptant' de faire partie de la commission d'armistice en Indochine, qu'il ne pouvait rester en dehors des affaires d'Asie." "Les revendications de la République fédérale en matiěre d'éga-lité des droits ont peu de chance d'etre acceptées par les Allies dans un avenir immédiat." "Quand M. Eden a révélé que..." De méme : "The extent of Britain's involvement in the Goa dispute, espe-ciallv the tact she has taken the risk of India's displeasure, is something of a surprise to many persons here: Hcaucoup dc gens ici trouvent assez surprenant que 1'Angleterre soit mélée ďaussi pies ;\ l'atiaire de Goa et surtout qu'eile accepte le risque de mécontenter le cabinet de Delhi." Ou encore : "But the singular value of this present book as a manual for English students of university age, lies (as it seems to me) in its enlargement of the vision to see our own literature, magnificent as it is, in European perspective — and this not through direct comparison, but more winningly, almost insensibly, through the operation upon it of two critical minds trained in another great literature which, more than ours, conforms with logic and measure" (Arthur Quiller-Couch, Preface de A History of English Literature par Legouis et Cazamian.) Les substantifs rebelles á la traduction littérale sont ici "enlargement" et "operation". lis demandent á étre transposes en verbes : "Mais le singulier mérite du present ouvrage comme ma- j nuel ä l'usage des ctudiants anglais, e'est, il me semble, ďélargir leur virion de notre propre littérature, déjä si riche en elle-méme, en la placant dans une perspective européenne — et cela non pas par une comparaison directe, mais ďune facon plus séduisante et pres-que imperceptible, en la soumettant ä la reflexion de deux esprits critiques formés par une autre grande littérature qui, plus que la nôtre, respecte la logique et la mesure". Un autre cas ou le substantif anglais demande ä étre traduit en francais par un verbe est celui du substantif virtuel, assez frequent (4) A noter que le francais Indique la cause en premier (185). STYLISTIQUE COMPARES 109 dans la langue abstraite, qui se place sur le plan de ľentendement Ici, contrairement á ce qui arrive d'habitude, e'est le francais qui préfěre descendre sur le plan du reel et qui actualise au moyen d'un verbe. Exemples : — He was safe from recognition: II ne risquait pas d'etre reconnu. — The enclosed thesis is sent to you for examination and report : J'ai l'honneur de vous donner communication de la these ci-jointe en vous demandant de bien vouloir l'examiner et donner votre avis. — He found himself constantly accused of concealment: II se vit continuellement accuse de ne pas dire toute la vérité. — Communication was imperative: II ctait indispensable ďétablir une liaison entre les deux villes. (II s'agit de Paris et de Tours en 1870.) — He even thought he saw in Poupin's face the kind of conscious- ness that comes from detection, or at least interruption, in a nefarious act (Henry James) : II crut méme voir sur le visage de Poupin cet air que donne le sentiment d'etre pris sur le fait, ou du moins d'etre interrompu dans l'accomplissement d'une vilaine action. C. ĽÉTOFFEMENT. § 90. Ľéfoffemení est le renforcement d'un mot qui ne se suffit pas ä lui-méme et qui a besoin d'etre épaulé par d'autres. C'est pour le francais une nécessité ďétoffer par un substantif certains mots-outils qui en anglais se passent fort bien de cet appui, sans doute parce que dans cette langue ils sont susceptibles de recevoir ''accent tonique. Nulle part ľétoffement n'apparaít plus clairement cjue dans le domaine des prepositions. "Nous sommes avec eux, non d'eux". C'est ainsi que Le Monde du 13 octobre 1953 traduit les paroles prononcées par Churchill aux Communes le 11 mai 1953 : "We are with them, not of them". Le francais se plie mal á cette concision. Le "de" est trop mince par lui-méme, et ďailleurs ne peut recevoir ľaccent comme "of" en anglais. II aurait fallu dire : "mais nous ne sommes pas des leurs". Paul Bourget reste fidéle au génie de la langue quand il fait dire ä Landri dans ľ Emigre : " II existe une France contemporaine, cependant. II y est. II n'en est pas". (He is in it, but not of it.) 110 STYLISTIQUĽ COMPARÉE § 91. 1.) Etoffement des poríicules (prepositions ou postpositions) : a) par un nom. ■— Excursions au depart ŕ/'Annecy : Outings from Annecy —• To the station : entree (ou direction) de la gare —■ To the trains : acces aux quais — The news was announced in headlines that extended clear across the front page of The Clyde Herald. (J.P. Marquand) : La nouvelle fut annoncée par un titre qui occupait t out e la largeur de la premiere page du Clyde Herald. Parfois le nom est ľ element principal el'une locution prepositive : Passengers to Paris : Voyageurs ä destination de Paris From : De la part de b) par un verbe. — He stopped at the desk for his mail : II s'arreta au bureau pour prendre son courrier. — Voulez-vous que je telephone pour faire venir une voiture ? (F. Mauriac) : Shall I phone for a cab? (ou : Shall I call a cab?) — I'll call for you : Je passerai vous prendre. — II fit un saut et se mit hors ďatteinte. (Mérimée) : He jumped out of reach. — ...les gestes agiles des bras allonges vers le ballon pour le saisir, (G. Lanson) : the easy motion of their arms reaching out for the ball. — On ne peut atteindre la chambre quV« traversant le bureau. (Simenon) : The bedroom can be reached only through the study. — ...ccoutant si ľan n'cntendait pas sur la route de Meaux les canons autrichiens. (A. France) : ...listening for the rumble of Austrian guns on the road to Meaux. — The Time Machine (H.G. Wells) : La machine á mesurer le temps. — La servantě déchirait des draps pour en faire des bandes. (Flaubert) : The maid was tearing sheets into strips. — This forces the translator into approximations : Le traducteur se voit ainsi oblige de recourir ä des ä peu pres" (5) Cest le francais qui se place ici sur le plan du reel. STYLISTIQUn COMPARE!! Ill — I shivered at the millions and immensities and secrecies of India. (F. Yeats) : J'avais le frisson en songeant aux multitudes, aux immensités et aux mystěres de ľlnde. Les particules ont une telle autonomie en anglais qu'il leur est possible de fonctionner sans verbe. On en trouvera un bon exeinple dans le texte de D.H. Lawrence (page 292). En voici uti autre non moins probant, tiré de Katherine Mansfield — By Jove! he had to hurry if he was going to catch that train home. Over the gate, across a field, over the stile, into the lane, swinging along in the drifting rain and dusk: Diable ! il lui fallait se dépécher s'il voulait attraper son train pour rentrer. Il passa par-dessus la barriěre, traversa le champ, en]am-ba ľéchalier et s'engagea dans le chemin, avancant d'un bon pas sous la pluie que poussait le vent, tandis que la nuit tombait. c) par un adjectif ou un participe passé. — L'inspecteur chargé de ľenquéte : the inspector on the case. — A dash had been put in the space for the holder's profession : On avait mis un tiret dans l'espace reserve a la profession du titulaire. — The plot against him : le complot ourdi contre lui. — ...la gratitude de l'Algérie pour ľaide apportée ä la France par ľarmée anglaise : Algeria's gratitude for British military aid to France. — He is up : II est levé. He is out : II est sorti. — A man in a blue suit, black shoes and a grey hat. Un homme vetu d'un complet bleu, chaussé de souliers noirs et coiffé d'un chapeau gris. d) par une proposition relative ou participiale. — Qu'est-ce que e'est que cette lettre ? Quelle lettre ? Cette lettre qui est sur la table. (Duhamel) : That letter on the table. — The courtiers around him : les courtisans qui Ventouraient. — Une des fenétres qui s'ouvraient au-dessus du magasin... : One of the windows above the store. — ...Le changement qui s'est opéré dans Faction clandestine des communistes : ...the change in the underground action of the communists. — ...its danger to French morale... : le danger que cela présentait pour le moral des Francais... — He came in with a light from his bedroom next door : II entra avec une bougie qu'il avait prise dans sa chambre ä côté de la leur. 112 STYUSTIQUE COMPARÉE — Perhaps it was the pure air from the snows before him. (Thornton Wilder) : Peut-etre était-ce ľair pur venu des cimes neigeuses qui barraient ľhorizon. — The arched entrance for carts into the yard... (A. Bennett) : Ľcntrée voútée par laquelle les voitures entraient dans la cour.. •— The charge against him... : L'accusation portée contre lui... ■— With a cry... : En poussant un cri... Ce serait á notre avis une erreur de traduire littéralement en anglais ces relatives ou participiales qui compensent la faiblesse de nos prepositions. II peut arriver, il est vrai, comme dans ľexemple des " fenetres qui s'ouvrent au-dessus du magasin ", que notre relative soit plus imagée que la preposition anglaise et ramene le francais sur le plan du reel. C'est également le cas de certaines locutions adverbiales (112). § 92. 2) Eřoffemenř du pronom démonstratif par un nom : ■— This is your receipt: Recu du client. — We'll land Sunday, and this will be mailed then : Nous débarquons dimanche et cette lettre partira ce jour-la. — But to the little ones at least, this was denied. (Ch. Brontě) : Mais aux petites du moins cette douceur était refusce. (II s'agit d'etre pres du feu.) — He insists that this must not happen : II est absolument oppose á la realisation de ce projet. — This has radically changed the situation : Cette initiative (mesure) du president change la situation du tout au tout. — That happened in the span of a few months. (L. Woolley) : Ce phénomene n'avait demandé que quelques mois. — This in itself presented a difficulty : Cette operation présentait en soi une difficulté. — This proved to be extremely resistant : Ce material! s'est révélé extrémement resistant. — There is no future in the country if this is allowed to prevail : Avec un pared état ď esprit, le pays est voué á la stagnation. — This probably explains why the British are not perhaps as adventuresome in book design as... (Ph. Hofer) : Les considerations qui precedent expliquent peut-etre pourquoi les Anglais ne semblent pas avoir autant innové dans le domaine du livre que... STYLISTIQUE COMPARES 113 Les exemples qui precedent montrent que si l'on veut éviter de traduire "this" et "that" par "ceci" et "cela" parce que ces mots ne satisfont pas notre besoin de clarté, il faut identifier les démons-tratifs anglais dans le cadre du contexte et les rendre par des noms qui rappellent clairement ce dont il est question. On aura recours ä des mots tels que "procédé", "affaire", "initiative", "mesure", "propos", "remarque", etc... qui seront precedes le plus souvent dun adjectif démonstratif servant de rappel (210). lis constituent des fausses precisions, par opposition ä des termes comme "matériau" (voir plus haut) qui peuvent représenter un plus grand degré d'ex-plicitation que 1'original. § 93. 3) Etoffement des conjunctions. a) conjonctions en apposition: — They were the first people after the Romans to make national roads as far back as the XVIIIth century, when long-distance travel by carriage was often impossible in France. (Cloudesley Brereton) "when: á une époque ou" — ...and came onto a railway line where it ran beside a marsh. (Hemingway): pour arriver finalement ä une ligne de chemin de f er ä ľendroit oň la voie longe un marais. Ni notre "quand" ni notre "oü" ne peuvent, en apposition, s'employer sans un étoffement. b) conjonctions préccdées ď une preposition : — I came back to where I had heard the voice (Vincent Sheean) : Je revins ä ľendroit oň j'avais entendu la voix. — It has to do with why you did not come : II s'agit des raisons de votre absence. — It depends on ivhen you have to go : Cela depend de la date de votre depart. — It boils down to whether you want to take that much trouble : Cela se ramene ä la question de savoir si vous voulez vous donner toute cette peine. — This is a story of how a man rose to fame : C'est l'histoire de la f aeon dont un homme est devenu célěbre. 114 STYLISTIQUE COMPARES § 94. Uétoffement tel qu'il apparaít ci-dessus semble tenir á deux sortes de causes : 1) á des raisons de structure. Cest le cas des prepositions et des conjonctions. La structure du francais nous empeche de dire : "A la gare" (au sens littoral !) au lieu de : "Direction de la gare." Pour une raison semblable, nos conjonctions ne peuvent pas suivre une preposition. 2) ä des raisons d'ordre psychologique oů interviennent notre souci de clarté et; notre besoin de juger. On ľa vu ä propos de ľétoffement des pronoms. Ici encore le démonstratif anglais nous laisse sur le plan du reel, tandis que la locution adjectif démotístratif 4- nom nous ramene le plus souvent sur celui de ľentendement. D. LES MARQUES. § 95. A ľinstar de G. Galichet dans sa Physiologie de la langue fraii^aise, nous appelons marques les mots qui servent á identifier les espěces. Ce sont essentiellement les articles, adjectifs démonstratifs et possessifs pour les noms, et les pronoms personnels pour les verbes. Le francais, langue de ľentendement, est logique avec lui-méme quand il emploie l'article défini toutes les fois que les choses ou les personnes représentent pour lui une catégorie ou un concept. L'anglais, qui serre le reel de plus pres, préfěre l'article indéfini° pour presenter les objets índéterminés, qu'il n'éprouve pas le besoin de conceptualiser. Ex. : — U a les yeux bleus : He has blue eyes. — Elle a le teínt päle : She has a pale complexion. — II a fait dix kilometres le ventre vide : He walked seven miles on an empty stomach. — II a la memoire des dates : He has a memory for dates. — II a le gout des meubles anciens: He has a taste for antique furniture. — J'ai la conscience tranquille : I have an easy conscience. De mém e le francais conceptualise davantage en disant: — Aux Etats-Unis ľessence coute 30 cents le gallon : In the United States gasoline costs 30 cents a gallon. (6) L'absence de l'article indéfini anglais dans certains des exemples ci-«lessous ne doit pas faire illusion. Le pluriel anglais sans article est le plurie) d'un singulier precede de l'article indéfini. STYLISTIQUE COMPARED 115 Lequivalence entre le possessif anglais et l'article francais est du méme ordre : — He had his arm in a sling : II avait le bras en écharpe. — He speaks with his hands in his pockets : II parle les mains dans les poches. — He reads with a pen in his hand : II lit la plume ä la main. La division du travail entre l'article défini et le démonstratif nest pas la méme dans les deux langues. Du fait que l'article défini s'omet souvent en anglais, il prend une valeur partiailiere quand il s'emploie. II peut aíors correspondre ä notre démonstratif (234). Ex. : But these are examples of the art in its pure state. Le contexte indique qu'il s'agit de ľart de l'auto-stop. Nous dirons : "Mais ce sont lä des exemples de cet art ä /'etat pur" "Ľart" ferait penser ä ľart en general, et non ä celui dont il vient d'etre question. Remarquons en passant ľemploi du possessif "its" que nous rendons normalement par un article défini. II arrive aussi que notre article se rende par un démonstratif : — Toute la partie du pays qui s'étend de ľautre côté de la riviére est le rendez-vous des chasseurs : All that part of the country across the river is a favourite haunt of sportsmen r. HÓ STYLISTIQUE COMPARÉE CHAPITRE III STYLISTIQUE COMPARÉE DES CATEGORIES A. LE GENRE. § 96. La catégorie du genre, qui donne lieu ä tant de remarques sur le plan grammatical et structural, n'intéresse qu'indirectement le domaine de la stylístique comparée. Le genre est en effet, dans ľim-mense majorite des cas, une servitude á laquelle le traducteur doit étre prepare par ses études antérieures II est pourtant certaines diffi-cultés que nous nous permettrons de souligner ici, en rappelant la distinction bien connue, mais toujours essentielle, entre le genre naturel (étre male, étre femelle, étre asexué ou hermaphrodite) et le genre grammatical (masculin, feminin, neutře; épicěne). On sait que ľanglais a presque totalement perdu le genre grammatical, ce qui lui permet de mettre en valeur le genre naturel ; le francais, au contraire, est tout entier domine par le genre grammatical. Si ce derniei trait obscurcit chez lui la realite physiologique des sexes, et aměne des ambiguítés du type : "his hat, her hat: son chapeau", par contre les accords grammaticaux bases sur le genre peuvent amener des precisions utiles (dans les participes passes, par exemple). Ex. : "The language of resolution 180 adopted on 4 March 1949...' peut se rendre aussi bien par "Aux termes de la resolution 180 adoptee le 4 mars..." que par "le texte de la resolution 180, adopté le 4 mars..." Les remarques qui suivent se rapportent ä quatre aspects de la catégorie du genre en anglais : les mots épicénes, ľ explication des pronoms, la personnification et les morphemes féminins dans la derivation. § 97. Mots épicěnes : II s'agit de mots recouvrant une réalité aussi bien masculine que feminine : e'est dire que le francais connaít, comme ľanglais, des épicěnes : "professeur", "auteur", "docteur" peuvent designer indif- STYLISTIQUĽ COMPARÉE 117 féremment un homme ou une femme. On sait que le frangais hésite alors sur ['article ä employer, probléme qui échappe cependant ä nocre propos. Ľanglais en possěde également un bon nombre, qu'il tťest peut-étre pas inutile de rappeler ici, puisque le traducteur devra les expliciter en LA : "our readers" (nos lecteurs ou nos lectrices) ; "the monarch" (le souverain, la souveraine) ; "the spouse"; "my friend"; "my cousin"; "the nurse" (bien que "male nurse" so it également employe pour cviter ľarnbiguíté) ; "the cook" (le chef, la cuisiniére ; "chef" s'emploie aussi en anglais) ; "boss" (patron ou patronne), "gossip", etc. La Grammaire complete de la langue anglais e (Paris, Larousse, 1949) en donne une bonne liste, p 70, ainsi que O. Jespersen, A Modem English Grammar, Vol. VII, pp. 174-220. § 98. Exploitation des pronoms : Ľexplicitation des pronoms relěve évidemment du contexte, ou de la situation. Ex. "students" employe avec le contexte "St. Mary's School" ou "Vassar College", aměnera une traduction au feminin : "les étudiantes ; elles...", ces deux institutions étant réservées aux jeunes personnes, — terme d'ailleurs ambigu pour qui ne connait pas ľusage du XVIIe siěcle. II est ä remarquer que, pármi nos étu-diants, les femmes ont naturellement tendance ä mettre au feminin des phrases comme "I was very glad to...", "I am given to understand...", etc. Ce petit probléme se posera tout naturellement lorsque, si ľon peut dire, le traducteur d'un roman est une traductrice. Inversement, un roman épistolaire francais perdra parfois de sa saveur en anglais, les lettres écrites ä la premiére personne se voyant privées ďune partie de leur individualite. II faudra alors recourir ä des compensations pour rétablir la tonalité masculine ou feminine: ľemploi du nom propre, ľutilisation de certains elements du lexique particulier ä ľun ou ľ autre sexe, des composes du type "girl-friend", "boy-friend", etc. Quant au "it" employe pour designer les trěs jeunes enfants, il pourra étre rendu par un epicene francais également ambigu: Tenfant", "le bebe \ Sir Ernest Gowers cite ä ce sujet une phrase ďune ambiguité parfaite : "If the baby does not thrive on raw milk, boil it". § 99. La personnification : La encore, les remarques que nous voudrions faire sont également consignees dans les grammaires et nous ne les rappelons que pour 118 STYLISTIQUE COMPARÉE memoire. On sait que les animaux sont neutřes s'ils ne sont pas ľobjet d'une affection particuliěre. Par contre, pour les animaux domesti-ques, on leur donnera volontiers un genre qui surprend parfois un lecteur frangais. Dun chien, on dira, suivant le cas : "She's a good girl" ou "He's a good boy". D'apres Sweet, "dog", "horse", "fish", "canary" sont généralement masculins, "cat", "hare" et "parrot", féminins. Les chasseurs mettent volontiers au feminin les volatiles: "grouse", "duck", "goose" ; les pécheurs en font autant pour "fish"j "whale", "trout". Jespersen cite plusieurs exemples de phrases ou le merne animal apparait successivement sous plusieurs genres : "This young leopard was about to try his teeth on the dead body of a gazelle, which its mother had just captured" {Op. cit. p. 210). Plus connue est la personnification feminine des machines envers lesquelles l'Anglo-saxon se sent affectivement lie : "ship", "packet", "merchantman", "motor-car", "automobile", "watch". Cependant, il y a des cas ou c'est le masculin qui ľemporte (pipe). Pascoe (cite par Jespersen) resume bien ce flottement ä propos de la patisserie : "Any cake is termed a he, but a cold plum-pudding of a more 'stodgy' nature is termed a she". Enfin, les personnifications abstraites sont toujours délicates, surtout dans le cas de métaphores soutenues. Les pays sont généralement féminins ; "Nature", "Soul", "Mind", "Moon", "Spring" éga-lement; par contre, "Death", "Love", "Sun" sont masculins et la mer "innombrable" est tantôt "She'V tantôt "He", tantôt "It". § 100. Derivation : Si ľanglais ne possěde pas de mot special pour designer le sexe (ex. : "bridegroom" par opposition ä "bride"), il peut utiliser un morpheme special, ex. : "-ess" (cf. "manager", "manageress" ; "author", "authoress"), mais il convient de noter que ce suffixe semble péjoratif ä certains « There is a derogatory touch in it which makes it unsuitable when we desire to show respect.» (O. Curme). Ľanglais se rapproche ici du frangais, dans sa méfiance envers les féminins du morpheme "-eur", cf. "docteur", "doctoresse", mais "professeur" et non "professoresse". L'introduction de morphemes frangais permet dans une faible mesure ä ľanglais de créer des termes comme : "confidante", "fiancee", par opposition ä "confidant", "fiance", mais le morpheme "ette" ne comporte aucune evocation de genre dans "kitchenette : petite cui- STYLISTIQUĽ COMPARÉE 119 sine", "roomette : compartiment de wagon-lit", "leatherette : simili-cuir", etc... Pour conclure ces remarques sur le genre, qui sont, comme on ľa vu, des faits de servitude dans une trěs grande majorite des cas, examinons une phrase ou le. genre peut avoir une incidence sur la traduction. Dans un texte sur le comportement des guépes (The Linguist, février 1955, p. 44), ľauteur se laisse aller ä une personnification qui paraít génante en frangais ä cause du genre grammatical de cet insecte : "I am no naturalist and I allude to this worker-wasp as a male because he was a business-like and practical fellow". Cette personnification va done ä ľencontre du genre de "guépe-ouvriěre", mais on pourra conserver le mouvement du morceau, en plaidant par la merne la cause du feminisme : ..."ä voir la fagon pratique et affairée avec laquelle cette guépe attaquait son morceau de suere, j'ai suppose qu il s'agissait d'une femelle, etc..." ß. LE NOMBRE. § 101. Bien que le pluriel et le singulier fonetionnent de fagon semblable dans les deux langues, il n'y a cependant pas correspon-dance absolue entre ces deux aspects du nombre. Ľanglais fait du collectif un usage qui de prime abord déroute les esprits frangais, et dans certains cas, il crée un singulatif qui est la contre-partie du collectif. Nous allons examiner un certain nombre ďexemples. § 102. Ľanglais emploie au sens collectif des mots qui restent au singulier mais que le frangais ne peut traduire que par un pluriel. II arrive qu'on trouve en France ä ľintention des visiteurs de langue anglaise ľinscription "Informations", dont le pluriel aberrant est caique sur notre "Renseignements". En fait c'est le singulier "Information" qui traduit notre pluriel, et pour dire "un renseigne-ment", ľanglais est oblige d'avoir recours ä une tournure speciale que nous appellerons le singulatif: "a piece of information". Cette tournure n'est pas caractéristique du frangais ; eile existe cependant: "de la monnaie, une piece de monnaie". Ľanglais usuel fournit de nombreux exemples : 120 STYLISTIQUE COMPAREE advice: des conseils news: des nouvelles' poetry: des vers evidence: des preuves furniture: des meubles toast: des toasts * bread and butter: des tartines de beurre flying glass: des éclats de verre Le singulatif utilise parfois armour: des armures ammunition: des munitions lightning: des eclairs thunder: des coups de tonnerre grass: de ľherbe fireworks: des feux d'artifice a piece of advice: un conseil a piece of news: une nouvelle a piece of poetry: une poésie a piece of evidence: une preuve a piece of furniture: un meuble a piece of toast: un toast a piece of bread and butter: une tartine de beurre a piece of flying glass: un éclat de verre d'autres mots que "piece" a suit of armour: une armure a round of ammunition: une cartouche, un coup a flash of lightning: un eclair a clap of thunder: un coup de tonnerre a blade of grass: un brin d'herbe a fireworks display: un feu d'artifice § 103. Par contre, certains collectifs anglais n'ont pas de singulatif. Le modele existe ďailleurs en frangais: "la main-d'ceuvre: labour", buck-shot : des chevrotines applause : des applaudissements tinned food des conserves stock (U.S.) : des actions (cf. Br. shares) lace : des broderies (sur un uniforme) winding road. : virages (sur un écriteau) "literature", dans ľexemple suivant: "an investigation into news-stand literature: une enquéte portant sur les livres et périodiques exposes ä la devanture des libraires." "work", en particulier dans des composes comme : homework rough work brasswork lead-work les devoirs et les lemons les brouillons les cuivres (par exemple ceux d'un yacht) les lamelles de plomb d'un certain genre de fenétres ; les plombs d'un vitrail (8) "The news*' pcut vouloir dire : "la nouvelle". (9) "A toast" ne peut signifier qu'un toast porté á quelqu'un. STYLISTIQUE COMPAREE 121 "fire", dans le compose "shell-fire" — A few houses had been hit by shell-fire: Quelques maisons avaient été touchées par des obus. (var. : par le bombardement) Cette catégorie peut s'allonger indéfiniment de noms verbaux en "-Íng'\ des combats acharnés des chambres en ville (pour les étudiants) lettres (ou : caractéres) Ex. : the notice in dirty yellow lettering on the dirty brown door... — fierce fighting — off-campus housing — lettering — after much dodging about — speculative buying — to do a little Christmas shopping — expecting to hear more fighting apres beaucoup de detours des achats spéculatifs faire quelques achats pour Noěl s'attendant ä entendre d'autres coups de feu § 104. II arrive que ľ anglais dispose ä la fois d'un pluriel regulier er d'un collecHf. Ce dernier n'a pas ďéquivalent en frangais, sauf dans quelques cas mentionnés plus loin, ce qui revient á dire que les mots de la troisiéme colonne doivent se traduire comme ceux de la seconde. Singulier a novel (roman) a ship (navire) a sail (voile) a lesson (legon particuliěre) an office (bureau) a shelf (rayon) a hair (cheveu, poil) a statue (statue) a case (affaire, proces) a wall (mur) a panel (panneau) a union (syndicat) a room Pluriel novels ships sails lessons offices shelves hairs statues cases walls panels unions rooms Collectij fiction shipping canvas tuition (Br.) office space shelf space the hair statuary litigation walling panelling organized labor (U.S.) accommodation II y a naturellement une nuance entre le pluriel et le collectif. Le premier évoque aes objets séparés ; le second, des objets pris en 122 STYLISTIQUE COMPARÉE masse. Le frangais of£re quelques exemples de collectifs doublant des pluriels : a law (loi) laws legislation (cf. legislation) a pipe (tuyau) pipes piping (cf. tuyauterie) a worker (ouvrier) workers labour (main-d'oeuvre) S 103. Mots anglais qui s'emploient réguliěrement au pluriel et au singulier, mais dont le singulíer peut avoir le sens d'un pluriel/ du moins dans un de leur sens : glass hose beauty care to take strong action crowded with incident des vitraux des bas des soins de beauté prendre des mesures énergiques riche en incidents § 106. L'anglais possěde un certain nombre de pluriels invariables dont parlent les grammaires et dont certains s'expliquent par ľhistoire de la langue. Ce sont surtout des noms d'animaux: sheep, deer, grouse, swine, duck (canards sauvages), elk, buffalo, salmon, trout, mackerel, etc. Quelques-uns peuvent se mettre au pluriel pour indiquer la varieté. Ex. : "fruit : des fruits" ; "fruits : des espěces de fruits". Indépendamment des raisons historiques, il faut voir dans la survivance de ces pluriels invariables — qui s'étendent ä des mots comme "craft" (appareils ou bätiments), "cannon" (bouches á feu), "hose" (bas, et non : lances d'arrosage) — une certaine vision des choses qui est propre á l'anglais et qui consiste ä considérer la masse, ľensemble, plutôt que des unites juxtaposées. § 107. Cependant il y a toute une série de cas ou ou c'est l'anglais qui préfěre le pluriel pour marquer les parties de ľensemble, alors que le frangais se contente du singulíer. the stairs grapes the trousers ľescalier le raisin (a grape : un grain de raisin) le pantalon (cf. le pluriel de "culotte" en frangais populaire) STYLISTIQUE COMPARÉE 123 the beads the grounds the railings the dishes the scales the bellows directions for use the judges the contents in colonial days le collier ou le chapelet le pare (dune propriété privée) la grille la vaisselle la balance le soufflet mode d'emploi le jury (dun concours agricole, par ex.) le contenu ä ľépoque coloniale De tout ce qui precede, et compte tenú de la tendance contraire notée au paragraphe precedent, se dégage la preference de l'anglais pour des mots singuliers par la forme et pluriels par le sens, ce qui fait que dans certains cas le singulíer ne peut se rendre que par une tournure speciale. Quant ä ľemploi que l'anglais fait du pluriel dans des phrases teiles que "Put up your hands : Levez la main" (si on s'adresse á plus dune personne), il faut y voir encore un exemple de la tendance de l'anglais ä rendre la multiplicité du concret. Le fran^ais préfěre dans ce cas un singulier conceptuel avec ľarticle au lieu du possessif (95). § 108. Pluriels intensifs et atténuatifs : Le pluriel intensif existe dans les deux langues sans qu'il y ait nécessairement traduction littérale, ľidée d'augmentation ou de diminution ayant ďautres moyens que le pluriel pour s'exprimer. Ex.: — II y a des années de cela : It happened years ago. — We've done it loads of times: Nous ľavons fait je ne sais combien de fois. — Their plane arrived hours late yesterday: Leur avion est arrive hier avec un retard de plusieurs heures (ou : avec un retard considerable). — We have loads of time : Nous avons largement le temps. — He has tons of money: II est riche comme Crésus (ou : il est immensément riche). — I haven't seen you for years: II y a une eternite que je ne vous ai vu. Parallělement au pluriel augmentatif il y a un pluriel atténuatif 124 STYLISTIQUE COMPARÉE de méme structure. Seul le fait que la chose pluralisée est petite montre qu-'il s'agit ďun trěs petit nombre, ďune quantité négligeable. Ex.: Within minutes...: En moins de quelques minutes... Seconds later...: A peine quelques secondes plus tard; presque aussitôt. Just minutes from Manhattan: A quelques minutes seulement de Manhattan. It costs you only pennies...: Cela ne vous coüte que quelques sous. Only pennies a cup (reclame de café): La tasse ne coüte pour ainsi dire rien. C LA CARACTÉRISATION. § 109. La caractérisation utilise essentiellement soit des adjectifs ou locutions adjectivales, soit des adverbes ou locutions adverbiales. En frangais eile a aussi recours, comme nous le verrons, au substantif qualificatif. U y a ďailleurs une foule de moyens de marquer la caractérisation. Nous n'avons pas la place nécessaire pour en faire une étude détaillée. La comparaison des deux langues montre trěs vite que ľanglais est plus riche que le frangais en adjectifs et en adverbes. D'une part, pour des raisons de structure, il forme plus facilement des derives, et il peut employer un nom comme adjectif ; d'autre part, operant sur un plan, celui du reel, ou le detail concret est important, il a ľoccasion ďutiliser abondamment ses ressources. II les emploie aussi d'une fagon plus élastique. Par exemple, il se sert des qualificatifs comme adjectifs de relation avec une facilité que le francais n'a pas encore égalée, bien qu il semble vOuloir s'engager dans cette voie. Le temps est loin en effet ou Musset trouvait que "convention de poste" était preferable ä "convention postale". "Postal" est un adjectif de relation, comme beaucoup ď adjectifs savants ou techniques, tels que "solaire" et "catégoriel" que les spécia-listes préfěrent pour leur concision aux locutions adjectivales du langage courant. Bally a montré (LGLF § 147) que ces adjectifs ne se comportent pas comme les qualificatifs : ils ne sont jamais anté-posés, ne s'emploient pas comme attribut, ne prennent pas les degrés de comparaison. Quoi qu il en soit, dans le francais courant ľ adjectif de relation prend généralement la forme d'une locution adjectivale. Cest beau-coup moins fréquemment le cas en anglais. STYLISTIQUii COMPARE!! 125 the French consul : le consul de France Russian leather : du cuir de Russie Persian carpets : des tapis de Perse (mais "Turkey carpets" pour "tapis de Turquie") a French book : un livre de francais (aussi bien que "un livre francais") medical students : des étudiants en médecine local people : des gens de ľendroit her married name : son nom de manage an optical illusion : une illusion ďoptique Congressional permission : ľautorisation du Congrěs mental hospital : hôpital psychiatrique criminal lawyer : avocat ď assises periodical room : salle des périodiques a rural church : une église de Campagne Sans doute faut-il voir une influence de ľanglais dans cette phrase de Raymond Cartier (Match, dccembr.e 1953) : "La premiere impression washingtonienne fut que le sort du cabinet Laniel était sceHé." "Scellé" est ďailleurs un anglicisme pour "réglé". De méme: "les mises en demeure anglo-saxonnes" (C. J. Gignoux, RDM, 15 juil-let 1954). Cette formule est trěs rcpandue dans Ja presse. Dans sa Stylistique comparée du jrancah et de Vallemand (§ 126-129), A. Malblanc a montre ľimportance du substantif qualificatif en frangais, lä oů ľallemand emploie un adjectif. Ajoutons que ľanglais fait de méme. Beaucoup des exemples que donne M. Malblanc sur ce point sont également valables pour le francais et ľanglais. Ils se prétent ďailleurs ä la méme classification : 5 110. A — substantif qualificatif attribut: 1) avec etre: — Je suis dans ľincertitude quant á... : I am uncertain as to... — Cela m'a été d'un qrand secours : It has been very helpful. — Nous sommes ä ľabri du vent: We are sheltered from the wind. 2) avec avoir: — avoir faim, soif, chaud, froid : to be hungry, thirsty, hot% cold. — avoir raison, tort: 126 STYLISTIQUE COMPARÉE to be right, wrong. — avoir de ľesprit, de la chance: to be witty, lucky. § 111. B substantif qualificaťif épithěte : un Américain de naissance " un vrai type de Francis la France du nord ou: le nord de la France dans les remous de la foule une rupture ďattelage ä la fin ďoctobre a native American a typical Frenchman northern France in the milling crowd a broken cl ^pling in late October this decreased purchasing power: cette diminution du pouvoir ďachat He bowed to superior numbers: II s'inclina devant la superioritě du nombre, § 112. La caractérisation adverbiale suit le merne modele. Ici encore s'affirme le caractere synthctique de ľanglais qui lui permet d'employer un seul mot lá oú le frangais préfere une locution, ou merne na pas d'autre recours. Outre que les adverbes en "-ment" donnent vite une impression de lourdeur, le francais n'en possěde pas un jeu complet. Au contraire le. suffixe "-ly" peut se fixer á n'irnporte quel adjectif et méme aux participes. angrily: avec colěre tolerantly: avec tolerance concisely: avec concision deservedly: á juste titre unashamedly: sans honte authoritatively reliably unaccountably repeatedly unrhythmically inadvertently ecstatically: avec extase tactfully: avec tact effortlessly: sans effort conditionally: sous condition abruptly: sans transition de source autorisée de source sure sans qu'on süt pourquoi ä plusieurs reprises sans suivre le rythme par inadvertance On voit que dans certains cas le francais ne peut traduire qu en transposant. En voici d'autres exemples : — He is reportedly in Paris : On dit qu\\ est á Paris. (10) Voir aussi le tour francais "Ce (liable d'homme", "espece cľimbécile", tour beaucoup plus rare en anglais : "un drôle de type", "a peach of a girl" STYUSTJEQUE COMPARES 127 — He is reputedly the best man in the field: II passe pour le meilleur specialisté dans ce domaine. — He constantly refers to his own sources, which are understandably but nevertheless annoyingly anonymous: II fait constamment allusion ä ses propres sources, dont ľanonymat est comprehensible mais tout de méme agagant. Tout comme vis-ä-vis de ľallemand (cf. Malblanc, op. cit. § 93), le frangais garde par rapport ä ľanglais la faculté de revenir sur le plan du reel par pur jeu ďesprit. (savoir) de science certaine : for certain (regarder) d'un oeil distrait : abstractedly (réfléchir) ä téte reposée : at leisure (brüler) d'un feu vif : brightly (briller) d'un vif eclat : brightly (fafonner) d'une main habile : skilfully (s'exprimer) en termes ironiques : ironically II est ä remarquer que dans certains cas le francais n'a pas le choix. La forme en "-ment" existe bien pour "certain" et "vif", mais ni "certainement" ni "vivement" ne conviendraient dans les contextes ci-dessus. II y a option et gain pour le frangais dans "ä téte reposée" (par rapport ä "tranquillement") et option sáns gain bien net dans ľemploi de "dune main habile" et "en termes ironiques". Comme nous ľavons fait remarquer plus haut, la comparaison des moyens de caractérisation dans les deux langues met en valeur ľirnportance du substantif en frangais. La division du travail entre les fonctions adjectivale et adverbiale varie d'ailleurs d'une langue á ľautre. Ľanglais emploie souvent une tournure ou un adjectif modifie le substantif d'une locution verbale ; en francais cette modification est introduce par un adverbe, ce qui représente une transposition (82) : — He does not speak good French: II ne parle pas bien le francais u. — He makes good money: II gagne bien sa vie. — He plays a good hand of bridge: II joue bien au bridge. — I only see an occasional copy: Je n'en vois un exemplaire que de temps en temps. — She had no immediate authority over their disposal: Leur utilisation ne relevait pas directement de son autoritt. (11) On pourrait évidemincnt dire : "il ne parle pas un bon francais" Nous pensons ccpendant que ľautre tournure est plus fréquente. 128 STYLISTIQUE COMPARES § 113. Degrés de comparaison : Ľétude des degrés de comparaison dans les deux langues révéle des differences caractéristiques. Lorsque la comparaison est explicite, le comparatif, ou le superlatif, s'impose aussi bien en frangais qu'en anglais. Notons cependant avec la plupart des grammaires que, suivant en cela ľusage du latin, ľanglais emploie le comparatif au lieu du superlatif quand la comparaison est limitée ä deux choses ou ä deux personnes. Cest ainsi que "ainé" se traduit tantot par "elder" et tantot par "eldest". Egalement trěs caractéristique de ľanglais est le cas oú il met ľadjectif au comparatif alors que le frangais le laisse au positif. Ce qui revient ä dire que ľanglais, préférant le relatif, établit une comparaison implicite, tandis que notre langue, reflétant en cela une tendance de notre esprit, voit la qualité sous le mode de ľabsolu. Nous disons : "le haut Rhin", "le bas du mur", "tôt ou tarď', "les petites classes", "les petites Antilles", "un café bien fréquenté". Ľanglais dira : "the upper Rhine", "the lower part of the wall", "sooner or later", "the lower forms", "the Lesser Antilles", "a better-class café". Le comparatif n'est plus guěre senti dans "ľenseignement supérieur". II ľest beaucoup plus dans "higher education". De méme "the Shorter Oxford Dictionary" deviendra en frangais "ľabrégé du dictionnairc d'Oxford". (Cf. Le Petit Larousse.) La reclame anglaise ou amérícaine fait un large usage de ces comparatifs — ou superlatifs — implicites : The best coffee in town Stays clean longer They [the cigarettes] are milder, smoother, taste better. Evidemment on pourrait traduire chacune de ces annonces litté-ralement, mais il semble plus naturel de dire sans comparatif: Café de toute premiere qualitc. N'est pas salissant. EJles sont douces, n'irritent pas la gorge et sont fort agréables au goüt. De méme cette reclame du New York Times : "You're better informed when you read the New York Times every day. You get more Washington news, more foreign news." deviendra : "Pour étre bien renseigné, lisez done chaque jour le New York Times, qui vous donnera tou tes les informations de Washington et de ľétranger." STYLISTIQUE COMPARES 129 íl se peut que, dans ľesprit d'un anglophone, surtout ďun Américain, il subsiste ä ľétat latent un sentiment de comparaison, de concurrence, et la publicite n'échappe sans doute pas plus aux lois de la concurrence en France que dans les pays anglo-saxons; mais outre que la presentation ďune reclame est affaire de climat, il semble bien que le frangais n'aime pas plus les comparaisons implicites que les pronoms qui ne représentent rien de precis. L'enseigne du tailleur des boulevards "Oui, mais Un Tel habille mieux" n'était pas dans le méme cas, car eile répondait ä celie d'un tailleur voisin, et le public pouvait voir les deux ä la fois. Le superlatif fournit des exemples paralleles. "Most" peut fonc-tionner comme superlatif absolu. Dans "He was most eloquent at the end of his speech", ľaccent tonique dira si la phrase signifie: "II a été surtout eloquent ä la fin de son discours", ou "il a été trěs eloquent...". "They are most respectable : Ce sont des gens tout ä fait comme il faut". II est vrai que nous pourrions dire aussi ä ľinstar de ľanglais : "Ce sont des gens tout ce qu'il y a de plus comme il faut". Mais on ferait fausse route en essayant de traduire littérale-ment, c'est-ä-dire par un superlatif relatif : — He was at his best. : II était trěs en forme. — These colours make your furnishings look best: Ces teintes font valoir [rehaussent, mettent en valeur] votre ameublement. Disons pour conclure que sauf les cas de comparaison explicite, ľanglais, qui aime saisir la vie dans son mouvement, a une certaine affinité pour le comparatif et le superlatif relatif, tandis que la preference du frangais va au positif et au superlatif absolu, ce qui lui facilite les coupes qu'il pratique dans le reel. II convient d'ailleurs de nuancer cette affirmation, car le positif se rencontre aussi en anglais. On rclěve par exemple dans le numero de Life du 19 mars 1956 : "...sold by better stores everywhere. (Eberhard Faber - p. 65)' en vente dans touš les bons magasins". "...at better stores everywhere." (Larong - p. l6l): "...At good stores everywhere." (Hanes - p. 129) "...At good stores everywhere." (Wings - p. 17) Done nous dirons que ce comparatif, que ľon peut qualifier ďindéfini, est possible en anglais, mais que le positif se rencontre aussi. Le frangais ne connait que le positif quand il n'y a pas de comparaison explicite. 130 STYUSTIQUE COMPARÉE D. LA NOTION ET ^EXPRESSION DU TEMPS. § 114. Si ľon met a part les formes progressive et emphatique, la liste des temps est ä peu pres identique dans les deux langues, rnais la repartition des täches qui leur sont confiées ne se fait pas de la méme f aeon. D'ailleurs le fait méme que ľanglais peut mettre n'importe quel temps ä la forme progressive révéle une orientation Jiffcrente de la conjugaison anglaise. Ľanglais excelle ä marquer le "devenir"; le francos, ici encore fiděle ä sa tendance generale, decoupe dans le continu du temps des tranches nettement marquees et ä ľintérieur desquelles le temps semble s'immobiliser pour passer ensuite ä la phase suivante. § 115. Le futur en fournit un exemple. Ľanglais et le franfais ont l'un et ľautre un futur ordinaire (I shall do : Je ferai) et un futur immédiat (I am going to do : Je vais faire). II est tentant de conclure que ces deux futurs se correspondent dune langue ä ľautre. En fait ils ne coincident pas entierement Ex. : Vous ne m'avez pas entendu, je vais répéter: You did not hear me, I'll repeat. Nous employons obligatoirement le futur immédiat toutes les fois que Taction annoncée va avoir lieu tout de suite. Ľanglais peut trěs bien utiliser dans ce cas le futur ordinaire, qui, pour nous, indique que ce n'est pas pour tout de suite. Ľexemple suivant fait ressortir nettement la difference. Un visiteur se présente chez un ami et lui demande s'il est. visible. On lui répond ou bien : "II n'est pas lä, mais je lui dirai que vous eres venu", ou : "Entrez. Je vais lui dire que vous étes lá*'. II est evident qu'un visiteur francais á qui on répondrait en pareil cas: "Je lui dirai que vous étes lá", aura it de sérieuses inquietudes sur la durce de son attente. Mais en anglais les deux réponses commenceront par "I'll tell him." Rappelons pour memoire que ľanglais met au present les verbes de subordonnées commencant par "quand" et autres expressions sem-blables lorsque la principále est au futur. — As soon as he comes, let me know: Děs qu'il arrivera, prévenez-moi. — The longer you wait, the harder it will be: Plus vous attendrez, plus dur ce sera. STYUSTIQUE COMPARÉH 131 Le francos préfěre le present au futur dans les avis ou intervien-nent les considerations juridiques : "La direction n'est pas responsable des objets perdus". Mais ľanglais, plus empirique, met le verbe au futur. II laisse entendre que la question de responsabilité ne se posera que lorsqu'un objet aura été perdu : "The management will not be responsible for lost articles." Le francais préfěre ľabsolu au contingent: maintenant ou plus tard, la maison n'est pas responsable. De méme : "This will be your little grandson : Je suppose que ce jeune garcon est votre petit-fils." Mais ici ľexplication est sans doute différente. Nous pensons qu'il y a une attenuation comparable á celie de "Je voudrais" par rapport á "Je veux" (125). § 116. Les grammaires, et en particulier les livres de Veslot et Banchet, ont montré que la conjugaison anglaige est plus logique que la franchise. Les sept formes qui aboutissent ä notre present sont séparées par de fines nuances qui n'ont rien á voir avec les caprices de la grammaire. 1. I write. 2. I am writing. 3. I do write. 4. I have been writing. 5. Nothing will last for ever. 6. I have come to tell you that... 7. I am coming. La 2e et la 3e sont de véritables aspects (133, 136) ; la 6e et la T marquent une precision que le francais néglige. Vous étes en effet deja lá quand vous exposez le but de votre visitě, et vous n'éres pas encore lá quand vous annoncez que vous arrivez. La 4e est la plus delicate pour les étrangers, qu'ils soient anglais ou francais. II faut aux uns et aux autres une solide connaissance de la langue étrangěre pour passer d'une forme á ľautre sans encom-bre. La diíficulté tient ä ce que le processus mental n'est pas le méme dans les deux langues. Ici encore nous retrouvons ľopposition entre le reel et ľentendement. Le francais s'occupe avant tout du résultat: "Je suis ici depuis 10 heures." Ľanglais suit le déroulement du temps: "I have been here since ten." Nous pouvons dire qu'il y a dilution (165) en anglais, ľécoulement étant marqué á la fois par la preposition "since" et par le temps. En franyais, seul "depuis" indique ľécoulement. Mais il convient de noter que le francais a recours au passé compose (ou au plus-que-parfait) tout comme ľanglais, quand il s'agit d'une action intermittente : "Je ne ľavais pas vu depuis trois mois". 132 STYLISTIQUE COMPARÉE Quand il s'agit de marquer la succession des temps passes, le frangais est plus exigeant que ľanglais, et certains passes anglais doivent se rendre par un plus-que-parfait: — Tu sais que je suis médecin. — Tiens, vous ne me ľaviez pas dit. (Maupassant) : I am a doctor, you know. — Really? You never told me. — II me demanda quand nous étions arrives : He asked me when we came. . — Je vous avais dit que je vous" préviendrais : I told you ľd let you know. — Ce n'est pas faute ďavoir essayé : Not for want of trying. — Driving a peg into the ground at the precise spot where the beetle fell... (Edgar A. Poe) : Enfon$ant un piquet dans le sol ä ľendroit merne oü le scarabce était tombé... L'imparfait, que les grammaires scolaires considěrent comme un temps, est en fait un aspect. Cest pourquoi nous en parlerons au § 134. Nous nous bornerons pour le moment á quelques remarques trěs générales qui permettront de míeux comprendre ľ exposé des grammaires sur ce point, en particulier de celieš qui s'adressent aux étu-diants anglophones. Cest en effet quand on passe de ľanglais au fran^ais que se pose la question de l'imparfait. § 117. L'imparfait n'est pas comme on le dit parfois trop som-mairement le temps de la durée, mais de Taction envisagée en dehors de son commencement et de sa fin. Cest pourquoi il est le temps de la description. Cest pourquoi aussi il ne peut jamais s'employer avec ľindication numérique de la durée, car si la durée peut étre mesurée, cest qu'elle est rčvolue. On peut dire : "II habitait Londres pendant la guerre", mais non : "II habitait Londres pendant dix ans" Le cinema fournit un moyen commode de rendre compte de ľimparfait. Quand les images se succédent sur ľécran, il y a narration et par consequent, si nous transposons dans ľécriture, nous aurons, Taction se situant dans le passé, ľun des deux temps passes de la narration, le passé simple ou le passé compose. Mais si le metteur en scéne s'attarde sur une image, si celle-ci reste ä ľécran sans que den de nouveau se produise, si eile s'agrandit pour permettre de mieux voir certains details, alors notre transpositon écrite sera ä ľimparfait. Ce sera cet imparfait affectif dont les grammaires ne STYLISTIQUE COMFAREE 133 parlent pas toujours et qui a pour effet de rendre ia scene plus frappante: "Une heure aprés le cabinet remettait sa demission." L'écart entre le present et le passé est aboli, nous sommes plongés dans le passé comme si c'était le present. D'ou le caractěre drama-tique de cet imparfait. II ne f aut pas le confondre avec celui qui a un sens conditionnel tout en gardant une valeur affective. "Un pas de plus et il roulait dans le precipice." Le premier de ces deux imparfaits ne peur pas se rendre en anglais le second se traduira par un conditionnel. § 118. Les grammairiens anglais reconnaissent ľ existence du present historique, que Jespersen propose d'appeler le present drama tique. Par contre Hilaire Belloc dans son article sur la traduction (The Bookman, octobre 1931), y voit une forme étrangěre au génie de ľanglais. II est difficile de ne pas tenir compte de ľopinion ďun bon écrivain anglais qui avait du frangais une connaissance intime. Mais on peut concilier les deux points de vue en disant que si le present historique se rencontre en anglais, il y est d'un emploi moins frequent qu'en frangais. Le traducteur devra done en user avec discretion. E. LA VO/X. § 119. La repartition entre les trois voix n'est pas la merne dans les deux langues. On s'apergoit trěs vite quand on aborde ľanglais que la voix pronominale y est moins employee. On se rend compte ensuite que beaucoup de verbes pronominaux fran^ais correspondent dans ľ autre langue ä des verbes actifs et passifs. II n'est pas inutile de reprendre ici les distinctions que font certaines grammaires" et selon lesquelles les emplois de la voix pronominale peuvent se ranger en quatre categories. a) La voix pronominale réflécbte : ľ action retombe vraiment sur le sujet. — II s'est tue. (volontairement) (12) Notamment celle de Dauzat, Grammatre raisonnée de la langue fran-gaise, Ire edition, p. 203. Mais nous devons a M. Malblanc l'analyse des valcurs c) et d). 134 STYLISTIQUE COMPARES — Servez-vous. — II se for^a ä manger un peu. — Cet enfant ne s'habille pas encore tout seul. b) La voix pronominale réciproque: — Elles se téléphonent touš les matins. c) La voix pronominale qui rend subjective une realite objective (187). Cest celie que Dauzat appelle la forme réfléchie atténuée. — II se leva et s'habilla. — II s'est tué. (accidentellement) — II se replongea dans sa lecture. — La tour se détachait sur le fond de verdure. — Voici ce qui s'est passé. — La ceremonie s'est déroulée dans la cour. d) La forme pronominale ďhabitude. Ľ action indique la fagon ordinaire dont les choses se passent. — Le saumon se mange froid. — Cela ne se dit pas. — Cet article se vend bien cette année. Seules les categories a) et b) se traduisent littéralement en anglais. Les autres aboutissent, soit ä des verbes neutřes, soit ä des passifs. On voit qu'en anglais la forme pronominale est littérale. Elle n'est pas figurée comme en franfais. Nous pouvons maintenant traduire les exemples precedents : a) He killed himself. Help yourself. He forced himself to eat a little. This child cannot" dress himself yet, b) They phone each other every morning. c) He got up and dressed. He was killed. He went back to his reading. The tower stood out against the foliage. This is what happened. The ceremony took place in the yard. d) Salmon is eaten cold. It isn't said. This article sells well this year. § 120. Par contraste avec ľaffinité du frangais pour la forme pronominale, nous constatons celie de ľanglais pour la voix passive. (13)A noter que "cannot" n'a pas de terme correspondant dans 1'exemple francais ; voir aussi Modalite (124). STYLISTIQUE COMPARES 135 De ce fait, bon nombre de passifs anglais ne peuvent se rendre en francais sans transposition. On peut dire que du point de vue de la traduction les passifs anglais peuvent se diviser en trois groupes : a) ceux qui se traduisent par un verbe actif, dont le sujet sera souvent "on". b) ceux qui se rendent par la forme pronominale. c) ceux qu'il convient de laisser á la forme passive. Voici des exemples de chaque categoric : a) — You are wanted on the phone: On vous dernande au telephone. — Were you told to wait for him?: Vous a-t-on dit de ľattendre? — He is regarded as the best student: II passe pour etre le meilleur étudiant. — We are not allowed to use a dictionary: On ne nous permet pas de nous servir d un dictionnaire. — A sentry could be heard stamping his feet: On entendait une sentinelle battre la semelle. — He is not to be disturbed on any account: II ne faut le déranger sous aucun pretexte. — I was sure the police would be called in: J'ctais sür qu'on ferait venir la police. — How far he was responsible will never be known: On ne saura jamais quelle fut la part de sa responsabilité. — He may be said to have done more for peace than any other statesman: On peut dire qu'il a fait plus pour la paix que n'importe quel autre homme d'Etat. b) — It is not done : Cela ne se fait pas. (119 d) — This letter can be pronounced in two ways: Cette lettre se prononce de deux facons. — Ham is usually eaten cold: Le jambon se mange généralement froid. — This quality is not often met with: Cette qualité se rencontre rarement. — He was very nearly given in charge: II a bien failli se faire arréter. Parfois il y a adjonction en francais dun verbe supplemental : — He was denied the American visa: II se vit refuser le visa américain. — He hired a car and was driven to the village: 136 STYLISTIQUE COMFARÉB íl loua une voiture et se fit conduire au village. c) — All these signs of rapprochement between the Moslem world and the West are viewed with satisfaction everywhere but in Israel: "l Tous ces signes de rapprochement entre ľlslam et ľOccident sont vus partout dun bon ceil sauf dans ľEtat ďlsraěl. JI peut méme arriver quun passif francais corresponde ä un actif anglais : — Only a miracle saved the world: Le monde n'a été sauvé que par miracle. L'emploi du passif dans ľexemple ci-dessus s'explique par le désir de rnettre ľ accent sur le miracle, et le mot "miracle" recoit ľaccent du fait qu'il est ä la fin de la phrase. La tournure impersonnelle, fréquente en francais, se présente aussi au passif, sur le modele de : "II est défendu de..." ; "II sera distribué ä chaque homme..." — Despite the precautions that were urged upon one against eating raw fruit...: Bien qu'il fůt expressément recommandé de ne pas manger de fruits crus... § 121. La frequence du passif en anglais tient en partie ä la structure de la langue. Le verbe anglais n'a pas besoin d'etre transitif pour se mettre au passif. II reste accompagné de sa preposition á lune et ľautre voix : — The doctor was sent for: On envoya chercher le docteur. — The bed had not been slept in: Le lit n avait pas été défait. Elle s'explique aussi par une attitude de la langue vis-ä-vis de la realite. II y a une certaine objectivité anglaise qui se plait ä cons-tater un phénoměne sans ľattribuer ä une cause precise, ou qui ne mentionne la cause ou ľagent qu'accessoirement. On ne peut s empé-cher ďétablir un rapport entre cette construction et la repugnance des Anglo-saxons ä formuler tout de suite un jugement ou méme une opinion. En void un exemple ou il est fait allusion ä un projet de désarmement naval en 1929 : "In view of the above arguments the proposal to single out the submarine for abolition is regarded as a subtle attempt at the disarmament of France." (The Times, 29 septembre 1929). On peut ä la rigueur traduire á peu pres littéralement et garder le passif : STYLIST1QUE COMPARES 137 « Etant donné ce qui precede, la proposition qui- consiste ä ne supprimer que le sous-marin est considérée comme une 'tentative déguisée de désarmer la France." v'r' Mais il semble bien qu'un Francais s'exprimerait avec moins de circonspection et qu'automatiquement le passif ferait place ä ľäctif: "La France estime qu'en proposant la suppression de ľarme sous-marine ä ľexclusion de toute autre, on cherche ä la désarmer par des voies détournées." Le francais se place ici encore sur le plan de ľentendement. II tient ä interpreter la realite que ľ anglais se contente de rapporter et il conclut que c est évidemment la France qui pense ainsi. Cette tendance ä s'élever au-dessus des faits aboutit parfois ä donner au verbe actif qui remplace un passif, non pas le pronom "on" ou méme un complement promu au rang de sujet par le renversement des ter-mes, mais un mot qui ne figure pas dans la phrase bien qu'il y soit contenu implicitement, comme dans ľexemple suivant ou le mot "humanite" est dégagé du contexte ": "The future of broadcasting cannot be foretold; and all its developments will no doubt be seized upon and used as eagerly for evil as for good. (R. Bridges): On ne saurait prcdíre ľavenir de la radiodiffusion et ľhumanité exploitera sans doute toutes ses possibilités avec autant d'ardeur pour le bien que pour le mal." F. LA MODALITĚ. § 122. La modalite indique ľ attitude du sujet parlant ä ľégard de son énoncé, suivant qu'il le considére comme exprimant un fait, une supposition, une nécessité, etc... Elle varie naturellement d'une langue á ľautre. Les auxiliaires de mode n'ont pas le méme champ ďapplication en francais et en anglais comme on le verra plus loin en comparant "can" et "pouvoir". De plus la modalite utilise des elements lexicaux. II convient done de passer en revue ses différents aspects. (14) L'cnsemble de ces procédés consütue une veritable modulation actif-passif, qui appartient ä la categoric des modulations du message. 138 STYLISTIQUE COMPARÉE § 123. L'obligation physique et morale : Notre "devoir" s'est affaibli, suivant en cela revolution de "shall" et tendant ä devenir lui aussi un auxüiaire du futur. Cepen-dant le degré d'usure nest pas le merne pour touš les temps. Le present et ľimparfait sont sans doute les plus atteints. II existe encore nombre de cas oú "je dois" correspond ä "I must" et "je devais" A "I had to", mais la langue usuelle semhle préférer "il faut", "il fal-lait". Dans certains contextes, surtout dans la langue soignée, ľidée ďobligation reste au premier plan : — Un enfant doit obéir ä ses parents. — Voici ce que vous devez faire. — Vous deviez vous en occuper et vous n'avez rien fait. Dans ce dernier exemple, ľidée de devoir est concurrencée par celle de projet, ďintention. "Vous deviez" veut dire "vous aviez accepté ; il était convenu..." Et évidemment on passe facilement ďun accord ä une obligation et vice versa. Aujourd'hui "devoir" tend ä exprimer surtout que normalement quelque chose aura lieu. Cest un auxüiaire du futur : — Je dois le voir demain. : I am to see him tomorrow. — Nous devions rentrer hier. : We had planned to be back yesterday. Une deuxiěme categoric de temps du verbe "devoir" comprend le futur et les passes autrěs que ľimparfait. lis ont ceci de commun ď avoir garde ľidée ďobligation. — La somme devra étre remboursée le mois prochain : The sum must be paid back next month. — Je dus, j'ai du, j'avais du m'incliner. I had, I had had to give in. II faut mettre ä part les cas oú les temps passes indiquent la probabilitě. II en sera question plus loin. Enfin les conditionnels present et passé inclinent vers l'obligation morale: — II devrait s'en charger : He ought to take care of it. He should take care of it. — Vous auriez du lui dire: You should (ought to) have told him. II peut arriver que "should" et "ought" se traduisent par un indicatif present: — One ought to pay one's debts. : On doit payer ses dettes. — You ought to know. : Vous devez le savoir. Vous étes bien place pour le savoir. Dans ce dernier cas il s'agit plutôt ďévidence que ďobligation. — All papers should be written in ink. : STYLISTIQUE COMPARÉE 139 Les copies doivent étre écrites ä ľencre. íl arrive aussi que "should" se rende par le futur fran^ais: — Freshmen should report to the dean on arrival: Les étudiants de premiére année devront se presenter au Doyen ä leur arrivée. De méme, le "shall" ďobligation peut correspondre ä un present en particulier dans la langue administratíve : — The close of the financial year shall be June 30: L'exercice financier se termine le 30 juin. Nous voyons que dans le verbe "devoir" ľidée ďobligation s'est mieux maintenue aux autres temps qu'au present et ä ľimparfait. A ces deux derniers temps eile subsiste, mais eile est en recul, et la langue supplée ä cette déficience au moyen ďexpressions telies que "il faut que", "étre (ou : se voir) oblige de", "avoir ä", "étre tenú (ou : forcé) de", etc. Ľinterdiction, qui est une obligation negative, se rend par "must not" et aussi par "may not", surtout dans la langue des avis. — Books may not be returned to the shelves: II est interdit de remettre les livres sur les rayons. Remarquons en passant que dans les deux langues "il faut" et "il est nécessaire" sont synonymes, mais qu'a la forme negative leur equivalence disparait. — II ne faut pas qu'il parte : He must not go. — II n'est pas nécessaire qu'il parte : He does not have to go. § 124. La possibilité : "Pouvoir" est ambigu, comme l'indique la phrase suivante: "II peut venir : He can come" ou "he may come". Mais nous avons "il se peut que" ä côté de "il est possible que' et de "peut-étre" pour rendre "may". — II peut venir ) TT T1 , . -ill • I He can come. 11 lui est possible de venir ) — II peut venir. j II se peut qu'il vienne. / TT T, / \t ,.. . > He may come. II est possible qu ú vienne. I J II viendra peut-étre. j Avec les verbes de perception "can" ne se traduit pas. Son passé "could" se rend alors par ľimparfait. — I can hear him : Je ľentends. — I could see the lights of the city in the distance: Je voyais au loin les lurniéres de la ville. 140 STYUSTIQUE COMPARÉB — I can clearly see that such is not the case: Je vois bien que tel n'est pas le cas. II y a d'ailleurs d'autres verbes avec lesquels ľidée de possibilité est implicite en frangais et explicite en anglais : — You never can tell: On ne sait jamais. Je n'ai pas ä me plaindre. Je ne me plains pas. — I can see it won't work: Je vois bien que cela ne marchera pas. — You can imagine how glad he was: Vous pensez comme il a été content — For an Englishman nothing can také the place of tea: Pour un Anglais rien ne remplace le the. — It can be summed up in three words: Cela tient en trois mots. Le conditionnel anglais n'a pas la faculté d'exprimer la possibilité sans auxiliaire modal: — Serait-il deja parti ? : Has he already left? Could it be that he has already left? — Seriez-vous son frěre? Are you his brother? § 125. La probabilitě : Pour rendre cette idee, le frangais dispose de "probablement" et de la tournure "il est probable que" suivie de ľindicatif. Nous n'avons pas de tournure ä un mode personnel comparable ä "He is likely to". D'autre part, nous verrons ä propos des faux amis de structure (154 sq.) que "without doubt" veut dire "sans aucun doute", et non pas "sans doute" qui se rendra par "no doubt". "Devoir" peut indiquer la probabilitě au present, ä ľimparfait et aux passes simple et compose. II se traduit alors par "must" sauf lorsqu'il est suivi d'un Verbe actif ä ľinlinitif present. Devant un tel verbe, "must" redevient un auxiliaire d'obligation (voir le dernier exemple) : — II a du penser que nous ne viendrions pas : He must have thought we were not coming. — Cela ne doit pas étre commode : It must be pretty hard. — Nous devons étre sur le bon chemin : This must be the right way. — Vous deviez vous demander ce que cela vculait dire : You must have been wondering what it all meant. — U ne doit pas y comprendre grand-chose : — I can't complain: STYUSTIQUE COMPARÉB 141 He can't understand much about it. I don't suppose he understands much about it If he should come... j Si par hasard il venait... Should he come... ) Au cas ou il viendrait... II he should die... : S'il venait ä mourir... If he should refuse... If he were to refuse... A ľencontre de ce qui se passe en frangais, le futur antérieur anglais ne peut pas marquer que la chose est probable. "II aura oublié" ne peut se rendre que par "He must have forgotten" qui traduit également "II a du oublier". Uauxiliaire "will", en britannique plutôt qu'en américain, peut exprimer la probabilitě. — This will be your little grandson: Ce petit gargon est sans doute votre petit-fils. II faut tenir compte également de la possibilité d'employer certains mots qui rendent la modalite sans ľadjonction des auxiliaires de inoJe. — This year the idea shows signs of catching on generally: Cette année ľidée semble devoir se généraliser. On peut dire que dans ľexemple ci-dessus la modalite est renduc grammaticalement en frangais et lexicalement en anglais. Dans une proposition commengant par "si", le peu dé probabilitě dune eventualite s'exprime en anglais au moyen de "should" : Nous constatons que "devoir" n'apparait pas dans ce genre de phrases, mais que nous ne manquons pas de moyens pour le rem placer. S 126. La certitude : Sous sa forme absolue, cet aspect de la modalite ne donne pas lieu a des observations particuliéres. Qu'il suffise de noter que le "must" de quasi-certitude cherche souvent sa traduction en dehors de "devoir", qui n'est pas entierement exclu mais manque de nettere dans ce contexte, sans doute parce qu'il évoque plutôt la notion voisine de probabilitě. S'il allait refuser... 142 STYLISTIQUE COMPARÉE — He must be well aware of the facts: II ne saurait ignorer ce qu'il en est. — It must be so: Cela ne peut pas ne pas étre. — The two things must be related: Les deux choses sont nécessairement liées. — He must be in: II est sürement chez lui. On pourrait ä la rigueur employer "devoir" dans les exemples ci-dessus, mais quand "must" est accentué, les traductions que nous proposons sont de beaucoup préférables. § 127. La negation : Une nuance commune aux deux langues sépare "Je ne sais" de "Je ne sais pas" et "I dare not" de "I do not dare". Mais "I don't know" traduit également "Je ne sais" et "Je ne saís pas". La nuance de "Je ne sais" ne peut done étre rendue en principe. Cependant, en fin de phrase, eile trouve un equivalent dans une tour-nure telle que : "it is hard to say". — A-t-il oublié ou a-t-il préferé s'abstenir ? On ne sait: Did he forget or did he prefer to keep quiet? It is hard to say. § 128. Les dires : Le conditionnel anglais ne peut s'employer pour rapporter les dires, et notre conditionnel, quand il a cette fonction, doit se rendre par des moyens d'ordre lexical. — II serait en ville : He is said to be in town. — Deux ouvriers auraient été tués : Two workers are reported killed. — President Eisenhower has reportedly re-stated the American refusal to recognize Communist China: Le president Eisenhower aurait réitéré le refus des Etats-Unis de reconnaitre la Chine communiste. § 129. La permission : Nous retrouvons ici "pouvoir" comme equivalent de "may". — You may go : Vous pouvez partir. — May I use your phone? : Puis-je téléphoner ? A la forme interrogative et á la premiere personne "Shall" est en fait ľéquivalent de "Puis-je ?", "Voulez-vous que... ?" — Shall I call a cab? : STYLISTJQUĽ COMPARÉE 143 Voulez-vous que je telephone pour faire venir une voiture ? II ne s'agit pas tant d'une permission que d'une offre de services. § 130. Ľimpératif: Parallělement ä ľimpératif, le frangais dispose de ľinfinitif qui fonetionne alors comme un impératif impersonnel. — Completer (ou complétez) les phrases suivantes : Complete the following sentences. — Ne pas traduire : Do not translate. — Ne rien mettre dans cette case: This space is for official use only. — Ne pas laisser la porte ouverte: This door should be kept closed. Ľinfinitif anglais ne peut prendre la valeur dun impératif. Dans la langue des directives et des avis, oü cet emploi de ľinfinitif frangais est le plus frequent, ľanglais a souvent recours au passif. (Voir le dernier des exemples ci-dessus.) Le frangais emploie volontiers la tournure optative "que" suŕví du subjonctif. On la traduit généralement par "let" et ľinfinitif. — Qu'il parle : Let him speak. Mais "let" a ľinconvénient d'etre ambigu. "Qu'il parle" et "Laissez-le parier" ne sont pas toujours interchangeables. D*autre part cette tournure ne rend pas la nuance d'impatience que ľon trouve dans les phrases ci-dessous, dont nous proposons d'autres traductions. - ... . . , mi , ( Why doesn't he leave us alone? — Qu il nous laisse tranqmlle! < T ., . ,, , , ^ ^ / I wish he d leave us alone. — Qu on me débarrasse de tout cela ! : Get this stuff out of here. Ľimpératif anglais s'emploie parfois avec le pronom personnel "you" ou merne avec "somebody". Avec "you" et tout autre verbe que "to be", il a ľaspect écrit de ľindicatif. Sur le plan oral, ľintonation évite ľambiguíté. On peut considérer cette tournure comme une forme accentuée de ľimpératif. Le francais ne la connalt pas et rend la mise en relief d'une autre fagon : You write to him right away You be the judge. Somebody go and tell him. You keep out of this! Ecrivez-lui done tout de suite! A vous d'en juger. II faudrait qu'on le prévienne. Mélez-vous de ce qui vous regarde! 144 STYLISTIQUE COMPARÉE § 131. La modalite exprimée par le subjonctif: L*anglais semble avantagé par rapport au francais parce que ses auxiliaires de mode lui permettent de préciser lä modalite avec clarté et simplicitě. Mais le déclin du subjonctif prive cette langue de cer~ taines nuances que le subjonctif frangais peut rendre lorsqu'il est libre., c'est-ä-dire lorsqu'il n'est pas commandé par une conjunction ou un certain genre de verbes. Exemples : a) Je cherche un livre qui contient/contienne ce renseignement. b) Je ne dirai pas qu'il ľa/ait fait expres. La nuance de "contienne" ne peut guěre se rendre *n anglais. On pourrait dire: "I am looking for such a book as might contain this information", mais une telle phrase est plutôt du style soutenu. Par contre, ľopposítion que donne ľexemple b) peut étre mainte-nue en anglais ä condition de modifier le vocabulaire. I won't tell anyone he did it on purpose; I won't go so far as to say he did it on purpose. G. ĽASPECT VERBAL § 132. Nous avons vu ä propos du lexique (57) qu'il y avait lieu ďélargir la notion d'aspect et de ľáppliquer au sens des mots, qu'ils soient verbes, adjectifs ou substantifs. Nous revenons maintenant á ľaspect verbal qu'expriment certains modes et temps des verbes. § 133. Ľaspect progressif : La forme dite progressive qu'étudient les grammaires anglaises ä ľusage des étrangers est un aspect". On sait que pour le rendre le frangais dispose de la tournure "étre en train de", mais que le plus souvent il laisse au contexte le soin d'indiquer que Taction est en cours au temps employe. TT . , . II est en train de travailler. He is working : n travaille. (15) On sait que les verbes de perception ne s*y mettent pas : "je vois" (en ce moment) "I can see", et non "I am seeing". La tournure "I'll be seeing you" s'explique du fait que "see" n'est pas ici verbe de perception, mais ľéquivalent de "to meet". STYLISTIQUE COMPARÉE 145 Le francais possěde une tournure progressive qui ne diffěre de celie de ľanglais que par ľauxiliaire: "aller" au lieu de "étre". — La vallée allait s'élargissant (ou "en s'élargissant") : The valley was getting wider (ou "wider and wider") II n'y a done qu'une tournure pour rendre : La vallée s'élargissait. La vallée allait (en) s'élargissant. § 134. Ľaspect duratif ou ímperfectif : Notre imparfait est, on ľa vu, un aspect qui índique que Taction est considérée en dehors de son debut ou de son terme. Ľanglais ne rend pas aisément cette nuance. D'ou la diíficulté des angloohones ä reconnaítre les cas oú leur passé doit se traduire par un imparfait du fait qu'il marque ľaspect duratif, et non ľaspect ponctuel ou inchoatif. II existe trois ou quatre verbes usuels ä propos desquels la distinction entre notre imparfait et notre passé (simple ou compose) ne peut se rendre en anglais que par un changement de mots : II voulait s'enfuir II voulut s'enfuir II pouvait le faire II .put le faire II savait que je venais II sut que je venais lis se connaissaient déjä lis se sont connus en 1940 II se taisait II s'est tu He wanted to run away. He tried to run away. He could do it. He was able to do it. He knew I was coming. He heard I was coming. They already knew each other. They became acquainted in 1940. He remained silent. He fell silent. Parfois ľanglais a recours ä une périphrase pour rendre la conti-nuité de ľaction. Le camion sautait sur les pavés inégaux du quai. (Camus) The truck went bumping along over the uneven paving-stones of the pier. On sent que "bump" ne suífit pas ä donner ľimpression dun tressautement continu. § 135. Ľaspect habituel ou invétéré : II est rendu par ľauxiliaire "will" en anglais, qui regoit alors ľaccent d'insistance, et par plusieurs tournures en francais : 146 STYLISTIQUB COMPARES — He will talk out of turn : II faut toujours qu'il parle quand on ne lui demande rien. — He thinks it's all your fault. — He would!: II trouve que c'est de votre f aute. — Cest bien lui ! £a ne m'étonne pas de lui! — He would read for an hour after breakfast: II lisait une heure aprěs le petit dejeuner. La repetition se marque aussi par le tour "il ne fait que" ; "II ne fait que nous interrompre : He keeps butting in", et aussi par le pronominal : "La soupe se mange chaude : Soup is eaten hot" (119 d). § 136. L'aspecr d'insisrartce : lei également ľanglais a la ressource dun auxiliaire simple et commode : "do". Encore plus que dans le cas de "will", les equivalents fran^ais sont varies et dependent de la situation : — Do be careful! : Surtout faites bien attention ! — Do come! : Venez done ! — He did answer my letter but he evaded the point : II a bien répondu ä ma lettre, mais il a éludé la question. — I did check the oil : Mais si, j'ai vérifié ľhuile. — He did do it (as he said he would) : En effet, il ľa fait. — He had decided not to join us, but he did come : II avait decide de ne pas se joindre á nous, mais il est tout de méme venu, § 137. L'aspect permanent1 et ľaspeet occasionnel: En fran^ais, bon nombre de participes presents peuvent s'employer comme adjectifs verbaux, mais íls n'ont pas nécessairement la méme valeur que les participes presents anglais correspondants. Dans certains cas, ils en sont séparés par une difference d'aspect. En general, les adjectifs verbaux fran^ais expriment un aspect duratif ou habituel. "Le corps enseignant", c'est l'ensemble des gens qui enseignent réguliěrement; "le poisson volant" est different des autres poissons. II en est de méme de : "cinema parlant", "sables mouvants", "tapis roulant", "viande saignante", "étoile filante", etc. Au contraire la forme en "-ing"w employee comme adjectif peut exprimer aussi bien l'aspect occasionnel que l'aspect habituel. "Shoot-do) Etant donne ľinvariabilité des formes, la distinction entrc adjectif verbal