15) LE NOUVEAU ROMAN 15) LE NOUVEAU ROMAN II.............................................................................................................................................1 15.1.)PERIODISATION.................................................................................................................................................................1 15.2) POLEMIQUE ET THEORISATION....................................................................................................................................2 Les textes dereference...........................................................................................................................................................................2 15.3) POUR UN NOUVEAU REALISME....................................................................................................................................4 15.4) REFUS DES MYTHES DU PASSE ET DE ĽENGAGEMENT LITTERAIRE...............................................................................5 LeNR et l'Existentialisme......................................................................................................................................................................5 Le NR et la littérature engagée...............................................................................................................................................................6 15. 5) UNE RECAPITULATION CONTRASTIVE.........................................................................................................................8 15.1.) Périodisation • Le Nouveau Roman, entreprise de recherche incessante et de perpétuelle remise en cause, ne se défínit pas par une identite immuable mais par un processus dynamique, évolutif, marqué plus ou moins nettement par des « étapes » qui jalonnent une reflexion ne se justifiant que dans le dépassement constant de ses résultats. • Sans entrer dans le detail ďune evolution dont la complexité s'accroit de la spécificité des différentes pratiques textuelles, il peut globalement distinguer • deux grandes périodes du Nouveau Roman. o 1) Pendant la premiere, correspondant grosso modo aux années cinquante, ■ le Nouveau Roman, préoccupé par le combat qu'il livre avec ľancienne epistemologie, ■ tente de rompre avec les structures narratives traditionnelles et ■ étend sa recherche ä d'autres champs ďexpérimentation formelle. o 2) La seconde perióde, qui s'ébauche dans les années soixante, est dominée par ■ la radicalisation de la rupture et ■ la construction ďun nouveau rapport de ľhomme au monde. ■ On passerait ainsi, selon les termes de Jean Ricardou, des « textes de ľunité agressée » aux « textes de ľunité impossible », fondés sur ľéclatement et la fragmentation du sujet. • S'il est vrai que le Nouveau Roman connait son äge ďor au cours des années cinquante et soixante, il ne cesse pas pour autant de produire des ceuvres importantes méme aprés sa perióde ďhégémonie littéraire. • Jean RICARDOU - définit le « Nouveau Nouveau Roman » des années soixante-dix par ses « structures generatrices ». o 3) ROBBE-GRILLET distingue une troisiěme periodě qui commence ä la fin des années soixante-dix et oů « touš ces écrivains du Nouveau Roman, sans se donner le mot, vont compliquer encore la donne, en réintroduisant dans cet univers éclaté un personnage qui va porter leur propre nom1 ». ■ Qu'on y voie le passage d'une apparente objectivité ä une subjectivité éclatée, ou l'affermissement progressif d'une structure de production, le parcours du Nouveau Roman est celui d'une radicalisation idéologique et esthétique, d'une exploration toujours plus authentique au cceur du reel. 1 « Les étapes du Nouveau Roman », Le Debat, op. cit., p. 271. 1 15.2) Polémique et théorisation Les textes de reference • N'ayant jamais pris la forme ďune « école », ä peine celie ďun mouvement, il semble logique que le Nouveau Roman ne soit soutenu par aucun ouvrage théorique servant de reference unique. o Non seulement les textes de reflexion critique et théorique sont épars, émanant ďauteurs divers et apparaissant (de 1955 ä 1975) au gré des recherches personnelles de chacun ďentre eux, o mais aucun ne pourrait se vanter de se faire ľécho fidéle de tous les écrivains de la mouvance. o La pluralite de points de vue sur certaines questions, les contradictions qu'elle entraine parfois sont le reflet attendu de la diversité des personnalités qui composent le groupe et de ľévolution permanente d'une pensée dynamique qui ne concoit la pratique littéraire que dans un continuel dépassement de ses propres acquis. • 1) Les declarations théoriques de ROBBE-GRILLET ont joué un role important non seulement dans la formation et la cohesion du groupe, mais aussi dans la reception d'une nouvelle esthétique déroutante pour les lecteurs. o La volonte explicative et les prises de position idéologiques permettaient d'éclairer certains aspects d'une pratique littéraire qui restart souvent énigmatique et opaque. o Néanmoins, ce qui devint le « manifeste » du Nouveau Roman doit étre accueilli avec precaution, son radicalisme étant lié ä sa vocation militante, comme le rappelle Robbe-Grillet lui-méme : ■ «Mes declarations théoriques ne constituent pas une théorie du román, c'est-á-dire un systéme clos, ce sont seulement des apergus théoriques sur le román. Or il faut bien voir que ces declarations théoriques sont simplificatrices par nature. [...] » Pour un Nouveau Roman est compose ď articles de journaux, commandés au depart par L'Express. Ce sont des textes de combat, courts, congus pour étre simples et, ä la limite, simplistes. Je m'en rendais parfaitement compte. Je m'y livrais par exemple, aprés ďautres, á une condamnation catégorique de la métaphore. Mais La Jalousie, que j'écrivais á la méme époque, est en un sens un festival de métaphores ! Si le Nouveau Roman, cela dit, a connu cette fortune, c'est bien parce que nous avancions des idées simples2. » o II n'en demeure pas moins que, malgré son caractěre parfois outre et dogmatique, en dépit des contradictions - assumées - entre théorie et pratique littéraire qui invitent ä voir dans le Nouveau Roman une recherche constante, ľouvrage donne une idée claire des tendances esthétiques et idéologiques du mouvement. • 2) Déjá, en 1956, dans un recueil d'essais publiés sous le titre eloquent de L'Ere du soupgon, Nathalie SARRAUTE constatait o la fin de la relation de confiance entre écrivain et lecteur sur laquelle se fondait le roman traditionnel 2« Les étapes du Nouveau Roman, Alain Robbe-Grillet, entretien avec Jacques Bersani», Le Debat, op. cit., p. 268. 2 o et attirait l'attention sur un certain nombre de caractéristiques du jeune roman, en rupture avec les Conventions romanesques encore en vigueur, jetant la suspicion sur le vieux realisme omniscient : « Aus si, quand l'auteur songe á raconter une histoire et qu'il se dit qu'il luifaudra, sous l'oeil narquois du lecteur, se résoudre á écrire : "La marquise sortit á cinq heures ", U hésite, le cceur lui manque, non, décidément, il ne peutpas3. » o La formule - « ľere du soupcon » — sera abondamment reprise et l'ouvrage apparaitra aprěs coup comme le texte fondateur de la nouvelle tendance. • 3) L'ceuvre critique et théorique de Michel BUTOR, volumineuse, consiste en une suite de reflexions sur le roman (Essais sur le roman, 1964), sur divers écrivains présentant un intérét particulier pour le Nouveau Roman (Faulkner, Joyce, Proust, Roussel, Leiris...), et sur sa propre demarche créatrice (voir Les Repertoires). • 4) Quant ä Jean RICARDOU, le plus jeune du groupe (né en 1932), il s'intéresse d'abord aux romans de Robbe-Grillet auxquels il consacre une étude děs 1958. Cest le debut ďune activité critique et théorique -probablement la plus dogmatique de toutes - qui débouchera sur la publication de Problěmes du Nouveau Roman (1967), puis de Pour une théorie du Nouveau Roman, en 1971. • 5) La méme année, il organise ä Cerisy-la-Salle un colloque destine ä rassembler tous les écrivains qui se définissent eux-mémes comme Nouveaux Romanciers. On le sait, Beckett et Duras déclinent l'offre. Les écrivains presents, irrités par la volonte normative de Ricardou, ses affirmations péremptoires qui frisent le terrorisme, se rebellent contre une rigiditě qu'ils jugent inacceptable. Ricardou persiste et signe, deux ans plus tard, dans un ouvrage intitule Le Nouveau Roman. En 1978, Nouveaux Problěmes du roman consomme la rupture. • 6) L'échec de l'initiative que prennent Jérôme LINDON et Alain ROBBE-GRILLET, en 1958, de demander aux Nouveaux Romanciers de travailler ensemble ä un dictionnaire qui ferait etat de la terminologie utilisée par la critique au pouvoir - en vue de dénoncer ľidéologie - est révélatrice des difficultés que rencontre toute volonte d'unification théorique du mouvement. Les membres du groupe, dont certains manquent d'enthousiasme ou ďassiduité, ne parviennent pas ä se mettre d'accord sur la definition des notions fondamentales... En 1971, Robbe-Grillet constatait : « En somme, la seule existence reelle du Nouveau Roman a été ce dictionnaire, qui a été une des grandes entreprises des Editions de Minuit, qui nous a occupés pendant des mois et a été un échec total... »4 3 Gallimard, coll. « Idées », Paris, p. 22. 4 Nouveau Roman : hier, aujourd'hui, 1. Problěmes généraux, op. cit., p. 247. 3 15.3) Pour un nouveau realisme • Résoľument moderne, le Nouveau Roman reflěte ľémergence d'un nouveau rapport au monde : « // n'y a lá qu'une appellation commode englobant tous ceux qui cherchent de nouvelles formes romanesques, capables ďexprimer (ou de créer) de nouvelles relations entre I'homme et le monde, tous ceux qui sont decides á inventer le r oman, c'est-á-dire á inventer ľhomme5. » • Reŕusant désormais de s'asservir ä des fins morales ou idéologiques, • le román ne prétend plus ä éveiller la conscience du lecteur sur les leurres de la civilisation ou ľabsurdité de la condition humaine. • II cesse de s'intéresser aux vérités - auxquelles il ne croit plus - pour s'intéresser aux questions. • ROBBE-GRILLET - scientifique de formation - rappelle opportunément que les scientifiques modernes ne croient plus ä la vérité de la science, et fait au contraire de sa réŕutabilité le principe méme de sa pertinence.6 • En redéfinissant son espace comme exclusivement littéraire, • le Nouveau Roman ľisole de tous les conditionnements externes qui tendent ä faire oublier la nature verbale de toute creation littéraire, devenue ľobjet privilégiá de son questionnement. • Dans les années cinquante, la pensée phénoménologique de HUSSERL - dont le Nouveau Roman se fait ľécho - a détrôné le discours totalisateur de ľépistémologie bourgeoise fondée sur le positivisme et la notion de nature. o Elle proclame la souveraineté absolue de la conscience au contact de la realite et o propose un mode ďappréhension du monde extérieur qui prenne en compte sa seule presence obstinée, ľ« étre-lä » des choses, au-delä de toute signification. o Cest bien le programme que se propose ROBBE-GRILLET, lorsqu'il écrit: « A la place de cet univers des "significations" (psychologiques, sociales, fonctionnelles), il faudrait done essayer de construire un monde plus solide, plus immédiat. Que ce soit ď ab ord par leur presence que les objets et les gestes s'imposent, et que cette presence continue ensuite á dominer, par-dessus toute théorie explicative qui tenterait de les enfermer dans un quelconque systéme de reference, sentimental, sociologique, freudien, métaphysique, ou autre. »7 5 Ibid., p. 9. 6 Voir « Les étapes du Nouveau Roman », Le Debat, op. cit, p. 272. 7 Pour un Nouveau Roman, op. cit., p. 20. 4 15.4) Refus des mythes du passe et de /'engagement littéraire • Si la cohesion théorique du Nouveau Roman reste une affaire delicate ä l'heure des definitions « positives », o eile semble en revanche se constituer plus facilement děs qu'il s'agit de refus. • Rejetant le passéisme littéraire, le Nouveau Roman part en guerre o contre toute forme de roman qui prendrait pour modele les conventions romanesques du XIXe siěcle, o milite pour un roman inventif, explorateur, résolument tourné vers l'avenir. ■ Non que Stendhal ou Balzac, de leur temps, n'aient été de grands écrivains. Mais leur modernita ne peut étre celie de ľhomme de 1950. L'ere est révolue de ľécrivain-génie rédigeant son ceuvre sous la dictée ďon ne sait quelle inspiration qui ne laisserait guěre de place ä une quelconque conscience critique. ■ L'ere est également révolue des certitudes positivistes et des grands mythes qu'elles perpétuent. ■ L'anthropocentrisme, vision rassurante qui garantit ä ľhomme la maitrise du monde, est ainsi nie, ■ de méme que ľidée toute-puissante de nature, concept essentialiste qui garantit la pérennité réconfortante de ľétre méme du monde et de ľhomme. • Ainsi se dissipe le mirage ďune complicité entre le sujet et les choses qui ľentourent. o Délié de toute connivence avec ľhumanité qui le peuple, ■ le monde abandonne son role de « dépositaire » des aspirations de ľhomme, ■ perd sa « profondeur » au profit d'une « planéité » purement extérieure. ■ La reconciliation semble impossible. ■ Le rapport tragique au monde, récupérant le malheur de ľhomme ä des fins de sublimation, est lui-méme écarté : « Partout oú U y a une distance, une separation, un dédoublement, un clivage, U y a possibilité de les ressentir comme souffrance, puis ďélever cette souffrance á la hauteur d'une sublime nécessité. Chemin vers un au-delá métaphysique, cette pseudo-nécessité est en méme temps la porte fermée á tout avenir realisté. La tragédie, si eile nous console aujourd'hui, interdit toute conquéte plus solide pour demain. Sous I'apparence ďun perpétuel mouvement, eile fige au contraire ľunivers dans une malediction ronronnante. II n 'est plus question de rechercher quelque reméde á notre malheur, du moment qu'elle vise á nous le faire aimer8. » Cest somme toute ľidée d'humanisme transcendantal que rejettent les théoriciens du Nouveau Roman. Le NR et l'Existentialisme • Or, si le roman du XIXe est un roman humanisté, le roman de l'absurde, emblematise par L'Etranger, de CAMUS, en est un autre, explique ROBBE-GRILLET. o Le rapport ďétrangeté - le seul que Meursault parvienne ä établir avec un monde dont le sépare un abime infranchissable - nait au bout du compte d'une « querelle d'amour » entre ľhomme et le monde « qui mene au crime passionnel », crime que perpětre le personnage avec la complicité de la nature (chaleur, soleil aveuglant...). « L'absurde est done bien une forme d'humanisme tragique »9, conclut le polémiste. • Méme demonstration en ce qui concerne ľ« univers entiérement tragifié » que constitue La Nausée, de SARTRE : o « fascination du dédoublement, solidarite avec les choses parce qu 'elles portent en elles leur propre negation, rachat (ici : accession á la conscience) par ľimpossibilité méme de réaliser un veritable accord, e'est-a-dire recuperation finale de toute s les distances, de touš les échecs, de toute s les solitudes, de toutes les contradictions11 ». A Robbe-Grillet, Pour un Nouveau Roman, Éd. de Minuit, Pans, 1963, p. 55. Ibid., p. 58 Le NR et la littérature engagée • Quant ä la position du Nouveau Roman par rapport au roman engage, eile est o également de rejet, dans la mesure oú il concoit ľactivité littéraire comme une activité « intransitive » (Roland Barthes), n'ayant aucun « message » ä délivrer. o Le roman, pour les Nouveaux Romanciers, ne peut devenir un instrument au service de quoi que ce soit, fut-ce de la cause révolutionnaire, sans se renier aussitôt en tant qu'ceuvre littéraire. o Son autonomie, garante de son statut, lui interdit de s'asservir. o Ľart, souverainement indépendant, est incompatible avec la « moindre directive extérieure ». ■ De lá les attaques virulentes dont le roman sartrien est victime de la part du Nouveau Roman qui voit en lui la manifestation ďune ideologie humanisté périmée. ■ Tel est l'adjectif dépréciatif qu'utilise Robbe-Grillet en 1957 pour fustiger, entre autres, ľart engage: « Sur quelques notionspérimées » (repris dans Pour un Nouveau Roman). • La théorie du realisme socialiste présentée au congrěs des Intellectuels par Jdanov en 1934, épaulée par le role accru de 1'Union soviétique pendant la deuxiěme guerre mondiale, marque de son empreinte la conscience intellectuelle francaise de ľépoque. o Aragon y souscrit, puis Sartre - ä sa facon -, méme si le parti communiste francais le condamne pour son pessimisme pernicieux. o ROBBE-GRILLET, dans sa fougue militante volontiers dogmatique, ne fait pas la difference et enveloppe réalisme-socialiste et roman existentialiste d'un méme mépris. o SARTRE (envers qui, plus tard, Robbe-Grillet reconnaitra sa derte) répond ä ces attaques avec violence, épargnant le seul Bútor ä cause des relations que son ceuvre parvient ä construire entre l'individu et son milieu socioculturel. o En 1964 Sartre va plus loin encore dans la (mauvaise) conscience du malheur du monde, puisqu'il declare ľinefficacité de toute littérature, fůt-elle engagée : « En face d'un enfant qui meurt, La Nausée ne fait pas lepoids », dit-il ä Jacqueline Piatier dans un entretien pour Le Monde. o La réponse du Nouveau Roman ä une telle posture est sans ambiguité : ■ chaque individu doit lutter et faire la revolution avec les outils qui lui sont propres. ■ Le citoyen s'inscrit dans un parti politique et fait la revolution sociale. ■ Le romancier, s'il lui est loisible, en tant que citoyen, ďadhérer ä un parti, ne peut, comme romancier, que tenter une revolution littéraire. ■ Cest ce que le monde peut attendre de lui en tant qu'artiste. • La signature de Robbe-Grillet et de la plupart de ses compagnons du « MANIFESTE DES 121 », en septembre 1960, sur le « droit ä l'insoumission dans la guerre d'Algérie » - texte qu'aucun grand journal ne se risquera ä publier - o prouve assez que les Nouveaux Romanciers ne vivent pas ä côté du monde et o qu'ils savent, le cas échéant, s'engager comme citoyens. o D'ailleurs, ils ne sont pas épargnés par les aléas de ľhistoire ä laquelle ils participent parfois dangereusement. ■ Claude SIMON, fils d'un officier tué lors de la premiére guerre, s'engage en 1936 dans la guerre d'Espagne aux côtés des républicains, avant d'etre enrôlé dans la seconde guerre mondiale ä laquelle il survit par miracle, aprés ľépisode, mainte fois réécrit, du 17 mai 1940 oú il suit « ce colonel, vraisemblablement devenu fou [...] avec la certitude d'etre tué dans la seconde qui allait suivre »10. ■ Marguerite DURAS s'engage dans les réseaux de resistance aux côtés des communistes. ■ BECKETT, vivant ä Paris au debut de la guerre, rejoint lui aussi le camp des résistants et échappe de justesse ä la Gestapo. ■ Claude MAURIAC, partisan de la France libre, deviendra en 1944 le secretaire particulier du general de Gaulle. ■ ROBBE-GRILLET lui-méme, qui precede d'une famille maurassienne et en adopte dans un premier temps les partis pris idéologiques, rompt avec ceux-ci lorsqu'il découvre « l'impensable horreur » que révěle la face cachée du national-socialisme11. • Néanmoins, les Nouveaux Romanciers ne confondent jamais leur role de citoyen et leur fonction d'artiste : 10 Le Jar din des Plantes, Ed. de Minuit, Paris, 1997, p. 223. 11 LeMiroir qui revient, Éd. de Minuit, Paris, 1984, p. 46. 6 « Redonnons done ä la notion d'engagement le seul sens qu'elle peut avoir pour nous. Au lieu d'etre de nature politique, l'engagement, e'est, pour ľécrivain, la pleine conscience des problěmes actuels de son propre langage, la conviction de leur extreme importance, la volonte de les résoudre de ľintérieur. Cest lá, pour lui, la seule chance de demeurer un artiste et, sans doute aussi, par voie de consequence obscure et lointaine, de servir un jour peut-étre ä quelque chose - peut-étre méme ä la revolution. »12 12 A. Robbe-Grillet, Pour un Nouveau Roman, op. cit, p. 39. 7 15. 5) Une recapitulation contrastive ________Dans le roman traditionnel____________ — La vie ďun ou de plusieurs personnages est au centre de toute ľintrigue ; — le lecteur est invité á s'identifier avec lui ou á s'en démarquer___________________________ — La notion méme d'histoire est fundamentale : ľécrivain raconte quelque chose á son lecteur. — L'auteur est souverain : il sait au depart ce qui arrivera, — il connait la psychologie de ses héros et nous la dévoile progressivement. — L'auteur est un maitre á penser : il véhicule une ideologie, une morale philosophic — Le roman est théorie : il cherche á défendre une these naturaliste, symboliste, religieuse... — Le temps est chronologique et linéaire. Ľécrivain a pour täche de ľorganiser, de ľordonner, de combler la sensation de « creux » dans le temps que donne le réve á la conscience humaine. ___________Dans le Nouveau Roman__________________ II n'y a plus de personnage ou du moins n'est-il plus central. II n'y a pas ďidentification possible : le lecteur est confronté á un malaise, á un vide. En revanche, est affirmé le primát de ľobjet. La seule existence 'objective est celie des objets._____ Le Nouveau Roman refuse la notion ďintrigue : Taction est nulle ou á peu prés insignifiante. Elle risque au contraire de distraire le lecteur, de dissiper son attention.__________________________________________ L'auteur est un collaborateur du lecteur, il lui propose une situation écrite et exige du lecteur, un effort de participation. La plupart du temps, il autorise plusieurs types de comportements possibles chez ses héros, présentés successivement (ďoů le procédé de la repetition de scenes, fréquentes chez Robbe-Grillet par exemple).______________ L'auteur n'a aucune idée préconcue ou du moins ne cherche- t-il pas á s'imposer au lecteur : au contraire, il éduque le lecteur pour en faire un critique littéraire.___________________________________________ Le roman est recherche: ce n'est plus un geme nettement délimité, il ne renvoie á rien d'autre qu'á lui-méme. Le temps n'est pas coherent, sans failles: le nouveau romancier ne triche pas, il juxtapose les instants de réve et de realite, tels qu'ils se présentent á ľétat brut. 8 i =;) £e nouveau román II 9