NR. 5, 2006/2007 ARGUMENTUM Caietele Seminarului de Logicä discursive Teória argumentärii §i Retoricä Editura Fundatíei Academice AXIS IA§I, octombrie 2006 Publicatie a Seminarului de Logicä discursivä, Teória argumentärü si Retoricä Journal of the Seminar of Discursive Logic, Argumentation Theory and Rhetoric Revue du Séminaire de Logique discursive, Theorie de ľ argumentation et Rhětorique ema numärului: DISCOURS POLITIQUE ET FORMES SYMBOLIQUES olegiul stiintific: ""of dr. §tefan Afloroaei, Prof. dr. Constantin Sälävästm, Prof dr. Wilhelm Dancä, rqf. dr. Petru Bejan, Maítre de Conferences Stefan Bratosin (Toulouse), onf dr.Dan Stoica, Conf dr. Gheorghe Hie Färte olectivul de redactie: Constantin Sälävästm (coordonator), Gheorghe-Ilie Färte, Gheorghe Vlasie, Alexandru loan Gradinaru (membri) iresa: B-dul Carol, Nr. 11, Iasi - Romania tresa electronical http://philosophy, uaic. ro litura Fundatiei Academice AXIS dul Carol Nr. 11, Iasi-Romania >pyright © 2006 by Editura Fundatiei Academice AXIS SN: 1583-2767 inted in ROMANIA SOMMAÍR Introduction: Discours politique et formes symboliques...........,......5 Helene Prevot (France) Du mythe de la communication - un enjeu symbolique au Canada...... 10 Anna Durnova (Autriche) ,. Argumenter la mort: la transmission authentique du dialogue intime dans le discours politique...................................25 Aurélia Lamy (France) La médiatisation du discours politique : un facteur de mobilisation internationale. L'exemple des attentats du 11 septembre 2001.................................43 Christophe Prémat (France) Ä la recherche ďune communauté perdue : les usages de la proximité dans le discours participatif en France....................59 J.J. Rousseau Tandia Mouafou (Cameroun) Jeu et enjeu du discours politique au Cameroun..............................79 Coliette Milhe (France) L'usage instrumental de ľoccitan par les poiitiques, clef de lecture de quelques problěmes nationaux.............................93 Senda Ines Sferco (Argentine) Le rituel et le politique. Le « Tjalonarang » balinais..........................109 Jairo Ferriera (Brésil) V Dispositions discursives des ONG dans des sites Web: quels marches définissent les propensions ?....................................129 VARIA Kristine Wirts (Etats-Unis) « Droit divin et humain »: the Rhetoric of Huguenot Resistance........................................................ 145 24 Helene PREVOT Quillet P., 1966, « Preface », Cassirer, E, La philosophic des Lumiěres, Paris, Fayard. Quillet P., 2001, Ernst Cassirer, Ellipses. Guédon, J.-Cl., 1998, Économie du savoir et société de ľintelligence distribuée. Propositions pour une politique québécoise des inforoutes, Commandé et remis au Ministěre de la culture et des communications, Québec. Lasserre, F., 1998, Le Canada ďun mythe ä ľautre, Territoire et images du territoire, Québec, HMV. Parizeau J., 1995, « On est sept millions, faut se brancher ! », Allocution lors du depot du Rapport du Comité consultatif sur l'autoroute de l'information, Montreal, le 26 juillet. Prévôt, H., 2004, «Paradoxe de ľ articulation du local et du mondial dans le discours canadien », XIVe Congrěs de la Société rřancaise des sciences de ľmformation et de la communication (Sfsic), Montpellier, 2-4 Juin 2004, p. 243-250. ^ Vedel Th., 1999, «La gouvernance des réseaux mondiaux de communication», Société québécoise de science politique, Politique et Sociétés, Vol. 18, no2, p.9-36. Wiener N., 1967 (1948), The Human Use of Human Beings, Essay on Cybernetics and Society, New York, Avon Books. AnnaDURNOVA (Autriche) ARGUMENTER LA MORT : LA TRANSMISSION AUTHENTIQUE DU DIALOGUE INTIME DANS LE DISCOURS POLITIQUE1 Résumé: « M le President, je vous demande le droit de mourir,» s'explique un jeune paralyse en 2003 en France. Lä, ľ argumentation de la mort rentre dans un piěge. Que faire, lorsque le concept de la vie change en vue des développements technologiques et sociaux ? Quelle argumentation face aux nouveaux enjeux du discours politique ? II semble que seules les solutions percues comme « correctes » ont du pouvoir. Or, le « correct» n'est pas dissociable de ľémotionnel, du dialogue intime qui devient un mode d'argumentation. De ce point de vue, la presentation du debat actuel sur la fin de vie en France reflěte la transmission authentique du dialogue intime dans le discours politique d'aujourd'hui. Ancré excmsivement dans les concepts émotionnels individuels du locuteur, le dialogue intime dans le secteur přivé est ä qualifier ď« etho-pathétique », alors que cemi du secteur public est á caractériser čomme «logo pathétique » parce que lié ä la matiěre émotionnelle dans tout son ampleur. Mots-clés: mort; discours politique, emotions, euthanasie, scénographie, dialogue intime Abstract: Arguing death: Authentic transmission of intimate dialog into the political discourse. "Mr. President, I claim the right to die. " are the words of young paralyzed man in France in 2003. How to proceed a plausible argumentation; if one states particular social and biological shifts in the concept of "life" itself and if the traditional political interaction schemes break down. Then, discourse is the key element of policy decisions; especially its vision as being "correct". The "correctness" is related to the symbolic form of intimate dialog that is authentically transmitted into the political discourse. Whereas the public sphere conceives the emotional aspect of death in its integrity, the private sphere focuses more on the individual vision of one's own emotionality. Due to this difference the intimate dialog is qualified as "logo pathetic" in the first case and "etho pathetic" in the second. I develop my argumentation based on an empirical cases study conducted in France, concerning actual debate about "end of life". Key words: death, political discourse, euthanasia, emotions, scenography, intimate dialog « Life-Science-Governance », Departement des Etudes politiques, Universitě de Vienne, Autriche, anna.durnova@univie.ac. at 1 Je tiens ä remercier ä Nathanaě! Dupré la Tour, Pavel Barša, de merne que Herbert Gottweis pour leur soutient lors de ľélaboration de ľartäcle. 26 Anna DURNOVA Introduction « Comme si le tragique était soluble dans le juridique. II est carrément insensé de croire qu'en pressant le pathétique comme un citron, on en fera surgir de ľéthique et du droit.2» Le 26 Septembre 2003 «France soir» publie la declaration de Vincent Humbert, un jeune malade paralyse, qui ne souhaite plus vivre: « M. le president je vous demande le droit de mourir.» Lorsque son vceu est plus tard respecté par sa mere, le debat sur la fin de vie en France dans le secteur public de méme que le secteur přivé, commence. Trěs émotionnel, le debat débouche sur une loi qui va contre. l'opinion public, plutôt favorable ä une dépénalisation de ľeuťhanasie. Quel est dona le sens et la nécessité d'une telle controverse qui n'aboutit pas ä respecter la voix de la majorite? Actuellement, nombreux sont les discours sur le clonage, ľavortement ou ľeuťhanasie qui prennent une importance croissante aux yeux du public electoral (ainsi le débat á propos de Terri Schiavo aux Etats-Unis3 ou le recent referendum sur le Diagnostic Pré Implantatoire en Itálie). Cependant il s'agit lä de themes non évidents, dépourvus d'une ligne argumentative claire. II semble que ce soit surtout pour cette raison que l'individu exige encore plus le gage d'une decision « correcte » prise par les acteurs du processus politique. Mais quel gage donner lorsqu'il n'y a pas de vérité absolue ? Notre reflexion se concentre ainsi sur la perception de la mort comme quelque chose d'incertain et d'intime. Que se passe-t-il lorsque ces sentiments sont présentés dans le cadre du discours politique ? Quels sont les concepts, les solutions qui se présentent comme corrects, et pourquoi ? Notre principal postulát est que le « correct» est indissociable de ľémotionnel qui emerge lors du dialogue. En nous appuyant sur le concept de « scénographie » de Dominique Maingueneau (Maingueneau, 1998, 2000) «la transmission authentique » se présentera en tant que stratégie discursive apte á integrer cet émotionnel et par consequent ä incorporer le «correct». Son role formateur dans ľ argumentation sera discuté á ľaide de l'approche pragmatique et sémantique, ainsi qu'á l'aide de propos sociopolitiques concernant le discours politique d'aujourd'hui. Dans la tradition de ľ argumentation, les emotions sont souvent jugées suspectes, irrationnelles (Nussbaum, 1999). Nous cherchons á échapper ä cette malediction et á prouver l'influence constructive des emotions sur le discours politique. En méme temps, nous souhaitons préter attention au fait que, dans le discours politique, ľémotionnel prend une position assez complexe, qui va au-dela de sa restriction fŕéquente au populisme ou au langage de la propagande. A partir 2 Emmanuel Hirsch, « Le tragique n'est pas soluble dans le juridique ». Figaro, 7 Octobre 2003. 3 « Décěs de Terri Schiavo, symbole du debat sur euthanasie », Figaro, 1.4. 2005. Argumenter la mort: la transmission authentique du dialogue intime dans le discours politique 27 de ľexemple du débat fřancais contemporain sur la fin de vie, nous souhaitons évoquer le role que joue ľémotionnel dans la constitution des chaínes de signification utilisées dans ľ argumentation, souvent décrite comme centrale dans le processus politique4 (Fischer, Forester, 2003). Prenant appui sur le concept de ľémotion comme jugement de valeur, disposant de cognition, devaluation et de ľégocentrisme5 indispensables ä la formulation du sens (Nussbaum, 1999), nous y joignons le postulát de la pragmatique que le sens est forme par le contexte et esquissons le dialogue en tant que forme symbolique du jugement du « correcte » dans 1'interaction politique d'aujourd'hui. Partant de ce constat, nous présenterons le postulát que le dialogue intime sur la mort, tel qu'ü se realise entre les proches ou entre le patient et son médecin, se voit symboliquement transmis au sein du discours politique lui-méme. La presence symbolique du dialogue intime dans le discours politique résulte d'une part de ľimportance qu'acquierent des sujets tels que la fin de vie (Brown, Mike, 2002). D'autre part eile se présente comme une consequence automatique de ľévolution de ľinteraction en politique, conceptualise sous le terme de « gouvernance » (Hajer, Wagenaar, 2003). Le dialogue intime doit étre transmis authentiquement; c'est á dire que la crédibilité des emotions évoquées par le locuteur doit étre impérativement établie. Ainsi, la transmission authentique se présente comme une stratégie discursive mettant en ceuvre la forme symbolique dialogue dans ľ argumentation. Pour ne pas en rester á des abstractions, nous joignons une breve analyse du débat sur la loi « droit des malades et ä la fin de vie » qui rend compte du caractěre incertain et émotionnel du sujet. C'est cet exemple qui nous aměnera enfm ä une conclusion d'ordre plus general concernant la liaison entre « ľ authentique » et ľ argumentation « émotionnelle » dans le discours politique contemporain. 1. Discours comme outil et comme défí «As such, discourse provides the tools with which problems are constructed. Discourses at the same time form the context in which phenomena are understood and thus predetermines the definition of the problem. » (Hajer, 1993::45/466). Parier du discours politique suppose de faire se rejoindre les deux contextes dont il est question : celui du « discours » et celui du « politique ». Dans 4 Angl. « policy-making process ». 5 L'individu recommit un fait et le juge toujours en vue de ses propres besoins. Nous soulignons. 28 Anna DURNOVA cette optique, nous proposons une approche prenant acte de ['impact considerable de la sémantique et de la pragmatique (Maíngueneau, 1999b, 2002 ; Caron, 1983) sur ľanalyse du discours que requierent actuellement les sciences sociales (Hajer 1993 ; Fischer 2003). Nous entendons affirmer la double dimension du discours comme outil et comme défi pour ľ argumentation, bref comme cela merne qui constitue les chaínes de significations inhérentes au sujet, et dirige ainsi la formulation des arguments dans le processus politique ( angl. «policy-making ») A partir de la conception de « scénographie » de Dominique Maíngueneau (1991, 1999, 2000) et nous inspirant des propos de la «perspective dra-maturgique » de Erwing Goffman (1969), nous souhaitons presenter un concept á la fois linguistique et sociopolitique susceptible de rétablir les strategies discursives adoptees par le locuteur en fonction de son role dans le processus politique. Nous' formons le postulát qu'une telle scénographie a pour origine la transmission authentique des emotions préexistantes, compte tenu du theme ou du mode d'interaction. Cette explication théorique nous servira plus tard d'outil pour développer notre reflexion sur la transmission authentique du dialogue intime dans le debat politique á propos de la fm de vie. 1.1. Le discours dans ses dimensions ünguistiques et politiques Qu'est qu'un discours ? L'utilisation de ce terme par une multitude de disciplines et de milieux fait de lui, en quelque sorte, un mot-clé assez ambivalent: systéme ďénoncés régi par des normes pour les uns (Maíngueneau, 2002), une forme ďaction ou méme un instrument du pouvoir pour les autres (Foucault, 1969). Loin de vouloir nous attarder sur la complexité de la notion de discours, nous voulons proposer un bref regard sur cette complexité afín de focaliser notre reflexion sur 1'importance du discours dans le processus politique, c'est-a-dire dans la formulation, la perception et la presentation des concepts. Comme le precise le sociologue Maarten Hajer, le discours a deux faces : ü determine tout en restant le determine. Ce double caractěre résulte aussi de la conception de la langue adoptee depuis la pragmatique, ä savoir la langue en tant que « [...] instrument cognitif-systěme de signes jouant un role dans la representation. » (Caron, 1983 : 17) qui « [...] est en méme temps un objet extérieur á lui fie locuteur], constitue indépendamment de lui et qu'il doit assimiler. »(Caron, 1983 : 17). Le discours actualise l'utilisation de la langue (les significations, les isotopies) tout en demeurant inherent au contexte dont il est issu, de méme qu'au positionnement dans I'ensemble des autres discours (Maíngueneau, 2002 : 189). Le locuteur n'est done pas separable du contexte, ou il est place par sa culture, sa religion ou par I'institution qui influencent, de ce fait, ľ argumentation. Néanmoins il peut ä tout moment moduler la cognition et revaluation de son discours á l'aide du contexte immanent qui résulte de l'interaction. Sous cette perspective le Argumenter la mort: la transmission authentique du dialogue intime dans le discours politique 29 discours se présente en tant qu'une forme ďaction (Maíngueneau, 2002 : 188). Afin de pouvoir expliciter ľimportance de cette inter-action pour l'actuel processus politique, nous allons á present décrire les aspects du discours qui sont determinants pour le discours politique. Le discours politique n'est pas un discours purement constitue par des paroles : c'est un discours d'aeteurs, d'institutions, ď organisations (Gottweis, 2003) et il a participé toujours ä la formulation des concepts et á la mise en oeuvre des solutions. De plus en plus il s'étend au delá des structures traditionnelles telies que les institutions politiques ou le parlement. Le discours politique se voit influence par des activités considérées autrefois comme apolitiques mais qui acquiěrent de plus en plus un caractěre de «toile de fond du politique » (qu'il s'agisse des médias, des associations privées ou des acteurs économiques). Les sciences politiques actuelles parlent de la prétendue « network society », parallele á une certaine dispersion du pouvoir exclusif de ľautorité, de I'institution. Ce phénoměne est également souvent subsume par le terme de « gouvernance.7 » De ce fait, non seulement le discours politique accuniule plusieurs discours : le discours scientifique, le discours des experts ou des média. Son positionnement n'est plus determine par le pouvoir institutionnel. Le discours lui-méme se présente comme le pouvoir . Face ä des nouvelles conditions — e'est-a-dire «[...] since policy is not made by unitary decision maker with absolute authority, policy actors must resort to argumentation to justify their position to communicate with others and to persuade of the veracity of the conclusion [...]» (Turnbull, 2003: 39) Et c'est au sein de ce besoin ď argumentation que le discours se présente comme un outil et comme un défi: un outil dans la presentation des arguments, et en tant que défi il participé ä leur presentation. Le fait que cette double faculté ne soit pas pensable sans ľétablissement d'une liaison étroite avec la figure du locuteur, et par consequent avec ľémotionnel, sera expliqué dans la partie suivante. Plus loin, nous allons montrer que le facteur émotionnel devient essentiel dans la reflexion sur le dialogue intime. 1.2. L'acteur du discours politique : entre ethos et pouvoir Les nouvelles conditions de l'interaction au sein du processus politique (gouvernance) ont renforcé le pouvoir du discours, ouvrant ainsi la voie á la focalisation sur le pouvoir discursif au detriment du pouvoir institutionnel. Un tel 7 Cf. En anglais « governance.» Cf. Marcussen & Torfing, 2003; Hajer & Wagenaar, 2003.' 8 Nous nous approchons par cela de la pensée de Michel Foucault qui a souvent décrit la liaison fonctionnelle entre le pouvoir et íe discours (Foucault, 1969 et 1975) Nombreux sont les théoriciens du soi-disant « argumentative turn » qui enchaine á cette pensée. A titre d'exemple nommons Frank Fischer & John Forester, 1993 ou Giandomenico Majone, 1989. 9 Nous soulignons. 30 Anna DURNOVA pouvoir se voit étroitement lié au sujet, au locuteur dans le present cas, dont le role et la position sont importants notamment lorsque 1'on parle du discours politique, Le role et le positionnement du locuteur demeurent les critěres essentiels pour ľétablissement des strategies discursives appropriées qui attribuent enfin le pouvoir á ľinstítution ou ľ organisation en question. Cest done dans cette logique que nous présentons la forme symbolique du dialogue intime comme ce qui predetermine le debat sur la fin de vie dans le secteur přivé et public. La stratégie discursive des acteurs consiste dans la transmission authentique de cette forme symbolique au sein des structures argumentatives du processus politique lui-méme. Avant ď en venir ä la definition de ľ authentique, expHcitons encore briěvement le role du locuteur et ľattachement á ľémotionnel qui est le sien, étapes nécessaires pour concevoir le dialogue intime. y Si nous avons évoqué dans le chapitre precedent le besoin d'argumentation renforcé, e'est la structure d'une telle argumentation qui nous retiendra pour le moment. Déjá la rhétorique aristotélicienne envisage une repartition du pouvoir argumentatif entre trois instances : celui du « logos » qui inclut le savoir lié au theme, de « ľethos 10.» qui integre la position et l'impact du locuteur méme et le «pathos » qui prend compte du côté émotiomiel du discours présenté. L'ethos subsume le positionnement face aux mécanismes interactifs qui ont le pouvoir de «gouvemer» les attitudes et les decisions dans le processus politique. A la suite du pouvoir discursif, l'ethos acquiert une position fondamentale dans ľ argumentation au sein du processus politique actuel, puisqu'il est determinant pour sa crédibilité. « [...] L'ethos fait passer des schemes qui sont censés agir á la marge des contenus, mais qui imposent une figure ä la source du Vrai: l'univers du discours prend corps dans la mise en scene d'un discours qui doit incarner sa vérité á travers son énonciation [...]» (Maingueneau, 1999a: 100). Or, ce locuteur est en méme temps lié ä ľémotionnel: le jugement du « vrai» ou plus loin du « correct» passe par la crédibilité du locuteur méme. Celle-ci emerge á partir de ľémotion sentie lors de ľinteraction: de ľantipathie ou de la Sympathie. Le contact avec autrui est implicítement gouverné par ľémotionnel, ce qui fait que la formulation du sens ne peut pas s'en passer. Ľémotionnel, comme le precise aussi Christine Tappolet, formule le rapport vers le monde et est á comprendre en tant que «perception de valeurs» (Tappolet, 2000: 167-193). Incorporé dans la figure du locuteur, ľémotionnel co-erée la vision du « correct». ' Remarquons que dans le discours politique le locuteur est défíiii par son role institutionnel ou social. Ceci ouvre le debat de la stratification de cette instance en « ethos préalable » et « ethos discursif» (Adam, 1999 & Amossy, 2000), Argumenter la mort: la transmission authentique du dialogue intime dans le discours politique 31 Cet aspect devient d'autant plus pertinent qu'il s'agit d'un discours cense apporter un accord ou désaccord par rapport au sujet traité, un discours visant a priori á persuader son public de sa « correction ». Qui plus est, lorsque le public n'a pas d'acces au savoir nécessaire pour juger lui-méme la matiěre, comme e'est le cas dans la problématique de la fin de vie, il ne peut effectivement qualifier le « correct» comme tel que d'apres les aspect susmentionnés. Qu'en résulte-t-il pour les strategies discursives des acteurs du processus politique ? Si la réalité est percue á travers les emotions, le but de la stratégie discursive devrait reposer sur une certaine gouvemance émotionnelle, ou le locuteur tenterait de provoquer ou de ne pas provoquer les emotions qui contribuent á ľ argumentation de la solution qu'il souhaite imposer. Cette gouvemance est tout de méme influencée par la nature du sujet ainsi que par le contexte sociopolitique influencant le discours ; á ce titre, Maingueneau parle de « ľinterdiscours » (Maingueneau, 1991 : 50). L'interdiscours peut predeterminer certains schemes ďinteraction, en formant un mode d'argumentation preferable á un autre. Dans ľ argumentation,, le locuteur élabore une stratégie discursive, e'est á dire qu'il y integre une certaine « dramaturgie » au sens de Erwing Goffman (Goffman, 1969). Ceci nous aměne vers ľépine dorsale de la présenté reflexion, «la transmission authentique » qui integre le role du locuteur (son ethos inclus), l'influence de l'interdiscours et les émotions-clefs du sujet qui contribuent á la vision du «correct». D'oü «l'authentique» comme mode ď argumentation pouvant étre choisi par le locuteur et qui s'inscrit ainsi dans le cadre des strategies discursives. Son importance pour le discours politique d'aujourd'hui sera explicitée ci-dessous. 2. Le dialogue et le politique Nous avons évoqué le postulát que le dialogue intime se retrouve comme une forme symbolique dans le discours politique concemant la fin de vie. Celui-ci résulte de la nature incertaine du sujet de méme que des schemes ďinteraction integrant le přivé. Etant ľélément constitutif du procédé ď argumentation en general, le dialogue se trouve en méme temps á la base de la reconnaissance du « correct», du fait de son impact sur la perception des valeurs d'un chacun (Tappolet, 2000). Ce dont il s'agit est tout de méme de reconstituer la transmission méme du dialogue en tant que forme symbolique au sein du debat politique. A ľaide de ľapproche á la fois linguistique et sociopolitique, nous voulons montrer que cette transmission se fait par «transmission authentique ». Par la suite, la transmission authentique du dialogue intime dans le debat politique sur la fin de vie nous permettra d'illustrer ce point. Le concept de «transmission authentique » consiste dans le fait que le locuteur reproduise les emotions préexistantes au sein de ľinteraction, d'une part 32 Anna DURNOVA parce que le sujet est émotionnel en soi, d'autre part puisque l'interaction implique ľémotionnel. Le locuteur integre ces emotions, non parce qu'il doit nécessairement les sentir, mais afin de créer une sorte ďillusion ďempathie et de la compassion dont il a besoin s'il veut faire apparaitre sa solution ou decision comme «correcte». La question qui se pose n'est done pas Celle de la vérité des ces emotions, mais celle de leur crédibilité. La transmission authentique est done ä qualifier comme mode ď argumentation, indissociable de ľémotionnel. Les schemes traditionnels de l'interaction politique ont été pourtant fondés sur ľexclusion de ľémotionnel. La creation des institutions politiques comptait sur le pouvoir de la raison comme outil principal de l'action humaine (Kant, 1999). La raison est désormais vue comme la source de ľ argumentation en tant qu'elle est, apte ä reconstituer les concepts et les faits qui sont á son origine. Dans le chapitre^ precedent nous avons souligné le fait que cette capacité reside aussi dans ľémotionnel puisqu'il est lié á la reconnaissance d'une valeur. Le fait que les emotions sont de plus en le discours politique officiel - done non seulement dans celui du populisme ou des partis radicaux — est ä comprendre comme une reaction consecutive á la situation actuelle telle que nous l'avons esquissée. Premiěrement, ľémotionnel emerge lá, oú la nature du sujet ľexige; comme, par exemple, la problématique de la fín de vie. Dans un deuxiěme temps ľémotionnel devient une partie des strategies diseursives, lorsque les schemes ďinteraction au sein du processus politique favorisent une argumentation basée sur la presentation du « correcte.» Dans un premier temps le discours politique est modifié par ľapproche croissante de ce que ľon peut appeler « la politique de la vie » (angl. «politics of life », Giddens, 1991 ; Rose, 2001), dans laquelle les emotions sont inhérentes ä la nature du sujet. Le public electoral attend des réponses crédibles, c'est-á-dire susceptibles de créer ľillusion d'une solution « correcte ». Dans un autre temps, face ä ľélargissement de la participation au processus politique, les acteurs sont engages dans une interaction émotionnelle relativement croissante, car celle-ci correspond á leur mode ďinteraction (ainsi les médias : Kellner, 2003). La modification de la nature du discours politique résulte done du contexte thématique (politics of life) et communicatif (gouvernance). En ce sens, ľexemple de la transmission authentique du dialogue intime devrait montrer comment ces nouvelles exigences sont reproduces par les acteurs du processus politique. Ce concept s'appui d'une part sur la « scénographie » de Dominique Maingueneau, qui met en relief l'importance du caractěre stratégique de la mise en ceuvre de ľémotionnel. D'autre part, le concept résulte de la perspective dite « dramaturgique » que theorise le sociologue Erwing Goffman -prenant en consideration le « role » du locuteur, assez diversifié compte tenú des différents milieux. «It seems to me that the dramaturgical approach may constitute a fifth perspective to be added to the technical, political, structural and cultural _____Argumenter la mort: la transmission authentique du dialogue intime dans le discours politique 33 perspectives. » (Goffman, 1969 : 233) Avant de précíser comment les deux approches -celle de Dominique Maingueneau comme celle d'Erwing Goffman -aident ä percevoir et á reconstruire le dialogue intime comme mode d'argu-mentation pour le discours politique concernant la fin de vie, nous présenterons de plus pres les deux contextes qui inftuencent la transmission authentique. 2.1. Contexte thématique : « politique de la vie » Dans le domaine scientifique, concerné également par la problématique de la fin de vie, la raison est considérée comme la faculté de juger les faits á ľaide des experiences tirées de la recherche. Merne au delá du discours scientifique, ľavis de ľexpert concerné se présente comme objective, exeluant ľémotionnel et impíicitement comprise comme « correcte». Néanmoins, dans les themes évoqués dans ľ introduction, on constate une ambivalence de ľavis des experts et, pármi ces derniers, nombreux sont ceux qui précisent qu'une argumentation exeluant ľémotionnel n'est pas possible11. L'argumentation ne peut ainsi reposer que sur un discours « authentique » de ľacteur du processus politique (Brown & Mike, 2002). Qu'est-ce qui est ä considérer comme authentique en matiěre d'euthanasie et de fin de vie ? Signifiant« belle mort», l'euthanasie n'est pas un phénoměne de la société postmoderne, quoique celle-ci la modifie d'une maniere considerable. Depuis Socrate, on a toujours réfléchi á une mort décidée et maitrisée, qui se voit tantôt célébrée (surtout dans la Httérature antique: Cratinos, Ménandre), tantôt condamnée (surtout par l'Eglise: Benzenhöfer, 1999). A partir du serment d'Hĺppocrate cette mort est toutefois pénalisée, voire criminalisée, attitude que continuera l'Eglise catholique, qui constitue ľune des sources principales de la morale occidentale. Ce qu'apporte la revolution biotechnologique est néanmoins une ambivalence causée par la « dé-corporalisation » (Gottweis, 2005) qui serait dans ce sens ä percevoir comme le contraire de ľidéal antique de « Kalokaghátiá ». On ne considěre plus la vie d'apres la fonctionnalité globale du corps, mais par rapport á la fonctionnalité d'organes localisées. La limite entre la vie et la mort devient floue (le coma dépassé), et la decision repose sur le médecin et sur le juriste. La société exige une definition nette, qu'elle percoit á travers le « correct», et par consequent á travers la transmission authentique de ľémotionnel qui correspond ä ľattitude envers la mort. Ľémotionnel est incorporé dans la figure du locuteur -acteur du processus politique- qui sera définie dans le paragraphe suivant. 11 Interview D. Dans tons les cas il s'agit des interviews menées et enregistrées par nous-méme. Selon la volonte des répondanís leur identite est gardée sous ľanonymat. 34 Anna DURNOVA 2.2. Contextc communicatif: scénographíc authentiqiic Face ä ces nouveaux développements, le discours recoit le pouvoir non seulement de juger la mort, mais de la défínir elle-méme ainsi que son caractěre «correct». Ceci passe par la crédibilité du locuteur, liée á ľémotionnel et émergeant dans le discours politique considérant la « politique de la vie » grace ä la transmission authentique du dialogue intime. La presence des emotions n'est point liée á ľirrationnel, au contraire, eile est tout á fait raisonnable puisque ces themes sont lies au dialogue intime. Le concept de « scénographie » de Dominique Maingueneau propose une piste pour interpretation d'une telle transmission faisant reference á I'ethos du locuteur de merne qu'aux schemes d'interaction de la société. «Le discours politique est également propice á la diversité des scénographies : tel candidat pourra parier ä ses électeurs en jeune cadre, en technocrate, en ouvrier, en hornme d'expérience, etc., et conférer les «places» correspondantes á son public» (Maingueneau, 2002 : 73) Ľacteur du processus politique profite du caractěre modifiable de la scene, de sorte qu'il ľemploie stratégiquement.12 La scéne doit étre « validée », (Maingueneau, 2002 : 74), c'est ä dire pertinente par rapport aux schemes d'interaction. Elle doit apparaitre comme « authentique », malgré le fait qu'en realite eile n'est qu'un mode d'argumentation. En ce qui concerne ľémotionnel, le locuteur ľintegre de sorte que sa mise en ceuvre soit vue comme allant de soi étant donne le sujet et la forme de communication. On a ainsi affaire ä une double dimension de la transmission authentique : comme résultat du contexte thématique et éthico interactif. Comme la question de la fín de vie est implicitement liée á un dialogue intime, celui-ci dispose du potentiel de devenir une stratégie discursive credible au sein du discours relatif á ce ^ sujet. La crédibilité est enfín complétée par la reaction du public, par les valeurs et schemes d'interaction que celui-ci préfěre. II faut ainsi voir la transmission authentique du dialogue intime comme un mode d'argumentation choisi pour un theme et pour un public. C'est sous cet angle de vue que nous allons procéder á l'analyse du débat á propos de la fin de vie en France. 3. « Tuer son prochain ? » : fin de vie dans la société « Si la mise en mots de la souffrance apaise ľangoisse, ľangoisse face ä ľindicible bíoque la parole; á ce moment lá, les mots font peur ... Mais si ces mots Cest dans cette logique que se fait la liaison avec la perspective dramaturgique de Goffman. Argumenter la morí: la transmission authentique du dialogite intime dans le discours politique 35 sont jetés en päture sur la scene publique ils se figent irrémédiablement dans ľirrévocable et done dans le jugement >>.13 Comment argumenter la mort dans le temps ď« aprěs la mort de Dieu» (dans le sens Friedrich Nietzsche), e'est-a-dire lorsque l'on constate la chute des récits traditionnels, et aprěs «la mort de ľhomme » (dans le sens de Michel Foucault), ce dernier étant jugé par ses organes ? La transmission authentique du dialogue intime ä propos de la fin de vie doit prouver la plausibilité du constat qu'une telle argumentation est basée sur le « correct» qui integre ľémotionnel. A cette fin nous proposons une brěve analyse du débat en France, débouchaiit sur la loi « droits des malades et á la fin de vie » votée á ľunanimité le 13 avril 2005. Celle-ci sera ensuite mise en comparaison avec les constats apportés par les médias et les associations concernées qui ont, pour certaines d'entre elles, montré une certaine opposition á cette loi qui ne decide pas de dépénaliser ľeuthanasie. Partant d'un apercu d'interdiscours nous allons presenter de plus pres les nuances essentielles du débat qui contribuera enfín á ľexplication du concept de «transmission authentique ». A travers les deux approches vers les emotions préexistantes - ľune dans le secteur privé, ľautre dans le secteur public - nous montrerons que la forme symbolique du dialogue intime se présente comme un element formateur de ľ argumentation et participe ä ľoceurrence du « correct». N'oublions pas que le « correct» absolu n'existe pas dans cette affaire de limite de la vie et de la mort et cela pour les raisons suivantes : le motif principal du caractěre intouchable de la vie n'est plus plausible ä la suite de ľintervention technologique dans le domaine de la médecine. C'est aussi ce que montre le vote unanime, sans égard ä ľappartenance idéologique. Le « Primům non nocere » du serment d'Hippocrate est polarise entre le caractěre ambivalent des soins proposes14 et ľautodétermination du patient, renforcée depuis Immanuel Kant, et complétée par la notion chrétienne de l'amour d'autrui. On se situe ici face au principe argumentatif de «tuer son prochain» qui sert de ľaffirmation de ľeuthanasie pour les uns, de sa negation pour les autres. Voyons á present comment l'amour, le respect et, finalement, la « correction » sont présentés dans le processus politique et comment ils sont recus par le public electoral. Remarquons dans un premier temps que la problématique de la fin de vie n'est pas la premiere täche «biopolitique» (Foucault, 1999) á laquelle soit confrontée la société francaise. A partir de la legalisation de la contraception en 13 Ruszniewski Elisabeth : « Les soins palliatifs : entre mort annoncée et mort reelle » in : Face aux fins de vie et ä la mort: Ethique et pratiques professionnelles au cceur du débat: Espace étbique dir. Hirsch, 2004. p. 25. 14 «... un malade est atteint d'une maladie incurable; son issue est fatale et ä court terme, il soufíře, ľensemble du corps medical prescrit des medicaments pour calmer sa douleur, sa souffrance morale et sa souffrance physique, tout en sachant que ses medicaments peuvent aecélérer le processus de mort» (Leonetti, 2004 :178). 36 Anna DURNOVA 1967, la fameuse «loi Veil » en 1975, la legislation francaise permet fmalement le changement de sexe en 1976 (Memmi, 2004). Ce milieu de la regulation biologique est ä ľorigine du contexte sociopolitique du debat actuel sur la fin de vie. Les Francais et les Francaises, ont le sentiment de pouvoir disposer de leur corps en toute liberie, motif qui apparaít comme le mot-clef des lignes ď argumentation. «'Penser la mort, c'est aussi penser la liberie', a dit Séněque: c'est au nom de cette Uberte, aujourďhui renforcée [...] que cette proposition de loi [qui penalise ľeuthanasie] mérite notre soutien », prononce René Roquet lors du vote de la loi . Or, la liberie est pensée de facon nouvelle. Elle ne nous permet pas de sortir de ľimpasse ďambivalence : quoique traditionnellement assocíée au « laisser vivre » (Memmi, 2004), choisir sa propre mort - un « faire mourir » (Memmi, 2004) . correct - est en méme temps compris comme revolution logique de la liberté, voire-r comme conditio sine qua non compte tenu des progres de la médecine (surtout ľ argumentation de ADMD). Comment done réagir á une telle controverse au sein de la notion méme de « liberté », valeur principále de la République francaise ? L'argumentation des deux conceptions se déroule ďaprěs la forme symbolique du dialogue intime á travers lequel ľon reconnait le correct. D'une part, le correct trouve son appui sur les principes moraux et émotionnels cités plus haut. D'autre part, ces principes sont de plus en plus influences par les possibilités financiěres et sociales de ľíndividu et de la société (Memmi, 2004). Dans une situation aussi delicate, seule la solution prononcée par quelqu'un de credible est qualiíiée de correcte. Le patient croit ä son docteur, le malade aux bonnes intentions de ses prochains et enfm le public ä la mesure adoptée, seulement á partir du moment oü ils ont le sentiment que leurs emotions ont été comprises, que ľintimité ihhérente au sujet ä été percue. Dans la difficile question de la fin de vie, ľélément formateur émotionnel du dialogue intime est ľémotion de la peur: la peur de la mort non voulue de méme que la peur d'une souffrance insupportable. Les deux argumentations divergent done dans ľimplémentation de cette emotion, d'apres l'attente du public electoral, elles résultent de « scenes » différentes et s'attachent done aux différentes « scénographies » du dialogue intime. Nous allons décrire ces deux procédés dans les paragraphes qui suivent. 3.1. L'intime au sein d'une loi: le dialogue logo pathétique « Aujourd'hui c'est "je veux mourir debout", "je veux mourir vivant", en fait » constate le depute Jean Leonetti lors du debat sur France 5 au cours duquel il resume bien le projet de la mission d'information parlementaire expliquée á plusieurs reprises dans les documents. II faut apprendre á mourir á la société 15 Cf. www.assemblee-nationaIe.fr/l2/propositions/nionJ882.asp, ľacces le23 avril 2005. Árgumenter la mort: la transmission authentique du dialogue intime dans le discourspolitique 37 postmoderne, il faut lui montrer en face la mort, cachée depuis longtemps derriěre les murs de ľhôpital. Comme le dit encore Jean Leonetti, « La mort n'est plus familiale et familiěre; eile est devenue hospitaliěre, mais inhospitaliěre puisque angoissante ». Ces aspects apparaissent explicitement á travers la loii6: Angoisse refuser la douleur Souffrance refoulée par les bien-portants souhait d'oublier degradation physique et mentale MORT Primům non nocere -Moral de la société L'amour de son prochain -«tuer son prochain » Renforcement des droits dumalade —> Douleur decision collégiale—> objectivité Tableau 1: isoiopie de la loi D'une part il s'agit de references purement liées á l'existence physique de ľhomme, d'autre part les elements sociaux et moraux eux - mémes y prennent part. Au commencement, il y a la peur de la mort, de la « douleur refoulée ». Dans le méme temps, la mort est repoussée parce que marquee par un « déni» de la société. La peur de la douleur, de la souffrance, est done ä concevoir ä la fois comme une peur de la degradation physique et mentale, et comme une perte du Statut social, ce que les experts confírment en évoquant que « mourir débout» et « sans douleur » est le souhait primordial du patient.17 Le patient ne veut souffrir ni corporellement, ni socialement. II ne veut pas se voir dépendre des autres, ce qui apparaít de plus en plus compliqué dans la mesure oil la structure de la famille change, comme la position de l'individu dans la société.18 Le souci principal du debat parlementaire semble étre la question de savoir comment réagir ä une situation á ce point individuelle « sans a priori», ä savoir par une loi qui se veut normative. II s'agit d'un essai d'objectivité qu'exprime, par exemple, le fait que 1'on insiste sur une decision collégiale, faite par plusieurs Cf. www.assemblee-nationaIe.fr/12/propositions/pionl882.asp. l'acces le 23 avril 2005. Interview E. Interview D. 38 ! ___ Anna DURNOVA médecins. En ce qui concerne le patient, la loi essaie en quelque sorte de répondre au caractěre individuel par le renforcement des droits du malade qui peut et doit s'exprimer.19 Le correct est ainsi présenté ďune part par les principes moraux, marqué par ľopposition au déni de la mort, d'autre part il est créé par revocation de la situation pitoyable du malade. Puisque ce dernier est déní et refoulé par son entourage, il doit étre protégé de la volonte de lui dormer la mort. Les deux attitudes, celle du patient comme celle du médecin, dialoguent ainsi ä travers la loi; Ľintimité de la mort est tout de méme réglée par la nécessité des contours normatifs susceptibles de convenir á tous. Ľémotionnel est done present dans le discours parlementaíre, de sorte qu'il tente de capter tous les aspects de la nature émotionnelle du sujet. Nous . pouvons qualifier ce dialogue intime logo pathétique c'est-á-dire que la mise env evidence de l'intime passe par les isotopies inhérentes ä la peur de la mort lui-meme. Nous pouvons méme dire que le discours parlementaire verbalise la nature émotionnelle de la mort dans toute sa complexité. Deux aspects se croisent: celui, abstrait, d'une loi applicable, avec celui du concret de la mort de chacun d'entre nous. Dans le procédé de la formation de la loi on s'attend á des concepts applicables á la société entiěre et non á une critique de la situation individuelle. Cest en ce sens qu'elle évite de «répondre oui ou non, répondre vite répondre d'une facon émotionnelle et médiatique. 20» La question qui se pose á propos du constat du depute Jean Leonetti est celle de voir s'il y a une autre mise en ceuvre de ľémotionnel, qui serait rapide et« médiatique.» 3.2. Ľintime et le secteur přivé : le dialogue etho-pathétique « Le choix de ľindividu de maítriser sa vie et sa fin de vie ne peut pas primer sur un choix de société oú la solidarite envers les personnes fragiles doit rester un impératif incontournable.21 » Néanmoins la solidarite est évidemment présente, le soir du 26 Septembre 2003 oú « France-soir » publie á la une le fameux «M. le president: je vous demande le droit de mourir». «Le moment déclencheur »22 de la mission d'information á propos de la problématique de la fin de vie, le moment émotionnel qui donne naissance au documentaires et reportages dans les média23, de méme qu'aux proclamations du côté des associations luttant i9 « on fait toujours attention ä ce que les gens demandent, comment ils le formulent et puis quelles sont les réponses qu'ils ont envie d'entendre: on fait trěs attention. On les fait reformuler piusieurs fois pour savoir ce qu'ils veulent vraiment savoir »Interview D. 20 Jean Leonetti, « Médiatiser ľeuthanasie », remission de France 5, le 5 juin2005. 21 Annick Touba, Leonetti, 2004. 22 Ibid. 23 Ct „Les derniěres heures de Vincent Humbert racontées. " Le Nouvel Observateur, 1 l.mai 2005. Restauration de ľagonie. " Figaro, le 12. avril 2005. Argumenter la mart: la transmission authentique du dialogue intime dans le discours politique 39 pour ľeuthanasie - telle l'Association pour le droit de mourir dans la dignité - ou contre ľeuthanasie - comme, ä titre d'exemple, l'Association des Soins Palliatifs en France24. Le secteur přivé, les associations nommées de méme que celui des médias, répond par la presentation d'histoires concretes, intimes et fortement émotionnelles25, conformément ä sa vocation. « Nous, on ne peut parier que des situations individuelles 26» répond la journaliste Stephanie Malphette pour justifier son documentaire « Le choix de Jean » décrivant un malade atteint d'un cancer qui s'en va en Suisse pour se faire euthanasier. Une emotion conerétisée par ľhistoire personnelle sert de repěre pour la société qui est, en effet, incertaiue face á la mort, puisqu'elle ne la connait jusqu'á ce qu'elle n'arrive. Marie Humbert devient la « femme qui a fait pleurer toute le France »27, Jean á son tour celui qui sait affronter la mort. Ils sont percus comme des figures referentielles dans la lutte contre la peur de la souffrance et comme un argument pour la mort. Le moment déclencheur de la reflexion sur la mort, un tel discours devient une reference pour juger le correcte. Le dialogue intime mene symboliquement dans ce genre d'histoires ne résulte pas du « logos », de la nature du sujet, mais se voit lié primordialement á l'ethos du locuteur. Le « correct» est lié á la comprehension des emotions préexistantes spécifiques de ce dernier. Le dialogue intime est parfaitement eneadré dans cette sorte de discours, car les significations se font par la Sympathie ou antipathie avec Marie Humbert ou Jean, done avec le locuteur. C'est pour cette raison que nous pouvons le qualifier de « dialogue etho-pathétique ». Conclusion La présente etude s'est principalement centrée sur le role de ľémotionnel dans ľargumentation face aux tendances actuelles du discours politique. Ancré linguistiquement et socio politiquement, le concept de transmission authentique reflete la nécessité de ľ implementation de ľémotionnel dans ľ argumentation pour deux raisons essentielles. D'un côté la focalisation sur ľémotionnel résulte du contexts-thématique de la « politique de la vie ». De ľautre, la société a de plus en plus á faire face á ľouverture d'une sphere auparavant considérée comme purement privée, voire intime. Ce phénoměne favorise la forme du dialogue, et dans ce contexte notamment le dialogue intime, comme scheme d'interaction symboliquement present au sein du discours politique, parce que transmis au sein Cf. la Charte des ASP de méme que « H y un ans Vincent Humbert mourait. » www.admd.net, l'acces le 15 juin 2005. 25 Cf. „Les derniěres heures de Vincent Humbert racontées." Le Nouvel Observateur, 1 l.mai 2005. „Restauration de ľagonie." Figaro, le 12 avril 2005. Interview A. 27 Interview B. 40 Anna DURNOVA de ľ argumentation. La transmission authentique est á qualifier en tant que stratégie discursive resultant de ľinterdiscours, de ľinteraction appropriée et de la nature du sujet traité. Elle s'avere nécessaire pour la reconnaissance du «correct» qui se trouve á la base de la plausibilité de la solution proposée au cours du processus politique. De ce point de vue, la breve presentation du debat actuel sur la fin de vie en France devrait refléter la nécessité d'une argumentation « emotionnelle »,-integrant le dialogue intime. Elle a eu pour objet de concrétiser le caractěre de ce dialogue par rapport au sujet, á la « scene » et ä ľattente de la société. Ancré exclusivement dans les concepts émotionnels individuels du locuteur, le dialogue intime dans le secteur privé est á qualifier ď« etho-pathétique », alors que celui du . secteur public est á caractériser comme «logo pathétique» parce que lié á la^ matiere emotionnelle dans tout son ampleur. Cette difference renforce finalement la nécessité d'une «transmission authentique » du fait que les deux dialogues se voient « validés », chacun dans son propre contexte ťhématique et interactíf. Le processus politique stricto sensu, c'est-á-dire le procédé constituant la politique de 1'Etat ne peut se permettre d'user de la méme maniere d'agir que les mouvements radicaux ou populistes dont le milieu ou la scene sont marqués plutôt par la protestation. Néanmoins les deux attitudes sont nécessaires pour le discours politique, elles sont deux faces d'une méme monnaie : celle du discours politique qui á son tour est un dialogue entre le radical et le modéré. La société est souvent considérée comme n'acceptant pas la mort, qu'elle voit comme un échec: du médecin ou de soi-méme. De ce point de vue les deux approches — etho-paťhétique et logo-pathetique - rendent compte de ía fragilité de la situation, de ľ ambivalence de ľexistence humaine tout court. References Amossy R.., 2000, L 'argumentation dans le discours, Paris, Naihan/HER. Adam J- M., 1999, Linguistique textuelle et analyse des pratiques discursives, Paris, Nathan/HER. 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Le 26 avril 2005, Interview B. Le 26 avril 2005, Interview C. Réseaux Quietude, Paris: Le 29 avril 2005, Interview D. ASP Fondatrice, Paris: Le 28. avril 2005, Interview E. Aurélia LAMY (France) LA MÉDIATISATION DU DSSCOURS POLITIQUE : UN FACTEUR DE MOBILISATION INTERNATIONALE. L'EXEMPLE DES ATTENTATS DU 11 SEPTEMBRE 2001 Résumé: Durant les jours qui suivent les attentats du 11 septembre 2001, le discours politique est omnipresent, non seulement en tant qu'acte de Iangage construit, mais également en tant qu'acte de communication relayé en permanence par les médias. Cette médiatisation conduit ä un processus social identitaire, il a pour fonction autant la mise en exergue de valeurs communes que le maintien d'une disposition favorable ä ces valeurs. Nous nous interrogeons ici sur le role des médias dans le champ politique, en tant qu'ils auraient une influence sur les strategies de communication et les discours politiques. Par la mise en exergue des logiques de raisonnement contribuant ä promouvoir la riposte, nous tentons ďévaluer la maniere dont le discours politique, effectué dans l'urgence - dans une situation de crise de surcroit - peut étre créateur d'un consensus tant politique, qiťidéologique, émotionnel et identitaire. Mots des: consensus, communication de crise, discours de legitimation, identite, médiatisation; opinion publique. Abstract; Political speech mediatization : a factor of international mobilization. Nine eleven example. Following nine eleven attacks, political speech is omnipresent, not only as an act of built language, but also as an act of communication relayed permanently by the media. This mediatization leads to a social identity process, its function is as much the forward setting of common values than the maintenance of a positive provision to these values. We wonder here about the role of the media in the political space, as they would have an influence on the communication strategies and the political speeches. By the forward setting of logics of reasoning contributing to promote the military response, we try to evaluate the way the political speech, carried out in urgency - in addition in a situation of crisis - can be a political, ideological and emotional creator of consensus. Key words : consensus, crisis communication, legitimity speech, identity, mediatization, public opinion. Le 11 septembre 2001, les États-Unis doivent faire face au « premier grand crime de ce siecle ». Les attentats, relates dans tous les médias, diffuses en boucle sur toutes les chaines de television franchises, initient une situation de crise Centre de Recherches sur ľ Action Politique en Europe (CRAPE), Universitě Reimes 1, aurelialamy50@hotmail .com 128 Senda Ines SFERCO du sujet qui n'« évoíue » pas dans son parcours historique face á notre histoire rationaliste. Concevoir ľ experience d'une autre idée de temps, fondée plus sur l'instant que sur la dialectique evolutionniste. Entrouvrir un espace de ľart qui puisse aborder ce vide, et qui ne soit pas le «fetiche de la merchandise » ni 1'illusion du fantastique, sinon une force créatrice, dans ces instants, de tout ce fond tragique. Et récupérer ce fondement tragique (ou du moins, le tenter), pour examiner la naturalisation de nos politiques. Attendu que notre regard, est, en quelque sorte, « périphérique » (Grüner, 2002), puisqu'ü n'est pas vrainient place dans ľépicentre oú se créent les politiques dominantes sinon dans un autre espace de fracture - aussi dissemblable et complexe -, qui néanmoins demeure susceptible de créer de nouvelles formes de pensées en ces temps de crise qui nécessitent de mobiliser toute notre imagination. References Agamben G., 2002, L 'aperto, L 'uomo e ľ animate, Torino, Bollati Boringhieri. Agamben G., 2001, Infanzia e Storia, Distruzione delľ esperienza e origine della storia, Torino, Einaudi. Agamben G., 2004, Estado de exception, Buenos Aires, Adriana Hidalgo. Agamben G., 2005, Lapotenza delpensiero, Vicenza, Neri Pozza. Bataille G., 1999, Theorie de la religion - Barcelone, Taurus. Bataille G., 2003, Le conjure sacré, Buenos Aires, Hidalgo. Bateson G., Holt G., Shay A., 1977, "The Anthropology of Dance "- Chicago, Press Review. 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Dans le cas de ces thématisations, les correlations sont fortement liées surtout aux capitaux politiques des organisations examinees et beaucoup moins par rapport aux capitaux économiques et culturels. Mots-clé: communication, médias digitaux, processus sociaux, dispositions discursives. Abstract: NGOs' discourse dispositions in websites: which markets define the propensities ? This article approaches the relationships between discourse dispositions and the cultural, political and economical capitals of NGOs. These are problematised based on perspectives that define the conditions of production of the discourse around the exogenous and endogenous dimensions, relatively to the specific language dynamics. The article tries to answer specifically the question : « Do the social positions define the propensities to thematise the power issue ? » Starting from the investigation of 33 NGOs' websites in Brazil, it concludes that power enunciations do not have absolute autonomy relatively to the conditions of existence of the institutions. In the case of these thematizations, the correlations are linked mainly to the political capitals of the investigated organizations and are irrelevant with regard to the economical and cultural ones. Key words: communication, digital media, social processes, discourse dispositions. Les relations entre les conditions de production défínies par les marches (ľéconomie, la politique et la culture) et les dispositions discursives seront examinees ici dans le but de surmonter deux perspectives. La premiere entend le discours comme étant conditionné par des systěmes de production extéríeurs ä sa Conseil National de Développemení Scientifique et Technoíogique (CNPq), Universidade do Vate do Rio dos Sinos, Rio Grande do Sul, Brésil, jferreirafaktnisinos.br. 1 Cet article réunit des conclusions partielles des deux recherches : a) « Champ de signification des l'ONG dans le Web : discours et contexte de production dans des dispositifs digitaux » et b) « La circulation dans des dispositifs médiatiques - etude sur les ONG dans des sites de la Web)». 130 Dispositions discursives des ONG dans des sites Web... dynamique; la deuxiěme le comprend comme répondant á ses systěmes de production. La premiere perspective correspond aux conditions exogenes de production ; la deuxiěme, aux conditions endogenes. Dans la premiere perspective, le concept de conditions de production du ■ :;-i.(-:i: ■. ik-- no".,, i- t "IV .'i Hi TlJiiii .- -ii'isi !.' el V .!i-iii. "m. D.tn* k> K'ik'MUPs lk*:"llVlV*. il.l III..L \IMIk". k' iÍÍnCiiIII'. I'M v iHlipil*. d.lľs IC ili'llWIliC í V III iik'Niiiii: kk'i-lľĽ'i'ik*. uik* i:iiik-ii*.:iMi *:«.■ V '»u.ici-»!!neline «loni Li ik-nikMV IliMcIKiV **C p I,k"C il.llis |;i s.MCIO ilc*> li.'i:illi*lli m k" kl k'*» ik' |'ltHÍlk'l IOII iIl'n iii.ii*-1u"- |H>liiii|.ii: **i cuhiucl. Du: ij -;>k- -i»-n- .*t hVi mi*, 'in „■' 11 ■_■. -.-iik-'ii :........... i . i......,.,.......i.. ..............i., i . ■>.........: . \J.^ ^LLLV IlgJI1»'^, J-V VUÜVUIUO tirjJL'tia.liAt V V-IXXXA l ^ VUllUiUV/llllV LSUA J-Vfc JJV/UVJWU13ÍV41 U-VJ capitaux culturels, économíques et politiques dans ses processus de production, reception et circulation. Cet angle renvoie á la discussion classique sur la distinction par rapport á la sphere des marches discursifs. Les theories du discours, á leur tour, renforcent une autre these : celle qui affinne que ľautonomie du discours des médias face aux marches est le résultat de ses operations spécifíques de production du sens, irréductible aux regies exogenes des marches oü il circule, est produit et consommé. Cela n'empéche pas que quelques auteurs aient approché le discours par rapport á certaines conditions de production (analyse de ľidéologie, Veron, 2005 : 89-142.). Cependant, toute la disposition discursive qui oscille selon la variation de ces conditions exogenes au systéme de production discursive confírme la these de la distinction (qui est contraire á la these de ľhomogénéisation de la culture, une ramification ďune partie de ľhéritage marxisté). Un marché discursif, toutefois, ne se configure pas seulement ä partir de la distinction, mais aussi á partir de dispositions discursives partagées (monnaie ďéchange), qui assurent la confrontation des differences (théorie des champs). - Cette recherche part de la these de la distinction. Dans ce sens, eile fait une reflexion á propos des rapports qui existent entre les conditions exogenes et endogenes de production du discours des ONG dans les marches économíques, culturels et politiques - si ľ on considěre les capitaux incorporés des institutions -et les groupements ďénoncés que nous avons identifies dans leurs textes sur le Web. La recherche utilise le concept ďautonomie afin de penser le champ de possibles rapports entre les conditions exogenes et endogenes. Dans ce sens, notre hypothěse, tont au long de la recherche, s'est développé dans la perspective de ľautonomie relative, conditionriement mutucl et distinction. 1. Contexte théorique L'importance de la reflexion sur la distinction vient de la permanence, implicite ou explicite, dans le domaine académique de la communication, de Jairo FERREIRA 131 perspectives qui affirment ľhomogénéité des produits médiatiques, comme consequence de la subordination des processus de production aux determinations économiques, politiques et/ou culturelles. Cette perspective apparaitra méme chez Bourdieu. Les reflexions que nous avons développées permettent un éloignement des interpretations sur les produits médiatiques qui apparaissent dans Sobre a televisäo (ou la determination des conditions d'existence est intensifiée), et un rapprochement des etudes sur la distinction (Bourdieu, 2000). Cependant, méme ce rapprochement est remis en cause. Dans une perspective critique par rapport ä la méthode de correlations univoques, nous considérons que les régularités quantitatives que nous avons identifies peuvent étre objet de plusieurs interpretations (ä commencer par ľ interpretation d'une determination mutuelle entre des variables concernées comme les conditions d'existence et les dispositions discursives). L'autre tension établie est aussi classique: celje_deJ^autononn£_des^ dispositions discursives relativement aux conditions d'existence autres que les prcpěs-!štřučtureTljuTTěsj^^ échanges ünguistiquesT Cette perspective nous renvoie á la reflexion sur la ^emíéreliete^nlhalionrque nous avons trouvée chez Bourdieu (les actes de parole conditionnés par les marches discju^ife^parjej^sjregle^et P^P^íS^^^^^" icX Těš "elfets^ä^^stlnctíMfoňtplutôt reference ä la productiäň™aíeseparation entre deux, par ľ intermediate de certaines marques et operations sémiologiques. Nous n'avons pas enquété sur ce processus. Cependant, en^fa^aii^ujae^oiTélatioiiratte^ les énoncés et les conditions d'existencedes institutions qui sont liées á_eux, et en i3ratifíänt1Ilie7pr^ ľautonomie^absolue des processus^ discursiřsface aux conditions.^existence, en_ iaveur de la these deTautonomie relative. En mime Temps, quand nous identifions fe rappörtTiniFa^ ď institutions, nous vérifions que ceux-ci se constituent autour de certaines formations discursives/ dans un registre de ľautonomie de celleš^cŤ^fôč^líuT^roč^s^uT^lräversees imposes par les grands marches - ľéconomique, le culture! et le politique - et de la dépendance par rapporí | des marches spécifíques j (dans ce cas, les marches successifs configures par les~ÖNü)r~~~~~ ~~ " Théoriquement, nous entendons que les rapports entre les conditions d'existence et les produits culturels (dans ce cas, des matériaux signifíants prélevés dans des sites d'ONG) sont médiés/rjár-deux processus qui ne sont pas étudiés dans cette investigation. Premieremen^ľhabitus^ll est vrai que ľhabitus « apparait» dans une collection d'ceuvres et produitsľlvíais la mediation premiere est celle des pratiques, des actions, des routines qui_cMßgramt_dM^oix_et_^_^spOMtions. Deuxiěmement, il y a les systěmes de production qui y sont produits et qui sonit, eh méme temps, régulateurs des processus productifs spécifíques des champs sociaux specialises. En faisant une correlation entre conditions d'existence et produits, sans 132 Dispositions discursives des ONG dans des sites Web... examiner ces mediations, nous laissons de côté des processus lymphatiques qui pourraient nous amener ä d'autres hypotheses. 2. Dimensions méthodologiques 2.1. Le corpus Le procédé ďéchantillonnage pour cette analyse est parti de la liste d'ONG de I'ABONG (Association Brésilienne d'ONG). Cette liste a été augmentée en cherchant sur Internet, ce qui nous a donne quelque 300 sites. Ceux-ci ont été classes par themes (analyse de contenu). Les sujets le plus souvent traités sont écologie, genre, MST/Sida. Ces trois groupes ont été distribués de facon homogene (en choisissant le groupe dominant - écologie - comme foyer principal, et les deux autres comme groupes de contrôle). Dans chaque site 35 textes ont été choisis. Tableau 1. Quantité de sites examines Sites Textes (moyenne/total) 17 sites : foyer écologie 35 textes par site 6 sites : foyer genre 35 textes par site 6 sites : foyer msl/sida 35 textes par site Total: 31 sites Environ 1000 textes Le choix de ces textes est résultat de successifs procédés de definition de ľéchantillon. Les critěres de configuration de l'univers analyse sont les suivants : a) exhaustivité - ou ľ ensemble des textes du site dans la mesure du possible; b) homogénéité: rassembler, prioritairement, certains ensembles de matériaux signifiants (nouvelles, articles, documents, textes pédagogiques); c) representative : chercher á conserver une correlation entre le nombre ďévénements choisis et le nombre ďévénements dans la population qui est analysée; d) économie : étudier un nombre maximum ďévénements qui permette la realisation de la recherche. Les textes ont été prélevés jusqu'au cinquiěme niveau (chaque ouvertuře ďun lien correspond ä un niveau postérieur á la p£ge frontale). Une question toujours réitérée est de savoir si ces institutions appartiennent au mouvement social ou si elles seraient ďun autre ordre. Dans ce sens, nous avons consulté I'ABONG pour verifier les liens de celles-ci avec le Forum Social Mondial, qui a été créé aussi par des institutions du mouvement social (dont CUT et MST). Le cadre évolutif des ONG qui composent le corpus de la recherche indique qu'en 2001 aucune ďelles n'était liée au Forum Social Mondial. En 2002, Jairo FERREIRA 133 un tiers des ONG examinees y étaient affiliées. En 2003, il y en avait deux tiers liées au Forum Social Mondial. 2.2. Parcours de théorisation Le^^ono^tions^ ď existence sont JJ£j3ßJLJEaments_^ les conditions de productiorľl[u^IÍTOursTDäns notre recherche, ceslíorZmons^ďé přodu^ion^e^dě^m1š^éluraussi dans d'autres dimensions des matériaux signifiants qui seront examines. Les voici: ľinvariant référentiel (ľensemble des textes analyses fait reference aux themes écologie, genre et Sida) ; la localisation dans un dispositifjéterminé (le Web) lié á un ensemble homogene d'mst^tion£(ÖNG) ;"Ta localisation historique dans une rjéři^é^éTe^nm^yT^áTíílíitíon de la plupart des ONG enäJTéTieeTäirFc^^ Les categories relatives aux dispositions ont été construites avec des groupements ďénoncés selon certaines marques. Ces marques ne sont pas analysées comme des operations (effets de sens). C'est un autre mouvement qui nous intéresse : établir leur relation avec les conditions ďexistence. Les marques ont été définies ä partir de formalisations successives, jusqu'á un champ de possibilités de jonctions et emboitures avec des propositions théoriques déjá formalisées. Dans la mesure oü ľ investigation fait appel á la connaissance formelle pré-existante, eile tend á des solutions descriptives des processus en analyse. Nous opposons ä cette tendance ľ effort réflexif situé dans la confrontation qui découle du rapprochement de différentes perspectives théoriques. Les conditions ďexistence et dispositions ont été construites au travers ďun parcours méthodologique de mouvements successifs de reflexion théorique et analyse des données, reconstruisant, ainsi, des hypotheses, des concepts et des opérationnalisations par le moyen ďinstruments construits le long de la recherche. Nous caractérisons cette méthode comme dialectique, embrassant des processus de dialectique descendante et dialectique ascendante, logico-réflexifs (autour de propositions théoriques mobihsées),^t^tómolo^ques^aulour^[é^ä tension entre des approches íinéaires, des contradictions mutueíles et des determinations multiples). Les procédés ďanalyse ont mobilise des techniques quantitatives et qualitatives. Quant ä la dialectique ascendante, le parcours a été de surmonter des perceptions et des categories plus permeables au sens commun, vers certaines formalisations qui permettent la construction ďun ensemble ďhypothěses et reflexions qui répondent aux dimensions de la logique, de ľ explication causale et de la competence implicative, en articulation avec les questions théoriques du champ de la communication en rapport, á son tour, avec le champ politique oů 134 Dispositions discursives des ONG dans des sites Web... s'inserent les ONG examinees. Dans ce sens, nous avons toujours cherché ä travailler avec des triades conceptuelles, en évitant des analyses avec plus de dimensions, ce qui aurait rendu difficile la formalisation de la pensée. La valeur attribuée aux triades comme parametre réílexif a été construite, dans la recherche et ľ analyse elles-mémes, autour de ce point, de theories sociales diverses que nous avons considérées comme étant articulées autour de la triade comme point de depart pour ľ investigation de relations complexes. Autrement dit, la triade correspond ä la pensée cartésienne, que nous considérons nécessaire comme point de depart ä toute investigation qui se veut capable de dépassements dans le sens de la complexité. Dans ľ articulation entre les différentes triades, nous avons cherché la pensée relationnelle la plus avancée ou complexe. Ces formalisations ont été construites dans l'espace de la recherche, lentement, avec des allées et retours, en partant d'un ensemble catégoriel normalise par la littérature du champ (dans un vrai bricolage de concepts, cela a été un moment ď ouvertuře, d'usage divers des categories, en cherchant la pertinence par rapport au probléme de recherche en construction). Plusieurs categories originelles ont été abandonnées, ďautres ont été reconstruites et articulées avec de nouvelles perspectives. Ainsi, nos «tableaux » ne sont pas pré-construits ; ils ont pris forme petit á petit, c'est-á-dire, la recherche n'a pas avancé sous le processus classique de codification selon des categories préaíables. La non utilisation de ce processus, eher sous tous les aspects, nous a permis ď avancer vers un ensemble catégoriel pertinent, le long de successifs rapprochements avec les questions centrales de cette investigation. Le processus de diaíectique descendante a été mobilise en plusieurs moments, dans la perspective ďarticuler les processus ascendants avec la problématique centrale de ľ investigation - la question de la distinction dans les rapports entre le champ des médias et le champ politique, en considérant spécifiquement ľexpérience de la presence des ONG sur le Web. Cette dialectique correspond aux processus déductifs et inductifs. Le biais déductif s'exprime dans le probléme central - celui de la distinction - selon ľexplication ci-dessus. Inductivement, la problématisation ä partir des énoncés a^été circulaire, jusqu'ä certaines limites passables ď appropriation en des teraies formels, de maniere pertinente avec le probléme enquété. Ä partir de ces mouvements, des categories ď analyse qualitative ont été construites, puis transformées en données quantitatives, en correlation entre elles. Ä partir des correlations, il y a un retour aux analyses épistémologiques et théoriques identifiées comme étant pertinentes au champ de la communication. Jairo FERREIRA 135 2.3. Conditions d'existence des ONG Les données regroupées se rapportent ácejuejo^appeMs les conditions sociaTeTd'éxišTenče'Qes institutions guTšignenTles she^exammésTSe líeu des cöndffions^"pföäIücti6n n'est pas toujours^c^sidéré^cônmie^änFceritral á ľ analyse du langage. Des auteurs aussi différents que Bourdieu et Verón privilégient la différenciation des « classes » dans la sphere de la reception, c'est-á-dire, de la consommation. Notre investigation accentue la sphere de remission pour différencier les classifications sociales. La these qui oriente cette recherche est celle qui dit que la distinction existe aussi dans la sphere de la production, ce qui signifie une critique ä la these de ľhomogénéisation du discours (qui, comme deja affírmé, apparait méme chez Bourdieu, dans sa troisiěme phase - dont l'ouvrage Sobre a televisäo est un paradigme). Les conditions d'existence des ONG comme institutions sont examinees ä partir du méme modele présenté dans le tableau intitule « espago de posigoes sociais e espago dos estilos de vida», oú Bourdieu (Bourdieu, 1997 : 20) fait un résumé du diagramme de La Distinction. Ce tableau se définit autour de quatre quadrants : ä gauche, les agents avec le plus grand capital culturel; ä droite, ceux qui possědent plus de capitaux économiques; dans les quadrants supérieurs se trouvent ceux qui possědent les plus grands capitaux globaux (la somme des capitaux culturels et économiques); dans les inférieurs, ceux qui en ont les moindres portions. Dans ce sens, la recherche part d'une interpretation des conditions sociales d'existence des ONG définies par les capitaux incorporés, disponibles et mobilises pour les confrontations symboliques dans un marché discursif determine. Dans la mesure oil nous travaillons avec les trois marches, nous avons un espace tridimensionnel. Ainsi, il vaut la peine ďétudier de l'ONG qui a peu de capitaux politiques, économiques et culturels jusqu'ä celle qui les possěde tous en quantités considérées plus importantes, par rapport aux autres. Les rapports entre les dispositions discursives et les positions sociales définies ici seront presentees dans un tableau oů les elements du contexte macrosocial de production se distribuent selon les attitudes discursives des ONG examinees. 2.4. Des problěmes théoriques méthodologiques sur les conditions d'existence Un probléme méthodologique important dans cette sphere est celui des indicateurs des capitaux institutionnels. Nous savons que Bourdieu, dans ses investigations, a utilise des groupements sociologiques stabilises (patrons, salaries, 136 Dispositions discursives des ONG dans des sites Web... professionnels libéraux, etc) pour étudier ses dispositions (surtout dans la sphere du goüt et de la consommation, mais aussi dans celie de la formation scolaire), ayant comme unite les individus. Or, on ne groupe pas les institutions comme on place les individus en classes sociales. Cest pourquoi, si dans un premier moment le critěre d'une distribution par homologie nous a paru pertinente, interessante pour une critique aux approches de la production médiatique comme un processus homogene (ce qui apparait depuis l'Ecole de Francfort jusqu'ä Bourdieu), dans un deuxiěme moment, cette solution s'est montré insuffisante pour une etude empirique, qui a exigé des instruments plus spécifiques de verification des distinctions dans le plan des institutions. Le processus méthodologique développé au cours de la recherche a cherché les indicateurs de eapitaux incorporés par les institutions, ä partir d'une littérature diversifiée sur les mouvements sociaux, c'est-a-dire, nous avons fait une construction qui répond á des indicateurs constants dans le champ académique et dans le champ des ONG (au travers de leurs rapports et de la littérature devaluation de ces institutions). Les données ont été prélevées par le moyen de recherches de documents (dans des sites de l'ABONG, des ONG examinees et auprěs d'autres institutions), des entrevues et des questionnaires. Les données ont été croisées, catégorisées et codifiées. 3. Distribution de eapitaux économiques, politiques et culturels Quand nous parlons de conditions objectives d'existence des ONG, nous savons que notre regard part du champ académique et que nous faisons reference aux formalisations qui ordonnent la comprehension de ces conditions objectives, comme point de depart pour ľ introduction, dans le corps de ía recherche, d'un ensemble ď informations obtenues au travers des techniques mobilisées. Dans la mesure oů nous n'interagissons pas avec d'autres formes d'action sinon celles qui subissent la mediation du langage (questionnaires envoyés par mél et recherche de documents sur le Web), nos propositions sur les conditions d'existence des institutions étudiées sont limitées. En d'autres mots, les limites d'un acces aux conditions objectives d'existence par ľinterrhédiaire de textes sont profondes. Savoir comment est ľ architecture d'un bätiment, sa localisation, le quartier ou il se trouve, etc., est aussi important que de savoir si l'ONG possěde ou pas son bätiment propre au travers d'un questionnaire. Observer directement les rapports nous dira plus sur les relations politiques effectives que ďinférer si celles-ci ont lieu selon des paramětres de l'organisation bureaucratique, charismatique ou démocratique et collective á partir de documents et réponses standardisées. Merne en étant conscients de ces limites, nous nous proposons á travailler cet ensemble de Jairo FERRETRA 137 categories, qui nous fournissent quelques indicateurs de localisation des ONG dans l'espace social. En méme temps, avec cette formulation, nous n'avons pas 1'intention d'affirmer que les conditions sociales d'existence d'un champ social se rapportent ä une objectivité de la vie sociale - les eapitaux mobilisables dans les confrontations symboliques - qui pourrait se superposer aux structures sociales, encore qu'inconscientes, ď interpretation et de production des objectivations de la nature et de la société. Les conditions d'existence qui existent indifféremment aux sens sociaux des agents engages dans ľ experience en train d'etre recherchée peuvent exister seulement sous ľ egide des sens sociaux construits par un autre champ social - le champ académique, celui des médias, etc., ou le propre champ qui produit ľ objet ď étude. La classification des ONG possédant les eapitaux économiques a été construite au travers de l'utilisation de eritěres successifs, suivant la perspective d'indicateurs de ľéconomie et de la comptabilité publique et en s'appropriant des references suggérées par la littérature ä propos de soutenabilité des ONG et du troisiěme secteur. Tout d'abord, elles ont été classées en ordre décroissant selon le budget brut annuel, la possession et la_valeur des biens intangibles. Les eritěres postérieurs sont relatifs aux sources propres de revenu (activités économiques, d'autres événements, contributions volontaires et celles provenant des associés reguliere). La Classification en eapitaux politiques a été faite en bandes construites par la somme ďun ensemble de items categorises selon des indicateurs presents dans la littérature des mouvements sociaux (le nombre ď associés, mobilisations, participations á des événements nationaux, régionaux et locaux, presence en instance d'État, etc.). Ces bandes ont été différenciées, dans un deuxiěme moment par le moyen d'une succession de eritěres et categories. Nous avons considéré, premiěrement, que la gestion collective (dimension démocratique) implique des eapitaux supérieurs á ceux de l'organisation rationnel-techno-bureaucratique, et que les deux agrěgent plus de eapitaux que les institutions dont le fonctionnement repose sur des leaders forts. Ces trois eritěres correspondraient aux formes de gouvernement démocratique, bureaucratique et charismatique. Le deuxiěme critěre de différenciation est quantitatif (nombre de volontaires). Le troisiěme reprend la question des formes des rapports des collectifs qui composent les ONG. La premiere valeur est toujours celle de la participation, l'active étant plus grande que la passive quant á la valeur politique. Nous avons encore considéré la situation intermédiaire oú des leaders et des groupes divers font la mediation en des termes discursifs. Le quatrieme critěre est relatif aux formes d'action politique. L'action directe est considérée un indicateur de force politique dans la mesure ou eile est confrontée ä des normes, á la moralitě et á des méthodes sociales. Deuxiěmement, nous considérons la protestation de masse 13S Dispositions discursives des ONG dans des sites Web... et, troisiěmement, la dénonciation. Le cinquiěme critěre de différenciation valorise le travail en réseau avec ďautres ONG et/ou les propres actions. Dans ce critěre, Faction avec ľappui ďautres institutions a aussi été valorise. La sixieme catégorie de différenciation concerne la participation ä des politiques publiques. Les categories des rapports avec ďautres agents_sociaux n'ont pas été utilisées dans cette premiere classification. Par rapport ä la différenciation des capitaux culturels nous avons utilise trois groupements. D'abord, le développement de recherches indépendantes sur ľobjet ď action de l'ONG. Deuxiěmement, l'existence de publications propres et, finalement, le processus de formation, en donnant la preference aux indicateurs scolaires, cherchant ainsi un parametre de dialogue avec la sociologie de la culture de Bourdieu, qui a toujours consideré l'accumulation de titres scolaires comme une des marques de la vie culturelle des sociétés de marché. Ä partir de ces criteres, nous avons construit un tableau des positions des ONG recherchées, c'est-ä-dire, un tableau de distribution de capitaux. Cinq des 31 ONG enquétées n'ont pas répondu aux questionnaires et/ou n'ont pas été analysées du á ľabsence de données sur ľlnternet. Ä partir de ces données, nous avons passé á ľ analyse du processus de distinction, en utilisant pour cela des correlations (SPSS) et des analyses qualitatives. Graphiquement la distribution heterogene peut étre visualisée comme suit: Bats anon Hoiles Figure 1. Distribution des capitaux économiques (var02), politiques (var04) et culturels (var06) Jairo FERREIRA 139 Notre idée originelle était de travailler avec les trois marches, un espace tridimensionnel, et huit quadrants (des variations des trois capitaux, depuis le +,.+, + jusqu'au -, -, -, en toutes les possibilités combinatoires). Cette representation requiert des ressources informatiques non disponibles, done, nous avons utilise des distributions en un quadrant seulement. Ainsi, il est valable ďétudier děs l'ONG avec peu de capitaux politiques, économiques et culturels jusqu'ä celle qui possěde tous ces capitaux, en quantités considérées plus importantes, par rapport aux autres. Notre hypothěse est que ce dispositif théorique et méthodologique permettra de verifier la distinction. Les rapports linéaires entre les capitaux (conditions d'existence) sont les suivants : 0,87 pour les capitaux économiques et culturels ; 0,65 pour les capitaux économiques et politiques ; 0,36 pour les capitaux culturels et politiques. Les points principaux de ces rapports, pour cette investigation sont: a) le fait qu'il y a une différenciation de capitaux; b) le fait qu'il y a une correlation entre les capitaux agrégés dans le marché économique et les hausses des capitaux culturels et politiques ; c) le fait que les relations ďaecumulation entre capitaux culturels et politiques sont relativement basses si ľon considěre les trois marches examines. Ces correlations confirment le lieu preponderant que les capitaux économiques occupent par rapport aux capitaux culturels et politiques, quant aux conditions d'existence, selon la these sociologique qui va de Marx á Bourdieu, en passant par Francfort. Ces relations, toutefois, ne peuvent pas étre extrapolées pour les correlations entre marches économiques, politiques et culturels et dispositions discursives. Autrement dit, la question est de verifier si cette différenciation entraine des propensions différentielles dans la production ďénoncés que nous catégorisons comme des énoncés de pouvoir. 4. Les dispositions : discours de pouvoir Nous affirmons que les objets discursifs des ONG sont aussi produits dans une perspectivj^g^institujipjmah^^ flácunalrěs7ou"il est nécessaire de leg]förCT^pj^onrie£leJ)ien fiure (la méthode) et 'm^lTserľCeTlrois^ discours des ONG dans les marches symboliques contemporains, qui fondent et légitiment des institutions multiples, en des processus ascendants, transversaux et descendants, jusqu'ä la condensation de ľÉtat. Ce sont des formes discursives qui sculptent les representations homologues au discours officiel (ou d'État, c'est-ä-dire, légiférer, moraliser et ordomier le bon chemin du faire social). En ďautres termes, nous considérons que le discours de la morale, de la loi et de la méthode est une construction typique des configurations de ľÉtat dans toutes ses ramifications. Dans ce sens, ce sont des discours de pouvoir. Cette formulation différencie le discours de pouvoir du discours sur le 140 Dispositions discursives des ONG dans des sites Web... pouvoir (oů le thěme est le pouvoir), et le pouvoir du discours (oú se présente le probléme de la reconnaissance) du discours-pouvoir (oú le discours subsume les pratiques et les sens sociaux ä son lieu de signification). Les categories que nous utilisons apparaissent chez Charaudeau comme genre de ľ « instruction officielle », soit des formes discursives qui visent ordonner la vie sociale, d'un pouvoir existant ou désiré par une institution, des agents sociaux et leurs champs d'appartenance. Comme instruction officielle, c'est un genre de discours qui cherche des effets sociaux de pouvoir concourir avec un etat de choses ä étre transformé eťou conserve. C'est spécialement au travers de ces modalités qui se révěle le caractěre des institutions qui sont examinees comme candidates ä étre régulatrices de la vie sociale, par ľintermédiaire des processus pédagogiques - la méthode comme forme de regeneration des processus sociaux embrassés par les objets du discours, et son absence comme processus dégénératif -, de la loi - comme instance coercitive nécessaŕre ä la regulation de ľespace_publique - et de la morale - comme condensation symbolique -, qui transcende les regies valables dans chacun des marches sociaux oú ľ on a différencié la société. Les effets, toutefois, sont divers. Affirmer que la pollution ďune riviére découle des intéréts économiques des entrepreneurs qui «ne pensent qu'aux profits» (un point de vue moral) n'a pas la merne valeur dans un marché que ď affirmer que les « entrepreneurs doivent développer des méthodes de collecte des déchets » (la méthode), ou que le législatif municipal doit créer des lois qui contrôlent et punissent les entrepreneurs qui jettent des déchets industries dans les ruisseaux et rivieres locales. Ces trois énoncés peuvent exister simultanément, ou pas. Notre question est de verifier comment ces modalités ďénoncés entrent dans le marché du discours des ONG comme distinction. Pour cela nous avons construit une typologie de marques pour chaque dimension de cette triade. Nous avons considéré que des énoncés sur la loi sont caractérisés par une instance collective (institution, société), oú le sujet n'apparaŕt pas (je, nous) ; il est délocutif. Ces énoncés autorisent, interdisent, gěrent, déclarent, rendent possible, cherchent la valeur de permanence dans le temps et ont les marques des instances du pouvoir. Ä leur tour, les énoncés sur la morale ont comme marques les aspects suivants : la distinction entre le bien et le mal; ľidée que Taction sociale est soumise á une fin, qui est le bien ; ľidée qu'il existe un lieu qui est une autorite morale ; un sujet collectif, exemplaire ; la recherche du processus au travers duquel le bien puisse avoir une valeur ; la croyance en sa propre autorite en tant que sujet moral et en la correction des valeurs du bien ; ľexistence permanente d'un objet de quéte. La troisiéme dimension, c'est les énoncés sur la méthode, dont les marques ďutilisation sont: ľidéal de comment faire pour atteindre les fms morales qui Jairo FERREIRA 141 comprend l'objectif et les obstacles et cherche ä découvrir comment surmonter ceux-ci; la quéte du meilleur moyen ďatteindre les objectifs moraux; le sujet present dans les énoncés, contrairement á ce qui arrive dans la ťhématisation de la loi; un programme ä suivre, qui correspond ä un ideal de moyens, un conseiller; une position de force qui est morale; une position ou l'ONG seulement est conseillěre parce qu'elle a une pratique autour de la question ; la non dépendance de la performance du conseiller pour la realisation du programme ; la definition des operations pour arriver au but moral; la definition d'un parcours ; les moyens pour arriver á un ideal; děs operations, programmes d'action. 5. Correlations A partir des tableaux avec les données groupées selon les categories commentées ci-dessus, nous avons explore les correlations en utilisant le logiciel SPSS. Le tableau des correlations est, done, le suivant: Tableau II. Correlations Loi________Morale______Methode Economic 0,10 0.14 0,19 Culture 0,20 0.07 0,34 Politique 0.46 1.08 0.71 Dans le cas des capitaux économiques, les coefficients de correlations entre ľunité de capitaux agrégés (selon les paramětres de cette recherche) et la production ďénoncés sur la loi est de 0,10, sur la morale, de 0,14 et sur la méthode, de 0,19. Cela ne signifie pas qu'on puisse conclure qu'il n'y a pas de rapports entre la possession de capitaux économiques et la production ďénoncés sur le pouvoir. Par contre, on peut dire que ces rapports, en des termes linéaires, sont faibles. D'autres méthodes peuvent, peut-étre, saisir des rapports autres que les linéaires. De toute facon, ce sont les rapports linéaires qui indiquent un effet de distinction. Dans ce sens, l'effet de distinction, relativement aux capitaux économiques, est faible quand il s'agit ďénoncés sur le pouvoir. Ce résultat n'est pas surprenant. En general, par intuition, nous savons que les agents sociaux specialises dans la sphere des marches économiques sont silencieux en ce qui concerne les questions du légiférer, du moraliser et de ľorganiser techniquement et scientifiquement ľespace public. Ces objets appartiennent aux Etats dans la modernité, ou sont des questions du monde přivé (des institutions) et n'appartiennent pas aux processus discursifs de la sphere publique actives par ces agents. Quand ils se prononcent, ils sont ponctuels (exemptions, taux ďéchanges, impôts, etc.). 142 Dispositions discursives des ONG dans des sites Web... La possession de capitaux culturels entraine aussi une basse de propension á produire des énoncés sur la loi (coefficient 0,20), la morale (0,07) et la méthode (0,34). Le dernier coefficient de correlation linéaäre est convergent avec nos connaissances. Les capitaux culturels s'expriment positivement par rapport ä ľorganisation technique et scientifique de ľespace-monde. La possession de capitaux politiques, ä son tour, engendre une propension supérieure ä la production des énoncés examines (sur la loi: 0,46, la morale : 1,08, et la méthode : 0,71). Ces coefficients indiquent que le pouvoir est un objet produit par un champ de spécialistes, dont les formes organiques somment (ou pas) en des termes de propension á produire des énoncés sur ses propres objets. Ces formes font reference aux segmentations des institutions examinees (organisation bureaucratique, démocratie interne, accěs á la parole, leaders charismatiques, etc.). Quelques conclusions Ces conclusions réaffírment et relativisent la these de la distinction dans la sphere de la production discursive et médiatique, qui oriente cette recherche. Elles la réaffírment lorsqu'elles identifient des effets de distinction en rapport avec la possession d'un capjtaijiéte^ T^latrvTšél^lóTsqu' elles identifient des effets réduits par rapport á la possession de capitaux économiques et culturels (sur lesquels Bourdieu a realise ses etudes sur la distinction). Elles la réaffírment quand elles indiquent que rnéme les objets du discours, accessibles á tous ä travers le langage, se distribuent selon les competences, particulierement dans les champs de spécialistes, c'est-ä-dire, ľ objet dujiysc«urs_esyinc^ cas, le politique^ et est relatJvement indifferent á la posse^sion^d'autres capitaux. La régularité des résultats indique que~Te~ parcouŕs méthodologique développé répond ä la problématique construite á partir des references théoriques utilisées. Nous soulignons que ce parcours n'a pas été offert par les auteurs qui ont fonde les analyses. Les categories, concepts et rapports offerts par ies auteurs ont été trouvés dans le probléme de la recherche. Les déplacements principaux se rapportent, d'abord, au transit de ľanalyse de classes sociales (individus groupés) ä celie de groupements ď institutions. Deuxiěmement, la recherche va jusqu'ä la limite des marques comme énoncés, ce qui réduit le probléme du discours ä ľapproche sociologique, avec ses possibilités et limitations, Possibilités, parce qu'elle permet ľ investigation sur un vaste ensemble de textes ; limitations, dans la mesure oú eile homogénéise un corps de matériaux signifíants différenciés aussi bien du point de vue du discours en general que de sa singularitě médiatique. Si ľon compare ces conclusions spécifiques ä ďautres dimensions liées á la merne recherche, nous pouvons avancer l'hypothese que ľ etude de la distinction Jairo FERREIRA 143 (un heritage sociologique) des dispositions discursives ne requiert pas, comme condition sine qua non, de reference ä ľanalyse formelle du langage. Toutefois, , i'gn.aiy_se des marques formelles fest une condition requise pour reveler ľhétérogénéité d'un univers homogene ďénoncés ^oupéš^mématíquement. Dans ce cas, ľanalyse dělTmarques~eTopérations^onnHlěT^ěnai^age~pěur3e^lacer le probléme de la distinction vers le niveau des structures. La rupture entre, d'une part, le tableau de correlations entre les conditions d'existence et, d'autre part, le tableau de ces conditions avec les dispositions discursives indique un déplacement fondamental de la problématique sociologique vers la problématique comnumicationnelle. D'abord, c'est seulement ä travers des mediations singulSreT^^dänFce cas, les capitaux politiques - que ľéconomie « arrive » au discours de pouvoir et ceux-ci arrivent á ľéconomie, dans la forme comme nous l'entendons dans cet article. L'importance de cette mediation est telle que les effets directs des marches économiques sur les énoncés se dissolvent, sont neutralises. Dans ce sens, l'autonomie de la politique face ä ľéconomique, a un effet discursif, c'est-ä-dire, le champ du specialisté se forme au travers des actes de parole qui le configurent. Ces conclusions peuvént apparaitre relativement banales. On sait que les revolutions économiques ne sont pas toujours accompagnées des revolutions politiques, et que ces derniěres sont produites par le moyen ďune symboíique et langage propres. Ce lieu commun, cependant, est souvent abandonné dans les analyses macro sociales sur la production de sens dans la sphere médiatique, en particulier quand on fait une correlation - merne á travers des interpretations qualitatives et/ou inferences théoriques - linéaire de ľéconomie et des produits. Entre l'un et ľautre, méme dans la sphere des macro conditions de production médiatique, il y a des mediations sociales. Une des mediations que nous avons explorées est celle qui est confígurée par les injonctions heterogenes des grands marches - ľéconomique, le culturel et le politique - en des processus singuliers de determination mutuelle avec les énoncés. H y a d'autres mediations qui nous Interessent. Parmi elles, méritent étre interrogées notamment celieš qui font la relation des capitaux incorporés avec les Heux institutionnels occupés par les ONG - autrement dit, des champs spécifiques oú elles agissent (ľécologie, le genre et MST/Sida). 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VARIA Kristine WIRTS* (Etats-Unis) « DROIT DSVIN ET HUMAIN » : THE RHETORIC OF HUGUENOT RESISTANCE Résumé: «Droit divin et humain »: la rkétorique de la resistance huguenote. Le but de cette etude est de défmir ľexpression rhétorique « droit divín et humain » qui est apparu fŕéquemment dans les travaux polémiques des catholiques et protestants pendant les guerres de religion (1562-1620). Cette étude se fonde principalement sur les brochures politiques protestantes imprimées qui circulaient en France pendant la décennie de 1560. La plupart des sources étaient anonymes. L'auteur discute ďabord les ideologies majeures qui ont fourni le contexte intellectuel pour ľexpression rhétoríque « droit divin et humain ». Un éclairage nouveau est apporté ä ce concept en combinant une analyse de la pyramide de Lovejoy, de la notion de Corpus Mysticum et des theories de resistance Huguenote. Tandis que les conclusions préliminaires suggěrent une interpretation politique des guerres de religion, ľexpression « droit divin et humain » a pu trouvé chez les nobles protestants qui ont cherché ä contenir la puissance des Guise, une plateforme idéologique et également un mobile important pour le comportement politique de la noblesse. Les polémistes protestants qui ont invoqué le dispositif rhétoríque « droit divin et humain » ont cherché ä mobiliser leurs coreligionnaires qui aimaient les libertés politiques traditionnelles définissant ainsi la culture politique de la Renaissance. Mots-clés: huguenots, guerres de religion, reformation, caívinisme, rhétoríque. Abstract: The purpose of this study is to define the rhetorical expression « droit divin et humain » that appeared frequently in the polemical works of both Catholics and Protestants during the French Wars of Religion (1562-1620s). This study relies mostly on printed Protestant political pamphlets that were circulating in France in the 1560s. Most of the sources were anonymous. The author first discusses several key ideologies that may have provided the intellectual foundation and backdrop for the rhetorical expression « droit divin et humain » . Lovejoy's Great Chain of Being, the concept of the Corpus Mysticum, and Huguenot resistance theory are considered. The author also examines « droit divin et humain » in light of Renaissance political culture. While preliminary conclusions suggest a political interpretation of the Wars of Religion, « droit divin et humain » may have resonated with Huguenot nobles who sought to contain Guise power, ideology was also an important motivator for noble political behavior. Protestant polemicists who invoked the rhetorical device « droit divin et humain » sought to mobilize coreligionists who cherished traditional freedoms and rights long associated with the Renaissance monarchy. Key words : Huguenots, Wars of Religion, Reformation, Calvinism, Rhetoric, Renaissance Monarchy. University of Texas-Pan American, Department of History and Philosophy, wirtskmf5jpanam.edu. 42 Frank Fischer Modern States: National Experiences and Theoretical Crossroads, 28-85. Cambridge: Cambridge University Press. Waxman, C. I., ed. 1968. The End of Ideology Debate. New York: Funk and Wagnalls. White, T. H. 1967. The Action Intellectuals. Life, June 9,16, and 23. Discourse Coalitions and the Institutionalization of Practice; The Case of Acid Rain in Britain Maarten A. Hajer The attitude of the British government in the acid rain controversy has earned Britain the label of "the dirty man of Europe."1 In the face of an international moral outcry Britain has been notoriously stubborn in denying accusations that the sulfur dioxide and nitrogen oxide emissions of its coal-fired power stations have caused environmental damage abroad. Analysts trying to pinpoint the reasons for Britain's failure to deal with the problem point to inherent conflicts of interest. Britain's unwillingness to act is interpreted as governmental delaying tactics, while the government's reference to scientific uncertainty is described as using science as a "fig leaf" for policy. The inaction is explained in terms of the conscious exercise of po"wěr~5y key actors.2 It seems obvious that powerful vested interests such as the electricity industry have tried to delay preventive action, bul the acid rain controversy signifies a more fundamental conflict. The acid rain issue is the first of a series of new environmental issues, followed by the depletion of ozone layer, global warming, and less discussed but equally significant issues such as the nitrification of water. These issues mark a new era in the politics of pollution. Before the early 1980s pollution problems were fairly localized and were approached on an ad hoc basis: if incidents occurred, a solution was found. The nonincidental nature of the new environmental issues has rendered this ad hoc policy-making strategy obsolete. What is called for is a structural policyof "sustainable development."3 This was exactly what critics of Britain's policy in ťlíél980s •—argued. They interpreted acid rain within the context of what they perceived to be the crisis of industrial society. Hence the differences of opinion in the acid rain controversy transcended the debate over the interpretation of scientific facts and signified a far wider disagreement.