JEAN ECHENOZ – Lac (1989) 1. Quels deux types de roman pouvez-vous reconnaître suivant les extraits ci-dessous? Quel est le ton(style) de la narration selon vous? La dixième jeune femme après le rond-point qui remontera l´avenue à sa rencontre, celle que protège de l´averse mourante un foulard acrylique polychrome dont les motifs résument un expoloit de Tarzan, Chopin va la regarder comme les autres - or voici qu´à peine croisés leurs yeux se posent et ne se détachent plus, deviennent un seul regard qui les enveloppe, les réchauffe, dure longtemps, Chopin est très ému, l´amour à première vue, le souffle manque et vogue la pression artérielle, aïe mon coeur se déchire ay ay je suis brisé. (p. 21) Tout cela, bien sûr, ne se raconterait pas d´une traite mais par épisodes sans chronologie, au fil de trois rendez-vous dans la semaine. Dimanche d´abord au cinéma, l´un près de l´autre immobiles dans le noir balayé de couleurs mouvantes, de violons fiévreux. Ensuite jeudi, chez lui, tout de suite ils s´étreignirent en s´admirant, tressaillant de petites rides comme il en est à la surface de l´eau. Mais le dimanche d´après, dans le jardin Shakespeare du Pré-Catelan, Suzy se mit � regarder ses ongles et dit que peut-être il ne faudrait plus se voir. Bien. Moi, dit Chopin, je ne trouve pas. (p. 23/24) Les policiers n´ont pas l´air tres déterminés. Ils viennent chez Suzy, Suzy va chez eux. Dans les jours qui suivent ils reviennent, elle y retourne, cela traîne, on ne trouve rien, Oswald s´est évaporé sans laisser aucune trace (…) (p. 33) Puis le silence est bien lourd pendant quelques instants, on ploie sous des dizaines d´atmosphères, c´est étouffant, on respire mal, c´est le moment idéal pour que la porte d´entrée s´ouvre très brusquement, pour que paraisse dans l´embrasure la haute silhouette sombre du colonel Seck, tout de bleu nuit vêtu comme à l´accoutumée. Serré dans son puissant poing noir, un Colt Diamondback chromé luit de tous ses feux, unique éclat dans le demi-jour, comme un solitaire brille sur le fourreau d´une femme fatale. (p. 170/171) 2. En lisant les extraits suivants, caractérisez la description utilisée. Quels autres auteurs postmodernes vous rappelle-t-elle? Quel autre „mouvement“ littéraire vous rappelle-t-elle cette type de description? (…)Franck Chopin, toujours vêtu de son costume pâle qu´on ne voit pas sous l´imper bleu marine. Au-dessus de lui, dans le ciel bas qui se dégage, deux gros nuages de zinc pèsent comme des outres, d´où paraissent échappés quelques petits furtifs en pur coton. (p. 19) (…) une longue terrasse meublée de fauteuils blancs et de guéridons blancs sous des parasols bleus. Au coeur de la terrasse, nombril du Parc Palace, protégées par un auvent de verre en forme d´éventail, quatre hautes ogivales et vitrées s´avançaient vers le monde en arc concave pour s´ouvrir sur le halle de l´hôtel. Et sous la verrière, cambré dans un habit de cocktail gris fer entre deux rangs de grooms rouges, le directeur du Parc Palace du Lac attendait les nouveaux arrivants. (p. 70) Sans les entendre on y voit rire, commander, s´exclamer les gens comme si le son était coupé , ou comme un drive-in tridimensionnel diffusant un film muet devant des rangs de fourgons vides et de poids lourds aveugles. Deux bâtiments hauts dominent la zone, l´usine à glace et la tour administrative qu´on devinait à peine dans le brouillard nocturne du côté de l´entrée nord. (p. 107)