vlPCVtó. ftHv, CftÓM&r,,. ( R comme les regions de France par Pierre Rézeau Les régionalismes du francais n'ont guěre la reputation de mots qui « flashent». Si quelques-uns, toujours les mémes, sont cites pour leur pittoresque et leur diversite (par exemple, les mots correspondant au francais standard de France serpilliěre : bache, cinse, emballage, loque, panosse, patte, peille, piece, toile (d'emballage/de pavé), torchon de plancher, vadrouille, wassingue/wasseringue ou au standard fete annuelle du village ou du quartier : assemblée, ducasse, festin, fete patronale, fete votive, frairie, kilbe, messti, rei-nage, vogue, vote), la plupart de ces mots ne font pas trěs «tendance » et sont volontiere ranges dans le mérae tiroir que les chromos de YAngélus de Millet. On oscille ä leur égard - quand on les remarque - entre la condescendance et ľattendrissement. La variation géographique fait pourtant partie de la langue au méme titre que les variations sociolin-guistique, historique ou stylistique, avec lesquelles d'ail-leurs eile se conjugue. Quels accents ? Le mot accent, employe absolument ou dans ľ expression avec ľ accent (parfois écrit avé ľ assent pour indiquer 260 LE FRANCAIS DANS TOUŠ SES ÉTATS la prononciation), renvoie globalement aux facons de parier le francais dans le midi de la France; on le voit attesté depuis 1898 : «[...] vous ferez ce que vous vou-drez, dit (avec ľ accent) le president du cercle de la chasse [de Dax] » (M. Barrěs, Mes cahiers, Frantext). Les exemples ne manquent pas, comme celui-ci, pris au hasard : « [Michel Sardou] Sa maman Jackie est née, dit la legende, dans une loge du theatre Mayol. Son papa Fernand jouait la comédie, chantait ľopérette et avé ľassent, Aujourďhui peut-étre » (Télérama, 18 janvier 1989, p. 40). En dehors de ce fait de conscience « macro-régional », on ľa cent fois observe ; ce sont toujours « les autres » qui ont un accent: « Les gens qu'il entendait parier en passant [ä Nevers] avaient un accent singulier : ils roulaient les r ä la facon des Italiens ou des Russes. Ca lui donnait ľimpres-sion de se trouver ä ľétranger, comme lorsqu'il faisait son service ä Colmar. Mais, ä la reflexion, il corrigea cette pensée. "Au fond, se dit-il, tous les Francais ont un accent, les Parisiens, les Alsaciens, les Marseillais, les Nivernais, les Lyonnais. Y a vraiment que les Auvergnats qui en ont point. Et encore... en cherchant bien ! Les Thiernois, les Sanflorains, on les distingue des autres" » (J. Anglade, Un temps pour lancer des pierres, 191 A, p. 93). On pense spontanément aux accents de terroir bien types comme ceux que la publicite emploie pour vanter les fromages : « Je suis du Gers (Gerce) » (J. Gracq, Carnets du grand cliemin, 1992, p. 41) ;«[...] le Gcrrrsss, comme disciit Ics gcns de la-bas » (Ph. Cousin, Brutales, 1993, p. 12) ou encore « |...] im fort accent de Ja Lo/.ere qui roule les "r" comme des galets de torrent» (A. Vialatte, Les Champignons du détroit de Behring, 1988 [1967], p. 130) et aussi « Nous étions lä [une bande de garne-ments], disperses dans les fourrés, et sur un signal anodin [...] les grenades marrons volaient. Le bourgeois en pre-nait plein "ch'téte" ä ľaller, et plein "ch'cul" au retour» (P. Richard, Le Petit Blond dans un grand pare, 1990 [1989], p. 13). LES REGIONS DE FRANCE 261 Paris n'y échappe pas, en raison de la riche palette de ses variétés sociolinguistiques traditionnelles (surtout ouvriěres et populaires): «II [un "étranger du dehors"] arrivait on ne savait ďoú, mais certainement du Nord, car il avait cet accent ridicule qui supprime les "e" muets, comme dans les chansons de Paris » (M. Pagnol, Jean de Florette, dans (Euvres completes, Paris, éd. de Fallois, 1995, t. 3, p. 678); « Rue d'Aligre, des natifs - avec cet accent qui est le seul accent qui pour moi n'est pas un accent - crient que leurs choux sont beaux et pas chers et qu'elles sont fraiches leurs salades » (R. Forlani, Quand les petites filles s'appelaient Sarah, 1989 [1987], p. 46); « Le a bien rond du terroir parisien, ample et gras, tourné en bouche, glycerine comme un vieux bordeaux, est un phoneme perdu. On dit lacet [lase] et non plus laaagait [lase], comme le bon gout le commanderait » (A. Schifres, Les Parisiens, 1990, p. 65). Qu'on aime ou non ces accents (les Francais ne sont pas toujours des moděles de tolerance sur ce point), ils font partie du paysage linguistique dont ils sont un element culturel (« II me semblait choquant que mes cousines pari-siennes critiquent mon accent ardennais, comme si ce n'était pas la l'unique facon de parier connue et le chant primordial de la pensée », A. Dhôtel, Lointaines Ardennes, 1979, p. 25). Ce paysage est aujourďhui de plus en plus métissé ď autres intonations : « Au temps pas si lointain ou des provinciaux tous les jours s'inslallaient chez nous, il y avait un grand melange d'accents dans les transports en commun. Nous en avons perdu ľhabiUide : les intonations, du terroir sonnent désormais d'une facon bizarre a nos oreilles et les parlers étrangers nous sont plus familiers » (A. Schifres, op. cit., p. 76). 262 LE FRANCAIS DANS TOUŠ SES ETATS Quelle grammaire ? On épinglera ici quelques tours, parmi plusieurs cen-taines ďexemples, ä propos des verbes. Bien sür, on conjugue et on emploie l'imparfait de la méme facon par-tout, mais ce n'est pas le cas du fameux passé surcomposé, aussi vivant au sud d'une ligne de La Rochelle ä Beifort qu'ignore des grammairiens (« C'cst sür, l'usinc... j'y ai eu etc moi, a l'usinc, c'cst pour 5a qu'j'en ai unc sainte horreur... », L. Semonin, La Madeleine Proust, 1990, p. 157) et pas davantage de cet emploi observable dans la partie méridionale de la France: « La Tante corrigeait leurs fautes, leurs tournures vicieuses, avec gentillesse mais fermeté. Elle dirigeait une rubrique permanente : "Ne dites pas... mais dites." On ne dit pas : "Je suis été cher-cher ä boire", mais : "Je suis allé chercher ä boire" [...] » (CI. Duneton, Le Diable sans porte, 1981, p. 95). Bien des faits de micro-syntaxe manifestent une certaine liberté par rapport au standard. Ainsi cette construction, bien vivante en Alsace et dans certaines regions de la Lorraine et de la Franche-Comté voisines : « Les vacances se sont bien passées ? - Oh, maintenant, j' attends sur ľannée prochaine » (un boucher du Bas-Rhin, 40 ans, 5 septembre 1998). Dans plusieurs regions (notamment Est, Centre, Sud-Ouest et jusqu'au Québec) échapper est utilise en emploi transitif au sens de «laisser tomber » : « Mon pere au contraire était tout ä fait hilare. II se tapait sur la cuisse [...], il hoquetait! II en échappait son dentier ä moitié [...] » (CI. Duneton, op. cit., 1981, p. 247) et «Malheureusement Hills échappe le ballon » (B. Laporte, commentaire d'un match de rugby sur TF 1, 23octobre 1999, 16 h 35). Arrétons-nous avec cette evocation du sommeil du juste dans un village des Bouches-du-Rhône oů promener n'a den d'une coquille pour se pro-mener, mais appartient au francais de touš les jours: « Aureille restait un endroit de réve : ä la belle saison, on pouvait y entendre, la nuit, en promenant dans les rues, les LES REGIONS DE FRANCE 263 gens ronfler» (L. Mcrlo, J.-N. Pelen, Jours de Provence, 1995, p. 13). Quels mots ? Si ľ« accent» est ce qui frappe en premier lieu et si la grammaire reserve bien des surprises, Ic Icxiquc est cepen-danl le domainc qui off re le champ d'obscrvalion 1c plus vaste. On ne cessc, et depuis une ou deux decennies l'enjeu semble devenu un jeu, d'engranger dans des dictionnaircs de régionalismes des milliers et des milliers de mots. Avec une certaine fébrilité, comme si ces mots devaient dispa-raitre avec le xxcsiecle, certains entassent péle-méle tout ce qui parait suspect de n'étre pas standard. — Tout frais du jour Les régionalismes pourtant, qui sont aussi bien des villes que des campagnes, sont des faits de langue ni plus ni moins labiles que les autres. II est tout de měme éton-nant qu'apres des siěcles de denunciation et ďacharne-ment puristes, certains d'entre eux restent toujours jeunes... Voilä par exemple plus de deux cents ans que le Parisien Desgrouais remarquait ä Toulouse, pour les stig-matiser aussitôt, certains emplois de porter pour apporter. (Réjouissons-nous, en passant, de tels greffiers qui, tenant registre des «locutions vicieuses», nous ont ainsi transmis les facons de parier de leurs contemporains.) Pourtant, tel ministře de l'Éducation nationale et de la Recherche affirme tout uniment sur un plateau de television : « - Je vous ai porte un livre de classe terminale [...]» (TF 1, emission Public, 21 tevrier 1999, 20 h 45); comment dire autrement, de facon spontanée, méme avec une mere institutrice, quand on est ď ascendance héraultaise ? Le premier des Francais lui-méme ne dédaigne pas telle ou telle expression régionalement 264 LE FRANCAIS DANS TOUŠ SES ÉTATS marquee : « [...] Jacques Chirac nourrit une certaine Sympathie pour ce patron mouton noir, qui n'est pas énarque, ni inspecteur des finances, et refuse les mondanités. II lui sauve la mise en 1996. Lors ď une etape du tour de France, Jean Peyrelevade [directeur du Credit Lyonnais] aura ľ occasion de remercier le chef de ľ Etat de vive voix. "Vous vous étes sauvé vous-méme. Vous étes tetu comme un äne rouge", lui répond celui-ci» (Le Monde, 16juin 1999, p. 19); attestée dans le frangais de Clermont depuis 1861, ľexpression a fait largement tache d'huile dans les regions alentour... jusqu'en Corrěze. C est par exemple sur les Stades ou ä ľécoute des troi-siémes mi-temps, dans les agoras des villes plus que dans les cours de ferme (ďavant la mécanisation), qu'on saisira au vol ces mots empruntés ä ľoccitan par le frangais du Sud-Ouest et qui sont d'ailleurs plus ou moins en cours de dérégionalisation: - boujfe equivalent du standard gifle : « - Parle douce-ment, il va ť entendre et il te foutra une bouffe. - Quoi, ä moi, une bouffe ? Je voudrais bien voir ga » (H. Soum, Chronique des bords de Garonne. La Pigassa, 1992, p. 261-262). « La mělée est l'essence du rugby [...]. Ne jamais perdre de vue que la moitié de ľéquipe, ľarriere, les trois-quarts, les demis, ceux qui "jouent du piano*' pendant que les "déménageurs" [les avants] se mettent des bouffes, ne savent pas, ne sauront jamais ce qui se passe sous la mclée » (Fr. Marmande, Le Monde, 9 octobre 1999, Supplement « La coupe du monde de rugby », p. 1). - gnac masc. ou gnaque fern, equivalent du standard mordant, envie de vaincre : « Je n'ai jamais connu un mec qui avait autant la gnacque [sic], c'était un partenaire en or » (P. Dessaint, Du bruit sous le silence, 1999, p. 191). - plié (c'est -). La locution est passée, voila deux décen-nies, dans le langage des competitions et des chroniqueurs sportifs pour indiquer Tissue attendue d'un match et on ľentend ou ľécrit ailleurs que dans le Sud-Ouest: «Le Danemark face au Nigeria ? Deux buts en onze minutes, LES REGIONS DE FRANCE 265 affaire pliée » (P. Georges, Le Monde, 30 juin 1998, Supplement, p. 1). Toujours en usage dans sa region d'origine, ľexpression est utilisée aussi en francais « branché », dans les contextes les plus divers, pour indiquer qu'une action est accomplie de fagon expéditive : « [...] une césarienne de convenance est aussi le fait du médecin. "Parce que, admet crüment ľun ďeux, c'est plié en une demi-heure. On n'y passe pas la nuit" » (ĽExpress, 27 novembre 1997, 27, dans Golf 106, n° 2019); « Les anguiUes, il leur coupe la tete et la queue, paf, paf ! fini, plié » (C. Nicolas, Dehors et pas ďhistoires, 1998, p. 105); « Le premier ministře aime en effet donner le sentiment que ses arbitrages sont le résultat de discussions collégiales, oů touš les ministres doivent pouvoir donner leur avis. Jusqu'alors, la regle avait été respectée. Rien de tel, cette fois-ci. Tout était déjä plié, reconnait un directeur de cabinet» (Le Monde, 16 septembre 1999, p. 6); « [...] en trois jours, c'était plié, et, hop [...] salut, bye-bye [...] » (J.-B. Pouy, Larchmütz 5632, 1999, p. 188). Antoine Blondin croquait ces supporters de rugby qui «n'arrétaient de rouler les r que pour dire putain ou couillon » (Monsieur Jadis ou ľécole du soir, 1972 [1970], p. 191). La frequence de leur usage et leur sémantisme relativement anodin dans le frangais du midi de la France conférent de toute evidence ä ces deux mots un statut par-ticulier dans une vaste aire méridionale. Cest aussi ä ce type de vocabulaire qu'on prétera attention, plutôt qu'aux multiples denominations de l'oviducte des volailles, du capitule de la bardane ou de ľ age de la charrue dont certains esthetes refusent de nous faire grace. - En coup de vent Et qui dira ces vents qui ne soufftent pas dans les bulletins «météo» de la television (ou l'on n'entend guere parier que ďautan, de mistral et de tramontane) mais que selon les regions on nomme cers, cisampe, grec, joran, 266 LE FRANCAIS DANS TOUŠ SES ETATS labech, lombarde, marin, matiniěre, montagniěre, pontias, traverse, verne ; et la burle et ľécir, cauchemars des hauts plateaux de l'Ardéche et des monts d'Auvergne ; et celui qu'on nomme tout simplement vent, lä surtout oü il s'oppose ä la bise. Bise, un mot qui pour la moitié des Francais n'évoque guěre (s'agissant de phénomene atmos-phčriquc) que le vers de La Fontaine « quand la bise fut venue [...] », alors que pour ľ autre moitié ďentre eux, essentiellement ä ľintčricur ďun triangle dont les pointes seraient la Vienne, le Territoire de Beifort et les Hautes-Alpes, il s'agit du vent du nord... Pour le plaisir, voici deux exemples de la region lyonnaise, ľun ďaujourďhui, oü bise est parfaitement synonyme de vent du nord (« météo. Samedi. Temps froid avec de la bise et du mistral en vallée du Rhône. Averses de neige possibles sur le relief venté. Dimanche. Du soleil mais toujours froid avec persistance du vent du nord et du mistral», Le Progres, éd. de Lyon, 18 novembre 1999, p. 32); ľ autre ď hier, particu-liěrement savoureux (« Mon j ardin se päme sous la séche-resse, mes carottes sont cuites par le soleil. Ľéveque a ordonné des priěres pour la pluie. Alors, le cure dauphinois est monté en chaire et a dit: "Mes fréres, obéissons ä Mon-seigneur. Prions Dieu de toutes nos ämes. Mais, tant que la bise soufflera, il ne faut rien espérer" », Lettre du President É. Herriot, 16 juillet 1942, dans M.-E. Grancher, Au temps des pruneaux, 1946, encart entre les pages 108 et 109). — Sur le pouce Mais ľun des principaux diffuseurs des régionalismes du francais est... le commerce, surtout dans le domaine de la cuisine - on n'ose dire de la gastronomic La restaura-tion inscrit parfois dans ses Menus du terroir des « spécialités » souvent disparues de la table des autoch-tones, et la grande distribution, qui brasse les regions et les spécialités, offre ä travers tout l'Hexagone le touron et les rosquilles Catalans, les tourteaux fromagers poitevins, la LES REGIONS DE FRANCE 267 tapenade et l'anchoiade provencales, sans parier des plateaux de fromages qui banalisent les cabécous, caillades, chabichous, picodons et autres pélardons. On sait comment livres de recettes et revues ad hoc assurent le relais, avec un succés qui ne semble pas se démentir. En voici un bref assortiment. En 1998, lors de la Coupe du monde de football, cébette « jcunc oignon encore vert » a fait unc limidc entice dans le vocabulairc do la gastronomic hexagonale : « Sur les dix sites du Mondial 98, les spectateurs consommeront exacte-ment les mémes boissons et les mémes aliments. Une gamme unique a été préparée [...]. Les détenteurs de places "prestige" auront droit ä des repas chauds, compris dans le prix du billet, prepares par la société Lenôtre. Menu type : marinade de jeunes legumes ä la coriandre et au safran, piece de veau rôtie aux navets fondants et jus de cébettes, fromages affines [...] » {LeMonde, 23 avril 1998, p. 20). En dehors de cet emprunt un peu snob, le mot est usuel dans le francais du sud de la France, principalement en Provence (il est attesté ä Marseille depuis 1931) et dans le Languedoc. Tout récemment, un reportage sur le Périgord chantait les louanges de «[...] la mique, ce plat inconnu des tou-ristes [...]. La base de cet antique mets paysan est le pain rassis dont on forme une boule avec de la graisse d'oie et d'oeuf, preparation qu'on enveloppe de farine et qu'on cuit lentement dans une eau oü nagent les legumes du jardin, sans oublier des morceaux de cochon sale, si la fortune du pot le permet. Plus la mique est légěre, ä la fois moelleuse et ferme, assez compacte en tout cas pour etre débitée en tranches, plus le plat est réussi. Souvent, le vrai regal e'est le bouillon dans lcquel la mique a cuit. Une fois celui-ci avalé, le Pcrigourdin de souchc ou ď adhesion fait chabrol en versant dans son assiette un peu de vin qu'il boit aus-sitôt loin du regard écamré des Parisiens et autres Bataves [...] » (J. Péroncel-Hugoz, Le Monde, 25 nov. 1999, p. 28-29). Cette preparation appartient ä un type bien connu 268 LE FRANgAIS DANS TOUŠ SES ÉTATS auquel se rattachent, par exemple, les fars breton (notam-ment le kig-ha-fars) et lesfarcidures limousines. En ce sens, mique, autrefois employe dans une aire plus large du Sud-Ouest, est un terme aujourďhui ušité surtout en Périgord. On peut suivre son histoire depuis quatre siěcles, puisqu'il est attesté en 1606, en un sens trěs proche : « La seconde sorte du pain fait de millet s'appelle en Gascogne miques: qui sont de petites boules rondes, & grosses comme des boules de palemaille [sorte de jeu de croquet], faictes de ladite paste, boüillies & cuittes dans ľeau : c'est le des-ieuner des petits enfants: qui n'est que de la valeur d'un denier» (J. du Chesne, Le Povtraict de la santé, 1606, p. 205). Précisons que faire chabrol (avec sa variante chabrof) n'est pas qu'un rite de carte postale avec pape aux gau-loises fournies, veste de velours côtelé et béret. Cette pratique roborative a toujours cours, merne si eile vieillit. Sous ce nom, eile est typique d'un quadrilatěre qui s'étend, avec une densité variable, au sud ď une ligne de la Cha-rente-Maritime ä la Saône-et-Loire et ä ľouest d'une ligne de l'Ain ä l'Ariege -ä ľ exception des Pyrenees-Atlan-tiques qui connaissent le synonyme goudale. Quant ä son origine, le Dictionnaire des régionalismes de France en cours de redaction, qui atteste/m're chabrol depuis le debut du xrxe siěcle (dans le francais de Terrasson, en Dordogne) établira, preuves en main, qu'elle est tout simplement ono-matopéique, ce qui est moins cocasse mais plus sérieux que ľétrange filiation (« boire clans son assiette, ä la maniere des chěvres») qu'on lui prete habituellement depuis Mistral. Origine et dentin des régionalismes Ces faits de langue sont notamment: - des régionalismes de toujours : bibet « moustique » (Normandie), dame « pris de vertiges » (Champagne et LES REGIONS DE FRANCE 269 Ardennes), finage «territoire d'une commune » (Bour-gogne et Franche-Comté); - des archaismes du francais qui se maintiennent ici ou la, depuis ľ ancien ou le moyen francais, comme des buttes témoins d'un standard disparu: ä c't heure « maintenant », échapper « laisser tomber », éclairer « faire des eclairs ; allumer », rester « habiter », village « hameau » ; -des emprunts ä d'autres langues que le francais : ä ľalsacien ou ä ľallemand (bibeleskaese «fromage blane », bredele « petit four de Noel», foehn « séche-cheveux », mamama « mémé », winstub « debit de vins »); au basque (chipiron «encornet», ttoro «plat de poisson »); au breton (chouchen « hydromel », cot riade « plat de poisson», kouign-amann «gäteau trěs riche en beurre », penn-ti « petite maison traditionnelle »); au fla-mand (wassingue « serpilliěre », waterzoi « plat ä base de poisson ou de poulet»); ä ľoccitan (banaste «grand panier ; imbecile », bougnette « tache », caraque « gitan », cěbe « oignon », draille « chemin de transhumance », esquicher « comprimer, éeraser », fenestron « lucarne », marné « mémé », papé « grand-pere », poutou « bisou »); - des innovations : biniou « ballon pour mesurer le taux d'alcoolémie », bras de Vénus « biscuit roulé au citron », cervelle de canut «fromage blanc», dialectophone « locuteur alsacien », guenilles « beignets », tartiflette « des de pommes de terre, avec lardons et oignons, que ľ on fait dorer et sur lesquels on laisse fondre du reblochon ». Comme touš les autres faits de langue, leur vie connait des fortunes diverses : quand certains perdurent depuis plusieurs siěcles (ciairer, fmage, miquc), on cn voit d'autres qui doucement sombrent dans l'oubli (dail masc. ou daille fern. « faux », drapeau «lange ») ou qui pénětrent aujourďhui le francais standard de toute la France (chichi frégi, coucouner, fougassette, laguiole « couteau ; fromage », 270 LE FRANCAIS DANS TOUŠ SES ETATS pan bagnat). Pas ďinquiétude, la relěve est assurée, pourvu qu'on la cherche lä oii eile est. Bibliographie Frantext : Base de données textuelles Frantext, Nancy, Institut national dc la Languc francaisc (CNRS). Matériaux pour ľ etude des régionalismes du frangais, Nancy, publié par l'INaLF (CNRS), 14 vol. depuis 1983. Höfler, M., et Rézeau, P., 1997, Variétés géographiques du frangais. Ľ Art culinaire, Paris, Klincksieck. RÉZEAU, P. (dir.), 1999, Variétés géographiques du frangais de France aujourd'hui. Approche lexicographique, Paris-Bruxelles, Duculot.