L DE LA PIERRE AU FER : Les premieres communautés (du VIe millénaire aux années 500 av. J.-C.) Moins de cinq mille années furent nécessaires pour voir se former sur le territoire de la future France des communautés villageoises qui, aprés ľusage de la pierre, découvrent progressivement celui des métaux. Ľarrivée des Grecs et les premiers documents écrits marquent pour la France les débuts de ľhistoire. 1800 000 ans, les premieres traces de vie humaine sur le territoire de l'Hexagone... Une telle estimation met en valeur la notion de durée et ďévolution pour ľhistoire du pays. Confronté pendant la préhistoire á des périodes climatiques difficiles et variables, ou alternent des phases glaciaires et des périodes plus favorables, l'homme apprend lentement á utiliser au mieux le milieu naturel : cueillette, chasse, péche, outils en pierre taillée, abris sous röche forment son cadre de vie. Vers - 600000, il connait ľusage du feu. Entre -35000 et -10000, Involution se precise, au cours de la periodě du 'paléolithique supérieur, marquee par les premieres grandes realisations artistiques dont témoignent les decors rupestres des grottes de Lascaux ou les premieres statuettes comme la Venus de Brassempouy. Vers -10000, les conditions climatiques connaissent une profonde modification ; la periodě glaciaire cede la place á un climat plus tempere. Le mammouth disparait; le renne remonte vers le nord. En revanche, d'autres animaux sont domestiqués : le chien vers - 8000, surtout le mouton et la chěvre vers - 6000 dans le midi de la France, suivis du bceuf vers -5000. Comprise entre -10000 et -5000, cette perióde correspond á ľépipaléolithique ou 'mésolithique et aboutit á la « revolution néolithique » et aux premiers villages : l'homme devient cultivateur. C'est cette lente evolution qui est illustrée, dans un raccourci chronologique saisissant, par le roman de J.-H. Rosny, la Guerre du feu. 7. a. La « revolution néolithique » (de -6000 á -1800 environ) A partir du VIe millénaire, on assiste á une mutation progressive des genres de vie des populations occidentales. L'importance de ces transformations a amené les préhistoriens á qualifier cette perióde de « revolution », bien qu'elle s'étale sur plusieurs millénaires. Děs cette époque, la France est soumise á une double influence qui resta une des données constantes de son histoire : le courant méditerranéen, favorisé par les premiers développements de la navigation maritime, et le courant d'Europe centrale danubienne. C'est de ces deux directions que pénětrent en France les apports extérieurs, en particulier orientaux. Quels que soient les rythmes régionaux, les résultats convergent vers un méme type ďévolution : les premieres communautés paysannes s'organisent en villages, mettent en place un systéme de production ou se mélent élevage, culture et artisanat avec la fabrication de céramique, ce qui aboutit á une sédentarisation progressive d'une population jusqu'alors essentiellement nomade. Etablies sur un territoire precis, liées á un terroir qu'elles structurent, ces communautés villageoises connaissent alors une evolution intérieure profonde, avec une hiérarchisation sociale selon tes aptitudes, les metiers, les fonctions de chacun. Trois grands ensembles régionaux se dessinent avec leurs caractěres propres. I.a.i. Les ensembles régionaux. La premiére region touchée par le phénoměne néolithique est la France du Midi á partir du VIe millénaire et surtout au cours du Ve millénaire. Mélée aux conditions locales, ľinfluence de ľaxe méditerranéen fut certainement essentielle. La presence de poteries décorées á ľaide ďun coquillage, le cardium, a donne son nom á la culture dite « cardiale ». Elle s'étend sur ľensemble des regions côtiéres méditerranéennes, n'atteignant pas plus de 100 kilometres á ľintérieur des terres. Les Cardiaux sont encore attaches aux structures du passé : cueillette, abris sous röche, mais en méme temps ils pratiquent ľélevage du mouton et de la chěvre ; ils cultivent le blé et l'orge. Des habitats en plein air, amorces de village, existent, comme sur le site de Courthézon dans le Vaucluse avec ses huttes circulaires. Vers le IV millénaire, ľinfluence du groupe cardial gagne des regions plus au nord (site de Roucadour dans te Lot), mais cette diffusion reste trěs limitée. En fait, c'est dans les regions orientales de la France que se constituent les premieres civilisations agricoles, avec la culture « rubanée », du nom lá aussi des decors des poteries realises avec des incisions en spirále, volute ou meandre. Cette culture est introduite par des groupes venant de la vallée du Danube et de l'Europe centrale. Bien équipés, ces groupes défrichent les bonnes terres de lcess et y installent des villages avec de grandes maisons rectangulaires, pouvant atteindre 8 metres sur 40 (Cf. document Lb.) ; on a retrouvé les traces des trous de poteaux de ces maisons sur plusieurs sites : Cuiry-lěs-Chaudardes (Aisne) ou Charmoy (Yonne). Sur des terroirs organises et proteges par des haies, ces communautés paysannes cultivent des céréales et pratiquent ľélevage des bovins et des porcs. Pendant ce temps, on assiste dans tes regions atlantiques á ľéclosion d'un autre phénoměne culturel, le mégalithisme. S'il est un domaine oú tes interpretations tes plus fantaisistes ont eu cours, c'est bien celui des mégalithes, longtemps attribués aux Celtes (idée recue que reflěte encore le personnage d'Obélix !). En fait, les premiers dolmens remontent au Ve millénaire. Primitivement enterré sous un "tumulus ou un cairn, le dolmen, table de pierre, est essentiellement une chambre funéraire. Les menhirs ou «pierres longues» sont chronologiquement moins assures et ont pu étre faits á des époques plus tardives. Leur rote reste énigmatique, y compris pour des, alignements comme Camac. La construction de ces grands, monuments, comme ceux de Barnenez pres de Morlaix ou les tumulus de Bougon (Deux-Sěvres), suppose une société organisée et hiérarchisée ; ľapparition de ces formes originales d'architecture dut correspondre á des modifications économiques liées á une sédentarisation et á un développement des activités agricoles. Ces trois aires ainsi défmies évoluérent aux IVe et IIIs millénaires sous ľinfluence d'une nouvelle culture, le chasséen. I.a.ii. La culture du chasséen. Elle tire son nom du site de Chassey en Saône-et-Loire, mais est originaire de la France du Midi. Lá encore, les elements méditerranéens jouérent un role essentiel. Trés vite, cette culture occupe la majeure partie du pays, á ľexception des regions de l'Est. Elle se caractérise par un net développement démographique et par la progression de ľagriculture ; les sites habités se multiplient ainsi que la formation de grands villages : Saint-Michel-du-Touch et Villeneuve-Tolosane dans la vallée de la Garonne, respectivement étendus sur 20 et 15 hectares. Un peu partout, on constate cette extension des pratiques agricoles avec des particularités regionales comme les camps retranchés du Centre-Ouest : culture des Matignons (Charente) et de Peu-Richard (Charente-Maritime), distinctes du chasséen. Dans les zones lacustres se développent aussi des villages : Charavines, au bord du lac de Paladru (Isěre). I.a.iii. Le néolithique final et la naissance de fa métallurgie. La periodě allant de - 2500 á - 2000 est marquee par un épanouissement des civilisations néolithiques avec une intensification de ľoccupation des sols. La civilisation de Fontbouisse, dans ľarriére-pays de Montpellier, en offre un bon exemple avec ses nombreux villages (20 á 25 pour 100 km2), répartis sur des terroirs organises regroupant plaines et plateaux, élevage et cultures : villages de Fontbouisse et de Cambous (Hérault), avec des cabanes circulaires et des grands bätiments de forme ovale en pierre sěche, peut-étre des bergenes. Le méme développement s'observe dans le Bassin parisien avec le groupe SOM (Seine-Oise-Marne). Mais le fait essentiel est ľapparition de ľusage du metal (or et cuivre), dont la technique s'est installée en Orient depuis -6000 et a gagné l'Occident. Les premieres regions qui exploitent le cuivre sont les Cevennes et le sud-est du Massif central, ou l'on retrouve la civilisation de Fontbouisse. Mais c'est un peuple dont l'origine est controversée qui en assure la diffusion sur toute l'Europe : les Campaniformes, du nom de la forme en cloche d'un gobelet qui est lié á ľexpansion de ce groupe. Cette perióde du néolithique oú se mélent ľusage traditionnel ďobjets en pierre et ľapparition du metal est aussi appelée le chalcolithique. I. b. Les temps protohistoriques. De Vage du bronze (de -1800 ä - 700)... Au IIe millénaire, sous ľimpulsion ďéchanges avec l'Europe centrale et la Méditerranée, les techniques du metal s'améliorent et surtout on découvre les possibilités et la resistance du bronze, alliage de cuivre et ďétain. Sa fabrication ouvre une ere nouvelle, la protohistoire, oú le fil directeur n'est plus la taille de la pierre, mais la forme et ľutilisation ďobjets métalliques. I.b.i. Evolution generale. Le rapide développement de la métallurgie provoque un éclatement des anciennes communautés du néolithique, avec une diversification et une specialisation plus grandes des individus. Le forgeron, le commercant et plus généralement la classe des artisans prennent une place croissante dans la vie économique et sociale. Les écarts de richesse sont plus nets et, avec eux, conflits et tensions se multiplient, donnant aux guerriers et aux chefs un role preponderant, reflété par les grands tumulus funéraires individuels. On y retrouve les signes du pouvoir et de la richesse : objets en or (lunules, bijoux ou encore ľénigmatique cône d'or d'Avanton dans la Vienne), colliers d'ambre ou de päte de verre, de fabrication locale ou importés. Ainsi, avant méme la civilisation de Mycénes en Gréce, le pays connait un épanouissement original. Les protohistoriens distinguent trois phases principales : le bronze ancien (-1800 á -1500), le bronze moyen (-1500 á -1200) et le bronze final (-1200 á -700). Les deux premieres périodes ont un climat plus sec, subboréal, mais, au bronze final, le climat redevient plus humide, sub atlanti que, permettant un nouvel essor de la vie agricole. I.b.ii. Des exemples régionaux au IIe millénaire. Le XIe millénaire est caractérisé par une accentuation des diversités regionales avec des rythmes d'évolution variant d'un secteur géographique á un autre. Quelques exemples : Děs le debut du bronze ancien, l'Armorique connait une forme nouvelle de civilisation avec ľarrivée d'éléments de population venant sans doute du nord de l'Europe par voie maritime. Avec eux nait la civilisation des tumulus armoricains, concentrée surtout dans les regions occidentales de la Bretagne (tumulus de Kernonen á Plouvorn, Finistěre). Ce groupe est connu par ses grandes sepultures circulaires de type aristocratique, réservées á un individu, á l'un de ces « petits princes d'Armorique » qui exploitent ľétain breton et se procurent du cuivre en provenance des Ties Britanniques, des Alpes ou de la péninsule Ibérique. Ces échanges commerciaux et culturels sont nombreux, et l'on retrouve un type proche en Angleterre avec la civilisation du Wessex. Mais, á partir de -1500, cette civilisation decline ; les tumulus, plus nombreux, sont aussi plus pauvres en metal. La coutume ďinhumer les morts sous des tertres avec des sepultures individuelles s'observe aussi vers -1500 en Europe centrale, avec une expansion vers la France de l'Est : tertres de la forét de Haguenau en basse Alsace ainsi que dans le Bassin parisien. Ľarrivée de ces groupes aboutit á une occupation des terres vides et á un mouvement de colonisation rurale. La fabrication des objets se diversifie et les premieres faucilles en bronze apparaissent. Ces progres de ľoutillage peuvent aussi étre observes sur le site exceptionnel du mont Bego (Alpes-Maritimes). Dans la montagne, entre 2 100 et 2 700 metres, des peuples de l'äge du bronze ont dessiné sur les schistes plus de 100000 gravures (armes, personnages, mais aussi bovidés attelés á des araires), ou encore dessins reticules que certains protohistoriens interprětent comme les premieres formes ďun relevé cadastral. En Corse enfin, ľépoque du bronze correspond á un double phénoměne : la construction de camps fortifies, les castelli, établis sur des hauteurs et dominés par des tours circulaires, les torre, principalement dans la Corse du Sud, pres de Porto-Vecchio. Ľautre originalite de l'ile reside dans la presence de nombreuses statues-menhirs, dont certaines sont des statues de guerriers armés (site de Filitosa). I.b.iii. Ľapogée du bronze : le bronze final (de -1200 á - 700). A partir de -1200, les conditions de vie se modifient sensiblement avec le retour d'un climat plus humide, favorable á une intensification de la mise en valeur du sol avec des défrichements importants. Le travail est facilité par la domestication du cheval, qui devient vers - 1200 un animal de trait. Mais ľévénement le plus important est la formation d'une nouvelle culture « Reims-Suisse-France Orientale », caractérisée par ses rites funéraires. Ce groupe pratique en effet ľincinération et depose les restes calcines des défunts dans des urnes placées dans des fosses. En méme temps la production des objets en bronze s'accroit. Les depots sont plus nombreux ; ce sont souvent des cachettes de fondeur ou sont retrouvés des objets neufs destines á la vente ou des objets brisés conserves pour étre refondus: depot de Villethierry (Yonne) ou de Vénat (Charente). En méme temps, un peu á ľécart de ces nouveaux courants, les regions atlantiques gardent leur originalite. Le bronze final voit ľapogée du bronze armoricain, qui produit de nombreux objets diffuses sur tout le littoral atlantique : épées dites « á langue de carpe » á cause du rétrécissement brusque de la pointe, ou "haches á douille qui purent servir de monnaie d'échange. Läge du bronze correspond done á de profondes mutations économiques et sociales. Ľinvention de la métallurgie et le développement des activités agricoles accentuent la hiérarchisation de la société, que révéle la richesse de certaines tombes : tombe de La Colombine (Yonne) oú une femme fut enterrée avec touš ses bijoux. Les échanges commerciaux renforcent les contacts avec ľextérieur. C'est peut-étre aussi á cette époque qu'apparaissent les premieres formes d'écriture pictographique dans les décors symboliques de certains vases : vase de la grotte du Ouéroy (Chazelles, Charente). Mais des bouleversements plus importants allaient intervenir avec l'introduction du fer et ľarrivée des Celtes. I.e. ... au premier äge du fer (de -700 ä -450 environ) Lei. La découverte du fer. A partir du 8e siěcle av. J.-C. et sans que disparaisse pour autant le bronze, ľusage du fer s'introduit progressivement en Occident. Son origine est cherchée en Orient méditerranéen, dans le royaume des Hittites, vers -1500 : c'est en effet ce peuple du plateau anatolien de Turquie qui mit au point les techniques de fusion et de preparation du fer. Aprés la ruine de ce royaume vers -1200, la diffusion de la métallurgie du fer se fit par les regions balkaniques et aussi sans doute par ľintermédiaire des peuples navigateurs comme les Phéniciens. Certaines regions restent encore de fortes productrices de bronze, comme l'Armorique ou le Languedoc ; la trés importante cargaison de plusieurs quintaux de bronze de ľépave de Roche-longue (Agde) en témoigne. Cependant, la plus grande resistance du fer allait faciliter sa diffusion. Lcii. La civilisation de Hallstatt. A la merne époque, vers -700, l'Europe connait une nouvelle deterioration climatique avec une baisse sensible des temperatures et une augmentation de la pluviosité qui provoque un relévement des niveaux marins et lacustres. Les phénoměnes se répercutent sur les populations du nord de l'Europe, qui émigrent vers le sud. C'est dans ce contexte que s'ouvre ľäge du fer pour la France, divise en deux grandes périodes selon le nom de deux sites archéologiques : Hallstatt (Autriche) de -700 á -450 environ ou premier äge du fer, et La Téne (Suisse) de - 450 á notre ére ou second äge du fer. Ľorigine de ces peuples hallstattiens est complexe. Ce qui est certain, c'est qu'ils arrivent en France á partir de l'Europe centrale et qu'ils sont dominés par une aristocratie de cavaliers : le cheval devient désormais la monture noble par excellence. Pármi ces peuples figurent des elements celtiques qui annoncent les grands mouvements de population du second äge du fer. Succédant aux « champs ďurnes », les peuples du premier äge du fer reprennent la coutume des tumulus funéraires liés le plus souvent á des rites d'inhumation. Mais un aspect original y est introduit: la tombe á char ou le défunt est enterré avec son char de guerre ou d'apparat. Cette pratique culmine á la fin de la perióde avec les grands tertres découverts en Bourgogne, comme celui de Vix (Côte-d'Or) qui contenait la tombe á char d'une femme inhumée avec ses bijoux, son diadéme en or et de nombreux vases, dont le plus célěbre est un vase grec en bronze pesant 208 kilogrammes. Le vase de Vix est le témoignage de la richesse de ces families princiěres et de leurs relations avec le monde méditerranéen. I.c.iii. Le fait colonial et la fondation de Marseille. En effet, tandis que se mettent en place les différents peuples du premier äge du fer, la France du Sud est convoitée par les pays qui cherchent á contrôler le commerce méditerranéen. Elle constitue un secteur privilégiá, point d'aboutissement de grands courants commerciaux convergeant vers la Méditerranée et y apportant de ľambre, de ľétain, des fourrures, de l'or, etc. Elle est aussi une base d'expansion vers ľintérieur du pays pour les Phéniciens qui viennent de fonder Carthage en Afrique du Nord, pour les Etrusques d'Italie centrale et pour les Grecs. Les Etrusques commencent a exporter du vin et de la céramique. Les Grecs de ľile de Rhodes leur font concurrence. Mais le premier établissement est du á une ville grecque d'Asie Mineure, Phocée, qui, en 600 av. J.-C, crée Massalia avec son port du Lacydon, au fond de la rade de l'actuel Vieux-Port de Marseille : avec cette fondation, connue par des sources écrites (document 2, p. 26), notre pays entre dans l'histoire.