DOCUMENT XV.b. Un épisode des guerres de Religion en Auvergne Jean Burel (vers 1540-1603), bourgeois du Puy et farouche ligueur, a laissé un précieux journal o il relate les événements dont il a été le témoin direct ou dont il a recueilli ľécho. Voici ce qu'il écrit de ľannée 1577 : En ladite année 1577, M. de Damville1 , pour les huguenots, leva les armes contre le roi et envoya des grandes forces s environs du Puy pour essayer de le surprendre, s'étant saisis de Fay, Saint-Agrve, Saint-Pal-de-Mons, et auxquels M. de Saint-Vidal, pour résister contre eux, employa les forces de M. de Mandelot Lyon [...] S'en alla assiéger, ledit sieur de Saint-Vidal, Saint-Pal-de-Mons et, auprs de Pradelles, Le Cros et Langogne, o ils ont mené et conduit les deux canons du Puy. Toutefois, ceux de Saint-Pal, ayant entendu que le canon venait, s'enfuirent et laissrent ledit lieu, y ayant mis le feu [...] Et de l, ledit sieur de Saint-Vidal, avec ses forces, s'en serait allé assiéger Ambert, tenu et saisi par le capitaine Merle, o voyant les forces dudit Merle et les résistances qu'il faisait, jusques y tre tués de quatre cinq cents [hommes], le soir du 20 mars audit an furent contraints de faire conduire des canons de Lyon, tellement que, quelques assauts que fussent donnés ladite ville ďAmbert, ne la purent recouvrer, car furent bien repoussés par ledit Merle, tellement que le camp se départit sans rien faire. Et aprs le Merle quitta Ambert et se retira Issoire, auquel lieu Monseigneur2 frre du roi Henri, avec grosse armée, vint et par force ďarmes fit abattre les murailles, mettre tous ceux qui étaient dedans au fil de ľépée et abattre toute la ville ; les soldats s'étaient saisis des femmes, lesquelles emmenrent et les vendaient beaux deniers comptants. Et ledit sieur frre du roi, accompagné des sieurs de Guise et de Nevers, se retirrent Brioude o ils demeurrent environ trois semaines. Et, ayant reçu 30 000 livres, se retira ledit camp, et audit sieur de Saint-Vidal fut donnée charge ďaller assiéger Marvejols, comme aprs fit. Audit an 1577 et le jour de sainte Anneau mois de juillet, la maladie de contagion et peste se mit dans la ville du Puy, commencée en la maison de François Baud, cordonnier, et de laquelle il décéda, comme aussi une fille de Jean Ralhe et plusieurs autres de la ville en grand nombre ; de sorte que la plupart des habitants s'enfuirent et se retirrent s villages des environs pour leur sreté [...] Et, au mois ďoctobre aprs, la paix fut publiée par la ville la grande réjouissance du peuple. Et peu aprs survint un grand bruit que le roi avait fait décrier les monnaies [...] En ladite année 1577, était si grande la pauvreté et nécessité que le menu peuple criait et pleurait par les rues grand nombre, qui était chose scandaleuse et lamentable [...] ; car pour cause du décri des monnaies, ceux qui avaient du blé n'en voulaient point bailler. Chose pitoyable ! Et ďailleurs la pauvreté fut si grande que les artisans ne trouvaient rien gagner ni trafiquer [...] Et audit an 1577, environ la fte de Saint-Michel, fut vue au ciel une étoile traînant grande queue, comme si c'était une branche ďarbre ou un fagot, tellement que le monde murmurait que c'était quelque grand signe que Dieu nous envoyait, parce que nous avions la peste continuellement, la famine, ne se faisant aucun trafic de marchandise ni autres moyens pour vivre. Mémoires de Jean Burel, bourgeois du Puy, Le Puy, 1875. p. 44-48. Les guerres de Religion ont consisté, le plus souvent, en de multiples opérations militaires locales, comme celles décrites par ce bourgeois du Puy en 1577. Elles mettaient en jeu, généralement, des effectifs peu importants, mais te déplacement de ces troupes vivant sur le pays avait des conséquences dramatiques pour les populations, sans compter une les soldats contribuaient souvent la dissémination de la peste. 1 Henri Ier de Montmorency, comte de Damville, gouverneur du Languedoc, est ennemi des Guises et combat la Ligue. 2 François (1554-1584), duc ďAlençon et ďAnjou, dernier fils ďHenri II.