13) ĽEXISTENTIALISME LA DOCTRINE DEFINITION ľaccent mis sur/'existence, opposée ä ľessence qui serait illusoire, problématique, ou du moins aboutissement et non point de depart de la speculation philosophique. La donnée immediate, percue dans I'angoisse, est I'existence. Uabsolu, s'il n'est pas simplement ľirréversible, serait ä construire, ä conquérir indéfiniment. Selon la formule de Sartre, « ľ Existence precede /'Essence. » Prédécesseurs: Soeren KIERKEGAARD (1813-1855) auteur du Concept d'angoisse, philosophies allemands HEIDEGGER, JASPERS, HUSSERL qui, par un retour au concret, entend « dépasser /'opposition de ľidéalisme et du realisme, affirmer ä la fois la souveraineté de la conscience, et la presence du monde, tel qu'il se donne ä nous. »). Simone de Beauvoir: « Ľoriginalité de Sartre, c'est que, prétant ä la conscience une glorieuse indépendance, U accordait tout son poids ä la realite ». VARIANTES Plusieurs formes ďexistentialisme: Alphonse de WAEHLENS en Belgique et, en France, Gabriel MARCEL ont tenté ďédifier un existentialisme chrétien. Les routes mémes de MERLEAU-PONTY et de SARTRE ont diverge, sans que cela s'explique seulement par des questions politiques ou des differences de temperament. Maurice MERLEAU-PONTY (Disciple de Husserl, il a publié La Structure du Comportement (1941), une Phénoménologie de la Perception (1945), Les Aventures de la Dialectique (1955) et un „essai sur le probléme communiste", Humanisme et Terreur.) une doctrine plus sereine que celle de Sartre: Eloge de la Philosophie (Lecon inaugurale au College de France, 1953) : « Ma situation dans le monde avant toute reflexion et mon initiation par eile ä /'existence ne sauraient etre résorbées par la reflexion qui les dépasse vers ľabsolu, ni traitées dans la suite comme des effets. [...] Ce que le philosophe pose, ce n'est jamais I'absolument absolu, c'est ľabsolu en rapport avec lui. » LA PHILOSOPHIE DE SARTRE EXISTENTIALISME ET ATHÉISM E. L'existence de ľhomme exclut ľexistence de Dieu. II ne saurait étre question d'une nature humaine preexistante : Ľhomme est ľavenir de ľhomme, ľhomme est ce qu'il se fait. Sartre affirme que « I'existentialisme est un humanisme », quoiqu'il n'ait que railleries pour ľhumanisme traditionnel qui, sous ses diverses formes, se réfěre toujours ä une nature humaine. SITUATION ET UBERTE Ľhomme est done responsable; II est « condamné ä étre libre ». Cest mal poser le probléme de la liberie que de le poser dans ľabstrait, car: nous sommes toujours « en situation » (engages dans une situation donnée, et non pas disponibles), ce qui nous oblige ä choisir, mais fonde notre liberie. Comme I'ouvrier a prise sur la matiěre, ľhomme a prise sur le reel, par Taction. L'acte authentique est celui par lequel il assume sa situation, et la dépasse en agissant (ainsi Oreste dans Les Mouches). Nos actes, seuls nous jugent, et ils sont irreversibles ; En vain pourrions-nous invoquer de bonnes intentions, ou I'idee que nous nous faisons de nous-mémes : ce ne serait lá que « mauvaise foi », denoncée par le témoignage de la conscience d'autrui, dont ľexistence merne apparaít comme une hantise insupportable. LIBERTÉ ET VALEUR. • On le voit, toute cette Philosophie tend vers ľaction. • Ľexpérience de ľabsurde, (cf. doute méthodique de Descartes), constitue une etape critique essentielle mais ne doit pas aboutir ä la fascination par la continqence. • Pourtant ľanqoisse nous attend ä nouveau au moment de ľengagement: sur quoi fonder notre choix ? quel sera le critěre de ľacte authentique ? • les valeurs consacrées, le bien et le mal considérés comme des absolues (rejetées par Sartre): - á propos des horreurs de ľoccupation : « nous avons compris que le Mal, fruit ďune volonte souveraine, est absolu comme le Bien », - Cet « absolu » est lui-méme relatif á une situation : « nous n'étions pas du côté de ľhistoire faite, nous étions situés de telle sorte que chaque minute vécue nous apparaissait comme irréductible. »(Qu'est-ce que la littérature ?) • Ainsi la valeur = projet, appel, - La liberté se prendra « elle-méme comme valeur en tant que source de toute valeur ». - « Ľceuvre d'art, dit encore Sartre, est valeur parce qu'elle est appel. » - le mal est vu dans la misěre et ľoppression, opte contre le fascisme, le capitalisme et la morale « bourgeoise ». • Objections sur le plan des idées : - ďabord ä celieš de la Philosophie chrétienne (en particulier au personnalisante d'Emmanuel MOUNIER), - Jean GRENIER, le maítre de Camus : « Si la valeur, reconnue comme indispensable, est créée au fur et ä mesure, n'est-elle pas suscitée par la force des événements ou la ruse des instincts ? Ou par une soi-disant dialectique de ľhistoire [...] Une doctrine qui affirme le primát absolu de ľaction a ceci de redoutable qu'elle presse ľhomme de s'engager sans lui dire en quoi, pourquoi. » (Entretiens surle bon usage de la Uberte). EXISTENTIALISME ET LITTÉRATURE • Difficulté de distinguer ce qui tient ä sa Philosophie et ce qui relěve de telle ou teile influence (celie du román améhcain surtout) ou de son propre temperament (Simone de Beauvoir parle de son imagination « encline ä ľhorreur»); • Si ľétalage ďétres veules (le mot revient souvent sous sa plume) se rattache ä sa critique philosophique et sociale, le laisser-aller du style, frappant dans Les chemins de la Uberte et plus encore chez Simone de Beauvoir, est sans rapport avec la Philosophie existentielle ; • La pensée philosophique de Sartre (assimilée et assimilable): - anime ses romans et lui a permis, sans revolution technique mais - grace ä un sens trěs sür de Taction dramatique - renouvelement du theatre ďidées. - Enfin, dans la revue Les Temps Modernes, Jean-Paul Sartre a contribué ä répandre le goüt pour les documents, témoignages, reportages ä tendances sociales. - Abordant directement les problěmes de ľheure, la littérature resserre ses liens avec la vie, mais il arrive que ce soit au detriment de ľélaboration esthétique. LE ROMAN EXISTENTIALISTE • Le roman existentialiste = suite aux romans de la condition humaine ; • il domine la production francaise entre La Nausée de Sartre, en 1938, et Les Mandarins de Simone de Beauvoir, en 1954. • Sartre et Camus - leurs premieres ceuvres ä la veille de la seconde guerre mondiale. • Un préexistentialisme chez Céline, děs 1931, et deux ans seulement séparaient Mori ä credit de La Nausée. • L'influence de Joyce, dans les années d'avant-guerre, avait supplants celle de Conrad, de Meredith ou de Galsworthy. - Traductions des premiers romans américains de la «generation perdue». • Au lendemain de la guerre - « ľáge du roman américain » (Claude-Edmonde Magny): - Le Bruit et la Fureuróe Faulkner, Ľ Adieu aux armes d'Hemingway, La Grosse Galette de Dos Passos, Des Souris et des hommes de Steinbeck, • Le premier effet du roman américain - vif intérét pour les questions de techniques romanesques. - Les procédés pas entiěrement neufs. • L'influence de KAFKA s'ajoutait bientôt - La Nouvelle Revue Frangaise publie (1928), La Metamorphose. - Le Proces traduit en 1933. - En 1938, Le Chateau et La Metamorphose paraissaient en libraihe. • elements favorisant le développement d'une Philosophie de l'absurde et du désespoir: - La défaite de la France, - I'occupation étrangěre, - les témoignages qu'on eut bientôt sur l'univers concentrationnaire, - la bombe d'Hiroshima, - les premieres manifestations de la guerre froide • Le monde se mettait á ressembler aux romans de Kafka. Dans Le Proces, dans Le Chateau, le realisme le plus minutieux conduisait ä une mythologie de l'absurde. • KAFKA - ľhabitude de considérer le récit romanesque comme une sorte ďallégorie métaphysique de la condition humaine. • Avec Kafka, le roman rejoignait la Philosophie, - le lieu privilégiá oú la métaphysique concrete devenait possible, puisque le sens n'était jamais dit, mais était toujours present comme une I u m i ere incertaine dans laquelle baignaient les details contingents. • Le temps des h é ros était passé • on était entré dans une ěre du désarroi. • le sentiment qu'on pouvait agir sur les événements, participer activement ä ľHistoire = perdu - Le docteur Rieux, dans La Peste de Camus, montrait certes un courage intrépide, mais il demeurait sans illusion, il savait les limites de son pouvoir devant les ravages causes par le fléau. • Le roman existentialiste, de Sartre ä Simone de Beauvoir, de Colette Audry ä Raymond Guérin, est le roman de l'accablement et de la prostration. - En quoi il s'oppose aux romans héroíques d'Aragon ou de Malraux. • Au fond, la generation de Montherlant, de Malraux, d'Aragon, de Celine, de Saint-Exupéry, était une generation romantique. - II y avait chez eux une sorte de lyrisme. Que leurs accents fussent ceux de ľenthousiasme ou de la colěre, de ľemportement ou de la poésie légěre, ils procédaient ďune pression intérieure. - A leur style romantique s'oppose la phrase sěche et dépouillée du roman existentialiste. - Leurs personnaqes étaient toujours en proie ä ľexaltation, que ce fút celie du meurtre ou du sacrifice, de la sainteté ou du dénigrement. lis vivaient des minutes rares, ils atteignaient au sommet de leur vie. En face d'eux, le personnage du roman existentiahste connait un accablement lucide; - on ne saurait parier de son desenchantement, car il n'a jamais eu d'illusion. - dans les romans de Sartre, de Simone de Beauvoir - une sorte de lumiěre triste. - La sexualite elle-méme est devenue morose. • loin de ľexaltation érotique que Georges Bataille (Le Bleu du ciel) - Chemins de la Uberte • La Mort dans ľäme, ce titre de Sartre évoque bien le climat spécifique du roman existentialiste. • Aux prouesses techniques du Sursis a succédé cette patiente chronique d'une défaite. • le portrait du militant communiste Brunet, cette voie héroíque que Sartre voulait peut-étre rejoindre. - Ce sont deux témoignages sur la défaite du pays et ľécroulement ďun regime. - De facon curieuse, d'ailleurs, le roman existentialiste a retrouvé beaucoup de themes qui avaient été ceux du roman naturaliste : • le goůt des spectacles sordides, des pauvres tristesses de la vie quotidienne. • Le souci d'un avortement. • II faudrait ajouter cependant que l'univers évoqué par les romanciers existentialistes se référaient, dans les meilleurs cas, á un statut métaphvsique de la condition humaine plutôt qu'á une enquéte sociale. • Mais il y a chez Sartre une dimension philosophique qu'on chercherait vainement dans le roman de Huysmans.