Arthur Rimbaud : Au Cabaret-Vert cinq heures du soir Depuis huit jours, j'avais déchiré mes bottines Aux cailloux des chemins. J'entrais à Charleroi. − Au Cabaret-Vert : je demandai des tartines De beurre et du jambon qui fût à moitié froid. Bienheureux, j'allongeai les jambes sous la table Verte : je contemplai les sujets très naïfs De la tapisserie. − Et ce fut adorable, Quand la fille aux tétons énormes, aux yeux vifs, − Celle-là, ce n'est pas un baiser qui l'épeure ! − Rieuse, m'apporta des tartines de beurre, Du jambon tiède, dans un plat colorié, Du jambon rose et blanc parfumé d'une gousse D'ail, − et m'emplit la chope immense, avec sa mousse Que dorait un rayon de soleil arriéré. Octobre 70. Arthur Rimbaud : Ma Bohème Je m'en allais, les poings dans mes poches crevées; Mon paletot soudain devenait idéal; J'allais sous le ciel, Muse, et j'étais ton féal; Oh! lŕ lŕ! que d'amours splendides j'ai ręvées! Mon unique culotte avait un large trou. Petit-Poucet ręveur, j'égrenais dans ma course Des rimes. Mon auberge était ŕ la Grande-Ourse. Mes étoiles au ciel avaient un doux frou-frou Et je les écoutais, assis au bord des routes, Ces bons soirs de septembre oů je sentais des gouttes De rosée ŕ mon front, comme un vin de vigueur; Oů, rimant au milieu des ombres fantastiques, Comme des lyres, je tirais les élastiques De mes souliers blessés, un pied prčs de mon coeur!