Depuis que j'avais commence ďaller ä Fécole, mon pere ne me parlait plus guěre. J'etais enivré par Forthographe; mon pere y était peu habile et il s'était persuade que je n'etais plus intéressé ä 1'entendre raconter ses aventures. Un jour, cependant, il me dit: - Le temps est venu de te montrer quelque chose... II me demanda de le suivre. Je marchai derriěre lui, sans parier comme nous en avions pris Fhabitude. II s'arreta dans le champ devant une touffe d'arbustes ■ feuillus: * - - Qa s'appelle des aulnes, dit-il. -J'sais. - Ffaut apprendre ä choisir. Je ne comprenais pas. II täta chaque branche de Farbuste, une ä une, avec un soin religieux. - Ffaut en choisir une trěs fine, une parfaite. Comme celle-ci. Je regardai; elle semblait tout ä fait semblable aux autres. Mon pere déplia la lame de son canif et coupa la branche choisie avec une pi-euse lenteur. II l'effeuilla et il exhiba le rameau qui avail la forme d'un Y parfait. - Tu vois, dit-il, la branche a deux bras. Prends un bras dans chaque main. Et serre-les. Comme il me le demandait, je saisis dans chacune de mes mains un fourchon de FY qui était plus mince qu'un crayon. - Ferme les yeux, ordonna mon pere, et serre un peu plus... Ouvre pas les yeux! Sens-tu quelque chose? - La branche bouge, m'ecriai-je, étonné. Sous mes doigts serrés, Faulne se tordait avec la force d'une petite couleuvre affolée. Mon pere vit que j'allais la laisser tomber. Lache pas La branche gigote! Et j' entends comme une riviere x, ordonna mon ahuri aue s'il m i * Qu'est-ce que ca veut dire? demandai-je ä mon - Ca veut dire qu'en dessous de nous, juste ic ■ -. est r-s* ' comment mon s'apprend a l'ecole. C'est pas une chose inutile: un homme peut se passer d'ecl riture pis de calcul, mais i'pourra jamais se passer d'eau. CRoch Carrier, Les enfants du bonhomme dans la i- 5P / :3 NOTE WE Mi Ce texte, du ä un auteur canadien-francais, reproduit par son orthographe certaines pari ticularités du parier populaire des paysans québécois: J'sais, J'viens, Ffaut, ícitte (= lei y a une source (= il y a), pis (= puis, et puis), i'pourra ( ram matical notez F omission du ne de la negation: Ouvre pas les yeux! Lache pas! C'est pas une chose... .3? ■ * - i .JL'-':l:1 TV 'Ä i -I - LE REVE DE JULIEN it E . ■ 9 I Julien prenait haieine un instant ä ľ ombre de ces grandes roches, et puisif "* ".tri" remettait ä montér. Bientôt par un étroit sentier ä peine marqué et qui sert seť|§§ ment aux gardiens des chěvres, il se trouva debout sur un roc immense et sür d'etre séparé de tous les hommes. Cette position physique le fit sourire, lui peignait la position qu'il brulait d'atteindre au moral. L'air pur de ces mt|g ■ tagnes elevees communiqua la serenite et meme la joie a son ame... Julien, debout, sur son grand rocher, regardait le ciel, embrase par un d'aout. Les cigales chantaient dans le champ au-dessous du rocher, quand se taisaient tout etait silence autour de lui. II voyait a ses pieds vingt lieuesp pays. Quelque épervier parti des grandes roches au-dessus de sa téte était apÉffjj par lui, de temps a autre, decrivant en silence ses cercles immenses. L'oeildeM lien suivait machinalement Poiseau de proie. Ses mouvements tranquilles^J ■ puisants le frappaient, il enviait cette force, il enviait cet isolement. C etait la destinee de Napoleon, serait-ce un jour la sienne? sa (Stendhal, Le Rouge et le - ■* lis