6 I Phonétique et morphologie du francais moderne et contemporain selon quelles regies et ordonne ainsi les phenomenes de flexion voulus par la syntaxe. II est pen de dire que la phonetique lid est d'un grand secours pour une description raisonnee de nombre de ces phenomenes. C'est bien en etant corwaincu de I'importance majeure de la phonetique et de la morphologic qu'on propose cet owrage. Datis cette entreprise, des choix out ete necessaires et il n'a pas toujours ete aise de tranche?: Si la phonetique remet en cause certaines notions, ainsi en ce qui conceme I'enchainement, la liaison, l'accentuation, on les recadre, ainsi en ce qui conceme Vintonation, on a pu decider Jroidement car les faits commandaient. En revanche, la morphologie est un domaine plus mouvant, tout particulierement quand elk s'interesse a la formation des mots. Par exemple, la derivation prefixale et la composition ont des procedures souvent proches et il a bien fallu opter pour integrer ou refuser d'integrer tel element formateur a I'un ou I'autre de ces systemes; on a ainsi ecarte de la derivation prefixale les elements venus du grec ou du latin, les reseroant a la composition. Ces choix ont ete muremenl peses pour que soit etablie la plus grande cohesion possible et que I'ouvrage propose des reponses clmres susceptibles de satisfaire la ngueur et de 1 assurer le bon sens. Premiere partie LA PHONETIQUE H.-D. B. GENERALITES La phonetique, definie de facon globale, prend pour objet les elements phoni-ques, c'est-a-dire les sons qui constituent le langage articule. On etudie ces segments indivisibles de la chaine parlee selon plusieurs angles d'attaque : la phonetique historique (ou evolutive) examine leur processus devolution a travers le temps, elle est diachronique; la phonetique descriptive (ou statique) examine leur etat a un moment detennine de l'histoire d'une langue, elle est synchronique; la phonetique fonctionnelle (ou phonologie) examine leur role en tant qu'unites distinctives, elle est egalement synchronique. II s'agit ici de phonetique descriptive; on examine les sons eux-memes, comment ils sont produits, comment ils sont pergus, quels sont les problemes d'accentuation ou d'intonation, etc. C'est en cela que se distingue la phonetique proprement elite de la phonetique fonctionnelle appelee plus ordinairement phonologie. Celle-ci etudie les sons d'apres leur fonction dans la communication, elle s'interesse aux differences qui s'etablissent entre les elements phoniques proches et permettent de distinguer des mots de sens different. Ainsi, la phonologie s'appuiera sur l'opposition etablie entre a ouvert et a ferme pour distinguer patte et pate. Ces deux voyelles a ont fonction differen-tielle et etablissent une opposition pertinente, c'est-a-dire significative. En revanche, s'il est vrai, pour presenter un exemple courant, que le r peut prendre une triple articulation en francais et qu'il peut etre apical (ou roule), dorsal parisien, dorsal grasseye, ces differences entre trois sons relevent de la phonetique; la phonologie, elle, n'en retient aucune entre ces trois r, puisqu'il n'y a aucune difference de sens quelle que soit la prononciation : elle considere que r, ainsi dans rat, est un seul et unique phoneme, alors que a dans patte et pate sont deux phonemes differents puisque leur permutation dans un entourage identique etablit une opposition pertinente permettant de distinguer deux mots en tant qu'unites semantiques differentes. En phonologie, on parle done de « phonemes » et ceux-ci sont represented entre deux barres obliques, ainsi /r/ de rat. En phonetique, on parle done de «sons» et ceux-ci sont representes entre deux crochets, ainsi [r] de rat. 10 I La phonétique De facon un peu abusive, quoique le mot « phoneme » soit anterieur a la notion meme de phonologie — il apparait a la fin du xixc siecle alors que la phono-logie au sens moderne, avec la recuperation du mot «phoneme », ne prend vraiment naissance qu'a la fin du premier tiers du xxc siecle — ce mot est souvent utilise par les phoneticiens comme synonyme de «son », c'est-a-dire sans lui attribuer le sens des phonologues d'unite sonore a fonction differen-tielle. II sert alors a designer les trente-six unites sonores du francais telles que les fait apparaitre l'alphabet phonetique international (cf. p. 13 sq.). S'il est vrai que la phonetique descriptive prend pour objet les pheno-menes phoniques, du simple son a l'intonation de la phrase, si elle s'interesse par definition a l'oral, il n'en reste pas moins qu'elle entretient des rapports etroits et necessaires avec l'ecrit et qu'on ne saurait que difficilement parler d'elle sans parler de la transposition graphique de l'oral. C'est pourquoi, a la suite de l'etude de la production, du classement et de la realisation orale des sons, on examinera la question de leur realisation ecrite par des signes alphabetiques, orthographiques et syntaxiques. Ainsi aura-t-on une vue aussi complete que possible du francais oral et ecrit, de son image sonore a la representation visuelle de cette image sonore. 1 production et classement des sons La representation graphique d'une langue n'est jamais qu'une seconde étape, une langue n'existant en premier lieu qu'en tant qu'expression orale de la pensée par la parole. Cette expression orale se fait par des sons émis grace á Pappareil phonatoire de l'etre humain, que va reproduire plus ou moins fidělement par la suite tel ou tel systéme graphique conventionnel, fonde clans le moncle occidental sur des signes appelés lettres (dits aussi graphemes). Ainsi passe-t-on de l'oral á l'ecrit, d'une pensée rendue par des sons venus par la bouche et recueillis par l'oreille á des signes produits par la main et recensés par la vue. Les images sonores de la pensée sont créées par cles organes du coips humain qui ne sont pas destines en eux-mémes á la production de la parole : qu'il s'agisse, par exemple, des poumons ou des dents, leur role premier est pour les uns la respiration, pour les autres la mastication. En d'autres termes, ces organes fonctionnent avant tout comme cles organes biologiques et leur utilisation en tant qu'organes contribuant á la production de sons articulés est seconde. I - APPAREIL PHONATOIRE ET SONS On peut distinguer les differents organes de la facon suivante : 1 / Les poumons. lis procurent par expulsion fair necessaire a la mise en ceuvre des autres organes. 2 / Le larynx. Apres son passage dans la trachee artere, la colonne d'air expulsee des poumons parvient dans le larynx, sorte de cavite qui contient les 12 I La phonétique Production et classement des sons | 13 cordes vocales constituant la glotte. Quand les cordes vocales vibrent, il y a production d'un son sonore, c'est-ä-dire d'une voyelle ou d'une consonne sonore (ainsi b). Quand elles ne vibrent pas, il y a production d'un son sourd, c'est-ä-dire d'une consonne sourde (ainsi p). 3 / Les resonateurs. La colonne d'air transite ensuite par le pharynx et s'echappe soit par les fosses nasales et la cavite buccale quand le voile du palais est abaisse (production de nasales, lat. : nasus: « nez », ainsi en, on), soit par la seule cavite buccale quand le voile du palais est releve (production d'orales, lat. : os, oris « bouche », ainsi a, b). Les levres et la langue viennent modifier le jeu des resonateurs; les dents et le palais ont eventuellement aussi un role. artěre Les sons produits par l'appareil phonatoire sont ranges en deux series, d'une part les voyelles, d'autre part les consonnes, a cote desquelles se placent les semi-consonnes (ou semi-voyelles). II y a emission d'une voyelle quand la colonne d'air expiree par les poumons ne rencontre aucun obstacle et s'echappe librement par la bouche et le nez. II s'agit d'une espece de son musical pur: a, i, o... II y a emission d'une consonne quand la colonne d'air expiree par les poumons rencontre des obstacles et qu'il y a frottement entre elle et differents organes phonatoires comme les dents, les levres, les fosses nasales, la langue ou le palais. II s'agit d'une espece de bruit: d, f k... MB : Certains phoneticiens, sans nier le role de 1'effort articulatoire ou respi-ratoire dans la distinction des voyelles et des consonnes, prennent comme critere majeur de discrimination le fait que le renforcement de l'articulation d'une voyelle s'accompagne d'une plus grande ouverture buccale quand le contraire s'observe pour les consonnes. Opposer la prononciation faible ou forte de table ou livre, par exemple. On appelle syllabe un son ou un groupe de sons, voyelle seule ou voyelle accompagnee d'une ou plusieurs consonnes, qui se prononce dans une emission de voix unique : oh, che-val, e-ter-ni-te... II - ALPHABET PHONÉTIQUE INTERNATIONAL Les sons émis par l'appareil phonatoire se transcrivent selon les signes de l'alphabet phonétique international (a.p.i.). On relěve ainsi 36 signes propres au francais, qui sont autant ďunités formant des segments indivisibles. Coupe sagittate schéinatisée des organes de la parole 14 I La phonétique Production et classement des sons | 15 - Voyelles C - Consonnes A.P.I. Designation Signes orthographiques Examples [j] i consonne ou yod i, il, ill, y [q] u consonne u + voyelle [w] ou consonne ou + voyelle M + W Ol, oi oi, 01 oin passion, baz'/, feuiV/e, jácht fnzz't, kette, niaáe, sueur houée, íb«/ne, louange, mouctte, ouate loi, hoíte mozre, cro/tre SOM Signes Signes A.P.I. Designation orthographiques Exemples A.P.I. orthograplúques Exemples V oyelles i i, i, I, is, y, etc. fzl, He, hair, méprzs, type [P] P, PP passe, tape, appui orales é fermé e, é, er, es, ai, ce, effort, pre, verger, les, aiga, W t, tt, th tas, dot, a/frait, theme č ouvert etc. e, é, é, ai, ei, etc. a'deme sel, pere, the, mai, pane [k] c + voyelles orales (a, o, u, eu ouvert, ou) cache, cable, coq, cause, cube, cceur, eozzr M, M a fermé (ou posté- a, á, as case, páte, has c + voyelles nasales (a camhrure, concomhre rieur) fermé, o ouvert) W a ouvert (ou anté- a, at, e (mm), etc. lac, rat, femme c, cc, ch, k, q, qu, x, etc. sac, aeeorcl, e/zceur, kafi, coq, quéte, e.vcěs rieur) [b] b, bb 6ois, aMé M o fermé o, ô, au, etc. pose, dome, sazzle [d] d, dd dé, aeMtíon o ouvert o, au, u, oo fort, maure, opizzm, alcool [g] g + a (oral et nasal) gáche, gare, gambade [u] ou ou, ou cho«, oil g + o (oral et nasal) gogo, gorge, gond [y] u u, ú, eu, eút dur, szžr, (j'ai) eu, (qu'il) eat g + ou gouílre [0] eu fermé eu, ceu, ai [eu, nceud, fazsant g + u dégastation [ce] eu ouvert eu, ce, ceu liez/re, ail, bmi[ gag, ajgraver, vague eu muet e, ai te, bachelier, faz'san M f, ff, ph Tat, affiche, phare \in, zmberbe, regain, [aim, M v, w voie, zragon V oyelles m é ouvert nasal in, im, ain, aim, l>] S, SC, ss, t, x, z, ls joie, scie, aíjiette, atten/ion, div, quartč, íils nasales ein, yii, etc. sein, syntaxe c + e, i, y, en, in, etc. ceci, cjigne, cent, cinq [ä], [q] a fermé nasal an, am, en, em, angle, ample, encore, ezzzbar- c + a, o, u, on en deeá, sueoter, aperczz, hameeozz etc. ras z, s, x ^ěle, maijon, deu.viěme [5] o ouvert nasal on, om, etc. ton, ozzzbre [J] ch, sch, sh c/zěvre, schkme, í/zampooing m eu ouvert nasal un, urn hrun, humble [3] j a/out, jalon, /eu, joie, juge genoux, jifle, gcns, gingemhre /arme, i//égal zoi, z7zum, mazTon, arrhes g + e, i, en, in, etc. M 1, 11 r, rh, rr, rrh [m] m, mm znesure, iznzneuble [n] n, nn nage, azz/zeau B - Semi-consonnes M gn poigzzet On peut joindre á cette liste le signe [rj] representant les consonnes ng de camping, le signe [X] representant le / mouillé (cf. régionalement le Limousin : le / en contact avec yod subit un mouillement, bouillon se prononce [buljo]), le signe [h] representant le h dit aspiré. Quant au [r], il représente théorique-ment le r dit roulé (cf. régionalement la Bourgogne), 1'a.p.i. proposant pour le 16 I La phonétique Production et classement des sons | 17 /• parisien standard la notation [i]. Mais on préfěre la commode notation [r], récupérée du r roulé qui n'est qu'une varieté provinciale. On indique qu'une voyelle ou une consonne est longue en la faisant suivre de deux points : [i :], [t :], etc. NB : - i - Le /; est le plus souvent muet en francais. II ne note aucun son dans habile ou horloge par exemple. On dit qu'il est aspire dans un certain nombre de mots, quoiqu'il qu'il n'y ait aucune aspiration, en fait une espěce de souffle-ment comme dans l'anglais hand. Le h aspire ne sert qu'a interdire l'elision comme dans la hache [la a/] ou la liaison comme dans des hiboux [de ibu]. - 2 - Certains sons, voyelles ou consonnes, sont écrits dans l'orthographe par des groupements de lettres que 1'a.p.i. ne représente que par un signe, comme c'est sa vocation: ou [\x],ph[i\ par exemple. Ouand un son s'ecrit avec deux signes alphabétiques, c'est-a-dire avec deux lettres (deux graphemes), on a affaire á un digramme: ai, eu, ou, ch, gn, ph {fail, pen, con, dial, beignet, philosophe), etc., les consonnes doubles entrant dans ce cadre : pp, It, (rapport, attrait), etc. Ouand un son s'ecrit avec trois signes alphabétiques, c'est-a-dire avec trois lettres (trois graphemes), on a affaire á un Irigramme: aie, eau, sch (gaieté, peau, schéma), etc. Ill - VOYELLES On appelle voyelles (lat. vocalis «produit par la voix») les sons formes dans le larynx par l'expiration de Fair des poumons qui fait vibrer les cordes vocales. Ces sons se trouvent plus ou moins modifies selon qu'ils s'echappent par la bouche seule ou a la fois par la bouche et le nez. lis ne rencontrent aucun obstacle en s'echappant, au contraire de ce qui se passe pour les consonnes (cf. p. 13). Les voyelles presenters quatre caracteristiques d'interet inegal pour leur classement: le timbre, la dime, Yintensite et la hauteur. Seule la premiere permet de distinguer les voyelles entre elles de facon pertinente (cf. p. 58 sq pour les autres). Le timbre est la qualite specifique et distinctive d'une voyelle, resultant de la position des organes phonateurs. II se modifie selon le point — ou la zone— d'articulation (lieu de la cavite buccale ou se masse la langue) et selon le degre d'aperture (ouverture plus ou moins grande de la bouche, la distance de la langue au palais variant). Ainsi, pour l'articulation de [a] dans pas, la lanone se masse dans la partie anterieure de la cavite buccale et la bouche est ouverte : [a] est une voyelle anterieure ouverte; pour l'articulation de [aj dans pate, la langue se masse dans la partie posterieure de la cavite buccale et la bouche tend a se fermer : [a] est une voyelle posterieure fermee. Le frangais fait entendre 16 voyelles et semble assez riche en comparaison de certaines langues (italien 7 voyelles, espagnol 5 voyelles) et plutot pauvre en face de certaines autres (anglais 21 voyelles). Selon la voie d'echappement du souffle expiratoire par la bouche ou par la bouche et le nez, ces voyelles se rangent en deux categories: les voyelles orales (aussi appelees buccales ou pures) au nombre de douze et les voyelles nasales au nombre de quatre. A - Point d'articulation En classant voyelles orales et nasales selon leur point d'articulation dans la cavite buccale, on obtient une repartition generale en voyelles anteneures et voyelles posterieures; et en considerant Taction des levres dans l'articulation, on distingue des voyelles non labiales et des voyelles labiales : Antérieures Postériemes Non labiales Labiales Labiales Orales a [a] : pas eu [ce] : peur a [a] :lache ě je] -Jer eu [s] : petit 0 [0] : corps é [e] : pré eu [0] : deux 0 [0] : pol i [i] :/;/ u [y] : pur ou [u] : con Nasales in [ě] : lin un [cfe] : brun an [n'% [florile:3], page [pa:3], doge [da-.3], gouge [gu:3], juge [3y: 3], [z] : sottise [soti.'z], falaise [fale:z], phase [fa:z], blouse [blu:z], diffuse [difyrz], [v] : vive [vi:v], glaive [gle-'v], entrave [efrra:v], innove [ino:v], douve [du:v], étuve [ety:v], preuve [pros:v]. Ces voyelles sont également longues devant le groupe de consonnes [v] + [r] : livre [li'-vr], lévre [le:vr], Hanovre [áno: vr], ouvre [u:vr], ceuvre [ce:vr]. 32 I La phonetique Production et classement des sons [ 33 Dans tous les autres cas, c'est-a-dire quels que soient la consonne ou le groupe de consonnes, ces voyelles sont brěves. Ainsi, devant une consonne simple ou double, par exemple : [p] : type [tip], crépe [krep], tape [tap], trope [trop], groupe [grup], huppe [ypť [t] : mite [mit], béte [bet], diplomate [diplomat], marníte [maroťj, mammouth [mamut], flůte [flyt], [k] : trafic [trafik], pastéque [pastek], comac [kornak], foc [fok], felouque [falyk], et devant un groupe de consonnes, par exemple : [bl] : fiisible [fyzibl], faible [febl], probable [pbbabl], vignoble [vijiobl], trouble [trubl], affublé [afyble], meuble [mcebl], [kl] : besides [bezikl], siecle [sjekl], oracle [orakl], Sophocle [sofokl], escar-boucle [eskarbukl], [rm] : infirme [ěfirm], terme [term], alarme [alarm], forme [form], chiourme [fjurm]. - 2 - Voyelles nasales Les voyelles nasales sont toujours longues, quels que soient la consonne ou le groupe de consonnes articulées. Ainsi, devant une consonne simple : [ě] : bilingue [bile:g], feinte [fě:t], prince [prě:s], [a] : aisance [ezä:s], menthe [mä:c], tauche [tö:/], [o] : éponge [epo: 3], fonte [fo: t], tombe [to: b], [&] : défunte [defče: t], empnmte [áprče:t], lynch [lče:/], et devant un groupe cle consonnes : [6] : craindre [krě:dr], simple [sě:pl], tringle [trč:gl], [a] : ambře [ä:br], chancre [/a:kr], tremble [trä:bl], [5] : ombre [5:br], pétoncle [pet5:kl], tondre [to:dr], [ce] : humble [ce:bfj. IV - CONSONNES On appelle consonnes (lat. consonna « qui sonne avec ») les sons formes dans le larynx par l'expiration de fair des poumons, qui, en s'echappant, rencontre des obstacles au contraire de ce qui se passe pour les voyelles (cf. p. 13). Les consonnes se repartissent selon leur sonorite : si fair expire fait vibrer les cordes vocales, il y a emission de consonnes sonores, especes de bruits combines a une vibration (b, I, v...); si fair expire ne fait pas vibrer les cordes vocales, il y a emission de consonnes sourdes (f p, t...). Le francais fait entendre 17 consonnes qui ne peuvent guere s'articuler qu'en association avec des voyelles. MB : - i - Consonnes douces ou fortes. Les onze consonnes sonores [b] bac, [d] dent, [g] gare, [v] vie, [z] zone, [3] joue, [r] riz, [1] lait, [m] mot, [n] nid et [n] gnole sont appelees douces (ou faibles) etant donne que leur articulation est moins energique que celle des six consonnes sourdes [p] pas, [t] tu. [f] foie, [k] cas, [s] sou et [/] chou, appelees fortes. - 2 - Assimilation regressive ou progressive. Si deux consonnes de sonorite diflerentes se trouvent en contact phonetique ä l'interieur d'un mot ou entre deux mots, surtout ä la suite de la chute d'un e muet, il se produit un phenomene d'assimilation regressive (ou anticipante): que les deux consonnes aient un mode et un point d'articulation identiques ou differents, la premiere prend la sonorite de la seconde : soup(e) bndante, [p] sourd devient sonore devant [b] sonore; rape) fou, [v] sonore devient sourd devant [f] sourd; patt(e) blanche, [t] sourd devient sonore devant [b] sonore; absence, [b] sonore devient sourd devant [s] sourd. On peut marquer par un /□/ sous une sonore et un /./ sous une sourde que la sonorite est due ä l'assimilation regressive et n'appartient pas en soi au son : naivete [naiyte], disgrace [disgras]. L'assimilation n'interesse que la sonorite et nullement rarticulation douce ou forte de la consonne : si [p], dans soup(e) bndante, prend une sonorite sonore devant [b] sonore, cette consonne n'en demeure pas moins forte, et de meme si [v], dans rev(e) fou, prend une sonorite sourde devant [f] sourd, cette consonne n'en demeure pas moins douce. On appelle les consonnes fortes devenant sonores par assimilation des sonores-fortes, et les consonnes douces devenant sourdes pas assimilation des sourdes-douces. Lorsque, tout en differant par le mode ou le point d'articulation, les consonnes en contact ont une sonorite identique, il n'y a pas de phenomene d'assimilation. Ainsi sonore + sonore : tableau [b] + [1], vas(e) biisc [z] + [b]; sourde + sourde : petit(e) file [t] + [f], lac sale [k] + [s]. Quant au phenomene d'assimilation progressive, ou une consonne donne sa sonorite ä celle qui la suit, il est peu courant. Suite sourde + sonore : ch(e)veu peul se prononcer [JT0], la sourde c/i donnant sa sonorite ä la sonore v. Suite sonore + sourde : subsides peut se prononcer [sybzid], la sonore b donnant sa sonorite ä la sourde s. - 3 - Geminee graphique ou articulatoire. Si deux consonnes identiques se trouvent en contact ä l'interieur d'un mot, on a affaire ä une consonne double ou geminee graphique, qui ne represente qu'une seule consonne dans la pronunciation, c'est-a-dire un son unique: assistant, ss [s]; ferreux, rr [r]; trappe, pp [p]. Dans la distinction des syllabes graphiques, on observera que le double signe se distingue en ses deux elements, le premier appartenant ä une syllabe, le second ä l'autre. Ainsi, dans assistant, le premier s fait partie de la syllabe as, le second de la syllabe sis. On parle en revanche de consonne simple quand une consonne unique appar-tient ä la meme syllabe que la vo\ elle qui la precede : hate, ou la suit: do. 34 I La phonetique Production et classement des sons | 35 Si deux consonnes identiques se trouvent en contact entre deux mots ä l'interieur de la chaine parlee, la premiere conserve une legere articulation en sorte que 1'oreille percok deux articulations successives : firt(e) tempete [fort täpet]; ainsi se trouvent preservees l'identite morphologique de chaque mot et, par suite, la coherence de la chaine semantique. Les deux consonnes constituent une geminee articulatoire. A l'interieur d'un mot, ce doublement de I'articulation ne se justifie que rarement. Soit il s'agit d'eviter la confusion de formes voisines, ainsi les formes de futur et de conditionnel de quelques verbes en face des autres formes : courrons, futur, [kurrS] I courons, present, [kuro]; councils, conditionnel, [kurre] /courais, impar-fait, [kure]. Soit il s'agit de conserver les caracteristiques morphologiques d'un mot apres la chute d'un e muet entre consonnes identiques : extrem(e)ment, [ekstremmä], soit il s'agit de marquer l'etymologie : immensite [immäsite], cette maniere de prononcer etant d'ailleurs ä eviter pour son manierisme. La repartition entre consonnes sonores ou sourdes n'est qu'un premier type de classement fonde sur leur sonorite, autrement dit un classement acoustique. En se fondant sur I'articulation des consonnes, on peut les repartir selon leur mode d'articulation et selon leur point d'articulation. A - Mode d'articulation 7. Nasales et orales Les consonnes se distinguent dans la mesure ou different les voies d'echappe-ment de la colonne d'air. a / Nasales Quand la colonne d'air s'echappe ä la fois par la cavite buccale et la cavite nasale, le voile du palais etant abaisse, il y a production des consonnes nasales [m], [n] et [ji] (n mouille) comme dans moi, nu et peigne. On joint egalement ä ces consonnes le son ng [q] de certains mots d'emprunt comme camping. b / Orales Quand la colonne d'air s'echappe seulement par la cavite buccale, le voile du palais etant releve, il y a production de consonnes orales (ou buccales). Sont orales les consonnes autres que nasales. 2. Occlusives et constrictives Les consonnes se distinguent dans la mesure ou different les degres de ferme -ture ou d'ouverture du canal buccal. a / Occlusives Quand il y a occlusion, c'est-a-dire fermeture complete du canal buccal, la colonne d'air expiree, d'abord arretee par un obstacle — on appelle cette phase la tenue —, s'echappe brutalement et il y a production de consonnes occlusives (lat. occludere « fermer »). II s'agit de [p], [b], [m], [g], [k], [p], [q], [d], [t], [n]. Comme la colonne d'air produit en s'echappant une sorte de bruit d'explo-sion, on appelle aussi ces consonnes explosives, et comme ce bruit d'explosion ne se prolonge pas et n'est que momentane, on les appelle aussi momentanees. Le barrage rencontre par la colonne d'air est constitue ou par les levres jointes avec [p], [b], [m] comme dans pis, bois, nine; ou par la langue relevee sur le palais avec [g], [k], [p] comme dans gai, car, teigne, et aussi avec [q] comme dans parking; ou par la langue appuyee sur les dents du haut avec [d], [t], [n] comme dans do, toil, ni. On inclut dans les occlusives les consonnes [m], [n], [p] et [q] quoique l'occlusion ne se manifeste que par la fermeture du canal buccal, Fair s'echappant par le canal nasal sans qu'il y ait un arret total de la colonne d'air ni, en consequence, d'explosion. Les occlusives se repartissent ainsi en occlusives orales: [p], [t], [k], [b], [d], [g] et occlusives nasales : [m], [n], [p], [q]. b / Constrictives Quand il y a resserrement du canal buccal et que la colonne d'air expiree est contrariee dans sa progression, mais sans qu'il y ait jamais blocage de son emission, il y a production de consonnes constrictives (lat. constringere «serrer »). II s'agit de [f], [v], [s], [z], [/], et [3], a cote desquelles on range [1] et [r]. Comme la colonne d'air produit en s'echappant un bruit de frottement, on appelle aussi ces consonnes fricatives (lat. fricare «frotter»); comme le bruit produit est proche de celui de la respiration, on les appelle aussi spirantes (lat. spirare «respirer»); et comme la colonne d'air peut etre prolongee dans son emission, on les appelle aussi continues. D'apres la nature specifique du bruit produit par l'emission de la colonne d'air, on distingue aussi les constrictives en soujflantes: [fj et [v] comme dans fa, vie; en sifflantes: [s] et [z] comme dans si, zebre; en chuintantes: [J] et [3] comme dans chat, jeu. Les consonnes [1] et [r] comme dans lit et roi tiennent une place a part dans l'ensemble des consonnes produites avec constriction clu canal buccal. On les appelle ordinairement liquides, leur articulation etant coulante, meme en association avec d'autres consonnes comme clans les groupes bl: bleu, dr: dru, gr: grue, etc. 36 I La phonetique Production et classement des sons | 37 - I - La consonnc [1] La consonne [1] s'articule les organes resserres, la langue etant relevee vers le palais et s'appliquant sur les alveoles superieures, c'est-a-dire sur le bourrelet a l'arriere des dents du haut. Mais le souffle d'air s'ecoule des deux cotes de la langue, d'ou le nom de laterale applique a cette consonne (lat. latus « cote »). MB : - i - Le / clit mouille [X] est une variete de la consonne [1] quand elle se trouve en contact avec la semi-consonne yod [j]. Le [1] s'articule alors sur le milieu du palais et il se produit une mouillure (ou palatalisation, c'est-a-dire l'articulation d'une consonne suivie par remission d'un yod): bouillon [buljo]. Cette prononciation a disparu du francais standard, mais se maintient dans quelques regions comme le Limousin. On dit aujourd'hui [bujo]. - 2 - [1] est normalement sonore, mais devient sourd en fin de mot apres une occlusive sourde. Opposer aimable/triple ou remugle/socle. -2 - La consonne [r] La consonne [r] s'articule les organes resserres, la langue etant relevee et son dos vibrant sur le voile du palais, d'ou le nom de vibrante applique a cette consonne (lat. vibrare «vibrer»). MB : On parle de [r] parisien a propos du son ci-dessus parce qu'il trouve sans doute son origine a Paris. C'est la prononciation standard de cette consonne, dite egalement [r] dorsal dans la mesure ou elle est articulee avec le dos de la langue (lat. dorsum « dos »). On peut opposer cette prononciation a celle du [r] mule, ou la pointe de la langue se souleve vers les alveoles superieures el vibre, d'ou aussi son nom de [r] apical (lat. apex «pointe ») ou alveolaire. II est d'usage dans quelques regions, la Bourgogne par exemple, et on l'appelle parfois bourguignon; et comme on le trouve dans presque toutes les langues romanes, on l'appelle aussi parfois roman. Cette prononciation « roulee » est la plus ancienne. Lui a succede un [t] articule avec la pointe de la langue plaquee contre les alveoles inferieures, la luette vibrant, d'ou le nom d'livulaire applique a cette consonne (lat. uvula «luette »). On l'appelle aussi [r] grasseye, (grasseyer, parler gras, en « prononcant de la gorge ») et il n'est pas de bon usage. Le [r] parisien est une variante du [r] uvulaire : il est dorsal comme lui, mais la luette ne vibre pas. tion. On peut ainsi distinguer les labiales (lat. labium «levre »), les dentales dat. dens « dent »), les palatales (lat. palatum « palais ») et les velaires (lat. velum « \-oile (du palais) »). 1. Labiales On range sous ce nom des consonnes qui soit trouvent leur obstacle quand les deux levres se rejoignent: il s'agit des consonnes [b], [m], [p] et on les appelle bilabiales; soit trouvent leur obstacle quand la levre inferieure rejoint l'extremite des dents du haut: il s'agit des consonnes [fj, [v] et on les appelle labiodentales, auxquelles se joignent les semi-consonnes [w] et [qj. 2. Dentales On range sous ce nom des consonnes qui trouvent leur obstacle quand la langue rejoint la region alveolaire superieure. II s'agit des consonnes [t], [d], [n], [s], [z], [1], auxquelles se joint le [r] roule. Certains appellent ces consonnes apicales eu egard au fait que c'est la pointe de la langue (lat. apex « pointe ») qui rejoint les alveoles. 3. Palatales On range sous ce nom des consonnes qui trouvent leur obstacle quand la langue rejoint le palais dur ou palais (partie anterieure du palais). II s'agit des consonnes [J], [3], [ji], auxquelles se joignent la semi-consonne yod [j] et le / mouille [X]. 4. Velaires On range sous ce nom des consonnes qui trouvent leur obstacle quand la langue rejoint le palais mou ou voile du palais (partie posterieure du palais). II s'agit des consonnes [k], [g], [r], auxquelles se joint la consonne ng [rj]. B - Point d'articulation On peut etablir un classement des consonnes d'apres les organes buccaux qui permettent de les articuler, en d'autres termes en se fondant sur les endroits ou se situe l'obstacle — le point d'articulation. C'est au point d'articulation que les organes entrent en contact et que se produisent occlusion ou constric- C - Tableau Les traits articulatoires permettent d'etablir un classement orclonne des consonnes. On repere par croisement quels traits caracterisent telle consonne selon la nature de l'obstacle (occlusion ou constriction), la position du voile du palais (abaisse ou souleve), faction des corcles vocales (passives ou actives) et l'endroit de l'obstacle (levres, dents, palais, voile). Production et classement des sons | 39 38 I La phonetique Point d'articulation Mode d'articulation Labiates Dentales Palatale s Vélaires Occlusives orales sourdes sonores P [P] : b [b] pis bas t [t] d[d] : tu : dé k [k]: cas nasales sonores m [m] mie n[n] : nu ng O] eigne g[g] : gars Constrictives orales sourdes sonores f [f] v [v] :foi : vie s [s] 1 PI z [z] : su : lot : case ch [fl j fe] : chou ■.pie r[r] riz Ainsi, chaque consonne se définit selon quatre traits articulatoires : [p] est une occlusive, orale, sourde, labiale (exactemenl bilabiale), [3] est une constrictive, orale, sonore, palatale, [n] est une occlusive, nasale, sonore, dentale, etc. On observe que douze consonnes se repartissent en six couples selon un systéme d'opposition sourdes/sonores, les cinq autres consonnes étant des sonores isolées : m/m, [t]/[d], m/m, [f]/[V], [S]/[Z], cn/b]. MB : Le / mouillé ne figure pas dans ce tableau, n'etant plus utilise que régionalement. II peut y prendre place en tant que constrictive, orale sonore, palatale. De měme, le r apical (roulé) [r] qui pent y prendre place en tant que constrictive, orale, sonore, dentale. Quant ä ng [rj] de certains mots d'emprunt, il s'agit d'une occlusive, nasale, sonore, vélaire. Ne figure pas non plus dans ce tableau le /; qui n'est plus entendu dans le francais d'aujourd'hui: un habit, des holes. Dit improprement « aspire », ce /; n'est qu'un simple signe graphique et ne seit qu'ä éviter elision ou liaison dans certains mots : la liache, des hiboux. Quant a x, il représente en general un son double qui résulte le plus souvent soit de la conjugaison des sons [k] + [s] : xénophobe, boxem, expert; soit de la conju-gaison des sons [g] + [z] : Kavier, examen, hexagone. V - SEMI-CONSONNES Les 3 semi-consonnes ou semi-voyelles du francais: [j] comme dans yeux [J0], [xfl comme dans ha [lip] et [w] comme dans rot [rwa], doivent leur nom au fait que Ton considere souvent que ces sons ont une aperture intermediaire entre les consonnes et les voyelles. En fait, leur degre d'aperture peut etre plus important que celui des voyelles selon leur entourage vocalique; et si leur articulation est respectivement proche de celle de [i], [y] et [u], elles sont percues á l'oreille comme des consonnes, étant donné qu'il n'y a aucune resonance des organes de la cavité buccale — et qui est le propre des consonnes et oppose celles-ci aux voyelles. On clit en consequence, i consonne (ou yod), u consonne et ou consonne. Les semi-consonnes sont toutes sonores et ne peuvent s'employer qu'avec des voyelles. Elles ne peuvent jamais étre support d'une syllabe, á l'inverse des voyelles : ainsi, on prononce en une seule syllabe bien, tueur et fouet, mais en deux syllabes triomphe, cruel et irouée oil i, u et ou sont des voyelles. A - Yod Le son [j] est une constrictive, orale, sonore, palatale. II est articule de facon tres voisine de i voyelle, la langue s'appuyant contre le palais. On rencontre le yod en toute position susceptible d'etre occupee par une consonne. Ainsi en debut de mot: iode [jod]; entre consonne et voyelle : chien [fje]; entre voyelles: faience [fajds]; en fin de syllabe : cuill(e)ree [kqijre]; en fin de mot: portail [portaj]. La graphie du yod prend des formes variables. Le plus souvent, elle est celle du i voyelle : aerien, miel, pied, etc. Mais on rencontre aussi la graphie i parfois a l'initiale d'un mot: iambe ou a la fin d'un mot: Hanoi, plus souvent avant voyelle : died, baionnette, naiade; et la graphie y surtout a l'initiale d'un mot: hyene, yacht, yeux. Enfin, yod est parfois represente sous les formes il, ill, qui montrent les traces d'un ancien / mouille : eventail, bdillon. MB : Le i devant voyelle passe generalement a yod. Mais ce n'etait pas le cas dans la langue classique oil / restait voyelle, d'ou des prononciations aflectant en particulier la diction poetique. Ainsi, on a affaire a i voyelle a la rime permet-tant la dierese necessaire a la lecture correcte de ces alexandrins de Racine : Vous dont j'ai pu laisser vieillir l'ambition Dans les honneurs obscurs de quelque legion. B - U consonne Le son [q] est une consonne « composée » (ou «complexe »), c'est-ä-dire que, constrictive, sonore et orale comme les autres semi-consonnes, eile est ä la fois, par son point d'articulation, labiale (exactement bilabiale) et palatale. On rencontre u consonne, toujours éerit u, seulement entre consonne et voyelle, en particulier devant la voyelle i: cuir [k\\h], fuite [fqit], pluie [plqi], etc., mais aussi devant d'autres voyelles : duo [dqo], huée [qe], made [rqad], etc. 40 I La phonetique Production et classement des sons | 41 Cependant, quand u se trouve apres un groupe de consonnes dont la seconde est une liquide (/ ou r), il est voyelle: fluet [flye], incongnate [ekSgryite], truand [tryä], etc. C - Ou consonne Le son [w] est, comme le son [tf], une consonne « composee » (ou « complexe »). Constrictive, sonore et orale, elle est ä la fois, par son point d'articulation, labiale (exactement bilabiale) et velaire. On rencontre ou consonne soit en debut de mot: ouest [west], soit apres une consonne : jouet [3\ve] ou un groupe de consonnes, sauf s'il s'agit d'un groupe consonne + liquide : marsouin [marswe]/brouetle [bruet]. La graphie de [w] est d'ordinaire ou : douane, oui, tatouage, etc. On rencontre quelques transcriptions differentes, surtout oi qui integre ou consonne + [a] comme dans foi [fwa] ou proie [prwa], et oin qui integre ou consonne + [e] comme dans coin [kwe] ou poing [pwe]. On rencontre egalement o dans de rares mots comme mcslle [mwal] ou mmllon [mwalo], citoyen [sitwaje] ou voyelle [vwajel], clans lesquels o integre ou consonne + [a] pour donner le son [wa] sous l'influence du yod fonctionnant comme voyelle avant de le faire comme consonne; u clans des mots venus du latin et de langues etrangeres comme equation [ekwatjo] (lat. (aequatio) ou iguane [igwan] (esp. iguana); w clans des mots venus particulierement de l'anglais comme tramway [tramwe] ou watt [wat]. MB : - i - Diphtongue et triphtongue. Certains phoneticiens parlent de dipliton-gue k propos du groupe voyelle + semi-consonne ou du groupe semi-consonne + voyelle, comme dans ail [aj] ou yeux [je], et de triphtongue a propos du groupe semi-consonne + voyelle + semi-consonne, comme dans ouailles [waj]. Or une diphtongue (« double son ») est la reunion de deux voyelles prononcees ä l'interieur d'une seule syllabe, une triphtongue (« triple son ») la reunion de trois voyelles prononcees dans les memes conditions. Si fanden francais a connu diphtongues (bovem > buef) et triphtongues (caput > chieej) — et si l'anglais, par exemple, en presente toujours comme dans boy [bai] « garcon » ou hour [aua] «heure » elles ont disparu de notre langue des la fin du xr-' pour les triphtongues et du xnc pour les diphtongues; elles n'existent done pas en francais moderne, meme si l'orthographe en conserve le souvenir (bien, feuille). Les digrammes comme oi. ou les trigrammes comme eau, parfois appeles improprement diphtongues et triphtongues, constituent des sons vocaliques simples. - 2 - Synerese et dierese. L'articulation de i, u, ou suivis de voyelles peut se faire en une seule emission de voix par semi-consonne + voyelle, c'est-ä-dire dans une syllabe unique, et on dit alors qu'il y a synerese (lat. syneresis, empr. au grec, « action d'assembler») : envieux [e-vJ0] comporte deux syllabes, manucl [ma-nqel] deux syllabes, desarroi [de-za-rwa] trois syllabes. Ou bien cette articulation peut se faire en deux emissions de voix par voyelle + voyelle, e'est-a-dire en deux syllabes, et on dit alors qu'il y a dierese (lat. diuresis, empr. au grec, « action de separer »): peuplier [pce-pli-je] comporte trois syllabes, nielle [ry-el] deux syllabes, trouee [tru-e] deux syllabes. Les notions de synerese et de dierese sont importantes en metrique francaise ou elles interviennent souvent pour le decompte des syllabes du vers. Les regies dans ce domaine tiennent a des raisons d'etymologie, de phonetique ou d'analogie. VI - SYLLABE Dans la chaine parlee, la succession des sons se decompose en syllabes (du grec « reunion »), qui forment les mots, une seule syllabe pouvant eventuellement former un mot: bateau [ba-to]/fe [ty]. A - Syllabe et voyelle La syllabe est en general constitute par l'assemblage d'une ou plusieurs consonnes et d'une voyelle prononcees rendu a l'oral en une seule emission de voix; les consonnes precedent, suivent ou encadrent la voyelle : vie [vi], arc [ark], port [par]. Mais une voyelle peut constituer a elle seule une syllabe, ce qui montre le caractere approximatif de cette denomination, puisqu'il n'y a pas, en 1'occurrence, de combinaison : ami [a-mi]. La syllabe est done vocalique en francais, etant donne qu'elle ne prend d'existence que par une voyelle. B - Syllabe ouverte et syllabe fermee On distingue la syllabe ouverte et la syllabe fermee (cf. p. 20, MB- 2 -, 31). La premiere est constitute ou se termine par une voyelle prononcee : illegality [i-le-ga-li-te], cinq syllabes ouvertes. La seconde se termine par une ou plusieurs consonnes prononcees ou une semi-consonnes: ardeur [ar-dcer], deux syllabes fermees; ordre [ordr], une syllabe fermee; douille [duj], une syllabe fermee. En francais, on observe une nette predominance de la syllabe ouverte, ce phenomene etant renforce par Venchainement ou la liaison des mots dans la chaine parlee (cf. p. 51 sq.), c'est-a-dire par l'appui que prend en general une consonne sur la voyelle qui suit a l'interieur d'un groupe accentuel determine : dans la ville est belle au matin [la-vi-le-be-lo-ma-te], on decompte sept syllabes ouvertes; dans prends-y garde [pra-zi-gard], on decompte deux syllabes ouvertes 42 I La phonetique Production et classement des sons [ 43 et une syllabe fermée. Ces syllabes phoniques ne correspondent ni aux mots ni aux syllabes graphiques (cf. les syllabes 2-3 et 4-5 dans le premier exemple, les syllabes 1-2 dans le second exemple). C - Syllabe et segmentation Le découpage syllabique — la segmentation en syllabes — s'etablit ä l'interieur des elements ou des groupes accentuels. II obéit ä un certain nombre de regies s'appliquant soit aux mots isolés soit aux mots entre eux dans la chaine parlée — et, dans ce dernier cas, interviennent les phénoměnes d'enchainement et de liaison. Etant posé qu'il try a de syllabe que s'il y a une voyelle, la repartition en syllabes se fait d'apres les consonnes: — une consonne entre deux voyelles. Elle forme une syllabe avec la voyelle qui la suit : atome [a-tom], pendule [pä-dyl], pendul(e) á I'heure [pa-dy-la-lcer], mais une consonne double ne compte que pour une simple : endetté [ä-de-te], immoral [i-mo-ral], lemur [te-rcer]; — deux consonnes entre deux voyelles. La premiére consonne forme une syllabe avec la voyelle qui la precede, la seconde avec la voyelle qui la suit: ardeur [ar-dcer], obtus [ab-ty], sac vide [sac-vid], mais si la seconde est [1] ou [r] ou une semi-consonne, le groupe ainsi établi ne se scinde pas et forme une syllabe avec la voyelle qui suit: aplomb [a-pl5], debris [de-bri], etre ahne [e-tre-me], bonn(e) huile [bo-nqil], sauf si la premiere consonne est elle-méme [1] ou [r] : ball(e)ime [bal-rin], parier [par-le], bell(e) femme [bel-fam]; — trois consonnes entre deux voyelles. Les deux premieres consonnes forment une syllabe avec la voyelle qui les precede, la troisiěme avec celle qui la suit: abstinence [abs-ti-näs], arctique [ark-tik], perl(e) noire [perl-nwar], mais si la derniěre consonne est un [1] ou un [r], eile s'unit ä la consonne qui precede et ce groupe forme une syllabe avec la voyelle qui suit: esclave [es-klav], fiustré [frys-tre], lac profond [lak-pro-fS]. MB : - i - Le e muet [a] fait probléme dans le découpage syllabique. Suivant qu'on le prononce ou non, le nombre de syllabes varie. La langue orale standard tend de plus en plus ä ne pas l'articuler, ce qui augmente par lä méme le nombre de syllabes fermees : om(e)lett(e) [om-let], p(e)tit(e) fill(e) [ptit-fij]. Mais la versification impose son articulation sauf en cas d'elision ou en fin de vers, de sorte que les exemples precites peuvent passer le premier de deux syllabes a quatre et le second de deux a cinq. - 2 - Un mot, selon qu'il est forme d'une, deux, ou trois syllabes, est appele monosyllabe {pas [pa]), dissyllabe (manteau [ma-to]), ou trisyllabe (romancier [ro-mfi-sje]). Quand il est forme de plus d'une syllabe, on dit communement polysyllabe. - 3 - Si la syllabe peut prendre en francais des formes tres variees, pouvant etre simple voyelle (v), ou assemblage voyelle + une ou plusieurs consonnes (c): v, cv, ccv, vc, vcc, etc., on observe que c'est le groupe cv qui est le plus frequent. Cela est du en particulier a des raisons d'enchainement, de liaison ou d'elision : man ami m'a piis au mot [mo-na-mi-ma-pri-zo-mo]. - 4 - La duree (ou quantite) d'une syllabe est fonction de celle de la voyelle qu'elle contient. De facon generale, une syllabe est d'autant plus breve que la voyelle est fermee et une syllabe accentuee est plus longue qu'une syllabe non accentuee. Mais cette notion de duree depend de nombreux facteurs qui la rendent objectivement relative (place de la syllabe dans le groupe accentuel, intonation, debit, etc.). La duree d'une syllabe etant liee a celle de sa voyelle, voir pour ce pheno-mene p. 30 sq. realisation orale des sons Les sons, pris en eux-memes, ne representent que des phenomenes phoni-ques generalement sans signification. Mais des qu'il s'agit de transmettre clu sens, ils se trouvent integres dans la chaine parlee oil ils produisent par assemblage les mots, images sonores d'une serie de signifies. Theoriquement, on devrait avoir une correspondance exacte entre les sons et les mots graphiques dans le francais. Or, s'impose une double constatation : d'une part l'orthographe ne correspond pas a la prononciation, elle reproduit aujourd'hui en gros une prononciation remontant au haut Moyen Age, vers le xnc siecle, et il n'y a jamais de relation « biunivoque » ou a un son corres-pondrait une lettre unique et inversement; d'autre part divers phenomenes inter-viennent troublant les images sonores des signifies, lesquelles n'apparaissent pas systematiquement dans la chaine parlee, il s'en faut, sous la forme phonique qu'elles prennent isolement. L'etude phonetique du francais parle pent se conduire selon trois directions principales: — en examinant les problemes de la prononciation, on rendra compte des pheno- ■ menes de discordance entre image graphique et image sonore des mots et des phenomenes d'enchainement, de liaison et d'elision; — en examinant les problemes de Vaccentuation, on rendra compte des phenomenes accentuels propres au mot ou au groupe; *% — en examinant les problemes cle Vintonation, on rendra compte des phenomenes melodiques inherents a la phrase. MB : Traditionnellement et dans un sens large, on designe par le terme 1 d' «intonation » ce qui ressortit a l'intensite, la hauteur et la duree des sons. i Dans une acception plus reduite, on parle d'« accentuation » pour ce qui est 1 du fonctionnement des accents en eux-memes en tel ou tel point de la phrase et d' «intonation » pour ce qui est du role de la seule hauteur clans la melodie 46 I La phonetique Realisation orale des sons | 47 phrastique, ces deux phenomenes etant regroupes dans la notion de prosodie. C'est le parti ici adopte. A noter qu'on appelle supraseginentale cette analyse prosodique qui, « par-dessus les seginents » qui composent la chaine orale, prend en compte les questions d'accentuation et d'intonation. I - PRONONCIATION A - Discordances entre ecrit et oral La langue parlee est composee de sons qui devraient theoriquement corres-pondre aux signes graphiques fournis par les lettres de l'alphabet, appelees aussi graphemes: va [va], tu [ty], ami [ami], etc. Or la realisation pratique de l'oral amene a constater qu'il s'en faut de beaucoup qu'il en aille toujours ainsi. D'une part, l'exacte correspondance entre le nombre de lettres du mot ecrit et le nombre de sons du mot parle n'est pas generale : le mot bateau comprend six lettres en langue ecrite, mais seulement quatre sons en langue parlee : [bato], le mot chantage comprend huit lettres en langue ecrite, mais seulement cinq sons en langue parlee : [Jata3], etc. D'autre part, l'exacte correspondance entre la nature des sons et les lettres n'est pas non plus generale : phare [far] / fard [far] et gant [ga] / gens [3a], etc. Ces phenomenes de discordance concernent done le rapport entre le nombre des lettres et les sons : il s'agit alors de discordance quantitative; et le rapport entre la nature des lettres et les sons : il s'agit alors de discordance qualitative. 1. Discordance quantitative On peut relever deux cas de discordance quantitative. Ou l'assemblage de plusieurs lettres note un son unique ou une lettre ne note aucun son. a I Lettres multiples et son unique II peut arriver que deux lettres (digramme) ou trois lettres (trigramme) marquent un son unique. II s'agit aussi bien des voyelles, des consonnes que des semi-consonnes (cf. api, p. 13 sq.). - 1 - Voyelles Le son eu ferme [0] peut etre note par les digrammes eu: jeu, ai: faisan ou par le trigramme cai: nceud; le son eu ouvert [ce] peut etre note par les digrammes eu: peur, oe: oeil, ue: accueil ou par le trigramme mu: cmur. Le son 0 ferme [o] peut etre note par la lettre 0: zone ou 6: pole, mais aussi par les digrammes au: autre, oa: toast, ad: Sadne ou par le trigramme eau: beau. De meme e ferme [e] peut etre note par la lettre e: ete, mais aussi par les digrammes ai, oe: gai, cedhne; e ouvert [e] par les lettres e, e, e: lettre, mere, guetre, mais aussi par les digrammes ai, ei: laine, peine, etc. Quant aux voyelles nasales, elles sont toujours notees sous la forme de digrammes ou de trigrammes comportant la consonne graphique n ou m. Ainsi, e ouvert nasal [e] est note par les digrammes en, im, in, yn, ym et par les trigrammes ain, aim, eim, ein: chien, imberbe, lin, syndic, thym/train, faim, Reims, plein; eu ouvert nasal [ce] est note par les digrammes un, um et par le trigramme eun: brun, par/km, ä jam, etc. - 2 - Consonnes La plupart des consonnes sont notees par une lettre, un digramme, rarement un trigramme. Ainsi [s] peut-il se noter par les lettres c, g, s, t, x, z ■' ici, ca, sur, potion, six, quartz, mais aussi par les digrammes ss, sc, Is: assiette, science, fils et le trigramme sth: asthme; [k] par les lettres c, k, q, x: cas, kepi, coq, exces, mais aussi par les digrammes cc, ch, ck, kh, qu: accord, varech, ticket, khägne, quatre, et les trigrammes cch et cqu: ecchymose, acquerir, etc. Les consonnes [ji] et [rj] se presentent toujours sous la forme d'un digramme, gn pour la premiere : digne, ng pour la seconde : camping, la consonne [/] sous la forme des diagrammes ch, sh: choix, sheiif et du trigramme sch: schema. La consonne [v] est la seule qui se presente toujours sous la seule forme d'une lettre, v ou w: vif, wagon, f en cas de liaison : neuf ans. NB : La lettre x a un Statut particulier. Outre les sons uniques [z] : dixieme [dizjem] et [s] : six [sis], eile est la seule ä pouvoir noter egalement les doubles sons [ks] : axe [aks] et [gz] : exil [sgzil]. - 3 - Semi-consonnes Seules les semi-consonnes [uj et [j] apparaissent toujours distinctement dans la graphic [uj est notee par la seule lettre u: cuir; [j] est notee soit par les lettres i et y: lion, Lyon, soit par le diagramme il: email, soit par le trigramme ill: caillot. Quant ä la semi-consonne [w], eile est notee' soit par la lettre u: square, ou w : watt, soit par le diagramme ou: oui, mais se trouve autrement incluse dans les digrammes oi, oi et le trigramme oin sans qu'on puisse distinguer ceux-ci en leurs elements et dire que, dans oi ou of, 0 represente [w] et i [a] ou [a] : moine [mwan], croitre [krwatr], ou que dans oin, 0 represente [w] et in [e] : point [pwe]. 48 I La phonetique b / Lettes et absence de son Les lettres h et e muet ont un comportement particulier, la premiere ne s'articu-lant en aucun cas, la seconde seulement en certaines occurrences. Eri outre, la consonne finale de beaucoup de mots n'est pas articulee. - 1 -H Gette lettre ne represente aucun son quand eile est isolee (eile concourt ä la realisation du son [J] ou [k] quand eile constitue un digramme avec la lettre c: chat [Ja], chceur [kcer], et du son [s] quand elle constitue un trigramme avec les lettres st: isthme [ism]). Elle fonctionne differemment selon qu'elle est ä l'initiale ou ä l'interieur d'un mot. L'/z initial est soit muet, soit aspire (cf. p. 16, MB- i -). Quand il est « muet», il ne constitue qu'un signe vide et n'entrave ni l'elision ni la liaison : I'heure, des habits. Ouand il est « aspire », il interdit l'elision et la liaison : la honte, des haches. Uli interieur n'est qu'un pur signe orthographique notant Y hiatus, c'est-a-dire la rencontre de deux voyelles: dehors, et permettant eventuellement de distinguer deux homophones: chaos/cahot. - 2 - E muet Dans beaucoup de mots, le e muet [s] ne se prononce pas. Ainsi, lorsqu'il accompagne une voyelle, son effacement phonetique est constant: deploi(e)ment, gai(e)te, mu(e), etc. Mais quand il accompagne une consonne et selon sa place et/ou la pronunciation, negligee ou soutenue, il est susceptible de s'amuir : 1(e) rev(e), normal(e)ment, vous v(e)nez, etc. En tant que marque ä fonction morphologique notant le feminin en finale de mot, e ne se prononce jamais : berger(e), joli(e), elle est venu(e). Sur cette question complexe du e muet, cf. p. 26 sq. - 3 - Consonnes finales Un bon nombre de consonnes finales ne se prononcent pas, sauf quand il peut y avoir liaison (cf. p. 52 sq.). Ainsi en est-il: — du 5 ou du x marques de pluriel: tables, fieux, — du r des infinitifs en -er: aimer, donner, ou des substantifs et adjectifs polysylla-biques en -ier: plombier, premier, en -eher: boucher, maraicher, en -ger: verger, passager, en -ailler, -eiller, -ouiller: poulailler, conseiller, houiller, — des desinences verbales -t, -ent: il rit, Us chantent, — de finales variees terminees par -b : plomb, -c: escroc, -d: find, -J: clef, -g: sang, -I: fournil, -p: coup, -s: cas, -t: mat, -x : prix, ou par un groupe de consonnes, la derniere seule ou le groupe ne se prononcant pas, comme -ct: aspect, -Is: pouls, rc: pore, -rs: gars, etc. Mais il n'y a pas de regies nettes pour ces deux dernieres series; la consonne finale ou le groupe peuvent Realisation orale des sons I 49 se prononcer : snob, bac, sud, chef, zigzag, avril, cap, as, mat, phénix, etc., et arc, contact, ours, etc. Seul l'usage permet le plus souvent de determiner la pronunciation. 2. Discordance qualitative On peut relever deux cas de discordance qualitative. Ou bien ä un son determine correspondent des lettres différentes ou ä une lettre déterminée correspondent des sons différents, les digrammes et les trigrammes étant entendus comme elements sonores ou graphiques uniques. a / Méme son et lettres différentes Le cas est general, ä part la semi-consonne [q] toujours notée u: un méme son peut étre représenté par des marques graphiques différentes — les consonnes doubles entrant dans le cadre general des marques graphiques différentes par rapport aux consonnes simples. Autrement dit, un son-voyelle, un son-consonne, une semi-consonne (sauf [if]) dans la langue parlée trouvent toujours plusieurs realisations possibles dans la langue éerite. Voici quelques exemples (pour d'autres, cf. api, p. 13 sq.). - 1 - Sons-voyelles -a- Voyelles orales : é ouvert [e] peut étre représenté par les lettres e: pere, e: jer, é: fiele, les digrammes ai: volontaire, at: traine, ei: reine, et: füret et le trigramme ais: mais; é fermé [e] peut étre représenté par les lettres é: bonté, et les digrammes ai: gai, er: berger, es: des, ez: nez, oe: oecuménique, etc. - b - Voyelles nasales: a fermé nasal [a] peut étre représenté par les digrammes am: ambre, an: avantage, em: embout, en: entrée, et les trigrammes aon : taon, ean: Jean; é ouvert nasal [ě] peut étre représenté par les digrammes en: chien, im : timbre, in : fin, ym: nymphe, yn : lynx, et les trigrammes aim : daim, ain : pain, eim: Reims, ein: rein, etc. - 2 - Sons-consonnes -a - Consonnes occlusives : [p] peut étre représenté par la lettre p: pas et le digramme pp: appas; [t] peut étre représenté par la lettre t: tombe et les digrammes th: thon, tt: attrait; [k] peut étre représenté par les lettres c : car, k: kaki, q: coq, x: exces, les digrammes cc: accord, ch: chlore, ck: stock, kh: khagne, qu: conquéte, et les trigrammes cch: saccharine, cqu: acquérir, etc. - b - Consonnes constrictives : [f] peut étre représenté par la lettre f: fioie, et les diagrammes ff: affaire, ph: phare; [J] peut étre représenté par les digrammes ch: eher, sh: shah, et le trigramme sch: schiste; [s] peut étre représenté par les lettres s: sot, c: cent, §: regu, t: potion, x: dix, les digrammes sc: ascenseur, ss: cassure, et le trigramme sth: asthme, etc. 50 I La phonétique Realisation orale des sons | 51 - 3 - Semi-couronnes [j] peut etre represente par les lettres i: pion, i: faience, y: yod, le digramme il: ail et le trigramme ill: canaille; [w] peut etre represente par les lettres u : square, w: watt, le digramme ou: fouet, et entre dans les digrammes oi: loi, oi.: boite (cf. p. 47). b / Mime lettre et sons differents Le cas est assez general: une meme marque graphique peut representer des sons differents. Autrement dit des marques prenant l'apparence d'une lettre-voyelle ou d'une lettre-consonne dans la langue ecrite, isolees ou combinees, trouvent souvent plusieurs realisations possibles dans la langue orale. Voici quelques exemples (pour d'autres, cf. api, p. 13 sq.). - 1 - Lettres-voyelles isolees La lettre e peut representer les sons e ouvert [e] : sec, a ouvert [a] : femme et e muet [a] : tristement; la lettre o peut representer les sons o ouvert [o] : fort et o ferme [o] : dos; la lettre u representer les sons u [y] : abus, o ouvert [o] : pensum, u consonne [q] : huitre et ou consonne [w] : square; la lettre i peut representer les sons i [i] : tir et i consonne [j] : iode, etc. - 2 - Lettres-consonnes isolees La lettre c peut representer les sons [k] : cadre, [s] : cible et [g] : second; la lettre g peut representer les sons [g] : gant et [3] : giffle; la lettre t peut representer les sons [t] : tas et [s] : quotient; la lettre x peut representer les sons [s] : dix et [z] : dixieme, et les doubles sons [gz] : exil et Pes] : axe, etc. - 3 - Lettres combinees Le digramme eu peut representer les sons eu ouvert [ce] : heme, eu ferme [0] : bleu, u [y] : gageure et, integre dans le trigramme eun, eu ouvert nasal [ce] : a jeun; le digramme en peut representer les sons a ferme nasal [a] : tente, e ouvert nasal [e] : examen, ou les doubles articulations [en] : hymen ou [en] : ennemi (si le e muet est prononce); le diagramme ch peut representer le son [J] : chat et le son [k] : chrome; le trigramme ill peut representer les doubles articulations [ij] : bilk ou [il] : milk, etc. MB : - 1 - On peut appeler phonogrammes les lettres — simples ou multiples (digrammes, trigrammes) — dans la mesure ou elles correspondent aux sons de l'oral et remplissent alors une fonction phonographique. En revanche, certaines lettres non prononcees servent uniquement a marquer des categories morphologiques : ainsi, pour le genre, le e notant le passage du masculin au feminin : bleu/bleue, ennemi/ennemie, donne/donnee; ou, pour le nombre, le s notant le passage du singu-lier au pluriel: bleu/bleu(e)s, ennemi/ennemi(e)s, donne/donne(e)s (ce s etant prononce en cas de liaison, bien entendu). On peut appeler morphogrammes ces lettres dans la mesure ou elles remplissent alors une fonction morphologique. La graphie permettant de distinguer des mots semblables ä l'oreille (homophones) : vain, vainc, vin, vingt, vint, les lettres qui par fonction distinctive permet-tent de reconnaitre ces mots ä 1'écrit sont parfois appelées logogrammes dans la mesure oů elles remplissent alors une fonction logogmphique. - 2 - La discordance entre 1'écrit et l'oral tient principalement ä deux faits. D'une part, l'orthographe correspond en gros ä une pronunciation du xnc siěcle, l'ecriture conservant aux mots une image graphique déterminée alors que leur pronunciation évoluait et se modifiait: par exemple, les finales comme la desinence -ent des formes verbales sonnaient et elles apparaissent toujours dans la graphie, alors qu'elles ne se prononcent plus, l'adjectif bonne prend deux n qui rappellent que o était alors nasalise et qu'on articulait [b5n], alors que cette voyelle est devenue 0 ouvert, etc. D'autre part, la tendance des lettrés a été, en particulier depuis le xvie siěcle, de conserver ou de restituer aux mots une forme graphique la plus proche possible de leur etymon latin : par exemple automne du lat. autumnus ou doigt du lat. digitus. A ces faits s'ajoute aussi que des lettres ont été introduites par erreur, comme le p de dompter (lat. domitare) ou par la fantaisie des scripteurs comme le montre le double n de honneur (lat. honos). - 3 - Les prononciations exposées sont des prononciations normatives. Force est de constater que le frangais contemporain tend ä neutraliser fácheusement certaines oppositions et qu'on observe ainsi un alignement de [e] sur [e] quand la voyelle n'est pas sous l'accent: mattresse [metres], pécheur [pejeer], ou clans les desinences d'imparfait: aimais [eme] et de conditionnel: aimerais [emare]; de [a] sur [a] : hate [at], paleur [palcer]; ou de [če] sur [ě] : brun [brg], parfum [parfě]. B - Enchainement, liaison, elision Alors qu'ä 1'écrit les mots se trouvent séparés par des blancs, ä l'oral ils se trouvent integres dans la chaine sonore qui les fait se suecéder continüment. A 1'intérieur d'un méme groupe accentuel, une consonne finale peut prendre appui sur la voyelle qui suit éventuellement et constituer alors avec celle-ci une syllabe (cf. syllabe, p. 41 sq.). Ainsi, dans une phrase comme : Je vais~ä l^école poufapprendre, oral: hja-ve-za-le-kol-pu-ra-prädr], on observe trois phénoměnes de rattachement phonique des mots entre eux, signalés par le signe /~Y, qui créent des syllabes. Si ces trois phénoměnes peuvent se regrouper sous le terme general $ enchainement, ce terme ne s'applique strictement parlant qu'aux syntagmes «l'~école » et «pour"apprendre», «vais~ä» présentant une liaison, cas particulier de l'enchainement. Quant ä l'enchainement «l'~école », il pose le probléme de Yélision qui le conditionne. 52 I La phonétique Realisation orale des sons | 53 7. Enchatnement On parle d'enchainement tres precisement quand une consonne finale prononcee, eventuellement un groupe de consonnes, forme une syllabe avec la voyelle initiale du mot qui suit: «l'"ecole », «pour~apprendre ». Dans cette operation, la consonne ne change pas de nature — contrairement a ce qui peut se produire dans la liaison : ainsi, la sonore orthographique d devient en liaison la sourde orale t: « grand age » [grdta3]. Seul fait exception dans l'enchainement neuf devant cms, autres, hemes, homines ou le / se sonorise en v [nceva]. Quand un mot se termine par une seule consonne prononcee, cette consonne fait partie de la meme syllabe que la voyelle initiale qui suit: fecoute [3e-kut], Vaffaire 'est faite [la-fe-re-fet] Quand un mot se termine par deux consonnes prononcees, la premiere fait partie de la syllabe qui precede, l'autre de la syllabe qui suit, sauf quand la deuxieme consonne est I ou r (cf. p. 42) : Pare" a huitres [par-ka-yitr], concept""archaique [k5-sep-tar-ka-ik]/(?f/z/Vj table"ouverte [ta-blu-vert], lettre"Pnonyme [le-tra-no-nim]. Les groupes de consonnes finales r + consonne : rd, rg, rs, rt, ou la seconde consonne est muette (aussi rt dans mori), font l'enchainement par r qui est articule. Les mots qui ont ces finales ne pratiquent done pas la liaison : fardfd joue [fa-ra-311], je sors"d pied [33-so-ra-pje], il sort"a pied [il-so-ra-pje], sauf en cas d'inversion de pronoms de 3° personne : sort"on? [sor-to], perd-"il? [per-til]. 2. Liaison Dans la chaine parlee, la consonne finale muette d'un mot ne se prononce pas devant une consonne ou un h aspire au debut du mot qui suit: Mauvais coup [moveku], deux fois [d0fwa], des haches [deaj"]. Mais si le mot qui suit commence par une voyelle ou un h muet, cette consonne peut se prononcer. II y a alors liaison et la consonne ainsi prononcee fait une syllabe avec la voyelle qui la suit: Mauvais"enfant [mo-ve-za-fa], deux"amis [d0-za-mi], des"hommes [de-zom]. En d'autre termes, des consonnes normalement simples graphies sont suscep-tibles de s'articuler ä l'oral. Ce phenomene de liaison, extremement complexe, se realise pour des raisons qui tiennent ä la syntaxe, ä la moiphologie ou ä la phonetique. D'ou des liaisons qui, pour l'une ou l'autre de ces raisons, sont en theorie obligatoires, interdites ou facultatives, la personne du locuteur intervenant de surcroit, en sorte que, selon le niveau de langue, il y aura plus (langage soutenu) ou moins (langage reläche) de liaisons effectuees. MB : - i - On ne pratique pas la liaison devant des onomatopees: des ah! [dea], - 2 - Une semi-consonne devant voyelle k 1'initiale d'un mot est normalement traitee comme une voyelle, sauf dans les mots etrangers : des ouies [dezwi], des yeux [dezj0], des /miles [dezqil], mais : des ouistilis [dewistiti], des yachts [dejak], 011 il n'y a pas liaison. - 3 - Liaisons vicieuses. On parle dc pataques si unc consonne est substitute ä une autre : tro(p)~z-hahile, de cuir si un / s'introduil indiiment : dis-moi-l-un pen, de velours si e'est un z '■ j'ai-z-appris. - 4 - Changement de sonorite de consonnes finales dans la liaison. Les sourdes s et .v deviennent sonores [z] : des amis [dezami], deux'amis [dozami]: la sonore d devient sourde [t] : grancfliomnie [grötom]; la sonore g devient sourde [k] clans sang impur [säkepyr], sang el eau [säkeo] (autrement elle reste sonore el s'articule ou non : long article [15(g)artikl]). - 5 - Changement de timbre de voyelles finales dans la liaison. Au masculin singulier, quand la consonne finale est un n de voyelle nasale clans les adjectifs en -ain, -ein, -en [e] et -on [5] (sauf d'ordinaire pour mon, ton, son), on a clenasalisa-tion de cette voyelle avec changement de son timbre, [g] donnant [en] et [5] [on]: vain effort [venefor], plein emploi [pknciplwa], Aloyen Age [mwajencx3], bon appetil [bonapeti]. Avec les adjectifs en -in, la clenasalisation est facultative — mais habituelle —, la voyelle gardant ou non son timbre; d'oü, l'alternance [e]/[in] : divin i'lvsse [divenylis] / [divinylis]. Avec quelques adjectifs en -er, -ier, [e] passe normalement ä [e] : leger accent [le3eraksä]/[Ie3eraksä], premier amour [prsmjeramurj/fprsmjeramur]. a / Liaison obligatoire Elle ne Test vraiment qu'entre les mots prononcés sans qu'il y ait arret de la respiration et composant une étroite unite de rythme et de sens : toute pause l'interdit. Elle est done seulement possible á 1'intérieur du groupe phonétique délimité par l'accent tonique (cf. p. 59 et NB) — ce qui par definition interdit á un mot accentué de faire la liaison avec le mot suivant: etes-vous heu'reux? ces ouvrages sont á 'vous el fen ai le plus grand'soin; ces"enfantf impru'dents onCeu un"accident. 54 I La phonétique Realisation orale des sons I 55 La liaison se fait ainsi: — dans le groupe nominal: les"oiseaux; ton"affaire; ces~histoires . determinant + substantif, ces^ignoblefallusions; lews"habilefarguments .determinant + adjectif + substantif, daníun an; apres" une'" intermption . preposition + determinant + substantif, — dans le groupe adjectival adverbe + adjectif: trés~~ardu; bieiCinspiré, trop"habile, — dans le groupe verbal: iCaime; nous"avons; vous^hésitez . sujet pronom + verbe, je les"ai; noufen"avons; vouš~~y allez . sujet + pronom ou adverbe pronominal + verbe, vient-~il? Part-'"on? Veulent-"elles? . verbe + sujet pronominal, il paraif impossible; vous"etes"odieux . verbe + attribut, ils sonCarrives; vous~avezfobtenu . verbe ä la forme composée, — dans beaucoup de mots composes et autres locutions: mofá mot, us~~et coutumes, en"outre, vis-^a-vis de, etc. (mais nez á nez, pas á pas, etc.). En outre, la liaison est théoriquement obligatoire quand on veut distinguer morphologiquement le nombre pluriel de mots homographes pour lesquels la liaison serait possible tant au singulier qu'au pluriel par un s ou un x final: un Mas en Jleurs/des Mas"en fleurs; une faux aiguisée/des faux"aiguisées. b / Liaison interdite Elle Test en tout premier lieu quand s'y opposent la distribution en groupes phonetiques: par'tons, il est'temps; les enfants obei'ssants ecoutent leurs pa'rents, ou la presence d'un h aspire au debut du mot suivant le mot a consonne finale muette : des haies, en haillons, grand hall, bon havane, petite hutte. La liaison est aussi interdite : — apres la conjunction et: un crayon et une gomme; mon chien court et aboie, — apres la finale r + consonne muette (cf. p. 52): bourg isole, mart au combat, vers une heme (mais pore- epic), — apres la consonne finale muette d'un nom au singulier : plat assaisonne, coup audacieux, champ en friche, Rennes est une prefecture (mais plats"assaisonnes, coups"audacieux, etc.), — apres la marque s interieure de pluriel des mots composes: arcs-en-ciel, betes ä bon Dieu, pores-epics, — apres la desinence -es de 2C personne du singulier de Findicatif et du subjonetif presents: tu ainies ä jouer; que tu partes au plus vite, — devant des mots isoles, noms de nombre et autres noms divers (onomatopees ou noms etrangers, etc.): nous sommes onze, des ululements, des yaourts. c / Liaison facultative En dehors des cas oii elle est imposee ou recusee, la liaison est souvent objet de choix. Plus la prononciation se veut soutenue, plus il y a de liaisons, ce qui peut conduire ä un parier affecte et meme pedant. Mais la conversation ordinaire en elimine ä l'inverse beaucoup, sans qu'on puisse determiner les raisons de cette exclusion, et tel ou tel groupe de mots se dira indifferemment avec ou sans liaison : toujours" est-il que/toujours est-il que; ils donnent aux pauvres/ils donnent aux pauvres; tu vas chanter"une chansonItu vas chanter une chanson. 3. Elision Dans la chaine parlee, les voyelles e muet, a ouvert et eventuellement i ne se prononcent pas quand elles sont situees ä la finale de certains mots et que le mot suivant commence par une voyelle ou un Ii muet — les semi-consonnes initiales devant voyelle produisant le meme phenomene, comme pour la liaison (cf. p. 53, NB-2-). II y a elision (lat. elisio « ecrasement »), ce qui empeche Vhiatus, c'est-ä-dire la rencontre de deux voyelles (lat. hiatus « Ouvertüre », de Iiiare « etre 56 I La phonétique Realisation orale des sons | 57 beant»). La ou les consonnes, s'il y a lieu, precedant la voyelle elidee forment une syllabe avec la voyelle du mot qui suit : grand(e) affaire [gra-da-fer], acr(e) odeur [a-kro-dcer], bonne(e) huile [bo-nuii]. Dans ces exemples, on peut observer que Tension n'est pas marquee par la graphie. Mais dans : faime, I'air, Vhorreur, teinture d'iode, s'il, elle Test au moyen d'une apostrophe, signe graphique /'/. On peut done opposer elision non graphique (grand(e) affaire) et elision graphique (j'avne). L'apostrophe est d'un emploi relativement restreint. Voici les cas ou elle intervient apres amuissement d'une des trois voyelles [a], [a] et [i]. a / E muet II s'elide devant tout mot a initiale vocalique : — dans l'article le : I'ange, I'eclair, Pilot, I'objel, I'univers, — dans les pronoms personnels je, me, le, se, le atones : J'ose, il m'(t')aime, s'appuyer, je Vouvre. MB : - i - Le pronom le n'est bien sur pas elide quand il se trouve en position accentuee : dis-'le a Inns. - 2 - Apres l'imperatif, les pronoms me et le s'elident quand ils sont suivis cle en ou v. Depuis le Moyen Age, les formes fortes moi et toi sont remplacees dans cette position par les formes faibles me et le devant les adverbes pronomi-naux qui portent l'accent: dis-moi la raison/dis-'m'en la raison, jette-toi/jelte-'t'y. Mais dans une langue relachee, la forme forte est conservee, un £ s'intercalant entre le pronom et l'adverbe pronominal d'apres des sequences comme dis-nous-cn, jetle-nous-y: dis-moi-z-en, jetle-toi-zy. Quant aux assemblages my, I'y, ils sont evites au profit cle y-moi et y-toi : menes-y-moi. jeltesy-loi, eux-memes cle peu d'usage. Le 5 qu'on observe dans ces dernieres sequences a la finale cle l'imperatif suivis de en et y est un souvenir cle l'ancienne langue, par analogie avec la seconde personne du singulier de l'indi-catif present. Mais l'imperatif perd le s si en et y sont suivis d'un inlinitif: va en prendre, mene-y promener les en/ants. clans le pronom démonstratif ce devant l'adverbe pronominal en et devant le verbe etre ä la forme simple ou composée : c'est en fait; e'est á moi. cest fini, (fa été, la forme réduite prenant une cédille devant a, — dans le pronom relatif ou interrogatif et la conjunction que seule ou intégrée ä une locution conjonctive : le travail qu'il fait, qu'as-tu? je veux qu'on vienne, aprés qu'elle a parle, — dans les conjunctions lorsque, puisque, quoique devant il, elle, on, en, un, une, ainsi : lorsqu'il part, puisqu'on sort, quoiqu'une fiois, — dans les prepositions de et jusque: ď aplomb, d'un seid coup, jusqu'á present, jusqu'ici, — dans l'adverbe de negation ne il n'est pas la, on n'en sort pas, je n'ignore pas, tu n'as que lui, — dans quelque en composition avec un(e) : quelqu'un; presque en composition avec íle: presqu'ile; entre en composition avec les verbes aimer, apercevoir, appeler, avertir, égorger: s'entr'aimer s'entr'égorger (mais il y a soudure dans entracle, entraide, entrouvrir, s'entraider, etc.). a /A II s'élide devant tout mot ä initiale vocalique : — dans l'article la : ľaudace, ľénergie, ľidée, ľoreille, ľ humanite, — dans le pronom personnel atone la : cette chanson, je ľécoute et je ľahne, mais : écoute-la aussi, aime-la aussi. c /I II s'elide uniquement dans la conjonction si du systéme hypothétique ou de l'interrogation indirecte devant il(s) : s'il vienl, je serai content; dis-moi s'il vient. MB : - i - Par analogie, l'elision n'a pas lieu devant certains noms cle nombre et Ton dit le un, le onze, la onziéme comme le deux, le douze, la dixiěme. De méme pour oui, par analogie avec le non, sauf parfois aprěs que: je avis qu'oui. - 2 - De méme qu'on ne pratique pas la liaison, on ne pratique pas l'elision devant une onomatopée : le ululement, ou devant un mot étranger commencjant par une semi-consonne : le yankee (sur l'absence de liaison, cf. p. 53, MB - i - et - 2 -). - 3 - On doit normalement pratiquer l'elision devant les noms cle voyelles. Mais leur peu de corps phonétique, facteur d'ambigui'te, aměne fréquemment á articuler le e muet: le a, le i plutót que Va, Vi. L'absence ďélision s'observe pour la méme raison avec les consonnes f [ef] ou v [iks] : le f. le x. 58 I La phonétique Realisation orale des sons | 59 - 4 - Le langage reláché pratique couramment 1'élision du u de tu et du i de qui pronoms : ťes la? I'homme qu'est venu. ou des consonnes non prononcées qui suivent le e muet et devraient provoquer la liaison : nous somm(es) id, des bonn(es) histoires. En revanche, le i de si conjonction est prononcé : si i(l) veut. - 5 - En cas de passage á la ligne, on ne met jamais en fm de ligne un mot dont la voyelle finale élidée est signalée par l'apostrophe, ce mot faisant corps phonétique et syntaxique avec le mot qui le suit et ne pouvant en aucun cas étre séparé de lui. On coupera ainsi un amourI'i'enfant ou, á la limite, un amour ďen-1fant. - 6 - L'elision était plus fréquente dans Pancienne langue qu'elle ne 1'est aujourďhui. Comme Femploi de l'apostrophe ne remonte qu'au xvř' siěcle, il a pu en résulter certaines mauvaises graphies des groupes incluant une elision, le mot élidé s'agglutinant un mot suivant: I'endemain est devenu ainsi lendemain, 1'ierre lierre, ou m'amie ma mie. II - ACCENTUATION Si en tant qu'elements phonetiques isoles les sons ne se distinguent entre eux que par le timbre, dans leur realisation orale — mot ou groupe de mots — ils se distinguent aussi par la duree, l'intensite et la hauteur. G'est ainsi que des syllabes de la chaine parlee s'articulent avec un certain gonfiement de la voix et sont, par rapport aux autres syllabes, plus longues, plus soutenues, plus graves ou plus aigues. On parle ^ accents de duree, d'intensite et de hauteur. A - Caracteres generaux de I'accent 7. Duree La duree — la longueur — d'un son est faible. Dans certaines langues, la variation de duree des voyelles prend une valeur distinctive, c'est-a-dire qu'elle permet de differencier deux mots. C'est le cas en latin par exemple : on distingue ainsi concitus avec i bref «pousse » et avec i long « assemblee », parens avec a bref «parent» et avec a long « obeissant». II n'y a rien de semblable en francais oia l'allongement d'une voyelle n'est sensible que sous I'accent tonique (cf. infra, p. 59 sq.). 2. Intensite L'intensite d'un son est l'amplitude vibratoire de ce son mesuree en decibels. Dans certaines langues, la variation d'intensite des voyelles prend egalement une valeur distinctive. C'est le cas de l'anglais ou Ton oppose le substantif subject quand I'accent porte sur u et le verbe subject quand il porte sur e. II n'y a la rien non plus de semblable en francais ou I'accent d'intensite prend une place fixe sur la derniere syllabe prononcee. 3. Hauteur La hauteur d'un son est liee a la frequence des vibrations sonores mesuree en hertz. Dans certaines langues « a sons », c'est-a-dire tirant parti de la hauteur, comme le chinois ou le suedois, la variation de hauteur prend egalement une valeur distinctive et permet ainsi de differencier des mots apparemment identi-ques : le mot chinois chu signifie avec un son uni « pore », avec un son montant « bambou », etc. La encore, le francais ne propose rien de semblable pour la raison que I'accent de hauteur frappe de la meme facon toute syllabe finale prononcee. L'accent francais n'est done pas distinctif mais remplit de tout autres fonc-tions. II est soit accent tonique soit accent d'insistance. B - Accent tonique 1. Nature L'accent tonique est un accent compose, mais ses trois caracteristiques — duree, intensite, hauteur — jouent de facon inegale. II est improprement dit «tonique » («de hauteur»), terme emprunte a la grammaire ancienne, dans la mesure ou ce n'est pas la hauteur qui l'emporte. Quant a l'intensite, elle y est moindre que la duree. De ces trois valeurs, mesurees de facon precise par des appareils scientifiques, c'est la duree qui est le parametre le plus important et qui cons-titue la caracteristique fondamentale de l'accent tonique. Cet accent tonique allongeant ne concerne pas les consonnes et n'interesse que les voyelles dans une syllabe accentuee. 2. Place L'accent tonique est fixe et frappe toujours, avec les effets conjoints de la duree, de l'intensite et de la hauteur, la derniere syllabe prononcee d'un mot isole ou d'un groupe de mots. Le groupe est articule clans une seule emission de voix et compose une unite de rythme et de sens; on l'appelle groupe accenluel et il se conclut par une pause plus ou moms forte'. Pour marquer graphiquement l'accent tonique, on adoptera ici et passim la symbolique habituelle : dans l'ecriture ordinaire, l'accent tonique est repre-sente par une simple apostrophe precedant la syllabe qui le porte; dans l'ecriture phonetique, par une apostrophe verticale a la meme place : auto'car [oto'kar]; le soleil'bnlle; si tu'viens, je serai con'tent. 60 I La phonétique Realisation orale des sons | 61 MB : - i - Le groupe est appelé accenluel ou phonétique ou mot phonétique si ľon veut souligner qu'il se conclut sur ľaccent tonique; syntaxiqae si ľon veut souligner qu'il posséde une unite de sens; lythmique si ľon veut souligner qu'il présente une unite de rythme; respiratoire ou de souffle si l'on veut souligner qu'il se prononce avec une seule emission vocale. - 2 - L'accent tonique francais tombant ä place fixe sur la derniere syllabe prononcée du mot ou du groupe, on dit qu'il est oxyton. Historiquement, cette particularité s'explique par revolution phonétique du latin au francais. En latin, la place de l'accent dépendait de la quantité de l'avant-derniere syllabe, la pénulliéme. Si celle-ci était longue, elle portait l'accent (paroxyton) : Romanus « romain », accent sur a. Si celle-ci était bréve, c'est la syllabe qui la précédait, V antépénultiéme, qui portait l'accent (proparoxyton) : miseticordía «pitie », accent sur o. Dans les mots de deux syllabes, ľaccent portait toujours sur la pénultiéme, longue ou bréve : Roma « Rome », accent sur o, puis « pieux », accent sur i. Le francais a continue ľaccentuation latine, mais en renforcant l'accent au detriment de la syllabe ou des syllabes qui suivaient la syllabe tonique, au point que celles-ci ont disparu ou se sont conservées sous la forme cľun e quand elle contenait un a, ce e n'étant plus articulé dans le francais cl'aujourd'hui. On a eu ainsi une evolution qui a conduit de malum ä mal, cle cänlat ä dianie ou de maliliam ä malice, les mots francais se trouvant ainsi porter ľaccent sur la derniére syllabe. Les mots tardivement empruntés au latin ont maintenu cette place ä ľaccent sans tenir compte de sa place d'origine : methodus donne ainsi mélhode ou penaulus pendule. Les marques désinentielles latines ayant disparu en raison de ce phénoméne accentuel, c'est entre autres par les determinants ou les pronoms personnels que le francais peut opérer des distinctions morphologiques et syntaxiques : le chat/les chats, tu chantes/il chante. 3. Fonction Dans la chaíne parlée, ľaccent délimite le groupe accentuel correspondant aux syntagmes de la phrase, il a done fonction démarcative. Le probléme est de determiner en consequence les mots aptes ä recevoir ľaccent. Certains, dits cliliques, ne le sont jamais; d'autres, dits accentogénes, le sont. a / Cliliques Ces mots sont toujours atones. lis prennent appui (clitique, du grec « appuyé ») sur le mot voisin qui porte ľaccent, ľaccentogéne. II s'agit des determinants articles ou adjectifs: la, ce, mon, etc., des pronoms adverbiaux : en, y, ou personnels, en particulier conjoints : je, tu, le, etc., des pronoms sujets: §a, ce, on, des prepositions: aprés, dans, vers, etc., de la plupart des conjonctions: et, mais, ou, etc. Ouand il font corps phonétique avec le mot qui suit, on les appelle procliti-ques, et c'est le cas general : le'train, ma biblio'lheque, je'marche tranquillemenl. Ouand ils font corps phonétique avec le mot qui precede, on les appelle enclitiques, et on n'en rencontre guěre en francais : que'fais-je? 'donnes-en. MB : Quand un pronom prend l'accent par suite de sa construction, il est dit tonique: dis'moi, avec'toi. Au cas contraire, il est dit alone: je'dis, je le'vois. b / Accentogénes Ces mots sont susceptibles de recevoir l'accent et permettent ainsi de délimi-miter le groupe accentuel constitué par des syntagmes nominaux ou verbaux. Dans une phrase comme : « Les etu'diants tra'vaillent dans la biblio'theque cle l'universi'te », les mots étudiants, travaillent, bibliotlieque et universitě sont accentogénes et déterminent les limites pour le premier d'un syntagme nominal sujet, pour le second d'un syntagme verbal, pour le troisiěme d'un syntagme nominal complement ciconstanciel, et pour le dernier d'un syntagme nominal complement de determination. La fonction de l'accent tonique en francais est done bien une fonction démarcative. Différents facteurs jouent un role pour qu'un mot accentogěne recoive l'accent — facteurs tenant en particulier á la phonétique, á la morphologie, á la sémantique et intervenant séparément ou conjointement. - 1 - Accentogénes et cohesion phonétique Le francais ne tolěre pas la presence de plus d'un accent tonique clans un méme groupe. Aussi bien, il est possible cle mettre un accent sur chaque mot dans une sequence substantif + acljectif, e'est-a-dire quand on a 1'orclre determine + determinant et que ce dernier est polysyllabique, chaque mot formant pour sa part un groupe accentuel: un trav'ail achar'ne, une re'ponse stu'pide. Si le determinant est monosyllabique, il désaccentue le determine : une porte'basse, il travaille'bien. Mais en revanche, clans le cas inverse de la sequence acljectif + substantif, e'est-a-dire quand on a l'ordre determinant + determine, seul le determine peut porter l'accent et le groupe forme une unite phonétique : une excellenle re'ponse, une belle'route. - 2 - Accentogénes et cohesion morphologiqiie et/ou syntaxique La nature morphologique d'un mot est étroitement clépendante ďéléments qui 1'accompagnent, comme les determinants pour le substantif ou le pronom sujet conjoint pour le verbe. La disparition cles marques flexionnelles interdit en effet de distinguer le plus souvent soit le nombre pour le substantif soit la personne pour le verbe. Le determinant ou le pronom sujet conjoint font alors 62 I La phonetique Realisation orale des sons | 63 coips phonetique avec l'accentogene auquel ils conftrent les marques de nombre pour les determinants, de personne pour le verbe : le che'val, ma'table, je'chante, tu'chantes. La syntaxe intervient également ici. II importe de ne pas disjoindre des mots lies fonctionnellement et de ne pas leur donner d'autonomie alors qu'ils n'existent que l'un par rapport á l'autre : sujet et verbe, determinant et determine, preposition et complement, etc. : ils'osenl, tes'yeux, avec'lui. - 3 - Accentogenes et cohesion sémantique Dans des ensembles adjectif + substantif et l'inverse, ou l'adjectif est de séman-tisme faible, l'accent va se poser selon l'ordre des elements et le sens procure sera different. Si l'adjectif precede le substantif, celui-ci porte seul l'accent, l'adjectif perdant son autonomie sémantique et formant corps phonetique et sémantique avec son support dans un ensemble proche du mot compose : une petite voi'ture, une belle'femme, un granďhomme. Si l'adjectif suit le substantif, les deux mots portent l'accent, l'adjectif se distinguant du substantif et offrant une caractérisation maximale. II est séparé de son support par une pause et conserve sa pleine identitě sémantique : une voi'ture pe'tite, une'femme'belle, un'homme'grand. Les mots composes et les locutions verbales ne prennent qu'un accent, leurs elements étant percus comme un tout sémantique par lexicalisation : jer a sou'der, idee'fixe, pot-au'feu, avoir rai'son, prendre a te'moin, se faire'fort. Mais il peut arriver que, dans une locution verbale, chacun des compo-sants soit percu séparément, auquel cas un accent les frappe l'un et l'autre, leur restituant une autonomie sémantique : il'fait pále fi'gure, nous per'dons notre'temps, il'joue gros'jeu. C - Accent d'insistance Sans que disparaisse l'accent tonique d'un mot isolé ou d'un groupe de mots, il peut exister un accent appelé accent d'insistance. Cet accent affecte une consonne ou une syllabe prononcées avec une plus grande vigueur. II a un role de mise en relief volontaire, qui l'oppose á l'accent tonique toujours inconscient. Si l'accent tonique frappe toujours la fin d'un mot, l'accent d'insistance en frappe en general le debut. On distingue deux sortes d'accent d'insistance, l'un affectif {ou emotionnel, emphatique, expressif), l'autre intellectuel (ou intellectif logique). 1. Accent d'insistance affectif II est provoque par une emotion quelconque et il trouve done son origine dans un mouvement affectif: colere, joie, admiration, etc. L'accent frappe la premiere consonne d'un mot, la seconde si le mot commence par une voyelle, et provoque son allongement: e'est (ffantastique! [f:], in ft) tolerable/ [t:]. L'accent d'insistance affectif est done caracterise par l'allongement du premier element consonantique d'un mot. 2. Accent d'insistance intellectuel II permet de distinguer ou de definir un mot ou de I'opposer a un autre et il frappe d'ordinaire la premiere syllabe, mais peut aussi frapper une syllabe interieure ou finale, qui sont articulees avec une intensite soutenue et ainsi mises en relief et devenues differentielles : pxecepteur et non pexcepleur, conjecture et non conjoncture, offciel et non officieux; vous trouvez ce spectable vemarquable, je le trouve detestable. L'accent d'insistance intellectuel est done caracterise par l'intensite d'une syllabe surtout a l'initiale d'un mot. Ill - INTONATION En francais, les phrases prennent selon leurs modalites une melodie particuliere : des variations de hauteur musicale affectant le son des elements vocaliques caracterisent les enonces et leur conferent un contour melodique appele intonation. On peut dire de facon globale que, en dehors de l'interrogation totale, la voix descend en fin de phrase. Dans tous les cas, la fin de la melodie est marquee par une pause de duree variable — que l'ecrit note par toute une serie de signes graphiques «hierarchises » selon l'importance de la pause ä observer : virgule, point-virgule, point, etc. (cf. p. 73 sq.). La courbe melodique peut s'etablir par la distinction, en gros, de quatre niveaux : niveau 1 : grave; niveau 2 : medium (e'est le point d'attaque ordinaire 64 I La phonétique de la phrase); niveau 3 : haut; niveau 4 : aigu. On établit ainsi Fintonation de base d'une phrase selon sa modalite qffinnative (ou assertive, declarative, énonciatwe), interrogative, imperative (ou jussive) — varieté d'une modalite qu'on peut presenter de facon plus generale comme exclamative et incluant diverses nuances. Ces intonations ont une fonction syntaxique dans la mesure ou elles permettent de distinguer les modalités: les marques mélodiques sont bien significatives. En prenant une phrase simple sans pause, eu égard aux liens de dépen-dance unissant les différents elements, on obtient trois courbes mélodiques de base. A - Courbe affirmative 4 -\ient 3 re- ce 2 II I soir. La phrase comporte une partie ascendante, la protase (grec « exposition »), amenant au point le plus haut, et une partie clescenclante, Yapodose (grec « conclusion »), terminant la phrase á un point un peu plus bas qu'elle n'a commence. Dans la protase, tout se passe comme si on posait une interrogation á laquelle l'apodose apporte une réponse. En d'autres termes, la protase constitue le theme (ou propos, ce que Ton dit) et Fapodose le prédicat (ce que l'on clit sur le theme). Le point le plus haut de 1'intonation, le sommet cle la phrase avant la clescente, peut s'appeler acme (grec « pointe », « sommet »). On peut figurer ce mouvement mélodique sous la forme ďun schéma : vi1 sOi B - Courbe interrogative 4 soir? quand? 3 -\ient ce vien t 2 II re- II re 1 Realisation orale des sons 65 La phrase comporte une seule partie ascendante, la voix s'elevant progres-sivement au point le plus haut marque par une augmentation de frequence de la syllabe finale. On peut figurer ce mouvement melodique sous la forme d'un schema: Ce type de melodie est propre ä l'interrogation totale ou partielle de la langue orale familiere oü seule 1'intonation marque l'interrogation sans qu'il y ait de modification dans l'ordre des mots ou intervention de est-ce que. Si l'interrogation totale, de facon canonique, procecle par inversion du sujet pronom ou est introduite par est-ce que, la courbe est souvent la meme, en gros, que celle de la phrase affirmative : revient-il ce sou?: 2-3-4-3 - 1, est-ce qu'il revient ce soir?: 2-3-2-2-2 - 1. Si l'interrogation partielle, de facon canonique, est introduite par un mot mterrogatif avec inversion du sujet pronom, la courbe est souvent la meme en gros que celle de la phrase imperative : quand revient-il?: 4 - 3 - 2 - 1. C - Courbe imperative 4 Fais 3 ton 2 tra- 1 vail! La phrase comporte une seule partie descendants la voix chutant progres-sivement vers le point le plus bas. On peut figurer ce mouvement mélodique sous la forme ďun schéma : 1 ttit 66 I La phonetique Realisation orale des sons I 67 D - Variation des intonations de base Les differentes modalites, hors celle de l'interrogation par le seul ton, sont suscep-tibles de variations dans leurs intonations. On peut relever trois facteurs principaux : la succession d'ensembles syntaxiques, la delimitation theme/predicat, la juxtaposition et la coordination. 1. Succession d'ensembles syntaxiques Les accents toniques propres ä des ensembles syntaxiques annexes — incises, appositions, etc. — peuvent introduire des variations dans le schema intone de la phrase : 4 -\ient, 3 re- ce 2 11 dis-tu, 1 soir. 2. Delimitation theme I predicat Selon la place accordee ä la note la plus haute, la segmentation de la phrase en theme et predicat peut varier. Une phrase comme «tu as achete des fleurs au marche ? » peut se comprendre de trois facons differentes: si la note la plus haute porte sur fleurs, l'interrogation porte sur ce mot, qui constitue le predicat, le reste constitue le theme — au marche faisant partie du theme et l'intonation baissant legerement avec ce syntagme; si la note la plus haute porte sur marche, l'interrogation porte sur ce mot, qui constitue le predicat, le reste constitue le theme; s'il y a deux pointes melodiques, l'une sur fleurs, l'autre sur marche, l'interrogation porte sur ces deux mots, qui constituent un double predicat, le reste constitue le theme. D'oti les tableaux suivants, dans l'ordre des trois cas de figure : . l . 4 des fleurs 3 achete au marche? 2 Tu as -2- -3- 4 au marche? 3 achete des fleurs 2 Tu as 1 4 des fleurs au marche? 3 achete 2 Tu as 1 3. Juxtaposition et coordination Des mots ou des propositions de fonction identique, done sans lien de depen-dance, sont separes par des pauses. La voix monte sur la fin de chaque mot ou de chaque proposition, et on appelle cette elevation melodique montee d'attentc; la voix ne descend que pour marquer la fin de la phrase : - 1 - -2- 4 3 teau, charpe 2 Prends ton man- ton e- et tes 1 gants. 4 o J bleu. 2 Le ciel est la mer est 1 1 calme. 68 La phonétique 3- realisation écrite des sons tort 2 Je crois que tu as et que tu te trompes. Pour passer cle l'oral á 1'écrit, en d'autres termes pour donner á ce qui est produit par la voix une correspondance graphique, le francais dispose de trois types de signes: — des signes alphabétiques constitués par des lettres ou graphemes, — des signes orthographiques constitués par les signes diacritiques que sont les accents, le tréma et la cédille et par d'autres signes que sont l'apostrophe, le trait d'union et la majuscule, — des signes syntaxiques constitués par diverses marques de ponctuation interve-nant á divers niveaux entre les elements de la transcription — mots, propositions, phrases. 1 - SIGNES ALPHABÉT1QUES A - Alphabet, lettres-voyelles et lettres-consonnes Les signes alphabétiques sont regroupés dans Xalphabet (lat. alphabetum, compose de alpha et béla, les deux premieres lettres de l'alphabet grec). II vise ä noter les sons du francais grace ä 26 lettres qui, rangées dans Vordre alphabétique, prennent la forme de majuscules (« grandes lettres ») utilisées essentiellement au debut des phrases, des vers ou des noms propres : A, B, C, D, E, F, G, H, I, J, K, L, M, N, O, P, O, R, S, T, U, V, W, X, Y, Z, ou la forme de minuscules («petites lettres») clans les autres emplois : a, b, c, cl, e, f, g, h, i, j, k, 1, m, n, o, p, q, r, s, t, u, v, w, x, y, z. V. ■v- 70 I La phonétique Realisation écrite des sons | 71 Sous leurs differentes expressions graphiques, les lettres doivent etre recon-naissables et elks ont done une fonction distinctive. On doit les identifier, qu'elles soient en majuscule : A, en minuscule : a, sous la forme speciale de l'italique : a, etc., et quelle que soit leur place : isolees, au debut d'un mot, ä l'interieur, etc. Ces lettres, qui sont desormais du masculin (un a, un b, le c, etc.), s'epellent traditionnelkment ainsi: a, be, ce, de, e, effe, ge, ache, i, ji, ka, eile, emme, enne, o, pe, kit, erre, esse, te, u, vi, double-ve, icse, i grec, zede. On distingue, dans l'alphabet francais, six lettres-voyelles (a, e, i, o, u, y) et vingt lettres-consonnes (les autres lettres). Les six lettres-voyelles se reconnaissent ä l'initiale des mots suivants: a: art, e: effort, i: idee, o : or, u: utile, y: yperite. Les vingt lettres-consonnes se reconnaissent ä l'initiale des mots suivants: b : bas, c: cou, d: dos, f: feu, g: gars, h : haut, j: joie, k: kepi, I: lit, m : mur, n : noix, p : pont, q : quai, r: rive, s : sur, I: tu, v : vaste, w : wagon. B - Alphabet et orthographe 1. Signes graphiques, sons, transcriptions Étant donné que l'alphabet francais ne propose pas un nombre de signes süffisant pour rendre compte de tous les sons et que l'orthographe n'a pas suivi une evolution parallele ä celle de la pronunciation, il s'en faut que les lettres proposent une transcription biunivoque des sons (ä un signe correspond un son et inversement). Ainsi, les sons-voyelles de l'oral sont representees ä 1'écrit: — par une simple lettre-voyelk : a : par, pas; e: fir, et; i: pie; o : pose, corps; u : butte; y : lyre, — par une lettre-voyelk pourvue d'un accent ou d'un tréma : a: lä, á: gäche; é: été, i: téte, ě: pere; i: ile, i: hair, — par un groupement de lettres-voyelles ou de lettres-voyelles et lettres-consonnes affectant la forme d'un digramme ou ďun trigramme : ai, ei: paire, peine; au, eau : haut, hameau; ou : loup; eu : feu; an : flan; aim: faitn. Et les sons-consonnes sont representes ä l'ecrit: — par une simple lettre-consonne : b : bäche; c: cape; d: don; f: face; g: gare; j: jouet, — par une lettre-consonne double : bb: abbaye; cc: accord; dd: addition; ff: affaire; gg: agglomere, — par un groupement de lettres-consonnes affectant la forme d'un digramme ou d'un trigramme : ch : char; gn : agneau; ph : phare; sc : scene; seh : schisme. D'autre part, un meme son peut etre traduit par des graphies differentes, par exemple : [o] : chose, mole, pause, eau, [et] : banc, ventre, ample, embruns, Jean, faon, [f] : file, philtre, [k] : cap, kaki, coq, exces, technique, qualite, ou une meme graphie peut traduire des sons differents, par exemple : u : perdu [y], pensum [o], eu: peur [ce], peu [0], gageure [y], t: tir [t], quotient [s], x: taxe [ks], exact [gz], dix [s], dixieme [z]. En outre, sans parier des consonnes doubles generalement prononcees comme un son unique, nombre de lettres ecrites ne sont pas articukes oü qu'elles se trouvent dans le mot. Sont muettes, par exemple, les lettres a dans aoüt, h dans malheur, p dans sculpter, gt dans doigt; la lettre e muet le plus souvent: tell(e)ment; ks marques de pluriel: des bals, des choux; nombre de desinences verbales: tu chantes, Us chantent — ce qui rend encore plus sensibles les phenomenes de rupture entre oral et ecrit et encore plus epineux le probleme de l'orthographe. Sur toutes ces questions de discordance, cf. p. 46 sq. 2. Traits distinctifs de I'alphabet L'alphabet frangais est ä la fois plethorique et insuffisant, ce qui explique les difficultes d'une orthographe censee representer les sons de l'oral. II est plethorique, car, par exemple, le son [i] s'y trouve represents par les lettres i ety (nid, lyre), le son [k] par c, k (car, kepi) et d'autres signes graphiques (chiasme, quete, etc./, la lettre h ne represente aucun son. 72 I La phonétique Realisation écrite des sons | 73 II est insuffisant, car les 26 lettres ne permettent pas de rendre compte des sons de la langue en prononciation standard et qu'il est necessaire de recourir a des groupements de signes alphabetiques pour remedier a ces lacunes: ainsi doit-on composer, par exemple, les digrammes ch pour [J], eu pour [0] et [ce], ou pour [u]. En d'autres termes, l'alphabet francais a pour vocation d'etre un code substitutif proposant un equivalent graphique a chaque son. Mais cette biuni-vocite est loin d'etre realisee : seul l'alphabet phonetique international y parvient, proposant pour chaque son un signe, un signe ne correspondant qu'a un seul son. Lettres differentes ou combinaisons de lettres notant un meme son (a: page, e: devant mm, nn: femme, solennel, etc., pour a ouvert [a]; c: cou, k: kaki, qu: quite, ch: chansme, etc., pour [k]); meme lettre notant des sons differents (0 pour 0 ouvert [0] ou ferme [o] : bol/mot; t pour [t] ou [s] : tube/action, etc.); lettres ne notant aucun son (e: tell(e)ment; lettres interieures : compte, sculpture ou finales: pot, noix, Us aiment, etc.) rendent imparfaite et souvent troublante l'orthographe du francais. Outre l'inadaptation relative de l'alphabet, la discordance entre la graphie et la prononciation (la graphie reproduisant une prononciation medievale disparue, par exemple fait prononce aujourd'hui [fe], mais par un digramme at qui correspond a une prononciation [ai] de l'ancien temps) et les refections etymologi-ques ou pseudo-etymologiques (temps pour rappeler le lat. tempus ou poids pour rapprocher du lat. pondus alors que le mot vient de pensum, etc.) concourent egalement a donner un aspect deroutant et arbitraire aux rapports alphabet/ortho-graphe/prononciation. L'interet le plus net qu'on peut trouver a des graphies complexes ou qui ne se retrouvent en rien dans la prononciation est de deux ordres. D'une part, elles proposent des marques morphologiques permettant de reconnaitre genre, nombre et personne (joli/jolie/jolis/jolies; j'aime/tu aimes/ils aiment): c'est Yortho-graphe grammaticale (ou d'accord) qui releve de la connaissance des regies du fonc-tionnement syntaxique de la langue. D'autre part, elles proposent une image graphique particuliere permettant soit de differencier les homophones (vain, vainc, vin, vingt, vint), soit de rapprocher des mots unis par un lien etymologique (b de plomb se retrouve dans plomber, plombage, plomberie, etc.) ou un trait analogique (le sufhxe -ier indique, entre autres, des noms d'arbres: pommier, cerisier, abricotier, etc.): c'est Yorthographe d'usage qui releve de la connaissance des images graphi-ques des mots telles que les propose le dictionnaire et que les retient la memoire. NB : L'alphabet francais est herite pour l'ensemble de l'alphabet latin qui comprenait seulement 23 lettres, ne connaissant pas les signes j, v et w puisqu'il ne connaissait pas les sons correspondants. J et v ont ete introduits au xvr siecle par les imprimeurs pour que se distinguent d'une part les sons i et j, de l'autre les sons u et v, notes jusque-la respectivement par les seuls signes i et u venus du latin. Cette transcription sera adoptee pour la 4e edition de 1762 du Dictionnaire de l'Academie. Le w a ete introduit au xvne siecle pour noter des mots empruntes, d'origine germanique en particulier. En outre, toujours pour pallier 1'absence dans l'alphabet latin de certains sons propres au francais, on a cree non pas des lettres nouvelles, mais des groupements de lettres comme ch pour [J] (c de l'etymon latin +h, c de canis donnant ainsi ch-ieri) ou comme les nasales an, on, etc. II - SIGNES ORTHOGRAPHIQUES Les signes orthographiques ont deux fonctions principales qui permettent de les ranger en deux categories. Dans la premiere se rangent les signes orthographiques servant ä indiquer de quelle facon des lettres doivent étre prononcées et, pour certains, servant ä differencier les homophones: ce sont les accents et le tréma, qui se placent sur des voyelles, et la cédille, qui se place sous le c. On les appelle signes diacriti-ques (grec « qui distingue »). Dans la seconde se rangent les autres signes orthographiques servant ä completer l'orthographe ou ä préciser le sens de certains mots : ce sont Yapostrophe, le trait d'union et la majuscule. A - Signes diacritiques 7. Accents Les trois accents, qu'on isole traditionnellement entre des barres obliques, sont Yaccent aigu /'/, Yaccent grave /V et Yaccent circonflexe /"/. lis permettent de distinguer dans la prononciation les valeurs phoniques que peuvent prendre les mémes voyelles et de differencier dans fécriture des homophones par la graphie des voyelles. a / Accent aigu L'accent aigu n'affecte que la lettre e et sert ä noter en general e fermé [e] quand celui-ci n'est pas suivi ďun d, ďun r ou ďun z finals non prononcés et dans le mot clef — auxquels cas e ne prend aucun accent: armée, bonté, été, penible, sérénité, vanité, mais: pied, il sied, boucher, bélier, nez, ayez- 74 I La phonétique Realisation écrite des sons | 75 On trouve cependant cet accent sur un e ouvert [e] dans quelques cas. Des mots comme abrég(e)ment, allég(e)ment, évén(e)ment, crém(e)rie, etc, ont vu, du fait de la non-prononciation du e muet, le timbre de é passer á é en vertu de la loi phonédque qui veut qu'un e en syllabe fermée ait un timbre ouvert (crémeux [kre-m0] /crime [krem]). Mais l'ancienne accentuation est restée. On observe le méme phénoměne du maintien de l'accent aigu sur e ouvert au futur et au conditionnel des verbes conjugués comme céder. Ces verbes, qui ont un é + consonne á Favant-derniére syllabe de Finfinitif, voient le timbre de cette voyelle s'ouvrir en ě quand la syllabe graphique suivante comporte un e muet: je cédais, nous cédons, cédant, cédé, s'opposent ainsi á : je ced(e), tu céd(es), ils céd(ent), que je céd(e), mais au futur et au conditionnel, [e] s'ouvre bien en [e], selon la loi phonétique évoquée ci-dessus, mais ce e ouvert garde Faccent aigu : je céd(e)rai, tu céd(e)rcis, je céd(e)rais, tu céd(e)rais. Cest toujours par graphie archaisante qu'on accentue également é la fmale e muet des formes verbales á sujet de premiére personne inverse comme aimé-je, dussé-je qui se rattachent alors aux cas ci-dessus : la graphie é correspond á l'ancienne prononciation, Faccent tonique dans cette inversion ne pouvant tomber que sur e de aime prononcé fermé, alors qu'on articule aujourďhui un e ouvert de syllabe fermée : aimé-je [eme3]. b / Accent grave II affecte les lettres e, a, u. - 1 - Notation du e ouvert sur e L'accent grave note e ouvert [e] quand il est place sur e en syllabe fmale devant s (sauf es de etre) et dans beaucoup de syllabes fermées: accés, grés, pres; allégre, jléche, pél(e)rin. En revanche, e ouvert ne porte jamais Faccent grave, que la syllabe soit ouverte ou le plus souvent fermée, devant: — une consonne double : belle, endett(e)ment, gemme, messe, renne, terreur, — deux consonnes dont la seconde n'est ni / ni r ou devant le digramme rl: affection, berceau, demier, preste, leme, perle, mais: nefle, siede, treffe; algebre, flevre, zebre, — une consonne finale articulee : appel, bec, ffeff mer, oued, hymen, — un t final non articule : alphabet, crochet, guet, pistolet, roquet, tourniquet. Cependant, quelques mots prennent un circonflexe pour rappeler en general un s disparu devant le t final: appret, arret, benet, floret, interet, pret. - 2 - Differenciation des homophones sur a et u L'accent grave se place essentiellement sur a et permet ainsi cle differencier des homophones sans noter aucune modification phonique : a(y.)/ä (prep.); ga (pron.)/cfl (adv.); la (art.)//a (adv.). Les mots composes avec cd, ja et lä gardent Faccent, sauf cela, alors qu'il n'y a aucune possibilite de confusion : en de§ä, dejä, celui-lä, au-delä, holä, voilä. Sur u, l'accent grave permet de differencier ou adverbe relatif et ou conjunction de coordination : le pays ou j'habite/du vin ou de Feau. c / Accent circonflexe L'accent circonflexe affecte les lettres a, e, i, o, u. - 1 - Allongement d'une voyelle II a servi primitivement ä marquer, d'ordinaire avec allongement de la voyelle, la disparition d'un s: asne>äne, bastir> bätir, cost,e> cöte, disiier> diner, teste > tele, mais aussi d'autres lettres: aage>age, deu>du, roole>role, anme>äme, piqueure>piqüre. Place sur e, il indique le timbre ouvert [e] : betise, chene, floret, meme, pine, quite. Place sur a, i, o, u, il indique Fallongement de ces voyelles: päte, He, hole, flute. 76 I La phonétique Realisation écrite des sons | 77 L'accent circonflexe a été utilise pour marquer la longueur de voyelles grecques ou latines, mais de facon irréguliěre. Si l'accent note bien la longueur dans les mots suivants: cone, diplome, extréme, infame, il est absent d'autres comme axiome, cime ou zone dans lesquels les voyelles o et i viennent ďune voyelle longue. Dans certains cas, le circonflexe résulte d'une pure analogie, par exemple ä la lrL' personne du pluriel de l'imparfait du subjonctif: aimmnes avec accent rappelant un s introduit d'apres aimastes > aimátes . Enfin, des derives ne contien-nent pas le circonflexe du mot simple ou bien le circonflexe devient aigu : grace /gracieux, jeune /dejeuner, extreme /extremitě. Comme on voit, la repartition des emplois ou non de l'accent circonflexe ne va pas sans contradiction ou incoherence. - 2 - Dijférenciation des homophones L'accent circonflexe permet de différencier des homophones sans noter aucune modification phonique : era (part, passé de croire)/cm (part, passe de eroitre); da (art. contracté)/aW (part, passe de devoir); foret (subst. « outil »)/foret (subst. «bois»); sur (prép. ou adj. « acide »)/stir (adj. « certain »). Quand il n'y a pas de risque d'homonymie, le circonflexe disparait: dú, au feminin due, au pluriel dus. jYB : Les accents, inconnus dans l'ancien francais, ont été introduits tard, au xvi1' siede, et de facon assez aléatoire et variable dans l'usage. lis ne se sont vraiment imposes qu'au xvne siěcle avec la 3C edition du Dictionnaire de 1'Académie (1740) qui en a ä peu pres regularise les emplois. L'accent circonflexe est, sur le plan graphique, la reunion de l'accent aigu et de l'accent grave. 2. Tréma Le tréma (grec «trou, point» est figure par deux points /'/ qui se placent sur les lettres i surtout, u et e. II indique normalement que la lettre qu'il affecte conserve une pronunciation indépendante de la voyelle qui precede ou, éven-tuellement, qui suit: — place sur i, il note yod [j]: aieul, baionnette, faience, glaieul, iambe, na'iade, paien, ou [i] : cdid, celluloid, hair, heroine, héroisme, Isaie, laique, mais, naif, oiiir (ouie, inoui), Port-Said (mais aiguille sans tréma), ou [Ě] dans coincidence, coincider; place sur u, il note [y] dans les noms propres Esaü et Saül et [o] dans capharnaiim; place sur e, il note [e] clans des noms propres: Israel, Laénnec, Noél. A la fin des mots terminés par -gué, e n'est pas prononcé, mais le tréma indique que u doit l'etre, comme dans le substantif eigne [sigy] et les adjectifs suivants au feminin (sans tréma sur e, -gue se prononcerait comme dans figue ou liguc) : aigue, ambigue, contigué, exigué. Dans les noms propres de Staél et Saint-Saéns, le tréma indique que e ne se prononce pas. NB : La lettre /; sert parfois de substitut au tréma : ahuri, cahier, dehors. 3. Cédille La cédille (esp. cedilla « petit c ») est figurée par le signe A / place sous la lettre c devant a, o, u et note que le c doit étre prononcé comme un s sourd [s] (ce qui se passe normalement devant e et i: ce , id) : format, fiangailles, Agores, soupgon, dégu, regu. B - Autres signes orthographiques 1. Apostrophe L'apostrophe /'/, placee en haut et a droite d'une consonne, sert a marquer l'elision des voyelles finales e, a et i devant une autre voyelle ou un h muet (sur les conditions de l'elision, cf. p. 55 sq.) : j'ai, I'interet, I'homme; I'annee, I'histoire, I'ojfre; s'il. 2. Trait d'union Le trait d'union /-/ sert de facon generale a Her deux mots ou plus et s'emploie dans des derives prefixaux et surtout des mots composes et dans des groupe-ments de mots lies par la syntaxe. II sert egalement a marquer la coupure d'un mot en fin de ligne. a / Derives prefixaux et mots composes Ce signe n'est d'usage que pour certains d'entre eux, aucune regie nette n'en precisant les modalites d'emploi. Sa presence souligne 1'unite du derive ou clu 78 I La phonétique Realisation écrite des sons | 79 compose (les verbes composes ou sont lies: maintenir, ou forment des locutions sans trait d'union : avoir peur) : — derives préfixaux : apres-guerre, plus-value; non-aligiié, sous-cutané; s'entre-tuer, sous-entendre; avant-hier, entre-temps, — noms composes: garde-fou, grand-messe, laissez-passer, médecin-chef reine-margueiite, timbre-poste, — adjectifs composes: aigre-doux, avant-dernier, court-vétu, fianco-russe, mort-né, sourd-muet, — mots invariables composes : a mi-côte, au-dessous, á tire-d'aile, ci-dessus, par-dessus, peut-Stre. Mais, en dehors des verbes évoqués ci-dessus, beaucoup de mots composes sont écrits ou bien en un seul mot: bonheur, gentilhomme, pourboire, ou sans trait d'union : de bonne heme, garde forestier, surtout les mots composes avec une preposition : ä ľimproviste, fil de fei; terre ä tme (cf. pour des exemples p. 143 sq.). b / Groupements de mots Le trait d'union est cl'usage regulier : — entre un verbe et un pronom personnel, indéfmi (on), démonstratif (cc) ou adverbial (en, y) atones (cf. p. 60), lorsque, sujet inverse ou complement de ce verbe, le pronom le suit directement et forme avec lui une unité phonétique sans pause : dis-je, penses-tu, voit-elle, donne-le, croit-on, est-ce, prends-en, vas-y. Quand le verbe est ä ľimpératif et se trouve suivi de deux pronoms complements, les pronoms sont aussi séparés par un trait d'union : rends-le-moi, prétez-les-nous, parles-en-lui. Ouand le verbe ä la 3C personne du singulier est séparé du pronom sujet par un t analogique (« euphonique »), ce / est encadré par des traits d'union : aime-t-il? chantera-t-elle? ira-t-on? — entre le pronom personnel et ľadjectif meine, le pronom + merne formant un pronom compose : nioi-méme, lui-méme, vous-mémes, eux-mémes, — entre deux nombres inferieurs a cent non relies par et clans les noms de nombres composes: cent dix-neuf deux cent quatre-vingt-trois, — devant les adverbes ci et la entrant dans la formation cles adjectifs et pronoms demonstratifs composes: eel homme-ci, cette femme-ld, celui-ci, ceux-ld. c / Coupure d'un mot Lorsqu'un mot doit etre coupe en fin de ligne, cette coupure y est marquee par un trait d'union. Un certain nombre de regies sont a observer dans la facon de la pratiquer: — on doit couper a la fin d'une syllabe graphique, e'est-a-dire qui maintient le e muet entre consonnes ou entre consonne et fin de mot et qui consiclere separement les consonnes doubles — alors que la syllabe phonique ne prononce pas tous les e et prononce normalement les consonnes doubles en une seule emission de voix. Ainsi, les mots suivants peuvent se couper aux traits d'union : ar-ri-vee, ex-tre-me-ment, il-le-gal, pa-ti-na-ge, — on ne doit couper ni apres ni avant une seule lettre : ami-tie et non *a-mitie, pro-cree et non *procre-e, ni apres ni avant un x ou un y entre voyelles : mixi-te et non *mix-ite ou *mi-xite, api-toyer et non *apitoy-er ou *apito-yer, ni entre deux voyelles: ra-brouer et non '*rabrou-er, myste-rieux et non *mysteri-eux. Ainsi, il est impossible de couper certains mots : avis, fixe ou naif sont inse-cables chacun selon l'ordre des criteres ci-dessus definis. En tout etat de cause, le passage a la ligne apres coupure d'un mot ne peut se faire que par une consonne. MB : - i - L'apostrophe ne peut en aucun cas etre separee du mot qui la suit: l'hom-me et non *l'-homme. - 2 - On ne coupe pas un mot ou un groupement de mots dans lesquels interviennent un ou plusieurs traits d'union : garde-manger ou dois-je cloivent conservcr l'unite de sens que leur confere le trait d'union. 80 I La phonetique Realisation ecrite des sons | 81 3. Majuscule Les 26 lettres cle l'alphabet francais se presentent sous la forme de majuscules ou de minuscules — « grandes » et « petites » lettres comme l'indique l'etymo-logie (cf. p. 69), La lettre minuscule s'emploie dans le cours normal de l'ecriture, partout oil n'est pas specialement requise la lettre majuscule. Celle-ci, toujours au debut d'un mot, est normalement et principalement utilisee au commencement d'une phrase ou d'un nom propre, la minuscule ailleurs. Elle a une fonction soit demarcative, soit distinctive. a / Fonction demarcative La majuscule marque la limite entre deux unites linguistiques contigues et signale comme le point une articulation du discours. Elle indique done le debut d'une phrase qui, sauf au commencement d'un texte, succede ä une autre phrase dont la fin est signalee par un point: La mat s'acheve. II /era bientot jour. La majuscule s'emploie aussi apres les points d'exclamation, d'interroga-tion et de suspension quand ils ont la meme fonction demarcative : Que le temps est doux! Je vais aller me promener, As-tu fini ton travail? II serait temps, Approche-toi... J'ai ä te parier. Dans le cas contraire, c'est-a-dire si on considere que la phrase n'est pas achevee, ces signes de ponctuation modifient seulement la courbe melodique et se font suivre d'une minuscule : Comment! tu persistes ä nierf Apres deux points sums d'une citation ou apres un tiret indiquant le passage ä un autre locuteur, la majuscule demarcative s'impose le plus souvent: Jean m'a dit: «Je viendrai demain», Tu es un paresseux — C'est tres exagere! Mais la minuscule apparait si on considere que les deux points ne marquent pas la fin d'une phrase : Jean est facile ä vivre: un rien fail son bonheur. NB : En poesie classique, la majuscule intervient regulierement an debut du vers qu'elle signale. Elle est done un simple signe de versification, sans qu'on puisse lui attribuer de fonction demarcative : «Et la mort, ä mes yeux derobant la clarte, Rend au jour, qu'ils souillaient, toute sa purete. » (Racine) b / Fonction distinctive La majuscule permet d'opposer des mots ä d'autres mots. Elle se place alors ä l'initiale des noms propres. On considere comme tels les mots designants toujours le meme etre, la meme chose ou la meme categorie d'etres ou de choses, c'est-a-dire les mots designant particulierement: — Dieu et les divinites mythologiques : le Tout-Puissant, Notre Seigneur, I'Etemel, Hercule, Jupiter, — une personne humaine (nom, prenom, surnom) et des communautes humaines: Jean, Pietre, Bossuet, Mauiiac, Louis le Grand, le Ttgre, les Patisiens, les Fran§ais, — les lieux : Pans, Limoges, I'Allemagne, les Caraibes, VAmerique, la place Clichy, la rue de Vaugirard, — les corps consumes : I'Academie fiangaise, I'Ecole poly technique, VUniversite de Pans, le College de France, — les titres d'ouvrages, d'eeuvres d'art, etc. : La Curee, Le Rivage de Syrtes, la Joconde, VAngelus de Millet, le Penseur de Rodin, — les abstractions personnifiees: le Droit, la Loi, la Raison, l'Envie, la Vertu, la Musique, — les epoques ou dates celebres, certaines fetes: le Grand Siecle, la Revolution, la Grande Guerre, Noel, Päques. Ill - SIGNES SYNTAXIQUES Les signes syntaxiques, regroupes sous le terme de ponctuation, marquent ä 1'ecrit de facon approchee les pauses plus ou moins fortes marquees ä l'oral par l'accen-tuation et l'intonation pour delimiter les groupes phonetiques correspondant ä des groupes syntaxiques. Les signes syntaxiques, comme les pauses, sont des phenomenes suprasegmentaux (cf. p. 45, JVB). Ces signes permettent d'isoler parfois et de regrouper le plus souvent les mots selon la fonction qu'ils occupent dans l'enonce. Iis ont done un role logique 82 I La phonétique Realisation écrite des sons | 83 de detachement de mots isoles et de delimitation d'ensembles significatifs: phrase, propositions dans la phrase, groupes de mots que rassemblent la grammaire et le sens. Une ponctuation defectueuse peut rendre un texte equivoque ou meme modifier et alterer en profondeur sa signification. En outre, la ponctuation permet de saisir la « respiration » du texte, son mouvement melodique, en somme son intonation. Elle peut dans ce cas manifester une certaine tonalite affective, une expressivite particuliere et prendre une fonction stylistique plus que logique. Parmi les signes syntaxiques, isoles entre des barres obliques comme les signes orthographiques, le point /. /, le point-virgule /;/, la virgule /, I sont les trois signes fondamentaux de la pause. Les autres signes sont: le point d'interroga-tion /?/, le point d'exclamation /!/, les points de suspension /.../, les deux points /:/, les parentheses /()/, les guillemets /« »/ et le tiret /—/. A - Signes fondamentaux Le point, le point-virgule et la virgule indiquent les pauses du debit, de la plus forte ä la moms forte. 7. Point C'est le plus fort des signes de ponctuation. II note la fin de la phrase afnrma-tive positive ou negative, qui coincide avec la fin de l'idee exprimee et de l'enchainement grammatical: aucun element de ce qui suit le point ne peut se rapporter ä ce qui precede et inversement. II indique que doit etre marquee la pause concluant la melodie descendante : «II faudra tächer de trouver une voiture. Vous vous coucherez en arrivant» (J. Romains). Ces deux phrases sont prononcees sans aucune pause, sinon aux points. MB : - i - De nos jours, beaucoup d'ecrivains coupent leurs phrases par des points qui separent des elements unis par la grammaire et qui devraient s'inlegrer dans une melodie phrastique unique : « Maintenant, nous sommes mademoiselle Solange Lemercier. La femme Lemercier. La Lemercier. La fameuse criminelle» (J. Genet). Ce type de ponctuation expressive a pour objet de demarquer des sequences separees dans le debit oral par des pauses legeres notees d'ordinaire ä l'ecrit par la virgule. - 2 - En cas de troncation d'un mot ou de siglaison, le point n'est qu'un signe typographique d'abreviation : M. pour Monsieur, etc. pour et cetera; ou O.M. U. pour Organisation des .Nations Unies, P. et T. pour Posies el Telecommunications. La tendance est aujourďhui de ne pas mettre de points dans les sigles. surtoul s'il sont longs: AUPELK MTP, UMESCO (cf. p. 174, MB - 2-). 2. Point-virgule C'est un signe marquant, á 1'intérieur de la phrase, une pause « moyenne » intermédiaire entre le point et la virgule. La voix baisse légěrement sans qu'il y ait d'arret. Le point-virgule séparé ainsi des membres de phrase indépen-dants, c'est-a-dire qu'est interrompu l'enchainement grammatical — trait qu'il est seul, parmi les signes fondamentaux, á partager avec le point: « Thérěse ne songeait pas á quitter sa place; elle ne s'ennuyait ni n'eprouvait de tristesse » (F. Mauriac). MB : Le point-virgule peut s'employer á 1'intérieur d'une phrase ou d'un membre de phrase indépendant séparant ainsi des elements unis par la grammaire. II s'agit de produire un eifet stylistique en isolant et en mettant de cette facon en valeur un ou plusieurs termes de méme fonction, gi'ace á la pause produite par le point-virgule : «J'aime un Hémon dur et jeune; un Hémon exigeant et lidele, comme moi » (J. Anouilh). 3. Virgule C'est le plus faible des signes de ponctuation et il marque une pause trěs légěre. II ne note en aucun cas la fin de l'enchainement grammatical, á Pinverse du point ou du point-virgule dans leur emploi habituel. La virgule séparé á 1'intérieur de la phrase les mots et/ou les propositions. a / Entre les mots La virgule séparé : — les mots de nature et de fonction identiques (substantifs sujets, infinitifs complements, etc.) juxtaposes ou unis par des conjonctions de coordination autres que et, ou, ni. Elle assume le role de coordonnant: « Quel esprit sense, quel cwur fier accepterait sans dégoůt une telle image de la justice de Dieu? » (G. Bernanos), « Elle haissait la lecture, n'aimait que coudre, jacasser et tire » (F. Mauriac), « Riviere ne pouvait qu'ecouter, que plaindre cette petite voix, ce chant tellement triste, mais ennemi» (A. de Saint-Exupéry), 84 I La phonétique Realisation écrite des sons | 85 mais si et, ou, ni coordonnent plus de deux termes, on intercale une virgule entre ces termes: «II y a la une mission de justice, á laquelle ni vous, ni moi, ni lui, ne pouvons plus nous dérober! » (R. Martin du Gard), les mots mis en apostrophe : « Qu'es-tu venue faire parmi nous, Cecile?» (G. Duhamel), les mots mis en apposition : «La foule des spectateurs, joyeuse, animée, retardait la marche de l'escorte » (A. France), les mots complements circonstanciels en téte de phrase — sauf, d'ordinaire, si le verbe les suit directement — ou en cours de phrase : « Vers quatre heures, le ciel s'eclaircit» (R. Rolland), « Sur ['autre rive se dressent les beaux quartiers» (L. Aragon), « Les collines, sous I'avion, creusaient déjá leur sillage d'ombre dans For du soir» (A. de Saint-Exupéry). KB : - i - On ne séparé jamais du verbe par la virgule le dernier element d'un sujet multiple si ce dernier element est coordonné au precedent par el: «Patrons el ouvriers quittaient ensemble le travail» (A. Malraux). De méme, a Fordinaire, si les termes du sujet multiple sont juxtaposes : « L'emotion extréme, la crainte de mourir mouillerenl de sueur la sensible plante de ses pattes [...] » (Colette). On ne séparé jamais du verbe par la virgule les complements d'objet direct et indirect quand ils suivent directement le verbe : «Aicha desserra les máchoires» (M. Genevoix), « Tout flechit sous le choc impétueux, mais la maison flexible, ayant plié, résista á la béte» (H. Bosco), ni 1'attribut dans la méme position : « Tout ca, c'etait purl » (J. Giono). En regie generále, la virgule est proscrite quand elle a pour effet ďétablir une rupture entre des mots dont la succession marque les liens grammaticaux qui les unissent. - 2 - Dans le cas des mots systématiquement detaches : apostrophe ou apposition, ou susceptibles de 1'étre : circonstanciels, si ces mots se trouvent á une extrémité de la phrase, une seule pause par la virgule suffit; si ces mots sont en cours de phrase, on a une pause double avec une virgule ouvrante avant ces mots et une virgule fermante aprěs. II y a suspension et non rupture de l'enchaine-menl grammatical (cf. les cxemples cites supra et p. 86, KB - 2 -). b / Entre les propositions La virgule séparé : — les propositions de nature identique (indépendantes, complétives, etc.) juxta-posées ou unies par les conjonctions de coordination autres que et, ou, ni. Elle assure le rôle de coordonnant: « // se redressa, il s'appuya des deux mains au parapet, il secoua la téte avec colěre» (J. P. Sartre), «J'espere que vous avez passé un aprés-midi tres agréable, que vous ites allée au cinema avec un komíne et que vous avez bu de Feau-de-vie et du lait» (E. Ionesco), « Les yeux tournés vers le jardin se fermaient ä moitié, mais inainte-nant il luttait pour ne pas dormir» (J. Green), mais si el, ou, ni coordonnent plus de deux propositions, on intercale une virgule entre ces propositions : «Je souhaite qu'il vienne, et qu'il nous pane, et qu'il nous rassure» (J. Romains), — les propositions complétives objets placées en tete de phrase : « Que mes désirs charnels s'adressassent ä d'autres objets, je ne m'en inquié-tais done guěre » (A. Gide), — les propositions circonstancielles en téte ou en cours de phrase, éventuelle-ment en fin de phrase : «Des qu'il se ressent de I'esprit, le cosur est en peine » (P. Valéry), « Qui peut m'empécher, moi, quand cela me plait, d'entrer dans le champ du voisin puisque je n'y fais pas de mal?» (H. Bosco), « Ce que maman pouvait confier au poisson rouge pendant ses instants d'abandon, je Fimaginais assez bien, si petit que je fusse alors» (G. Duhamel), — les propositions relatives explicatives : «Son sourire, qui relevait surtout [a levre du haul, lui donnait ainsi une bouche d'ombre » (A. Camus), — les propositions incises: « Quand Fheure est passée, continua la souris, il revient sur le bord et il regarde la photo » (B. Vian), 86 I La phonétique Realisation écrite des sons | 87 — les propositions participiales: « Get obstacle franchi, les chevaux repartis au trot, Meaulnes commencait á se fatiguer de regarder á la vitre [...] » (A. Fournier). MB : - i - On ne séparé jamais du verbe par la virgule, quand elles suivent directement le verbe, les propositions complétives objet ou les propositions circons-tancielles liées de facon étroite par le sens á la principále : «J'avais mal de sentir que son cwur justement ne m'apercevail plus » (R. Char), «J'ai vu des gens refuser certains poissons du lac puree qu'ils ont le gout de la vase» (J. Giono), ni de leur support les propositions relatives determinatives : « Toute la vie elle resta comme un enfant qui a pris pear» (A. Gide). - 2 - Dans le cas des propositions circonstancielles, relatives explicatives, incises et participiales, selon qu'elles se trouvent á une extremitě ou en cours cle phrase, la ponctuation se fait par une virgule ou deux virgules, cf. les exemples cites supra et p. 84, MB - 2 -. B - Autres signes Le point el'interrogation, le point d'exclamation et les points de suspension rempla-cent le point dans certains cas; comme lui, ils marquent la fin de I'enchaine-ment grammatical, fonction que ne peut remplir le reste des autres signes. 1. Point d'interrogation II se place ä la fin d'une phrase de modalitě interrogative et marque que l'into-nation doit étre celle de 1'interrogation directe — ce qui exclut son emploi dans le cas de la subordonnée interrogative indirecte qui doit étre suivie par un point si elle achěve la phrase : «L'antichambre est pleine de monde. Tu veux done te perdre?» (J. Anouilh), «Dis-moi, Venus, je t'en supplie, Ce qiťétail celte melodie. » (M.Jacob). Lorsqu'une phrase interrogative est suivie par une incise présentant des paroles rapportées, le point d'interrogation se met aprěs l'interrogative : « Quelle histoire de gateaux? demandait ma sceur » (F. Mauriac). 2. Point d'exclamation II se place a la fin d'une phrase de modalite exclamative et cle tout terme notant l'exclamation (interjection, apostrophe) et marque que l'mtonation doit etre celle de l'exclamation : «Non, je ne me tairai pas!» (J. Anouilh), « Tiens! cela amusera mon enfant» (A. Gide), « 0 terrasses! Terrasses, d'ou l'espace est elance » (A. Gide). Comme on voit, le point d'exclamation suit l'mterjection ou l'apostrophe, meme dans le corps de la phrase. Si le point d'exclamation indique normalement l'expression cle la surprise, de l'etonnement, il peut etre remplace dans cet emploi par le point d'interrogation, la distinction entre ces deux signes etant parfois floue. 3. Points de suspension Ils indiquent le plus souvent qu'une phrase est interrompue sans etre achevec, avec un arret tres marque du debit, plus important que ne peut le faire un simple point: «Espoir de ne pas avoir de reponse, et pourtant... » (A. Malraux). Mais ils peuvent aussi n'indiquer qu'une interruption provisoire clans la phrase, le silence marquant une hesitation, une reticence, une surprise, etc. : « Mais d'ici la, je pourrais quand meme essayer de fonder cette sacree ville de ... comment vous dites? ... cle Donogoo-Tonka, hein? » (J. Remains). A la fin d'une phrase completement exprimee, ils donnent une impression d'allongement ou marquent une pause tres soulignee pour une raison affective quelconque, y compris apres un point d'exclamation ou d'interrogation : « Maintenant je suis mort; et je sais qu'il est la, devant moi, qui m'ecoute et il n'a pas que du plaisir... » (H. Bosco), «Acheter une poupee a un garcon, sacrebleu! s'ecria mon oncle avec une voix de tonnerre. Tu veux done le dishonorer!... » (A. France), « Veux-tu porter des aconits, des ancolies et des campanules chez Adrienne Saint-Aubin, et lui rendre la Revue des Deux Mondes?... » (Colette). 4. Deux points Ils etablissent une relation etroite entre les elements qu'ils separent. Ce qui les suit apparait comme la suite attendue de ce qui les precede. La melodie phrastique le note en ne marquant pas de flechissement au moment de la pause qu'ils exigent et qui, par la duree, est proche de celle du point-virgule. 88 I La phonétique Realisation écrite des sons | 89 Les deux points servent a introduire : — un propos rapporté au discours direct annoncé en general par un verbe déclaratif: « Le premier de ses collaborateurs qui lui dit: " Pour cette question, je réglerai cela avec Monsieur Francois Schoudler " lui porta un coup » (M. Druon), — une proposition non dépendante valant d'ordinaire explication (cause, consequence) ou opposition par rapport á ce qui les precede et ils prennent la valeur des conjonctions de coordination car, done, mais: « Entrez, entrez : I'hospitalite vous invite et vous attend» (G. Sand), « II avait acquis le droit de réfléchir : il cherchait le pri.x qu'il qjfrira.it, celui qui correspondait subtilement á la qualité de I'objet» (A. Malraux), « Tu deplores l'immolation ďlphigénie et de Polyxeně : qui sail ce que I'avenir lew réseroait á ces petites!» (A. Roussin), — une apposition : « Oui, j'en ai une, une seule [ambition] : étre élu membre de I'lnstitul á 1'élection de I'hiver prochain » (J. Romains). 5. Parentheses Elles marquent, dans le corps ou á la fin de la phrase, l'intrusion d'un element le plus souvent secondaire : reflexion, precision, explication, etc., qu'on pourrait retrancher sans que le sens en souffrit. Elles se composent de deux signes, l'un ouvrant /(/, l'autre fermant /)/, qui encadrent ce qu'on appelle une parenthěse prononcee sur un ton plus bas. Mettre le premier signe est ouvrir la parenthěse, mettre le second, fermer la parenthěse : « Bon, cela! Bon!... (s'exclamait-il) » (R. Rolland), « Mon producteur arrive en retard. Moi (qui I'avais prévu) un peu plus en retard » (F. Mallet-Joris). La parenthěse fermante doit toujours étre écrite méme devant un signe de ponctuation exigé par la phrase, l'un et l'autre coexistant — ce qui n'est pas le cas avec le tiret, cf. infia. 6. Guillemets Ils servent en general á encadrer une phrase rapportée au discours direct dit ou pense. Ils se composent de deux signes, l'un ouvrant /«/ avant, l'autre fermant /»/ apres la phrase entre guillemets prononcee sur un ton plus haut. Mettre le premier signe est ouvrir les guillemets, mettre le second, fermer les guillemets. Quand le passage au discours direct est annonce par un verbe intro-ducteur, les guillemets ouvrants sont toujours precedes par deux points: « Comme je paie le garcon avec un billet de mille lires et qu'il doit me rendre la monnaie, le patron lui dit a haute voix, en dialecte : "Donne-lui le mauvais billet"» (J. Giono), «Je songeais aussi: "A cause des affaires de I'Etat, il me font perdre mon enfant: je n'ai pas le temps de m'occuper de lui" » (H. de Montherlant). Le signal de la prise de parole peut se faire aussi soit par un verbe en incise a l'interieur de la phrase guillemetee, soit par un verbe qui lui est posqDose, auquel cas il n'y a, bien stir, pas de deux points avant le signe ouvrant: « "Oui, Oui! dit-elle. Allans faire nos paquets" » (G. Sand), «" Quelle histoire de gateaux?" demandait ma sceur » (F. Mauriac). Les guillemets servent aussi a presenter un mot, des propos qu'on ne reprend pas a son compte ou a isoler un mot, une expression qu'on veut mettre en relief. Ils ne sont alors pas precedes des deux points: «11 lui fallait reprendre sa ligne, la fin de la course approchait; en la sentant "decoller", Kestner n'allait-elle pas s'echapper, de crainte d'etre surprise? » (H. de Montherlant), «Mon pere, fils de petites gens, mi-paysans, mi-jardiniers, s'etait detourne de la terre pour "s'elever par le savoir" comme il disait volon-tiers » (G. Duhamel), «Ils [les avions] le giflerent d'air au passage avant de revenir "dans le bon sens"» (A. Malraux). 7. Tiret Le tiret simple est d'usage pour separer les propos des interlocuteurs. II joue alors le role d'un indicateur typographique du changement cl'intervenant: « Penelope, petrifiee de joie horrible, regardait!... — Nous allons le le presser, clama Lagobolon vehement. — Eh! Eh! Ne poussez pas, dit Ulysse » (J. Giono). II peut aussi simplement indiquer la prise de parole d'un personnage isole : «Jenny ne comprenait pas. Elle repetait: — Qu'est-ce qu'il y a? Oil court-on?» (R. Martin du Gard). Mais le tiret, sous sa forme redoublee /--/, peut aussi prendre une fonction semblable a celle des parentheses en isolant un element — mots, groupes de mots, phrase meme — qui apporte une information complementnire. le plus 90 I La phonétique souvent accessoire, en tout cas dont la suppression n'entrainerait pas de désordre grammatical : «II me semblait — en dehors de toute idee politique — qu'avoir un fils devait étre quelque chose d'immense... » (H. de Montherlant), « Mais, voyant que nul ne m'invitait á jouer, elle [ma mere] poussait l'amour jusqu'a deviner que je risquais de me prendre pour un nain — ce que je ne suis pas tout á fait— et d'en souffrir » (J.-P. Sartre). Si une phrase ou une proposition dans une phrase doit se terminer par le tiret fermant d'un double tiret, le tiret fermant disparait au profit du signe de pause normalement appelé, ce qui distingue le double tiret des parentheses (cf. supra): «J'ai bien plus conscience encore de la solitude de tout étre humain — quelle que soit son attitude dans I'aggbmeration oil il s'attroupe.» (P. Reverdy), « Anne, la premiere, s'etirait — impatiente de tirer des alouettes au crépus-cule; Thérěse, qui haissait ce jeu, la suivait pourtant, insatiable de sa presence » (F. Mauriac). En revanche, dans le cours de l'enchainement grammatical, le tiret fermant est maintenu qu'il y ait une virgule ou pas: « Folie de vivre — sans but, sans frein, sans raison —, pour la fureur de vivre! » (R. Rolland), « Et sans doute faut-il parler de corde á propos des chěvres, et méme — quels tiraillements! quelle douce obstination saccadée! — de corde usee jusqu'a la corde, et peut-étre de měche de fouet» (F. Ponge). MB : Au Moyen Age, la ponctuation suit clans l'ensemble, aprěs interpretation, celle des grammairiens gréco-latins du ive siěcle aprěs Jésus-Christ: ponctuation forte, moyenne et faible, mais sans grande logique dans l'emploi. II faut attendre la Renaissance pour que les imprimeurs introduisent de nouveaux signes et fixent des usages plus cohérents. Vers le milieu du xvi1' siěcle, on utilise le point, la virgule, les deux points, le point d'interrogation, le point d'exclamation, la parenthěse, auxquels vient s'ajouter le point-\irgule vers la fin du siěcle. Appa-raissent au xvnt; siěcle le tiret (et 1'alinéa « á la ligne », qui est k proprement parler un signe typographique), au xvm1' siěcle, les points de suspension. Le systéme est alors complet, le xix'-' siěcle ne fournissant plus que le signe typographique des crochets /[]/• Seconde partie LA MORPHOLOGIE