En traduisant, gardez les chiffres et les tirets (n’y modifiez quoi que ce soit !) N’oubliez pas de proposer une traduction des titres. Remplacez les xxxxxx par votre UCO --UCO@xxxxxx-- --00-- Réjean Ducharme, L’avalée des avalés, Gallimard, Paris, 1966. --01-- Tout m'avale. Quand j'ai les yeux fermés, c'est par mon ventre que je suis avalée, c'est dans mon ventre que j'étouffe. --02-- Quand j'ai les yeux ouverts, c'est par ce que je vois que je suis avalée, c'est dans le ventre de ce que je vois que je suffoque. --03-- Je suis avalée par le fleuve trop grand, par le ciel trop haut, par les fleurs trop fragiles, par les papillons trop craintifs, par le visage trop beau de ma mère. --04-- Le visage de ma mère est beau pour rien. S'il était laid, il serait laid pour rien. Les visages, beaux ou laids, ne servent à rien. On regarde un visage, un papillon, une fleur, et ça nous travaille, puis ça nous irrite. --05-- Si on se laisse faire, ça nous désespère. Il ne devrait pas y avoir de visages, de papillons, de fleurs. --06-- Que j'aie les yeux ouverts ou fermés, je suis englobée : il n'y a plus assez d'air tout à coup, mon cœur se serre, la peur me saisit. --07-- L'été, les arbres sont habillés. L'hiver, les arbres sont nus comme des vers. Ils disent que les morts mangent les pissenlits par la racine. --08-- Le jardinier a trouvé deux vieux tonneaux dans son grenier. Savez-vous ce qu'il en a fait ? Il les a sciés en deux pour en faire quatre seaux. --09-- Il en a mis un sur la plage, et trois dans le champ. Quand il pleut, la pluie reste prise dedans. Quand ils ont soif, les oiseaux s'arrêtent de voler et viennent y boire. --10-- Je suis seule et j'ai peur. Quand j'ai faim, je mange des pissenlits par la racine et ça se passe. --11-- Quand j'ai soif, je plonge mon visage dans l'un des seaux et j'aspire. Mes cheveux déboulent dans l'eau. --12-- J'aspire et ça se passe : je n'ai plus soif, c'est comme si je n'avais jamais eu soif. --13-- On aimerait avoir aussi soif qu'il y a d'eau dans le fleuve. Mais on boit un verre d'eau et on n'a plus soif. [...] --14-- Mon père est juif, et ma mère catholique. --15-- La famille marche mal, ne roule pas sur des roulettes, n'est pas une famille dont le roulement est à billes. --16-- Quand ils se sont mariés, ils se sont mis d'accord sur une sorte de division des enfants qu'ils allaient avoir. --17-- Ils ont même signé un contrat à ce sujet, devant notaire et devant témoins. --18-- Je le sais : j'écoute par le trou de la serrure quand ils se querellent. --19-- D'après leurs arrangements, le premier rejeton va aux catholiques, le deuxième aux juifs, le troisième aux catholiques, le quatrième aux juifs, et ainsi de suite jusqu'au trente et unième. --20-- Premier rejeton, Christian est à Mme Einberg, et Mme Einberg l'emmène à la messe. --21-- Second et dernier rejeton, je suis à M. Einberg, et M. Einberg m'emmène à la synagogue. --22-- Ils nous ont. Ils sont sûrs qu'ils nous ont. Ils nous ont, ils nous gardent. --23-- Mme Einberg a Christian et elle le garde. M. Einberg m'a et il me garde. J'ai mis du temps à comprendre ça. --24-- Ça n'a pas l'air difficile à comprendre, mais, quand j'étais plus petite, je trouvais que ça ne tenait pas debout, que c'était impossible que mes parents ne puissent pas s'aimer et nous aimer comme je les aimais.