Le roi de jade est cette gloire dc graviers verls, cette magie cndormie sur une baguc, II est cette amulettc £caillee de son sceptre, cette pesee sur toute aventure; Comme tout ce qui quitte le centre soluble i! a fix6 et pare" sa propre solitude. * * * Nul au roi de loin ne s'assemble; il n'a pas voulu d'unc etoile pour s'entendre avec la nuit; Pour rdduirc son 3mc avec sa peine il n'a pas voulu des larmes descendues en terre, Pour relever l'espace de sa tente il n'a pas voulu de la trav6e des bras ouvcrts, II n'a pas voulu du sable doux de la poussiere les os blanchis dont les ans font une cendre adoucie; Dans le ventre de la terre il n'a pas voulu de la fraternité des morts, II n'a pas voulu des pas pieux de la Reine, il n'a pas de fantome pour I'appeler dehors. * * Rose noire, fantfime de rose rouge I'herbe trembleuse la releve, L'arbre s'il se penche, epris dc sa ressemblance, prend forme de r6ve autant que de seve, Plus que l'ombre exacte t'est fidele la pierrc usee sur le doigt; Les amants ont saigne couch6s dans l'absence, les rois ont ri en marchant dans leur arroi. ♦ * Quand le bien-aimé dormira sous le tertre mal désherbé, quand le bien-aimé veillera avec des yeux brouillés, Je verrai ses yeux entr'ouverts comme l'oree du petit bois, ses yeux pleins d'alldes et du gibier de nos baisers, Car il m'aura choisie pour capture d'ombre je l'aurai choisi pour roi-fant6me; Nous serons doux et sevres comme l'espfrance doux et disassembles comme la paille et le chaume; Mais il n'aura plus besoin de la couv£e de mon ombre ni du voeu de ma bouche descellee, Quand il sera le roi et la pierre de ma bague severe, quand je serai l'hoir et la reine de sa main haut levde! MEMOIRE SANS JOURS La malemer L 'homine cherche sa densite et non pas son bonheur. Saint-Exup£ry Je descendraijusque sous la malemer ou la nuit jouxte la nuit—jusqu'au creuset ou la mer forme elle-mSme son malheur, sous cette amn6sique nuit de la malemer qui ne se souvient plus de l'Ctreinte de la terre, ni de cellc dc la lumiere quand les eaux naissaient au chaos flexueux de l'air, quand Dicu les couvrait du firmament dc ses deux mains — avant la contradiction du Souffle sur les eaux, avant ce baiser sur la mer pour dessoudcr la mer d'avec la mer — avant le frai poissonneux de la Parole au ventre de l'eau la plus basse, avant la division des eaux par la lame de la lumiere — avant l'antago-nisme des eaux par 1'avarice dc la lumiere. * * * Toute salive refoulée de silence — je regoůterai aux eaux condamnées dc ma naissancc; eau fautive de la naissance cernant 1'innocence du sang — et tu pends a la vie comme le fruit dc l'arbre contredit; est-il nuit plus nouvelle que la naissance — cst-il jour plus ancien que 634 maternitc mysterieuse de la chair — asile ouvert aux portes du premier cri, et la mort plus maternelle encore! * ** Face fiancee de la haute mer axee sur la spirale du souffle — malemer sequestra aux fosses marines de la Kconditd; haute mer! ceil farde" du bleu des legendes — moire des images et des &oiles £teintes; eau joyeuse au tnSbuchet des ruisseaux — danseuse au nonchaloir des fontaines; chair plaslique de ta danse — parole aventuriere de ta danse et phenix de ton esprit voyager par la fiamme vcrte de la danse; amoureuse livree au vertige des cataractes el tes Icntes noces au lit des ffeuves — fidele a la seule alliance zodiacale comme a ta hauteur originelle; eau circulaire et sans autre joug que le jeu de tes voies rondes — c'esl toi 1'erre de nos fables et la s6chcrcsse de notre bouche; a I'envers des nuages, nous avons vu tes metamorphoses — et ton som-meil de crista], 6 momie couchee sur les pdles; eau ascensionnellc —j'ai entendu la rumeur de ton mensongc redescendre dans l'oreille etroite de la conque; tu joucs aux osselets avec les coquillages — tes mains jouent sur toutes les greves du monde avec le bois mort des cadavres; sur toutes les tables de sable — tu prends l'aunage de la puissance el de ton de'ferlement; tentative du guet des falaises — j'ai vu l'epaulee Kminine de tes marees pour effriler leur refus de pierre; fiancee fluente des vents durs et precaires — comment te delieras-tu de la fatalite de ton obeissance? Purifiee par 1'eau la plus lointaine — comment le laveras-tu dc la salurc des moris? Haule mer! je refuse ta rose d'argent dispersed sur les sables — el ton essor disperse" en ecume; je ne serai plus la mouelte de les miroirs — ni 1'hippocampe droit de tes parnasses houleux; haute mer! je salue la croix du sud renvers6e sur ton sein — et je descends ameremenl sous la nuit oceantque de la malemer! Malemer, mer stable et fermee a la foudre comme a l'aile — mer pre-gnante et aveugle a ce que tu enfantes, emporte-moi loin du courant de la memoire — et de la longue flottaison des souvenirs; hale-mot dans ta nuit tactile — plus loin dans ton opacite que la double cecite de l'oeil et dc l'oreille; malemer, toi qui ne monies plus sur la touffe fleurie des pre"s — comme une pensee fatiguee des images, toi qui ne laboures plus les greves au cliquctisdes cailloux — remuement de pensees au hasard des vocables, toi que n'enchaine plus la chaine des marees — ni le bref honneur des rd vol tes vertical es, que je sois en toi ce nagcur rituel et couchd — comme un secret aux plis des ctoffes sourdes; sans foulde calculee — que je ctrcule par tes chemins sans arrivages, malemer — rature mon visage et noie cetle larme oil se refont des claries, que j'oublie en toi les fronlicres ambigues de mon propre jour — et la lucide distance du soleil. Naissance obscure du poeme Comme 1'amante endormie dans l'ardente caplivite — immobile dans la pourpre muette de l'amant, fluente et nocturne a la base du desir — obscurcie de sommeil et travestie d'innocence, ses cheveux ouvcrts a la confidence — telles les atgues du songe dans la mer ecoutante, la femme omnipresente dans la fabulation de la chair — la femmc fugitive dans la fabulation de la mort, et l'amant pris au siilage 6troil du souffle — loin de l'usage viril des astres courant sur des mines dc feu, elte dort prcs de 1'arbre polypier des mots mfiduses — par l'6treinle de 1'homme a la cassure du dieu en lui, 637 par cette lame dure et droile de la conscience — void I'hommc dédoublé de douleur, voici la scule inlimité de la blessure — I'impasse blonde de la chair sans parité; voici 1'évocatrice de ta nuit fondamentalc, malemer — la nuit vivantc et soustraitc aux essaims des signes, malemer, mer rčciproque á ton equivoque profondeur — mcr inchangée entre les herbes aměrcs de tes páques closes, toute l'argile des mots est vénitienne et mariée au limon vert — lout poéme est obscur au limon de la mémoire; malemer, lent conseil d'ombre — efface les images, 6 grande nuit ico-noclaste! * * * Malemer, aveugle-nee du mal de la lumiere — comment sais-tu ta nuit sinon par l'oeil circulairc et sans repos de paupiere? pierrerie myriadaire de l'oeil jamais clos — malemer, tu cs une tapisserie de regards te crucifiant sur ton mal; comment saurais-tu ta lumiere noire et sans intimity — sinon par le poeme hermdlique de tes tribus poissonneuses? o rime puerile des elages du son — voici 1'assonance sinueuse et la parity vivante, voici l'opacite ocellec par l'oeil et 1'ecaille — voici la nuit veiHee par l'insomnie et l'e"tincelle; entre les deux mcrs, voici le vivier sans servitude — et le sillage effUS du poeme phosphorescent, mime fantomatique du poeme inactuel — encore a distance de rose ou de reine, toute la race du sang devenue plancton de mots — et la plus haute memoire devenue c6cit6 vague; pierre a musique de la face des morts — frayere fremissante du songe et de la souvenance; malemer, quel schisme du silence a creuse' ta babel d'eau — negation a quels 61oges prophetiqucs? assises du silence sur le basalte et le granit — et sur les sinais noirs de tes montagnes sans revdlation, 638 le vent n'a point de sifflement dans ton herbage — la pluie est sur toi suaire dc silence, veille la parole s£qucstr6e dans 1'eclair — faussaire de tes silences cat6-goriques, tu l'entendras draguer tes etoiles gisantes, tes soleils tout dematlles — la haute mer lui portera ferveur, pleurcuse de la peine anonyme — la nuit lui est remise a large brassee amere, chantcuse encore mal assurce — et e'est toi socle et cothurnc inspire, fermentation de la parole en bulles vives — roses hauturieres et blanches pour une reine aveugle. * * Densite Qui done avant nous a fait voeu au large de la nuit — sans route ni courant vers le bruissement de Paube? qui done a fait vreu d'enfance et d'images — par la mer portante? vocu de risque et de plenitude — par la mer submergeante? par Pechelle liquide, croisement d'ailcs el de monstres — manifestation de l'etoile par Paraignee d'eau et l'astdrie, lassitude des naissances de haute mer — par le sel des sargasses atlan-tiqucs, surfaces mensongeres des metropoles etoildes — feux froids de leurs reflets nocturnes, d'avoir touchd terre, la mer a touchf le mensonge — la foudre la nettoie des images riveraines, lendue dans 1'orage par ses nerfs vegdtaux — la mer se lave avee ses mains brisees, par le miel viril de ses varechs — clle se gudrit des odeurs tcrriennes, ni rives ni miroirs — mais le scul faitage marin des bras lev6s; que la mer haute aille a la mer basse — qu'elles brulent ensemble dans les aromates incorruptibles! ni le vent ni le soleil ne secheronl la mer, maree sur maree — ni le gibier des songes, banc sur banc, 639 ni la mcr ne sortira du sel el du foudroiement — ni Ic poěme de la chair el de la figuration du verbe; bois ta défaile avec Ie sable čchoué — refuse le calfat des mots pour tes coques crevées; cécité sacrée ďunc charge de lumiěre — ouvre les yeux sur les cavernes de ta nuil, ni le soleil ni le vent n'ordonnenf la terre — mais la rosée née de la parfaite précarité, ni la lumiěre ni ľopacité n'ordonnent la mcr — mais la perle née de 1'antagonisme des eaux, maria, nom pluricl des eaux — usage dense du sein et nativité du feu.