La critique litteraire (Jeröme Roger, collection topos, Dunod) Sommaire Avant propos Chapitre I: Le legs du passe 1) les enjeux de la notion de « critique » * Aristote et les criteres de l'ceuvre litteraire * la philologie hehenistique 2) l'age classique : tension et ruptures * apogee et contradictions d'une critique prescriptive * de l'esthetique a la critique creatrice Chapitre II: des certitudes aux mutations 1) la critique, une science en quete de I6gitimit6 * divisions de la critique au XIX siecle * la litterature, objet de science ? * le point de vue de l'Histoire sur la litterature 2) la critique creutrice * Sainte-Beuve et la question de l'auteur * Proust: a la recherche du moi createur * style, technique et vision * la mutation de la critique dans l'entre-deux-guerres Chapitre III: les critiques d'interpretation: questions et methodes 1) 1' « ecole de Geneve » et la critique thematique * une philosophie de l'imaginaire * Gaston Bachelard et la phenomenologie de 1'image poetique * Jean-Pierre Richard et 1'analyse des formes thematiques * Jean Starobinski ou l'experience critique * perspective et enjeux de la critique 2) litterature et psychanalyse * la critique confrontee aux sciences humaines * lire avec la psychanalyse * les textes f ondateurs * Charles Mauron et la methode psychocritique * la textanalyse de Jean Bellemin-Noel ou le texte « hors l'auteur » * perspectives 3) litterature et sociologie * definitions * la sociocritique * heritages et courants sociocritiques * les critiques de la reception * prolongements Chapitre IV : le texte comme langage 1) critique et linguistique : un dialogue discontinu 2) principe de l'analyse formelle et structurale *Roman Jakobson et la fonction poetique du langage * La narratologie : une science du recit ? * Mikhail Bakhtine : dialogisme et intertextuahte 3) les critiques de 1 enonciation * Entile Benveniste et la critique du langage *Henri Meschonnic : critique du rythme, critique de la voix Chapitre V : la critique d'auteur 1) la critique comme forme de litterature 2) la critique polymorphe : Jean Paul Sartre * le critique en « situation » * Portraits et vies d'ecrivains : vers une anthropologic litteraire 3) Roland Barthes : la critique en mouvement * un critique a distance * 1'a venture du texte 4) Maurice Blanchot: la lecture comme 6cho amplifi6 de rceuvre 5) Julien Gracq critique, ou rintelligence de l'affect 6) Ouverture Avant propos : « La critique ne peut pas demeurer dans les limites du savoir verifiable ; elle doit se faire ceuvre a son tours, et courir les risques de l'ceuvre. » Jean Starobinski « Le sens de la critique » critique litteraire = pratique singuliere de la lecture, met toujours en jeu une conception (meme inconsciente ou implicite) de ce que Ton appelle « la litterature » ; activite complexe et n6cessairement sihte. Cf Georges Blin, Les Cribleuses de ble, met accent sur fonction evaluative de la critique, dont point de vue est « hierarchique a la verticale » fonction critique = reconnaitre une ceuvre litt ( cf 6tymologie grecque : krino = je choisis, j'attribue une valeur ») mais cela implique en retour reflexion constante sur critere de ses jugements. Ne peut se contenter de juger, doit sans cesse construire son objet pour le connaitre => question delicate du statut de la critique / la titeorie de la litterature : titeorie s'attache a d6finir nature du fait litteraire => vise vente d'ordre generale critique = art de la recherche de vérités particuliěre relatives á ceuvres choisies. /=> méthodes critiques se situent sur plans différents selon nature questions auxquelles elles essaient de répondre Si la critique doit admettre comme l'ecrivait Roland Barthes que «l'ceuvre littéraire est un systéme sémantique trěs particulier, dont la fin est de mettre « du sens » dans le monde et non pas « un sens » » (« Qu'est-ce que la critique ? », Essais critiques) Dans Hvre, pas ďexposé sur la critique génétique qui analyse et interprete les manuscrits de l'ecrivain depuis les premieres ébauches jusqu'a 1'état définitif du texte. Chapitre 3 et 4, centres sur critique contempo mettent accent autant sur la diversité des approches que sur leurs enjeux épistémologiques, dans la mesure oú le texte n'existe pas en dehors du regard porte sur lui. « la critique d'auteurs » distinguée id, á la suite d'Albert Thibaudet de la « critique professionnelle » (Physiologie de la critique) ou universitaire. Plus nuancée dans les faits, cette distinction a le mérite de réaffirmer aujourd'hui le role majeur des écrivains dans la transformation de la critique au cours de la seconde moitié duXX Chapitre 1: le legs du passé I: les enjeux de la notion de « critique » 1) Aristote et les critěres de l'ceuvre littéraire Si dans la langue de Platon, radjectif critique (kriticos) designe couramment la faculté méme de penser ou de discerner, c'est Aristote qui soumet pour la premiere fois les ouvrages de fiction á l'esprit d'examen : les ouvrages qui relěvent de « l'art poétique lui-méme » ne délivrent pas un savoir ordinaire mais ils « imitent », ou représentent, la vie au lieu de la reproduire ■=> en posant pour premiers critěres de rceuvre poétique la mimesis de la vie, qui suppose la representation et la distanciation du monde « réel », et les effets particuliers de cet art sur le public, Aristote ne pretend nullement légiférer la production littéraire des siěcles á venir mais se fonde au contraire sur 1'observation méthodique ďune pratique pluriséculaire du langage en Grěce. La Poétique, en ce sens, est á la fois le premier bilan critique et la premiére definition en comprehension du phénoměne littéraire. ■=> Consacre un certain nombre ďceuvres passées et contemporaine tout en dégageant des principes de fonctionnement propres á chacun des genres ainsi crées selon logique classificatoire qu'Aristote emprunte aux sciences naturelles Anachronique de parler / Aristote de critique littéraire au sens moderně de la notion cád une reflexion autonome sur les ceuvres, qui ne verra pas le jour avant le XIX, mais vrai =t que La Poétique constitue la reference de toute demarche critique puisqu'elle met accent sur caractěre construit (du verbe grec poiein) et conscient ďceuvres dont la valeur et la puissance resident dans l'emotion qu'elles communiquent au lecteur (c'est á cette actualité d'Aristote que Valéry fait allusion lěre lecon de poétique au college de France) Le hen, explicitement tenu chez Aristote, entre la poétique et la critique, cád entre 1'analyse et 1'évaluation des ceuvres ne sera pas maintenu aprěs lui. Děs leur introduction á Rome, ses deux grands traités en matiěre de sciences du discours la Poétique et la Rhétorique furent interprétés dans un sens prescriptif. ■=> Le clivage qui s'est opéré dans antiquité latine entre critique et poétique, a séparé durablement reflexion sur langage du jugement sur les ceuvres => specialisation activité critique dans le seul relevé des défauts et des qualités selon sens classique encore souvent répandu du mot ■=> Examen lexicographique du mot critique révěle prégnance du conflit entre description et evaluation des textes : de cette oscillation découle un déplacement continu de 1'objet méme de la critique. 2) la philologie hellénistique • 1'étabhssement des textes • l'hermeneutique, un art de l'interprétation Le probléme de l'interpretation des textes = déjá posé á Athěnes / deux épopées homériques, Wade et odyssée (mythe, histoire, morale ou philosophie ?); devient á Alexandrie objet d'une veritable science de l'interpretation des textes(ap lěre trad par savants juifs hellénisés de la Thora en grec): pb du sens des Ecritures 6tait li6 a leur dimension historique (ou ce qui releve du sens litteral du texte) et a leur message spirituel (ou ce que les ex6getes chtetiens appelleront parfois leur sens anagogique ou mystique). Or elucidation du sens cadte d'un texte engage un rapport particulier aux signes qui le composent, ceux-ci 6tant traites comme les symboles d'une r6alite autre, d'une transcendance premiere par rapport a rimmanence du texte.. La radicalisation de ce principe de lecture est sugger6e dans la seconde epitre de l'apotre Paul, Epitre aux Corinthiens : interpreter, sur la lettre qui tue et l'esprit qui vivifie (26me lettre, III, 6). Cette lecture, I6gitmtee par recherche du sens des textes sacr6s, releve, en fait autant de la philologie que d'un art de lire sp6cifique : l'art hermeneutique (du verbe grec ermeneuein : interpreter) ou art de deVoiler un sens fondamentalement ambigu ou cach6, aura au XVII siecle toute la faveur des penseurs et critiques de culture jansemste. Art avant tout exigeant, comme l'6crira Pascal: « Deux erreurs : I. Prendre tout litteralement. II. Prendre tout spirituellement » (Pens6es) Pour veiller au respect des dogmes de l'Eghse, la trad scolastique du M.A. a ainsi limits les risques de lectures arbitraires ou trop subjectives et a codifi6 le plus sou vent l'ex6gese heritees des peres de l'Eglise en quatre niveaux de lecture - litteral, all6gorique, moral et anagogique. En rendant possible la lecture individuelle de la Bible, le mouvement de la relorme, ben6ficiant de la diffusion du livre imprinte va solliciter un lecteur nouveau Esprit de libre examen du texte Ulustr6 fin XVII par ceuvre de Pierre Bayle, les auteurs de I'Encyclopedie l'erigeront en veritable melhode de pens6e. Heritiere a son tour des Lumieres, la critique litteraire moderne, a partir de pr6suppos6s titeoriques issus de la philosophie ou des sciences humaines, se r6appropriera en partie l'heritage de la philologie et de l'hermeneutique, chaque 6cole d'interprelation - thematique, psychanalytique, sociologique - correspondant alors a un courant sp6cifique de la critique II: l'age classique : tension et ruptures 1) apogee et contradictions d'une critique prescriptive • les codes de la creation litteraire le sens du mot critique est reste au cours des XVI et XVII tributaire de la red6couverte des grands traites de l'antiquite dans lequel pour sa part Montaigne ne se reconnaissait pas : « pour moy, qui ne demande qu'a devenir plus sage, non plus scavant ou eloquent, ces ordonnances logiciennes et aristoteliques ne sont pas a propos » (« Des livres », livre II chap X Essais) Erig6 au siecle suivant en systemes de regies de la creation litteraire par les sp6cialistes du langage (les « doctes ») comme par la plupart des ecrivains classiques, la Poelique d'Aristote devint la caution de la critique savante. Cf Antoine Adam, « ce sont des theoriciens qui exposerent et soutinrent les maximes de la nouvelle litterature. Avant de se realiser dans des ceuvres magistrales, le classicisme s'est affirme dans des oeuvres de critiques » I'Age classique I ■=> ainsi poete et critique Jean Chapelain qui tedige les Sentiments de I'Academie sur « Le Cid » peut 6dicter la regie dite « des 24 heures », comme celle de « l'imitation » selon une interpretation r6ductrice de la mimesis d'Aristote : «je pose done pour fondement que l'imitation en tous poemes doit etre si parfaite qu'il en paraisse aucune difference entre la chose imitee et celle qui imite, car le principal effet de celle-ci consiste a proposer a l'esprit, pour le purger de ses passions dereglees, les objets comme vrais et comme presents » ■=> categories critiques du classicisme francais - « imitation » de la nature, purgation des « passions der6gl6es » - d6tournent le concept aristotelicien de mimesis (comme repr6sentation-cr6ation) au b6n6fice d'une conception platonicienne de la po6sie comme imitation-duplication du r6el au service de l'6ducation (cf Platon dans la Republique) Phenomene qui s'inscrit dans projet d'unification linguistique du royaume dont pol Richelieu = 6tape decisive => jugements officiels sur creation htt6raire se fondent autant sur le respect des regies de la langue (« commentaire » du poete Desportes par Malherbe en 1606 est le prototype de cette critique de conformity) que sur stricte application des pr6ceptes puis6s dans Po6tique d'Aristote et surtout l'Art po6tique d'Horace ; ds ce contexte, Art poetique de Boileau paru en 1674 constitue aide-m6moire de la critique classique autant que son programme. : « Jamais au spectateur n'offrez rien d'incroyable : / le vrai peut quelque fois n'etre pas vraisemblable », « Des heros de roman fuyez la petitesse ». Au nom de l'art d'6crire, Boileau revendique le devoir de censure de la critique : « Je vous l'ai deja dit, aimez qu'on vous censure, / Et souple a la raison, corrigez sans murmure » => ideologie de la normě qui s'est difficilement impose dans ceuvres de la 2nde moitié du XVII est pourtant percue au XVIII comme un critěre infaillible de bon goút et cela alors méme que les formes littéraires s'emancipent des moděles anciens :cf Voltaire qui confie la garde de son Temple du goút á « la Critique » : Car la Critique, á 1'oeil severe et juste Gardant les clefs de cette porte auguste D'un bras ďairain fiěrement repoussait Le peuple goth qui sans cesse avancait • la critique face á la variabilita des normes amour de la regie qui caractérise le Grand Siěcle = générateur de contradiction, cf nombreuses cabales et controverses qui entourent bcp des grandes ceuvres de ce siěcle (Le Cid, Phědre) => CF Corneille dans les trois Discours du poéme dramatique : renvoyant adversaires á leur propre dogmatisme, il entreprend de substituer á leur arguments ďautorité une veritable critique fondée sur 1'évolution des formes : « II est constant qu'il y a des préceptes, puisqu'il y a un art, mais il n'est pas constant quels ils sont. On convient du nom sans convenir de la chose, et on s'accorde sur les paroles pour contester leur signification » Moliěre , scene IV de la critique de I'Ecole des femmes, argument qui échappe délibérément aux normes du beau : « laissons-nous aller de bonne f oi aux choses qui nous prennent par les entrailles » Racine, pref á Berenice demande á sa piece « que tout s'y ressente de cette tristesse majestueuse qui fait tout le plaisir de la tragédie » Plus effort de théorisation sans precedent qui accompagne la creation théátrale au XVII doit pas faire oublier la critique d'ouverture que suscite roman, genre non codifié qui connait son plein essor Charles Sorel auteur et aussi l'inventeur d'une critique moderne(La Bibliothěque frangaise et De la Connaissance des bons livres) qui prend en compte dimension historique et sociále de la prod littéraire de son époque Pierre-Daniel Guet: Lettre sur I'origine des romans (1669) esquisse de la premiere critique « anthropologique » du genre romanesque « chercher la premiere origine dans la nature de l'homme inventif amateur des nouveautés et des fictions, désireux d'apprendre, de communiquer ce qu'il a inventé et ce qu'il a appris, et que cette inclination est commune á tous les hommes de tous les temps et de tous les lieux » ■=> nécessité d'une critique qui ne se fonde plus sur conception immuable du beau ni sur representation exclusivement normative de la langue mais sur sentiment éprouvés par spectateur ou lecteur = á I'origine de la critique esthétique qui nait au milieu du XVIII 2) de 1'esthétique á la critique créatrice Dumarsais, grammairien, Tropes, 1730; Fontanier, Traité general des figures du discours (de 1818 al827) = parachěve edification du grand modele d'analyse et de critique de la langue littéraire entrepris au siěcle precedent en le dotant d'une grammaire de l'expression (ou des figures de rhétoriq) « On nous demandera s'il est utile ďétudier, de connaitre les figures [...] Ne pas chercher á les connaitre serait [...] renoncer á connaitre l'art de penser et ďécrire dans ce qu'il a de plus fin et de plus délicat: ce serait á peu pres renoncer á connaitre les lois, les principes du gout. » (Fontanier) inventaire systématique d'exemple procédait d'un esthétique fondée sur connaissance objective des propriétés internes du « beau » discours, cad sur le « gout » => abstraction du sujet et de l'attitude que celui-ci adopte á 1'égard de l'objet Htt => critiq officielle du XIX sera si hostile aux créateurs cád aux inventeurs de style (romanti, symbohstes) => c'est en marge de la litt, ds critique picturale que signe changement de point de vue qui fonde esthétique comme science autonome, considěre d'abord la sensation, d'essence subjective produite par ceuvre d'art cf l'abbe Dubos, auteur du premier traité ďesthétique non dogmatique (Reflexions sur la poesie et la peinture) qui pose pb de la critique d'art fonde du point de vue empirique, cád fonde sur exp du sujet. Cette entreprise = la premiere critique esthétique du jugement car precede d'un mouvement intérieur porpre au sujet sensible, fait appel á savoirs qui débordent seul domaine pictural: psycho, historiq, ou pilo => élargissement par contrecoup champ d'application de la critiq htt. Cf Montesquieu, Essai sur le gout dans les choses de la littérature et de l'art publié dans Encyclopedic : facteurs physiologiq et historiq fondant: « ces différents plaisirs de notre ame qui forment les objets du gout comme le beau, le bon, le je ne sais quoi, le noble, le grand, le sublime, le majestueux, etc » ■=> critique materialisté qui annonce aussi critiq du sujet classique car « les sources du beau, du bon, de 1'agréable, etc, sont don ennous-mémes [...] en chercher les raisons, c'est chercher les causes des plaisirs de notre äme » (ibid) =>reconnaissance de ľautonomie de exp de nature subjective prefigure critiq romantiq annoncée par Diderot dans article « Génie » « les regies et les lois du gout donneraient des entraves au génie; il les brise pour voler au sublime, au pathétique, au grand » Mais esthétique au XVIII maintient reflexion sur la creation litt sous tutelle trad d'une conception « picturale » (ou imitative) du langage poétique en vertu interpretation littérale vers Horace {Art Poétique) promu en axiome : ut pictura poesis : « un poéme est comme un tableau », ainsi selon abbé Batteux prof de rhétoriq au College de France, esthétique englobe poésie et peinture dans un méme rapport ä « la belle nature » (Charles Batteux, Les Beaux-arts réduits ä un memes principe) => poésie ne saurait étre évaluée -critiquée - que par rapport ä autre chose qu'elle-méme, la « belle nature », notion transcendante au sujet ■=> emancipation critiq litt supposait done rupture préalable analogie entre creation poétique et creation picturale = entreprise du critiq et dramaturge allemand G.E Lessing {Du Laocoon, ou des frontierxs de la peintures et de la poésie): premiére et decisive clarification entre les arts du langage lies ä succession des unites du discours ds le tps et peinture : simultanéité des objets dans l'espace Diderot Lettre sur les sourd et muets, insiste le premier sur fait que perception et signification ďun texte poétique = irréductibles ä somme des ses unites, avance notion ď « embléme poétique » (trés moderne), embléme étant ce qui représente et dit ä la fois : « le discours n'est plus seulement un enchainement de termes énergiques qui exposent la pensée avec force et noblesse [...] c'est encore un tissu ďhiéroglyphes entassés les uns sur les autres qui la peignent. Je pourrais dire en ce sens que toute poésie est emblématique. Mais ľintelligence de ľembléme poétique n'est pas donnée ä tout le monde » ■=> considérant la litt comme un processus de transformation du langage, Diderot, avant Baudelaire et Proust met id accent sur la relation entre discours poétique concu comme pouvoir ďénonciation, et les reactions du lecteur, qui doit entrer en « intelligence »avec lui. Chapitre II: des certitudes aux mutations I: la critique, une science en quéte de legitimite ? 1) Divisions de la critique au XIX Albert Thibaudet, preface de Physiologie de la critique, 1930, souligne rôle décisif du XIX ds apparition critique en tant que savoir sur la litt: « la critique telle que nous la connaissons et la pratiquons est un produit du XIX siěcle. Avant le XIX, il y a des critiques. Bayle, Fréron et Voltaire, Chapelain et ď Aubignac, Denys d'Halicarnasse et Quintilien sont des critiques. Mais il n'y a pas la critique » Distinction entre critiques exercant librement leur jugement et « la critique » reconnue comme domaine de recherche littéraire prefigure specialisation discipline. Thibaudet explique plus loin que la critique s'est affirmée ä travers conscience et méthode de l'histoire qui accede alors au statut de science => lui permet de dresser ľinventaire des ceuvres littéraires pour en proposer une « construction qui les dispose en ordre intelligible » (pl9) Pas anodin car cela sous-tend toute reflexion sur la nature et la legitimite scientifique de ľactivité critique, cf virulence polémique années 60 qui opposa tenants de l'histoire littéraire, discipline universitaire déjä « ancienne », fondée au tournant du siěcle par Gustave Lanson, ä la critique ďinterprétation (dite « nouvelle critique » ) issue des sciences humaines plus récentes comme socio, psycha ou ling Autre ligne de partage qui traverse XIX : critique exercée par écrivain (Baudelaire / Poe ; Hugo / Shakespeare) au nom de valeurs esthétiques en rupture avec siěcles precedents et critique que l'on appellera « positive » parce que s'efforce de construire son objet sur modéles des sciences déterministes : pionniers qui ont soulevé la plupart des questions qui concernent la possibilité d'un regard scientifique sur texte littéraire : Sainte-Beuve (seul veritable critiq -écrivain de l'époque); Hippolyte Faine (philosophe et historien des idées); Ernest Renan, Ferdinand Brunetiěre (théoricien de « revolution des genres » son Manuel de l'histoire de la littér atur e francaise = un des premiers d'un genre qui fait encore autorite : la didactique de l'histoire littéraire) ■=> dans ensemble, mouvement de pensée assez homogene, ces personnalités sont d'abord témoins critiques de l'agonie de l'enseignement de la rhétorique réduite ä des conventions de discours => jettent fondement d'une science des faits littéraires ■=> exces de cette critique positiviste = äprement dénoncés par Charles Péguy, l'accusera de vouloir « mettre le génie en histoire naturelle » (« l'argent suit », Vies paralleles) = contestation qui amorce profonde mutation de la crit au XX 2) la littérature, objet de science ? Vision totalisante et déterministe de 1'Histoire du philosophe Auguste Comte (Cours de philosophie positive) = ä l'origine du projet de fonder les premieres « sciences sociales » « le mot positif designe le reel, par opposition au chimérique [et qualifie] 1'opposition entre la certitude et 1'indecision » ■=> positivisme d'Auguste Comte a faconné la demarche intellectuelle du XIX => a nourri projet de Taine ďappréhender les ceuvres d'art comme des productions déterminées par des causes « La méthode moderně que je täche de suivre, et qui commence ä s'introduire dans toutes les sciences morales, consiste ä considérer les ceuvres humaines et en particulier les ceuvres d'art comme des faits et des produits dont il faut marquer les caractěres et chercher les causes ; rien de plus. Ainsi comprise la science ne prescrit ni ne pardonne; elle constate et eile explique » {Philosophie de Vart) privilégiant logique de causalité, histoire positiviste = indistinetement une psychologie, une sociologie autant qu'un histoire littéraire coneue comme résultante de trois facteurs : race, moment, milieu qui sont =t dans « naturahsme » de Zola => Taine def le critique comme « le naturaliste de l'ame » (Essais de critique et d'histoire) ■=> Antoine Compagnon montre que appHcation integrale de ce prog ä étude de la litt donnera naissance ä « l'histoire littéraire [...] dont 1'intention, dans les années 1890 [...] fut de se distinguer de la critique, ä plus forte raison de la littérature » (La Troisiěme République des lettres) Entreprise de Taine = ďautant plus neuve que concevait texte comme document humain incomparable et « evolution » des genres littéraires comme déterminée par attente ďun « milieu » (cad culture du pubHc) • Taine : l'ceuvre comme document Méthode = incompatible avecc notion de « génie » et de « creation » revendiquées ä la méme époque par Baudelaire ds ses Salons : « La critique touche ä chaque instant ä la métaphysique » (« A quoi bon la critique ? », Salon de 1846); ne se donne pas pour fin une individualitě artistique ms de lire dans ceuvre une vérité sociale cf cit: métaphore de la litt comme instrument de mesure établit Hen entre litt et véracité scientifique « Parmi les documents qui nous remttent devant les yeux les sentiments des generations précédentes, une littérature, et notamment une grande littérature, est incomparablement le meilleur . Elle ressemble ä ces appareils admirables, d'une sensibilitě extraordinaire, au moyen des quels les physiciens démélent et mesurent les changements les plus intimes et les plus délicats d'un corps. [...] e'est done principalement par 1'étude des littératures que Ton pourra faire l'histoire morale et marcher vers la connaissance des lois psychologiques, d'ou dependent les événements » (« Introduction » ä L'Histoire de la littérature anglaise) Brunetiere et Lanson diffuseront et vulgariseront cette vision documentaire de la litt: « pendant bien des années encore, lorsqu'on voudra savoir ce qu'etaient nos mceurs de province dans la France de 1850, on relira Madame Bovary » (Brunetiěre ds la Revue des Deux mondes): = certitude qui dispensera la future histoire littéraire de mettre en question ses propres principes puisque ne fait pas de difference qualitative entre éeriture littéraire et archives de rhistoire => conception illusoire ds mesure oú précisément langage littéraire a trait au phénoměne de la signification et non ä celui- des faits + si oeuvre litt peut constituer un doc, s'agit de doc particulier qui ne relěve pas d'une rationahté universelle : si comme on le verra chez Proust, critique peut dégager des « lois » de l'univers d'un écrivain, elles révělent un regard particulier sur le monde irréductible au principe des sciences de la nature • Brunetiěre : le genre avant l'ceuvre Theorie de revolution des genres = apport de Brunetiěre au determinisme de Taine = second socle de la critique au XIX, introduit le genre ou le « modele » parmi les causes de l'ceuvre. Lanson ds avant -propos d'Hommes et Livres reconnaitra dette / Brunetiěre : « les ceuvres faites déterminent -partiellement - les ceuvres ä faire : elles sont nécessairement concues comme moděles ä suivre ou ä ne pas suivre » Trois principes méthodo qui selon Brunetiěre fondent objectivité critique : jugement, classification, explication Méconnaissant ce qui, ds ceuvre littéraire, résiste aux taxinomies, Brunetiěre se préoccupait moins des oeuvres singuliěres que de ces universaux qui constitueraient des « essences, ou forme de 1'élan vital de la littérature » (Albert Thibaudet, Physiologie de la critique) Question des universaux en litt = pb recurrent de la théorie littéraire = au 1er plan de colloque de Cerisy en 1966 « tendances actuelles de la critique » : Gérard Genette en proposera une formulation compatible avec la théorie structuraliste en ce sens qu'elle permettait de fonder une « critique pure » : « La seconde essence dont nous parle Thibaudet, en des termes peut-étre mal choisis, ce sont ces genres [...] qu'il vaudrait mieux sans doute appeler en dehors de toute reference vitaliste, les structures fundamentales du discours littéraire » (Genette, « Raisons de la critiques pure » Figures II) ■=> nvelle terminologie qui se referent au nveau modele des sciences humaines autour des années 1960, le structuralisme, ms au tournant du siěcle, notion de genre = plus une conception linéaire ou historiciste de la litt, hist litt justement édifié ä partir d'une Synthese de Taine et de Brunetiěre par Lanson pour interroger le « miheu » d'origine de 1'ceuvre (= ce qu'on appellera la critique « des sources ») bcp plus que ceuvre elle-méme. Methode (qui ne peut se comprendre que ds cadre plus large de la redefinition des savoirs au cours du XIX) qui s'est faite au benefice de cette discipline nvelle // ä la critique, rhistoire littéraire 3) le point de vue de rhistoire sur la littérature • le role précurseur de Mme de Staěl publie en 1800 De la littérature considerés dans ses rapports avec les institutions sociales.: idée d'une influence réciproque de rhistoire t de la litt, = conception héritée de la philo des ideologues du XVIII (Condillac, Condorcet) => nécessité de dépasser le point de vue formel et atemporel caractéristiq de la critiq classiq + inclure dans litt « tout ce qui concerne l'exercice de la pensée dans les écrits, les sciences physiques exceptées » => originalitě de 1'écrivain importéra moins que étude des mceurs et des lois qui font évoluer « l'esprit de la littérature » « il me semble que Ton n'a pas suffisamment analyse les causes morales et politiques, qui modifient l'esprit de la littérature. II me semble que l'on n'a pas encore considéré comment les facultés humaines se sont graduellement développées par les ouvrages illustres en tout genre, qui ont été composes depuis Homere jusqu'ä nos jours » Partageant destin de esprit humain qui obéit ä loi de « perfectibilité », la htt n'est désormais concevable que dans ordre du collectif et du situé Associe sans les confondre ouvrages ďidées (ou « philosophie ») et « ouvrages ďimagination » => reconnaissance de la spécificité des ouvrages de fiction met accent sur 1' « ceuvre », objet de la critique, tout en postulant existence « auteur » : notion ä la fois littéraire et sociale qui justifiera pr Lanson + successeurs hegemonie de histoire htt sur critiq • 1'histoire littéraire : fortune et bilan du lansonisme L'Histoire de la littérature frangaise, 1895, Lanson = point d'aboutissement d'une evolution qui avait fait de histoire la premiére science de la htt: « A mesure que chaque science s'arme de sa méthode, eile échappe ä la littérature » {Rommes et Limes). Critiq alors en quéte d'une legitimitě intellectuelle que seule histoire - dite littéraire - pouvait lui assurer Histoire htt pouvait étre celle de l'Institution litt, s'est réduite ä celle juxtalinéaire des ceuvres, cäd relevé exhaustif de leurs circonstances = sens de l'alternative entre « Histoire ou httérature ? » rappelée par Roland Barthes ds article de 1960 ds revue des Annales : « l'ceuvre est essentiellement paradoxale [...] eile est ä la fois signe d'une histoire et resistance ä cette histoire. C'est ce paradoxe fundamentale qui se fait jour, plus ou moins lucidement, dans nos histoires de la Httérature :; tout le monde sent bien que l'ceuvre échappe, qu'elle est autre chose que son histoire méme, la somme de ses sources, de ses influences, de ses moděles : un noyau dur irréductible, dans la masse indécise des événements, des conditions, des mentalités collectives » En nommant principe méme de méthode lansonienne (étude des « sources », des influences ...) Barthes en rappelle fondements épistémologique : d'une part « histoire événementielle » + jeune science des faits sociaux (Dürkheim Les regies de la méthode sociologique) A cette conception cloisonnée de rhistoire succédera approche pluridisciplinaire de 1' « école » des Annales qui substitue ä histoire des faits une histoire des problěmes et des mentalités ms renouvellera approche histo du phénoměne htt qu'apres 2nde guerre mondiale (cf ouvrage de Luden Febvre Le probléme de Vincroyance au XVI siécle : la religion de Rabelais) Hist htt malgré limite a eu mérite de mettre en evidence deux types de réalités antagonistes entre lesquelles critiq doit choisir ou qu'elle doit au moins distinguer : 1'institution littéraire et l'ceuvre empirique. Deux réalités posent un double pb théoriq que hist litt a légué aux « nouvelles critiques » : ler = d'ordre sociologiq ou « sociocritiq » avant la lettre = « la demande du public comme facteur de l'ceuvre » (A Compagnon, La troisiéme République des Lettres) : « le public commande l'ceuvre qui lui sera presentee : il la commande sans 'en douter » écrit Lanson (« Histoire littéraire et sociologie ») => cád que Lanson, suivant enseignement de Taine ici, accordait au « milieu » un role determinant ds reception des ceuvres - // critiq allemand contempo appellera « esthétique de la reception » ou théorie de la reception sur la forme ou le genre de l'ceuvre 2nd = lié á creation litt = veritable point d'achoppement du scientisme de Taine et de hist litt svt soulevé par Lanson = celui de l'individualite : « La definition de l'individualite est 1'objet ou 1'analyse litteraire doit aboutir : elle consiste á marquer les caractěres de l'ceuvre littéraire, tous ceux qu'on explique par des causes littéraires, historiques, sociales, biographiques et méme si Ton peut psychologiques, mais tous ceux aussi qu'on ne peut expliquer et qui constituent 1'irréductible originalitě de l'ecrivain » (Hommes et Livres) « originalitě » ceuvre = preoccupation constante des fondateurs de hist litt mais hostilité manifestée envers ceuvres de leur contempo, (poětes symboHstes en particulier) attestent limite des méthodes subordonnées á accumulation de connaissances factuelles et bornées par une conception étroite de la « clarté » francaise => critěre sur lequel Lanson jugeait Mallarmé lui reprochant moisn de vouloir « saisir rinintelligible » que de « nous l'apporter, sans 1'avoir converti d'aucune maniěre en intelligible » (« Stéphane Mallarmé », Essais de méthode, de critiques et d'histoire littéraire) Décalage finalement entre rigueur exigée par méthode historique et fragilité du sens critique coupe evolution des formes littéraire => souligne isolement et réussite de Sainte-Beuve : parvient á allier parfaite connaissance travail écrivain et travail de critiq // Proust qui au-dela aspect polémique de son Contre Sainte-Beuve, participera =t á une critique de creation. II La critique créatrice 1) Sainte-Beuve et la question de 1'auteur Chez Sainte-Beuve, question cruciale individualitě littéraire a cristallisée question rapport entre littérature et critique + celle des Hens entre auteur et son ceuvre. Son ceuvre demeure attachée á la naissance de la critiq au XIX, cf JP Richard « parce qu'il est l'un de nos grands ancétre, et [...] qu'il n'a pas été seulement critique : il a été et s'est voulu aussi poete et romancier » + est =t entant qu'auteur de Port-Royal, cet historien de la litt avant la lettre auquel Barthes rend hommage : « Si discuté que soit son Port-Royal, Sainte-Beuve a eu 1'étonnant mérite d'y décrire un Milieu veritable ou nulle figure n'est privilégiée » {Sur Racine) Double visage de Sainte-Beuve expliq ambiguité du lansonisme qui se réclamera de lui. Partagé entre croyance en des normes objectives de l'Art et exp de singularitě du texte, Sainte-beuve = apparemment moins soucieux ďélucider complexité de ceuvre elle-méme que ďassigner au »génie » de auteur uen palce definitive en litt: « la vraie critique, telle que je la définis, consiste plus que jamais á étudier chaque étre, chaque talent, selon les conditions de sa nature, á en faire une vive et fiděle description, á charge toutefois de la classer ensuite et de le mettre á sa place dans l'ordre de l'art » Conception = écran qui empéchera Sainte-Beuve de situer á leur «juste » place ses propres contemporains (Balzac, Stendhal, Nerval, Baudelaire) => ceux-lá méme qui ont transformé 1' « ordre de Part » = Grief majeur de Proust dans son Contre Sainte-Beuve Ms face au scientisme d'un Renan (pour qui « la bonne critique doit se déňer des individus et se garder de leur faire une trop grande part » Pour la science) et au positivisme de Taine, Sainte-Beuve a tjs fait valoir « méthode naturelle » fondée sur fréquentation directe du texte avec connaissance intime de la litt classique et moderně : ceuvre litt se def avant tout par un langage qui se distingue par la prégnance ďune subjectivité : « Cest la le point vif que la méthode et le procédé de M. Taine n'atteint pas, quelle que soit son habilité á s'en servir. II reste toujours en dehors, jusqu'ici, échappant á toutes les mailles du filet, si bien tissé qu'il soit, cette chose qui s'appelle l'individualité du talent, du génie » (Nouveaux Lundis 1864, Pour la critique) Ds ses etudes critiques (qu'il appelle « portraits ») Sainte-Beuve veut tjs montrer qu' un auteur se caractérise essentiellement par ce qu'en terme ďénonciation on appellerait aujourd'hui des formes signifiantes, irréductible á un modele formelle a priori. ■=> précurseur de critique thématique « Chaque écrivain a son mot de predilection, qui revient fréquemment dans le discours et qui trahit par mégarde, chez celui qui l'emploie un voeu secret ou un faible » (article sur Sémancourt, mot = permanence pour lui, Nodier : grace, fantaisie, multiplicité) Modernitě paradoxale de la « méthode naturelle » tient á ce que tout en reconnaissant le benefice qu'il peut tirer des theories de l'Histoire ou de la littérature, Sainte-Beuve n'ecrit pas en théoricien : á l'instant oú analyse croit tenir un modele, elle « disparait dans la creation, le portrait parle et vit, on a trouvé l'homme. II y plaisir en tout temps á ces sortes d'etudes secretes, et il y aura tjs place pour les productions qu'un sentiment vif et pur saura en tirer » (article sur « Diderot ») ■=> notion de « plaisir » critique pas sans rapport avec celle de « plaisir du texte » que Barthes retrouvera et revendiquera Devenue sous impulsion Sainte-Beuve (isolé au XIX) un art plus qu'une science, la critiq littéraire s'epanouira comme genre litt á part entiěre notamment chez critique indépendant comme Remy de Gourmont et plus encore chez Proust + ds aventure de La Nouvelle revue frangaise (fondée á initiative de Gide, 1909). Toutex, la critiq note Sainte-beuve ne peut et ne pourra plus s'exercer comme si était indépendante des autres savoir, car « cet art profitera et a déjá profite de toutes les inductions de la science et de toutes les acquisitions de l'histoire » (Nouveaux Lundis) 2) Proust: á la recherche du moi créateur Centre Sainte-Beuve, ouvrage posthume => s'oppose á son devancier (dont nom résumait surtout un lansonisme figé et dominant) Proust réfléchissait á sa propre vocation de critique et d'ecrivain. Le Sainte-Beuve dont il a contesté la méthode = celui qui avait été salué pour ses qualités scientifiques par Taine, cád une philosophie positive que Proust estime incompatible avec la littérature : « Mais [ces] philosophes qui n'ont pas su trouver ce qu'il y a de reel et d'independant de toute science dans l'art, sont obliges de s'imaginer l'art, la critique, etc comme des sciences, oú le prédécesseur est forcément moins avancé que celui qui suit. Or, en art, il n'y a pas (au moins dans le sens scientifique) d'initiateur, de préeurseur. [...] Chaque individu recommence pour son propre compte, la tentative artistique ou littéraire ; et les ceuvres de ses prédécesseurs ne constituent pas, comme dans la science, une vérité acquise dont profite celui qui suit » (Centre Sainte-Beuve) dénonciation de 1'idéologie scientiste du siěcle precedent => propose un veritable renversement de perspective : concevoir ceuvre d'art comme un absolu, comme un organisme vivant = conception qui a profondément influencée critiq contempo. Idee essentielle = distinction entre individu social (peut faire objet d'investigations) et le Je du discours littéraire ( « moi profond »): « un livre est le produit d'un autre moi que celui que nous manifestons dans nos habitudes, dans la société, dans nos vices » ■=> assertion non seulement critiq mais également subversive en ce sens ou recuse toute explication déterministe du fait littéraire pour en situer le veritable enjeu dans le seul present de la lecture qui reerée l'ceuvre. Déplacement qui implique double changement dans la maniěre de lire : d'une part lecture d'une ceuvre doit se libérer des stereotypes de la representation sociále des auteurs (confusion fréquente chez Sainte-Beuve) (cf dans A Vombre des Jeunefilles enfleur, sens du different qui oppose narrateur au jugement de Mme de Villeparisis : « Elle avait de tous ces grands hommes des autographes, et semblait [... ] penser que son jugement á leur égard était plus juste que celui des jeunes gens qui comme moi, n'avaient pu les frequenter ») d'autre part, contact avec des livres renvoie á une conception plus profonde et plus singuliěre de la lecture (cf dans la Recherche les pages sur le Balzac de M de Guermantes): « Un ouvrage est encore pour moi un tout vivant, avec qui je f ais connaissance děs la premiere ligne, que j'ecoute avec deference, á qui je donne raison tant que je suis avec lui sans choisir et sans discuter . [...) le seul progres que j'aie pu faire á ce point de vue depuis mon enfance, et c'est :e seul point par ou, si Ton veut, je me distingue de M. de Guermantes, c'est le monde inchangeable, ce bloc dont on ne peut rien distraire, cette réalité donnée, j'en ai un peu plus étendu les bornes, ce n'est plus pour moi un seul livre, c'est l'ceuvre d'un auteur » (Contre Sainte-Beuve) L'oeuvre ds la lecture ne se manifeste pas á la suite d'une analyse rationnelle (ce qui ne signifie pas qu'elle doive reno,ncer á toute analyse) ms relěve en premier lieu de cette connaissance particuliěre que délivre l'affect => ceuvre en ce sens moins la somme des livres et des themes d'un auteur que cette unite sensible que Proust nomme un « style » => Proust amplifiait en lui dormant une coherence le grief majeur de Flaubert / critiq déterministe : « Oú connaissez-vous une critique qui s'inquiete de l'ceuvre en soi, d'une facon intense ? On analyse finement le milieu oú elle est produite et les causes qui l'ont amenée ; mais la poétique insciente ? D'ou elle résulte ? Sa composition, son style ? le point de vue de 1'auteur ? lamais ! » (Flaubert, Lettre á George Sand) 30 ans + tard, Remy de Gourmont, critiq proche des symboliste reprenait méme argument et prenait le parti d'une critiq qui se place du coté de la subjectivité de 1'écrivain dont la « seule excuse [...] est de dire les choses non encore dites et [de] les dire en une forme non encore formulae » dévoilement du « moi profond » de auteur consistera essentiel de la táche assignee par Proust á la nouvelle critique qui děs lors a trait non seulement aux significations mais aussi á la vérité voilée de rceuvre : découverte proustienne analogue á celle de Freud a transforms regard critiq ds mesure ou ceuvre plus seulement objet esthétique mais aussi creation dont lecteur = aussi agent: « L'ouvrage de 1'écrivain n'est qu'une espěce d'instrument optique qu'il off re au lecteur aňn de lui permettre de discerner ce que, sans ce livre, il n'eut peut-étre pas vu en soi-méme. La reconnaissance en soi-méme, par le lecteur, de ce que dit le livre, est la preuve de la vérité de celui-ci, et vice versa, au moins dans une certaine mesure » (Le temps retrouvé) 3) Style, écrivain et vision en concevant style comme continuité dun langage et d'une vision que Proust renouvelle en profondeur, dans le Contre Sainte-Beuve, l'interpretation de Nerval, Baudelaire et Balzac, écrivains souvent confondus par Sainte-Beuve avec leur identita sociale=> comprendre le texte comme univers symbolique dégagé de tout recours á l'intention. Pas indifferent de savoir que ce type de lecture qui prend en compte simultanément configuration generále de l'oeuvre + trait grammatical significatif d'une individualita = contemporain des recherches menées á l'autre bout de l'Europe par les formalistes russes dont la découvertes en France dans années 40 contribuera á essor de la "nvelle critiq" mais au lieu de considérer les grandes formes litt (roman ou poesie), Proust cherche surtout á montrer comment un style constitue un enjeu ds l'ordre de la connaissance du monde : "Le style, pour 1'écrivain, aussi bien que la couleur pour le peintre est une question non de technique mais de vision. II est la revelation, qui serait impossible par des moyens directs et conscients de la difference qualitative qui, s'il n'y avait pas l'art resterait le secret éternel de chacun" (Le temps retrouvé) la "vision du monde" de 1'écrivain, comme "difference qualitative" fait alors du style un levier susceptible de déplacer les categories de la perception et de la pensée. En reconnaissant aux oeuvres litt la possibilité de créer leur propres categories mentales, cad leur propre rationalité, Proust assignait au critiq le double role de médiateur et de créateur, attache á décrire cád á recomposer ce "produit d'un autre moi" qu'est le livre Rapport de la litt avec la vérité nagligé par critiq ďobédience structuraliste suscite intérét croissant de critiq contempo et de philosophes (cf Deleuze Proust et les signes) 4) la mutation de la critique dans l'entre deux-guerre Mino en tps Proust annonce profonde mutation de la critiq professionnelle qui marque entre-deux-guerres. publication tardive du Contre Sainte-Beuve (1954) apparait aujourd'hui comme ultime symptome de la mutation generále qui affecta critiq litt au cours du XX ds mesure ou lecture proustienne ne prétendant plus au statut de science legitime par une méthode met en jeu pluralitě ou infini du sujet => en ce sens que notion de style pas réductible comme pouvait l'etre dans l'enseignement de la rhétoriq á inventaire des precedes d'expression mais designe ce que fait continuellement l'oeuvre en inventant ce que Henri Meschonnic proposera d'appeler des "formes-sens" En recusant separation de la forme et du fond autant que le recours aux anciennes typologies des genres, oeuvre de Proust = source vive de cette critique ď "identification" ou de "sympathie" qui caractérise la renaissance de la critique de l'entre-deux-guerres de plus en plus préoccupée par ce que Jean Paulhan appelle les incertitudes du langage. • la Nouvelle Revue frangaise : une critique d'accueil //t au dadaisme et au surrealisme qui selon euphémisme ďAragon, ont" tenté un reclassement de certaines valeurs" (Le traité de style), aventure de la NRF qui portait comme sous-titre "littérature et critique" a montré qu' "iln'y avait pas de veritable critique sans une coincidence de deux consciences" (Georges Poulet "Une critique d'identification", ds Les chemins actuels de la critique) => on parlera de critique d'accueil = courant au sensibilités trěs diverses á l'origine de la critique dite "thématique", quelques noms significatifs (ms s'agit ni d'une école ni d'un systéme): - Valery Larbaud, critique de découvreur et de traducteur, a par exemple montre comme la forme de "monologue bavardé" qui caractérisait un roman jusqu'alors négligé de la critique - Les lauriers sont coupés d'Edouard Dujardin - a profondément marqué 1'écriture de VUlysse de Joyce (traduit par Larbaud) er critiq ä avoir montré que subordination de la critiq ä hist litt reposait sur une méconnaissance du fait litt qui se trouve ainsi annexe ä la notion de fait scientifique : démonte ce mécanisme chez Renan et explique pourquoi "se sont persuades facilement qu'ils étaient supérieurs aux écrivains qui faisaient l'objet de leurs etudes" (Renan, VHistoire et la Critique littéraire) + attention scrupuleuse portée au métier ďécrivain - la critique de comprehension "qui consiste ä adopter successivement le point de vue de chaque écrivain dont on parle" (Roger Fayolle, La Critique littéraire) = caractéristique de la critiq pratiquée par Jacques Riviere qui entretient notamment une correspondance ďexphcation avec Antonín Artaud pubhé avec VOmbilic des limbes, cas unique dans l'hist de la poesie ou le dialogue entre l'ecrivain et le critiq comme le relěve Maurice Blanchot (Le livre a venir) fait désormais corps avec oeuvre : "Proust a décrit les "intermittences du coeur"; il faudrait maintenant décrire les intermittences de 1'étre. [...] Qui ne connait pas la depression, qui ne sent jamais l'ame entamée par le corps, envahie par sa f aiblesse est incapable d'apercevoir sur l'homme aucune vérité" (Artaud, correspondance avec J. Riviere ds VOmbilic des limbes) situation d'interlocution => naturellement association plan de la vie et celui de oeuvre mais pas pour expliquer par une loi déterministe oeuvre par vie, + pour extraire de oeuvre connaissance qui vaille pour vie => accent encore une fois mis sur notion de vérité => assigne ä critiq d'accueil devoir de lire sans moděles préconcus (en l'occurrence aucun critiq en 1924 n'avait reconnu un écrivain en Antonin Artaud) - Albert Thibaudet = marginal ä sa maniěre,, introduit =t ds NRF cette critique de "sympathie" inspirée de philo de Bergson, appréhende oeuvre ä partir du mvt créateur qu'elles communiquent. Aptitude ä rendre compte d'un auteur en croisant plusieurs types d'approches (histo, philo, stylistiq) se manifeste dans ses monographies (Gustave Flaubert) + dans ses Reflexions sur le roman, cf dernier chap "les liseurs de roman" oú Thibaudet les distingue des "lecteurs de romans", le ler "se recrutent dans un ordre oú la littérature existe, non comme un divertissement accidentel, mais comme une fin essentielle, et qui peut saisir l'homme entier aussi profondément que les autres fins humaines" distinction qui permet ä Thibaudet ďébaucher une histoire du public des romans - Jean Paulhan (directeur de ma NRF de 35 ä 68 avec interruption de 40 ä 53): röle décisif ds position que critiq va désormais occuper ds le champ méme de la creation litt. A plusieurs fois répété "nous ne savons pas beaucoup plus qu'aux premiers jours du XIX siěcle ce qu'est la critique" ("Felix Fénéon ou le critique") ds souci constant de rappeler ä la critiq qu'elle est d'abord une "Attention ä l'unique" que ne garantit aucune science : "Tout ce qu'il faut dire des critiques francais, c'est que, pour divers qu'ils fussent, ils manquaient singuliěrement de poigne. ou bien ils empoignaient ä tort et ä travers, ils n'en est pas un qui ait dit un mot de Lautréamont [...]. pas un de Rimbaud [...]. pas un de Mallarmé [...]. S'agit-il de Baudelaire, Sainte-Beuve le juge anormal, Faguet plat, Lanson insensible et Mauras malfaisant" Ds Petite Preface a toute critique, entreprend de réévaluer le sens et la portée du mot "critique" en l'appliquant non pas au jugement de l'ecrivain sur son oeuvre faite (que oeuvre se veuille "classiq" ou "romantiq" ou pour reprendre ses termes de Lesfleurs de Tarbes, "rhétoriqueurs" ou "terroristes") ms ä reflexion consciente sur les moyens de 1'écriture. or moyens (qui relěvent de rhétoriq cäd des strategies du discours) ne s'assimilent plus pour écrivains contempo aux moděles fixes, institutionnahsés : recherche de l'expression devenue solitaire révěle au contraire que oeuvre litt invente sa propre forme ä partir de "moděles" reconnus ou méconnus. Qu'elle les intériorise pour les amplifier démesurément (Lautréamont) les exalter (Le surréalistes) ou les détruire (Dada), la littérature la plus moderně est toujours un laboratoire du langage , fonde sur "un certain nombre de choix": "Tantot les choix sont prepares de longue date, et tantöt subits. mais que ce soit sur dix ans ou en deux heures, la grande part du travail d'un auteur se passe en repentirs et retours, corrections, verifications, retouches, d'un mot, en critiques -ai-je dit secretes ? Elles ne le sont guěre en tout cas de nos jours, ou l'on ne trouve point de creation qui ne se double d'un systéme critique" Réhabilitant lien dialectiq qui unissait pr siěcle classique oeuvre avec la conscience plus ou moins lucide des chois qui la forme telle, Paulhan s'inscrivait ds projet d'enseignement de la poétique dont Paul Valéry avait trace gdes lignes : "Les reprise d'un ouvrage, les repentirs, les ratures et enfin les progres marqués par les oeuvres successives montrent bien que la part de l'arbitraire, de 1'imprévu, de l'emotion, et mAme celle de l'intention actuelle, n'est preponderate qu'en apparence. [...] Tout ce ci résulte de la moindre observation du langage "en acte", mais encore, une reflexion tout aussi simple nous conduit ä penser que la Littérature est, et ne peut étre autre chose qu'une sorte d'extension et d'application de certaines propriétés du langage" (Valéry, "L'enseignement de la poétique au College de France") Points de vue de Paulhan et de Valéry semblent accorder importance decisive á la critiq comme reflexion sur les "propriétés du langage", => tous 2 en ce sens participe déjá du paysage complexe qu'offre actuellement la critiq comtempo et les tendances de la reflexion sur la notion méme de littérature. Ms convergence n'est qu'apparente puisque Valéry s'est voulu théoricien de la litt (= recours stratégique au terme de poétique) et plus encore du lange tandis que Paulhan, jusqu'a sa mort Critiq Paradoxe lié au fait que le sens méme du mot critique s'est doté d'une dimension nvelle depuis milieu du XIX dimension dont critiq du XX a pleinement tiré parti: ne pose plus seulement la question de la valeur esthétique des ceuvres, est amenée aussi á mettre en cause idée méme de littérature done )á comprendre ceuvre afin de les décrire te les interpreter avant de les évaluer. • la critique au carrefour du siěcle ce n'est qu'a partir de cette mise en question du fait littéraire qu'il est possible de saisir les enjeux de la critiq contempo ds mesure oú critiq se trouve désormais au carrefour des disciplines issues des sciences humaines. Réciproquement la litt met en jeu la totalitě des rapports entre le sujet, le monde et le langage => a suscité attention des nouveaux chercheurs en sciences humaines. Ms diversité école ne veut pas dire que toutes les hypotheses s'equivalent ni que la critiq puisse se tenir quitte de la tentation scientiste. + ce qui doit retenir attention aujourd'hui = dimension Internationale du renouveau de la critiq aprěs la 2nde guerre mondiale nouvelle histoire : Lucien Febvre, Paul Bénichou Morales du grand siěcle philologie herméneutique allemande : Erich Auerbach Mimesis : la representation de la realitě dans la littérature occidentale + Volume posthume de Léo Spitzer Etudes de style : ont renouvelé approche styhstiq : la demarche herméneutique progresse selon « un mouvement de va-et-vient » entre etude du detail du langage et du style á la Weltanschauung ou « esprit » de l'auteur, en faisant hypothěse qu' « un auteur est une sortě de systéme solaire qui tient sur son orbite toutes sortes de choses : langue, motivation, intrigue, ne sont que des satellites » (Etudes de style) ds monde anglo-américain, ouvrage de René Wellek et Austin Warren Theory of literature paru en 1948 devenait děs le debut des années 50 la reference universitaire du New Criticism mvt apparu pdt les années 30 en Angleterre sous influence du poete TS Eliot et du critiq IA Richard et aux Etats-Unis sous influence de plusieurs théoriciens. Anticipant de presque 20 ans essor de la nouvelle critiq en France, manuel qui bénéficiait de l'apport du courant des formalistes-structuralistes né de la rencontre du linguiste russe Roman Jakobson et ethnologue francais Claude Lévi-Strauss =>2 chap qui suivent = situer les principales approches critiq contempo tout en montrant comment et ds quelles limites elles construisent leur objet )= texte littéraire Chapitre III: les critiques ďinterprétation: questions et méthodes 11' « Ecole de Géněve » et la critique thématique 1) Une philosophie de 1'imaginaire On associe généralement origine de la critique dite « thématique » á ceuvre de 2 gd critiq genevois et surtt á 2 de leurs ouvrages : De Baudelaire au suréalisme de Marcel Raymond et L'Ame romantique et le réve ďAlbert Beguin qui n'avait pourtant pas projet de fonder un courant: « Cest done « notre » experience - s'il est vrai que celle des poětes que nous adoptons s'assimile á notre essence personnelle pour l'aider dans sa confrontation avec l'angoisse profonde -, e'est notre propre experience que je pensais retrouver dans 1'étude que j'entrepris [...] Ce livre ne se propose done pas de réduire á un systéme clairement analysable les ambitions et les oeuvres ďune école » poétique. Pareil propos me semble inintelligible. » ( L'Ame romantique ....) 2 notions capitales marquent ici double rupture : refus du classement positivistede la litt par « écoles » et aveu d'une interrogation personnelle comme source et raison de la critique => mvt qui porte A. Béguin procěde ďun désir de connaissance spirituelle qui le distingue de la demarche psychanalytique. La valeur centrále de cette connaissance repose sur ce que Béguin dans sa preface appelle « 1'image » : « le poete est celui qui, utilisant á d'autres fins ce qu'il a de commun avec le névrosé, arrive á couper le fil qui retient en lui 1'image : děs lors, elle est autre chose » . Cest ds investigation méthodique de cette découverte romantique « 1'ame » qu'apparait en filigrane la notion de thěme cad ďunivers sensible dont rimagination est le foyer => a appui de cette these Béguin cite philosophe romantique allemand Herder : « La connaissance supérieure provient des milles sensations internes dont le faisceau convergent constitue l'imagination; veritable faculté centrale ; eile produit non seulement les images , mais aussi les sons, les mots, des signes et des sentiments pour lesquels souvent le langage n'a pas de nom » mots de l'indicible constitueront ds texte un réseau complexe de significations, révélateur d'un imaginaire ou d'une « äme » dépassant la notion trěs generale de thěme « qui designe une catégorie sémantique qui peut étre présente tout au long du texte, ou méme dans 1'ensemble de la litterature (le « thěme de la mort ») » (Ducrot et Todorov Dictionnaire encyclopédique des sciences du langage) => def canonique et de surface qui ne rend pas compte de ce que JP Richard appellera l'essentielle « profondeur » que tout produit langage poétique au nom de cette conception de la lecture litt comme processus ďidentification du critiq ä un imaginaire (ou ä une « conscience ») chaque fois unique et révělant tjs une parcelle d'infini, des personnalités aussi diverse que Georges Poulet, Jean Rousset, Jean Starobinski et JP Richard ont reconnu dette / précurseur genevois conception de 1'ceuvre comme « avěnement d'un ordre en rupture avec un ordre existant, affirmation d'un regne qui obéit ä ses lois et ä sa logique propre » (Jean Rousset Formes et significations) = ce qui sous nom de Ecole de Geneve designe un des courants majeurs de la critiq contempo + un mouvement de pensée coherent cäd que c'est la reconnaissance de rceuvre comme « relation différentielle et polémique avec la litterature antérieure ou avec la société environnante » (J Starobinski, la Relation critique) qui permet de sceller une authentique relation critique par laquelle rceuvre devient sujet autant qu'objet de la conscience : « Un travail s 'accomplit en moi par le déroulement du langage de l'ceuvre [...] Mais, comme 1' a si bien dit Georges Poulet, elle a besoin d'une conscience pour s'accomplir, elle me requiert pour se manifester, eile se predestine ä une conscience réceptrice en qui se réaliser » (La Relation critique) notion de « conscience » plus encore que celle d'imaginaire séparé la critique thématique de la critique structurale ä laquelle elle aura pourtant recours : la notion de structure presuppose un fonctionnement indépendant de toute perception du monde tandis que approche thématique cherche plutöt ä circonscrire cette experience premiere que constitue la conscience au monde d'un écrivain. Ms d'un point de vue plus conceptuel, structure peut designer (cf chez Jean Rousset) la fonction determinante d'un thěme dans la forme d'une oeuvre. 2) Gaston Bachelard et la phénoménologie de 1'image poétique Qu'elle s'attache ä la conscience ou ä 1'imaginaire, la critiq thématiq revendique sa filiation avec la phénoménologie moderně (Merleau-Ponty): envisage la perception comme une activité mettant en jeu les objets extérieurs, non pas tels qu'ils « apparaissent » mais tels que les construit la conscience de chacun, experience de la sensation def comme point originel d'intersection du sujet et du monde Cf la plupart des avant-propos des ouvrages de JP Richard : « tous ces poětes ont été saisis au niveau d'un contact original avec les choses [...] Ainsi se formaient devant moi autant d'univers imaginaires » (Onze etudes sur la poesie modernes) Mais la notion d'imaginaire proprement dite se réfěre ä la pensée de Gaston Bachelard, s'est interrogé sur les grands mythes fondamentaux inspires des grandes categories élémentaires de 1'univers (comme l'eau, l'air, le feu, la terre, l'espace) qui structureraient notre presence au monde. Travaux de Bachelard equivalent pour la critiq thématiq ä une transposition de la phénoménologie ä 1'étude de rimaginaire poétique : « En nous obligeant ä un retour systématique sur nous-méme, ä un effort de clarté dans la prise de conscience ä propos d'une image donnée par un poete, la méthode phénoménologique nous aměne ä tenter la communication avec la conscience créante du poete » (Poétique de la reverie) ■=> double filiation qui explique que critiq thématiq doive situer « son effort de comprehension et de Sympathie en une sorte de moment premier de la creation litteraire » ds mesure ou « ce moment est aussi celui ou le monde prend un sens par l'acte qu le décrit, par le langage qui en mime et en résout matériellement les problěmes » (JP Richard, Poesie et profondeur) 3) Jean-pierre Richard et l'analyse des formes thématiques Langage étant suppose mimer une « intention fundamentale » qui lui préexiste, investigation thématiq (voisine mais distincte en cela de la critiq psychanalytiq) dévoile sens cache, s'attache ä exphquer comment themes d'une ceuvre suggěre experience d'une conscience uniq « les themes majeurs d'une ceuvre, ceux qui en f orment 1'invisible architecture, et qui doivent pouvoir nous livrer la clef de son organisation, ce sont ceux qui s'y trouvent développés le plus souvent, qui s'y rencontrent le plus souvent avec une frequence visible exceptionnelle. La repetition, id comme ailleurs, signále 1'obsession. » L'analyse thématique prend done le plus souvent appui sur des extraits courts, qu'elle commente d'un point de vue phénoménologique pour les reher ä de nouveaux extraits - le commentaire dessinant ainsi, de fragments en fragments un parcours au terme duquel apparait ce que le critique appelle un « paysage » : par ex au cours de sa lecture de Verlaine JP Richard découvre imaginaire de la « fadeur » ou de la « neutralitě» Cf avant-propos de Onze études sur la poesie moderne : / critiq thématiq, rq que « le domaine propre du langage n'y que cä et lä ä litre de confirmation trop particuliěre ou de conclusion trop generale, et toujours rapidement » L'analyse thématique procěde ainsi d'une intuition initiale indispensable que vient confirmer ou infirmer une lecture toujours consciente du paradoxe qu'il y a ä vouloir rendre compte pas ä pas voire mot ä mot d'une signification poétique unseeable. Ecueil de la division que tente de surmonter la notion méme de « réseau thématique ». Au contact de la psychanalyse et de la linguistiq, travaux plus récents de JP Richard attestent evolution de la critiq thématique vers analyse plus minutieuse des traits de langage A la méthode du « parcours » propre ä JP Richard répond la lecture plus globale pratiquée par J Rousset, qui n'annule pas l'analyse successive des motifs mais suspend celle-ci ä la découverte préalable de la forme unifiante de l'ceuvre => děs le titre de l'ouvrage le plus connu de Rousset Forme et signification, Essais sur les structures littéraires de Corneille a Claudel, la conjunction « et » peut se lire comme un hen causal ds la mesure ou la forme y a naturellement « un role de choix dans l'univers mythique, dans l'experience imaginaire de l'auteur » Pour la critique thématique, les réalités formelles de rceuvre ä la difference des structures inconscientes de la langue ou des mythes, renvoient toujours ä la conscience singuliěre qui les concoit. Mais J Rousset hésite tjs ä fixer l'ceuvre dans telle forme cf ses titres « Polyeucte ou la boucle et la vrille » comme si cette notion recelait en quelque sorte sa propre limitation : « Chaque fois qu'elle [ la critique ] touche ä un foyer ou ä un nceud central, qu'elle tient une piste ou un relief significatif; elle pressent d'autres centres et d'autres pistes et se trouvent finalement renvoyé ä un sentiment interrogatif, ä la perception d'un au-dela des formes saisies, qui est encore l'ceuvre » {Forme et significations) En fait faut tenir compte de la vocation créatrice de 1'école de Geněve moins soucieuse de construire des concepts que d'incarner « un ideal critique, compose de rigueur méthodologique (liée au techniques et ä leurs procédés vérifiables) et de disponibilité reflexive (Hbre de toute astreinte systématique) » (Jean Starobinski, La Relation critique) Ideal critiq qui repose non seulement sur ce que sait mais aussi sur ce que cherche encore le lecteur 4) Jean Starobinski ou l'experience critique A élaboré un mode de « lecture qui s'efforce simplement de déceler 1'ordre ou le désordre interne des textes qu'elle interroge, le symboles et les iodées selon lesquels la pensée de 1'écrivain s'organise » (introduction ä Jean-Jacques Rousseau, la transparence et Vobstacle). Bcp + qu'une analyse thématique, explication de texte « une fois accomplie devient, le moyen ä travers lequel notie intérét lui-méme s'interprete et se comprend » (La relation critique) => il n'est pas ďinterprétation qui ne mette ä 1'épreuve les propres choix méthodologiques de 1'interprěte => critique n'est plus une question de méthode d'analyse du texte au sens restreint de technique reproductible mais une experience qui vise ä la reconnaissance et ä la restitution de l'univers d'autrui En fait pas un hasard si les études de critiq litt de Starobinski privilégient ceuvres de Rousseau et Montaigne car chacune ä leur maniěre se déploient sur le plan de experience et de expression du « moi » Style de autobio => style = pour Starobinski (méme notion que pour Léo Spitzer) notion recouvrant ensemble des faits pertinents considérés comme symptomatiques d'une individualitě >< demarche de George Poulet pour qui la critique se veut avant tout identification ä la conscience des auteurs étudiés (lecture qui traverse matérialité linguistique de ceuvre « comme un milieu optiquement neutie » pour « aller droit ä l'experience spirituelle » (Starobinski, preface aux Metamorphoses du cercle de Georges Poulet) 5) Perspectives et enjeux de la critique thématique Influencée par esthétique romantique de ses débuts, critique thématique a mis accent sur definition de l'ceuvre comme originalitě, avatar du « moi profond » dont parle Proust, notion cardinales d »imaginaire « et de « conscience » sur lesquelles se fonde = indissociable d'une conception idéalistiq du sujet, mais au-delä de l'univers singulier de auteur ce sont tjs sinon des essences du moins des catégorie de la perception comme le temps et l'espace que retrouve George Poulet ds toute ceuvre ■=> täche du critiq = moins de discerner ce qui fait l'ceuvre que de s'identifier ä eile cäd ä s'en faire l'identiq selon une relation du méme au méme II Littérature et psychanalyse 1) la critique confrontée aux sciences humaines conflit des années 1960, la Sorbonne / divers courants de la « nouvelle critique », traduisait décalage plus ancien entre tradition d'une discipline littéraire parmi d'autres et essor sans precedent des sciences humaines au XX : la litt d'objet esthétique relevant de méthodes historiques et philologiques éprouvées devenait soudain un phénoměnes humain total: découverte de l'inconscient + sociologie d'inspiration marxisté qui avaient déja mis ä 1'épreuve 1'unite du mouvement surrealisté 40 ans plutöt proposaient cette fois des instruments d'analyse du fait littéraire apparemment étranger ä enseignement de la litt cf S. Doubrovsky reprenait en 1966 en ces terme le diagnostic de R. Barthes : « Quelque chose de vital avait sans doute été touché ...» Quoi ? La réponse de Barthes nous éclaire : le nouveau critique a enfreint certains tabous, en touchant ä 1'ordre des langages » Ce qui troublait alors = impossibilité pour la critique universitaire d'ignorer désormais les questions introduites dans l'ecoute du langage par la pensée de Marx et de Freud, bien que ne se situant pas sur le méme plan, la découverte de l'inconscient comme 1'hypothěse marxisté ont permis d'apprehender l'ceuvre d'art et notamment la litt comme une pratique humaine paradoxale, ä la x productrice de formes signifiantes et portée par le mouvement continu des conflits qui font et défont les sociétés. Récusant ainsi la conception romantique de l'individu créateur (ou de l'unicite de la conscience) psychanalyse et sociologie = réinscrire ceuvres htt ds champ de l'inconscient social (ideologie) ou ds champ des productions de inconscient individuel (nä l'instar du travail du réve) 2) Lire avec la psychanalyse Par caractěre empirique les qques textes freudiens sur htt = ouvrir des voies jusque la inexplorées par critiq htt. Rapport ambigu entre théorie freudienne et htt = origine de deux types d'approche psychanalytique de rceuvre htt: la plus ancienne = méthode d'investigation psycho critiq : années 40, Charles Mauron : recherche ds ceuvre sinon la clef du moins la configuration originelle de la psyche de l'auteur reel autre = textanalyse, terme forgé par Jean BeUemin-Noel ds Le Texte et l'avant-texte, solhcite vigilance et abandon de la part du lecteur non pour traquer le secret d'un moi ms pour se préter ä l'inconscient du texte Sensiblement différentes ds visées comme ds méthodes, ces deux approches du phénoměne htt suppose la connaissance precise d'un certain nbre de textes 3) Les textes fondateurs Portée et limite de l'investigation freudienne de la htt: ds un 1er tps, joue röle de d'un veritable labo de concept nucléaire (Oedipe, Narcisse, Sade, Sader-Masoch) qui nomment contenu latent que décěle Freud ds sa propre autoanalyse et ds écoute patient. Modele méme de interpretation de inconscient que Freud découvre ds la fiction procěde d'une demarche consistant ä expliciter incoherence ou monstru ošité du sens manifeste par prégnance d'un sens cache. Analyste interprete tel personnage ou tel univers onirique ä partir événement originaire enfoui ds enfance de auteur ou thěme récurrent(comme le theme « des trois coffrets » ds theatre de Shakespeare) qui apparait comme une des « grandes figures sur lesquelles pivote la théorie du désir : Eros et Thanatos » (J Bellemin-Noel Psychanalyse et littérature) « psychanalyse appliquée » illustre statut privilegia de la litt aux yeux des lers traducteurs de Freud ms expression dit aussi que ceuvre litt pas étudiée pour elle méme ms parce que donne accěs á connaissance des grandes pulsions humaines ms ds la monographie Délires et réves dans la Gradiva de Jensen, Freud change de perspective et lit ds ceuvre d'un contempo un « document » anticipant et vérifiant ses propres hypotheses cliniques ■=> s'agit de commenter texte litt comme s'il dévoilait allusivement son propre fonctionnement á la maniěre de 1'inconscient ds 1'élaboration du réve done comme lieu de savoir spécifique => commentaire de la Gradiva = amorce d'un type de lecture résolument nouveau savoir du romancier rivalise avec celui de homme de science => Délires et réve.... = bien « texte de reference moins pour la doctrine que pour observer une pratique d'une rare efficacité » (Jean Bellemin-Noel) mais du méme coup ds un texte célěbre de 1908, creation litt se trouve étroitement appariée au fantasme : « Le créateur littéraire atténue le caractěre du réve diurne égoiste par des modifications et des voiles, et il nous enjole par un gain de plaisir purement formel, c'est-á-dire esthétique, qu'il nous offre á travers la presentation de ses fantaisies. Un tel gain de plaisir, qui nous est offert pour rendre possible par son biais la liberation d'un plaisir plus grand par des sources psychiques plus profondes, e'est ce qu'on appelle prime de seduction ou plaisir préliminaire. » (S. Freud; « le créateur littéraire et la fantaisie », UInquiétante étrangeté et autres essais) ■=> idée fondamentale selon laquelle forme litt provoque une seduction qui si n'explique pas le phénoměne de la creation proprement dit, fait de la connivence unique qui s'etablit entre lecteur et texte la dimension irréductible de ce phénoměne 4) Charles Mauron et la méthode psychocritique revient á Charles Mauron d'avoir redécouvert travaux préeurseurs de Marie Bonaparte sur Edgar Poe pour introduire en France le point de vue de la psychanalyse en critiq litt, but exposes ds un ouvrage de ref Des metamorphoses obsédantes du mythes personnel: introduction a la psychocritique (1963): substitue á la méthode dite de « hbre association » utilisée en cure mais « inapplicable en critique ou Ton ne saurait dire á Mallarmé : « associez » », celle de la superposition des textes du méme auteur pour « chercher le réve profond sous 1'élaboration qui le cachait au regard le plus lucide » Prend soin de comparer pour séparer la psychocritique de la critiq thématique : si themes que révělent réseaux de repetition ou de motif mais en evidence par Poulet ou Richard « appartiennent á la pensée consciente, en tant que categories (temps, cercle, prof ondeur, transparence) » « á quel niveau se forment-ils ? Appartiennent -ils á 1'auteur ou au critique ?[...] La psychocritique voudrait éviter ces confusions » (Des metamorphoses ....)=> or pour les éviter, faut émettre hypo que réseaux d'associations que révěle confrontations des textes débordent categories conscientes du style ou de la syntaxe en ce qu'ils « témoignent d'une pensée encore plus primitive, prélogique, reliant les images selon leur charge émotionnelle. Cette pensée primitive a toutes les chances d'etre largement inconsciente » => Saisir ce qui relěvent de l'activite fantasmatique de l'auteur, ms fantasmes auxquels a affaire psychocritiq ont ceci de particulier qu'ils ne renvoient pas au modele oedipien anonyme, « parlent » de facon toute personnelle, et chez un méme écrivain, á travers des perso, des scenes, des vers qui superposées trahissent une méme hantise non formulée que psychocritiq propose d'appeler un « mythe personnel » : « Mallarmé [..] ne sait pas que les vitres et les miroirs sont pour sa personnalité prof onde, des dalles de tombeau; quand il éerit Victorieusement fui, il ne relie pas ce sonnet, selon une filiation consciente á Plainte ďautomne ou au Chateau de VEspérance [...] L'idee du mythe personnel, qui veut exprimer la Constance et la cohesion structurée d'un certain groupe de processus conscients n'a de sens que par rapport á la durer de ces processus eux-mémes » mythe perso intěgre dc la durée dont est faite ceuvre (ainsi que la connaissance aussi precise possible de la bio de auteur) et n'exclut pas méthodes de l'hist litt pour montrer comment une oeuvre d'art se construit sur des processus inconscients qui font surgir certaines images chez certains auteurs (par ex pour Mallarmé image de la danseuse) Ce concept de mythe perso a suscité plusieurs reserves : tributaire d'un parti pris d'objectivite (« pareille découverte est objective et ne saurait étre confondue avec un commentaire ») il risque de s'etablir une causalité entre individu et ceuvre alors méme que la fécondité de la méthode dite de superposition implique des choix subjectif de lecture Ms travail de Charles Mauron = cpdt celui d'un pionnier comme le reconnait Gerard Genette « la psychocritique pose á la littérature d'excellente question et lui arrache d'excellente réponses, qui enrichissent d'autant plus note comprehension des ceuvres » (Figures I) Envisageant notion de mythe a partir d'un texte moins connu de Freud (« le roman familial des n6vros6s ») Marthe Robert (1914-1995) montre comment roman depuis Don Quichotte devient ce « genre indefini » Ds Roman des origines et origines du roman, montre, en comparant ceuvres romanesques de Cervantes, Defoe, Flaubert et Kafka, comment deux grandes tendances inconsciente et opposed s du roman familial (celle de « l'enfant trouv6 » et celle du « batard ») sous-tendent la quete du heros ds le roman moderne, comme elles fond partie du pouvoir de fascination des contes traditionnels Toutefois la melhode de Marthe Robert dont on privilege id aspect psychanalytique, ne releve pas de la melhode psychocritique individuelle mais s'attache surtout a montrer pourquoi et comment l'ecriture romanesque, de Cervantes a Kafka est simultanement une critique du roman 5) la textanalyse de jean Bellemin-Noel ou le texte « hors l'auteur » en privil6giant emgme du texte comme puissance de seduction et en moyennant la mise en parenthese de l'auteur, la lecture psychanalytique depuis 20aine d'ann6e a presque change de projet, tirant argument des effets d'identification « dont la litterature fourmille d'exemple » (J. Bellemin-Noel, Psychanalyse et litterature) (Don Quichotte, Sartre ds les Mots, Mme Bovary), le critiq fornte a la psychanalyse conduit lecteur reconnaitre ds un texte une part de son propre inconscient, texte renverrait a ce lieu toujours emgmatique d'investissement du d6sir et d'interrogation. Si on admet avec BeUemin-Noel que texte littr « reve », cela ne peut etre que de facon transitive et toujours ntediatis6e par l'6coute d'un sujet que la notion d' « inconscient du texte », introduite par Bellemin -Noel met au coeur de l'ecriture : « c'est le travail de l'ecriture dans un texte qui me parait fascinant, et done la maniere qu'y a l'inconscient d'informer une forme signifiante. L'aventure volee, violee, violente d'une parole contagieuse » (Vers l'inconscient du texte) c'est pour comprendre cette fascination que la textanalyse peut se reveler precieuse a condition comme le precise de Bellemin-Noel de ne pas faire de l'inconscient une r6alite autonome => >< Charles Mauron « Mon premier souci n'est pas de « diagnostiquer », de reperer la presence (gratifiante ou derangeante) d'une formation inconsciente, - e'est-a-dire d'xmfantasme, originaire (appartenant a tous les humains) ou singulier (fruit d'une histoire unique) [...] L'essentiel est de saisir comment cela « se fait texte » ; comment cela s'est fait d'abord objet d'art, comment cela devient ensuite foyer permanent d'emotions affectives autant qu'esthetiques » (« textanalyse et psychanalyse » Essais de textanalyse) s'agira done pas de r6duire seduction exerc6e par poeme a expression d'un fantasme ms d'en rendre pensables les effets en decryptant, a travers 1'organisation inconsciente du texte, l'activite fantasmatique du lecteur lui-meme, l'inconscient du texte ne se confond pas avec celui de l'6crivain et mobihse par le travail de l'ecriture celui d'un lecteur qui s'y reconnait Cf Jean-Michel Delacomptee (La Princesse de Cleves : la mere et le courtisan) fonde a sa lecture « psychopohtique » du texte sur 1'emgme du renoncement final en y integrant la dimension de l'impens6 social de l'epoque (systemes de parente valeurs aristocratiques et rehgieuses) Lire l'ceuvre, et surtout le chef-d'oeuvre, selon cette perspective anthropologique c'est lui reconnaitre une portee critique generalement insoupconn6 dans la mesure ou, par-dela le contexte qui l'a vu naitre et la determine en partie, l'ceuvre forte peut-etre d6finie comme celle qui invente md6finiment son lecteur, c'est d'ailleurs par cette voie que la textanalyse elablit un pont avec le champ du social et de l'histoire 6) perspectives champ de la psychanalyse littr n'est pas monolithique, des textes critiq majeurs emanent aussi bien praticiens de la psychanalyse (Jean-Bertrand Pontalis) que de sp6cialistes de la litt qui d6celent les interrelations entre rceuvre d'un 6crivain et certains concepts de la future psychanalyse (cf Livre de Pierre Bayard Maupassant, juste avant Freud,) les historiens de la psychanalyse reconnaissent d'ailleurs que invention de la notion cardinale de Unheimliche ou d' « inqutetante 6trangete » formulae par Freud revient a Maupassant qui la met en scene ds le Horla III litterature et sociologie 1) d analyse relations société et ceuvres litt a connu au cours du siěcle 2 développements distincts selon que critiq a porte son attention sur lecture intrinsěque de ceuvre comme prod sociále ou sur sa reception (rapport entre ceuvre et lecteur comme destinataire collectif de la litt) presupposes théoriq de ces 2 perspectives ne se recoupent pas : \ěre = héritiěre ď Auguste Comte, Karl Marx = plus connue sous non recent de sociocritq = attentive á facon dont sont « représentés », analyses ou révélés ds ceuvre romanesque conflits d'un société cf George Lukacs (philo hongrois fondateur de la critiq litt ďinspiration marxisté) / realisme balzacien : « Les forces sociales n'apparaissent jamais chez Balzac comme des monstres romantiques ou fantastique, comme des symboles surhumains tels que Zola les représentera. Au contraire, Balzac decompose toute institutions sociále en un réseau de luttes personnelles, ďintéréts , d'opposition concretes entre des personnes, ďintrigues » (Balzac et le realisme frangais) Pour Lukacs, táche du critiq = interpreter ceuvre en montrant que les formes litt ne relěvent pas des « dispositions intérieures de 1'écrivain » mais tiennent aux « données historico-philosphiques qui s'imposent á sa creation » (La théorie du roman) => publié en francais en 1963 plus de 40 ans aprěs sa parution á Berlin en 1920, = ouvrage qui contient essentiel de la lěre sociocritiq ďinspiration marxisté 2nd perspectives = fondée sur une phénoménologie de la lecture, rejoint sociologie et hist litt car postule que sens ďun ceuvre ne s'actualise qu'en fonction des « attentes » ďun public, attentes déterminées par moděles esthétiques ďune époque = hypo connue sous nom de esthétique de la reception, soutenue par Ecole de Constance, s'est répandue en France á la fin des années 70, appui sur ouvrage de critiq allemands W.Iser : L'Acte de lecture : théorie de Veffet esthétique et HR Jauss Pour une esthétique de la reception « Quelles attentes des lecteurs contemporains Spleen II a-t-il comblées ou mises en question ? Quelle était la tradition litteraire, la situation historique et sociále auxquelles se réfěre le teste ? comment l'auteur lui-méme a-t-il compris son poěme. Quelles significations la premiere reception lui-a-t-elle donnée ? [...] face á de telles questions, la comprehension historique [...] doit mettre en evidence comment le sens du poěme s'est déployé historiquement par une interaction constante entre l'effet et la reception » (Jauss, Pour une herméneutique litteraire) La sociologie de la litt se veut dialectique (ce que designe en raccourci terme sociocritique) et interroge ceuvre du point de vue de leur ideologie cád du « rapport imaginaire des individus á leurs conditions réelles ďexistence » (Louis Althusser, Positions) Ecole de Constance en revanche prend pas en compte cette dimension, selon elle extérieure au texte. Entrepend ďélaborer un modele esthétique de la lecture en montrant que le sens ďune ceuvre s'elabore á travers une histoire des moděles de lectures ( et parmi eux genres litt). Perspective choisie renoue ainsi avec projet non realise de Lanson de fonder une sociologie de la reception considérant que « 1'histoire de chaque chef-ďceuvre contient en raccourci une histoire du goút et de la sensibilitě de la nation qui 1'a produit et des nations qui 1'ont adopté » (Etudes frangaises) 2) La sociocritique Pierre V Zima ds article du Dictionnaire des littératures de Ungues frangaises, ce terme « designe de nombreuses approches théoriques disparates qu'il est impossible de subsumer sous une definition á la fois univoque et nuancée ». Vrai qu'approches se sont imposées en France qu'a partir des années 60 mais convient ds situer premisses děs la fin de la liberation avec essais de Jean-paul Sartre sur la fonction sociále de l'écrivain (Qu'est-ce que la litterature ?) Surtout travaux de Goldmann qui remet en cause théorie marxisté orthodoxe de ceuvre comme « reflet » des rapports de production en redécouvrant celle de « vision du monde »intro en debut du siěcle par figure marquante de George Lukacs Bine que continuateur travaux Lukacs, Goldmann en a experimente concepts non plus sur formes litt mais sur ceuvres et ensemble ďceuvres en tant que révélateur ďune « vision du monde » structurant une réalité sociále : enjeu principále de son ouvrage Le Dieu Cache = contribution la plus importante á ce jour de la sociocritiq : Goldmann fait de la « vision tragique » du jansenisme un principe de coherence (vision tragique commune aux pensées de Pascal et au theatre de Racine en adequation avec univers sociopol de la noblesse sous monarchie de Louis XIV comme avec ideologie janséniste ) et postulát de coherence permet de valider ainsi une méthode qui consiste á montre que « les faits humains constituent toujours des structures significatives globales, á caractěre á la fois pratique, théorique et affectif » Sans jamais confondre ceuvre avec un quelconque « reflet » de ces structures, Goldmann, sous influence du courant structuraliste , tiendra á systématiser sa demarche en lui dormant le nom de «structuralisme génétique » : « Les structures de 1'univers de l'ceuvre sont homologues aux structures mentales de certains groupes sociaux ou en relation intelligible avec elles, alors que sur le pian des contenus, c'est-á-dire de la creation d'univers imaginaires regis par ces structures, 1'écrivain a une liberté totale » (Pour une sociologie du roman) Notion ď « homologie » laisse entier pb spécificité littéraires des ceuvres : comment penser en effet une « liberté totale de 1'écrivain » quant aux contenus en la dissociant des structures de rceuvre ? = sens objection principále formulée par Serge Doubrovsky : « A suivre Goldmann, on ne sent guěre de différence( et il ne la sent guěre lui-méme) entre un litterateur et un philosophe, entre Racine et Pascal [...] Aussi le critique conf ond-il volontiers poětes et penseurs en les citant indistinctement dans ses enumerations » (Pourquoi la nouvelle critique ?) 3) Heritages et courants de la sociocritique Au-delá du désaccord qui avec recul porte moins sur pbatiq du Dieu cache que sur risques d'y voir un modele reproductible, objection soulěve deux questions quant á finalité de la sociologie litt lěre = exphcitement posée par Goldmann de la « liberté totale » de 1'écrivain, peut recevoir réponses diff sel on époque mais aussi selon philosophie de la liberté du critiq : cf Sartre qui parle á partir du XVIII ďune prise de conscience de la litt de sa liberté qui se manifeste comme le « pouvoir de dépasser perpétuellement le donné », ce pouvoir qui ne peut s'entendre qu'a partir d'une conception « existentiahste » de la htt a intérét de faire de 1'acte ďécrire et surtout du choix d'une forme ďécriture (notion que Barthes développe en 1953 ds le D° zero) le lieu de recherche de la liberté de 1'écrivain 2nde question : choix des textes étudiés, et au-delá de objet de ce que devrait étre sens ďune veritable sociocritiq au sens au Pierre V Zima la défint ds son Manuel de sociocritiq, cád une sociologie des textes et non plus des ceuvres, difference tient essentiellement á ce que la sociologie du texte considěre ses différentes composantes comme des valeurs sociales autant que des structures linguistiques : « les valeurs sociales n'existent guěre indépendamment du langage » on peut se demander toutex si ds cet ouvrage, les analyses sociocritiques n'aboutissent pas á une sociolinguistique des discours dont s'impregne toute littérature laissant inexpliquée la rupture opérée par écriture au sein mémes des pratiques discursives dominantes Pas possible ici inventorier multiples courants de la sociocritiq mais globalement précieux éclairages sur les conditions de prod du texte htt, cf Henri Mitterand Le Discours du roman, Pierre Barbéris ... Un des traits communs á ces critiq = introduire ďemblée dimension politiq au centre du phénoměne litt, importance de celui qui fut en ce domaine un précurseur : Walter Benjamin, figuře marquant de 1'Institut de recherches sociales de Frankfort devenu aprěs guerre Ecole de Frankfort Dans un article programme de 1931 « Histoire littéraire et science de la littérature » : « n ne s'agit pas de presenter les oeuvres littéraires en correlation avec leur temps, mais bien, dans le temps oú elles sont nées, de presenter le temps qui les connait - c'est-á-dire le notre », formulation rend compte du caractěre fondamentalement temporel de la lecture et des formes littéraires comme phénoměnes transitoires mais aussi de leur historicitě en ce sens qu'elles ne peuvent signifier par-delá leurs conditions socio-historiques ďémergence qu'en se transformant puisque les conditions mémes de notre perception ne cessent et ne cesseront de se modifier : htt ne saurait jamais se def par une quelconque totalitě ni s'apprehender sur le mode de la linearitě W Benjamin se démarque par avance de ma sociologie de la htt et récusant surtout autoritě ďune critiq trad qui prétendait appliquer á la htt des concepts á valeurs de totalitě (comme le « génie » ou le « créateur ») Reste isolée en son tps, étude de W Benjamin (/ Baudelaire) demeure exemplaire par sa méthode en se distinguant de la plupart des actuelles approches sociocritiq tant par son objet (un recueil poétiq qui >< ceuvre romanesq résiste á la notion de totalitě) que par nouveau du pb qu'elle pose : « Baudelaire a écrit un livre qui, ďentrée de jeu, avait peu de chance de toucher immédiatement le public » => en faisant du divorce entre ceuvre et sa reception axe de sa lecture des Fleurs du mal, posait les jalons d'une critique centrée sur la question longtps délaissé du destinataire de la htt 4) les critiques de la reception • de quel lecteur parle-t-on ? Vincent Kaufmann en 1981, « une grande partie des travaux de la critique et de la théorie Httéraires s'articulent aujourd'hui autour de la question de la lecture » (« De l'interlocution á l'adresse », Poétique) Evolution á situer ds le double contexte d'une remise en cause de la these de l'autonomie de la htt posée par Barthes dans Le Degré zero de V écriture Faut prendre en compte la nouveauté de la question « Pour qui écrit-on ? « posée par Sartre en 1948 et des theories allemandes de la reception (ou « école de Constance ») Deux courants de pens6es qui semblaient confirmer intuitions de Valery selon laquelle c'est moins l'auteur que les fluctuations du lecteur qui« constitueraient le vrai sujet de rhistoire de la litterature » mais ne partagent aucunement meme conception du lecteur. Pour Sartre, lecteur pose tjs question de l'autre a 6crivain, estltetique de la reception voit ds lecteur un « modele » ptealable de ltecriture • le lecteur comme question S'agit essentiellement pour Sartre de montrer (a partir de quelques ex : reception des Nourritures terrestres, du Silence de la mer, et du manage de Figaro) en quoi« ecriture et lecture sont les deux faces d'un meme fait d'histoire » et que « chaque livre propose une liberation concrete a partir d'une alienation particuliere. Aussi y a-t-il en chacun un recours implicite a des institutions, a des moeurs, a certaines formes d' oppression et de conflit, a la sagesse, a la folie du jour [...] » Si on conteste a litt toute pretention a autonomie pr l'envisager comme re-alite ineluctablement intersubjective - analogue au « Nous sommes embarques » de Pascal, lors n6cessaire d'opposer au postulat positiviste de rexplication des ceuvres par milieu existence de Y « autre » comme question et non comme reponse : « On sera tente de reprocher sa vaine subtilite et son caractere indirect a tout essai d'expliquer un ouvrage de l'esprit par le public auquel il s'adresse. [...] Ne convient-il pas de s'en tenir a la notion tainienne du « milieu » ? Je repondrai que l'explication par le milieu est en effet determinante : le milieu produit l'ecrivain; c'est pourquoi je n'y crois pas. Le public l'appelle au contraire, c'est-a-dire qu'il pose des questions a sa liberte. Le milieu est une vis a tergo; le public au contraire reste une attente et un vide a combler, une aspiration, au figure et au propre. En un mot c'est Y autre » Alterite fonde communication litt => sociologie de la litt ne saurait plus etre hist lnteaire de ce qui la determine ms au contraire une hist discontinue des « situations » par lesquelles un auteur refuse ou accepte de s'inscrire dans cet « appel » informul6 du pubhc • A la recherche d'un « modele » du lecteur Ecole de Constance = pour penser non plus d'un point de vue existentiel mais exclusivement estltetique les effets de la forme d'un texte sur cette « attente » a elabote tlteorie de la lecture a partir de description des modeles culturels (genres litt) qui permettraient au lecteur de recevoir une ceuvre nvelle et r6ciproquement a cette ceuvre d'etre « hsible », changement de perspective implique que « attente » du lecteur s'inscrivent ds cadre de the-orie de la communication (cad la pragmatique) et de 1'interpretation (d'ou retour a la notion d'hermeneutique) fondee sur notion d' « horizon d'attente » Chez HR Jauss, notion a double fonction designe comme chez historien des sciences Thomas Kuhn ensemble des categories de reference qui rendent possibles la comprehension d'une ceuvre d'art ou d'une titeorie scientifique a tel moment de rhistoire = transposes a la htt, ces categories de la reception supposent connaissance partag6e de ces cadres estltetiques elementaires que st genres htt aussi piece essentielle de la prod du « sens » de ceuvre puisque celle-ci par def contient a la fois le texte et la possibility de sa reception par le lecteur : histoire des horizons d'attente successifs de l'oeuvre tel que critiq peut le reconstituer actuahsera alors « le » sens possible de oeuvre Inscription ceuvre ds pragmatique lit (cad une conception de ceuvre et de lecteur comme relevant d'un phenomene de communication) tehabilite statut et figure du lecteur ds processus meme de ltecriture => Travaux Ph Lejeune sur autobio sont ainsi fonde-s sur hypo d'un « pacte de lecture »implicitement scelle-entre auteur et lecteur La recherche d'un modele rltetoriq de la lecture cad de la facon dont un texte construit et ordonne la re-ceptivite du lecteur = autre pole de la critiq de la reception, cf travaux d'Umberto Eco (Lector in Fabula) et Michel Charles : « il s'agit d'examiner comment un texte expose voire « theorise » explicitement ou non, la lecture ou les lectures que nous en faisons ou que nous pouvons en faire » (Rhetorique de la lecture) En proce-dant par examen d6taill6 des strategies de se-duction et de provocation que mettent en ceuvre Yim strophe des Chants de Maldoror de Lautre-amont ou prologue de Gargantua de Rabelais, Michel Charles entreprend de fonder une tlteorie d'ensemble de la lecture htt: « de fait tout livre, plus ou moins consciemment, plus ou moins fortement, tend a ebranler un mode de lecture (ou une habitude de lecture). Des lors le lecteur preserve, soigneusement, jalousement, son mode de lecture - il manque ainsi la « nouveaute » du livre qu'il lit - ou bien il se laisse faire, se laisse lire, done lit vraiment » (Rhetorique de la lecture) 5) prolongements malgr6 efficacite didactiq, theories de la reception tendent a occulter pb de appreciation historiq des ceuvres en 6vitant de se prononcer sur leur mente => fonction plus descriptive (soucieuse de rendre compte du fonctionnement des textes ä travers l'hist ou modalités de leur reception) que véritablement critiq (se prononcant sur une qualité intrinsěque de ceuvre), distinction qu'il faut cpdt se garder de schématiser Cf Valéry:/ rapport possible entre oeuvre et lecteur : « certains ouvrages sont créés pour leur public. Certains autres créent leur public » En fait sociocritiq = néologisme qui comme le souligne Claude Duchet ne designe jamais qu'un « entre-deux », cäd un mode de lecture du texte en tant qu'il est « indissociable des formes de culture ou d'enseignement par quoiil est transmis [...]. Iln'y a pas de texte pur. [...] Nul n'est jamais le premier lecteur d'un texte, méme pas son « auteur » » (Littérature, n° I) Pviche de cette ambivalence, sociocritq pourrait devenir un critique de la valeur tjs conquise sur les codes e l'ideologie ou encore « de l'ideologie d'un style, lui-méme surdéterminé par ideologie qu'il conteste » (Ibid) Tout grande oeuvre implique une vision critiq de la société tout comme precede d'un imaginaire et d'un inconscient individuel, mais par attention portée ä « la forme dans laquelle se livre une ceuvre litt que autour des années 1960, la critiq a pris la pleine mesure du texte litt comme objet de langage Chap IV : le texte comme langage I critique et linguistique : un dialogue discontinu années 40, condition pour approche "formelle" de la litt distinct de l'hist litt et de la critiq interpretative étaient sans doute réunies en France avec creation enl937 ďune chaire de poétique au college de France. Conscient de la connotation passéiste du mot Valéry lui substitue celui de po(i)étique, plus proche de etymologie : "le faire, le poiein, dont je veux m'occuper est celui qui s'acheve en quelque oeuvre et je viendrai ä restreindre bientöt ä ce genre d'oeuvre qu'on est convenu ďappeler oeuvre de l'esprit" => met accent sur fait qu'une "oeuvre de l'esprit n'existe qu'en acte" => existence suppose une "vertu", une "nécessité" => en appelle ä une critiq consciente du mode de fonctionnement des textes litt diffusion trěs tardive des textes des formalistes russes, écrits entre 1915 et 1930 réunis ds Theorie de la littérature par Tzvetan Todorov + publication des Essais de linguistique generale de Jakobson => percée autour des années 60 de ce que l'on a appelée la critique formelle ou structurale. Aux yeux des formalistes (nom donné par détracteurs) la litt ne pouvait plus étre étudiée sans interrogation préalable sur nature et fonction du fait litt: "1'étude isolée d'une oeuvre en nous donne pas la certitude de parier correctement de sa construction, voire de parier de la construction elle-méme de l'oeuvre" (Youri Tynianov) => def de la qualité litt (ce que Jakobson appellera la "littérarité") doit prendre en compte ensemble du systéme (cäd dimension sociale et histo des textes) Theses des formalistes (jugées subversives par autorités) longtps oubliées avant d'etre réactualisées par structuralisme, méthode ling qui he le sens au systéme de relations et d'oppositions internes au code de la langue et ne le concoit plus comme substance lui préexistant. Appliquée d'abord ä étude des mythes par Lévi-Strauss, a rapidement place litt sur le terrain méme du code ling, estimant qu' "on avait assez longtemps regardé la litterature comme un message sans code pour qu'il devint nécessaire de la regarder un instant comme un code sans message" (Genette "Structuralisme et critique littéraire", Figures I) "analyse immanente" des textes (Barthes) implique "un travail qui s'installe dans l'oeuvre et ne pose son rapport au monde qu'apres l'avoir entiěrement décrite de 1'intérieur, dans ses fonctions, ou, comme on dirait aujourd'hui, dans sa structure" ("les deux critiques", Essais critiques) II Principes de l'analyse formelle et structurale 1) Roman Jakobson et la fonction poétique du langage Tout son effort pour élucider fonctionnement ling de la poesie tend ä "répondre ä la question : Qu'est-ce qui fait d'un message verbal une oeuvre d'art ?" ("Linguistique et poétique", Essai de linguistique generale) Jakobson, linguiste et poete reste fiděle aux futuristes russes, propose réflexion sur les différentes fonctions du langage au sein desquelles fonction poétique occupe une position cruciale. Ds toute lěre def en 1920, fonction poétique apparait comme mise en oeuvre esthétique du langage susceptible de faire objet d'une approche "scientifique", cäd affranchie de la psychologie trad et de l'hist litt: "La poesie c'est le langage dans sa fonction esthétique. Ainsi l'objet de la science de la littérature n'est pas la littérature mais la littérarité, c'est-ä-dire ce qui fait d'une oeuvre donnée une oeuvre litteraire. Pourtant, jusqu'ä maintenant les historiens de la littérature se servaient de tout: vie personnelle, psychologie, politique, philosophie. [...] Si les etudes littéraires veulent devenir science, elle doivent reconnaitre le procédé comme leur "personnage" unique. Ensuite la question fundamentale est celle de l'application et de la justification du procédé" ("La nouvelle poesie russe", Questions de poétique) Ouvrant la voie aux méthodes formelles qui excluent le recours ä 1'histoire ou ä la psychologie pour privilégier le jeu de toutes les composantes d'un systéme. Procédés attire attention du lecteur sur acte de dire et révěle la fonction poétique du langage : "l'accent mis sur le message pour son propre compte" (Essais de linguistique generale) Fonction poétique révěle de dimension intrinsěque de la parole ä laquelle toutex ne se réduit pas la poesie. Cest pq Jakobson postule que e'est la texture d'un poéme qui construit sa propre "grammaire", cf commentaire du poéme de Baudelaire "Les chats", commentaire du sonnet progresse en dégageant les systěmes ďéquivalences qui organisent le sens du poéme. Ce commentaire peut susciter certaines reserve ds mesure "oú 1'on ne voit nulle part expliqué en quoi ni pourquoi ces structures sont poétiques" (Gerald Antoine, Vis-a-vis ou le double regard critique), n'en a pas moins transformé rapport, traditionnellement distants, entre poesie et théorie du langage. e'est en ce sens que Jakobson déclarait ä intention des critiq que "la poesie ne consiste pas ä ajouter au discours des ornements rhétoriques : eile implique une réévaluation totale du discours et de toutes ses composantes quelles qu'elles soient" (Essais de linguistique generale) 2) la narratologie : une science du récit ? méme remarque pour analyse structurale des récits dont premiers prineipes mis en lumiěres par Vladimir Propp, ethnologue proche des formalistes russes, Morphologie du conte, mot clé du titre "morphologie" condense résultat d'une méthode comparative visant ä dégager de l'infinie varieté des contes populaires slaves une trame formelle sous-jacente. A introduit ds analyse des genres narratifs un parti pris de formahsation visant ä fonder une sémiotique, une combinatoire susceptible de rendre comte de l'agencement des personnages selon la fonction qu'ils occupent - fonction étant 1' "action d'un personnage, définie du point de vue de sa signification, pour le développement du conte dans sa totalitě", (Morphologie du conte) - dans le processus du récit. Notions doivent pas faire oublier l'essentiel: objet ďétude est pris comme un ensemble clos (analogue au systéme de la langue) dont on peut dégager traits communs. méthode se reclame du structuralisme qui postule existence de moděles d'organisation sous-jacents aux productions de l'esprit, se propose d'analyser phénoměnes lies ä la mise en oeuvre des autres genres du récit jusqu'ä inscrire étude du récit dans cadre general d'une science : la "narratologie" = projet de théoriciens et de critiq (C. Brémond, AJ Greimas, Todorov, U. Eco, G. Genette) réunis autour de Roland Barthes : rassemblěrent leur contribution ds n° de revue Communication qui a fait date : "L'Analyse structurale du récit" Modele fonctionnel de Propp diversement complete notamment par celui des "possibles narratifs" cäd des "contraintes logiques que toute série ďévénements ordonnée en forme de récit doit respecter sous peine d'etre inintelligible" (C Brémond) et celui des "actants" ou actions constantes qui ordonnent les "relations contractuelles" des personnages (Greimas); répartis par structure binaire : Donateur / donataire; Sujet / objet; adjuvant / opposant; ces actants "définissent une classe, qui peut se remplir d'acteurs différents, mobilises selon les regies de multiplication, de substitution, ou de carence" (Barthes). par son abstraction méme, la grammaire des actants permet de rendre compte des "forces" agissantes dans tout récit (conte merveilleux, tragédie classique = modele implicite que Barthes fait jouer avec souplesse dans on essai sur Racine : "Hermione est déléguée par le Pere. Andromaque par l'Amant. Andromaque est exclusivement définie par sa fidélité ä Hector, et e'est vraiment l'un des paradoxes du mythe racinien que tout une critique ait pu voir en elle la figure d'une mere." Approche structurale des différents actants du "récit" ds theatre racinien n'exclut done pas chez Barthes la critique interpretative ms lui donne une assise aisément verifiable La narratologie, discipline soeur de la rhétorique qui voit progressivement le jour ds 3 recueils de Figures de G Genette se ra finalement concAie comme "une théorie generale des formes littéraires - disons poétique" (Figures 111) => orientation de la poétique vers abstraction des moděles fait de narratologie une discipline contrainte de séparer ďemblée 1'évaluation des oeuvres en tant que telles, de la critique des la description des formes qui lui préexistent selon position également défendue par Todorov : "le texte particulier ne sera qu'une instance qui permet de décrire les propriétés de la Httérature" (Qu'est-ce que le structuralisme ?) Postulat permet ä Genette ďélaborer en logicien une grammaire du récit ä partir de A la recherche du temps perdu lue non plus dans sa "spécificité [...] irréductible" (Figures III) ms comme actualisation de divers "possibles du discours" analyses en terme de structures de la langue, grammaire de la Recherche ordonne ainsi en 5 chap qui correspondent aux categories de morpho-syntaxe verbale "ordre", "durée", "frequence" (= aspect des grammairiens), "mode", "voix" = autant ď "elements universels ou du moins transindividuels, qu'elle assemble en une synthěse spécifique" => critiq doit id "s'effacer devant la "théorie littéraire" et plus précisément ici la théorie du récit ou narratologie" (Ibid) "effacement" qui peut étre legitime par le fait que "la narratologie ne pretend pas (du moins sous ses formes rigoureuses) traiter du texte" (Michel Charles Introduction a V étude des textes). Toutex, cette reduction a parx conduit ä ďinévitables exces 3) Mikhail Bakhtine : dialogisme et intertextualité notion ď "intertextualité", depuis quinzaine années, extension considerable, deux orientations principales : - Celle du sémioticien américain Michael Riffaterre :" rie" ("La trace de 1'intertexte", La pensée, n°215) - Gérard Genette qui a entrepris ďétablir la nomenclature de "tout ce qui met le texte en relation manifeste ou secrete avec d'autres textes" sous le terme de transtextualité (Palimpsestes), domaine qui n'est plus du ressort de la critiq. Faut souligner qu'au cours du dernier tiers du XX, notion de texte a constitué un des enjeux théoriques majeurs de la critique au point que la notion textualité a fini par supplanter parx celle d'oeuvre litt. Or "intertexte" pas plus que "texte" ne sont des objets donnés mais plutöt des hypotheses heuristiques destinées ä faire découvrir comment la litt cite, transforme et détourne tous les types de discours. En ce sens texte litt étant relié ä un ensemble implicite ou exphcite d'autres textes, il transpose toujours- pour le mettre en valeur, le parodier ou 1'interpréter - le discours ďautrui => révěle son fonctionnement dialogique = concept repris sous le nom ďintertextualité par Juha Kristeva ä Mikhail Bakhtine s'apphque ä l'origine ä des oeuvres romanesques marquantes (Rabelais, Dostoievski) dt génie reside ds une sorte de mise en forme narrative de la condition essentiellement conflictuelle du discours. Mais au heu de lire dans le roman une sorte de reflet de l'ideologie, ä l'instar de la sociocritique, Bakthine y décěle au contraire la marque intrinsěque d'une esthétique fondée sur la relation de chaque énoncé aux autres énoncés cäd sur ce que Bakhtine appelle dialogisme du discours Bakhtine s'attache done ä extraire les elements générique d'une styhstique du roman en montrant que "le roman est un tout [...] un phénoměne pluristylistique, purilingual, plurivocal" (Esthétique et théorie du roman) + Caractěre polyphonique du roman rendrait idéalement compte du fonctionnement sociolinguistique du discours, ce dernier aspect des travaux de Bakhtine permet d'envisager successivement tous les traits styhstique relevant du caractěre social done pluriel du discours - divers types de discours integres au roman, diverses modalités du discours d'autrui plus ou moins assume par narrateur (allusion, parodie, citation), du d° de presence des paroles rapportées (dialogue exphcite ou discours narrativisé) ou ä demi-rapportées, maniěre dont se présente narrateur .. La limite de cette approche formelle = tend ä fixer "l'orientation dialogique du discours" (Esthétique et théorie du roman) dans la prose romanesque, et ä cantonner du méme coupla poesie ds l'usage des mots : "le style poétique est conventionnellement aliéné de toute action réciproque avec le discours ďautrui" (Ibid) or opposition entre discours et mot (recouvrant opposition trad entre prose et poesie) ne rend pas compte du fait que "la poesie e ne tant que telle aura toujours pour objet quelque destinataire inconnu" (Ossip Mandelstam contempo de Bakhtine) III Les critiques de l'enonciation 1) Emile Benveniste et la critique du langage Recueil d'articles, Problémes de linguistique generale (PLG), fait lumiěre sur des aspects fondamentaux du langage clarification essentielle apportée par Benveniste repose sur la notion denunciation "qui suppose la conversion de la langue en discours" => instauration d'un double niveau d'etude du langage ou de lecture de texte : lecture sémiotique qui consiste ä identifier les unites d'articulation que sont les signes / une lecture sémantique qui "nous introduit au domaine de la langue en emploi et en action" 1) => Le sémioticien ne lit pas des oeuvres ds mesure oú comme le montre Gérard Dessons, il est "conduit á rechercher des invariants, et done á rejeter la catégorie de l'histoire, et, par consequent, la notion de littérarité" (Introduction a la poétique : approche des theories de la littérature) 2) => le lecteur est sollicité par "la vie méme du langage en action" tout texte devrait alors suscité un double regard, selon un va-et-vient critique entre la saisie momentanée des unites et la comprehension du langage en mouvement => ds cette perspective analyse "aura besoin d'un appareil nouveau de concepts" (Benveniste) = táche ďune nouvelle poétique du discours qui considěre que chaque oeuvre invente sa forme, des concepts tels que ceux "destinée signifiantes des formes" chez Gérald Antoine, de "forme-sens" et de "rythme" chez Henri Meschonnic Articles fondamentaux ds PLG : "Structure en linguistique", "les relations de temps dans le verbe francais", "la nature des pronoms"," de la subjectivité dans le langage", études ponctuelles qui ont contribué á transformer de facon irreversible 1'approche des problěmes de 1'écriture en révélant (comme 1'avait percu Proust ds son article sur Flaubert) l'importance des choix ďénonciation ds 1'emploi des tps verbaux. Concernant expression de la personne, Benveniste affirme enfin et surtout le caractěre discursif de la subjectivité : "Est "ego" qui dit "ego". Nous trouvons la le fondement de la subjectivité qui se determine par le statut linguistique de la "personne"" ("De la subjectivité dans le langage") ex : extrait de 1'étude de Maurice Blanchot sur Le Bavard de Louis-René des Foréts = méme conclusion "Tout commence par la fraude qu'introduit le mode de narration á la premiere personne. Rien de plus sur que la certitude du "je" [...]. mais le "je" du Bavard, s'il nous attire insidieusement, e'est en son défaut qu'il nous attire. Nous en savons á qui il appartient ni de qui il témoigne."( "La Parole vaine") Cette convergence de vue entre le critique et le linguiste par le biais de l'oeuvre litt montre comment sur un pb precis, la litt pose en elle-méme toutes les questions dont la linguistique de l'enonciation peut, par ses moyens propres, montrer 1'universahté, tandis que la táche de la critique est de se confronter á leur spécificité, en mettant á découvert le sujet ďune éeriture. 2) Henri Meschonnic : critique du rythme, critique de la voix ds perspective de cette critique de l'enonciation prennent sens les travaux de linguistes comme Jean-Claude Chevalier et Henri Meschonnic. Leur effort a consisté ds un ler tps á relier ce que le structuralisme avait disjoint: la critiq littéraire et la "recherche de concepts avec lesquels on pense le fonctionnement de la littérature" (Meschonnic, Les Etats de la poétique) => poétique en ce sens a su retrouver effort constant des écrivains qui n'ont cessé d'allier pratique poétique et activité critique ds leur correspondance (Flaubert), prefaces (Baudelaire, Max Jacob, Michaux, Postface de La Nuit remue), notes (Baudelaire), fragment (Mallarmé), brouillon (Proust et son Contre Sainte-Beuve) Jean-Claude Chevalier ds une analyse des formes poétiques d'Alcool d'Apollinaire a montré qu'il revient á la lecture ďélaborer, au contact de 1'écriture les concepts du sujet de 1'écriture . A l'inverse des demarches sémiotiques, 1'activité critique met ainsi au jour un savoir de la poesie, á travers la comprehension des "formes matrices" du style d'Apollinaire qui constituent la sémantique d'Alcools Henri Meschonnic a mis en rapport énonciation avec rythme. son travail = fonde sur idée selon laquelle le rythme "n'est pas seulement un secteur du langage parmi d'autres, un niveau linguistique [...] mais l'inscription du sujet dans l'ensemble de l'oeuvre comme systéme de valeurs de langage, á travers le sens. II ce par quoi le sujet n'est pas un emploi des pronoms personnels, mais tout son langage, sémantique jusque dans l'infrasémantique" (Critique du rythme. Anthropologic historique du langage) => le rythme est l'oeuvre ds la mesure ou celle-ci est invention de ses propres valeurs - notion cardinale qui ne designe pas des choix esthétiques mais la transformation de l'ensemble de signes (ou unites discontinue) de la langue par l'oeuvre ou le poéme, le rythme = sujet continu du discours "On sait bien qu'un poéme ne dit pas seulement, mais il fait, s'il ne faisait que dire, il se traduirait intégralement en prose dans sa propre langue. ce qui ne se peut pas, ni empiriquement, ni théoriquement" (Ibid) Attention portée aux formes-sens des poětes (c-a-d au travail historiq d'un texte, des plus infimes aux plus grandes de ses composantes) est la premiere exigence méthodologique de cette critiq qui, cf titre des 5 volumes publiés, ceuvre Pour la poétique, comme recherche et rencontre des sujets du discours. => Meschonnic montre que éeriture est ce qui fait une « voix » en integrant dans énonciation dimension du rythme. Voix ici designe « le nom du poete mystérieusement [...] refait avec le texte entier » dont parle Mallarmé ds Divagations Inscrite dans organisation consonantique et vocalique (ou prosodie) de la syntaxe, la voix de 1'ceuvre, comme mouvement du discours, est toujours transsubjective, en ce sens que sa vocation et de passer « de je enje » (La rime et la vie) A 1'oppose des fonctions linguistiques de Jakobson, les notions de rythmes et de voix ne peuvent ainsi etre assimik4es a des categories atemporelles de la langue puisqu'elles rendent compte du sens compris comme activity d'un sujet dans l'histoire. A ce titre, la critique prend chez Meschonnic, « une valeur double. Elle est la mise en evidence d'une implication reciproque entre des elements traditionnellement tenus pour separes, autonomes [par les disciplines traditionnelles] Elle est mise en evidence du caractere radicalement historique des valeurs » (Politique du rythme/ Politique du sujet) Notions de rythme et de voix n'ont de pertinence qu'a l'epreuve des textes Chap V : La critique d'auteur I: la critique comme forme de litterature Reflexion des 6crivains sur la creation litt = une des formes les plus vivantes de l'activite critique. Albert Thibaudet appelle cette critique « la critique des maitres » dont Proust au d6but du XX serait la figure emblematique >< « critique professionnelle » qui dans le sillage de Taine puis de Lanson elabore des melhodes d'analyse litteraires emprunt6es aux sciences. Cette distinction ne rend toutex pas compte de 1'ambivalence de la critiq moderne partag6e entre objectivity d'un savoir a produire et aventure critique comme possibilite de faire ceuvre. Statut quelque peu batard de critiquetecrivain = celui qu'appelait de ses vceux Barthes ds Critique et Verite au nom de cette vente toute relative partag6e : « L'ecrivain et le critique se rejoignent dans la meme condition difficile, face au meme objet: le langage » Ms chez critiquetecrivain, reflexion sur le langage se concoit pas sans conception de homme comme sujet du langage et des valeurs. Todorov en structuraliste repenti 6crit: « la critique ne doit, ne peut meme se limiter a parler des Hvres ; a sont our, elle se prononce toujours sur la vie [...] elle est aussi quete de verite et de valeurs » (Critique de la critique); / / avec exigence d'Albert B6guin et Maurice Blanchot, George Blin, Jean-Paul Sartre, Julien Gracq Aujourd'hui foisonnement de la critiq d'auteur et ic traite de Sartre, Barthes, Blanchot et Gracq ds mesure ou, pour chacun la critique renvoie a une experience personnelle de la litt II Un critique polymorphe : Jean-Paul Sartre « Mais quand nous consumerions notre vie dans la critique qui done pourrait nous le reprocher ? La tache de la critique est devenue totale, elle engage l'homme entier » (Situations IT) Revue les Temps modernes, qu'il fonde en octobre 1945 devient l6re tribune de la critique d'auteur Est scelLe d6sormais 1'alliance de l'ecrivain et du philosophe Tandis que Sartre cesse d'6crire pour le roman en 1949, son activite critique se poursuit jusqu'a la publication du tome X de Situations en 1976 1) le critique en « situation » Aux yeux de Sartre, philosophe de l'existence (ne concoit pas homme autrement que par et dans la responsabilite totale de ses actes) il n'est pas de litt qui se prelendre hors situation cad hors de l'histoire => allure de manifesto de son premier essai sur la litt: « la fonction de l'ecrivain est de faire en sorte que nul ne puisse ignorer le monde et que nul ne puisse s'en dire innocent » (Qu'est-ce que la litterature ?) Sartre s'est applique a lui-meme cette exigence de lucidite ds r6cit de son enfance Les Mots, en demontrant comment sa vocation d'6crivain n'elait rien d'autre que le renversement de l'heritage mythique des belles-lettres transmis par son education Textes de Situations consacr6s a critiq htt = miroir critiq de la culture que Sartre a voulu tendre au public en lui proposant une lecture inseparablement philosophique, politique et stylistique de la htt moderne francaise et 6trangere Technique narrative des romanciers n'est jms chez Sartre 6tudi6e pour elle-meme : « une technique romanesque renvoie toujours a la metaphysique du romancier. La tache du critique est de degager celle-ci avant d'apprecier celle-la » (« La Temporality chez Faulkner », Situations T) Demarche du commentaire parvient a rendre compte simultanement, par ex chez Ponge, d'une experience, d'un mode d'expression et d'une conception de la htt radicalement neuve Par va-et-vient constant entre analyse textuelle et appel á la cooperation du lecteur + recours peu académique á la métaphore, Sartre a contribué plus qu'aucun autre critiq de sa generation, á rapprocher la litt moderně du grand public tout en comblant fosse qui traditionnellement séparé la philosophie de la creation litt. Mettait en relief chez écrivains non seulement un style particulier ms surtt ce que Barthes son contemporain (et ds une certaine mesure successeur) appellera une écriture, cád une morale de la forme 2) Portraits et vies d'ecrivains : vers une anthropologie litteraire A lěre vue projet sartrien = comprendre ceuvre par son vie auteur => peut sembler anachronique aprěs Contre Sainte-Beuve et argument contre toute comparaison entre moi sociále de artiste et moi créateur + aprěs avěnement de la critique structurale. Reserve quand á essor du structuralisme (estime que appliqué á litt celui-ci ne peut 1'appréhender que de extérieur) Sartre se réapproprie toutefois presupposes théoriques des sciences humaines (psychanalyse, sociologie marxisté) ms pour les dépasser en retrouvant le choix qu'un écrivain fait de lui-méme, conception qui met en jeu une philosophie de homme def par sa liberté ou comme 1'écrit sartre par son « projet » « Done 1'homme se définit par son projet. Cet étre essentiel dépasse perpétuellement la condition qui lui est faite[...]. Cest ce que nous nommons l'existence et par la, nous entendons pas une substance stable qui se repose en elle-méme mais un déséquilibre perpétuel, un arrachement á soi de tout le corps » (Critique de la raison dialectique) = « méthode ďapproche existentiahste » = « méthode progressive -regressive », « va-et-vient dialectique » fait surgir conflit vivant qui oppose « objet » cád ceuvre á époq (alors que marxistes voyaient oeuvre intégrée ds histoire) Cf complexité du cas Flaubert dont Sartre entreprendra elucidation sous la forme ďun récit dans les trois tomes de L'Idiot de lafamille, mais comment rendre compte de rceuvre non seulement pour ce qu'elle dit de l'écrivain et de la névrose de son époque mais aussi pour ce qu'elle vaut en tant qu'ceuvre ? contradiction inhérente á L'Idiot de lafamille dt Sartre n'a jamais publié le dernier tome tient sans doute au caractěre inachevable du projet méme III Roland Barthes : la critique ne mouvement 1) Un critique á distance « toute critique est critique de l'oeuvre et critique de soi-méme » (Essais Critiques) = peut-étre essentiel de la pbatiq de ceuvre de Barthes. Méme si reconnu comme théoricien de la litt, R Barthes jouit ďun statut ambigu ds la critique litt contempo, a ďailleurs souligné caractěre composite de son ceuvre plus soucieuse ďexpérimenter de nouvelles theories que de leur préter allégeance : « s'il est vrai que j'ai voulu longtemps inscrire mon travail dans le champ de la science, litteraire, lexicologique et sociologique, il me faut bien reconnaitre que je n'ai produit que des essais, genre ambigu ou 1'écriture le dispute á 1'analyse » Constat vise essentiellement á appréhender une « écriture » en ce sens qu'un écrivain á ses yeux ne se définit pas seulement par sa langue ni méme par son style mais par le choix ďune forme de discours qui connote une conception de la litt. Notion capitale ď « écriture » est déjá défini ds le Degré zéro de 1'écriture, echo inverse de Qu'est-ce que la litterature ? de Sartre : si dimension de 1'engagement demeure centrále, renvoie chez Barthes á la fonction sociále de toute forme litt (fonction étudiée ďun point de vue plus sociolinguistique par Mikhail Bakhtine) « Děs 1'instant oú 1'écrivain a cessé d'etre un témoin de 1'universel pour devenir une conscience malheureuse (vers 1850), son premier geste a été de choisir 1'engagement de sa forme, soit en assumant, soit en refusant 1'écriture de son passé » (Le degré zéro ... Introduction) La critique de Y « écriture » transcende done « la diversité des « genres » » 2) 1'aventure du texte On a parfois voulu voir ds adhesion ultérieure et provisoire de Barthes aux thěses structuraliste un abandon de ce programme comme si horizon des années 1960-1980 constituait horizon indépassable de son itinéraire critiq. En réalité demarche de Barthes (diversité) ne se réduit nullement á l'un ou l'autre des grands courants de ce que Ton a appelé nouvelle critique. La seule attitude exigible de la part du critique = « un pouvoir ďétonnement, difficilement mesurable » /Analyse de la nouvelle de Balzac Sarrazine : analyses ne prétendent pas « décrire la structure d'une oeuvre [...] mais plutot produire une structuration mobile du texte (structuration qui se déplace de lecteur en lecteur tout au long de l'Histoire)»(L'Aventure sémiologique) Déroutante au premier abord, la lecture s'emploie á défaire « tissu » du texte pour montrer comment s'y superposent divers « codes » constitutifs de tous ses sens possibles ou seconds connotes. II incombe par consequent au critique de passer le texte au crible de ces codes en découpant le texte en segment (ou lexie) de volume variable S'agit de faire la preuve que « dans un énoncé littéraire plusieurs codes, plusieurs voix sont la, sans précellence » Si la litt selon cette hypo ne se distingue plus a priori des codes qui la traversent, la critique du texte n'a plus pour objet des ceuvres définies par leur « littérarité » entité introuvable mais la seule écriture - ou texte -concu comme fragmentation et productivité infinies du sens Barthes n'a pas systematise cette demarche sous forme de méthode mais á contribuer en revanche á former des generations de chercheurs sinon de critiq et d'ecrivains en postulant la fonction fondamentale du critiq de la htt: « ce que les sciences humaines découvrent aujourd'hui, en quelque ordre que ce soit, sociologique, psychologique, psychiatrique, linguistique, etc, la littérature l'a toujours su ; la seule difference, c'est qu'elle ne l'a pas dit, elle l'a écrit » (Le Bruissement de la langue) Concue comme critiq ininterrompue des savoirs, la htt aux yeux de Barthes n' a jamais cessé de faire obstacle á la vérité scientifique IV Maurice Blanchot: la lecture comme echo amplifié de l'oeuvre Maurice Blanchot = ceuvre qui comprend romans et de nbeux essais. Pour lui htt est vécue comme drame ontologique dt chaque écrivain solitairement tente de décrypter le secret. Affirmation de la solitude essentielle de 1'ceuvre « ne signifie pas qu'elle reste incommunicable, que le lecteur lui manque. Mais qui la lit entre dans cette affirmation de la solitude de 1'ceuvre comme celui qui l'ecrit appartient au risque de cette solitude » (L'Espace littéraire) ■=> arrange similitude qui d'emblee semble s'etablir entre celui qui lit et celui qui écrit, l'un « comme » 1'autre prenant part en quelque sortě au méme « secret de 1'écriture » (Le Livre a venir) Cpdt secret de la htt = pour Blanchot fait que ceuvres donnent une forme chaque fois unique á experience fondamentalement paradoxale que tout homme fait des mots, en ce sens que le pouvoir de nommer nous séparé et nous exclut du monde : « dans la parole meurt ce qui donne vie á la parole ; la parole est la vie de cette mort, elle est« la vie qui porte la morte et se maintient en elle ». Admirable puissance, mais quelque chose était la qui n'y est plus. Quelque chose a disparu. Comment la retrouver, comment me retourner vers ce qui est avant, si tout mon pourvoir consiste á en faire ce qui est aprěs ? le langage de la littérature est la recherche de ce moment qui la precede » (La Part dufeu) => tel le feu qui consume ce dont il vit, « l'espace litteraire » est fatalement celui ou se joue la « mort » de l'ecrivain (comme origine supposée de son discours) puisque parle á travers lui un absence irremediable => « la littérature se passe maintenant de l'ecrivain » Anonymat de la parole qui conduit Blanchot á concevoir experience htt comme une dramaturgie du langage // philosophie Emmanuel Levinas qui ds De I'existence a I'existant avait « mis en «lumiěre » sous le nom ďil y a ce courant anonyme et impersonnel de l'etre qui precede l'etre » (La Part dufeu) Cette position philosophique éclaire le projet critiq de Blanchot = dégager la litt de tout ce qui n'est pas elle (auteur, psycho, histoire + notion d « genre », de « style », de « langue »). En délestant ainsi ceuvre de toutes ces determinations sociales ou individuelles, Blanchot selon renversement caractéristique de sa demarche fait apparaitre alors htt comme un quéte de l'absolu et écrivains auxquels consacrera essentiel de son ceuvre critiq = á se yeux engages ds cette quéte (Pascal, Joubert, Mallarmé, Kafka, Musil, Broch, Artaud, Rilke, Michaux) Telle conception de la lit = >< celle de école de Geneve qui promeut idée d'une identification de la conscience du critiq et celle de 1'auteur exige au contraire de la part du critique une sorte de retrait ds anonymat méme de 1'ceuvre pour mieux en manifester la presence « La parole critique est cet espace de resonance dans lequel un instant se transforme et se circonscrit en parole la réalité non parlante, mdéfinie d e 1'ceuvre. Et ainsi, du fait que modestement et obstinément elle pretend n'etre rien, la voici qui se donne, ne se distinguant pas d'elle, pour la parole créatrice dont elle serait comme l'actualisation nécessaire, ou pour parler métaphoriquement, 1'épiphanie » ■=> recuse toute pretention á expliquer puisque « sens » d'un texte pas réductible á des unites sémiotiques, á des themes comme á des determinations sociales, le critiq pour rendre raison á 1'altérité radicale de 1'ceuvre doit s'en faire echo amplifié Thěmes récurrents ceuvre de Blanchot (comme caractěre intrřnsěquement indécidable du sens de l'ceuvre htt) se retrouve ds courant critiq américaine contempo = critique de la déconstruction ou Ecole de Yale qui se reclame surtout du philosophe francais Jacques Derrida V Julien Gracq critique ou l'intelligence de l'affect Célěbre par ceuvre htt autant que par son refus du protocole htt. Ds essai sur André Breton, Julien Gracq invente une demarche qui s'attache ä identifier pour chaque écrivain « le probléme original que pose sa maniěre ďécrire » et ä montrer qu'une écriture se distingue avant tout en ce qu'elle est capable de rendre « une pensée entiěrement sensible tout au long de son cheminement » Attention portés aux moyens formels ne vise pas chez Gracq inventaire des lois mécaniques mais recherche d'une qualité, ou d'une vertu indivisible : « par la, l'ceuvre d'art me Hvre son caractěre opératoire distinctif, qui est d'occuper immédiatement et sans différenciation aucune toute ma cavité intérieure » (En lisant, en écrivanť) ■=> ceuvre critiq qui se distingue des critiq précédentes car ne se prévaut ni des sciences humaines ni d'une philosophie generale de la lit: « Tout ce qui theorise, tout ce qui generalise par trop da,ns la « science de la littérature », et méme dans la simple critique me parait sujet ä caution » (Ibid) Indissociable de l'ecriture, la lecture s'inscrit de facon active dans la marge de ses livres préférés pour y proposer des analyses « qui naissent d'une observation presque ponctuelle » (Ibid) Rapport ä la fois actif et tjs locahsé ä la lecture donne aux recueils critiq de Gracq l'allure de poéme en prose ou d'essais poétiques Ambition = aborder ceuvre ä leur source vive, « la ou aucun label de garantie encore ne les désignes et ne les distingue » (Ibid) => ce qui importe = pas le démontage de leur organisation ou de leur structure mais le type de communication par quoi elles s'imposent, ce « courant » qu'elles font passer, cäd ce « plaisir qui ne se préte ä aucune substitution » (Ibid) Symetrie grammaticale du titre En lisant, en écrivant = emblématique ďun double mouvement: 1'ceuvre lue pas un objet mais un événement de langage marqué par « ce qui s'appelle le ton », ehe suscite en retour une écriture marquee par le trouble - ou l'affect - caractéristique de la rencontre amoureuse avec un hvre. Notion de « ton » = cardinale car ne relěve pas chez Gracq du signe linguistique mais avant tout d'une memoire du langage, cäd « la connaissance de son maniement, produit d'un long usage, d'une passion invétérée et d'un instinct alerté de ses automatismes caches et de ses liaisons enterrées » Täche critique consiste ä rentre en intelligence avec le langage d'un artiste afin de rendre sensible aux autres le pouvoir d'enonciation VI ouvertuře Osmose (chez Gracq, Blanchot, Sartre, Barthes) entre effort pour questionner la valeur des ceuvres, täche méme de la critique, et la recherche d'une écriture personnelle montre que c'est style autant que méthodes qui font passer de plein droit la critiq ds la htt. Est vrai « qu'un tabou pěse sur cette question du style propre ä la critique » (Jean Bellemin-Noél) c'est que style pas un ornement de la reflexion mais au contraire forme pleine et entiěre de cette reflexion en ce sens techniq et procedures en critiq sont indissociables du style qui leur donne forme => modifient et transforment notre regard sur la htt. Bénéficiant de etat de crise apparente de la critiq d'interpretation qui a dominé dernier tiers du XX siěcle, la critiq d'auteurs constitue ä certains égard ce laboratoire ou s'exerce aujourd'hui l'ecoute active du langage