19) Imaginaire et transgressions - Littérature et le Surréalisme - Charmes de l'imaginaire... - Transgressions ontologiques : la littérature comme tauromachie -Transgression et jeu Le Surréalisme est-il encore vivant ? •Tel qu'il s'est développé entre les deux guerres, le Surréalisme est un mouvement en tous points exemplaire : –De ce que peut être un mouvement littéraire, tout d'abord, et –d'une expérience poussée à l'extrême de possibilités nouvelles de la littérature, –de ses motifs et de son action ensuite, –d'une confrontation entre cette littérature conçue comme une expérimentation et comme une expérience et les systèmes intellectuels qui permettent de les penser. •Une transformation essentielle : •en tant que mouvement à proprement parler (un groupe, une doctrine, une œuvre cohérente en rapport avec cette doctrine), il disparaît, alors que l'activité des surréalistes ou inspirée par le Surréalisme se maintient. – –publications et des éditions à New York (VVV, 3 numéros parus) ; –à Paris, dans la clandestinité Noël Arnaud et J. F. Chabrun - La Main à plume (revue et maison d'édition), entre 1942 et 1944. –Après la guerre - en forme de bilan, en forme de programme, dans des revues ou sous forme de tracts, accompagnant des manifestations. –En 1942, paraît Prolégomènes à un troisième manifeste du Surréalisme ou non ; –puis Breton publiera Situation du Surréalisme entre les deux guerres et Le Surréalisme même en 1948 et 1949. –Il faut y ajouter les textes de position politique comme Rupture inaugurale et Ode à Charles Fourier, en 1947, et les expositions internationales. –En 1952, sont publiés les entretiens radiophoniques de Breton avec Parinaud. •La présence du Surréalisme – indéniable. –une action dans la voie politique, opposée au PCF, –proche des mouvements d'extrême gauche, –attentif aux innovations artistiques dans le monde, –créant des manifestations et des expositions. •l'appui d'éditeurs comme José Corti ou Jean-Jacques Pauvert, •l'audience du Surréalisme n'est plus celle de l'avant-guerre •la littérature qui paraît sous son égide s'oriente de plus en plus vers l'appel aux mythes et aux symboles universels, sur le plan anthropologique, voisins d'une vision magique et de l'occultisme. •Le mouvement = un ensemble de références poétiques, que développent –des critiques (Bachelard) –ou auxquels recourent des écrivains en marge du mouvement (Cocteau). • •Sa durée - une survie dans l'ensemble de la vie littéraire –de nombreuses critiques - démontrer l'échec historique ou les bases erronées. •le Surréalisme d‘après guerre –un objet essentiel de discussion sur ce que peut faire et sur ce que peut être la littérature après 1945. •Michel Leiris, Georges Bataille, Raymond Queneau ou même Louis Aragon ou Paul Éluard prolongent dans leurs oeuvres, –les recherches que le mouvement avait pratiquées –exploration des formes, ouverture au hasard. Hommages, études et critiques •Julien GRACQ rend un hommage ardent à André Breton –plus qu'au Surréalisme dans son ensemble – –dans André Breton, quelques aspects de l'écrivain, écrit en 1946 et publié en 1948. –Pour Gracq, c'est l'écrivain qui se distingue dans une période qui a, dit-il, le « prurit de l'adhésion », qui s'adonne à un usage transitif de la littérature et accepte le tout venant de la pensée et de la création. –Son admiration va de pair avec son mépris ironique pour la «littérature à l'estomac», selon la formule de son pamphlet. –La Littérature à l'estomac est un pamphlet publié en 1950. •attaque au milieu littéraire parisien, •tout particulièrement les prix littéraires. •Une entreprise audacieuse pour un auteur qui n'a que peu publié •et l'ironie du sort fait que, l'année suivante en 1951, le jury du prix Goncourt le désigne comme lauréat pour Le Rivage des Syrtes. •Gracq refuse immédiatement le prix, créant la sensation dans la presse qui s'empare de l'événement. –Cependant, dans cet hommage même se lit aussi la transformation du Surréalisme vers une anthropologie •qui décrypte les univers symboliques et •constitue un réservoir de mythes où puisent les romans de Gracq. •Il parle davantage de la rêverie, en termes quasi bachelardiens, •que du rêve comme état de l'expérience et source de la découverte individuelle. –Gracq fait du Surréalisme en la personne de Breton un moyen de réenchanter la vie et non de la changer. •En écrivant ce texte dès la fin de la guerre, il prend sa part dans un vaste mouvement d'inventaire du Surréalisme. •L'inventaire se muera même parfois en liquidation. • Le Surréalisme suite •L'activité d'André Breton demeure importante : dans l'Ode à Charles Fourier (1947), il proclame son espérance et demeure fidèle à l'occultisme, tout en limitant la structure analogique au champ du langage. –Benjamin Péret, Jean Schuster, Hans Arp (à la fois plasticien et écrivain) accompagnent son action ; –Après la mort d'André Breton en 1966, les solidarités se défont, –Jean Schuster, qui lui a succédé, proclame dans Le Monde, le 4 octobre 1969, la mort du Surréalisme « en tant que mouvement organisé, en France ». •Dans Le Monde (16 II 1996), un siècle après la naissance de Breton, Julien Gracq rappelle l'apparition du mouvement –« l'exécration que laissait derrière lui le cauchemar de 1914-1918 », –sa « force de jaillissement », –les démêlés divers puis la « traversée du désert » pendant et après la guerre, –mais aussi une forme de survivance : – « Il est sûr que cette explosion libertaire imprévue de mai 1968 qui, plus qu'une révolution politique, cherchait à changer la vie selon la loi du désir, ici et maintenant, "immédiatement et sans délai" et qui décontenança si fort toute la gauche institutionnelle, jusque dans son langage et ses formules, concernait, sans toujours le savoir. Breton de beaucoup plus près que Sartre et surtout qu'Aragon, qui l'un et l'autre tentèrent de se faire oindre par la Sorbonne régénérée. "Au fond, tout ça, c'était Breton", me dit un jour Georges Pompidou, quelque temps après les événements. » •Il constate ensuite que le Surréalisme a redonné souffle au « romantisme éternel » : « pour les mânes de Breton [...], les perspectives ne sont pas fermées. » Dans le sillage du Surréalisme Julien Gracq (1910-2007) •C'est du côté du roman que l'esprit du Surréalisme survit le mieux après la guerre •agrégé de l'université, spécialisé en histoire et surtout en géographie • Inscrit au parti communiste il le quitte au moment du Pacte germano-soviétique •Au fil des recueils de fragments qu'il publie par la suite, il donne de nombreux échos de son enfance, de ses études, de sa vie ultérieure : son expérience d'officier en 1939 et 1940, la mobilisation, la traversée des lignes ennemies, la captivité, les bombardements de Normandie, et ses lectures, ses voyages, etc. •Il est parvenu à exclure toute médiatisation, empêchant la publication de ses ouvrages en collection de poche. •Nous avons parlé de son pamphlet, La Littérature à l'estomac, et du prix Goncourt attribué au Rivage des Syrtes et refusé. •Dès avant la guerre il s'était tourné vers la littérature, adoptant le pseudonyme de Julien Gracq (le Julien Sorel de Stendhal et les Gracques...). •Il rencontra Breton qui admira son premier roman, Au château d'Argol, en 1938 ; –il est vrai que cette œuvre, très surprenante dans le contexte de l'époque, peut plaire aux adeptes du roman noir : –elle fait surgir au cœur de la forêt celtique des personnages énigmatiques, deux hommes et une femme, investis dans une réflexion philosophique hermétique, entraînés au fil d'un récit elliptique vers des transgressions majeures. •Un beau ténébreux en 1945 –joue avec les intrigues nouées pendant une saison d'été au bord de la mer, mais fait surgir de mystérieux effets d'attraction, des fatalités qu'illustrera beaucoup plus largement •Le Rivage des Syrtes : –là, tout un pays, à une époque indéterminée, sommeille dans une sorte de décadence, et vit dans l'attente de la guerre qui doit reprendre avec l'ennemi héréditaire. •Gracq esquissera ensuite –un ouvrage du même genre qu'il n'achèvera pas, et dont il tirera la nouvelle « La Route », publiée dans La Presqu 'île. •Un balcon en forêt (1958) –conte la longue attente de l'invasion dans un fort de la ligne Maginot. –Grange, le héros, vit au rythme de la forêt, rencontre Mona, puis, blessé dans l'attaque soudaine, demeure aux dernières lignes dans l'attente. •En 1970, La Presqu'île réunit, –outre « La Route », –« La Presqu'île », évocation d'un parcours en Bretagne qui fait surgir une foule d'images à la fois familières et insolites, –et « Le Roi Cophétua » que le cinéaste Delvaux a porté à l'écran sous le titre Rendez-vous à Bray, laissant au mélange d'aventure féminine, d'attente trompée et de canonnade guerrière toute son étrangeté