Daniel Heinsius Constitution de la tragédie La tragédie, comme toute poésie, est imitation ; elle n’a point pour sujet, comme la comédie, une action heureuse et riante, mais une action sérieuse et grave, et de plus complète, et non interrompue ou partielle. Elle s’orne, pour être plus agréable, du langage, de l’harmonie et du rythme, qui sont les moyens de l’imitation qu’elle opère, en sorte que tous ces ornements n’apparaissent pas en même temps, mais soient utilisés aux moments qui leur sont propres : tantôt on parlera, tantôt on chantera, comme c’est le cas des chœurs quelquefois, usage normal autrefois, mais aujourd’hui abandonné. Mais la tragédie ne se contente point de raconter ou d’exposer les événements, selon la manière habituelle des poètes épiques : son imitation procède de la représentation continue des personnages et de leurs actions ; et c’est par ce moyen qu’elle éveille en même temps horreur et pitié, apaisant ou calmant ainsi dans l’âme humaine ces mêmes passions ; si le poète sait bien utiliser les ressources de la tragédie, il parvient à corriger et purger aussi la faiblesse ou l’absence de ces passions.