23 6 Problémes de Unguistique generate , etre anion remplacée, au moins interpreted dans l'ordre (- 1£™T*\ Par UnC ^t[nction ™tre persome stride i ísížBía^ jétant no«-—. 4* - fytfdCLv^'G- £'^^&4'<}*^L ^ci**-ta-CJL^ ( L <5C CHAPITRE XIX Z,&y relations de temps dans le verbe franfais L'ensemble des formes personnelles du verbe franjais est traditionnellement réparti entre un certain noinbre de paradigmes temporels dénommés a present », « imparfait », « passé défini », etc., et ceux-ci á leur tour se distribuent selon Ies trois grandes categories du temps, present, passé, futur. Ces divisions, incontestables dáns leur principe, restent cependant loin des réalités d'emploi et ne suffisent pas a les organiser. Nous ne trouvons pas dans la seule notion de temps le critěre qui décidera de la position ou méme dc la possibilité d'une forme donnée au sein du systéme verbal. Comment savoir, par exemple, si il allait sortir appartient ou non au paradigme de sortirl En vertu de quelle classification temporelle devra-t-oh 1'accepter ou le rejeter? Si l'on essaie de ramener aux divisions temporelles les oppositions qui apparaissent dans la structure matérielle des formes verbales, on rencontre une grave diříiculté. Considérons par exemple l'opposition des formes simples et des formes composées dans le verbe. S'il y a lieu d'opposer il courait et il avait count, ce n'est pas en tout cas sur le méme axe de temps oil il courait s'oppose á il court. Et cependant il a couru est bien en quelque maniére une forme temporelle, puisqu'il peut équivaloir á il courut. Mais il a couru sert en méme temps de partenaire á il court. Les rap--ports des formes composées avec le temps restent ainsi ambigus. On peut certes transferer la distinction des formes simples et composées au compte de V a aspect », mais on n'y gagnera rien de clair, car 1'aspect ne fournit pas non i. Bulletin de la Sociité de Linguistiqne, LTV (1959), fasc. 1. 242 Problémes de linguistique generále sion : toutc énonciation supposant un locuteur et un audi-tcur, et chez le premier ľtntention ďinfluencer ľautre en quclque maniere. Cest ďabord la diversité des discours oraux de toute nature et de tout niveau, de la conversation triviale ä la harangue la plus ornée. Mais e'est aussi la masse des écrits qui reproduisent des discours oraux ou qui en empruntent le tour ct les fins : correspondances, mémuires, theatre, ouvrages didactiques, bref tousles genres ou quel-t[ďuri s'adresse ä_ qmdqu'urt, s'énonce^čomme^Jo^uteur ct organise ce qu'iniit dans la categoric de~Ta personne. La distinction que nous faisons entre récit hjstoricnie ct djscours ne coincide done mdlement avec cěífc entrc langue ecrite et langue parlée. Ľénonciation historique est réservée aujourd'hui a la langue ecrite. Mais le discours est éerit autant que parlé. Dans la pratique on passe de ľun ä ľautre instantanément. Chaque fois qu'au sein ďun récit historique apparait un discours, quand l'historien par exemple repro- -duit les paroles d'un personnagc ou qu'il intervient lui-mérne pour juger lea événements rapportés\ on "passe ä un autre systéme temporel, celui du discours. Le propre du Engage est de permettre ces transferts iristantanés. Indiquons par parenthčse que ľénonciation historique ct celie de discours peuvent ä ľoccasion se conjoindre en un troisieme type ďénonciation, ou le discours est rapporté en ternies ďévénement et transpose sur le plan historique; e'est ce qui est communément appelé « discours indirect ». Les regies de cette transposition impliquent des problemes qui ne seront pas examines ici. Par le choix Jes temps du verbe, le discours se distingue nettement du récit historique 2. Le discours emploie libre-ment routes les formes personnelles du verbe, aussi bien ■ jejtu que il. Explicite ou_non, la relation de personne est ipresente purtout. I5e ce fait, la «~3e personne » n'a pas la 'merne "v.douŕ'que dans le récit historique. Dans celui-ci, a'le narrateut n'intervenant pas, la 3ejpersonne ne s'oppose i ä aueune autre, elle est au vrai une absence de personne. Mais dais Id diicours un locuteur oppose une non-personne ' ifa um personne jejtu. De merne le registre des temps verbaux est bien plus large dans le discours : en fait tous 1. C'csi le cas ci-dessus, p. 241, n. 1. 2. Noui parlous toujouri des temps du » licit historique » pour eViter le tcrme « V mpa narratita » qui a i.ree tant de confusion. Dans la perspective qui nous tracou* ici, l'aonste eat un « temps narratif », mais le purfait peut ausai en fctre un, ce qui obscurcirait la distinction esaeni idle entre Jes deux plans d'enoncii.tion. Ľhotmtie dam la langue 243 lesJejapxsojilLpiaiLhhis^^ufjyj^Jlaoriate, banni aujourd'hui de ce plan ďénonciation alors qu'il est la forme typique de l'histoire. II faut surtout souligner lesjrois-tempaj^nda-mentaux du_djscours : present, futur, et jwrfait/tous les troisre'xclu5..$lu récit historique (sauf le plus-que-párfait). Comnyjri^ux^jew(_rjl3D3 est l-impaifajt. La distinction opérée ici entre deux plans ďénonciation au sein de la langue met dans une perspective différente le phénoméne qui a été appelé, il y a cinquante ans, « la dÍBpa-rition des formes simples du préterit» 1 en francais. Le terme « disparition » ne convient assurément pas. Une forme ne disparait que si sa fonction n'est plus nécessaire ou si une autre forme la remplit mieux. II -ťagit done de préciser la situation de l'aoriste par rapport au double systéme de formes et de functions que constitue le verbe. II y a deux relations distinctes a observer. D'une part, e'est un fait, l'aoriste ne s'emploie pas dans la langue parlée, il ne fait pas partie des temps verbaux propres au discours. En revanche, comme temps du récit historique, l'aoriste se maintient fort bien, il n'est d'ailleurs nullement menace et aucun autre temps ne poúrrait le suppléer. Ceux qui le croient en voie d'extinction n'ont qu'ä faire 1'expérience de reniplacer, dans les morceaux cites plus haut, les aoristes par des parfaits. Le résultat serait tel qu'aucun auteur ne se résoudrait ä presenter l'histoire dans une perspective pareille. On peut mettre en fait que quiconque sait écrire et entreprend le récit ďévénements passes emploie sponta-nément l'aoriste comme temps fundamental, qu'il évoque ces événements en historien ou qu'il les.crée en romancier. Par souci de la varieté, il pourra changer de ton, multiplier les points de vue, et adopter d'autres temps, mais alor3 il quitte le plan du récit historique. II nous faudrait des statis-tiques precises, fondées sur de larges dépouillements de textes de toute sorte, livres et journaux, et comparant l'usage de l'aoriste il y a cinquante ans ä celui d'aujourd'hui, pour établir ä tons les yeux que ce temps verbal demeure aussi nécessaire qu'il l'etait, dans les conditions strictes de sa fonction linguistique. Parmi les textes qui serviraient de témoins, on devrait inclure aussi les traductions, qui nous renseignent sur les equivalences spontanées qu'un auteur trouve pour faire passer un récit éerit en une autre I. C'est le titre d'un article de Meillet, public cn 1909, qui a été recucilli dans Linguistique historique et linguistique generale, I, p. 149 sq. 244 Probléme* de linguistique generále langue dans le systéme temporel qui convient au francais l. Inversement la statistique ferait ressortir la rareté des récits historiques rédigés entiérement au parfait, et mon-trerait combien le parfait est peu apte a convoyer la relation objective des événements. Chacun peut le verifier dans tede ccuvre conteniporaine oú la narration, de parti pris, est entiěrement au parfait2; il serait intéressant ďanalyser les effets de style qui naissent de ce contraste entre le ton du récit, qui se veut objectif, et l'expression employee, le parfait á la iro pcrsonne, forme autobiographique par excel-i lence. Le^arfait établit un lien vivaut entre l'événement I passé etfle present oú son evocation trou ve place. Cest le | teThps de céíui qui relate les faits en témóm, en participant; c'est done aussile temps que choisira quiconque veut faire retentir jusqu'a nous 1'événement rapporté et le rattacher á notre present. Cornme le present, le parfait appartient au systéme linguistique du discours, car le repére_temporel ti-. ^u P3rfait_est le moment du rdiscours. alprs que le repére V de l'aoriste est le moment de Téyénemen£\ TVia/*^ EřToutre, il ne faudrait pas traitéř de l'aoriste comme d'une unite globále dans son paradigme eutier. Ici encore la frontiére passe á l'interieur du paradigme et séparé les deux plans d'enonciation dans le choix des formes person-nelles. Le discours exclura l'aoriste, mais le récit histo-rique, qui 1'emploie constamment, n'en retiendra que les formes de 3e personne3. La consequence est que nous arrivumes et surtout vous arrivátes ne se rencontrent ni dans le récit historique, parce que formes personnellcs, ni dans le discours, parce que formes ďaoriste. En revanche 1. Pour citer deux exemples de traductions rěcentes, ]c traducteur de la nouvelle d'Erncst Hemingway intirulée La Grande Riviéře au OEur double (dam, le recueil The Fifth Column and the Forty-nine First Stories, en francais Paradis perdu, Paris, 1949) a employe continúment l'aoriste au long de quarante pages (avec l'imparfait et le plus-quc-parlait). Sauf deux ou trois phrases de monologue intérieur, le récit entier est, en francais, installé dans cette relation temporelle, parce qu'aucune autre n'est possible. — De mcme la version francaise de Heyerdahl, L'Expedition du Kon-Tiki, présente exclusivement a l'aoriste, en chapitrea enticrs, la plus grande partie du récit. 2. Cest le cas de VĚtranger d'Albert Camus. L'emploi exclusiť du parfait dans ce récit comme temps des événements a été commenté avec penetration, mais á un autre point de yue, par M. Jean-Paul Sartre, Situations I, p. 117-118. 3. II faudrait nuancer cette affirmation. Le romancier emploie encore sans eiFort l'aoriste aux rre* personnes du singulier et du pluriel. On en trouv^ra á chaque page ďun récit comme Le Grand Meaulnes d'Alain-Fournier. Mais il en va autrement de l'historien. L'homme dans la langue 245 il arriva, i Is arrivérent se présenteront á chaque instant sous la plume de l'historien, et n'ont pas de substituts possibles. Les deux plans d'enonciation se délimitent done en traits positifs et négatifs : — dans 1'énonciation historique, sont admis (efi formes de 3e personne) : l'aoriste, l'imparfait, le plus-que-parfait et le prospectif; sont exclus : le present, le parfait, le futur (simple et compose); — dans 1'énonciation de discours, sont admis tous les temps á toutes les formes; est exclu l'aoriste (simple et compose). ( Les exclusions sont aussjjmportantes que les temps admis. I Pour l'historien, le present \ le parfait et le futur sont exclus' parce que la dimension du present est incompatible avec I'intention historique : le present serait nécessairement alors le present de l'historien, mais l'historien ne peut s'historiser sans démentir son dessein. Un événement, pour étre posé comme tel dans l'expression temporelle, doit avoir cessé d'etre present, il doit ne pouvoir plus étre énoncé comme present. Pour la mSme raison le futur est exclu; il n'est qu'un present projeté vers l'avenir, il implique prescription, obligation, certitude, qui sont modalités subjectives, non categories historiques. Quand, dans le récit des événements et par le jeu de l'enchainement historique surgit une imminence ou doit s'accuser une. fatalitě, l'historien use du temps que nous appelons le jprospéctif (a il allait partir, « il devait tomber »). Dans le"dišcouřš7 au cbntrairerřexclusion est limitée £ l'aoriste, temps historique par excellence. Introduit dans le discours, l'aoriste paraitra pedant, livresque. Pour énoncer des faits passes, le discours emploie le parfait, qui est á la fois l'equivalent fonctionnel de l'aoriste, done un temps, et aussi autre chose qu'un temps. Nous voici arrive, traitant du parfait, devant un autre grand probleme, de structure formelle autant que d'emploi : quelle est la relation entre temps simples et temps composes ? Ici encore les paradigmes de la conjugaison n'enseignent pas le principe de la distribution, puisque, on l'a vu, la distinction que nous faisons entre deux plans d'enonciation traverse la distinction entre temps simples et temps composes. Nous avons constate ce fait singulier que le plus-que-parfait est commun au.discours et.a I'histoire, tandis que"_le parfait »1 1. Nous ne parlons pas ici, bien entendu, du esse le developpement de la langue. C'est l'6quivalence fonctionnelle entre je fa j'ai fait, qui discrimine precisement le plan du recit historique et celui du discours. En fait, la ire personne je fis n'est admise ni dans le recit, £tant ire personne, ni dans le discours, etant aoriste. Mais l'equivalence vaut aussi pour les autres formes personnelles. On discerne pourquoi je fis a etc" supplante par j'aifait. C'est k partir de la ire personne que le processus a du commencerjT.a ctaltl'axe dela subjectivite. A mesurc que l'aoriste se specific comme temps de l'evenement historique, il se distance du passe subjectif qui, par tendance inverse, s'associe a la marque de la personne dans le discours. Pour un locuteur parlant de lui-meme, le temps fondamental est le present »; tout ce qu'il prend a son compte comme accompli en r^nonfant a la tre personne du parfait se trouve rejete' immanquablement dans le passe. A partir de la, l'expression est fixee : pour specifier le passe L'homme dans la langue 249 subjectif, il suffira d'employer dans le discours la forme d'accompli. Ainsi de la forme de parfait j'ai hi ce livre, ou j'ai lu est un accompli de present, on glisse á la forme temporelle de passé j'at lu ce livre I'annee derniere ; j'ai lu ce livre děs qu'il a paru. Le discours est alors pourvu d'un temps passe i symétrique de l'aoriste du récit et qui contraste avec lui pour la valeur : il fit objectivise 1'événement en le détashant du present; il a fait, au contraire. met 1'événement passé en liaison avec noire present. SeulemenťTe systéme du discours subit de ce chef une atteinte sensible : il gagne une distinction temporelle, mais au prix de la perte d'une distinction fonctionnelle. La forme j'ai faitdevient ambigue et crée une déficience. En soi, j'ai Jait est un parfait qui fourAit soifTa foTmeTi'accompli, soit la forme d'anteriorite au present je fais. Mais quand j'aifait, forme composée, devient 1' « aoriste du discours », il prend la fonction de forme simple, de sorte que j'ai fait se trouve étrc tantót parfait, temps compose, tantfit aoriste, temps simple. A ce trouble, le systéme a remédié en recreant la forme manquante. En face du temps simple je fais, il y a le temps compose j'ai fait pour la notion d'accompli. Or puisque/'tfi fait glisse au rang de temps simple, il aura besoin d'un nou-veau temps compose qui exprime á son tour Paccompli : ce sera le surcomposé j'ai eu fait. Fonctionnellément, j'ai eu fait est le nouveau parfait d'un j'ai fait devenu aoriste. Tel est le point de depart des temps surcomposés. Le systéme est ainsi réparé et les deux paires d'oppositions redeviennent symétriques. Au present, je mange s'oppose un parfait j'ai mange qui fournit au discours i° un accompli.de present (p. ex. « j'ai mange; je n'ai plus faim »); z° un antérieur de present (p. ex. a quand j'ai mange, je sors me proniener »). Lorsque j'ai mango devient aoriste, il se reerée un nouveau parfait j'ai eu ?na?igé qui pareillement donne i° un accompli d'aoriste (p. ex. «j'ai eu mange mon repas en dix minutes »); 2° un antérieur d'aoriste (p. ex. « quand j'ai eu mange, je suis sorti »). En outre le parallélisme tcmporel est rétabli entre les deux plans ďénonciation : au couple il mangea (aoriste) : il eut mange (parfait) du récit historique, le discours répond maintenant par il a mange (nouvel aoriste) : il a eu mange (nouveau parfait). Nous n'avons donné ici qu'une esquisse sommaire d'un vaste sujet qui demanderait de longues analyses et des statis-tiques détaillées. L'essentiel était de faire apparaitre ces grandes divisions, parfois peu visibles, qui parcourent le systéme tcmporel du verbe francais moderně. Les unes, 250 ProbUmes de linguistique generale j comme la distinction du recit historique et du discours, creent ] deux sous-systemcs de temps et de personnes verbales; l'autre, celle du present et du parfait, n'est pas d'ordre tem-1 porel; mais a chaque niveau temporel le parfait porte deux \ fonctions que la syntaxe distingue : fonction d'accompli et ' fonction d'anteriorite, symetriquement reparties, en partie par refection, entre le recit et le discours.. Le tableau d'une conjugaison d'un verbe francais, ou les paradigmcs s'alignent, complets et uniformes, ne laisse meme pas soupconner que le systeine formel du verba a une structure double (conjugaison de present et conjugaison de parfait), comme est double cette organisation temporelle, fondee sur des relations et des oppositions qui sont la realite de la langue. 1 f CHAPITRE XX La nature des pronoms Dans lc debat toujours ouvert sur la nature des pronoms, on a ľ habitude de considérer ces formes linguistiques comme formant une méme classe formelle et fonctionnelle; ä ľins-tar, par exemple, des formes nominales ou des formes verbales. Or toutes les langues possédent des pronoms, et dans toutes on les définit comme se rapportant aux mémes categories d'expression (pronoms personnels, démonstratifs, etc.). Ľuniversalité de ces formes et de ces notions conduit ä penser que le probléme des pronoms est ä la fois un probléme de langage et un probléme de langues, ou mieux, qu'il n'est un probléme de langues que parce qu'il est ďabord un probléme de langage. Cest comme fait de langage que nous le poserons ici, pour montrer que les pronoms ne constituent pas une classe unitaire, mais des espéces différentes selon le mode de langage dont ils sont les sighes. Les una appartiennent ä la syntaxe de la langue, les autres sont caractéristiques de ce que nous appellerons les «instances de discours », e'est-a-dire les actes discrets ct chaque fois uniques par lesquels la langue est actualisée en parole par un locutcur. On doit considérer d'abord la situation des pronoms personnels. II ne suffit pas de les distinguer des autres pronoms par une denomination qui les en séparé. II faut voir que la definition ordinaire des pronoms personnels comme conte-nant les trois termes/e, tu, il, y abolit justement la notion de « personne ». Celle-ct est propre seulement ä jejtu, et fait défaut dans il. Cette difference foncicre ressortira de ľanalyse ááje. Entre je et un nom référant ä une notion Iexicale, il n'y a pas seulement les différentes formelles, trés variables, qu'im- i. Extrait dc For Roman Jakobson, Mouton & Co., La Haye, 1956. 238 Probihnes de linguistique generale plus un principe univoque de correlation d'un type de formes ä l'autre, et ce fait demeure que, malgré tout, certaines des formes composées sont bien ä considérer comme tempo-relles, certaines seulement. II s'agit done de chercher dans une vue synchronique du systéme verbal en francais moderne, les relations qui orga-nisent les diverses formes temporellea. Cest ä la faveur de ce qui semble une faille dans ce systéme que nous discerne-rons mieux la nature reelle des articulations. II y a un point oú le systéme se fait indůment redondant : e'est l'expression temporelle du « passé », qui dispose de deux formes, il fit et il a fait. Dans l'interpretation traditionnelle, ce seraient deux variantes de la meine forme, entre lesquelles on choisit Selon qu'on éerit (il fit) ou qu'on parle (il a fait). Nous aurions ici l'indice d'une phase de transition oil la forme ancienne (il fit) se maintient dans la langue ecrite, plus conservatrice, alors que la langue parlée indique par avance la forme de substitut (il a fait), concurrente installée, destinée ä s'imposer seule. Mais avant de réduire le phéno-méne aux termes d'un proces de succession, il conviendrait de se demander pourquoi langue parlée et langue éerite divorceraient sur ce point de la temporalité et non sur un autre, comment il se fait que la méme difference ne s'etend pas ä d'autres formes paralleles (par exemple il fera et // aura fait restent absolument distincts, etc.), et tout d'abord si l'observation exacte confirme la distribution schématique par oů l'on a l'habitude de les opposer. D'un probléme ä l'autre, e'est la structure entiére du verbe qui se trouve soumise ä un nouvel examen. II nous a paru que la description des relations de temps constituait la táche la plus ncces-saire. Les paradigmes des grammaires donnent ä croire que toutes les formes verbales tirées d'un méme théme appar-tiennent a la méme conjugaison, en vertu de la seule morphologic Mais on se propose de montrer ici que 1'organisation des temps reléve de principes moins évidents et plus complexes. Les temps d'un verbe francais ne s'emploient pas comme les membres d'un systéme unique, ils se distri-buent en deux syst'emes distincts et compléincntaires. Chacun d'eux ne^comprend qu'une partie des temps du verbe; tous les deux sont en usage concurrent et demeurent disponibles pour chaque locuieur. Ces deux systémes manifes-tent deux plans ďénonciation différents, que nous distin-guerons comme celui do_VhisÍůire et celui du discours. L'enonciation kütorique, aujourďhui réservée ä la langue L'homme dans la langue 239 ecrjte, caracterise le recit des evenements passes. Ces trois termes, « recit », « evenement », « passe », sont egalement a souligner. IT s'agit de" la presentation des faits survenus a un certain moment du temps, sans, aucune intervention du Jocuteur dansle recit. Pour qu'ils puis^ehtTetre enregis-i tres comme's'etant~produits, ces faits doivent appartenirj au passe. Sans doute vaudrait-il mieux dire : des lors qu'ils sont enregistres et enonces dans une expression tempo-relic historique, ils se trouvent caracterises comme passes. L'intention historique constitue bien une des grandes fonc-tions de la langue : elle y imprime sa temporalite speciiique, dont nous devons maintenant signaler les marques formellesj Le plan historique de l'enonciation se reconnait a ce qu'if impose une delimitation particuliere aux deux categories verbales dutemps ct de la jjersonne prises ensemble. Nous definirons le recit historique comme le mode d'enonciation qui exclut toute forme linguistique « autobiographique ». L'historien ne dira jamais je ni tu, ni ici, ni maintenant, ( parce qu'il n'empruntera jamais l'appareil formel du discours, I qui consiste d'abord dans la relation de personne je : tu. \ On ne constatera done dans le recit historique strictement j poursuivi que des formes de « 3e personne » \ Sera pareillemcnt defini le champ de l'expression temporelle. L'gniuuaatior^ historique comporte trois temps : 1'aoriste (= passe simple ou passe' "defini)"a,—Timparfait (y compris la forme en -rait dite conditionnel),~le_plus-que-parfait. Accessoirement, d'une maniere limitee, un temps pcriphrastique substitut de futur, que nous appelle-rons le prosfcectif. Le present est exclu, a l'exception — tres rare — d'un present intemporel tel que le « present de defini- I tion »3. Pour" mieux eclairer I'ossature « historique » du verbe, nous reproduisons ci-dessous trois specimens de recit, pris au hasard; les deux premiers sont du meme historien, 1. Nous nous referons ici aux distinctions qui ont tt& enoncees dans un article dc ce Bulletin, XLIII, p. 1 sq.; ci-dessus, p. 225. 3. On nc trouvera pas, esperons-le, d'inconvenient a ce que nous appelions-*« aorislc » le temps qui est le « pass£ simple » ou le « passe defini h de nos grammaires. Le terme « aoriste » n'a pas ailleurs de connotations assez diffdrentes et assez precises pour creer ici une confusion, et il est preferable a celui de « pr£t6rit » qui risquerait d'Stre confondu avec «imparfait ». 3. Nous laissons entierement de cote les formes modales du verbe ainsi que les formes nominates (intinitif, participes). Tout ce qui est dit ici au sujet des relations temporclles vaut pour ces formes cgalcmcnt. 240 Problemes de Unguistique generate mais de genres differents, l'autre est emprunte a la littera-ture d'imaginationK Nou3 avons souligne les formes ver-bales peraonnelles, qui toutes relcvent des temps enumercs ci-dessus. Pour devenir les maitres du marche m^diterraneen, les Grecs deployment une audace et une perseverance incomparables. Depuis la di span don des rn""fies miiiocnne et mycenienne, l'Eg6e etait infestte par des bandes de pirates : il n'y cut longtemps que des Sidoniens pour oser a'y aventurcr. Les Grecs finirent pourtant par se dcbarrasser de cettc plaie: ils domtirent la chasse aux ecumeurs de rivages, qui durent transferer le principal theatre de leurs exploits dans l'Adriutique. Quant aux Pheniciens qui avaient fait profiler les Grecs de leur experience et leur avaient appris 1'utilite commcr-ciale de l'eeriture, ils furent evinces des cotes dc l'lonie et chasses des pecheries de pourpre cgecnnes; ils trouverenl des concurrents a Cypre et jusque dans leurs propres villes. Ils portirent alors leurs regards vers l'Ouest; mais la encore les Grecs, bientot installes en Sicile, separerent de ia metropole orientale les colonies pheniciennes d'Espagne et d'Afrique, Entrc l'Aryen et le Semite, la lutte commer-ciale ne devait cesser " dans les mers du Couchant qu'a la chute de Carthage. (G. Glotz, Histoirc grecque, 1925, p. 225.) Quand Solon eut accompli sa mission, il fit jurer aux neufs archon-tes et a tous les citoyens de se conformer a ses lois, scrment qui fut desormais pr&te tous les ans par les Atheniens promus a la majority civique. Pour pr6veiiir les luttes intestines et les revolutions, il avait present 0 tous les membres de la citi, comme une obligation correspondent a leurs droits, de se ranger en cas de troubles dans Tun des partis opposes, sous peine d'atimie entrainunt l'exclusion de la communaute : il comptait qu'en sortant de la neutrality les homines exempts de passion famieraient une majorite suffisantc pour arrSter les perturbatcurs de la paix publique. Les craintes ttaient justes; les precautions furent vaines. Solon n'avait satisfait ni les riches ni la masse pauvre et disait tristcment : . Entoure d'ennemis, mais rcsolu a ne rien changer de ce qu'«7 avait fait, croyant peut-fitre aussi que 1. Bien entendu l'dnonciation historique de3 evenements est ind^pendante de leur verite" 1 objective ». Seul compte le dessein t historique » dc 1'ecrivaiu. 2. Exemple de « prospectif » (p. 239). 3. Intrusion du discours dans le recit, avec changement corr^latif des temps. 4. Sur le discours indirect, cf. ci-apres p. 242. L'homme dans la langue 241 son absence calmerait les esprits, i| dicida de quitter Athcnes. 11 voyagea, il parut a Cypre, il alia en Egypte se retremper aux sources de la sagesse. Quand il revint, la lutte des partis etait plus vive que jamais. II se ren'ra de la vie publique et s'enferina dins un repos inquiet : il « vieillissait en apprenant toujours et beaucoup », sans cesser de tendre 1'oreille aux bruits du dehors et de prodiguerles avertissements d'un patriousme alarme. Mais Solon n'e'tait qu'un homme; il ne lui appartenait pas d'arrSter le cours des evenements. II vecut assez pour assister a Ia ruine de la constitution qu'il croyait \ avoir affermie et voir s'etendre sur sa chcre citd I'ombre pesante de •* la tyrannic (Ibid., p. 441-2.) Apres un tour de galerie, le jeune homme regarda tour a tour le ciel et sa montre, fit un geste d'impatience, etitra dans un bureau de tabac, y alluma un cigare, se posa devant une glace, et jeta un 1 regard sur son costume, un peu plus riche que ne le pertnettent1 > en Prance les lois du gout. II rajusta son col et son gilet de velours * noir sur lequel se croisait plusieurs fois unc de ces grosses chaines d'or fabriquees il Genes; puis, apres avoir jete par un seul mouve-ment sur son epaule gauche son mantcau double de velours en le drapant avec elegance, il reprit sa promenade sans se laisser distraire par les ceillades bourgeoises qu'il recevait. Quand les boutiques commencerenl a 6'illurniner et que la nuit lui parut assez noire, il se dirigea vers la place du Palais-Royal en homme qui craignait d'etre reconnu, car il c6toya la place jusqu'a la fontaine, pour gagner a I'abri des fiacres l'entree de la rue Froidmanteau... (Balzac, etudes philosophiques : Gambara.) On voit que, dans ce mode d'enonciation, l'effectif et la nature des temps demeurent les memcs. 11 n'y a aucune raison pour qu'ils changent aussi longtemps que le recit historique se pourBuit, et il n'y a d'ailleurs aucune raison pour que celui-ci s'arrete, puisqu'on peut imaginer tout le passe du monde comme un recit continu et qui serait entie-rement construit sur cette triple relation tcmporelle : aojiste^ imparfait, plus-que-parfait. II faut et il suffit que 1'auteur restc fidele a son propo's d'historien et qu'il proscrive tout ce qui est etranger au recit des evenements (discours, reflexions, comparaisons). A vrai dire, il n'y a meme plus alors de narrateur. Les evenements sont poses comme ils | se sont produits a mesure qu'ils apparaissent a l'horizon de l'histoire. Personne ne parle ici; les evenements semblent se ■ raconter eux-memesT'L'e Temps fundamental est Taoriste, ' . » qui est le temps de l'evenement hors de In personne d'un narrateur! "~ Nous avons, par contraste, situe-s d'avance le plan du discours. II faut entendre discours dans sa plus large exten- 1. Reflexion de 1'auteur qui Ichappc au plan du recit.