266 LA RUE CASES-NĚGRES — Cest bien ce que je disais. Vous voyez, c'est José! Et parmi ce ramassis ďétres puants, aux couleurs de funnier, des mains terreuses, mais les pius amicales qui fussent, se tendaient vers moi, a travers les sourires ies plus lumineux que le contentement puisse allumer sur ďaussi sombres visages. On me íélicitait ďavoir grandi. Certains me disaient : — J'ai appris que tu es dans une belle école, á Fort-de-France ; c'est bien. D'autres me sommaient de les nommer, pour prouver que je me souvenais d'eux, et me donnaient de vioientes accolades quand j'y parvenais du premier coup. Je ne pouvais que sourire, presser ies mains de toutes mes forces, me laisser tirailler, intimidé par toutes ces effusions simultanées. Mais lorsque, muni des onze francs cinquante qui m'avaient été remis en paiement des trois joumees de travail de ma grand-mere, je me retrouvai seul dans Ies sentiers, je sentis brusquement s'abattre sur moi un gros poids de remords; quelque chose á la fois pesant et vague comme ie spleen. Une indignation contre mon comportement; la honte d'une certaine impuissance de caractěre de ma part. II me semblait qu'il y avait eu des paroles qui s'imposaient et que je n'avais mfime pas concues,.. En tout cas, j'avais souffert. J'entre en premiere. Le baccalauréat nous apparalt comme une porte étroite au-delá de laquelle existe 1'immensité offerte, I LA RUE CASES-NEGRES 267 I Je constate avec peine parfois que je ne suis pas un öieve pareil aux autres. f Les theoremes de geometrie, les lois de la physi- 3 que, Ies opinions autorisöes sur les oeuvres litteraires, % rien de tout cela n'arrive ä m'enflammer, ä polariser ! mon Energie, ä engendrer en moi cette ardeur ,! intellectuelle avec laquelle mes camarades discutent * sans fin de questions qui me paraissent futiles. « Je ne partage pas non plus 1'dmorion avec laquelle 1 chacun suppute ses chances de succes. I Les disciplines enseignees au lyc6e n'eveillent en > moi aucun enthousiasme. Je travaille avec le cceur ^ sec. Je les subis. II m'a suffi jusqu'ici de changer de classe sans I examen et de voir ma bourse augmenter jusqu'a I devenir complete ä present. Je demeure dans un clair-obscur d'oü je regarde I d'un meme ceil, ceux qui brillent de faux eclats, les cancres, les piocheurs. II y a toujours eu pourtant t dans chaque classe un ou deux Sieves que je consi- dere comme de reelles valeurs. Je ne suis d'aucune categorie. Je passe pour £tre ^ fort en anglais. Cependant, je n'y d6ploie pas d'ef- Iforts particuliers. Je suis plutöt moyen que faible en mathematiques, parce que cela ne me coüte rien d'apprendre mes lecons, et que je le fais par Sympathie pour le professeur qui, lui, enseigne avec tant de foi. I Notre professeur d'Histoire et de Geographie % parle trop, et d'une voix aigrelette et filiforme qui Ievoque une pluie fine et incessante. Alors, comme lorsqu'il pleut, pendant qu'il fait son cours, je revasse, les yeux dans le vide. 268 LA RUE CASES-NEGRES LA RUE CASES-NEGRES 269 En francais, je suis parmi ies derniers, mais peu me chaut. Rien ne m'a jamais paru aussi bien concu pour degoflter de toute etude, de toute lecture meme, que ces petites brochures intitules : Le Cid, Le Misanthrope, Athalie. Un jour, le professeur dit: — Nous alkms dtudier Corneille. Avez-vous vos Corneille ? Certains, oui; d'autres, non, — Le Cid, acte I, scene II. Tantot ii lit lui-meme, tantot il fait lire un eleve a qui un autre donne la rgplique. Si Ton peut dire. Car que ce soit le professeur ou les Aleves qui lisent, c'est si platement, si confusement artonne, bafouilie, que nous voila tous plong6s dans une sinistre torpeur. A la fin de la ciasse, M. Jean-Henri, le professeur, nous dicte un texte de devoir sur « le heros corn6-lien ». A la ciasse suivante, Horace ou L'Avare. De la mdme facon. Je ne sais pas si cela se passait exactement ainsi, mais telle est Timpression d'ensembie que m'a laisse cet enseignement. II y a cependant des eleves qui obtlennent de bonnes notes et qui font Figure de forts en francais. lis consuitent, paratt-il, des trails, des manuels et des « corriges ». Pour ma part, arrive chez moi, j'essaie de relire Le Cid, Au bout d'un moment, j'y trouve beaucoup plus d'int6r6t qu'il ne m'avait sembl6 en ciasse. Je suis sur le point de m'ecrier : « Que c'est beau! » ; mais je n'ai pas le temps de m'adonner a ce plaisir ; la prochaine fois nous passons a Horace. Non, je dois avoir 1'esprit trop lent. Parfois, j'ai des iddes sur le sujet, mais cornme je ne les ai puisnes dans aucun livre, a l'instar des majors de la ciasse, je n'ose pas les 6mettre, de peur d'fetre stupide, et j'essaie en vain d'assaisonner les notes que j'ai prises en ciasse pour s£duire le professeur, sinon 6viter la rdprimande. Car le professeur aime les citations : preuve que I'eleve a cherche\ travaille\ Alors, tant pis; je suis faible en francais. Seulement, je ne suis pas certain que beaucoup de ceux qui se placent en tete de la ciasse soient aussi sensibles que mot a la literature. A en juger a leurs discussions.,, Mais dans I'ensemble, le niveau de la ciasse est bas en francais. — Vous n'avez aucun acquis, nous jette chaque jour le professeur. Exaspere par notre faiblesse, un jour il nous proposa comme sujet : « Voire plus 6mouvant souvenir d'enfance. » — A la bonne heure! pensai-je aussitdt. Cette fois, il n'y a pas a aller fouiller dans les bouquins. Me reportant a Petit-Morne, je me souvins de la mort de M6douze. Consumd par 1'inspiration, je re'digeai ma dissertation d'une traite. Puis je m'adon-nai minutieusement au travail de correction, de poiissage, faisant appel a toutes les recommandations | sur la composition et le style, passant le tout au cribte des regies d'orthographe. s. J'Stais heureux de m'gtre si sincerement Hvr6 et d'avoir si ardemment pein6 sur ce devoir. : Huit jours apres, resultat de la correction : —- Encore un d^sastre! annonce M. Jean-Henri. ; Que vous Stes faibles! Pauvret6 de vocabulaire, pas 270 LA RUE CASES-NEGRES de syntaxe, aucune idde. J'ai rarement vu des dleves d'une telle indigence. Et de commencer a produire les meilleures copies : deux ou trois. Puis, en vrac, ies ^lucubrations de tous les m6diocres. Pas la mienne. Si! En dernier ressort, au moment ou je suis au comble de la deception et du ddsespoir. — Hassam, dit-il d'un ton circonstancie. Je me leve. J'eusse rougi, si c'6tait possible. — Hassam, reprend M. Jean-Henri, en de"pliant ma feuille, vous £tes le bonhomme le plus cynique que j'aie jamais rencontre \ Quand il s'agit de dissertations litteraires, vous n'avez jamais le courage de consulter les ouvrages qu'on vous recommande; mais pour un devoir aussi subjectif, il vous a semble plus commode d'ouvrir un livre et d'en copier des passages. La foudre ne m'eut pas plus violemment frappe. Une bouffee de chaleur m'embrasa le visage, mes oreilles tinterent, mon regard se fondit. Je crus que du sang allait jaillir de tous les orifices de ma tSte. Ma gorge se resserra comme sous la pression d'une corde rugueuse. — Je n'ai pas copieY monsieur, balbutiai-je. Tenant ma feuille deploy6e entre les doigts, il s'adresse a toute la classe. — Ecoutez... II lit a haute voix, et d'un ton sarcastique, deux phrases, trois phrases. — Et encore cela, poursuit-il.,. Et ca va me dire qu'il n'a pas copi6 ? C'est plagie\ oui, si ce n'est pas copid! — Monsieur, je vous jure que je n'ai pas... LA RUE CASES-NEGRES S". — Taisez-vous! s'ecrie-t-i! en tapa'nt sur **'-.; II me tend mon devoir avec les iěvres en L'T~: mépris, et ajoute : — En tout cas, ne vous amusez plus á ce peu: ;£„ car je n'aime pas qu'on se paie ma téte. Ter.ez II était tellement indigné que la feuille s'echappa de sa main. J'allai la ramasser et, revenu k ma place, je Tenfouis dans un livre sans avoir eu le courage de regarder les annotations dont elle était marquee. Mais le soir, rentré dans ma chambre, je voulus voir ce que contenaient ces bribes ďécriture á l'encre rouge. Les passages que le professeur m'accusait d'avoir « copies dans queique livre » étaient precise-ment ceux qui m'etaient le plus personnels et qui m'etaient venus le plus directement, sans aucune reminiscence. Je sentis alors Forgueil m'inciter & me mettre á travailier de facon á produire toujours de bons devoirs, jusqu'au jour ou le professeur serait accuié á reconnaitre ma probité. Mais je souris de son accusation. Non, je préférais consentir á passer pour un cancre en francais. Cela m'etait égal. Cette année-la, la santé de m'man Tine me préoc-cupa bien plus que la preparation de mon baccalauréat, Depuis queique temps, j'etais hanté par la crainte que ma grand-mére ne meure. II me semblait que le temps ne passait pas assez vite pour m'amener au jour oil j'ailais travailier afin de délivrer ma mere, et ma grand-mere surtout, de la servitude. Lorsque je 1'avais quittée la derniére fois, m'man Tine était encore retournée dans les champs de 272 LA RUE CASES-NEGRES LA RUE CASES-NEGRES 273 canne; mais eile ne se sentait plus de force ; et si elle continuait a sarcler les hautes herbes, ces herbes aux racines cramponndes dans 1'argile noire des cannaies, c'etait simplement parce que la misere ne tue pas de mort violente, pr6ferant attendre, au moment pro-pice, !e concours d^cisif de quelque malaise appa-remment banal. J'ecrivais chaque semaine a ma grand-mere, lui r6p6tant que bient6t j'allais quitter le iyc6e pour travailler dans un bureau sans doute, et qu'a ce moment-la, elle et m'man Delia seraient toutes deux r6unies avec moi dans ma maison, Je lui envoyais en meme temps une poigne'e de tabac tire1 des m^gots que M. Lasseroux laissait dans ses cendriers et que ma mere recuperait chaque jour. Et un grand soula-gement m'emplissait a la fin du mois lorsque, ayant touchd les cent cinquante francs de ma bourse, j'allais, avec 1'assentiment de ma mere, lui adresser un mandat-poste de vingt francs. Parfois aussi, lorsqu'il pleuvait en novembre et que Forage grondait, m'man Delia regardait le ciel et soupirait tout haut : — Pauvre m'man Tine! Je ne disais rien. Mon coeur devenait charge1 et pr£t h edater comme le temps. Si nous 6tions a table, m'man Delia s'arrStait de manger, je repoussais mon assiette et me levais, serrant les machoires pour ne pas m'attendrir. Or, Carmen 6tait devenu mon meilleur camarade. Non seulement a cause de notre proche voisinage et de scs nombreuses confidences, mais une autre raison devait encore y aider. ^ Un soir, je iui disais, je crois ; * — Demain, composition en histoire; apres-demain, composition en sciences nat... Carmen m'interrompit : — Jo, tu ne trouves pas que je suis un couillon? * J'dclatai de rire. ---Suis un grand couillon, te dis-je! profera Carmen. - Et il avait Tair de s'accuser ainsi, sans raison, ingenument, mais avec la plus profonde conviction. 7 —- Explique-toi, mon vieux, lui dis-je enfin, v — Ecoute, reprit-il. Depuis le jour que nous nous connaissons, nous nous frgquentons sans chichi, nous causons et nous rigolons bien ensemble, depuis ce temps, qu'est-ce qui m'empechait de te demander queiques petites notions ? Je suis sur que tu m'aurais pas refuse" cela... C'est ennuyeux, je sals pas signer i mon nom. Je te I'ai jamais dit, je sais pas pourquoi, *? mais je connais pas b, a : ba. En v6rite\ cette demande, malgrd sa simplicity, me f frappa comme un reproche. Que n'avais-je propose1 >> moi-mSme mes services a Carmen ? Ne savais-je pas qu'il put souffrir de son analphab6tisme, d'ailleurs visible? Doutais-je de toutes les satisfactions qu'il & eut eprouvees d'en sortir ? — Mais, Carmen, m'ecriai-je, qu'est-ce qui m'em- * pSchait moi-m6me de... Ainsi, Carmen devint mon £leve, C'6tait toujours comme auparavant: un sifflement avertisseur, la porte qu'il poussait. Mais des lors, il ?■ allait directement se mettre a ma table a 6crire, ouvrait son livre mince, reprenait son petit cahier a couverture bleue ou rose. 274 LA RUE CASES-NĚGRF.S LA RUE CASES-NĚGRES 275 Alors je lui presentais une a une, et mainte et mainte fois chacime, ces petites figures dont la physionomie et le nom sont d'abord si impression-nants et difficiles a retenir. Je m'appliquais a assujet-tir un crayon entre ses doigts. — C'est drdle, me disait-il, que je puisse faire tout ce que je veux avec un volant d'auto entre les mains, et que je sois impuissant a faire un petit rond correctement avec un crayon qui est leger comme une paille. C'est dr61e que, mon volant en main, je puisse faire passer 1'auto meme dans un mauvais chemin sans tomber a droite ou a gauche, et que j'arrive pas a conduire mon crayon entre les deux lignes du cahier!... Et it avail un sourire triste qu'il me fallait vivement gommer avec un mot d'encouragement. Laquelle etait plus grande, sa joie d'apprendre a lire et a tracer ses lettres, ou la mienne de voir mon eleve progresser avec une rapidite qui me faisait croire plus a Tefficacite de mon enseignement qu'a son intelligence ? C'est iui qui avail decrete que nous ne parlerions plus patois, ce que j'hesitais & lui proposer. C'est lui qui fixait a son gre ia duree de nos cours, m'entral-nant jusqu'a negliger mon travail personnel pour essayer de satisfaire I'ardeur en laquelle il se trouvait de travailler. Certains soirs il n'etait pas d'attaque. Apres un court exercice ecrit, il rangeait son livre, son cahier, ses accessoires a la place qu'il leur avait assignee sur ma table. II n'emportait jamais son materiel chez lui. — Les femmes qui viennent me voir aiment trop a farfouiller dans ma chambre, m'expliqua-t-il. Et lorsqu'il ne prenait pas congé tout de suite, nous nous mettions h causer, au contraire, comme s'il venait juste d'entrer. Cependant, Carmen n'avait pas refréne pour autant son ardeur á courir la prétentaine. On eút dit aussi que depuis qu'il apprenait á lire et á écrire des mots, il manifestait plus de hardiesse en maintes choses. Ses preferences amoureuses avaient méme change. II en était maintenant á une mulátresse dont le mari possédait un grand café pres du square de la Savane. Une avertture qui durait depuis quelques semaines. — Regarde, me montrait Carmen; tout mon corps est marqué de coups de dents qu'elie me fait en m'embrassant, afin que pendant ia journée je garde la sensation d'etre avec elle, qu'elie dit. Alors je pouffais de rire. Carmen devait sans doute me trouver trop gamin, un peu sot. — Rigole pas, me criait-il, c'est que ca me fait mal. Tiens, cette morsure que j'ai ici, á Fépaule, c'est de depuis avant-hier. Ou bien de ces questions qu'il me jetait á la téte au moment ou je m'y attendais le moins. — Dis, Jo, qu'est-ce que c'est que ca, la poesie? Pour le coup, me voiíá encore pris au dépourvu, J'essaie de m'en tirer quand měme. J'attrape un livre, je lis quelques vers. J'explique. Pourtant ma demonstration laisse Carmen sceptique. — Je comprends pas. — Comment, tu ne comprends pas ? La poesie, te dis-je, c'est... — Mais ce ne doit pas étre ca seulement. Cet 276 LA RUE CASES-NEGRES LA RUE CASES-NEGRES 277 apres-midi, elle m'a cri£ : « Chen, cheri, comme tu me donnes de la poesie ! » Je me contorsionne a rendre !'ame dans un acces de rire secoue de quintes de toux. — Que tu es sot t me dit Carmen, que tu es sot! Et quand, enfin, je reussis a me calmer, it pour-suit : — Eh ben ! pour moi dans les circonstances oil eile a dit ca, c'etaient pas des bouquins ni des sonnets que je lui donnais. — Mais ia po6sie, Carmen, continuai-je, affectant un ton professoral, ce ne sont pas seulement des mots, des vers, des iivres, Ca peut etre n'importe quelle autre chose produisant un effet analogue. — Done, elle n'a pas mal parte. Je suis un poete. II a rompu avec cette femme parce qu'elle Paimait trop. Ces jours-ci, e'en est une autre -du meme monde, et qui m'a deja valu avec Carmen une autre epreuve de vocabufaire. Elle 1'appelle : « Mon vio-lon d'Ingres. » Comme tous les riches proprietaires de la Route Didier, M. Mayel, le patron de Carmen, assistait a la messe le dimanche, a ia chapelle du quartier, accom-pagne de sa famille au grand complet. N'empeche que (chose que Carmen m'adjurait de ne pas repeter), certains vendredis du mois, il se faisait conduire avant 1'aube et par les chemins les plus sauvages, chez les vieux sorciers qui, dans leurs cabanes, sur les mornes, tiennent a la disposition des Btancs et des negres les pouvoirs de la magie noire. De temps en temps, il donnait une soiree au cours de laquelle les Blancs sans fortune qui vivaient dans de simples maisonnettes a 1'ombre des belles villas venaient, avec leur femme, en parents pauvres, pour aider la mattresse de maison, servir de maltres d'h6tel et jouir discretement de la compagnie de leurs riches coreligionnaires. En outre, M. Mayel entretenait, dans un des quartiers semi-populeux de la ville, une jeune negresse qui lui avait produit deux petits muiatres. Cette femme tenait lieu a Carmen de seconde patronne, patronne batarde qu'il feignait de respecter autant que Mme Mayel et qui, en retour, affectait d'avoir pour lui beaucoup d'egards et de condescen-dance, Certes, etre la mattresse d'un Blanc represente une situation tres enviable pour une femme du peuple aux Antilles, et m6me pour certaines jeunes filles de la petite bourgeoisie de couleur. Outre les avantages materiels qui en decoulent : bijoux, petits biens immobiliers et mobiliers, ceia cree a soi-mfeme et aux yeux de tous 1'illusion d'une election, voire d'une promotion. — Pourtant, Carmen, je n'y vois pas autre chose qu'une manifestation du meme mepris que traduisent tous les gestes du Blanc Creole a 1'egard des n6gres. Ne crois-tu pas que, tout compte fait, mieux vaut pour une negresse etre domestique chez un beke et faire I'amour avec un negre, plutdt que d'fetre mise en garenne pour les besoins d'un mattre qui vient faire ses saillies lorsque, la veille, sa dame a boude" au lit ou parce que celle-ci est trop vieille; et que, meme dans ('intimites on n'ose pas appeler autrement que : « Monsieur » ? Quand on pense que ces petits batards de mul&tres