I I i"'-'-- \UU DI.-:S f'.CRlVAINS FRANCOPHONES CLASSIQUliS I ' hiuitit hnaginaire est enfin publie. Le 2 avril 1976, Taos meurt d'un rancor sans avoir publie son dernier roman, Solitude ma mere, qui parai-(ia fit 1995. L'ensemble des romans est reedite chez Joelle Losfeld a Pans (1995-1996). Ses chants ont seduit les plus grands musiciens. lis out etc deposes pour les preserver a la Sacem dans les annees cinquante. Des compositeurs celebres ont voulu faire des adaptations. Taos Ainrouche a refuse des ponts d'or pour qu'ils restent intacts. Ce tresor se compose de quatre-vingt-quinze monodies berberes, enregistrees avec la voix de Fadhma Amrouche transmettant cette tradition a sa fille. La mere avait quatre-vingts ans quand elle a enregistre, sa voix est un peu chevrotante et Taos la suit «a la respiration pres» - ce constat bat en brcche definitivement les propos qui ont ete tenus sur une readaptation [- Chants berberes de Kabylie, BAM-LD 101 (grand prix du disque 1967) - Chants de processions, meditations et danses sacrees berberes, SM 30 2-280 - Chants de I'Atlas. Traditions millenaires des berberes d'Algerie et chants berberes de la mettle et du berceau, ARN 34278 et ARN 34233]. Grace a sa voix puissante, Taos Amrouche a su insuffler aux chants la dimension tragique antique qui etait la leur originellement. L'ecriture devoile, quant a elle, une femme aux prises avec la quite douloureuse de son identite. Elle a su transcender cette dysharmonie, cette scission ressentie en partageant son art entre la quete memorielle du patrimoine oral et l'ecriture. Son oeuvre reste exemplaire, au titre de la tradition orale comme de la creation litteraire, car elle se nourrit du patrimoine et de la lutte d'une femme pour son expression. De plus, elle forme le troi-sieme element du triptyque de cette famille de « Clair-chantants ». CEUVRE Romans: ~ Jacinthe noire, Paris, Chariot, 1947, Paris, 373 p. - Moixson de I'exit, Jacinthe noire (precede d'une lettre d'Andre Gide), Paris, Francois Maspero, 1972, 303 p. - Rue des tambourins, Paris, La Tabic rondc, 1960, 335 p. - Le Grain magiqae, contes, poemes et proverbes berberes de Kabylie, Paris, Maspero, 1966, 251 p.-L'amant imaginaire, Paris, Nouvelle societe Morel, 1975,513 p. - Solitude ma mere, Paris, Joelle Losfeld, 1995, 229 p. REF. - BRAHIMI, Denise, Taos Amrouche romanciere, Paris, Joelle Losfeld, 1994, 169 p. - CHIKH1, Bei'da (dir.), Jean, Taos et Fadhma Amrouche, relais de la voix, chaine de l'ecriture, Paris, L'Harmattan, 1998, 187 p. [Ei Djamhouria AIT SAADA-SLIMAM] B BÄ Amadou Hampáté Amadou Hampáté Bá est né en 1900 á Bandiagara (Mali) dans une famille noble peule de 1'ancien Soudan francais. Ses origines familiales le lient étroitement á i'histoire de cette region depuis le xixe siecle, époque oú se font et défont des empires. Le clan de son pere exerca des fonctions maraboutiques et de commandement dans 1'empire peul théo-cratique du Macina; son grand pere matemel était un mastre ď initiation proche d'El Hadj Omarv fondateur de 1'empire toucouleur du Soudan, khaiife de la confrérie soufie de la Tidjaniya; de plus, á 1'áge de trois ans, aprés fa mort de son pere, il devient par_adoption I'heritier du chef traditionnel de la province du Louta, Tidjani Thiam, dépossédé de sa chefferie en 1904 par les Francais et exile pendant quatre ans en pays bambara. Amadou Hampáté Bá recoit une education traditionneile, dispensée oralement grace á la presence, á la cour de son pere adoptif, des plus célěbres conteurs et chroniqueurs historiques de 1'époque, et découvre des elements de la tradition bambara. De retour á Bandiagara, á 1'áge de huit ans, son education est complétée par la fřéquentation de l'ecole coranique de Tierno Bokar qui deviendra ensuite son maitre spirituel. Á douze ans, étant fils adoptif de chef, il est envoyé á l'ecole primaire fran^aise, dite «école des otages», ďabord á Bandiagara - ce qui lui permet de rester en contact avec sa famille et de ne pas étre coupé de son education traditionneile africaine - puis á 1'écoie de Djenné. En 1915, une fois passé son certifícat ďétudes primaires, il s'enfuit de 1'école et rejoint sa famille á Kati oů il séjoume jusqu'en 1918, date á laquelle il decide de reprendre ses études pour intégrer 1'école normále de Gorée á laquelle il est ad mis en 1921. II ne s'y rend cependant pas car sa mere refuse de lui donner 1'autorisation de partir au Senegal. Ce refus lui vaut d'etre nommé á Ouagadougou, á 900 kilometres de Bamako, en qualité d'« écrivain auxiliaire temporaire á titre essentielle-ment précaire et revocable)) avec obligation de rejoindre son poste á pied, sous la surveillance d'un policier. 3-1 Dici lONNAiRi; dlíš écrivmns francophones classiques 35 C'est au cours de ce voyage qu'il commence a transcrire en francais ci en peul ou bambara a I'aide des caracteres latins les elements de tradition orale qu'il recolte en cours de route, ainsi qu'il l'ecrit dans Out man commandant! Memoires //. II conservera toute sa vie cette habitude et les notes ainsi prises constituent un fonds d'archives qui est loin d'etre completement exploite. En poste a Ouagadougou, il se marie et poursuit sa formation aupres d'un de ses oncles, grand tradit.ionaliste et eminent marabout, conseiller aupres du Moro Naba (empereur des Mossis) pour les affaires musulmanes et peules. En 1932, profitant de ses conges, il retourne a Bandiagara aupres de son maitre Tierno Bokar qui complete sa formation reJigieuse en I'initiant a 1'enseignement esoterique de la Voie soufie de la Tidjaniya. Puis il se rend a Bamako ou il occupe diffe-rentes fonctions dans 1'administration coloniale, jusqu'en 1942 oil il est detache a la section ethnologiqiie de I'IFAN (Institut francais d'Afrique Noire) de Dakar, grace a la bienveillance de Theodore Monod. Cette affectation lui permet d'echapper aux tracasseries poiicieres que lui valait le fait d'avoir pris parti, a la suite de son maitre spirituel, dans le conflit des «Onze grains » evoque dans Vie et enseignemeni de Tierno Bokar, le sage de Bandiagara, qui opposait alors les membres de la confrerie islamique de la Tidjanya de Cheriff Hamallah aux Francais. Desormais iibere de toute fonction administrative coloniale, il se consacre entierement a ses recherches sur la tradition orale africaine. 11 acquiert une reelle methode d'investigation et commence des enquetes de ten-ain specifiques. En 1943, il peut ainsi publier la tpute premiere version du conte initiatique peule, Kaidara, dont la version poetique bilingue sera publiee en 1969. En 1955, en collaboration avec J. Daget, il public le recit historique L 'empirepeul du Macina; puis, en 1961, un second texte initiatique peul, Koumen. A 1'independance du Mali, il fonde a Bamako, sur le modele de I'IFAN, 1'Institut des Sciences Humaines dont il devient directeur. 11 refuse les sollicitations Pinvitant a s'engager dans une carriere politique et occupe des fonctions culture]les importantes: en 1960, il est membre de la premiere conference generale de l'Unesco ouverte aux pays africains oil il lance un appel pour le sau-vetage des cultures oralcs africaines et prononce la fameuse phrase sou-vent deformee: «Apprenez que dans mon pays, chaque fois qu'un vieil-lard meurt e'est une bibliotheque qui a brule» (Archives sonores de Radio France), qu'il precise au Festival des Arts Negres de Dakar en 1966 de la facon suivante: « En Afrique, chaque fois qu'un vieillard tra-ditionaliste meurt, e'est une bibliotheque inexploitee qui brule». En 1962, il est nomine ambassadeur extraordinaire du Mali en Cole d'lvoire et devient membre du conseil exécutif de l'Unesco. II participe alors á de nombreuses reunions internationales et rencontres scienti-fiques consaerées aux civilisations africaines et au dialogue religieux. A partir de 1971, ayant cessé toutes fonctions officielles, il se consacre á ses travaux personnels d'ordre historique, ethnologique, littéraire et religieux. II publie, en .1972, Aspects de la civilisation africaine; en 1973, L 'étrange destin de Wangrin ; en 1976, Jésus vu par un musulman, ainsi que plusieurs con tes et récits, notamment Petit Bodiet en 1977, ainsi qu'une ceuvre poétique bilingue: Věclat de la grande ětoile. II entre-prend la redaction de ses mémoires qui seront publiées aprěs sa mort. Ces activités ďécriture ne Pempéchent pas de continuer á ceuvrer pour la defense du patrimoine culturel africain et pour 1'alphabétisation des Peuls gráce á «l'écriture adjami» (alphabet de caractěres arabes adaptés au peul), qu'il finance sur ses fonds propres. II meurt á Abidjan en 1991. Amadou Hampáté Bá se désignait lui-méme comme un «traditiona-liste avant tout homme ďoralité ». II est á la fois un chercheur confírmé, un homme de foi ayant oceupé des responsabilités dans le domaine islamique et un écrivain reconnu, plusieurs fois recompense par des prix littéraires et distinctions culturelles (cf. la iiste établie par Heléne Heckmann dans Amadou Hampáté Bá homme de science et de sagessé). Son engagement pour la defense et la reconnaissance du patrimoine culturel africain en fait une personnalité de premier plan. Son ceuvre éerite couvre une large part des champs qui constituaient 1'enseignement de la tradition orale africaine: contes initiatiques, récits his-toriques, poésies {encore largement inédites). Pour Amadou Hampáté Bá, la tradition constituait á la fois un mode ďacquisition de connais-sances multiples - les initiations traditionnelles incluaient des ensei-gnements pratiques tels que la botanique ou la pharmacopée évoquées dans Amkoullel I 'enfant peul, mais aussi politiques, ésotériques ou sacrés qui fondaient une morale individuelle et collective un art de vivre ainsi qu'un systéme de pensée. Celui-ci permettait ďappréhender les rapports qui existaient entre Phomme, le monde et le cosmos. Tout entier consacre á la sauvegarde de cette tradition, son ceuvre obéií done á une visée pédagogique et didactique et s'adresse á un double public, africain et occidental. II incite les Africains á sauvegarder les traditions par tous ies moyens (collectes, enregistrements, transcriptions) et á rester fidéle aux valeurs de la société traditionnelle africaine f.)l(..TIONNAIRIi Dl-S fcCRIVAINS FRANCOPHONES CLASSIQUHS B 37 ainsi qtfil lc rccommande aux jeunes, en 1985, dans sa La Lett re \ oiiverte a lajeunesse: « Dans les tourbillons qui vous emporteront, sou- j vcncz-vous de nos vieilles valeurs de communaute, dc solidarity et dc partage. (...) Si les conflits vous menacent, souvenez-vous des vertus du dialogue et de la palabre ». Et il adresse aussi a un public occidental la representation d'une societe fortement impregnee de mysticisme et respectueuse de valeurs a la fois morales et sociales,?en accord avec les principes reiigieux de l'istam. En cela, l'oeuvre d'A. Hampate Ba s'ins-crit dans une perspective africantste liee au contexte historique dans iequel il a ete compose, mais se demarque de 1'ideologic de la Negritude qui se fondait sur une anthropologic essentialiste. La vision hampateenne de la civilisation africaine est globale et s'enracine dans une foi profonde. Elle est indissociable d'une perspective universelle qui postule 1'egalite des hommes et invite au dialogue entre les cultures, les peuples et les religions comme I'atteste son essai, Jesus vu par un musulman oti il prone un islam tolerant et un humanisme cecumenique et consensuel qui lui valent d'etre souvent designe sous les termes de sage et de passeur entre les cultures. Mais i'ceuvre est aussi litteraire et son originalite tient au fait d'avoir entrepris d'adapter le message traditionnel africain aux formes cultu-relles actuelles, sans eluder les questions liees a 1'usage de la langue de transcription du patrimoine oral. Convaincu de la necessite de l'effec-tuer dans la langue d'origine « pour la continuite culturelle », il reconv mande en metne temps une traduction en francais « pour, la communi- i cation interculturelle et l'enrichissement mutuel». Cependant, si une i part importante de sa production poetique est effectivement redigee en I peut, la plupart de ses recits et contes sont directement ecrits en fran- j cais. Loin d'etre de simples transcriptions de l'oral a 1'ecrit, ils operent 1 une recomposition litteraire et esthetique du materiau oral. Bien que I considerant la litterature comme « de la parole couchee sur le papier», 1 Hampate Ba realise un vrai travail d'ecriture en recourant a 1'humour et 1 a la poesie, et en parvenant a une sorte d'hybridation entre 1'ecrit et I l'oral, particulierement dans ses textes narratifs romanesques et autobio- l graphiques qui sont une synthese de la tradition orale africaine et de la I tradition litteraire occidentale Ainsi, dans L 'etrange destin de Wangrin, 1 le narrateur se presente comme le simple transcripteur du recit que lui a 1 fait Wangrin de sa vie, mais ie roman reproduit en meme temps la struc- | ture et la morale du conte initiatique africain et reprend les parametres 1 d'un roman de mceurs decrivant les relations existant entre colonises et 3 colonisateurs; il posscde, en outre, une dimension psychologique en operant le portrait d'un aventurier. Le roman peut aussi se lire comme un roman picaresque, sans exclure une interpretation postcoloniale qui explique la capacite de Wangrin a resister au modele culturel occidental impose, par la mattrise qu'il a des langues et des codes culturels afri-cains que ne possedent pas ses maitres francais, ce qui lui permet d'in-verser la relation de pouvoir et de domination et de manipuler le colo-nisateur. De meme, 1'autobiographic ne respecte pas les codes du genre et inclut, parallelement au recit de vie a la premiere personne, des recits genealogiques et historiques, des contes, des recits de vies et de nom-breux elements ethnologiques et anthropologiques. Ainsi, du fait de sa formation et de son experience a la fois africaine et occidentale, Amadou Hampate Ba parvient a marier le patrimoine culturel africain oral a des formes narratives modemes et iraportees de facon a produire une matiere litteraire hybride mais dynamique et riche d'avenir qui transcende' les traditions et fait de lui un des ecrivains majeurs de la litterature africaine. CEUVRE Recits et contes initiatiques : - Kaidara, recit initiatique peut, Paris, Julliard, i 968, « Classique africains», 181 p.; cn prose, Abidjan, Nouveiles editions Africaines, i 978, 95 p. - Koiimen, texte initiatique despasteurspeuls, Paris, La Hayc, Mouton, « G Dieterlen», 1961 (epuise) - I 'Eclat de la grande etoite, Paris, A. Colin, 1974 - Petit Bodiel et mitres contes de la .wane, Paris, Pocket, 2006, 217 p. - Nedjo Dewal, mere de la catamite, Abidjan, NEA-Edicef, 1985. - II n y a pas de petites querelles: nou-veaux contes de la savane, Paris. Stock, 1999, 156 p. - La Poignee depoussiere, contes et recits du Mali, Abidjan, NEA., 1987. - Contes des sages d'Afrique, Paris, Le Seuil, 2004, 182 p. Recit historique: - L'Empire petti du Marina (IS!5 1853), Abidjan, NEA., 1962 Roman: L'Etrange. destin de Wangrin, Paris, UGE, 10/18, 1973, 444 p. Autobiographic: - Amkoullel I 'enfant petti, Aries, Actes Sud, i 991, 41J p. - Out mon commandant, Aries, Actcs Sud, 1994, 396 p. Biographic; - Vie et enseigttement de Tiemo Bokar. le sage de Bandiagara, Paris, Presence Africaine, 1957; reed., Paris, Le Seuil, «Points sagesse», 1980, 254 p. Essais: Aspects de la civilisation africaine, Paris, Presence Africaine, 1972, 139 p. - Jesus vu par un Musulman, Dakar, NEA., 1976 - La Parole, memoire vivante de I 'Afrique, suivi de Cornet de Bandiagara, Saint Clement, Fata Morgana, «Jean-Gillcs Badaire», 2008, 28 p. REE - AGGARWAL Kusum, Amadou Hampate Ba et I'africanisme, Paris/Montreal, L'Harmattan, \ 999, 266 p. - JOUANNY Robert (dir.), Lectures de I 'aeuvre d'Hampate Bd, L'Harmattan, 1992, 99 p. - SOW Alfa Ibrahim, Inventaire du fonds Amadou Hampate Ba, Paris, Klincksiek, 1970, 83 p. - TOURE Amadou, MAR1KO Ntiji Idriss (dir.), Amadou Hampate Bd homme de science et de sagesse, Bamako / Paris, Nouveiles Editions Maliennes/Karthala, 2005, 350 p. [Christiane ALBERT] Sil ])H \ I II! IMrlS l-CRIVAINS FRANCOPHONES CLASSIQUl-S Cl:UVflE CRITIQUE - en col, avec Jacqueline Levi-Valensi, Diwan Algerien. La poesle algcriennc d 'expression franeaise, 1945-/965. etude critique et choix de textes, Paris, Nacheile. 1%7, 256 p. Le Voyage nocturne de Mahomet, (Mi 'rädj) suivie d'unc etude « L'Aventure de la parole - Introduction ä Petude des recils apocalyptiqucs arabes», Paris, Imprimerie Nationale, 1988, 300 p. -Lea Mille et Une Nuits ou la parole prison-mere, Paris, Gallimard, Bibliotheque des idees, 1988, 233 p. - En col, avec A, Miquel cl C. Bremond, Les Mille et un contes de ia nuit, Paris, Gallimard, Bibliotheque des idees 1991, 366 p. - J.-E. Bencheikh & A. Miquel, D 'Arabic et d'Islam, Paris, Odile Jacob, ! 992, 229 p, - Poetique arabe, 2* edition precedeexie Essai sur un discours critique, reed. Paris, Gallimard, «Tel», 1989, 278 p. - Les'Mille et une nuits: 4 tomes, Paris, Gallimard-Folio, 1991-2004, 662 p,/660 p./718 p./495 p. Edition Gallimard, La Pleiade, 3 Tomes, mai 2005-mai 2006, 1250 p./1065 p./1067 p. ~ L'CEuvre desirante, Paris, Les Ateliers du Pere Laehatse associes, 1994, 96 p. - Failles fertiles du poeme, Saint Benoit du Sault, Tarabuste, 1999, 91 p. — en collab, avec C. Chaulet Acbour, Jean Senat; Clandestin des deux rives, Biarritz, Atlantica, 1998, 159 p, (Dessins de Denis Martinez. Hommage, etudes et correspondanee). - Dictionnaire de litteratures de langue arabe et maghrebine francophone, Paris, Quadrige/PUF, nov. 2000, 443 p, -Berits politiques, 1963-2000, Biarritz, Atlantica-Seguier, 2001,335 p.-Ecrits du I 'art, Saint Benoit du Sault, Tarabuste, mai 2006, 123 p. (ä titre posthume). REF. - CHAULET ACHOUR Christiane, Jamel-Eddine Bencheikh - Polygraphies, Bläda (Algerie), ed. du Teil, 2006, 5 84 p. - Emission « Ä voix nue» avec Dominique EDDE, France Culture, Janvier-fevrier 2000. - R. GROSRICHARD, «Jarhel Edciine Bencheikh» dans Dictionnaire de litteratures de langue arabe et maghrebine francophone, Paris, PUF, Quadrige, 2000, pp. 58-59. -T. BRISSO.N, «BENCHEIKH Jamei Eddine» dans Dictionnaire des orientalistes de langue franeaise, Paris, ISSMJvI/Karthaia, 2008, pp. 77-78. [Christiane CHAULET ACHOUR] BEN JELLOUN Tahar Tahar Ben Jelloun est né dans 1'ancienne ville de Fěs au Maroc, le 1" décembre 1944. II y est scolarisé, dans la tradition ďune école cora-nique, puis dans une école primaire franco-marocaine bilingue en fran-cais et en arabe. Ses parents quittent Fés pour Tanger en 1955. il y obtient le baccalauréat en 1963, au lycée Regnault, le plus ancien lycée francais du Maroc. II s'inscrit pour des etudes de philosophic á 1'universitě Mohammed-V de Rabat oú il suit les cours du sociologue et poete Abdelkébir Khatibi. II enseigne la philosophie, en octobre 1968 á Tctouan, puis au lycée Mohamed V á Casablanca. Á la suite de manifestations ďétudiants et de lycéens dans lesgrandes villes du Maroc, il est envoyé, avec 94 membres du syndicat de 1'Union des étudiants du Maroc, le 23 mars 1965, dans un camp disciplinaire de Parmée. Libéré B 59 cit juillet 1966, il reprend ses études. II rencontre l'avant-garde littéraire de la revue Souffles, animée par Abdellatif Laabi. II collabore á cette revue de 1968 á 1970 et publie son premier poeme, L 'Aube des dalles. Son premier recueil de poesie, Homines sous linceul de silence, preface par Abraham Serfaty, est édité en 1971 aux editions Atalantes, rat-tachées á la revue Souffles. En 1971, aprěs Parabisation de Penseigne-ment de la philosophie au Maroc, il demande une mise en disponibilitě pour preparer une these en psychologie á 1'université de Paris VII, á Jussieu et quitte le II septembre 1971, le Maroc pour la France. II tra-vaille cotnme psychothérapeute de 1972 á 1975. En 1972, le journal Le Monde accueille son premier article dans Le Monde des livres et il publie un recueil de poesie, Cicatrices du soleil, chez Maspero. En septembre 1973, Harrouda, son premier roman est édité par Maurice Nadeau chez Denoel. Cet ouvrage est salué par Roland Barthes et Samuel Beckett. En juin 1975, il soutient sa these en psychiatrie sociaie surZ-a misere affective et sexučlle des travailleitrs nord-qfricains en France, dont il tirera un récit en prose poétique, La Réclusion solitaire (1976) et un essai, La Plus Haute des solitudes (1977). Jean Genet assiste á sa sou-ienance. Le Seuil sera son principal éditeur jusqu'en 2005. II est laureát du Prix Goncourt en 1987, pour La Nuit sacrée. En 1990, il demande la nationality francaise. I! recoil le Prix impac des bibliothěques et tibrairies anglo-saxonnes, á Dublin en juin 2004, pour Cette aveuglante absence de lumiěre, éerit aprěs un entretien avec un ancien prisonnier du bagne de Tazmamart au Maroc. II a été fait officier de la Legion d'Honneur en 2007. 11 est élu membre de 1'Academie Goncourt en 2008. II a quatrc enfants. II reside á Paris et a Tanger. Écrivain francophone le plus traduit au monde, en 44 langues, il repré-sente un phénoměne ďédition, avec á ce jour, 3 millions d'exemplaires vendus. Différentes périodes de son existence, sont évoquées dans plu-sieurs récits autobiographiques, Jour de silence á Tanger, dédié á son pere (1990), Éloge de Vamitié, ombre de la trahison (2003), Le dernier Ami (2004), Sur ma Mere (2008). Quels sont les temps forts de son experience ? L'enfance fassi, 1'adolescence tangéroise, rengagement el la repression politique, l'avant-garde littéraire, Pécoute de la parole des emigres, vont étre 1'ancrage originel des thématiques constantes dc sa creation. Tahar Ben Jelloun aborde «1'absence á soi» dans le déracine-ment et l'exil, la critique de la société postcoloniale et de la societě marocaine contemporaine, la condition faite aux femmes, aux cxclus de la parole, la réappropriation de la mémoire, 1'hospitalité et le racistue, 60 DlCTIONNAIRE DES liCRIVAlNS FRANCOPHONES CLASSIQUKS ie rapport it la langue et a l'ecriture. Hote invite a la langue francaise, ecrivain de «i'appartcnance a deux mondes», il rend I'hospitalite en franeais, a cette part de lui-meme qui vient de la societe traditionnelle marocaine et de la culture arabe (1997). Ne a la litterature en poesie, 'fahar Ben Jelloun habite la langue francaise en poete. L'ecriture poe-tique ne l'a jamais quitte, des experiences de Souffles aux recueils les plus recents. Mais il explore des genres litieraires multiples, a la fron-tiere de la poesie contemporaine, du roman moderne, du conte oriental, de l'autobiographie fictive, de i'essai, du recit didactique, de la critique d'art. L'itineraire des narrateurs et des personnages des recits, plutot spatial que chronoiogiquc, s'inscrit dans des villes qui racontent et se racontent: Fes, sa ville natale, ville de la tradition, des symboles de la haute culture musulmane et de la resistance nationale, Tanger !a ville frontiere ouverte sur la Mediterranee, Casablanca la capitale moderne et Paris, 1'etrangere, ville d'emigration et ville hote. Illustrant le courant postmoderne de l'ecriture, il experimente une poetique du recit en train de se construire, une polyphonie narrative ou le narrateur s'efface pour laisser la place aux voix plurielles. II integre les precedes narratifs empruntes a la tradition orale et recourt a la figure du conteur populaire et de la halqa, le cercle des auditeurs du conte oriental tradi-tionnel. Discours au style direct et discours rapportes, creent la presence d'une parole vive. Le recit est tisse d'intertextes litteraires, d'au-teurs de la modernite, de Genet a Borges, de la tradition arabe, du Coran et des Mille et une nuits. II traduit un recit autobiographique de Mohamed Choukri, (1935-2003), auteur marocain decouvert a Tanger et traduit en anglais par Paul Bowles: Le pain tut (Le Seuil, 1981). Cet ouvrage ne paraitra au Maroc qu'en 2000. II presente le roman de 1'ecrivain iibanais, Helias Khoury, qui evoque le quartier d'Achraftyye a Beyrouth pendant ia guerre du Liban, La petite montagne (Arlea, 1987). [I faut noter la fascination de Tahar Ben Jelloun pour 1'image et les representations et son dialogue avec des createurs: sculpteurs, peintres, photographes. II s'interesse a 1'ceuvre de Giacometti, «sculpteur de solitude » a propos de qui il evoque Samuel Beckett marchant dans les rues de Tanger (1991), et a celle de Delacroix, dont il presente le journal de voyage au Maroc et les carnets qu'il prefere aux tableaux, dans sa « Lettre a Delacroix »(2005). Commentateur de peintres et de photographes documentaires contemporains, Tahar Ben Jelloun se fait aussi le passeur poetique d'un autre Maroc du present. B 61 CEUVRE Poesie: - Homines sous linceul de silence, Casablanca, Atlantes, 1971, 69 p. -Cicatrices du soldi, Paris, Maspero, 1972, 112 p. - Le Discours du chameau, Paris, Mfispe.ro, ! 974, 82 p. - La Memoire future. Anthologie de ia nouvelle poesie du Maroc, Paris. Maspero, 1976, 215 p. Les Amandiers sont marts de leurs biessitres, Paris, Maspero, 1976, 215 p. - A I'insu du souvenir, Paris, Maspero, 1980, 140 p. - La Remontee des cendres suivi de Non identifies, poem es, version arabe de Kadhim Jihad; illustrations de Azzawi, Paris, Le Scuil, 1991, 144 p. Poesie complete: 1966-1995, Paris, Le Seuil, 1995, 589 p. - Le discours du chameau suivi de Jenine et autres poetries, Paris, Gallimard, 2007, 543 p. - Les Pienes du temps et untres poemes, Paris, Le Seuil, 2007, 136 p. Roman, nouvclles: - Harroudu, Paris, Dcnoel, 1973, 188 p. -I,a Reclusion solitaire, Paris, Denoel, 1976, 171 p. - Moiia lefou, Moha le sage, Paris, Lc Seuil, 1978, 186 p. - La plus haute des solitudes, Paris, Le Seuil, 1977, 171 p. - La friere de I'absent, Paris, Le Seuil, 1981, 237 p. - [/Ecrivain public, Paris, Le Seuil, 1983, 198 p. - L'Enfant de sable, Paris, Scuil, 1985, 208 p. - La Nuit sacree, Paris, Seuil, 1987, 191 p. - L 'Atelier imaginaire, (recueil eollectif), Lausanne, Paris, L'Äge d'homme, 1988, 183 p. - Jour de silence a Tanger, Paris, Le Seuil, 1990, 122 p. - Les Yeux baisses, Paris, Le Seuil, 1991, 297 p. -- La Soudure fraternelie, Paris, Arlea, 1994, 128 p. - Z Homme rompu, Paris, Le Seuil, 1994, 220 p. - Le Premier Amour est tou-joitrs le dernier, Paris, Le Seuil, 1995, 200 p. - La Nuit de I'erreui; Paris, Le Seuil, 1997, 313 p. - Les liaisons de hi galere. Paris, Fayard, 1997, 144 p. - L'Auberge des pauvres, Paris, Lc Seuii, 1999, 295 p. - Labyrinthe des sentiments, [dessins de Pignon-I-mcst, Ernest], Paris, Stoek, ! 999, 146 p. - Cette aveuglante absence de Imitiere, Paris, Le Seuil, 2001, 256 p. - Amours sorcieres, Paris, Le Seuil, 2003, 295 p. - Eloge de I 'amide, ombre de la trahison, Paris, Le Seuil, 2003, 144 p. Le dernier Ami, Paris, Le Seuil, 2004, 147 p. - Partir, Paris. Gallimard, 2006, 272 p. - Sur ma Mere, Paris, Gallimard, 2008, 269 p. Theatre: - Chronique d'une solitude. Festival d'Avignon, Theatre ouvert et Theatre chronique, 24-28 juillet 1976, Raffacl Michel, non public. -La Fiancee de I 'eau, (suivi dc) Entrelien avec Monsieur Said Uammadi, ouvrier alge-rien, Arles, Actes Sud/Thcätre populaire de Lorraine, 1984, 75 p. Critique d'art: Seize ouvrages dont: - Alberto Giacometti, Paris, Flohic, 1991, 80 p. - Pensees pour la liberie, Amnesty International, Photographies Sygma, Paris, Le Chcrche-midi, 1999, 91 p. -■- Delacroix au Maroc, couticnt: "Lettre ä Delacroix" de Tahar Ben Jelloun, FM.R, Les signes de I'homme, 2005, 163 p. Essais et reportage: Hospitaiite francaise. Racisme et immigration maghrebine, Paris, Le Seuil, 1984, 158 p. -■■ L'Ange aveugle, Paris, Le Seuil, 1992, 203 p. [En Italien : Turin, Einaudi, 1991] - Les Negres au port de la lune: Genet et les differences, Paris, edition de la Difference, 1988, 286 p, - Le Racisme explique ä mafille, Paris, Le Seuil, 1998,62 p. - L 'Islam explique aux en/ants, Paris, Le Seuil, 2002, 90 p. - « La cave de ma memoire, te toit de ma maison sont des mots francais», in Pour une litterature-monde, sous la direction de Michel Le Bris et Jean Rouhaud, Paris, Gallimard, 2007, pp. 113-124. REF. - KOHN-PIREAUX, Laurence, Etude sur Tahar Ben Jelloun, "L 'enfant de sable ", "La nuit sacree ". Paris, Ellipses, 2000,93 p. - MANSOUR, M'Henni (dir.), Tahar Ben Jelloun: strategies d'ecriture, Paris, L'Harmattan, 1993, 147 p. - Le site de Tahar Ben Jelloun http://www.taharbenjelloun.org/ - LIMAG: Tahar Ben Jelloun -http://www.limag.refer.org/ IChristian BOUILLON | 78 DlCTlüNNAIRE DES liCRIVAINS KRANCOPHONES CLASSIQUES C 79 les embrasscr et se laisser embraser par dies. Sa poesie de langue Creole - ce code linguistique fabrique sur 1'ancienne habitation coloniale -s'effbrce de rayonner par son statut d'ecriture. Derriere cet ecrit, por~ tant davantage i'enipreinte de la culture populaire que de toute autre, le poete se metamorphose en polemiste, critique litteraire et defenseur d'une langue. Quoi qu'il en soit, composer en francais ou en Creole, revient dans le fond a articuler quasiment le mcnte langage de l'esprit et du cceur, la propre langue du poete adressee a tous; L'ceuvre de ce poete, longtemps marginal et marginalise, fait desormais autorite et marque toute une generation de lecteurs dont certains sont devenus poetes a leur tour. C'est sans doute en ce sens qu'on pourrait associer la notion de «classique» a la poesie de G. Castera: des ecrits d'une grandc portee, vacillant entre ia modernite et le contemporain, dignes d'etre connus et etudies par un large public francophone, d'autant qu'ils abordent, dans un langage hautement metaphorique et symbolique, des questions et des problematiques qui touchent tout simplement a la condition humaine. Classique aussi, et tres inventif, G. Castera Test absoluraent, dans cette maniere perfectionniste de traquer le mot juste, de le mettre a sa place, rayonnant dans l'absolu, dans ce besoin de forcer la langue a dire plus qu'elle ne veut et peut dire: «la croyance en dieu a inven- / te le saut de Pange et / un drole d'instrument / - Pamecon» (<< Notes eparses», Le trou du souffleur). ceuvre Poesie : - Le Retour a I'arbre, New-York, Calfou Nouvelle Orientation, 1974, (tcxte graphique dc Bernard Wah. Non pagine - Ratures d'un miroir, Port-au-Prince, Imp. Le Natal, aout 1992 - Lex cinq kttres, Port-au-Prince, Imp. Le Natal, octobre 1992 - Quasi parlando, Port-au-Prince, Imp. Le Natal, 1993 - Paroles vives (cassette audio), pocmes dits par Anthony Phelps, Les Productions Caliban, 1993 - Voix de tele, (dessins de couverturc signc Radi, pseudo de G. Castera), Port-au-Prince, Ed. Memoire. 1996 -Bnder, Port-au-Prince, Ed. Memoire, 1999 - Le Trou du soujjleur, (Preface de Jean Durosicr Desrivieres; dessins de Georges Castera), Paris, Ed. Caracteres, 2006 -L'Encre est ma demeure. (Anthologic etablie et prefacce par Lyoncl Trouillot), Aries, Actcs Slid, 2006. Articles, critiques et entretiens: - «L'experience de la nuit et 1'experience du jour dans Compere general soleiln, in Europe, n° 501, Janvier 1971, pp. 71-78. - « Culture - Arts - Literature », introduction a la partie, in Chemins Critiques, vol. 1, n° I, mars 1989, pp. 87-90. -- «Clement Magloire Saint-Aude. homme dechire au-dcla des phrases», in Chemins Critiques, Vol. 1, n° 2, aout 1989, pp. 137-146; suivi d'une «J3ibliographse succincte», pp. 147-150. - « Entreticn de Georges Castera avec le peintre, dessinateur et sculpteur Ronald Mevs», in Chemins Critiques, vol. I, n° 2, aout 1989, pp. 167-174.......«Entretien de Georges Castera avec Genevievre et Gay lord Lsper, architectes», in Chemins Critiques, vol. 1, n° 3, 1989, pp. 75-82. - «L'ecrivain haiticn: queiqucs considerations », in Ibero-Americana, 15. Jahrgang 1991, n° 1 (42), pp. 89-107 (sans lieu d'edition). - Enlretien avec Georges Castera, in Callaloo: « Hai'ti: the litterature and culture », part. 1, vol. 15, n° 2, printemps 1992, pp. 528-530. - « Sous It: voile dechire» (presentation), in Conjunction, revue franco-haitienne de 1'Institut Ihincais ďHaiti, n° 193, avril-mai-juin 1992, pp. 9-14. - «Etrc počte, c'est habiter la niort... »,-in Le Nouvelliste, Port-au-Prince, 12 mai 1993 (entrctien avec G. Castera, '•cause par Rodney Saint-Eloi). - « Billet au poete Yanick Jean», in Le Nouvelliste, Port-au-Prince, 26 décembre 1995. - « L'indigenisme hai'tien, un point de vue contra-dictoire», in Notre Librairie, n° 132, octobre-décembre 1997, pp. 76-89. «< SurréaSisme en Haiti?», in Notre Librairie, n° 132, octobre-décembre 1997, pp. 90-97, - «Lire A fonds pen!us », in Boutures, vol. 1. n° 2, Port-au-Prince, Éd. Memoire, íiivricr 2000, pp. 31-34. - «Poefes conteroporains de la Roumanie», in Boutures, vol. 1, n° 3, septembre 2000, Port-au-Prince, Ed. Memoire, pp. 8-11. - «De la difficulté ďécrire en creole», in Notre Librairie, n° 143, janvier-mars 2001, pp. 6-13. REE - CHAMOISEAU Patrick ct Raphael Confiant, Lettres Creoles. Tracěes untillaises ei continentales de la litterature: Haiti, Guadeloupe. Martinique. Guyane: !635-1975, fan's, Hatier, 1991......DESRIVIERES Jean Durosicr, Intention et invention dans la poesie d 'expression francaise de Georges Castera, Memoire de DEA en litterature generale ct francophone, Martinique, 2001.-DOMINIQUE Max, «Castera, critique et poesie». Conjunction n° 180 (supplement 1988), pp. 78-109. Article reprispar ťauteurdans ses Lsquisses Critiques, Port-au-Prince / Montreal, Éd. Memoire / CIDIHCA, 1999, pp. 237-238; « Castera, retour d'exil», Esquisses Critiques, ibid., pp. 239-249. - Sites internet: ile.cn.tlc et Madinin'art: « Un langage á double canon pour dire S'inditTe-rence», une lecture de la poesie de Georges Castera par Jean Durosier Desrivieres. [Jean Durosier DESRIVIERES! CESAIRE Aime Ne le 26juin 1913 a Basse-Pointe, Aime Cesaire est le second d'une famille de sept enfants. Familie modeste, mais qui cultive une triple tradition de luttes sociales, de fierte de la race et d'amour de 1'etude, En effet, c'est sa grand-mere Nini qui lui apprend ä lire; son pere, d'abord econome sur une Habitation, devient, en preparant des concours, fonc-tionnaire des contributions indirectes; chaque matin avant !a classe, il joue les repetiteurs et lit ä ses enfants de belles pages de la litterature francaise. On trouve dans le Cahier des souvenirs de cette enfance pas-see ä Basse-Pointe et au Lorrain. Aime montre, des cette epoque, un caractere reserve mats independant, et un grand amour des livres. Pour lui permettre de poursuivre ses etudes au lycee Schcelcher (1924), la famille s'installe ä Fort-de-France: la mere, jusqu'ici au foyer, exerce le metier de couturiere, le pere, encore en poste ä Basse-Pointe, ne visite sa famille que deux fois par mois. Pourtant, Aime est decu par sa premiere rencontre avec cette ville coloniale, sale et miserable. Sa 8(1 DKTIONNAIRE OliS écrivains francophonbs classiques c 81 déconvenue se ressent dans la description de Fort-de-France du Cahier cl expliquc peut-ětre sa determination de maire ä assainir la ville. De plus, enfant noir, pauvre, issu de la Campagne, il se heurte aux moque-ries des élěves plus clairs et plus fortunes. Cest, cependant, un élěve docile et trěs studieux. Ä la sortie des cours, il fréquente assidůment la bibliothěque Schcelcher, toute proche. Ä la fin des années de lycée, en 1931, muni ďune bourse ď études supérieures, jl part pour la France avec enthousiasme car il «etouffait» dans la Martinique coloniale. Aide d'une lettre de recommandation de son professeur, le géographe E. Revert, il s'inscrit, pour preparer le concours ď entrée á PEcole Normale Supérieure, au lycée Louis-le-Grand. II y rencontre Senghor, son ami pour la vie, il lui pennet de découvrir I'Afrique et de retrouver en lui-méme son «moi africain». Sa formation se parfait aussi grace ä La Revue du Monde Noir créée en 1931 par Paulette Nardal et le Docteur Sajous: il en critique le caractěre superfícíel et mondain, mais il y lit les poěmes de la Renaissance Noire américaine et les travaux de l'ethnologue Frobenius réhabilitant les civilisations africaines. La revue Legitime Defense ďÉíienne Léro, René Méníl et Jules Monnerot (1932) Pa «marqué » également, mais il en critique aussi Padhésion - qu'il juge assimilationniste ■■- au marxisme et au surrealisme. En 1934, avec Senghor et Damas, qui fi.it un temps son condisciple au Lycée Schoelcher, il transforme L'Etudiant Martiniquais, revue de P Association des Étudiants Martiniquais, en L'Etudiant Noir pour affirmer la solidaritě de tous les Noirs d'Afrique et de la diaspora. En 1935, au prix ďun labeur acharné, il est recu á PÉcole Normale Supérieure. Toujours reserve, il est néanmoins chaleureux et communicatif avec ses amis. De plus, il est doué ďune grande curiosité intellectuelle et ďune memoire prodigieuse. II déchire ses premiers écrits qu'il juge trop classiques. Et il commence á rédiger (a 22 ans !) le Cahier dun retour au pays natal, « antipoěme » ďune prise de conscience raciale et culturelle. En 1937, il prepare un D.E.S. intitule, Le Thěme du Sud dans la poesie něgro-américaine desĚtats-Unis, ce qui lui permet ďapprofondir sa connaissance de ia poesie noire américaine. D'abord refuse par plu-sicurs éditeurs, le Cahier est publié en aoút 1939 par la revue Volontés. Cette premiére version de ce qui deviendra Pceuvre negre la plus lue et ia plus traduite au monde passe complětement inapercue du fait de la guerre. De retour en Martinique, fin aoůt 1939, il enseigne la littérature au lycée Schoelcher. II est adulé de ses éíěves, tant pour le contenu de son enseignement - les écrivains contemporains, ies civilisations africaines... -, que pour ses qualités de pedagogue. II est le professeur de jeunes Martiniquais devenus célěbres par la suite: Suvéior, Glissant... De plus, ses cours sont recopiés par de nombreux autres: l'anon, Desportes..., bref, il marque, il le reconnaít lui-méme, toute une generation. .11 la marque aussi par Tropiques, la revue qu'il fait paraitre avec René Menü (cofondateur de Legitime defense), son épouse Suzanne Césaire et Aristide Maugée. Alors que la Martinique subit une occupation pétainiste qui entraine la pénurie et restreint encore plus les liberies, ce sera une revue avant-gardiste, de reflexion, de creation et d'ouvertuře, done de resistance, qui veut «affirmer Poriginalitě de la culture des Antilles et ses raeänes africaines». De passage en Martinique sur le chemin de Pexil, Breton découvre le premier numero de Tropiques. Cest de ce moment que date, selon Césaire, son adhesion consciente au surrealisme, car jusque-lá, il faisait «du surrealisme comme Monsieur Jourdain de la prose ». La rencontre sera aussi une revelation pour Breton': celui-ci rédige, en 1944, Martinique Charmeuse de serpent, Un grand poete noir, qui servira de preface al'edition bilingue du Cahier qui parait aux USA. En 1944, Césaire, charge de conferences en Haiti, découvre la terre mythique de la premiere revolution noire, mais aussi une societě en butte ä de graves difficultés économiques. Cette découverte aura une double influence, eile fournit son ceuvre en héros (Toussaint Louver-ture, Christophe) mais le conduira peut-étre aussi á la prudence dans son action politique. Sollicité par la Federation Martiniquaise du Parti Communiste Francais pour conduire sa liste, il est élu le 27/5/1945 maire de Fort-de-France puis le 21/10/45 depute á PAssemblée Constituante francaise. Ce n'est qu'apres son election qu'il adhérera au Parti Communiste, et qu'il se mettra á Pétude du marxisme (avec sa fougue habituelle). Comme maire, il se livre ä un gros travail d'assai-nissement et de modernisation de sa ville. Comme depute, en 1946, il est rapporteur á PAssemblée nationale de la loi érigeant les anciennes colonies ďAmérique et la Reunion en départements. La loi est promul-guée le 19 mars, mais il doit entamer aussiíót une rude bataille ä PAssemblée pour déjouer les tentatives de la mutiler et ďen repousser la date ďapplication. L'epoque est trěs féconde sur le pian littéraire: en 1946, il publie les Armes miraculeiises qui comporte la premiére version de Et les chiens se taisaient (une deuxiěme version remaniée parai-tra en 1956); en 1947, il participe á la creation de la revue Presence Afrieaine avec Alioune Diop; en 1948, il publie Soleil cou coupě cl en 82 DkTIONNAÍRI; DES ÉCRIVA1NS FRANCOPHONES CLASSIQUliS c 83 1949, Corps perdus. En 1961, ces deux recueiis, plus ou moins rema-niés, seront réunis dans Cadastre. En 1950, révolté par la repression dans l'empire colonial francais, il dénoncc le principe méme de la colonisation dans ie Discours sur le colonialisme qui n'a jamais été prononcé, mais a été écrit, dit-il, a la demande d'une revue «de droite», dont la version definitive (1955) rencontre plus ďécho. En 1956, aprěs le Ier Congrěs International des éeri-vains et artistes noirs, et surtout aprěs ie fameux rapport Khrouchtchev, il démissionne du Parti Communiste Francais: il reproche á celui~ci en particulier son allégeance á PURSS et surtout, ie paternalisme des com-munistes européens envers le Tiers-Monde. II rédige, le 24/10/56, la Lettre á Maurice Thorez ou il affirme le droit des colonises á l'initiative et expose la dialectique de l'universel et du particulier. En février 1957, il est réélu triomphalement á sa charge de maire. 11 fonde en 1958 le Parti Progressiste Martiniquais, «large » rassem-blement, dont ia vocation autonomisté est affirmée. I! ressent, désor-raais, la nécessité de privilegier Paction culturelle et la formation. II crée 1'orgáne du PPM, Le Progressiste qui a pour but 1'education politique et la désaliénation du peuple. faction de formation se poursuivra, en 1972, par la creation du SERMAC (Service municipal d'action culturelle) et du Festival culturel de Fort-de-France ouvert á la fois á la production culturelle internationale et ä la créativité antillaise. Dans sa creation littéraire aussi, il s'efforce de se rendre désormais plus accessible: e'est d'abord, en 1960, Ferrements (qui obtient !e prix René Laporte), écrit dans un langage plus simple que !es precedents recueiis, puis surtout trois pieces de theatre: La Tragédie du Roi Christophe (1963), Une Saison au Congo (1966) et, en 1969, Une Tempéte. Chacune de ces pieces met en scene un moment de l'histoire des revolutions noires. En 1982, parait son dernier recueil, Moi, laminaire, « bilan... sincere d'une vie d'homme ». Aprěs 1'arrivée au pouvoir de la gauche en France, une série d'hommages lui sont rendus: ä l'initiative de Jack Lang, il recoit le Grand Prix national de la poesie (1982). En 1989, le Festival ďAvignon lui rend hommage. En 1991, la Tragédie du Roi Christophe entre á la Comédie-Francaise. Le 14/07/91, Francois Mitterrand pose en son honneur une plaque au fronton du ministěre des DOM-TOM (en son absence). II renonce ä la deputation en 1993 ; puis en 2001, á ses fonctions de maire. II meurt le 17 avril 2008; le peuple martiniquais tout entier le pleure, une foule immense lui rend spontané-ment un hommage á 1'africaine (chants, danses...), la République Francaise lui fait des funérailles nationales. Avant sa mort, et surtout aprěs, son nom est donné á de nombreux lieux et monuments du pays. On peut étendre ä l'ceuvre poétique de Césaire ce que disait Breton du Cahiei". c'est«le plus grand monument lyrique de ce temps ». Certes, eile est difficile. Cela est dü á F adhesion au surrealisme, mais aussi au fait qu'elle puíse ses referents dans la nature, l'histoire et la culture des Antilles, de l'Afrique et de PAmérique latine. Cela est dü aussi á «une iangue trěs constmite » dans laquelle Annie Dyck a décelé « aux cótés du francais les parts importantes du latin, du grec et de bribes d'idiomes cPAfrique et ďAmérique latine », ainsi que «la presence (...) méconnue du créole.» (L.F. Prudent). Lá aussi, Césaire « s'est servi» du francais et Pa infléchi pour exprimer son «moi-negre», son «moi-antillais». Cependant, quelles que soient ses difficultés, «la magie du verbe de Césaire est bien celle-lä: empörter 1'adhesion sans passer par la comprehension litterale.» (M. Condé). Sur le plan des ideologies, par contre, Césaire est beaucoup plus controversé. Ainsi de la négritude aceusée de racisme. Mais il répond qu'elle est simplement «la prise de conscience d'etre noir, ce qui implique la prise en charge de son destin, de son his-toire et de sa culture», et débouche sur la solidarita et la fraternitě humaines, et sur l'universel. Loin du racisme, e'esi un humanisme. A propos du surrealisme, il rcconnaJt Pinfluence sur son ceuvre d'un certain nombre de poětes francais: Mallarmé, Baudelaire, Rimbaud, Lautréamont, Claudel... et bien súr des surréalistes. Mais il a utilise le surrealisme comme une technique, pour explorer son «moi profond», «son moi africain» et libérer les Antillais de Palienation coloniale. (D'ailleurs, il y renoncera partiellement pour se faire mieux compren-dre.) De méme, s'il a fait uti bout de chemin avec les communistes, c'est qu'a Pépoque, c'etaient les seuls á traiter les noirs comme des hommes, mais il veut que le « marxisme et le communisme soient mis au service des peuples noirs» et non 1'inverse. Cependant, il est critique surtout pour les hesitations de son action politique et les contradictions entre celfe-ci et sa production littéraire. II invoque la prudence: «J'ai évité á mon peuple un bain de sang» dit-il au soir de sa vie. Mais ces scrupules lui ont-ils été dictés par ta méfiance envers le peuple ou par une intime connaissance de ce peuple? On doit cependant reconnaitre cettc generositě, ce profond amour de la justice qui Pont poussé á prendre position en faveur des opprimés, sans distinction de race, ďidéologie ou de sexe (il fut, par exemple, sur les sollicitations de Gisele Halimi, un des premiers signataires du 84 DlCriONNAIRK DES F.CRIVAINS FRANCOPHONES CLASSlQUliS projet de ioi pour 1'avortement). Sa profonde fidélité á la cause qu'il n'a cessé de défendre: la lutte contre la dévalorisation et surtout «l'auto-devalorisation» (G. Suréna) de l'homme noir. Sa fidélité envers son pays aussi, cette petite ile á laquelle il se voulut « aceroché corarae une alguc á son rocher». ceuvre - CEuvres completes, Editions Désormeaux, Fort-de-France, 1976. Tome 1: poěmes, 325 p., T. 2: theatre, 378 p. et T. 3: ceuvrc historiqite et politique, discours et communications, 545 p. - La Poesie, Editions du Seuil, Paris, 1994 (edition complete de S'ceuvre poétique établie par Daniel Maximin et Gilles Carpentier), 2" éd., 2004, 545 p. -Tropiques, réédition de la revue Tropiques, collection complete, Paris, Jean-Michel Place, 1978,2 tomes: T 1, avril 1941-avril 1942,11° l á5;T2, février 1943-septembre 1945, n° 6-7 á 13-14. Poesie: - Cahier d'un retour au pays natal, Edition originale in revue Volontěs n° 20, aoüt 1939, pp. 23-51 ; 2L" éd. bilingue, Brentano, New York, 1947, avec une preface de A. Breton; réed. Bordas, 1947 (avec dessin de W. Lam); version definitive, Presence Africaine, 1956, preface de Guberina. - Les Armes miraculeuses, Paris, Gallimard, 1946. 158 p. - Solei! con coupe, Paris, Editions K, 1948, 123 p. -Corps perdu, Paris, Fragrance, 1949, 123 p. (avec 32 caux-fortes de Picasso). -Ferrements, Editions du Seuil, i960, 92 p., Prix René Laporte. ■ Cadastre: Solei!coit coupé (Principaux poěmes remaniés) et Corps perdu- Editions du Seuil, 1961. 93 p. -Moi, Liminaire, Paris, Editions du Seuil, 1982. 94 p. Theatre: - Et les chiens se tai-saient, Paris, Presence africaine, 1956, 122 p. (d'abord public dans Les Armes miraculeuses). - La Tragédie du roi Christophe, Paris, Presence africaine, 1970. 153 p.; traduite en allemand, italien, anglais, espagnol... - Une Saison au Congo, Paris, Editions du Seuil, collection Points, 1973, 144 p. - Une Tempéte, ďapres La Tempéte de Shakespeare, adaptation pour tin theatre negre. lre version, Paris, Presence Africaine, 1968, 2" modifiée, Paris, Editions du Seuil, collection Points, 1969, 91 p. Essais, discours: - Discours sur le colonialisme, éd. Reclame 1950. 2C éd revue et augmentée, Presence Africaine, 1955, 63 p + nombreuses rééditions en francais ou en langues étran-gěres. - Discours sur le colonialisme suivi de Discours sur la NégritUde. Paris, Presence africaine, 2004, 92 p. - Lettre a Maurice Thorez. Paris, Presence Africaine, 1956. 15 p., préf. d'AHoune Diop; 1957, trad, anglaise. - Toussaint Louverture, la Revolution fran-qaise et le probléme colonial, Paris, Presence africaine, 1962, 3 11 p. réf. - CONDÉ Maryse, Cahier d'un retour au pays natal, Paris, Hatier, 1978, 79 p. (Profil d'une oeuvre, n° 63). - CONFIANT Raphael, Aimé Césaíre: Une Traversěeparadoxals du Steele, Paris, Stock, 1993, 354 p. - HEN AN E René, Glossaire des termes rares dans I'ceuwe tlAitné Césaire. Paris, Jean-Michel Place, 2004, 140 p. - KESTE-LOOT Liliane, KOTCHY Barthéiemy, Aimé Césaire, l'homme et l'ceuvre, precede d'un texte de Michel Leiris, Paris, Presence Africaine, 1973, 223 p. - NGAL M.A.M., Aimé Césaire, im komme á la recherche d 'une patrie, Dakar, Abidjan, Les Nouvelles Editions Africaines, 1975, 237 p. - PRUDENT Lambert Felix, «Aime Césaire : contribution poétique á la construction de la langue maitiniquaise » version initiale donnée oralement au Colloque international "Aimé Césaire á l'ceuvre", 8-9..octobre 2008 (École Normale Supérieure), texte inedit, 19 p. - TOUMSON Roger, HENRI-VALMORE Simonne, Aimé Césaire, le negre inconsolé, Paris, Syros, 1993, 239 p. [Huguette EMMANUEL BELLEM ARE{ C 85 Chamoiseau Patrick P. Chamoiseau est ne le 3 decembre 1953 ä Fort-de-France, en Martinique. Apres des etudes de droit et d'economie sociale en France, il devient travailleur social, d'abord en France (notamment ä la prison de Fleury-Merogis), puis en Martinique. Ses premiers ecrits, publies sous le Pseudonyme d'Abel, sont des bandes dessinees qui paraissent dans deux journaux antillais, Le Naif et M.G.G. (Martinique, Guadeloupe, Guyane). En 1984, il publie, en collaboration avec Tony Delsham, un album, Le retour de Monsieur Coutcha, dans lequel se melent le francais et le creole, prefigurant peut-etre les experimentations linguistiques qui caracteriseront le reste de son oeuvre litteraire. Sa carriere d'ecrivain commence veritablement en .198! avec une piece de theatre: Manman Dlo contre la fee Carabosse: theätre-conte, qu'il illustre lui-meme. Mais il ne rencontre la notoriete que quelques annees plus tard, en 1986, lorsque parait son premier roman Chronique des sept miseres. Celui-ci remporte un succes immediat et le fait connastre ä la fois aux Antilles et en France. L'originalite de ce premier texte reside d'abord dans les choix linguistiques et, tout particuliere-ment, dans I'integration de nombreuses tournures et expressions Creoles, creant une ecriture originale et poetique dans laquelle l'inven-tivite populaire occupe une grande place. En outre, le roman met en scene un monde creole rarement evoque, celui du marche, des «djo-beurs» et des croyances antillaises. Le roman suivant, Solibo Magnifique, qui parait en 1988, s'inscrit dans la meme thematique et donne encore plus d'importance ä la verve creole en evoquant l'univers des derniers conteurs et le monde des bidonvilles. Dans ce roman se developpe l'idee que les pratiques culturelles anciennes constituent le fondement de l'identite insulaire qui se perd avec leur disparition. Les choix linguistiques et thematiques qu'illustrent les premiers romans de Chamoiseau vont devenir les options constitutives d'une nouvelle theorie litteraire et artistique, developpee dans un essai co-ecrit en 1989 avec Raphael Conftant et le linguiste Jean Bernabe, Eloge de la Creolite. Le concept de « Creolite » se presente comme un depas-sement de la negritude d'Aime Cesaire et de l'antillanite d'Edouard Glissant, II ne s'agit plus de penser l'Homme antillais comme un descendant de 1'Afrique, mais comme appartenant ä une societe multicul-turelle et originale, produite par Fesclavage et par la transplantation en Cara'ibe de populations d'origine tres diverses. La notion d'identite, qui 86 DlCTIONNAIRL: DES ÉCRIVAINS FRANCOPHONES CLASSiQUES C 87 est i'une des probiematiques centrales de la pensee antillaise, est recon-sideree et envisagee, non plus en reference a un monde perdu, ma is comme le fruit d'une construction culturelle et plurielle representee par le conteur. Le fondement de cette identite est la culture metisse qui s'est developpee sur !es plantations, dans la rencontre entre les Africains, les Europeens, les Cara'ibes, et s'est enrichie de l'arrivee de nouveaux migrants au cours du xixc siecie. La creolite est la pensee d'une diver-site fondant une societe, qui se reconnait non seuiement dans la langue mais aussi dans l'imaginaire et les pratiques culturelles communes, acceptees comme des agregats. Mais cette approche theorique a ete cri-tiquee, entre autres par Edouard Glissant qui la juge figee et lui prefere le principe plus dynamique d'une «creolisation». La reflexion de Chamoiseau sur la creolite comme principe d'ecriture se poursuit dans plusieurs essais: d'abord Lettres Creoles, ecrit avec Raphael Confiant et publie en 1991, puis, en 1997, Ecrire en pays domine, ou ii retrace sous une forme poetique son parcours de lecteur et d'ecrivain, ses resistances face a la domination linguistique et culturelle de la France et ses decouvertes litteraires. Sa reflexion s'accompagne d'une redefinition du langage qui a pour composantes: la litterature comme heritage, «1'oralite primordiale», «l'oralite Creole», vecteurde cette culture par-ticuliere, «roralite nouvelle», qui est celle des medias et «l'originelle matiere de la Voix». Utilisant ces differents elements, Chamoiseau se qualifie de « Marqueur de paroles » pour evoquer son travail d'ecrivain qui capte ces multiples niveaux de paroles et la fluidite de cette langue qu'il lui faut redessiner sans cesse, car le role de l'ecrivain, a ses yeux, est de retrouver les fondements d'une culture orale a travers les legendes, 1'histoire et la langue. Si le creole est une langue construite par agglomeration, l'identite antillaise Test egalement. Elle s'est enrichie des recits et des souvenirs des differents peupies presents dans les lies. Mais elle s'est surtout constitute dans et par 1'histoire de la colonisation et de 1'esclavage, qu'il faut se reapproprier pour comprendre cette relation au monde si particuliere. Dans ses essais parfois autobio-graphiques, Chamoiseau retrace ainsi sa decouverte et son acceptation d'une identite creole faite d'ajouts et de morceaux, mais qui constitue un ensemble coherent et productif. Ces themes et cette ecriture alimentent sa production romanesque, fondec en partie sur le souvenir autobiographique. La trilogie Une Enfance creole, (Antan d'enfance en 1990, Chemin d'ecole en 1994 et A bout d 'enfance en 2005) retrace la decouverte du monde a travers un regard ďenfant (Prix Carbet de la Carai'be en 1993). Le travail de mémoire et son analyse accompagnent le récit grace á une parole scconde.qui interpelle directement le «négrillon» et commente ses souvenirs. Cette recreation de 1'enfance par 1'écriture participe également á la reflexion sur la Créolité, en soulignant comment l'identite de I"f lomme antillais est inscrite dans son lieu de vie, dans 1'histoire du méttssage et dans la culture populaire qui s'est créée dans le pays et s'est transmise á travers les generations. Les mémes probiematiques se retrouvent dans ses autres romans. Ainsi Texaco, publié en 1992, retrace en une large fresque la vie des ouvriers des plantations descendus vers la ville pour vivre dans des bidonvilles. Soríe de poéme épique, il développe pareillement le thěme de l'cxistence d'une culture et d'une identite creole. Cet ouvrage connait un grand succěs et obtient le prix Goncourt 1'année de sa publication. Biblique des demiers gestes, publie en 2002 présente le méme caractére épique, retracaht la vie d'un vieil homme mourant et entre-croisant ses souvenirs avec ceux de 1 'Tie et obtient le Prix Special du Jury RFO. L'autre veine de la production de Chamoiseau est plus allé-gorique. C'est le cas de L 'Esclave vieil homme et le molosse qui parait en 1997. II s'agit d'un conte dans lequel la fusion du fugitif dans la nature le conduit á retrouver son identité auprěs de la « Pierre-Monde », dans laquelle s'inscrit la mémoire de toute l'iie. Ses deux dernicrs ouvrages, Un Dimanche au cachot, publié en 2007 et Les Neuf consciences du maljini, paru en 2009, abordent également les thěmes du langage et du rapport au monde, de 1'oubli et de la mémoire pro-fonde des Antilles qui est celle de 1'esclavage. Le travail de mémoire entrepris par Patrick Chamoiseau sous differents aspects: mémoire personnelle et mémoire collective, I'a également conduit á travailler á la preservation du patrimoine culture! antillais, notamment á travers la publication de recueils de contes et ďouvrages de photographies, tels que Guyane: Traces-Mémoi res du bagne, public en 1994 avec des photographies de Rodolphe Hammadi. Par ailleurs, son engagement est non seuiement culturel, mais aussi politique, comme Pillustre un recent essai paru en 2007 et co-éerit avec Édouard Glissant, Quand les murs tombent. Vouvrage est une interrogation sur les fondements du Ministére de l'identite nationale et ses supports idéo-logiques, ainsi que sur le risque de voir s'edifier des cloisons identi-taires en France. Dans cet esprit, les deux auteurs cherchent á dévelop-per le concept de « mondialité », pour traduire, tant politiquement que 88 DiCTIONN/VIRE DES F.CRIVAINS FRANCOPHONES CLASSIQUES 89 poetiquement une conception du monde ouvert sur la diversite des cultures ainsi que le respect et la protection des imaginaires populates, condamnes a disparaitre dans le mouvement de mondialisatton. Chamoiseau est un militant de la creolite et d'une litterature qui rend compte des particularites de cette culture longtemps negligee, entre la nostalgic de l'Afrique et la domination culturelle francaise. Cependant, en veritable styliste, il a cree une ecriture luxuriance et un univers roma-nesque oscillant entre le conte, le realisme popuiaire et la reflexion phi-losophique et qui depasse le champ theorique de la creolite. Son ceuvre, reconnue et distinguee, par differents prix litteraires est etudiee dans de nombreuses universites tant en France qu'ä l'etranger et fait dejä l'ob-jet de theses et de colloques. A ce litre, eile fait partie des classiques de la litterature antillaise ä laquelle elle a ouvert de nouvelles perspectives. OEUVRE Romans: - Chronique des sept miseres, Paris, Gallimard, 1986,221 p. - Solibo magnifique, Paris, Gallimard, 1988, 1991,243 p. - Aman d 'enfance, Paris, Hatier, 1990; Gallimard, 1993 ; reed., Une Enfance Creole I, Anton d 'enfance (avec une nouvelle preface), Paris. Gallimard, 1996, 164 p. - Texaco, Paris, Gallimard, 1992, 1994, 494 p. -Chemin d'ecole, Paris, Gallimard, 1994, 188 p.; reed. Une Enfance create II, - Chemin d'ecole, Gallimard, 1996, 183 p. - L'Esclave vied komme ei le motosse, Paris, Gallimard, 1997, 146 p. - Biblique des derniers gestes, Paris, Gallimard, 2002, 867 p. -A Bout d'enfance, Paris, Gallimard, 2005, 283 p.; reed. Une Enfance create III A bout d'enfance, Gallimard, 2006, 202 p. - Un Dimanche an cachot, Paris, Gallimard, 2007, 355 p. - Lev Neu/ consciences du malfini, Paris, Gallimard, 2009, 241 p. Nouvelles et contes: - "Le dernier coup de dent d'un voleur de banane" et "Que faire de la parole ? Dans la tracee mysterieusc de l'oral a 1'ecrit". Ecrirc la «parole de null»; la nouvelle lit-teraire antillaise, Paris, Gallimard, «Folio essais», 1994, pp. 29-38; pp. \5\-\5%.-Au temps de l'antan: contes du pays Martinique, Paris, Hatier, 1988, 101 p. Theatre: Manman Dlo contre la fee Carabos.se (theätre-conte.) (texte), Paris, Editions Caribecnnes, 1982, 143 p. Litterature de jeunesse: - Emerveilles (illustrations de Maure), Paris, Gallimard jeunesse, 1998, 127 p.-Le Commandern d'une pluie, suivi de L 'Accra de la richesse (illustrations de William Wilson), Paris, Gallimard, 2002, 40 p. Essais: - Eloge de la creolite (avec Jean Bemabe et Raphael Confiant), Paris, Gallimard, 1989, 1993, 69 p. - Lettrex Creoles. Tracees antillaises et continentales de la litterature: Haiti, Guadeloupe, Martinique, Guyane: 1635-1975. (avec Raphael Confiant), Paris, Hatier, 1991, 225 p. - Ecrire en pays domine, Paris, Gallimard, 1997, 316 p. - Quand les murs lambent. L'idenlite nationale hors-la-loi? (avec Edouard Glissant), Paris, Galaade, 2007,26 p. - L 'inimitable beaute du monde. Adresse ä Barock Obama (avec Edouard Glissant), Paris, Galaade, 2009, 57 p. REF. - AUZAS Noemie, Chamoiseau au les voix de Babel, Paris, Imago, 2009, 301p.-MCCÜSKER Maeve, Patrick Chamoiseau: Recovering Memory, Liverpool, Liverpool University Press, 2007, 184 p. - M1LNE Lorna, Patrick Chamoiseau; espaces d'une ecriture antillaise, New York/Amsterdam, Rodopi, 2006, 226 p. - PERRET Delphine, La Creolite. espacede creation, 2001, Matoury, Guyane, Ibis Rouge Editions, 313p.- RÉJOUIS Rose-Myriam, Veillěes pour les mots; Alme Césaire, Patrick Chamoiseau et Maryše Candě, Paris, Karthala, 2005, 129 p. - Site: ile.en.ile: Chamoiseau par Roy Caldwell. [Marie-France BISHOP| C HAU VET (VÍEUX) Marie M. Chauvet est née le 16 septembre 1916 á Port-au-Prince d'un pere haítien, Constant Vieux, appartenant ä la bourgeoisie mulätre, ancien sénateur et ambassadeur, et d'une mere antillaise, originaire des lies Vierges, Delia Nones. Elle fait ses études á i'Annexe de 1'École Normale ďinstitutrices et obtient son brevet clémentaire en 1933. Trěs tot attirée par 1'écriture, eile entend s'y consacrer, au grand étonnement de son milieu. Elle n'aura ďailleurs, tout au long de sa vie, ďautre acti-vité que celle de la creation littéraire. Aprěs un premier manage avec le docteur Charlier, elle épouse en 1938 un homme d'affaires haítien, Pierre Chauvet. Au debut des années 1960, elle entretient avec les poětes du groupe «Haiti littéraire» ďétroites relations, que Anthony Phelps qualifie de «rare amitié »; elle les recoit souvent dans sa maison de Bourdon á Port-au-Prince. Les cinq membres du groupe - Davertige, Philoctéte, Phelps, Morisseau, Legagneur......., y écriront collectivement pour elle, en 1963, un poéme: « Que meure la chanson de la mort» (présenté dans son intégraiiíé sur le site: ile.en.ile). Elle aborde les genres les plus divers, le theatre au debut, puis le roman dont elle explore les diverses facettes: roman psy-chologique avec Fille ďHaiti et Amour, Colěre et Folie, litterature du terroir avec Fonds des Něgres, roman historique avec La Danse sur le Volcan jusqu'ä son dernier ouvrage, Les Rapaces, publié á titre pos-thume sous son nom de jeune fille, Marie Vieux, qui se présente sous fonne de fable sur le role de Pécrivain. Cette oeuvre riche et variée en fait une des voix mattresses de la litterature hai'tienne, par la diversite des themes traités, la complexité du dessin de certains caractěres, la virulence de la critique sociale autant que par la modernito de 1'écriture, lieu d'un travail dont Yannick Lahens note quelques caractéristiques; «l'emploi duje et ses décalages successifs», «l'emploi du present et du monologue interieur», «l'al-ternance de differents types de narration», «le jeu des points de vue». Elle a étč aussi, comme l'ecrit F. Laraque un des «gardiens vigilants de 106 Dl; \:i-M Di:« I-X'RIVAINS [RANCOPHONES Cl.ASSiQUES c 107 depuis 1988, inhume ä Casablanca. Le 28 juin 2008, la ville de Crest a donne son nom ä Tune de ses rues. CEUVRE Romans: Le Passe simple, rced. Denoel, coli. «Relire», 259 p.; reed, (iallimard. Folio, 272 p. - Les Baues, Paris, Denoel, 193 p. - L'Äne, Paris, Denoel, 1956, 117 p. - De Ums les horizons, Paris, Denoel. 1958, 153 p. - La Foule, Paris, Denoel, 1961, 215 p. -Succession ouverte. Paris, Denoel, 1962, 184 p. - Un Ami vien-dru vom voir, Paris, Denoel. 1966. 208 p. - La Civilisation ma mere I Paris, Denoel, 1972, 583 p.; reed. Gallimard. Folio, 1988, 192 p. - Mart du Canada. Paris, Denoel, 1974^ 197 p. - Une Enquete au pays, Paris, Denoel, 1981, 217 p. - La Mere du prin-temp's: L'Oum-er-Bia. Paris, Denoel, 1982, 213 p. - Naissance ä taube, Paris, Le Seuil, 1986, 185 p. - L'lnspccteur Ali, Paris, Denoel, 1991, 218 p. - Une Place au soleil Paris. Denoel, 1993. - L 'Homme du livre, Paris, Balland, collection « Le Nadir», co-edition, Casablanca, Eddif, 1995, 101 p. -L'Inspecteur Aliä Trinity College, Paris, Denoöl, 1996, 160 p. - L'lnspccteur Ali et la CJ.A, Paris, Denoel, 1997, 192 p. -L 'Homme qui venait du passe, Paris, Denoel, 2004. 300 p. Essai et autobiographic: -Vu. hi, entendu, Paris, Denoel, 1998, 168 p. - le Monde ä cöte, Paris. Denoel. 2001, 211 p. Productions ä FORTF: - Series: Resonances spirituelles: Visages de I Islam (25 mai au 7 septembre 1959}- Connaissances du monde (2 novembre 1959 au 18 Janvier 1960) - Usage de la parole (25 fevrier au 27 mai 1963) - Hommages ä Own Kalsoum (7 aoCit 1967), Mouloud Feraoun (26 avril 1967), Ahmed Sefrioui (13 juin 1971), --Adaptations diffusecs entre le 30 ociobre 1961 et le 27 novembre 1981 : Les Restes. Succession ouverte, l'Aue, Le Monde d cöte, Le Don paisihle (M. Cholokhov), Le Vieit komme et la mer (E. Hemingway), La Foule, La Civilisation ma mere!, Un ami viendra wits voir, Le sac, L Homme aux lions. - Adaptations radiophoniques du theatre et du roman alricains du 21 novembre 1964 au 12 Janvier 1969 dont Wole Soyinka, Mongo Beti, Jacques Rabemananjara, Sembene Ousmane, Birago Diop, Olympe Bhely-Quenum. rö=. - DE LA BAT IE Bernadette Dejean, Les ramans policiers de Driss Chraibi. Representation du feminin et du masculin, Paris, LTIarmatlan, 2002, 229 p. - FOL!ET Jeanne, Driss Chraibi en marges, Paris. L'Harrnattan. 1999, 268 p. - GANS-GUI-NOUNE Anne-Marie, Driss Chraibi. De l'impuissance de l'enfance « la revanche de iecritwe, Paris, L'Harrnattan, 2005, 316 p. - KADRA-HADJADJI Houaria, Contestation et revolte dans l'wuvre de Driss Chraibi, Paris, Publisud, 1986, 354 p. -http://www.bibliomonde.com/auleur/driss-chraibi-97.htiril [Soumeya BOUANANE| CONDÉ Maryse Maryše Condé (née Boucolon) est née a Pointe-ä-Pitre le 11 février 1937. Aprěs une enfance et une adolescence cn Guadeloupe, eile pour-suit ses études au lycée Fénelon á Paris, puis á la Sorbonne en lettres classíqucs, et découvre parallělement la littérature anglaise. Son arrivée cn France et la lecture du Cahier ďun retour au pays natal ďAimé Césaire marquent ia prise de conscience de sa couleur et de ses enjeux, jusque-já ignores au sein d'une famille ancrée dans l'assimilation, comme eile le raconte dans Le Coeur á rire et á pleurer, contes vrais de mon enfance, son seul texte autobiographíque. En 1960, eile rencontre Marnadou Condé, comédien guinéen qu'elle épouse et suit en Guinée: eile y enseigne et se specialise dans la littérature orale de 1'Afnque de l'Ouest. L'experience n'est pas celle, espérée, ďun retour á 1'AfVique ďorigine mais celle de 1'isolement culturel dans un pays en proie aux problěmes de 1'indépendance. Aprěs son divorce, eile prolonge toutefois son experience africaine, au Senegal et au Ghana essentieliement, avec ses quatre enfants. Son retour á Paris en 1972 marque le debut de 1'écriíure, d'abord théátrale. Aprěs avoir repris ses études et soutenu une these de troi-siěme cycle, avec René Étiemble, en 1976 - « Stereotype du Noir dans la littérature antillatse. Guadeloupe, Martinique» eile se lance dans Técriture romanesque tout en maintenant une activité critique. Remariée ä Richard Philcox, il deviendra le principal traducteur de ses romans. Parallělement, eile est chargée de cours á Nanterre et Paris IV, de 1980 ä 1985, année oů eile est invitee á enseigner aux États-Unis, á Berkeley, en Californie, pour un an. Aprěs avoir répondu aux propositions successives de 1'université de Virginie, du Maryland et de Harvard, eile s'installe ä New York ou eile accepte un poste á Columbia en 1995. Elle y dirige alors le Centre d'Etudes Francaises et Francophones dans lequel, comme dans ses cours, eile investit beau-coup ďénergie pour promouvoir la littérature francophone: s'« il y a une sorte de mythe qui fait croire que FAmériquc est trés ouverte aux études caribéennes/francophones, ce n'est pas tout ä fait exact. Elle est certes plus ouverte que ia France, mais une bataälle constante [est nécessaire] pour imposer notre speeificite», {Africultures, n° 44, 2002). Cest cette liberie qu'elle dit avoir trouvée et appréciée aux États-Unis: une plus grande souplesse dans l'enseignement mais aussi, sur le plan personnel, une sorte d'independance identitaire en tant que Guadeloupéenne libérée du rapport á la metropole et aux assignations qui lui sont inhérentes. Parallělement á cette vie amérícaine, eile retourne, děs 1985, en Guadeloupe oů eile achěte une maison ä Ivlontebello. Commence alors une vie d'allers-retours marqués par quelques escales parisiennes mais aussi des détours par la Hofiande, 1'Indonésie, FAfrique du Sud, le Japon. 108 DktiONNAIRE des ecrivains francophones classiques c 109 Contrairement ä d'autres ecrivains caribeens, si Maryse Conde a sympathise avec des mouvements politiques (dans les annöes quatre-vingt, eile a participe ä une Campagne electorate avec FUnion Populaire pour la Liberation de la Guadeloupe), eile n'est pas engagee dans un parti. Son choix premier est celui de F ecriture par laquelle elle explore le passe et le present, interroge 1'heritage historique de l'esclavage et de la colonisation, non pas pour instruire, refusant d/etre «un ecrivain ä message», mais «pour comprendre et supporter la vie et le monde». Fidele ä cette conviction, elle a accepte de presider en 2004 le Comite Pour la Memoire de PEsclavage, nomine par le Gouvernement francais apres l'adoption de la loi Taubira, occasion pour eile de «se forcer ä faire une chose collective qui serve la communaute » dans une perspective qui marque egalement son ecriture: depasser les clivages pour une memoire partagee. Une sante fragilisee et la deception de constater la persistance de divisions Font conduite ä ceder sa place ä Franchise Verges en 2009. Le besoin de soins medicaux mais aussi une sorte de lassitude face ä Pindifference ressentie chez les Guadeloupeens pour son travail litteraire (temoins des relations tendues qui ont jalonne ses vingt-deux annees sur File) ont egalement decide de son depart de Guadeloupe en 2007. A Forigine de nombreux colloques internationaux, de la creation du Prix des Ameriques insulaires et de la Guyane qui recompense le meiF leur ouvrage litteraire antillais quelle qu'en soit la langue, Maryse Conde a pris sa retraite en 2002 de FUniversite de Columbia dont elle est professeur emerite. Le titre des melanges offerts, ä cette occasion, ä « cette figure des lettres antiilaises », Une nomade inconvenante, reflete parfaitement sa biographie et sa production litteraire et critique, lconoclaste, refusant route categorisation, son ecriture se caracterise par une dimension ironique, voire subversive, qui deconstruit les stereotypes, refuse le couple dialectique France-Antilles, portant un regard critique sur les resurgences de FHistoire, comme sur la societe guade-loupeenne, bousculant la definition et les acteurs de la litterature antil-laise, comme dans cet important article «Chercher nos verites» publie dans Penser la creolite en 1995. Quant ä la question de la langue qui traverse la litterature antillaise, eile s'en affranchit, rejetant Fopposition binaire du creole et du francais, « heritage de Fobsession coloniale», et affirmant simplement« ecrire en Maryse Conde». La dimension intertextuelle, autre constante de son ecriture, temoigne, par ailleurs, d'une volonte de s'inscrire, quitte ä la construire, dans une tradition litteraire autre que celle du centre, sans I'exclure. La capacite de Maryse Conde a diaioguer avec d'autres ecrivains tout en donnant une oeuvre d'une grande originalite est, en effet, une de ses grandes forces. Ayant decouvert, lors de ses etudes supe-rieures, Virginia Woolf et les soeurs Bronte notamment, elle publie ainsi, en 1995, une reecriture « caribecnne » du celebre roman d'Emily Bronte, Les Hants de Hurt event: La Migration des azurs. Nomade, son ecriture Fest aussi par les genres adoptes, les epoques et les lieux figures, reflets d'un questionnement de FHistoire et identi-taire qu'elle s'attache, par ailleurs, a transmettre aux jeunes generations en consacrant une part importante de sa production a la litterature de jeunesse. Ses trois premiers romans, en effet, sont ancres en Afrique. Les deux premiers, mettant en scene Fexperience decevante de deux jeunes Antiilaises en Afrique, n'ont rencontre qu'un tiede accueil de la critique, sans doute trop avant-gardistes de la part de celle que les auteurs de Lettres Creoles presentent comme I'ecrivaine avec laquelle «le miroir africain dans lequel se regardent maints intellectuels antillais s'est brise [pour] un rapport plus adulte, plus detache et plus en adequation avec le reel». Segou, saga historique en deux volumes, a marque le debut de la reconnaissance et de la notoriete. Dedicacee a « mon ai'eule bambara », elle offre un travail de reconstitution historique roma-nesque considerable, tout en rejetant la dimension mythique. En 1986, Moi, Tituba, marque le tournant vers ['inspiration ameri-caine. Les romans suivants conserveront ce nouvel ancrage geogra-phique entre Antilles et Etats-Unis mais FAfrique reste souvent en arriere-plan. Moi, Tituba manifeste egalement un changement de ton qui se traduit par un affranchissement du genre historique. Reven-diquant le droit a Fimaginaire dans Fapproche de FHistoire, Fironic constitue une autre fonne de distanciation de I'ecrivaine par rapport aux faits passes ou presents. Dans Celanire cou-coupe, inspire d'un fait divers contemporain, I'ecrivaine s'affranchit meme du reel, comme Fannonce la mention « roman fantastique ». Traversee par les questions de Fexil, de la memoire, de Forigine, Fceuvre temoigne qu'au questionnement identitaire se substitue la notion d'identite. Cette production, que completent des essais litteraires, a ete de nom-breuses fois primee, d'abord par le Grand Prix litteraire de la femme en 1987. Cette consecration n'a, depuis lors, cesse de croitre: Prix de FAcademie Fran9aise, pom La vie scelerate, Prix Literatur (Ailemagne), pour Segou: Les murailles de terre, Prix Carbet de la Caraibe, pour I 10 Di IM i\\ V.ki OES ÉCRIVAINS FRANCOPHONES CLASS1QUBS C III Desirada, Prix Marguerite Yourcenar (decerne ä un ecrivain de langue francaise vivant aux USA), pour Le Coeur ä rire et ä pleurer, Prix II urston, pour Who Slashed Celanire 's Throat ?, Trophee des Arts Atro-Caribeens (catcgorie fiction), pour Les belles tenebreuses, Prix Tropiques, pour Victoire, des saveurs et des mots. En 1993, eile a aussi ete la premiere femme ä recevoir, pour l'ensemble de son ceuvre, le Prix Puterbaugh, decerne aux Etats-Unis ä un ecrivain de langue francaise et espagnole. Elle est, par ailleurs, membre honoraire de l'Academie des Lettres du Quebec, Commandeur de 1'Ordre des Arts et des Lettres, et Chevalier de la Legion d'Honneur, CEUVRE Romans: Heremakhonon, Paris, Union Generale d'Editions, 1976, 312 p.; nou-velle edition, En Attendant le bonheur, Paris, Seghers, 1988, 243 p., [Heremakhonon, trad. Richard Philcox, 1982] - UneSaison ä Rihata, Paris, Laffont, 1981, 214 p. - Segott : Les murailles de terre, Paris, Laffont, 1984, 487 p. [Segu, trad. Barbara Bray, 1987] -Segou: La terre en miettes, Paris, Laffont, 1985,426 p. [The Children ofSegii. trad. Linda Coverdalc, 1989].....Moi, Tituba, sorciere... Noire de Salem, Paris, Mercure, 1986,276 p„ (/, Tituba, Black Witch of Salem, trad. Richard Philcox, 1992)......La vie scelerate, Paris, Seghers, 1987, 345 p. {free of Life, trad. Virginia Reiter, 1992] - Traversee de la mangrove, Paris, M ereil rc, 1989,265 p. [Crossing the Mangrove, trad. Richard Philcox, 1995] .....Les Derniers Rois Mages, Paris, Mercure, 1992, 304 p. [The Last of the African Kings, trad. Richard Philcox, 1997] - La Colonic du Nouveau Monde, Paris, Laffont, 1993, 256 p. - La Migration des cwurs, Paris, Laffont, 1995, 336 p. [Windward heights, trad. Richard Philcox, 1998] - Desirada, Paris, Laffont, 1997, 280 p., [Desirada, trad. Richard Philcox, 2000] - Celanire cou-coupe, Paris, Laffont, 2000, 248 p. [Who slashed Celanire's throat?, trad. Richard Philcox, 2005].....La Belle Creole, Paris, Mercure, 200.1, 252 p. - Histoire de la femme cannibale, Paris, Mercure, 2003, 316 p. [The Story of the Cannibal Woman, trad. Richard Philcox, 2007] - Les Belles tenebreuses, Paris, Mercure, 2008,292 p. Recits: - Le. Contra rire et dpleurer, contes vrais de monenfance. Souvenirs de mon enfance, Paris, Laffont, 1999, 135 p. [Tales from the Heart: True Stories from my Childhood, trad. Richard Philcox, 2001] ..... Victoire, des saveurs et des mots, Paris, Mercure, 2006, 254 p. Nouvelles: "Trois femmes ä Manhattan", in Presence Africaine, n° 121-122, 1982, [Trad, en anglais, 1991] - "Ayisse", in Jacqueline Leiner (ed.), Solei! Mate: Melanges offerts a Aime Cesaire ä / 'occasion de son soixante dixieme anniver- saire, Tübingen, Gunter Narr Verlag, 1984.....Pays mile, Paris, Hatier, 1985, 123 p.; nou- vellc edition augnicntee, Paris, Laffont, 1997, [Land of many colors; and Nanna-ya, trad. Nicole Ball, 1999] - "No Woman, No Cry", in Le Serpent ä Plumes, n° 13, Paris, Le Serpent a plumes/Editions, 1995, p. 37-67. Theatre: -Dieu nous I 'a donni, Paris, Pierre Jean Oswald, 1972, 75 p. - Mart d 'Oluwemi d 'Ajumako, Paris, Pierre Jean Oswald, 1973, 58 p. - Pension les Altes, Paris, Mercure, 1988, 126 p. - An Tan Revolisyon: Elle court, eile court la liberie, Guadeloupe, Conseil Regional, 1989, 46 p. - Comme deuxfreres, Carnieres-Morlanwelz (Bclgique), Lansinan, 2007, 35 p. - Lafaute ä la vie, Carniercs-Moiianwelz (Belgiquc), Larssman, 2009, 41 p. Litterature de jeunesse: - Victor et les barricades, mJe Bouquine, n° 61, mars 1989. - Haiti cherie (illustrations dc Marcelino Truong), Paris, Bayard, 1991; reed, sous le titre Rives amers, Paris, Bayard Jeunesse, 2001. 80 p. - Hugo le terrible, Saint-Maur-dcs-fosses, Sepia. 1991, 127 p. T La Plattete Orbis (illustrations de Letizia Galii), Pointe-á-Pitre, Jasor, 2002, 98 p. - Savannah blues, in Je Bouquine, n° 250, novembre 2004, S28 p. - Chiens fous dans la brousse, in Je Rouquine, n° 268,juin 2006, 89 p. -A la Courbe du Joliba, illustrations de Letizia Galli, Paris, Graeset-Jeunesse, 2006, 89 p. CEUVRE CRITIQUE - La Litterature africaine et la litterature antillaise d'expression francaise, Accra, Ghana institute of Languages, 1966, 150 p. - La Poesie antillaise, Paris, Nathan, 1977, 96 p. ■•- Le Roman antillais, Paris, Nathan, 1977, 2 vol, 158 p. - La Civilisation du bossale. Reflexions sur la litterature orale de. la Guadeloupe et de la Martinique, Paris, FHarmattan, 1978, 70 p. - Profil d 'une aiuvre: Cahier dim retour au pays natal, Paris, Hatier, 1978, 79 p......La parole des femmes: Essai sur des romancieres des A ntiltes de langue francaise, Paris, 1' H armattan, 1979, 136 p. -1 'Heritage de Caliban, essais sur la litterature antillaise francophone, Pointe-a-Pitre, Jasor, 1992, 287 p. - Penser la créolitě, co-direction avec M. Cottenct-Hage, Paris, Karthala, 1995, 320 p. RÉF. - COTTENET-HAGE Madeleine et MOUDILENO Lydie (dir.), Maryse Condi: une nomade inconvenante. Melanges offerts á Maryse Condi', Jarry (Guadeloupe), Ibis Rouge. 2002, 190 p. - MEKKAWI Mohamed. Maiyse Condi: Novelist, Playwright, Critic, Teacher: An introductory Biobibliography, Washington, Howard University Libraries, Í990. - PFAFF Francoise. Entretiens avec Maryse Condi, Paris, Karthala, 1993, 203 p. (Trad. University of Nebraska Press, 1996). - L 'CEttvre de Maryse Condi ; Questions et réponses á propos ďune icrívaine poliťtquemenl incorrecte, Paris, UHarmattan, 1996, 268 p. [Marie FREMIN] CONFIANT Raphael Raphael Confiant est ne en Martinique, au Lorrain, en 1951, dans une famille d'instituteurs. II se rend en metropole pour ses etudes supe-rieures et etudie les sciences politiques, 1'anglais et la linguistique a l'Universite de Provence. Defenseur de !a langue et d'une identite Creoles, des les annees 1970, il participe, de (977 a 1981, a son retour en Martinique, au premier journal entierement en Creole, Grifa te. Ses premiers ecrits paraissent dans les "Supplements a Grifan te". C'est ainsi que sont publics, dans le supplement au n° 33, en 1979, Jik deye do bondye, un recueil comportant quatre nouvelles, et au n° 58, en 1981, Jo bare, un recueil de poemes. Militant actif de la cause du creole, Confiant choisit d'ecrire uniquement en creole jusqu'en 1988. I! publie trois romans et de petites pieces plus courtes: le premier roman, Bitako-a, parait en 1985 (Editions du GEREC), suivi par Kod yanm en 1986 (Editions K.D.P., e'est-a-dire "Kreyol pou divini peyi-a": le creole pour 1'avenir du pays), et enfm DlCTlONNAiRK DliS IÍCRÍVAINS 1 'RANCOi'HONKS CLASSIQUES c 113 Marisosé en 1987 (aux Presses Universitaires Creoles). En 1997, ilpublie de nouveau des nouvelles en créole chez PHarmattan, sous le titre: Ora lavi: nyouz, accompagnées de leur traduction francaise (Á ji eur de vie: nouvelles). Dans les années 1990, ses premiers romans sont traduits en. francais: une traduction de Marisosé par Confiant lui-méme est éditée sous le titre MamzeUe Lihellule en 1995, suivie la méme année par Le gouverneur des dés (Kód Yanm), dans une traduction de Gerry L'Etang. Actuellement Raphael Confiant est maitrc de conferences á PUniversitě des Antilles et de la Guyane, et milite pour la reconnaissance du créole comme langue ďenseignement (le CAPES de langue régionale avec option créole a été créé en 2001). Romancier, essayiste et enseignant, son ceuvre s'articule autour de trois grands axes complémentaires. Son premier domaíne de creation est lié á fa linguistique. Depuis la fin des années 1970, Confiant participe aux travaux de Jean Bernabé dans le cadre du GEREC (Groupe d'Etudes et de Recherches en espace créolophone, fonde en 1975), dont il est actuellement directeur adjoint. Les recherches de ce laboratoire concement Pécriture et Pcnseignement de la langue créole. Ces travaux ont abouti au systéme de graphic dit« graphie-GEREC » ou «graphie-Bernabé». Con-tribuant á Penseignement de la langue créole, Raphael Confiant a publié différents ouvrages dont un guide, La Version Creole (2001), et a mis en ligne un dictionnaire pour le KAPES KREYOL (CAPES créole). Toutefois, Confiant ne s'interesse pas uniquement á la diffusion, mais également á Penrichissement du créole. Cela passe d'abord par Pintroduction de néologismes. Ainsi ses derniers romahs en créole sont suivis d'un court glossaire,« Paw61něf» (Néologismes), dans leque! ses creations sont classées par ordre alphabétique et traduites en créole "usuel". II a également publié un Dictionnaire des Néologismes Creoles - PawolNef, en 2000, chez Ibis Rouge (Guadeloupe). D'autre part, il contribue á des propositions en matiěre de lexique dans divers journaux (Antilla, Karibel...) pour développer notamment un vocabulaire technique en créole. Le second axe de Pceuvre de Confiant est celui de la théorie littéraire. Avec Jean Bernabé et Patrick Chamoiseau, il public, en 1989, Éloge de la créolité. Cette théorie repose sur un ensemble de choix esthétiques et linguistiques qui supposent la possibilité de trouver une écriture cari-béenne, mariant ie francais et le créole. L'ambition de cette écriture est de rendre compte de Pexistence ďune identito particuliére, liée á Phis-loire des Petites Antilles et de Pesclavage. Pour les trois théoriciens de la creolite, la memoire effacee par Pheritage francais est a reconstruire car die fonde une culture Creole specifique, caracterisee par le metissage et crigee sur un riche imaginaire. En son centre se trouve Phistoire de la colonisation et des plantations, souvent occultee, a redecouvrir et accepter. Cette culture, essenticllcment orale, induit une ecriture qui emprunte a Poralite et au conte un certain nombre d'elements, constituant ainsi une nouvelle forme d'oraliture. Si les detracteurs de la Creolite y voient un nationalisme deguise et une conception figee du metissage, E. Glissant, auquel Chamoiseau et Confiant se referent dans leur theorie, prefere le terme de « Creolisation », plus ouvert sur Pidee d'un processus en cours devolution, voire de mondialisation. R. Confiant a publie d'au-tres ecrits theoriques, Lettres Creoles. Tracees antUlaises et coniinen-tales de la litterature, ecrit avec P. Chamoiseau et paru en 1991, est un essai sur la litterature antillaise de 1635 a 1975. En 1993 parait une bio-graphie tres polemique d'Aime Cesaire, Aime Cesaire, une traversee paradoxale du siecle, dafis laquelle il critique certains choix politiques et theoriques, ainsi qu'une absence de prise en compte du «sentiment national martiniquais». Cette reflexion et ces analyses s'enrichissent aussi des traductions que fait Confiant d'ceuvres en anglais de la Jama'ique et du Creole martiniquais. Le troisieme axe de creation chez Raphael Confiant est celui de la fiction, a travers laquelle il met en ceuvre ses conceptions esthetiques et linguistiques. Le negre et I'amiral, paru en 1988, est son premier roman en francais et recoil le Prix Antigone. II marque, avec le roman de Patrick Chamoiseau, Chronique des sept miseres, les debuts de la reflexion sur la Creolite. Confiant recoil le Prix Novembre en 1991 pour Eau de Cafe, le Prix Casa de las Americas ^wx Ravines du devant jour en 1993 et le Prix Carbet pour L 'Alice des soupirs (1994) en 1995. On peut signaler aussi panra ses nombreuses publications, Le cahier de romances paru en 2000. Les recits de type autobiographique soulignent Fancrage du jeune enfant dans la societe antillaise, dans ses traditions et son imaginaire. La forme autobiographique apparait comme une illustration de la quete des ori-gines, une facon de retrouver a travers sa propre memoire celle du monde Creole. En outre, le travail de fiction de Confiant s'attache a devoiler les memoires oubliees de la vie des plantations, comme dans Regisseur de Rhum (1998), ou a decrire le monde fortement metisse des petites gens et des petits metiers, comme dans Le meurtre du Samedi Gloria (1997) ceuvre pour laquelle, il obtient, en 1998, le Prix RFO. Cet univers fic-tionnel est marque par Pimaginaire antillais et fortement ancre dans la DiCTIONNAIRK DĽS ĽCRIVA1NS FRANCOPHONES CLASSIQUES C 115 société et l'histoire de Sa Martinique. Son écritiire, á l'instar de celíc de P. Chamoiseau, se caractérise par 1'influence du créole sur le francais, par S'empSoi de tournures, d'un vocabulaire et ďune syntaxe créolisés, proches de la tradition orale inhérente á la culture antillaise. L'ecrivain a eu le Prix des Amériques insulaires et de la Guyane, pour La Parise du chacal, en 2004. Actuellement, Raphael Confiant est considers comme un intellec-tuel provocateur et polčmiste, dont les positions semblent se radicaliser. Děs 1993, la publication de son essai sur Aimé Cesaire suscite la controverse. Mais c'est surtout en 2006 qu'il défraye la chronique en prenant la defense de rhumoriste Dieudonné, accuse ďantisemitisme. Les prises de positions de Raphael Confiant créent un malaise par leur virulence et il est á son tour accuse ďantisemitisme. En 2008, prochc du « Mouvement des Indigenes de la République » (association francaise née vers 2005), il soutient leur appel ä la Marche «decoloniale» du 8 mai. En Janvier 2009, il appelle les gouvernements á rompre toute relation diplomatique avec Israel, qu'il appelle «l'entite sioniste », suite ä la guerre de Gaza de 2008-2009. OEUVRE EN CREOLE - Jik děye do Bondyé (nouvelles), Martinique, Grif An Tc, 1979, 166 p. - Jon Bare (poemcs), Martinique, Grif An Té, 1981, 54 p. - Bitako-a (roman), Schoclchcr, GEREC, Paris, 1'Harmattan, 1985, 156 p. - Kód Yamn (roman), Martinique, K.D.P., 1986, 252 p. - Marisosé (roman), Schoelchcr, Presses Universitaires Creoles, 1987. 221 p. OEUVRE EN FRANCAIS Romans : - Le Negre etI 'Amirat, Paris, Grasset, 1988, 334 p. -Bau de café, Paris, Grasset, 1991, 331 p. - Ravines du devant jour, récit. Paris, Gallimard,« Haute Enfance», 1993, 260 p. - L 'Alleedes soupirs. Paris, Grasset, 1994; Montreal, Memoire d'encrier, 2008, 404 p. - La Vierge du grand retour, Paris, Grasset 1996, 410 p. - Le Meurtre du Samedi-Gloria, Paris, Mercure, 1997, 318 p. - L'Archet du Colonel, Paris, Mercure, 1998, 385 p. Regisseur de rhum, Paris, Écriture, 1998, 379 p. - Le Cahier de romances, Paris, Gallimard, « Haute Enfance», 2000, 247 p. -Brin d'amour, Paris, Mercure, 2001, 329 p. - Morne-Pichevin, Paris, Bibliophanc-Daniel Radlord, 2002, 189 p. Nute ardente, Paris, Mercure, 2002, 355 p. - Le Barbare enchanté, Paris, Écriture, 2003, 308 p. - La Lessive du diable, Paris, Serpent á Plumes, 2003, 162 p. - La Pause du chacal, Paris, Mercure, 2004, 375 p. - Adele et la pacotitleuse, Paris, Mercure, 2005, 346 p. - Case á Chine, Paris, Mercure, 2007, 489 p. - Les Téncbres extérieures, Paris, Écriture, 2008, 425 p. Récits : La Trilogie sucričrc: - Commandern- du suere, Paris, Écriture, 1994, 327 p. - La Dissidence, Paris, Écriture, 2002, 280 p.-Negre inarron, Paris, Écriture, 2006, 210 p. - Black is Black, Monaco, Alphée-J.-P. Bertrand, 2008, 263 p. Nouvelles et courts-récits : - « Mémoires ďun fos-soycur» in Noirdes lies (collectif). Paris, Gallimard, 1995, pp. 73-93. - La Trilogie tro-picale en un volume, Montreal, Memoire d'encrier, 2006, 218p. ~ Bassin des ouragans (posíface de Laurent Sabbah), Paris, Milie et une nuits, 1994, 95 p. - La Savaně des Petrifications, Paris, Mille et une nuits, 1995, 101 p. - La Baignoire de Josephine (post-face de Patrick Chamoiseau), Paris, Mille et une nuits, 1997, 111 p.-La Demiere Java de Mama Josepha, Paris, Mille et une nuits, 1999, 156 p. - «La chute de Louis Augustin, Commandern- de plantation de camie ä sucre cn i'ile de la Martinique», in Paradis Brise, nouvelles des Carai'bes, Paris, Hoebeke, «Etonnanls Voyageurs». 2004, pp. 59-85. Essais, recueils: Eloge de la creollte (avec Jean Bernabe et Patrick Chamoiseau), Paris, Gallimard, 1989, 69 p. - Lettres Creoles. Trades antillaises et continenta/es de la titterature: 1635-1975. (avec Patrick Chamoiseau), Paris, Hatier, 1991, 225 p. - Alme Cesaire, une traverses paradoxale du siede, Paris, Stock, 1993 ; (edition mise ä jour), Paris, Ecriture, 2006, 354 p. Les Maares de la parole Creole (presentation et transcription par Raphael Confiant, photographies de David Demoison, tcxtes rccueillis par Marcel Lebicllc), Paris, Gallimard, 1995, 201 p. -~ Contes Creoles des Ameriques, Paris, Stock, 1995, 406 p. - Dictionnaire des Titim et sirandanes: cievi-nettes et jeux de mots du monde Creole, Kourou, Ibis Rouge, 1998, 327 p. - La Poesie antillaise d"expression ereole de I960 ä nos jours (avec Maryse Romanos), Paris, L'Harmattan, 1998. 239 p. - Dictionnaire des neoiogismes Creoles, Guadeloupe, Ibis Rouge, 2000, 199 p. - La version create, Guadeloupe, Ibis Rouge, «Guide Capes Crcole», 2001, 328 p. - Memwe anfonsiye. ou les quatre-vingt dixpouvoirs des marts, Guadeloupe, Ibis Rouge, «Guide Capes Creole», 2002, 151 p. - Chronique d'un empoisonnement annonce; Le scandale du Chlordecone aux Antilles fhmcaises (1972-1993) (avec Louis Boutrin), Paris, L'Harmattan, 2007, 238 p. - Dictionnaire ereole martiniquais-francais, Matoury, Ibis Rouge, 2007, 2 vol., 1456 p. REF. - CALDWELL Roy Chandler, Jr. «L'Allee des Soupirs, ou le grotesque Creole de Raphael Confiant», Fnmcographies 8, 1999. pp. 59-70, - MOUDILENO Lydie. « Raphael Confiant: entre Le Negre et I 'Amiral», L 't'crivain antillais au miroir de sa lil-terature, Paris, Karthala, 1997, pp. 51 -82. - SPEAR Thomas C. « Les Pedes de la parlure de Raphael Confiant», in Maiyse Condc (dir.), I'Heritage de Caliban, Pointe-ä-Pitrc, Editions Jasor, 1992, pp. 253-263. - SPEAR Thomas C. «L'Enfance Creole; la nouvelle autobiographic antillaise», in Suzanne CROSTA, (dir,) Recits de vie de I 'Afrique et de la Caraibe: Enraeinement, Errance, Exil, Sainte-Foy, GRELCA, 1998, pp. 143-167. (Sources: Delphine PERRET, La creolite, espace de creation, Guadeloupe, Ibis Rouge, 2001; sites internet: Marie-Christine HAZAEL-MASS1EUX, Corns de linguistique ereole, site ilc.cn.ile) [Marie-France BISHOP) COSSERY Albert Né le 2 novembre 1913 au Caire, Albert Cossery est mort ie 22 juin 2008 á Paris. Originaire de Damiette dans le delta du Nil, il est issu d'une famílie levantine aisée de propriétaires terríens, dernier né de quatre enfants. Comme c'était ľusage dans ces families, il fréquente les écoles franchises d'Égyptc, le college des fréres de la Salle puis le lycée Bab-el-louq, de la Mission laíque francaise. Ä ľäge de dix ans, il 1.36 DlCTIONNAIRE DĽS ÉCRIVAINS FRANCOPHONES C1.ASSÍQUES ód. Vents d'aillcurs, octobre 2002, pp. 329-347. - RAUCOURT Jacques, Poětes et poernes, Approches de la poesie de langue jhmcaise, en Afrique noire, lie Maurice, Amities francaises et Hani depuis 1950, Les Cahiers de poesie 1. Paris, éd. Saint-(ieimairí-des-Prés, 1981, pp. 58-60 et 125-133. [Hugueltc EMMAINUEL-BELLEMAREj DIB Mohammed Ne a Tiemcen, en 1920, d'une famille d'artisans tlemceniens de souche, Mohammed Dib est impregne de la culture de sa terre d'ori-gine. Conquise par les Aimoravides a la fin du xie siecle, Tiemcen devient, des le xnc siecle, le centre d'un royaume berbere qui occupe la majeure partie du territoire correspondant a l'Algerie actuelle, et affimie son importance economique et religieuse, pour la propagation de la pensee soufie notamment. Elle se characterise par le dynamisme de ses ecoles theologiques, de ses corporations artisanales et par 1'influence de sa tradition musicale. A onze ans, M. Dib se retrouve seul avec sa mere, ses deux sceurs et son frere suite au deces du pere. II fait ses etudes primaires et secondaires a Tiemcen puis a Oujda, se livre ensuite a divers metiers: instituteur, comptable, interprete, et dessina-teur de maquettes de tapis apres son retour a Tiemcen. Dans 1'hiver 1947-1948, il participe aux rencontres de Sidi Madani pres de Blida aux cotes de Camus, Senac, Ponge, et bien d'autres dont la frequentation confirme sa vocation litteraire; Peu apres, en mars 1947, il publie un premier texte en prose dans Phebdomadaire algerois T.A.M., nouvelle autobiographique oil il se presente comme un garcon solitaire au sein de la grande maison familiale, obsede par la vision d'un double - ce texte inspirera La Grande-maison - et, en avril, dans un numero special de la revue Forge - fondee apres la guerre --, consacre a la jeune poesie nord-africaine, un poeme en vers fibres, «Vega», plus tard insere dans le recueil Ombre gardienne. Parallelement, Dib s'associe aux revues lancees par Jean Senac, Terrasses, Soleil, Sitnoun. Les textes que Dib y publie annoncent I'oeu-vre a venir: une erotique des corps dans «Une apres-midi d'ete» (Soleil, n° 1, Janvier 1950); des types de personnages et des fragments de textes posterieurs dans « Les hommes sans vocation. Oncle El Hadj» (Terrasses, juin 1953). Us revelent un regard poetique porteur d'une vive conscience politique. D 137 Les années cinquante sont celieš de ľ engagement: en 1950, il entre á la redaction ď Alger Rěpublicain et collabore á l'organe du Parti Communiste Algerien, Liberie; en 1952, il est cosignataire du manifeste «Fraternitě algerienne». Ses articles, obéissant á la volonte de souligner des réalités proprement algériennes, Interessent autant la vie intellectuelle et artistique du pays que le quotidien du peuple plongé dans la misěre. Parait alors ía suite romanesque, la « Trilogie Algerie», La Grande maison (1952), Ulncendie (1954), Le Métier á tisser (1957), qui consacre ďemblée Mohammed Dib comme ľécrívain de la cause algerienne puisqu'il y valorise la patrie, la terre, la liberie, et y dénonce ľ oppression du peuple par le colonisateur. En 1955, il a fait paraitre des nouvelles sous le titre/lw Café. J. Déjeux resume les débats qu'a suscités la publication de La Grande maison, dont ľ engagement d'Aragon en faveur de l'auteur děs 1954, initiateur á ses yeiix du roman national en Algérie [Déjeux, 1977, 14] et dont i! preface le premier recueil poétique, Ombre'Gardienne, en 1961. En raison de ses positions, il est expulsé ďAlgérie en 1959 par la police coloniale, et s'ins-talle en France grace, notamment, au souden d'A. Camus, J. Cayrol, A. Malraux et L. Guilloux, Dans les années 1970, aprěs ľindépendance du pays, il représente toujours la voix du peuple opprimé, et ses textes sont considérés comme Pun des moteurs de la liberation nationale [Déjeux, 1977, 16]; il desire [-assembler Algeriens et Francais. II reside en France et fait des séjours aux États-Unis et en Finlande mais garde toujours les yeux fixes sur ľ Algérie et, comme nombre de ses compatriotes, est peu á peu envahi par la deception qui suit la guerre et gagné par ľinquiétude pour le devenir de son pays. En 1999, il declare: «Les auteurs algériens écri-vaient pour les Algériens et les Francais. La barbaric aidant, ils n'écn-roiit bientôt plus que pour les Francais. Pour ceux des Francais qui vou-dront les lire, lesquels ne sont pas si nombreux qu'on le pense.» [in: Algérie Littérature i Action n° 3, 133]. Děs les lendemains de la guerre, il se libére de ľ ecriture realisté et adopte un regard dištancie comme il s'en expiique dans fa postface á Qui se souvient de la mer (1962): décrire ľhorreur dans ses manifestations concretes est la vider de ses traces indélébiles, il faut en atteindre autrement la réelle densité en essayant «d'habiller d'une forme» «les songes, les délires que [ľhomme] nourriten aveugle» [1962, 190]. Ainsi, lieu d'une dimension plus explicitement symboliste dans ľ ecriture, Qui se souvient de la mer constitue un roman «charniere» I 38 DlCTIONN AIRE DES ECRIVAINS FRANCOPHONES CLASSIQUES dans son ceuvre. Bousculant les formes, il se situe dans un nouveau cou-rant qui retoume au passé de PAÍgérie et á ses mythes. Ce roman ouvre la periodě introspective de Pécriture dibienne, Pinscrivant résolument dans tine « écriture de la modernitě » oú «le didactisme de ia misc en texte du reel fait place au lyrisme prospectif qui appréhende un reel multiple et fragmente.» [C. Achour, Anthologie, 1990, 199]. II poursuit néanmoins le combat de facon plus diffuse, fondanfles themes de Pexil, de Pidentité, de la guerre dans la dynamique d'une écriture qui se déroule en explorant ses propres territoires: les mots et leur ordonnan-cement. La coexistence du realisme et du symbolisme constitue la caractéristique de Pceuvre dibienne, tout autant que la contiguíté de la poesie et de la prose. II pretend tněme que la prose lui permet de sortir de P impasse á laquelle le měne nécessairement le travail poétique de la langue. Jacqueline Arnaud cstime que, chez Dib, les fonctions de poete et de romancier, se complětent en coexistant et transmettent egalement la volonté politique et sociále de Pauteur [J. Arnaud, 1986, 220], Les écrits postérieurs y demeurent effectivement fideles: La Danse du mi (1968) participe de la dénonciation, partagée par d'autres ecrivains, du conformisme qui s'installe et il poursuit dans cette voie avec Dieu en Barbarie et Le Maitre de chasse. A nouveau, un roman fait charniére, en 1977, Habel, qui ouvre Pécriture dibienne vers les espaces du Nord, Les romans appartenant la «Trilogie nordique», Les Terrasses d'Orsol (1985), Le Sommeil d'Eve (1989), Neiges de marbre (1990) révělent la voix á la fpis politique et introspective de Pexilé. Le Desert sans dětour (1992) marque un retour vers PAÍgérie á une periodě critique de son histoire, posant la question de Phéritage de Pexperience antérieure et de I'écriture de Pexil. En realitě, par la quěte du «sens premier et définitif de c'haque mot» [Neiges de marbre, 16], ce texte se situe bien dans la continuité de la « Trilogie nordique» et des écrits qui la precedent. Cette quěte, doni Simorgh (2003) est probablement Pexpression métaphorique la plus explicite, constitue en effet Paxe majeur traversant P ceuvre dib i en dans son ensemble, qui se traduit par le va et vient constant, identifié děs les premiers ouvrages, entre le realisme et Pintrospection, et une écriture «en suspens ». L'unite fondamentale de cette importante ceuvre romanesque et poétique est done une reflexion continue surje langage qui conduit á la simplicitě caractérisant le style dibien, surtout dans les textes composes dans les années 1980 et 1990, et se poursuit jusqiPa la mort de Pauteur survenuc á la Celle-Saint-Cloud en mai 2003, juste aprěs qu'il a I D 139 *! achevé les quatre textes composant Laezza (2006) oú il confronie encore I. sa plume á la réalité, dont il met aussi en val eur tout Parbitraire. |; Depuis la «Trilogie Algérie», Dib n'a cessé d'affermir sa reputation IIi de romancier et de poete; nombre de travaux universitaires, d'articles et l ďinterviews lui sont consacrés qui, suivant la courbe créatrice de Pécri- } vain, s'interessent progresstvement á sa recherche sur la langue autant j qu'aux themes manifestant son engagement sociopolitique et á leur J evolution. Des colloques et des numéros spéciaux de revues lui ont été [ consacrés. L'auteur a recu de nombreux prix au cours de sa carriére j poétique. 11 est notamment le premier laureát algérien, en 1994, du Í Grand Prix de la Francophonie de PAcademie francaise pour Pensem- | ble de son ceuvre; en 1998, ie Prix Stéphane Mallarmé est attribué á I L 'Enfant Jazz ainsi que le Grand Prix du Roman de la Ville de Paris á I son ceuvre romanesque. Á Tlemcen a été créée la «Fondation I Mohammed Dib - La Grande maison de Fécriture » qui ceuvre active- j ment á la connaissance de Fécrivain, et il a été Pécrivam ďhonneur du j Salon international du livre á Alger en 2003. Mohammed Dib est un grand classique de ia litterature algérienne I francophone en raison de la diversité, de Pimportance et de P impact I considerable de son ceuvre, qui, traduit en de nombreuses langues, I embrasse plusieurs generations ďécritures, de la litterature dite « enga- gee » aux textes oú prévaut la prose poétique. CEUVRE (dc nombreuses rééditions en France et en Algérie). Romans: - La Grande maison, Paris, Le Seuil 1952, 190 p. - LTncendie, Paris, Le Seuil, 1954, 220 p. Le Metier a tisser, Paris, Le Seuil, 1957, 208 p. - Un Été africain, Paris, Le Seuil, 192 p. -Qui se souvient de la mer, Paris, Le Seuil, 1962, 191 p. Cours sur la rive sauvage, Paris, Lc Seuil, 1964, 159 p. - La Danse du roi, Paris, Lc Seuil, 1968, 204 p. - Dieu en harharie, Paris, Le Seuil, 1970, 218 p. - Le Maitre de chasse, Paris, Le Seuil, 1973, 207 p. - Habel, Paris, Le Seuil, 1977, 188 p. - Les Terrasses d'Orsol, Paris, Sindbad' « La bibliothěque arahe», 1985, 214 p. - Le Sommeil d'Eve, Paris, Sindbad,« La biblio- f| théquc arabe», 1989, 222 p, - Neiges de marbre, Paris, Sindbad. «La bibliothěque '.arabe », 1990, 220 p. - Le Desert sans détour, Paris, Sindbad,« La bibliothěque arabe », |{. 1992, 136 p. [Prix de famine franco-arabe 1992] - L'lnfante maure, Paris, Albin Michel, 1994, 183 p. ■ L 'Aube Ismael (récit poétique), Paris, Tassili Music, 1996, 56 p. Si Diable veut, Paris, Albin Michel, 1998, 229 p. * Les ceuvres completes en cours de réédition, Paris, La Difference, «Minos». Déja publics: Qui se souvient de la mer (2007, 160 p.), Les Terrasses d'Orsol (2002, 224 p.), Le Sommeil d'Eve (224 p.), Neiges de marbre (2003, 224 p.), Le Desert sans dolour (2006, 128 p.), Poesies (éd. Habib Tcngour), Paris, La Difference, «