252 DlCTtONKAIRE DES ÉCRIVA1NS FRANCOPHONES CLASSIQUES L 253 Rabat, Editions Marsam, 1998, J17 p. - Fragments d'une genese oubliee, Grigny, Editions Paroles d'aube, 1998; reed. Rabat, Marsam, 2004, 110 p. - Poemen perissa-hles, Paris, La Difference, 2000, 128 p. - Petit Musee portatifi NcuUly-sur-Seine, Editions Al-Manav, 2002, 67 p. L 'Automnepromet, Paris, La Difference, 2003, 176 p. Les Fruits du corps, Paris, La Difference, 2003; reed. Rabat, Marsam, version bilingue, 2005, 1 12 p......Ruses du vivant, Ncuilly-sur-Seine, Editions Al-Manar, 2004, 60 p. - Ecris la vie, Paris, la Difference, 2005; reed. Rabat, Marsam, 2006, 157 p.-CEuvre poetique I. (Le Regne de barbaric, flistoire des sept crucifies de l'espoii; Sous le bdillon, le poeme, Discours sur la colline urabe, L'Ecorche vifet Tons les dechire-ments), Paris, La Difference, 2006. 464 p. - Mon eher Double, Paris, La Difference, 2007; reed. Marsam, Rabat, 2008, 95 p. - Tribulations d'un reveur attitre, Paris, La Difference; Rabat, Editions Marsam, 2009, 149 p. Theatre: - Le Bapteme chacaliste, Paris, L'Harmattan, 1987, 63 p......Excrcices de tolerance, Paris, La Difference, 1993, 96 p. - Le Jage de t'ombre, Paris, La Difference, 1994, 144 p. - Rimbaud et Sheherazade, (ceuvres theatrales completes), Paris, La Difference, 2000, 304 p. De tres nombreuses traductions de poetes arabes. REF. - ALESSANDRA Jacques, La Brülure des interrogations (entretiens), Paris, L'Harmattan, 1985, 156 p......ALESSANDRA Jacques, Abdellatif Laäbi, traversee de Fwivre, Paris, La Difference, 2008 (reed. Rabat, Marsam, 2009) 159 p. - BOURG Lionel ct FISCHER Monique, Un Continent humain, (entretiens). Grigny, Paroles d'aubc 1997, 122 p. - http://www.laabi.net, site officiel de 1'auteur. [Ludmilla FERME-PODKOSOVA] LAYE Camara Camara Laye est né le 1" Janvier 1928 á Kouroussa, grande bour-gade de Haute Guinée, située sur les bords du fleuve Niger et province qui a oppose une longue resistance á la conquéte franeaise (combats entre les guerriers de Samory Touré et les Spahis du colonel Archinard). Aprés le démantělement du Soudan en 1899, cette province fi.it ratta-chée á la Guinée. L'enfance de Laye se partage entre Kouroussa, oú son pere exerce le metier de forgeron, et Tindican, le village natal de sa mere; elle est marquee par la fíerté d'avoir comme aieul Tabon-Wana Fran Camar, contemporain du tres mythique Roi du Mandc, Soundjata Keita et par son attachement au mode de vie patríarcal de la communauté malinké. La thómatique récurrente du paradis perdu dans son oeuvre y trouvc sa source. Ses etudes primaires se font á 1'école franeaise et, aprěs l'ob-tention du Certificat ďEtudes Primaires, il quitte sa famille et son village pour Conakry pour des etudes techniques au college Poiret. Ses performances scolaires lui valent une bourse pour ia France. II y suit des cours au Centre-Ecole Automobile d'Argenteuil et obtient le diplome ďingénieur. Inscrit au Conservatoire National des Arts et Metiers, il est oblige de travailler pour survivre (ouvrier chez Simca, employe á la R.A.T.P puis á la Compagnie des Compteurs de Montrouge). La solitude et le désarroi qui caractérisent son exil entraí-nent sa venue á 1'écriture. Camara Laye rentre au pays en 1956, au moment oú la majoři té des territoires ďOutre-mer s'engage dans les iuttes ďémancipaťion. Fonctionnaire au Ministěre de l'lnformation aprěs 1'indépendancc, il participe aux affaires jusqu'en 1963. II prend alors ses distances avec le pouvoir en place et s'installe au Senegal avec une partie de sa famille en 1966. Cest á partir de ce lieu d'exil qu'il termine son second roman. Condamné á mort par contumace (Cf. Jeane Afrique, n° 997, 13-02-1980), 1'écrivain guinéen s'est éteint á Paris en 1980 á 1'áge de 52 ans. (1 a éerit quatre romans: L 'Enfant Noir, Le Regard du Roi, Dramoitss, Le Mahre de la Parole Kouma Lafolo Kouma. Le premier a été couronné en 1954 par le Prix Charles Veillon; récit á forte resonance autobiographique, il s'apparente á une réécriture lyrique de l'enfance joyeuse de 1'autcur. Tous les membres de sa famille sont mis á 1'honneur. En veritable paysagisíe, le narrateur reléve toutes les cou-leurs de I'environnement de son enfance, afin ďen faire saisir 1'exuberance et 1'harmonie. Cest aussi un roman initiatique qui retrace 1'itirté-raire du narrateur dans sa quéte du savoir, traditionnel ďabord - auprěs de ses parents qui 1'initient á la cosmogonie malinké -, occidental ensuite, gráce á 1'école qui constituera le premier motif de rupture ďavec sa famille et son écosystěme originel. Le «ton» de L'Enfant Noir a poussé des critiques, en particuiier Mongo Betl, á le qualifier de roman á «l'eau de rose» qui ignore les luttes nationalistes, alors ďactualité en Afrique et en Guinée. 11 est pourtant aisé ďappréhender L 'Enfant Noir comme fonciěrement anti-colonialiste dans la mesure oú, en idéalisant 1'univers malinké préeo-lonial, avec ses totems, ses forgerons, sa quietude bucolique, le narrateur flétrit, trés subtilement il est vrai, mais non sans efficacité, 1'ordre établi par la colonisation, essentiellement perturbateur de la sérénité traditionnelle, profanateur du sacré ancestral et, en definitive, redoutablenient nocif á 1'épanouissement de 1'homme noir. Par ailleurs, fait étonnant pour 1'époque, le romancier suscite un debat autour de 1'école et des études en France. Le consentement immédiat du cóté du pere et les resistances de celui de la měre traduisent la complexité des 254 DiCTiONNAIRE DES ÉCRIVA1NS FRANCOPHONES CLASSIQUES L 255 attitudes et des opinions affichees face a «l'ecole des Blancs», L'ecole occidentale n'a de sens que par rapport a I'usagc et aux missions que chacun lui assigne. C'est fort de cela que L'Enfant Noir de Camara Laye annonce L 'Aventure umbigue de Cheikh Hamidou Kane avec une nette correspondance entre les personnages du pere de Camara Laye et la Grande Royale, progressistes et visionnaires d'une part; la mere de Camara Laye et le mattre des Diallobes, traditiona-listes et mystiques d'autre part. Son pere lui fait promettre qu'il reviendra un jour, certainement pour contribuer au developpement des siens, grace aux savoirs nouveaux qu'il aura acquis des Blancs. Le voyage du narrateur pour la France s'inscrit ainsi dans une dyna-mique : partir, revenir, devenir. Le Regard du Roi, son second roman, est hautement symbolique, d'inspiration mystique et kafka'i'enne, comme le suggere 1'epigraphe extraite du Chateau: « Le Seigneur passera dans le couloir regardera le prisonnier et dira: celui-ci il ne faut pas l'enferrner de nouveau, il vient a moi». Selon Jahn, ce roman, voyage de Clarence dans la foret, est une initiation a la sagesse africaine. Chacune des etapes de ce periple vers le Sud traduit le lent apprentissage qui conduit le heros a une meilleure comprehension de la culture traditionnelle. La thematique du salut y est traitee dans une double perspective, musulmane et chretienne. Le Regard du Roi semble se prefer a plusieurs interpretations. 11 contient la promesse d'une vision expliquant le mystere de l'etre humain. Le roman invite le monde occidental a plus d'humilite face a la double pro-blematique du salut et de la connaissance en vue de mieux integrer le concept de multiculturalisme. Le troisieme roman de Camara Laye, Dramouss, se presente comme la suite de L 'Enfant Noir. De la meme veine autobiographique que ce dernier, les deux ouvrages peuvent etre considered comme un diptyque constituant le texte cle du testament litteraire de Pecrivain. Le recit commence la veille de l'independance guineenne en 1957, et debouche sur l'epoque des independances en Afrique. Le heros du roman, Fatoman, vient de rentrer de France et debarque dans un pays ou les rivaiites qui opposent les formations potitiques pour la prise du pouvoir ont cree un climat de violence inaccoutumee. On decouvre egalement dans ce roman la misere des banlieues, la precarite des constructions, le mauvais etat des chaussees et une palette de maux sociaux qui reduisent les homines a la misere la plus profonde, Les deux amis d'enfance du heros, Kouyate et Bilali sont accuses de complot et executes. Fatoman est retenu prisonnier dans une forteresse régentée par un monstre professant une ideologie du pouvoir absolu et ne dédaignant pas, le cas éehéant, de remplir ses fonctions de bourreau. C'est grace ä 1'intervention miracuieuse du petit serpent que Fatoman réussira ä s'echapper des griffes du monstre et á fuir la citadelle oil il le retenait prisonnier. Un lion noir remet ä Fatoman un bätonnet ďor, symbole de la justice, se (eve et inaugure une ere nouvelle pour la Guinée. Dramouss constitue ie bilan de huit années ďéchec du regime socialiste de Sekou Touré relate par un homme qui en fut un témoin et, dans une certaine mesure, un des acteurs. La quatriěme oeuvre publiée par Camara Laye, Le Maitre de la parole, constitue un document de témoignage d'une grande importance pour les Africains. En effet, il 1'ecrit pour permettre ä 1'Afrique de ne pas perdre ses valeurs fundamentales, á partir de son experience pendant vingt ans. Entre 1956 et 1976, Camara Laye a parcouru effect! ve-ment plusieurs pays ď Afrique, notamment le Ghana, le Togo, le Benin, le Liberia, le Nigeria, la Sierra Leone, la Cöte ďlvoire, la Guinée Bissau, la Gambie, y recueillant auprěs des griots et des vieillards des témoignages sur 1'histoire veritable du continent et des enseig.neme.nts sur sa vision du monde. En měme temps 1'ouvrage precede ä la rehabilitation du griot, Tune des institutions traditionnelles les plus fiables en matiěre ďinformation et de formation. Le marasme africain dans le domaine sociopolitique s'explique par 1'éclatement des anciennes structures sociologiques et par le manque d'enraeinement dans le creu-set des valeurs traditionnelles. En definitive, 1'oeuvre de Camara Laye a su répondre aux exigences esthétiques et idéologiques que pose la pratique de la littérature en Afrique. Tout en accordant une attention particuliěre á la langue qu'il veut pure, étincelante et expressive, il n'a pas perdu de vue les problé-matiques sociopolitiques ainsi que les multiples défis auxquels 1'Afrique et le monde sont confrontés. L'ecriture de Laye s'inscrit ainsi dans un mouvement dialectique entre jeu poétique et esthétique, et enjeux politiqucs et idéologiques, ce qui en fait un veritable classique de la littérature africaine francophone. CEUVRE - L'Enfant Noir, Paris, Plön, 1953, 202 p.; nombreuses rééd. cn pochc. - Le Regard du Roi, Paris, Plön, 1954 ; recti. Presses Pocket 1965, 252 p. - Dramouss, Paris, Plön, 1966; recti. Presses Pocket 1974, 245 p. Le Maiirc de la parole, kouma lafóla kouma, cn coilab. avec Condé, Babou (texte rccueüli et traduit du malinké). Paris, Plön, 197R,314p.